Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 17 avril 2024 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission entend M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l'exercice 2023 et sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2023 ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 et sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes.

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Mes chers collègues, je vous rappelle tout d'abord que M. Pierre Moscovici, que nous auditionnons en sa double qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et de Premier président de la Cour des comptes, est connecté à distance à l'audition, car il se trouve à New York, dans le cadre de la mission de certification des comptes de l'ONU dont est chargée la Cour des comptes actuellement.

Néanmoins, compte tenu de l'importance des sujets évoqués, je le remercie de s'être rendu disponible pour pouvoir évoquer avec nous le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de l'État pour l'année 2023 ; la certification des comptes de l'État par la Cour des comptes ; l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de stabilité que le Gouvernement va présenter aux institutions européennes et l'avis du Haut Conseil sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

Cette audition sera suivie, à 17 heures, de celle du ministre chargé des comptes publics, M. Thomas Cazenave. L'ensemble de ces travaux permettront ainsi de préparer au mieux le débat en séance publique relatif aux orientations et à la programmation des finances publiques (LPFP), qui aura lieu lors de la reprise des travaux en séance publique de notre Assemblée, lundi 29 avril à 15 heures. L'audition du président Moscovici va très certainement enrichir notre réflexion dans la perspective de ce débat en séance publique.

Nous pouvons d'emblée relever que si l'avis du Haut Conseil sur le projet de loi de règlement estime que l'écart entre le solde structurel prévu pour 2023 et celui fixé dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) n'est pas suffisamment important pour mettre en œuvre les mesures correctrices prévues par l'article 62 de la loi organique relative aux lois de finances, l'avis rendu sur le programme de stabilité ne laisse pas d'inquiéter, lorsqu'il relève que la prévision de trajectoire des finances publiques manque de crédibilité et de cohérence.

Permalien
Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Je vous remercie de votre invitation. Notre mission d'assistance au Parlement est selon moi essentielle dans la mesure où elle nous met directement à contribution pour informer les parlementaires et les citoyens sur la conduite des affaires publiques.

Malgré le format un peu inhabituel de cette audition, je tiens à vous présenter différents travaux publiés aujourd'hui, qui ont tous en commun d'expliquer la situation de nos finances publiques et leurs perspectives. Cette année, la dégradation assez spectaculaire des finances publiques change la donne et confère un caractère d'alerte et d'urgence. Je rappelle que le déficit public est très élevé en 2023 : il est supérieur de 0,6 point de PIB à celui qui était initialement prévu dans la programmation. L'augmentation significative de l'endettement et la hausse spectaculaire du coût de la dette appellent une action déterminée.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de remercier devant vous les artisans de ce très important travail : Carine Camby, présidente de la première chambre ; Lionel Vareille, rapporteur général du rapport sur le budget de l'État, sous la supervision d'Emmanuel Giannesini contre-rapporteur pour la certification des comptes ; Denis Soubeyran, rapporteur général, sous la supervision de Jean-Luc Fulachier, contre-rapporteur. Je ne peux citer l'ensemble des personnes qui ont contribué à ces rapports, mais je tiens à leur exprimer toute ma gratitude. Je remercie également Éric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques, les membres du HCFP, ainsi que la petite équipe qui compose son secrétariat permanent, qui n'a pas ménagé ses efforts dans des conditions toujours plus difficiles. Nous sommes saisis toujours plus tard d'avis qui sont toujours plus complexes à réaliser.

Je souhaite débuter mon propos en ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, par la présentation du rapport sur le budget de l'État en 2023. La loi organique relative aux lois de finances confie à la Cour le rôle essentiel d'examiner l'exécution budgétaire. Comme son titre l'indique, ce rapport analyse uniquement le budget de l'État, sans inclure les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale, sinon dans de brefs chapitres, au titre des financements que l'État leur procure.

Dans notre rapport public annuel publié le mois dernier, nous avions relevé le risque relatif à l'exercice 2023. Pour ce qui concerne l'État, ce n'est plus un risque, mais désormais une certitude ; l'année 2023 est une année grise et peut-être même une année noire. Le déficit budgétaire de l'État en 2023 est le deuxième le plus dégradé jamais enregistré. Il atteint presque le niveau record de 2020, qui avait été frappé de plein fouet par la crise sanitaire. Le déficit atteint cette année 173 milliards d'euros, soit 21 milliards d'euros de plus qu'en 2022 et 9 milliards d'euros de plus qu'initialement prévu dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. La comparaison avec l'année 2019 est peut-être encore plus frappante et parlante, puisque le déficit a quasiment doublé en quatre ans.

Si cette situation tient en premier lieu à une loi de finances initiale peu ambitieuse, elle est aggravée par des facteurs multiples. S'agissant des dépenses, le constat est clair et plutôt décevant. Nous n'avons pas profité du reflux des dépenses exceptionnelles de crise et de relance pour diminuer les dépenses de l'État et réduire le déficit. Après avoir augmenté de 110 milliards d'euros entre 2019 et 2022, les dépenses du budget général de l'État auraient dû logiquement diminuer. L'année 2023 a en effet été synonyme d'un reflux des dépenses exceptionnelles, avec une baisse de 28 milliards d'euros des dépenses liées à l'urgence sanitaire et à la relance. Mais cette baisse a été plus que compensée par la hausse des autres dépenses, dont le volume supplémentaire s'élève à 29,4 milliards d'euros.

Les dépenses totales de l'État ont ainsi atteint 454,6 milliards en 2023, soit 1,9 milliard d'euros de plus qu'en 2022. Toutes les composantes de la dépense de l'État ont progressé en 2023. Les mesures nouvelles décidées pour l'année 2023 atteignent près de 15 milliards d'euros, notamment pour prolonger les dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l'énergie.

La croissance des dépenses de l'État est aussi due à la hausse continue des dépenses ordinaires. La Cour estime leur progression à 14,5 milliards d'euros en 2023, contre moins de 2 milliards d'euros en 2022. Cette progression est notamment due à la charge de la dette (3,2 milliards d'euros supplémentaires), à l'augmentation de la masse salariale (6 milliards d'euros) avec l'augmentation de la valeur du point d'indice en 2022 et en juillet 2023, et parallèlement, à l'augmentation significative des effectifs de l'État (8 991 ETP supplémentaires).

De surcroît, alors qu'ils ne dépassaient pas quelques milliards d'euros avant la crise sanitaire, les reports de crédits atteignent des niveaux inédits depuis quatre ans : 16 milliards d'euros de crédits de 2023 ont de nouveau été reportés sur 2024. La perpétuation de ces reports massifs altère la sincérité du niveau de solde voté par le Parlement. Surtout, cette pratique nuit à une maîtrise résolue des dépenses.

Ces augmentations et ces reports étaient en réalité tous prévus et tous autorisés par la loi de finances et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le constat est assez singulier à l'aube d'une trajectoire qui était déjà exigeante et qui était supposée ramener le déficit public sous le seuil des 3 %. C'est la raison pour laquelle j'évoquais initialement une LFI peu ambitieuse. Pour le dire simplement, la quasi-stabilité des dépenses de l'État entre 2022 et 2023, malgré le reflux très important des dispositifs de sortie de crise, retarde encore la maîtrise des dépenses. Après une année aussi décevante sur ce terrain-là, il est indispensable que les revues de dépenses lancées l'année dernière prennent toute leur ampleur et qu'elles donnent lieu à des économies pérennes et assez importantes.

De leur côté, les recettes de l'État baissent en 2023, après deux années très dynamiques. Cette mauvaise surprise ne fait qu'aggraver le déficit. En 2023, les recettes nettes du budget général ont diminué de 8,2 milliards d'euros par rapport à 2022 et elles se sont avérées inférieures de 7,4 milliards d'euros à la prévision de la LFI.

La diminution constatée par la Cour provient surtout de la baisse très marquée des recettes fiscales à hauteur de 7,4 milliards d'euros et de l'augmentation des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales (1,3 milliard d'euros). Par ailleurs, la Cour analyse la baisse des recettes fiscales nettes en 2023 comme un signe de désarmement des recettes de l'État, qui réduit d'autant ses marges de manœuvre pour l'avenir. Cette diminution en valeur est en effet une véritable singularité, alors même que 2023 a été une année de croissance, même modeste. À cet égard, j'entends dire ici ou là qu'un retournement conjoncturel expliquerait cette dégradation. Cela n'est pas le cas, puisque la croissance a été de 0,9 %, en ligne avec la prévision de 1 %.

