L'avis 139 du CCNE constitue une étape importante dans son histoire. Le CCNE étant à l'image de notre société, l'avis que nous avons remis au Président de la République en septembre 2022 n'a pas fait l'unanimité.
Si les soins palliatifs ont beaucoup évolué dans les hôpitaux depuis plusieurs années, une vingtaine de départements français ne disposent toujours pas d'une unité active de soins palliatifs.
La formation en soins palliatifs n'est pas suffisamment développée dans la formation initiale.
L'accompagnement de la personne dans un hôpital interroge sur le financement de l'hôpital, aspect qui ne figure pas dans le projet de loi, mais que vous devrez aborder lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment la tarification à l'activité. En effet, force est de constater que la tarification à l'activité favorise l'acte technique au détriment de l'acte humain.
Le budget actuel des soins palliatifs s'élève à 1,7 milliard d'euros et 2,7 milliards à dix ans. Au-delà des moyens financiers, il importe que la communauté médicale prenne conscience de la nécessité de construire un plan personnalisé pour une personne qui entre dans un parcours de soins particulièrement difficile. Il s'agit du principal enjeu de la stratégie décennale et des soins d'accompagnement. Un tel plan peut conduire à la guérison, mais également à la fin de vie.
Nous déplorons en effet l'insuffisance de PU-PH.
La recherche sur les soins palliatifs n'est pas une recherche de rupture. Il conviendra que le ministère de la recherche fixe des priorités à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et à l'Agence nationale de la recherche afin que cette recherche sur les soins palliatifs soit réalisée.
Vous avez procédé à une évaluation de la loi de 2016. Cette loi n'est pas suffisamment appliquée. 12 % de nos concitoyens ont rédigé leurs directives anticipées. La sédation profonde et continue jusqu'au décès n'est pas suffisamment pratiquée dans les unités de soins palliatifs. Dans les échanges que nous avions organisés en 2016 avec les représentants des soins palliatifs, le mot « continue » faisait débat. Nous nous sommes alors demandé comment qualifier la sédation profonde et continue jusqu'au décès. J'avais la faiblesse d'avancer qu'il s'agissait d'une aide à mourir, mais Jean Leonetti m'opposait qu'il s'agissait de la conséquence d'un traitement qui conduit à la mort. Le sujet était donc déjà prégnant en 2016.
Au-delà, je pense que la loi de 2016, même bien appliquée, ne répond pas à toutes les situations. Elle répond néanmoins à un grand nombre de situations lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, c'est-à-dire à quelques semaines.
La difficulté à laquelle nos concitoyens sont confrontés réside dans la manière de faire la part des choses entre la solidarité, la fraternité et l'autonomie. Nous avons essayé d'identifier en quoi ces deux notions se complétaient et devaient s'engager de front.
La première loi sur les soins palliatifs date de 1999. En 2002, la loi Kouchner a représenté un jalon essentiel en matière d'autonomie, car elle autorisait un patient à demander l'arrêt de ses traitements, quitte à obérer son pronostic vital. Dès lors, la loi de 2016 a intégré les personnes qui avaient arrêté leur traitement et dont le pronostic vital était engagé dans la possibilité de sédation profonde et continue jusqu'au décès.
La complémentarité entre solidarité et autonomie a constitué le fil conducteur des travaux du CCNE. Il lui appartenait de déterminer s'il existe une réponse éthique à une demande active à mourir. Il a répondu affirmativement, mais sous certaines conditions. Ces conditions figurent dans les articles 5 à 12 du projet de loi.
Les débats renforcent la démocratie parlementaire. Le Parlement joue son rôle lorsqu'il aborde de tels sujets. Ces échanges se déroulent toujours dans une ambiance de respect, de tolérance et de dialogue éthique.
Il nous a été reproché de ne pas utiliser le mot « euthanasie » et l'expression « suicide assisté ». Ce choix est pertinent, car il ne s'agit pas de choisir entre la vie ou la mort puisque la mort est imminente, mais d'identifier le chemin le moins douloureux pour y parvenir.
D'aucuns prétendent que nous libérons un espace du possible et s'interrogent quant à la pertinence de l'ingérence de notre République dans des sujets individuels. La loi se limite à fixer un cadre d'expression de la solidarité. L'accompagnement contre la douleur constitue donc une priorité tout en préservant la liberté de chacun de choisir son dernier moment.
Certes, on peut s'interroger quant à l'autonomie d'une personne en situation de vulnérabilité et la réponse n'est pas simple. Dès lors, le dialogue avec le patient doit être mené collégialement de sorte à clarifier sa demande et à cheminer avec lui dans la voie qu'il a choisie.