La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.
(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)
La commission auditionne Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Madame la ministre, nous nous réjouissons de vous entendre cet après-midi, alors qu'approche la barre symbolique des cent jours avant le début des Jeux olympiques (JO).
Comme vous le savez, notre commission suit activement la préparation de l'événement. Il y a deux semaines, nous avons reçu le préfet Cadot, délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques, et Tony Estanguet, président du comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop). Le groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, coprésidé par Belkhir Belhaddad et Maxime Minot, auditionne de nombreux acteurs et multiplie les visites – je salue leur implication. Notre institution a également pris part à la 8e édition de la Semaine olympique et paralympique, dont l'objet est de promouvoir la pratique sportive chez les jeunes. Les événements organisés dans ce cadre à l'Assemblée nationale étaient plus particulièrement orientés vers la pratique du parasport, auquel nous sommes très attachés, tout comme vous, madame la ministre.
L'actualité sportive ne se limite pas à la préparation des Jeux, puisque nous sommes en plein dans la période des « classiques », sorte de tour de chauffe avant la Grande Boucle. La saison européenne sur terre battue a elle aussi commencé ; comme chaque année, elle connaîtra son couronnement à l'occasion du tournoi de Roland-Garros, sans oublier le formidable prolongement que constituera, cette année, le tournoi olympique.
Le printemps sportif dans lequel nous sommes entrés me semble donc particulièrement propice à la réalisation d'un point d'étape sur votre action en 2024, madame la ministre. Je pense en particulier, en cette année marquée par la grande cause nationale consacrée à l'activité physique et sportive, au déploiement dans les territoires d'initiatives visant à construire la nation sportive que le Président de la République a appelée de ses vœux. Pourriez-vous nous indiquer où nous en sommes dans ce programme ?
La pratique des activités physiques et sportives (APS) est un enjeu de société fondamental, notamment dans la perspective de la lutte contre la sédentarité, comme nous l'ont rappelé la semaine dernière nos collègues Karl Olive et Claudia Rouaux dans une communication sur le sport en milieu professionnel dont je ne saurais trop vous inviter à prendre connaissance. Peut-être pourrez-vous nous exposer de quelle manière votre ministère est mobilisé en faveur du développement des APS en milieu professionnel et nous indiquer les intentions du Gouvernement s'agissant de la prochaine stratégie nationale sport santé ?
Je voudrais à mon tour saluer le travail mené par plusieurs des députés ici présents pour assurer la bonne préparation des Jeux et, plus largement, la promotion de l'activité physique et sportive dans notre pays. La Semaine olympique et paralympique (SOP) et la grande cause nationale sont autant de chantiers qui, à quelques jours du J-100 des Jeux, prennent tout leur sens.
En retrouvant les JO d'été pour la première fois depuis un siècle, et en organisant ses tout premiers Jeux paralympiques d'été, la France porte une ambition très claire : devenir la nation sportive qu'elle a tout pour devenir, tout en permettant aux Français, à l'été 2024, de faire plus que jamais nation par le sport.
Nous avons traduit cette ambition en actes : aucun autre Gouvernement n'a conduit une politique sportive aussi ambitieuse pour notre pays. Elle commence à porter ses fruits puisque nous comptons d'ores et déjà trois millions de pratiquants supplémentaires depuis 2017 – et ce n'est que le début !
Le premier enjeu est de réussir les Jeux de Paris 2024 et d'en faire, dans un peu plus de cent jours, à la fois les plus iconiques et les plus responsables de l'histoire. J'ai coutume de dire que la réussite des Jeux comprend quatre dimensions : l'organisation, la performance des athlètes, l'engagement et l'héritage.
En ce qui concerne l'organisation, nous sommes dans nos « temps de passage » pour la livraison de Jeux exemplaires. La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) parachève l'exploit inédit dans l'histoire des Jeux de bâtir l'ensemble des infrastructures dans le respect des coûts et des délais, mais aussi aux meilleurs standards sociaux et environnementaux, comme pour la Marina de Marseille et le Centre aquatique olympique, que nous avons inaugurés la semaine dernière.
Sur le plan de la sécurité, notre mobilisation, comme celle du ministère de l'intérieur, est maximale. Le soutien du Gouvernement à la filière de la sécurité privée porte ses fruits, avec plus de 18 000 entrées en formation et plus de 10 000 recrutements sécurisés. Les plans de mobilisation de nos forces sont calés, ainsi que leurs conditions d'engagement à l'été 2024. La préparation de la cérémonie d'ouverture fait l'objet d'une vigilance particulière, et la billetterie pour les quais hauts repose sur des tiers de confiance. Les périmètres de sécurité et de restriction de circulation définitifs sont désormais connus, et les outils de vidéosurveillance et de criblage prévus par la loi sont opérationnels.