Quelle en est la cause ? Il s'agit en partie des transferts de TVA, dont l'État n'est plus qu'un attributaire minoritaire. En conséquence, les recettes de l'État sont plus volatiles et moins corrélées à la croissance économique. Plus généralement, le rendement de tous les grands impôts est en baisse. Par exemple, l'État perd 10,5 milliards d'euros de TVA supplémentaires dans le cadre de la compensation pour les collectivités de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Comment expliquer cette mauvaise surprise de 2023 sur les recettes fiscales de l'État ? Plusieurs événements postérieurs à la loi de finances de fin de gestion expliquent cet écart inhabituel de près de 8 milliards d'euros. Une partie d'entre eux relève d'évolutions qui étaient difficilement prévisibles, mais une autre partie aurait pu être anticipée au cours des débats parlementaires de novembre. En particulier, les revenus de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité étaient estimés à 12,3 milliards d'euros en LFI. Ce montant a été réduit à moins de 3 milliards d'euros en loi de finances de fin de gestion et il n'a finalement représenté que 0,6 milliard d'euros. Je suis, comme vous, attaché à ce que les raisons à l'origine d'un tel écart, extraordinairement rare en matière de prévisions fiscales, soient pleinement établies. L'administration l'explique par la baisse des prix de l'électricité durant l'année 2023, alors que cette imposition exceptionnelle a été estimée fin 2022 lorsque ces prix étaient au plus haut. Mais la baisse de l'inflation était tout de même anticipée. Des analyses complémentaires sont en cours pour apprécier si d'autres facteurs ont pu jouer.

Ces évolutions négatives sur les volets des recettes comme des dépenses ont contribué à accroître le besoin de financement et la dette de l'État, qui atteignent des niveaux plus que préoccupants. En comptabilité budgétaire, le besoin de financement de l'État atteint le niveau historique de 314,6 milliards d'euros, soit quasiment le montant des recettes fiscales de l'État. Ce besoin de financement est constitué par le déficit à financer, d'une part, et par le remboursement des emprunts arrivés à échéance, d'autre part. En d'autres termes, pour couvrir ses dépenses, l'État a emprunté quasiment autant, sous une forme ou une autre, qu'il a perçu en impôts.

Cette évolution montre bien les difficultés à sortir réellement du « quoi qu'il en coûte » et à reprendre le contrôle de nos finances publiques. Le corollaire de ce besoin de financement en hausse est bien entendu l'augmentation continue de l'encours de la dette, qui a augmenté de 6,5 % sur l'exercice 2023. En comptabilité budgétaire, la charge de la dette a aussi continué d'augmenter de manière soutenue après la brusque accélération de 2022. La charge de la dette s'est élevée à près de 54 milliards d'euros en 2023, contre 50,7 milliards d'euros en 2022.

Cette tendance est évidemment préoccupante, particulièrement dans un contexte où les taux d'intérêt ont augmenté et où les projections indiquent une progression continue de la dette. La loi de programmation des finances publiques prévoit en effet dans son scénario central d'évolution des taux une hausse de la charge en intérêts de 9,5 milliards d'euros en 2024 et de près de 36 milliards d'euros à l'horizon 2027.

À l'issue de cette année très difficile pour les finances publiques, j'aimerais partager avec vous un message d'alerte et de vigilance. L'absence de réformes et d'économies structurelles en 2023 pèsera fortement sur la trajectoire de retour du déficit à un niveau soutenable. Alors que se pose la question du financement des investissements nécessaires à la croissance et la transition écologique, la situation financière de l'État ne sera soutenable qu'au prix d'efforts considérables sur d'autres dépenses. Je le redis : ces efforts sont difficiles, mais ils sont encore possibles. Ils ne sont contradictoires ni avec une politique de croissance, ni avec le maintien du modèle social français, ni avec les exigences de la transition écologique, s'ils portent sur les dépenses peu efficaces, c'est-à-dire les dépenses de faible qualité.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour a proposé un mode d'emploi pour passer au tamis la qualité des dépenses publiques, mais nous avons incontestablement perdu un an. Il faut aller plus loin, car le temps presse. La Cour a été saisie par le Premier ministre ce sens. Elle contribuera aux revues de dépenses, à sa place et dans son rôle. Nous proposerons des réformes et des économies inspirées par cette approche par la qualité.

J'en viens désormais brièvement à la présentation de l'acte de certification des comptes de l'État par la Cour. Cette certification consiste à donner une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. Cette mission est une prérogative de puissance publique, déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l'État et de la sécurité sociale. Elle ne peut pas être prise à la légère. Les réserves formulées par la Cour devraient à mon sens faire l'objet de toute l'attention de l'administration, afin de les faire disparaître.

Encore une fois, la Cour, dans son rôle de commissaire aux comptes de l'État, exprime une opinion avec réserves sur les comptes pour 2023. Ces comptes présentent en effet sur certains points des anomalies significatives par rapport aux normes applicables, ou l'administration n'a pas été en mesure de justifier les chiffres de certains postes importants sans qu'une anomalie ne soit certaine.

Par rapport à 2022, deux réserves importantes ont été levées, et non des moindres, puisqu'il existait une incertitude sur le montant futur des charges de retraites des fonctionnaires et une autre sur le montant des dettes de trésorerie de l'État envers les correspondants du Trésor. En revanche, une nouvelle réserve apparaît : il s'agit de l'absence de mentions, parmi les engagements donnés par l'État, de la garantie du remboursement de l'emprunt émis par l'Union européenne (UE) pour financer le plan de relance européen. Cet engagement peut être évalué à 75 milliards d'euros.

Au total, si les comptes de l'État sont riches, utiles en information et représentent un grand progrès par rapport à la situation prévalant avant 2006, il reste encore un peu de chemin à parcourir avant qu'ils ne puissent être certifiés sans réserve. La situation financière de l'État, telle qu'elle ressort de ces comptes 2023 est accompagnée d'une note d'analyse de la Cour complétant utilement la vision du rapport sur l'exécution du budget de l'État.

Permettez-moi de conclure sur la certification en attirant votre attention sur un point technique, mais qui a toute son importance. Nous nous étonnons en effet que lorsque le Gouvernement communique sur les comptes de l'État, il ne mentionne pas systématiquement les réserves récurrentes de la Cour. Quelle entreprise pourrait, comme l'État, présenter des comptes présentant durablement des anomalies ou des réserves sans signaler cette situation aux utilisateurs de ces états financiers ?

Parallèlement à ces deux rapports, et conformément aux dispositions prévues par loi organique, le Haut Conseil des finances publiques a rendu aujourd'hui deux avis. Le premier concerne le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 ; le second porte sur le programme de stabilité pour les années 2024-2027.

L'avis sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion concerne le solde structurel de l'ensemble des administrations publiques, c'est-à-dire non seulement l'État, mais aussi ses opérateurs : les administrations de sécurité sociale, les collectivités territoriales et leurs opérateurs. Cet avis doit juger si l'écart entre le solde structurel réalisé et celui de la loi de programmation des finances publiques est important.

Permettez-moi un petit rappel méthodologique : si le Haut Conseil venait ou était venu constater que cet écart est ou était important, cela déclencherait ou aurait déclenché automatiquement le mécanisme de correction prévu par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire (TSCG). Le Gouvernement devrait ou aurait dû alors en tenir compte au plus tard dans le prochain projet loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année et présenter des mesures de correction envisagées.

Or, comme vous le savez, les résultats présentés par l'Insee à la fin du mois de mars font état d'un déficit public plus élevé que celui prévu par la LPFP de 0,6 point de PIB. Le déficit s'est établi à 5,5 points de PIB, alors qu'il était prévu à 4,9 points de PIB dans la LPFP. Cet écart se traduit par un écart de 0,5 point sur le solde structurel, qui constitue justement le seuil du déclenchement du mécanisme de correction. En effet, la croissance était un peu moins forte que prévue, de 0,1 point. Une petite partie de l'écart est donc de nature conjoncturelle.

Pour juger si cet écart est important, le Haut Conseil doit tenir compte des circonstances exceptionnelles. Or, dans son avis rendu le 17 mars 2020, sur le premier projet loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, le HCFP avait constaté, à la demande du Gouvernement, que la crise sanitaire et ses répercussions économiques et financières constituaient indéniablement des faits inhabituels et indépendants de la volonté du Gouvernement, qui relevaient donc des circonstances exceptionnelles. Depuis, cette clause est restée en vigueur.

Le Haut Conseil constate dans son avis publié aujourd'hui que ces circonstances exceptionnelles ne sont plus réunies et qu'elles ne doivent pas être prises en compte dans l'examen du présent projet de loi. En effet, les conditions d'exercice de l'activité économique qui avaient fortement pâti en 2020 et 2021 de la crise sanitaire, puis de la crise énergétique en 2022, se sont depuis nettement améliorées. En 2023, l'activité a continué de croître et l'inflation a reflué. Le Haut Conseil a donc décidé de lever les circonstances exceptionnelles, mais il constate toutefois que l'écart de 0,5 point entre le solde structurel pour 2023 et celui prévu par la LPFP résulte pour partie d'un changement d'ordre méthodologique. Ce changement est lié au passage de l'ensemble des données de comptes nationaux de la base dite 2014 à la base dite 2020.

Corrigé du changement de base, l'écart observé entre le solde structurel réalisé et celui prévu par la LPFP est donc de 0,36 point du PIB. Il ne peut donc pas être considéré comme important au sens de l'article 62 de la loi organique. Dans ces conditions, le Haut Conseil a estimé qu'il n'y avait pas lieu de déclencher le mécanisme de correction au titre de l'année 2023.

