La question de savoir si ce projet de loi est protecteur non seulement pour les patients et les citoyens, mais également pour les professionnels de santé est importante, car les jeunes générations de soignants se réfèrent à la loi.
Une grande majorité des décès enregistrés en France survient dans une unité médicalisée, à savoir l'hôpital, les urgences ou un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Cela signifie que notre société a évolué. En deux générations, la mortalité jusqu'alors « familiale » a été confiée à des structures médicalisées. Ce constat interroge quant au rôle du médecin parce que la réponse médicalisée à une question sociétale n'a pas été fondamentalement analysée.
Nous retrouvons des propositions de l'avis du CCNE dans ce projet de loi qu'il ne nous appartient pas de commenter. Il a été très difficile de trouver une position d'équilibre entre des aspirations citoyennes individuelles, l'autonomie, la liberté individuelle, cette grande valeur éthique fondamentale, et une vision plus large qui engloberait l'ensemble des soignants. Nous souhaitons tous améliorer les conditions de fin de vie et éviter que les personnes en fin de vie soient refoulées de plusieurs établissements ou services pour finalement mourir sur le brancard des urgences. Une grande démocratie qui dispose d'un bon système de santé doit proposer des conditions de fin de vie plus humaines.
Le débat est nourri autour de cette question de savoir si notre mort nous appartient ou si elle appartient à cette société qui l'a confiée au corps médical et aux soignants. Il faut en sortir et identifier une solution qui respecte non seulement l'autonomie et la liberté individuelle, mais également une vision plus globale de solidarité.
Le chemin que propose le projet de loi me semble conforme aux suggestions contenues dans l'avis 139 du CCNE. Ce chemin est difficile et il appartient à chacun de nous de finir de l'inventer et de le construire.
Le CCNE n'a pas osé approfondir la problématique des mineurs. Il a malgré tout insisté sur la nécessité de progresser sur les unités de soins palliatifs dédiées aux mineurs. Selon moi, ce projet de loi constitue une étape et il sera probablement suivi d'autres lois à l'avenir. Néanmoins, sur des sujets aussi difficiles, complexes, humains, intimes que la perte d'un enfant, il faut peut-être savoir s'arrêter sans trembler et prendre le temps de réfléchir.
Enfin, s'agissant de la notion de moyen terme, il me semble urgent de rester dans le flou. La médecine évolue très rapidement et fait des progrès considérables, y compris probablement, à l'avenir, dans des impasses thérapeutiques qui existent encore en oncologie, voire dans le domaine des maladies neurodégénératives. Il s'avère donc très complexe de définir le moyen terme pour un patient, car cette notion est très individuelle et fait intervenir de nombreux facteurs. Les équipes pluridisciplinaires décideront au cas par cas, sans se conformer à des normes.