Concernant les transports, nos grands chantiers d'infrastructures sont également parfaitement dans les temps, comme en atteste le lancement réussi, sous l'égide de la RATP, du nouveau système de pilotage automatisé de la ligne 14 qui sera la colonne vertébrale de la desserte des Jeux. Les plans de transport sont stabilisés avec, sur de très nombreuses lignes, une offre renforcée de 15 %, et, si nécessaire, jusqu'à 60 %. La démarche de gestion de la demande, dont le pivot est le site anticiperlesjeux.gouv.fr, a été lancée avec succès avec le ministère des transports ; des ateliers territoriaux sont organisés par les préfets pour communiquer au plus près du terrain. Le dialogue social se poursuit, qu'il soit mené dans le cadre des plans de maintien d'activité des administrations publiques, ou en autonomie par les opérateurs de transport auprès de leurs agents.
Le sujet de l'accessibilité aux personnes en situation de handicap est extrêmement important. Je veux saluer à cet égard le travail collectif réalisé depuis de nombreux mois, notamment par nos groupes d'experts d'usage, pour rattraper le retard qu'avait pris notre pays. Aux côtés des collectivités et des opérateurs de transport, l'État prend toute sa part, prévoyant : la mise en accessibilité de 65 gares en Île-de-France ; le cofinancement de la mise en accessibilité des cheminements entre les gares et les sites ; la mise en place d'un fonds de 100 millions d'euros fléchés vers les hôtels, restaurants et petits commerces des villes accueillant les Jeux ; et le développement de l'offre de taxis accessibles, qui seront 1 000 au moment des Jeux, contre 200 il y a deux ans.
S'agissant des enjeux sanitaires, notre système de santé répondra pleinement aux besoins des visiteurs comme des délégations, tout en préservant l'accès aux soins pour tous nos concitoyens. Par exemple, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) ouvrira plus de 300 lits supplémentaires par rapport à un été classique, pour faire face à la hausse attendue de 4 % de la fréquentation des urgences.
La préparation de nos athlètes prend aussi une bonne tournure : tout est en place pour que nos Bleus réalisent des performances, au meilleur de leur talent et de leur potentiel, le jour J, devant leur public, qui formera dans tous les sites des carrés de supporters.
Depuis les Jeux de Rio, les moyens mobilisés au soutien de la haute performance ont été augmentés de 68 %. Dans les projections indépendantes réalisées sur les JO, la France se positionne au troisième rang en nombre de titres. Nos équipes connaissent une excellente dynamique, dans un nombre croissant de disciplines. Nous les accompagnons avec une offre de services renforcés : la Maison de la performance près du village olympique, sur laquelle nous communiquerons demain matin ; l'augmentation des aides personnalisées et des primes aux médaillés ; la création d'une billetterie spécifique pour les athlètes et pour l'encadrement ; l'organisation, à destination des délégations olympiques et paralympiques, de séminaires de cohésion et d'échange dans lesquels nous passons tous nos messages sur la lutte contre le dopage, les paris frauduleux et toutes les formes de violence, sexuelles ou d'ordre psychologique.
Sur le sujet de l'engagement, nos Jeux seront les plus décentralisés de l'histoire, avec soixante-treize collectivités hôtes. Dans moins d'un mois, le relais de la flamme marquera à Marseille le coup d'envoi de l'aventure olympique et traversera soixante-cinq départements et quatre cents villes de notre pays, y compris en outre-mer. Sur le terrain, les élus et les acteurs locaux programment des festivités autour du relais, en complémentarité avec l'Olympiade culturelle et la programmation sportive de la grande cause nationale, qui fait l'objet de plans d'animation territoriale, soutenus à hauteur de 6 millions d'euros par mon ministère. S'agissant des zones de célébration pendant les Jeux, plus de 200 projets de Clubs 2024 ont été déposés dans tous les territoires urbains et ruraux de notre pays ; ils sont en cours de validation par les préfets.
Après la SOP, qui a été un très beau succès la semaine dernière en impliquant plus de deux millions d'enfants, nous préparons le plan Vacances olympiques et paralympiques, sur lequel notre Gouvernement a communiqué lundi soir dernier. Il est destiné à faire vivre à notre jeunesse un été exceptionnel de sport, avec des séjours, des découvertes et des animations sportives et pédagogiques, tant dans les territoires ruraux que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces dispositifs compléteront le programme de billetterie populaire, par lequel l'État offre 400 000 places à nos concitoyens, dont 200 000 pour le public scolaire, en provenance de toutes les académies de notre pays.