Cependant, ce n'est pas parce que cet écart n'est pas important au sens de la loi organique qu'il n'est pas significatif. Conserver durablement un déficit élevé n'est pas sans conséquences, puisque cela ne permet pas de réduire notre ratio de dette publique, déjà parmi les plus élevés d'Europe. Je l'ai déjà dit souvent devant vous : notre désendettement est impératif pour retrouver des marges de manœuvre et permettre à la France de faire face à d'éventuels chocs économiques, sans compter les investissements nécessaires en faveur de la transition écologique et d'autres transitions. La trajectoire de finances publiques de la loi programmation, que le Haut Conseil avait jugée optimiste quand elle lui a été soumise pour avis, est d'ores et déjà remise en cause, seulement quatre mois après avoir été communiquée.

J'en viens à présent au deuxième avis du Haut Conseil sur le programme de stabilité pour les années 2024-2027. Comme les années précédentes, le Haut Conseil des finances publiques a été saisi d'un programme de stabilité (PSTAB) pour les années 2024-2027, qui sera vraisemblablement le dernier. En effet, la nouvelle réforme de la gouvernance économique européenne remplacera les programmes de stabilité par des programmes dits budgétaires et structurels de moyen terme, fixés pour au moins quatre ans et déterminant une trajectoire non plus de solde public, mais d'évolution de la dépense publique.

Ce projet est désormais presque à son terme. Il prévoit une saisine obligatoire des institutions budgétaires indépendantes sur les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes, mais seulement huit ans après que les règles seront entrées en vigueur. Rien n'interdit toutefois d'introduire cette obligation de saisine dès la transposition des règles en droit français et, ainsi, de prévoir une saisine annuelle du HCFP sur le déroulement de ces programmes. Pour vous le dire franchement et assez nettement, il me semble vraiment nécessaire de le prévoir pour pouvoir continuer à éclairer au mieux le Parlement et les citoyens sur les perspectives d'une dépense publique par une analyse impartiale, objective et pluraliste. Il me paraîtrait paradoxal qu'une approche plus nationale de la situation budgétaire des pays membres de l'UE se traduise par un recul du rôle de leurs institutions budgétaires indépendantes.

À la suite de nombreuses alertes sur nos finances publiques depuis le début de l'année 2024, et dans un contexte dégradé, le Gouvernement s'est doté d'une nouvelle trajectoire, profondément modifiée, qui était nécessaire. Notre avis sur le programme de stabilité s'articule autour de deux grands messages.

D'abord, les hypothèses présentées par le Gouvernement sont trop optimistes, comme nous en avions déjà fait part lors de notre avis l'an passé. Il est utile pour cela de revenir un instant sur la LPFP promulguée en fin d'année dernière. Lorsqu'il avait rendu son avis sur le projet de LPFP, le HCFP avait estimé que le scénario de croissance du Gouvernement était optimiste. Il avait relevé que la trajectoire de finances publiques était peu ambitieuse au regard des objectifs européens de la France, alors même qu'elle supposait déjà la réalisation d'importantes économies structurelles, qui restaient à préciser.

De fait, le Gouvernement prend acte, dès ce programme de stabilité, que la trajectoire de la LPFP promulguée il y a moins de quatre mois a été construite sous des hypothèses trop optimistes et qu'elle doit être profondément modifiée. Le Gouvernement a ainsi corrigé à la baisse de 0,8 point sa trajectoire de croissance sur la période 2023-2025 dans le programme de stabilité. Il a eu raison d'agir de la sorte : la croissance était de 0,9 % en 2023, contre une prévision de 1 % en loi de programmation, et l'économie française a été quasiment à l'arrêt au second semestre 2023.

Le Gouvernement a ainsi révisé à 1 % sa prévision de croissance pour 2024, soit 0,4 point de moins que la prévision précédente. Notons toutefois que cette prévision reste encore supérieure au consensus des économistes ou, par exemple, à la prévision de croissance pour la France présentée hier par le Fonds monétaire international (FMI), qui n'est pas d'ordinaire une institution pessimiste.

Le scénario macroéconomique à l'horizon 2027 reste toutefois encore optimiste. Il suppose un fort rebond du commerce mondial, qui n'est pas acquis dans un contexte d'obstacles croissants aux échanges internationaux, et une forte baisse du taux d'épargne des ménages qui, si elle n'est pas impossible, est assez peu probable au regard du passé.

L'évaluation du PIB potentiel associé n'a été réalisée qu'à la marge et reste donc avantageuse. Celle-ci suppose d'abord des gains de productivité sensiblement plus élevés que les tendances observées avant la pandémie de Covid 19, et a fortiori celles observées depuis. Elle suppose également une augmentation de l'emploi total, liée notamment aux réformes des retraites et de l'assurance chômage, qui nous paraît un peu surestimée. Le HCFP considère que l'estimation par le Gouvernement de l'écart de production actuel est optimiste puisqu'il estime qu'il est de -1,1 point en 2023. Cet écart n'est pas, à notre sens, en ligne avec les tensions persistantes sur les recrutements.

Malgré un scénario de croissance qui reste favorable, il en résulte que l'écart de production – la part conjoncturelle du PIB – reste négatif jusqu'en 2027. Cela conforte le diagnostic du Haut Conseil que la trajectoire du PIB potentiel retenue dans la prévision du Gouvernement est surévaluée et pourrait donc être prochainement révisée à la baisse. Cela aurait pour conséquence d'accroître la part du déficit considérée comme structurelle, et donc en particulier l'effort nécessaire pour ramener le solde public en dessous de 3 points de PIB.

La trajectoire de finances publiques a dû aussi être révisée de manière substantielle. Elle est nettement plus dégradée que dans la LPFP. Pour 2023, le résultat sur la dette publique, soit 110,6 points de PIB, est plus élevé de 0,9 point de PIB que celui qui est prévu dans la LPFP. En 2024, le déficit public est prévu en hausse de 0,7 point par rapport à la LPFP, pour atteindre 5,1 points de PIB, malgré les nouvelles mesures d'économies prises en compte dans la prévision. Le ratio de dette atteindrait donc 112,3 points de PIB en 2024, soit une augmentation de 2,6 points par rapport à la LPFP. En particulier, la prévision de prélèvements obligatoires que le Haut Conseil avait déjà jugée optimiste dans son avis sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 – et avant même les mauvaises surprises enregistrées en fin d'année 2023 – a dû être révisée à la baisse de plus de 25 milliards d'euros en 2024. La cible de déficit public pour 2027 a été relevée à 2,9 points au lieu de 2,7 points, même si le Gouvernement maintient l'objectif d'un retour sous 3 points de PIB à cet horizon. Cette trajectoire de déficit conduit à une augmentation du ratio de dette au PIB, qui atteindrait 112 points de PIB en 2027, soit 4 points de plus que ce qui avait été prévu dans la LPFP. Alors que les autres pays les plus endettés de la zone euro réduisent leur ratio de dette, la France risque ainsi de figurer durablement parmi les trois pays les plus endettés de la zone, avec la Grèce et l'Italie, lesquels semblent effectuer plus d'efforts de leur côté.

J'en viens enfin au dernier point, qui me paraît peut-être le plus important de nos échanges de ce matin. Bien qu'il ait été révisé par rapport à une loi de programmation trop optimiste, le scénario du programme de stabilité manque à nos yeux de crédibilité et de cohérence. La nouvelle trajectoire des finances publiques présentée dans ce programme de stabilité est nettement plus dégradée que dans la LPFP. Dès 2023, notre point de départ s'éloigne fortement de ce qui était inscrit dans cette loi. Le déficit public a atteint 5,5 points de PIB en 2023 et, en 2024 il est prévu en hausse de 0,7 point de PIB par rapport à la LPFP, où il était envisagé à 4,4 points de PIB.

Compte tenu de la dégradation des prévisions de finances publiques en 2023 et 2024, la trajectoire présentée par le Gouvernement est beaucoup plus exigeante que celle de la LPFP, sur laquelle nous nous interrogions déjà. Je souhaite que ce point soit clair : nous partons d'une situation encore plus dégradée, mais le Gouvernement prévoit toujours l'objectif d'un retour sous 3 points de PIB en 2027. La pente était déjà escarpée, elle est désormais beaucoup plus raide, presque abrupte. Par ailleurs, le maintien d'un objectif de déficit public en dessous de 3 points de PIB en 2027 suppose un ajustement structurel primaire – c'est-à-dire hors charges d'intérêt – massif entre 2023 et2027, de 3,2 points de PIB sur quatre ans. Cet effort inédit s'appuierait, d'après les documents qui nous ont été fournis, quasi exclusivement sur un effort d'économies en dépenses.

Le Haut Conseil considère que cette prévision manque de crédibilité. Alors qu'un tel effort en dépenses n'a jamais été réalisé par le passé, sa documentation reste encore lacunaire et sa réalisation suppose la mise en place d'une gouvernance rigoureuse qui associe l'ensemble des acteurs concernés – État, collectivités locales, sécurité sociale – qui ne semble pas réunie aujourd'hui. Le Gouvernement indique qu'il s'appuiera sur les revues de dépenses engagées. Au vu des économies dégagées par les revues effectuées jusqu'à présent, cela suppose une accélération puissante. Nous la souhaitons, mais elle reste à démontrer.

