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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 17 avril 2024 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques :

Il est vrai que le consensus se situe à 0,7 point de croissance pour 2024 ; l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) table sur 0,6 %, contre 0,9 % pour la Commission européenne et 0,7 % pour le FMI. La prévision du Gouvernement est donc indiscutablement la plus élevée, et sans doute un peu élevée.

S'agissant de l'insincérité, elle suppose une volonté délibérée de tromper ; ensuite, elle a des conséquences constitutionnelles massives. Le Conseil constitutionnel, très attentif aux considérations du Haut Conseil des finances publiques, pourrait ainsi être conduit à censurer un PLF. Si le HCFP estimait un tel projet insincère, il le dirait. Or il ne l'a pas dit dans ses avis sur les PLF pour 2023 et pour 2024. Cependant, dans son avis du 22 septembre 2023, il a signalé que la prévision de croissance était élevée. Je pense qu'il faudrait davantage en tenir compte, même si l'abaissement de la prévision de croissance à 1 % par le Gouvernement représente une première réponse à cet avertissement.

Je note que, dans l'avis de ce jour, nous utilisons un nouveau terme, qui a son importance : la cohérence. Ainsi, ce programme de stabilité n'est pas insincère, mais il manque de cohérence. Soit la prévision de croissance est trop élevée et il faudra réaliser beaucoup plus d'économies en dépenses pour ramener le déficit public sous le seuil des 3 % ; soit elle demeure réaliste, et à ce moment-là, les déficits seront moins élevés. Il importe donc d'effectuer un choix. En résumé, les femmes et les hommes qui composent le Haut Conseil, des spécialistes aux opinions extrêmement diverses, se sont accordés pour estimer que la cohérence faisait défaut.

S'agissant de la fiscalité, le Conseil des prélèvements obligatoires a attiré l'attention sur le fait que la réduction de la part de TVA affectée à l'État constituait assurément un manque de garanties pour les recettes de celui-ci. Désormais, l'État n'est plus attributaire que de 46 % des produits de la TVA, principal impôt strictement corrélé à la croissance économique. Son attribution croissante à d'autres organismes que l'État a donc pour conséquence de rendre les recettes fiscales de l'État plus sensibles à des impositions plus volatiles, notamment à l'impôt sur les sociétés.

Ensuite, nous considérons que les marges de manœuvre pour accroître les recettes sont limitées. Dans la situation compromise de nos finances publiques, nous considérons que nous n'avons pas en réalité les moyens de conduire des baisses d'impôts sèches. Naturellement, le Gouvernement est libre de voter des baisses d'impôts, mais s'il agit de la sorte, celles-ci doivent à notre sens être compensées par des économies supplémentaires. Tel est le sens de notre message. S'agissant des dépenses fiscales, nous avons publié l'année dernière une note thématique comportant quatre leviers d'action qui méritent, il me semble, toute votre attention.

Enfin, monsieur le président, je rappelle que les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, alors que le taux de satisfaction sur les services publics n'est pas toujours le meilleur. Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse dire que nous sommes « à l'os ». Il existe des dépenses insuffisamment efficaces ; nous devons fonder l'effort de maîtrise des dépenses sur la qualité de la dépense publique. Mais encore une fois, je suis trop démocrate et respectueux des institutions de mon pays et du débat public pour considérer que le débat fiscal serait interdit. Il ne l'est pas, mais il ne nous revient pas de l'ouvrir.

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