Notre réflexion a intégré les évolutions survenues dans le champ de la médecine. Cependant, les progrès techniques et scientifiques engendrent des situations nouvelles de fin de vie, des situations de vie possiblement prolongée, une redéfinition des notions de finitude et de vulnérabilité. Ce sont de nouvelles réalités qui confrontent les médecins, à moyen et long termes, à la souffrance qu'une personne ressent face à la question de sa finitude.
Le corollaire de cette réalité réside dans la nécessité de réfléchir à d'authentiques politiques d'accompagnement de ces situations de vulnérabilité, tant dans le domaine des soins palliatifs que pour le vieillissement ou les situations de handicap. La médecine ne peut pas contribuer à engendrer des situations de grande complexité et de grande vulnérabilité sans se donner les moyens de les accompagner.
L'avis 139 stipule d'ailleurs que la condition sine qua non d'une évolution éventuelle du droit en matière de fin de vie réside dans une politique volontariste d'accès pour tous à des soins palliatifs. Dès qu'une personne est atteinte d'une maladie potentiellement létale, la nécessité d'un accompagnement et d'un traitement pour soulager un inconfort ou une perturbation de la qualité de la vie s'impose.
Dans notre société, se pose également la question de la souffrance existentielle de ces personnes confrontées à cette fragilité et à cette vulnérabilité qu'elles éprouvent pour elles-mêmes dans un environnement qui ne facilite pas l'estime de soi et le sentiment d'exister lorsqu'on est atteint d'une maladie grave. C'est pourquoi il est nécessaire de développer une politique affichant la volonté puissante de ne pas enfermer la question de la fin de vie dans le champ de la médecine.
Certes, les unités de soins palliatifs, les équipes mobiles, les lits identifiés ont un rôle qu'il faut renforcer, mais la nécessité d'une autre forme d'expression de la solidarité, d'un accompagnement non médicalisé s'impose. D'ailleurs la création de maisons d'accompagnement est en cours de réflexion.
Corrélativement, le développement de la formation sur ces questions est fondamental, car elle n'a pas suivi les évolutions de la médecine. Les progrès techniques et scientifiques de la médecine sont plus rapides que notre capacité à appréhender la complexité qu'ils engendrent. Il est essentiel d'enseigner également la modestie, l'humilité et l'approche par l'interdisciplinarité des situations complexes que nous contribuons à générer. Aucun programme ne le prévoit actuellement alors qu'il serait utile que ces enseignements figurent dans la formation initiale.
La recherche constitue le deuxième levier qu'il importe d'actionner. La recherche est indispensable pour produire de la connaissance, de la compréhension et des propositions d'amélioration. Cette recherche sur des questions relatives à la fin de vie oblige à une approche interdisciplinaire, philosophique, sociologique, psychologue, autant que les médecins, les soignants et les infirmières. Universitariser ces questions constitue un enjeu fondamental pour l'avenir.
Notre principale préoccupation réside non seulement dans le respect de la volonté d'une personne, mais également dans la nécessité d'une forme de solidarité envers cette personne. Appréhender la notion de volonté de mourir nécessite beaucoup d'humilité, du temps, de la formation et de l'interdisciplinarité. La demande ne signe pas la volonté. Les travaux de recherche qui ont été publiés à ce sujet montrent qu'une majorité des demandes d'aide à mourir disparaît lorsqu'un accompagnement de grande qualité est conduit. Toutefois, elles ne disparaissent pas toutes et ce constat nous a amenés à réfléchir à une évolution du droit.
Le devoir de solidarité, corollaire du respect de la volonté des personnes, consiste à accompagner les personnes. Les situations que nous évoquons sont relativement exceptionnelles, ce qui ne signifie pas qu'elles n'existent pas. Il importe d'accompagner la détresse existentielle inhérente à la maladie. On ne peut pas impunément augmenter l'espérance de vie avec la maladie et ne pas se donner les moyens d'accompagner ces situations, rares et exceptionnelles. Il convient de repenser la solidarité autrement que dans un registre idéologique.
L'accompagnement d'une personne qui s'administrera ou absorbera un produit létal peut-il être considéré comme un soin ? Je vous propose de ne pas répondre à cette question, car maintenir cette dimension comme une question me semble fondamental dans l'exercice même du soin.