Le Haut Conseil considère aussi que cette prévision manque de cohérence. En effet, la mise en œuvre de l'ajustement structurel prévu ne manquerait pas de peser à court terme sur l'activité économique. Je rappelle que pour 2025 le chiffre inscrit dans le programme de stabilité s'établit à 27 milliards d'euros. Les prévisions de croissance du Gouvernement, élevées d'ici 2027, ne pourraient donc être atteintes que sous des hypothèses très favorables et, en réalité très peu probables. Un scénario cohérent supposerait de changer, soit la prévision macroéconomique, soit celle des finances publiques.

Une prévision macroéconomique inchangée aboutirait ainsi à un effort de réduction des déficits qui serait probablement nettement plus faible. À l'inverse, le maintien de la cible de déficit supposerait de retenir des prévisions de croissance nettement plus faibles et des efforts en dépenses encore plus importants que ceux envisagés par la trajectoire du PSTAB, qui sont déjà pourtant inédits. Si nous souhaitons rétablir des finances publiques saines, il faut tenir un discours de vérité et établir des choix. Nous ne pouvons pas annoncer un tel ajustement structurel sans que celui-ci ne repose sur des hypothèses robustes.

Pour conclure, laissez-moi préciser que le Haut Conseil considère toujours que la réduction du déficit public et du ratio de dette est indispensable. Certes, cette réduction sera encore plus difficile que ce que nous pouvions penser il y a quelques mois. Nous avons beaucoup trop tardé à maîtriser nos dépenses, mais la réduction des déficits publics n'en est pas moins nécessaire. Elle doit s'appuyer sur une stratégie articulée et crédible de réduction du poids de la dépense publique dans le PIB et un réexamen à la baisse des diminutions de prélèvements obligatoires. La définition de cette stratégie est désormais à nos yeux urgente ; nous ne pouvons plus tarder à agir.

Au delà du respect des engagements européens, la capacité de la France à conserver la maîtrise et le contrôle des finances publiques se joue dans les prochaines années et, en réalité, dans les tout prochains mois. La priorité consistera, à nos yeux, à concilier ajustement budgétaire et amélioration du potentiel de croissance. Ce défi est considérable, j'en suis pleinement conscient, mais il est incontournable.

Nous avons trop tardé à nous attaquer à la réduction des déficits et de notre dette, comme à la maîtrise de notre dépense publique. L'effort à produire est important, mais nous ne pouvons pas nous dérober. Nous risquons tôt ou tard de payer le prix fort d'un état aussi dégradé de nos finances publiques. Afin qu'elle réussisse, cette démarche doit être menée avec courage, volonté et intelligence.

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Alors que pour l'année 2024 le Gouvernement avait retenu à l'automne 2023 une prévision de croissance que vous aviez déjà qualifié d'optimiste, la révision de cette prévision à 1 % apparaît encore assez élevée, dans la mesure où le consensus des économistes s'établit à 0,7 %, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) tablant quant à lui sur 0,5 %. Je rappelle en outre que vous aviez jugé optimistes les chiffres de la LPFP, qui avait été adoptée à la fin de l'année dernière.

Je m'interroge sur la méthode utilisée par le Gouvernement, qui vous a d'ailleurs saisi tardivement et ne vous a pas transmis l'ensemble des éléments pour éclairer ses choix de finances publiques. Compte tenu des conséquences assez regrettables qui peuvent être celles d'une prévision mal établie, ne pensez-vous pas qu'il existe un problème de méthodologie ou de philosophie d'approche des prévisions économiques par le Gouvernement ? Sans parler d'insincérité, vous avez estimé que le Gouvernement avait péché par excès d'optimisme. Vous avez indiqué que les prévisions de croissance du PSTAB sont certainement trop élevées. Vous soulignez également qu'il sera quasiment impossible de passer de 5,1 % de déficit en 2024 à 2,9 % en 2027. Au total, si l'on considère les effets cumulés de prévisions peu réalistes et de reports massifs et peu documentés de crédits, ne peut-on pas légitimement parler d'insincérité budgétaire ?

Comme le souligne la Cour, une des raisons de la baisse des recettes en 2023 est en grande partie liée au transfert toujours plus important de TVA. Depuis quelques années, la TVA est utilisée pour compenser toutes les exonérations et suppressions d'impôts : la CVAE, la taxe d'habitation, les exonérations de cotisations. Aujourd'hui, l'État ne perçoit plus que 46 % du produit de TVA. Ne croyez-vous pas que les recettes de l'État sont en danger ? L'addiction à la TVA n'est-elle pas trop importante ?

Vous indiquez que la réduction des déficits peut s'obtenir par deux moyens : la baisse des dépenses publiques et l'arrêt de la baisse des prélèvements obligatoires. La dépense fiscale a explosé depuis plusieurs années, à travers les baisses d'impôt pour les plus riches, les aides aux entreprises sans condition, les exonérations et les niches fiscales. Lorsque Mme Borne nous avait demandé une revue des dépenses l'an dernier, j'avais effectué un travail pour identifier des mesures qui pourraient être transpartisanes, à travers notamment les amendements adoptés dans cette commission pour 15 milliards d'euros. J'avais ainsi évalué que nous pouvions parvenir assez facilement à 43 milliards d'euros de recettes supplémentaires, sans changer pour autant de perspectives macroéconomiques.

À l'inverse, je ne vois pas les dépenses publiques diminuer. Par exemple, 10 milliards d'euros de crédits du budget de l'État ont été récemment annulés pour contrebalancer les prévisions de croissance trop optimistes pour 2024. Aujourd'hui, certains ministères ont rendu leur copie et les autres cherchent désespérément comment ils pourront diminuer les dépenses publiques. Dans de nombreux domaines, nous sommes donc « à l'os ». Pourquoi ne privilégiez-vous pas la piste consistant plutôt à diminuer les dépenses fiscales que les dépenses publiques ?

Par ailleurs, nous ne savons pas clairement où les 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires demandés seront recherchés. L'affichage est le suivant : 5 milliards d'euros pour l'État ; 2,5 milliards d'euros pour les collectivités territoriales et 2,5 milliards d'euros pour de nouvelles recettes liées à la taxation de la rente. Pensez-vous qu'il est raisonnable de se priver d'un projet de loi de finances rectificative, compte tenu des modifications du budget pour 2024 ?

Enfin, compte tenu du manque de cohérence et du manque de crédibilité du programme de stabilité présenté par le Gouvernement, que l'avis du Haut Conseil relève expressément avec des termes forts et qui me semblent n'avoir jusqu'à présent jamais été employés, ne serait-il pas souhaitable que le Gouvernement revoie sa copie avant de l'envoyer aux institutions européennes ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Il est vrai que le consensus se situe à 0,7 point de croissance pour 2024 ; l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) table sur 0,6 %, contre 0,9 % pour la Commission européenne et 0,7 % pour le FMI. La prévision du Gouvernement est donc indiscutablement la plus élevée, et sans doute un peu élevée.

S'agissant de l'insincérité, elle suppose une volonté délibérée de tromper ; ensuite, elle a des conséquences constitutionnelles massives. Le Conseil constitutionnel, très attentif aux considérations du Haut Conseil des finances publiques, pourrait ainsi être conduit à censurer un PLF. Si le HCFP estimait un tel projet insincère, il le dirait. Or il ne l'a pas dit dans ses avis sur les PLF pour 2023 et pour 2024. Cependant, dans son avis du 22 septembre 2023, il a signalé que la prévision de croissance était élevée. Je pense qu'il faudrait davantage en tenir compte, même si l'abaissement de la prévision de croissance à 1 % par le Gouvernement représente une première réponse à cet avertissement.

Je note que, dans l'avis de ce jour, nous utilisons un nouveau terme, qui a son importance : la cohérence. Ainsi, ce programme de stabilité n'est pas insincère, mais il manque de cohérence. Soit la prévision de croissance est trop élevée et il faudra réaliser beaucoup plus d'économies en dépenses pour ramener le déficit public sous le seuil des 3 % ; soit elle demeure réaliste, et à ce moment-là, les déficits seront moins élevés. Il importe donc d'effectuer un choix. En résumé, les femmes et les hommes qui composent le Haut Conseil, des spécialistes aux opinions extrêmement diverses, se sont accordés pour estimer que la cohérence faisait défaut.

S'agissant de la fiscalité, le Conseil des prélèvements obligatoires a attiré l'attention sur le fait que la réduction de la part de TVA affectée à l'État constituait assurément un manque de garanties pour les recettes de celui-ci. Désormais, l'État n'est plus attributaire que de 46 % des produits de la TVA, principal impôt strictement corrélé à la croissance économique. Son attribution croissante à d'autres organismes que l'État a donc pour conséquence de rendre les recettes fiscales de l'État plus sensibles à des impositions plus volatiles, notamment à l'impôt sur les sociétés.

