Nous sommes réunis pour étudier à la fois l'exécution du budget 2023 et la stratégie des finances publiques 2024-2027. Ces deux événements sont liés puisque la dégradation subite du solde à la fin 2023 se répercute évidemment sur l'ensemble de la trajectoire. Personne ne peut nier que des événements se sont déroulés en fin d'année, que peu de personnes avaient prévus. Ainsi, je ne me souviens pas d'avoir entendu d'alertes particulières sur les recettes avant cette fin d'année 2023. En résumé, nous avons rencontré un ralentissement conjoncturel important en Europe à la fin de l'année 2023.
Selon certains, le Gouvernement établirait volontairement des prévisions trop optimistes. Cela n'est pas le cas. En 2023, nous avons tenu la prévision de croissance et le niveau de dépenses de l'État qui avaient été prévus. Ce sont donc bien des circonstances actuelles qui nous conduisent à constater un écart très important de recettes sur cette fin d'année 2023. L'hypothèse d'un déficit de 4,9 % était considérée comme plausible, même lorsque je reprends l'avis que vous avez donné, monsieur le président, sur le projet de loi de finances de fin de gestion.
S'agissant des recettes 2023, vous relevez que l'écart en pourcentage entre l'exécution des recettes fiscales nettes et la prévision associée au projet de loi de finances de fin de gestion est le plus faible depuis 2020. Vous observez que les moins-values constatées sur les recettes sociales et l'impôt sur les sociétés (IS) ont été effectivement surprenantes en fin d'année, du fait d'un ralentissement assez marqué. Je ne crois pas trahir votre rapport en considérant que ces constats surprenants, qui expliquent une large part de l'écart final, n'étaient pas anticipables. En revanche, vous vous interrogez sur le fondement des estimations successives concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crim). Je partage vos interrogations et j'ai d'ailleurs demandé aux services un certain nombre d'explications, tant les écarts sont beaucoup trop importants. Quelles sont vos premières conclusions en la matière, même si nous avons constaté que le prix spot de l'électricité a été divisé par cinq sur la période ?
Par ailleurs, vous considérez que, pour 2023, les moins-values importantes constatées sur l'impôt sur le revenu (IR) et la TVA auraient pu être réduites en tenant compte davantage des données d'encaissement au moment du dépôt du projet de loi de finances de fin de gestion. Sur quels fondements portez-vous cette appréciation ? Quelles auraient pu être les actions à entreprendre dans le cadre du débat parlementaire portant sur la loi de finances de fin de gestion ?
S'agissant des dépenses 2023, j'ai bien noté votre regret concernant l'absence d'économies structurelles sur le champ des dépenses de l'État. La lecture de votre rapport me conduit toutefois à penser que la gestion des dépenses de l'État a été sérieuse, sinon rigoureuse. Durant cet exercice, nous avons terminé l'année mieux que ce qui était prévu en matière de dépenses, avec une baisse en volume de 4,8 % sur le champ du budget général. Par ailleurs, vous observez qu'en valeur, les dépenses ont augmenté de 0,4 % sur les mêmes champs. Ce constat ne témoigne-t-il pas finalement de choix d'économies assumés et plus structurels qu'on ne le dit ?
Vous soulignez qu'en 2023, les montants des reports de crédit ont été deux fois plus élevés qu'en 2022. Un décret d'annulation a supprimé 5 milliards d'euros de crédits en septembre 2023 et la loi de finances de fin de gestion a, hors charges de la dette, ouvert des crédits autant qu'il en a annulé. Je constate comme vous – je le regrette et le dirai au ministre chargé des comptes publics – que les montants des réserves restent bien trop importants, conduisant à trop d'incertitudes sur le budget tel qu'il est examiné et voté par le Parlement. S'agissant de l'exécution 2023, nous sommes loin des caricatures décrivant une gestion hors de contrôle et sans attention portée au pilotage de la dépense publique.
Je note que le Haut Conseil ne qualifie pas d'important, au sens de la loi organique, l'écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP. Pour fonder cette appréciation, vous évoquez notamment l'impact du changement de méthodologie. L'écart est donc inférieur à 0,5 point de PIB. Pouvez-vous nous préciser la portée de ce changement, notamment sur le calcul du déficit et l'interprétation que nous devrions en faire ? Sans cet effet, le déficit aurait-il été de 5,5 % en 2023 ?
Je partage grandement votre préoccupation d'ensemble s'agissant de nos finances publiques et les alertes que vous avez soulevées. Nous sommes face à un problème sérieux qui nécessite de la constance dans l'effort. Vous prenez acte de la révision des prévisions de croissance du Gouvernement, qui implique une trajectoire des finances publiques plus ambitieuse que celle figurant dans la loi de programmation des finances publiques.
Le Haut Conseil considère par là même que la trajectoire en matière d'évolution des finances publiques manque de crédibilité, par manque de documentation des économies et par manque d'organisation entre les sous-secteurs des administrations publiques s'agissant des objectifs à atteindre. Il est vrai que le PLF pour 2025 doit être préparé sans attendre et que la marche est haute. Pouvez-vous nous préciser le degré d'avancement des revues de dépenses menées actuellement par la Cour des comptes et les principes méthodologiques que vous avez choisis ? Proposez-vous des préconisations d'économies chiffrées dans ce cadre ?
Vous considérez également que la trajectoire des finances publiques manque de cohérence et évoquez en retour un effet négatif de l'effort structurel sur la croissance. Avez-vous pu chiffrer cet effet ?
Monsieur le Premier président, la Cour ne formule-t-elle pas une injonction paradoxale ? En effet, vous nous avez assez souvent et parfois justement reproché de ne pas être ambitieux dans le redressement de nos finances publiques et la réduction de nos dépenses. Désormais, la trajectoire est par définition bien plus ambitieuse, mais vous considérez maintenant qu'elle n'est pas cohérente. Comment faire pour résoudre ce paradoxe ?
Enfin, pensez-vous que l'effort en matière de réduction de la dépense publique est justement réparti entre les trois catégories d'administrations publiques ?