Ensuite, nous considérons que les marges de manœuvre pour accroître les recettes sont limitées. Dans la situation compromise de nos finances publiques, nous considérons que nous n'avons pas en réalité les moyens de conduire des baisses d'impôts sèches. Naturellement, le Gouvernement est libre de voter des baisses d'impôts, mais s'il agit de la sorte, celles-ci doivent à notre sens être compensées par des économies supplémentaires. Tel est le sens de notre message. S'agissant des dépenses fiscales, nous avons publié l'année dernière une note thématique comportant quatre leviers d'action qui méritent, il me semble, toute votre attention.

Enfin, monsieur le président, je rappelle que les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, alors que le taux de satisfaction sur les services publics n'est pas toujours le meilleur. Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse dire que nous sommes « à l'os ». Il existe des dépenses insuffisamment efficaces ; nous devons fonder l'effort de maîtrise des dépenses sur la qualité de la dépense publique. Mais encore une fois, je suis trop démocrate et respectueux des institutions de mon pays et du débat public pour considérer que le débat fiscal serait interdit. Il ne l'est pas, mais il ne nous revient pas de l'ouvrir.

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Nous sommes réunis pour étudier à la fois l'exécution du budget 2023 et la stratégie des finances publiques 2024-2027. Ces deux événements sont liés puisque la dégradation subite du solde à la fin 2023 se répercute évidemment sur l'ensemble de la trajectoire. Personne ne peut nier que des événements se sont déroulés en fin d'année, que peu de personnes avaient prévus. Ainsi, je ne me souviens pas d'avoir entendu d'alertes particulières sur les recettes avant cette fin d'année 2023. En résumé, nous avons rencontré un ralentissement conjoncturel important en Europe à la fin de l'année 2023.

Selon certains, le Gouvernement établirait volontairement des prévisions trop optimistes. Cela n'est pas le cas. En 2023, nous avons tenu la prévision de croissance et le niveau de dépenses de l'État qui avaient été prévus. Ce sont donc bien des circonstances actuelles qui nous conduisent à constater un écart très important de recettes sur cette fin d'année 2023. L'hypothèse d'un déficit de 4,9 % était considérée comme plausible, même lorsque je reprends l'avis que vous avez donné, monsieur le président, sur le projet de loi de finances de fin de gestion.

S'agissant des recettes 2023, vous relevez que l'écart en pourcentage entre l'exécution des recettes fiscales nettes et la prévision associée au projet de loi de finances de fin de gestion est le plus faible depuis 2020. Vous observez que les moins-values constatées sur les recettes sociales et l'impôt sur les sociétés (IS) ont été effectivement surprenantes en fin d'année, du fait d'un ralentissement assez marqué. Je ne crois pas trahir votre rapport en considérant que ces constats surprenants, qui expliquent une large part de l'écart final, n'étaient pas anticipables. En revanche, vous vous interrogez sur le fondement des estimations successives concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crim). Je partage vos interrogations et j'ai d'ailleurs demandé aux services un certain nombre d'explications, tant les écarts sont beaucoup trop importants. Quelles sont vos premières conclusions en la matière, même si nous avons constaté que le prix spot de l'électricité a été divisé par cinq sur la période ?

Par ailleurs, vous considérez que, pour 2023, les moins-values importantes constatées sur l'impôt sur le revenu (IR) et la TVA auraient pu être réduites en tenant compte davantage des données d'encaissement au moment du dépôt du projet de loi de finances de fin de gestion. Sur quels fondements portez-vous cette appréciation ? Quelles auraient pu être les actions à entreprendre dans le cadre du débat parlementaire portant sur la loi de finances de fin de gestion ?

S'agissant des dépenses 2023, j'ai bien noté votre regret concernant l'absence d'économies structurelles sur le champ des dépenses de l'État. La lecture de votre rapport me conduit toutefois à penser que la gestion des dépenses de l'État a été sérieuse, sinon rigoureuse. Durant cet exercice, nous avons terminé l'année mieux que ce qui était prévu en matière de dépenses, avec une baisse en volume de 4,8 % sur le champ du budget général. Par ailleurs, vous observez qu'en valeur, les dépenses ont augmenté de 0,4 % sur les mêmes champs. Ce constat ne témoigne-t-il pas finalement de choix d'économies assumés et plus structurels qu'on ne le dit ?

Vous soulignez qu'en 2023, les montants des reports de crédit ont été deux fois plus élevés qu'en 2022. Un décret d'annulation a supprimé 5 milliards d'euros de crédits en septembre 2023 et la loi de finances de fin de gestion a, hors charges de la dette, ouvert des crédits autant qu'il en a annulé. Je constate comme vous – je le regrette et le dirai au ministre chargé des comptes publics – que les montants des réserves restent bien trop importants, conduisant à trop d'incertitudes sur le budget tel qu'il est examiné et voté par le Parlement. S'agissant de l'exécution 2023, nous sommes loin des caricatures décrivant une gestion hors de contrôle et sans attention portée au pilotage de la dépense publique.

Je note que le Haut Conseil ne qualifie pas d'important, au sens de la loi organique, l'écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP. Pour fonder cette appréciation, vous évoquez notamment l'impact du changement de méthodologie. L'écart est donc inférieur à 0,5 point de PIB. Pouvez-vous nous préciser la portée de ce changement, notamment sur le calcul du déficit et l'interprétation que nous devrions en faire ? Sans cet effet, le déficit aurait-il été de 5,5 % en 2023 ?

Je partage grandement votre préoccupation d'ensemble s'agissant de nos finances publiques et les alertes que vous avez soulevées. Nous sommes face à un problème sérieux qui nécessite de la constance dans l'effort. Vous prenez acte de la révision des prévisions de croissance du Gouvernement, qui implique une trajectoire des finances publiques plus ambitieuse que celle figurant dans la loi de programmation des finances publiques.

Le Haut Conseil considère par là même que la trajectoire en matière d'évolution des finances publiques manque de crédibilité, par manque de documentation des économies et par manque d'organisation entre les sous-secteurs des administrations publiques s'agissant des objectifs à atteindre. Il est vrai que le PLF pour 2025 doit être préparé sans attendre et que la marche est haute. Pouvez-vous nous préciser le degré d'avancement des revues de dépenses menées actuellement par la Cour des comptes et les principes méthodologiques que vous avez choisis ? Proposez-vous des préconisations d'économies chiffrées dans ce cadre ?

Vous considérez également que la trajectoire des finances publiques manque de cohérence et évoquez en retour un effet négatif de l'effort structurel sur la croissance. Avez-vous pu chiffrer cet effet ?

Monsieur le Premier président, la Cour ne formule-t-elle pas une injonction paradoxale ? En effet, vous nous avez assez souvent et parfois justement reproché de ne pas être ambitieux dans le redressement de nos finances publiques et la réduction de nos dépenses. Désormais, la trajectoire est par définition bien plus ambitieuse, mais vous considérez maintenant qu'elle n'est pas cohérente. Comment faire pour résoudre ce paradoxe ?

Enfin, pensez-vous que l'effort en matière de réduction de la dépense publique est justement réparti entre les trois catégories d'administrations publiques ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Monsieur le rapporteur général, vous avez justement souligné que certains éléments du recul des recettes en 2023 étaient peu prévisibles. Cependant, vous avez observé que quelques éléments pouvaient malgré tout mériter de votre part une réflexion. Ainsi, il était malgré tout envisageable que les recettes de la Crim soient moins élevées que prévu dans une année où la désinflation était déjà à l'œuvre.

Les circonstances demeurent particulières en 2023, j'en conviens, mais après un long débat, nous sommes convenus qu'elles n'étaient pas exceptionnelles au sens de la loi organique.

Vous avez estimé que les dépenses de l'État avaient été bien gérées et je n'ai pas à formuler d'avis à ce sujet. Je me réfère simplement au rapport sur l'exécution du budget, qui indique qu'en effet, les chiffres d'une réduction des dépenses exceptionnelles et d'une croissance des autres dépenses étaient annoncés par le PLF.

En revanche, nous soulignons que ces éléments aboutissent de facto à un effort insuffisant de maîtrise des dépenses, notamment des dépenses structurelles. En effet, malgré une diminution de 28 milliards d'euros des dépenses exceptionnelles, les dépenses de l'État croissent malgré tout d'1 milliard d'euros. Ensuite, l'écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP est effectivement de 0,5 point. L'impact méthodologique étant de 0,14 point, l'écart s'établit à 0,36 point, ce qui demeure assez significatif.

Par ailleurs, je vous confirme que nous avons été saisis, assez tardivement, par le Premier ministre de trois revues de dépenses sur l'assurance maladie, sur le financement des collectivités et sur les dispositifs de sortie de crise. Je ne formule pas de jugement sur la répartition des efforts entre les différents types d'administration, mais il est en effet concevable que si l'accent est mis sur la réduction des dépenses, il devrait être alors équitablement partagé. Nos équipes commencent leurs travaux et nous vous demanderons sans doute, monsieur le rapporteur général, d'y contribuer. Nous rendrons ces travaux fin juin et formulerons des propositions très concrètes.

La question de l'injonction paradoxale est en effet intellectuellement très intéressante et nous nous la sommes posée. Notre priorité porte naturellement sur la réduction des déficits, mais encore faut-il qu'elle soit compatible avec les hypothèses établies qui, selon nous, manquent de cohérence. Le chemin était déjà escarpé ; il s'agit désormais d'une pente abrupte. Pour y parvenir, il faut réunir plusieurs conditions, en particulier une gouvernance de la dépense qui, jusqu'à présent, n'a pas été constatée. Les 27 milliards d'euros d'économies prévus pour le budget 2025 ne seront pas sans conséquences sur la prévision de croissance, comme le soulignent les travaux de l'OCDE.

Dans les circonstances actuelles, cela ne semble pas fonctionner. Compte tenu des éléments qui nous ont été présentés, soit les ambitions de croissance sont maintenues et à ce moment-là, nous risquons fort de ne pas atteindre le seuil de 3 % de déficit en 2027 ; soit ce niveau est recherché à tout prix et à ce moment-là, la croissance sera sans doute moindre, ce qui exigera des efforts de dépenses encore plus considérables que ceux qui sont prévus.

Le HCFP ne reproche pas un manque d'ambition au Gouvernement, mais considère que le niveau de réduction des dépenses conduirait à une croissance plus faible. C'est ici que réside le manque de cohérence.

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Monsieur le président, je retiens trois enseignements de votre intervention : l'absence d'insincérité dans les prévisions du Gouvernement, l'absolue nécessité de réduire les dépenses et enfin, la considération que si la pente est certes abrupte, il n'est cependant pas impossible de la gravir.

En 2023, les dépenses de l'État sont quasi stables, les crédits consommés sont même inférieurs à la prévision initiale, malgré un soutien massif au pouvoir d'achat et au réarmement de l'État à travers les lois de programmation sectorielles. S'agissant du problème des recettes, vous évoquez la clé de répartition entre l'État et les autres affectataires de la TVA. Cependant, cette clé de répartition est comptable et n'explique donc pas les raisons pour lesquelles les recettes de TVA sont inférieures aux prévisions.

Face aux baisses de recettes que nous assumons, faut-il compenser par d'autres impôts que par des transferts de TVA ? Ces transferts de TVA doivent-ils être encadrés, à travers l'élargissement de la norme de dépense aux transferts de TVA, que la Cour des comptes a déjà recommandé ?

Considérez-vous que la charge d'intérêt associée au programme de stabilité serait cohérente avec l'évolution du volume des taux auxquels nous empruntons ? Est-elle un peu trop optimiste ?

Enfin, comment expliquez-vous la diminution des recettes liées à l'IS ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Le Haut Conseil n'a pas évoqué l'insincérité ; le Gouvernement n'a pas la volonté de tromper les Français. Si nous avions pensé que tel était le cas, nous l'aurions dit.

En revanche, cette fois-ci, nous avons été un peu plus loin que dans nos avis précédents, puisque nous évoquons la question d'un manque de cohérence : nous estimons que le raisonnement et les résultats doivent être améliorés, ce qui exige d'effectuer un certain nombre de choix. Il ne nous revient pas de débattre pour savoir si un PLFR est nécessaire ; simplement, nous portons une appréciation sur ce que nous voyons. Dans ce cadre, il nous semble que quelques réflexions articulant la macroéconomie et les finances publiques peuvent être conduites utilement.

S'agissant de la baisse des recettes, le Conseil des prélèvements obligatoires avait effectivement produit un rapport sur la TVA proposant de limiter les transferts de cet impôt. Ce rapport demeure d'actualité. Nous avions en effet constaté que la part affectée à l'État était désormais trop peu importante.

Si nous n'avons pas formulé d'observations particulières sur les charges d'intérêts, nous avons noté que la charge de la dette continuait de croître. Or quand celle-ci est trop importante, notre marge de manœuvre pour faire face à des aléas ou pour investir devient extrêmement réduite. Vivre avec une charge de la dette de 73 milliards d'euros à 85 milliards d'euros selon les hypothèses est un cauchemar dont il faut absolument prémunir la France. Il faut donc infléchir la courbe.

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Nous faisons face à la fois à une dérive et à un problème. La dérive concerne l'illisibilité de l'action publique et de l'analyse des comptes publics pour nos concitoyens. Il existe un grand écart entre d'une part, la gravité des faits et de la situation que vous exposez et, d'autre part, l'absence de décisions que vous justifiez pour des raisons méthodologiques, qui peuvent s'expliquer mais qui sont incompréhensibles et intolérables pour les Français.

Nous sommes dans une impasse où, à force de se déresponsabiliser en multipliant les commissions et les hauts conseils, le Parlement et le Gouvernement vous placent dans une situation où vous ne voulez pas rentrer en politique, alors qu'il vous est demandé de le faire. Aujourd'hui, quelle est la situation réelle pour les Français et les Françaises ? D'une part, il leur est précisé que le déficit public explose et, d'autre part, on leur indique que ceci intervient en raison de nouvelles méthodes comptables incompréhensibles. Cela crée une confusion encore pire pour les contribuables, pour les entreprises, pour ceux qui cherchent à comprendre la situation.

Les députés doivent cesser de perdre leur temps sur des considérations technocratiques dont personne ne comprend rien, pour prendre leurs responsabilités. Un débat est nécessaire devant le Parlement, parce que les Français ont besoin de visibilité. Il faut que le Gouvernement présente des perspectives crédibles. J'invite toutes les oppositions à se réunir, à déposer une motion de censure et à refuser toutes les lois qui nous seront proposées. Cela suffit.

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Monsieur le député, vous faites de la politique ; je n'en fais plus et je n'ai pas à en faire. La Cour des comptes joue un rôle précis, établi dans notre Constitution. Le Haut Conseil des finances publiques a quant à lui vu ses fonctions établies par une loi organique. J'espère que les éléments que nous apportons aujourd'hui sont au contraire des éléments très précis qui, s'ils sont forcément techniques, ne sont pas technocratiques. J'ai en outre la faiblesse de penser qu'il faudrait plutôt remercier les auteurs – compétents et de bonne volonté – de ces rapports et avis, et de soixante-et-une notes d'exécution budgétaire accompagnant le rapport sur l'exécution budgétaire. La lecture de ces documents apporte une meilleure lisibilité. Ensuite, il ne nous revient pas de préconiser des décisions, ni a fortiori de les prendre. En démocratie, chaque institution est à sa place. Nous sommes à la nôtre, complètement.

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En règle générale, le HCFP et la Cour des comptes utilisent toujours un ton policé. Or, dans le cas présent, ce budget de l'État constitue un moment de vérité, à charge pour le Gouvernement. La Cour des comptes relève que 2023 est une année grise, voire noire.

Sur le fond et la forme, vous indiquez un certain nombre de correctifs qui devraient intervenir. Vous évoquez par exemple le changement de méthode critiquable concernant la présentation des dépenses fiscales liées à la TVA, qui vient amoindrir de manière artificielle leur montant dans le PLF 2024. Vous évoquez également les reports de crédits qui nuisent à la maîtrise de la dépense.

À la page 40 du rapport sur l'exécution du budget de l'État, vous indiquez que « La réactivation du pacte [de stabilité] début 2024 expose de nouveau la France aux procédures prévues en cas de non-respect des règles européennes (…) ». Pouvez-vous nous rappeler ces impacts ?

Plus loin, en page 105, vous indiquez que la direction du budget n'a pas été en mesure de communiquer à la Cour un chiffrage du tendanciel de la dépense pour 2023, faute d'une formalisation entre la direction du budget et ses interlocuteurs ministériels. Avez-vous pu obtenir un tel tendanciel pour 2024 ?

En page 112, vous évoquez un risque de dépassement qui existait en septembre 2023, de 23 milliards d'euros, alors que le décret d'annulation a été simplement de 5 milliards d'euros. Cela signifie-t-il que Gouvernement ne maîtrisait plus le process d'engagement des dépenses dans le cadre des crédits votés ?

Enfin, je souhaite vous poser plusieurs questions sur le programme de stabilité. Selon mes calculs, le niveau de dette correspondant à 112 % du PIB aboutit à un montant proche de 3 600 milliards d'euros en 2027. Est-ce correct ? Ensuite, le niveau des prélèvements obligatoires augmente entre 2023 et 2027 de 0,6 point de PIB. Cela correspond-il à une pression fiscale supplémentaire de 20 milliards d'euros ? Enfin, les hypothèses de recettes d'impôt sur les sociétés avaient été envisagées de manière très optimiste à la fin 2023. Cela aura-t-il une incidence sur 2024, étant entendu que le Gouvernement a retenu les mêmes hypothèses ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Je ne pense pas que nous ayons changé de ton. Simplement, nous constatons une exécution plus foncée que prévu en 2023 et en 2024 et un nouveau décalage dans la réduction des déficits, qui nous placent dans une situation extrêmement compliquée. Le Haut Conseil le dit, en soulignant non une insincérité mais une forme de manque de cohérence.

Pour le reste, je ne dispose pas avec moi à New York des chiffrages que vous évoquez. Je n'ai aucune raison de mettre en doute ce que vous dites et il est vraisemblable que les ordres de grandeur que vous évoquez sont corrects.

S'agissant des conséquences européennes, il ne me revient pas de vous répondre ; mais la Commission peut engager des procédures pour déficit excessif. Lorsqu'une telle procédure intervient, un pays est tenu de procéder à un ajustement structurel de 0,5 point de PIB. Il est vraisemblable que, dans le cadre des nouvelles règles, un programme de réforme sera inscrit, en contrepartie d'un délai pour le mener à bien. Les possibilités de sanctions seront plus effectives que celles du pacte non révisé, mais aussi moins lourdes.

Enfin, nous avons effectivement indiqué l'absence de documentation suffisante sur les dépenses et le tendanciel. La direction du budget y travaille.

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Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, votre tâche n'est jamais facile, tant elle se situe à la frontière de la décision politique et de l'appréciation technique. Face à des ressources en baisse, la croissance des dépenses, même limitée, n'est pas supportable, compte tenu notamment de la charge de la dette. Il est trop aisé de blâmer les corps administratifs ou les prévisionnistes. Cependant, ne pouvons-nous pas nous interroger sur les causes techniques de l'écart constaté et pourrions-nous en éviter le renouvellement ?

L'incertitude sur les faiblesses de l'évaluation affectera la réception par l'opinion publique de l'évidence comptable, la situation dégradée de nos finances publiques et donc l'acceptation des indispensables mesures d'économies. En effet, nous ne pouvons que nous inquiéter de l'écart de 0,6 point entre les dernières prévisions du déficit pour 2023 et le chiffre constaté lors de l'apurement des comptes.

Le groupe Démocrate souscrit à l'objectif de réduction de la dépense publique, à la condition que cette politique soit économiquement viable, mais elle sera d'autant plus efficace qu'elle sera comprise et acceptée par les Français. Quelles sont les conditions propres à faciliter la réalisation de cet objectif ? Pour 2024, vous estimez que la prévision de croissance établie par le Gouvernement, même si elle est optimiste, ne demeure pas hors d'atteinte. L'évolution annoncée des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) va-t-elle dans le sens de cet optimisme ?

Pour atteindre l'objectif de la baisse de 2,2 points de dépenses publiques en pourcentage du PIB, vous estimez nécessaire une gouvernance rigoureuse et collective associant l'État, les collectivités territoriales et les organismes sociaux. Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient les conditions de sa mise en place et auriez-vous des exemples de bonnes pratiques de gouvernance à l'échelle européenne, dont notre pays pourrait s'inspirer utilement ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Vous avez raison de souligner la marge d'erreur des prévisions, dans un sens ou dans un autre. Cependant, je suis toujours favorable à un principe de prudence en matière de prévisions. À ce titre, si la prévision de 1 % pour 2024 n'est pas hors d'atteinte, elle demeure néanmoins un peu élevée et au-dessus du consensus.

S'agissant de la gouvernance, nous nous sommes contentés de mentionner que les conditions pour produire un effort d'économies massif de 27 milliards d'euros requièrent que l'État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale puissent travailler ensemble, de manière relativement consensuelle.

Enfin, la baisse des taux sera sans aucun doute favorable à la croissance, mais plutôt à partir de 2025, ce qui est pris en compte dans le programme de stabilité.

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Certes, le budget n'est pas insincère, mais il n'est pas non plus sincère ; disons qu'il est non sincère. Dans l'avis relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité, le Haut Conseil indique que la prévision de croissance manque de cohérence, car « la mise en œuvre de l'ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l'activité économique, si bien que les prévisions de croissance élevées du Gouvernement pour la période couverte par la LPFP apparaissent peu cohérentes avec l'ampleur de cet ajustement. »

Je vois tout de même dans cette phrase une forme d'aporie : vous indiquez qu'il faudra encore plus réduire la dépense publique et les déficits, car la croissance sera plus faible parce que les dépenses publiques seront réduites. Reconnaissez-vous qu'un ajustement structurel trop brutal nuira définitivement à la croissance et donc, in fine, à notre objectif de réduction du déficit public ? Quel est le bon rythme de réduction du déficit ? Celui du Gouvernement n'est-il pas trop important ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Monsieur le député, nous n'avons pas indiqué que le programme de stabilité était insincère, ni qu'il n'était non sincère. Le Haut Conseil a en revanche souligné le manque de crédibilité et de cohérence. Cela me paraît suffisamment net et clair.

Nous disons qu'il est extrêmement compliqué de passer d'un déficit de 5,1 points de PIB à 2,9 points de PIB, avec les hypothèses de croissance aujourd'hui sur la table, notamment pour 2026 et 2027. Soit ces hypothèses de croissance, qui demeurent élevées, sont maintenues, et alors le niveau de déficit final sera probablement plus élevé que celui qui est prévu. Soit cet effort massif est maintenu de manière stricte et dans ce cas, l'impact sur la croissance sera réel.

Vous me demandez ce qu'il est souhaitable de faire, mais il ne me revient pas de me prononcer sur cet aspect : nous ne faisons pas de politique. Or ces questions relèvent des décideurs politiques.

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Vous indiquez que la baisse importante des dépenses publiques pourrait contrarier la croissance. Elles n'ont jamais été aussi élevées, mais la croissance n'est pourtant pas au rendez-vous. Comment pouvons-nous sortir de ces injonctions paradoxales, même si je comprends bien que le déficit est financé aujourd'hui par la dette ?

Ma seconde question concerne la contribution sur la rente inframarginale, pour laquelle nous avons prévu 12,5 milliards de recettes et encaissé 600 millions d'euros. Vos équipes ont-elles travaillé sur ce sujet, qui ne cesse d'interroger le groupe Horizons et apparentés ?

Enfin, il nous faut sans doute retrouver une dynamique des recettes de l'État et vous avez abordé très justement la question du partage de la TVA. Selon vous, quelle serait la première réforme structurelle de l'État à réaliser pour retrouver le « droit » à l'équilibre ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Nous constatons en effet que les recettes fiscales ont nettement diminué en 2023 et que le rendement de tous les grands impôts est en baisse, signe du désarmement des recettes fiscales. Cela explique la sensibilité croissante des recettes fiscales à l'évolution de l'impôt sur les sociétés qui, du fait de la mécanique d'acompte et de solde, subit le contrecoup des encaissements élevés de 2022. Il demeure toutefois qu'une partie des écarts entre les prévisions de recettes fiscales et les montants réellement encaissés est difficilement prévisible. C'est notamment le cas des ajustements à la baisse des acomptes de l'IS en fin d'année, difficiles à anticiper, car ils relèvent à la fois du choix des entreprises et de leurs résultats.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin dernier, la Cour a souligné la nécessité d'une approche extrêmement méthodique, pluraliste et durable, qui associe tous les acteurs et qui passe en revue toutes les dépenses publiques pour privilégier celles qui favorisent effectivement la croissance. Il convient ainsi de développer plutôt une telle approche holistique.

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Monsieur le Premier président, vous vous interrogez, comme nous, sur le faible rendement de la contribution sur la rente intramarginale et vous ne vous satisfaites pas de la réponse du Gouvernement concernant la question du prix de l'énergie. Malgré les experts qui vous entourent, vous n'avez peut-être pas réussi à comprendre pourquoi la somme finale s'élève à 600 millions d'euros, quand 12 milliards d'euros étaient attendus. Disposez-vous d'éléments permettant de comprendre le faible rendement de cette taxe ? Nous l'avions déjà souligné auprès de Bruno Le Maire, quand celui-ci nous indiquait que les superprofits n'existaient pas.

Vous précisez que la prévision du Gouvernement suppose la mise en œuvre de mesures budgétaires supplémentaires qui, si elles étaient intégralement réalisées, pèseraient sur la croissance en cours d'année. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur les mesures budgétaires supplémentaires que vous évoquez, en particulier en lien avec le pacte vert et la transition écologique ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Il me semble que ces questions devraient plutôt être posées au ministre chargé des comptes publics que vous allez auditionner dans quelques minutes. S'agissant de la Crim, je rappelle que l'État a inscrit dans la LFI 2023 un produit de 12,3 milliards d'euros, abaissé lors du programme de stabilité à 5,5 milliards d'euros et à 2,78 milliards d'euros en loi de financnes fin de gestion. Effectivement, le produit réellement constaté s'est élevé à 625 millions d'euros. Pour l'heure, l'administration n'a pas été en mesure d'expliquer de manière satisfaisante ce qui s'est passé. En réponse aux observations provisoires de la Cour, les trois directions de Bercy concernées ont à nouveau imputé cet écart à la seule baisse rapide des prix de l'électricité, au premier semestre 2023. Il reste à savoir si cela est bien le cas et si cela était imprévisible.

Les mesures à prendre relèvent plus du ressort du Gouvernement que du mien. Simplement, le Haut Conseil, dans son avis, indique que la documentation est très lacunaire. À ce stade, l'information n'est pas de nature à me permettre de vous répondre de manière précise.

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Je partage l'avis de ma collègue Véronique Louwagie : les mots employés par la Cour et le HCFP sont bien plus sévères que d'habitude. La situation actuelle est liée à la déconnexion du budget actuel, mais nous payons également la multiplication des recours à l'article 49.3 de la Constitution.

Entre 2019 et 2023, il n'y a pas eu une dérive des dépenses, mais bien une attrition des recettes. Quand la dépense publique baisse de 20 milliards d'euros, peut-on considérer que l'on diminue la croissance de 0,4 point de PIB ? Ensuite, faut-il abandonner la suppression de la CVAE pour permettre au moins cette rentrée fiscale auprès des collectivités territoriales ?

En plus de cette impéritie budgétaire, nous assistons à une explosion des patrimoines des plus aisés. Est-il possible d'instituer au niveau européen un impôt sur la fortune « vert » pour financer la transition écologique ?

Enfin, vous ne parlez pas d'insincérité budgétaire, mais il est loisible de parler d'incompétence. Qu'en pensez-vous ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Encore une fois, je suis attaché à la sémantique, condition de notre propre crédibilité. Je ne sais pas si les avis sont plus sévères que d'habitude, mais je sais en revanche que la situation est plus préoccupante que d'habitude. Nous avons donc essayé de la qualifier de manière juste, appropriée, ni plus, ni moins.

S'agissant des questions d'imposition, les derniers mots de nos avis invitent à réfléchir aux baisses d'impôts qui sont prévues, soit en les remettant en cause, soit en envisageant des économies correspondantes.

Le chiffre de 0,4 point de PIB est établi en effet par l'OFCE, qui tient également compte d'un certain montant d'économies. Pour pouvoir apporter un éclairage à ce sujet, il faudrait pouvoir connaître précisément la trajectoire des économies. En toute hypothèse, les économies massives de dépenses entraînent des conséquences sur les recettes ou sur les prévisions de croissance, qui ont elles-mêmes un impact sur les prévisions de recettes et exigent donc à leur tour des économies encore plus fortes.

Enfin, il y a effectivement eu une dérive des dépenses entre 2019 et 2022, de l'ordre de 100 milliards d'euros supplémentaires. En 2023, le reflux des dépenses exceptionnelles liées à l'urgence sanitaire et à la relance s'est élevé à 28 milliards d'euros, mais parallèlement, la hausse des autres dépenses s'est élevée à 29,4 milliards d'euros.

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Il est écrit dans le programme de stabilité que, selon l'indicateur S2 de soutenabilité de long terme, la stabilisation de la dette ne serait pas assurée si le solde primaire était maintenu au niveau actuel. Cet élément pose ipso facto la question de la relance de la croissance, laquelle est indispensable. Or je constate que, compte tenu du taux d'épargne des ménages, la consommation des ménages ne permettra pas d'accélérer la croissance. Le commerce extérieur n'offre pas non plus un soutien à la croissance. Dans ces conditions, comment la soutenir durablement ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Votre question permet effectivement d'évoquer un débat essentiel. En effet, quand nous soulignons un manque de cohérence, nous appelons aussi à dire la vérité et à effectuer des choix. À ce titre, l'enjeu consiste à savoir comment rendre compatible une prévision de croissance élevée avec un effort d'économies massif, qui aboutit à une pente extrêmement forte de la diminution des déficits. Telle est la question que nous avons voulu soulever dans cet avis.

En effet, les prévisions de croissance sont plus raisonnables pour 2023, 2024 et 2025. Mais ensuite, pour 2026 et 2027, elles redeviennent élevées, à 1,7 % et 1,8 %, ce qui suppose par exemple, une relance massive du commerce extérieur.

Enfin, comme vous l'avez souligné, les prévisions font état d'un taux d'épargne des ménages historiquement haut. Sa réduction n'est pas absolument impossible, mais demeure contraire à tous les comportements qui ont été observés ces derniers temps. La question est donc la suivante : de quelle manière ces prévisions de croissance, déjà élevées en elles-mêmes, seraient-elles affectées par des économies de dépenses massives ?

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Monsieur le Premier président, même si vous récusez le fait que la sincérité puisse être mise en cause, j'observe que dans le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de l'État, il y a une interrogation de ce type, d'une part sur les reports de crédits en page 139 et d'autre part sur la contribution sur la rente inframarginale en page 75.

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Je vous remercie pour les explications que vous nous avez données et pour le travail réalisé, que nous avons regardé avec une grande attention. Ces derniers temps, le Gouvernement a particulièrement pointé du doigt les collectivités territoriales, à qui il sera demandé dans les prochains mois un effort significatif, apparemment à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cependant, les collectivités territoriales ne gèrent heureusement pas leur budget de la même manière que l'État s'occupe du sien.

Les passages de votre rapport sur la médiocrité de la politique budgétaire du Gouvernement me rappellent les leçons infligées au groupe LR depuis 2017 par M. Le Maire et ses différents ministres du budget. À la lumière dont le budget de la France est aujourd'hui géré, permettez-moi de m'interroger sur ces leçons, qui résonnent comme un constat d'échec de la politique du « en même temps ».

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Je vous donne rendez-vous à la fin du mois de juin, lorsque nous réaliserons notre propre revue de dépenses sur le financement des collectivités territoriales. Par ailleurs, je participe ès qualité, en tant que Premier président de la Cour des comptes, au Haut Conseil des finances publiques locales qui, je l'espère, parviendra à réaliser un travail utile et consensuel.

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Nous faisons face à des enjeux colossaux et les changements de prévisions du Gouvernement, qui ne vous semblent pas cohérents selon vos propres mots, nous interpellent.

En début d'année, nous avons entendu parler de 10 milliards d'euros d'économies pour 2024 et 20 milliards d'euros pour 2025. Quel montant d'économies faudrait-il réaliser pour stabiliser la charge de la dette ?

Emmanuel Macron nous indique qu'il n'existe pas en France de problème de dépenses excessives. Dans ce cas, quel devrait être le montant de la hausse des recettes – c'est-à-dire les taxes et les impôts – pour continuer à soutenir cette trajectoire ?

Enfin, quels garde-fous pourrions-nous placer, notamment dans un contexte de majorité relative, lorsque les prévisions sont manifestement trop optimistes, en dehors de tout consensus politique et économique ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Vos deux premières questions me paraissent très clairement s'adresser davantage au Gouvernement qu'au Premier président de la Cour des comptes et au président du HCFP. Ensuite, je ne sais pas s'il faut parler de garde-fous, mais il faut peut-être écouter davantage le Haut Conseil des finances publiques. Je me permets de rappeler la proposition consistant à faire en sorte que le Haut Conseil puisse continuer à être saisi annuellement par le Gouvernement sur le suivi des programmes de réforme. Ce regard extérieur me semble en effet utile, lucide et pluraliste. Je souhaite donc que la compétence du Haut Conseil soit adaptée au nouveau cadre communautaire.

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Monsieur le président, vous avez souligné un manque de cohérence. Estimez-vous donc qu'il existe une incohérence ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Encore une fois, nous pensons que le bouclage tel qu'il est établi est extrêmement difficile à réaliser. Il repose sur des hypothèses qui doivent être mises en harmonie interne. Nous suggérons certaines voies pour y parvenir. Je le redis, le Haut Conseil parle bien d'un manque de cohérence. Et lorsque l'on manque de cohérence, il convient effectivement de la rétablir.

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Vos mots sont précis et bien pesés, nous devons en prendre acte, en tant que responsables politiques. Je suis quand même étonné que nous ne disposions pas d'outils plus précis pour expliquer le décrochage des recettes. La Cour des comptes pourrait-elle fournir une méthode permettant d'obtenir des informations plus fiables ? Un PLFR offrirait à ce titre l'opportunité de disposer de données plus précises sur l'année 2024.

Pouvons-nous estimer que les recettes sont « à l'os » ? Serait-il possible d'obtenir une aide de la Cour des comptes pour calibrer des recettes qui ne limiteraient pas la croissance, puisque l'on a l'habitude de dire que « trop d'impôt tue l'impôt » ? Existe-t-il des pistes pour rendre les recettes acceptables ?

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Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

In fine, toute méthode pour bien évaluer les recettes reposera toujours sur les données de l'administration. À ce titre, je pense qu'il est préférable de l'interroger.

En matière de recettes, nous disposons effectivement de quelques idées, que vous connaissez, puisque nous avons tenu ici même un débat sur le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du logement. Au delà, il existe une série de travaux assez intéressants et pour ma part, je n'ai jamais considéré que la fiscalité constituait un débat tabou : quand on ne peut plus parler de fiscalité dans un pays, cela signifie que le débat politique n'existe plus. Or le débat politique sur la fiscalité est au cœur de l'histoire de notre République. Ce débat relève de votre noble tâche, que j'ai jadis partagée.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 17 avril 2024 à 15 heures

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, M. Luc Geismar, Mme Nadia Hai, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, M. Louis Margueritte, Mme Alexandra Martin (Gironde), M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, M. Xavier Roseren, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Émilie Bonnivard, M. Frédéric Cabrolier, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Sophie Errante, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, M. Philippe Lottiaux, Mme Lise Magnier, Mme Christine Pires Beaune, M. Alexandre Sabatou, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Philippe Juvin, M. Maxime Minot