Tout est en place pour réussir non seulement les Jeux, mais des Jeux utiles à la nation tout entière, en léguant un héritage sur le plan matériel. Une série de transformations du territoire sont déjà devenues réalité en Seine-Saint-Denis : le village des athlètes et le village des médias, qui se transformeront demain en logements, notamment sociaux, et en résidences étudiantes ; et le déploiement de ponts et franchissements, qui vise à recoudre le territoire du département. Je pense aussi à l'amélioration de la desserte en transports en commun ou au chantier emblématique de l'ouverture à la baignade de la Seine et de la Marne.
Cet héritage matériel trouve un relais dans les politiques publiques sportives portées par le programme 219 de mon ministère, dont le cap est précisément de faire de la France la nation sportive que nous appelons de nos vœux.
Elles consistent d'abord en une action résolue en faveur des équipements sportifs. Le plan « 5 000 terrains de sport », finalisé en deux ans, avec un an d'avance, sera prolongé par le plan « 5 000 équipements - Génération 2024 », annoncé par le Président de la République le 5 septembre dernier ; il sera doté de 300 millions d'euros de crédits. Au total, à l'horizon 2027, l'État aura mobilisé plus d'un milliard d'euros en direction des équipements sportifs. S'y ajoutent des financements au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et du Fonds vert.
Le développement de la pratique sportive dès le plus jeune âge, notamment à l'école, est pour nous la mère des batailles. Nous avons généralisé les trente minutes d'activité physique quotidienne en primaire, accéléré le déploiement des deux heures de sport supplémentaires pour les collégiens, et étendu le pass'sport, qui réduit les inégalités d'accès au sport, y compris pour les jeunes en situation de handicap.
Bâtir une nation sportive, c'est aussi continuer d'œuvrer en faveur de la pratique de celles et ceux qui en sont aujourd'hui les plus éloignés, à commencer par les femmes, les personnes en situation de handicap, les seniors et les étudiants, qui font chacun l'objet d'un programme d'action particulier, financé, dont je rends régulièrement compte, comme je le fais pour la promotion du sport en milieu professionnel et le renforcement du bénévolat. Nous continuerons également, aux côtés de Frédéric Valletoux, à porter la question du sport-santé dans nos territoires, avec 6 millions d'euros supplémentaires alloués à notre réseau de maisons sport-santé et une montée en puissance du sport sur ordonnance. Nous agissons plus que jamais pour l'inclusion par le sport : nous avons lancé hier l'Alliance pour l'inclusion par le sport avec les élus, la société civile et le mouvement sportif, prévoyant le déploiement de 1 000 éducateurs socio-sportifs et de 10 000 clubs sportifs engagés, avec l'ambition de porter de 20 000 à 100 000 le nombre de bénéficiaires.
Enfin, bâtir une nation sportive, c'est continuer de montrer la capacité du sport à apporter des réponses aux grands défis qui se posent à notre société, notamment la transition écologique et la lutte contre toutes les formes de violences et de discriminations.
En la matière, notre cap est clair : tolérance zéro. Nous avons renforcé les ressources allouées à cette priorité, en créant notamment 56 équivalents temps plein (ETP) dédiés aux enquêtes et aux contrôles sur le terrain pour assurer la protection des publics en 2023 et 2024 et renforcer l'action des services déconcentrés.
Sur le plan de la prévention, nous avons généralisé le principe du contrôle de l'honorabilité. Nous avons également fait adopter ensemble, dans la loi d'initiative parlementaire visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, l'obligation de signalement des violences, le renforcement des mesures d'interdiction d'exercer contre les dirigeants de clubs et le renforcement des modalités et des effets du contrôle de l'honorabilité.
Nous sommes d'ores et déjà à pied d'œuvre pour étoffer cet héritage, en renforçant ce qui peut l'être au sein de nos dispositifs, dans le cadre d'une future loi, au lendemain des JOP. J'étais, il y a trois semaines, à Orléans pour lancer la grande concertation qui sera menée avec le mouvement sportif, les conférences régionales du sport, et toutes les parties prenantes jusqu'au mois de juin. Dans la foulée du rapport de Marie-George Buffet et de Stéphane Diagana, et à la lumière des travaux de la récente commission d'enquête parlementaire, cette concertation doit nous permettre de progresser dans trois directions : une vitalité démocratique plus forte au cœur de nos fédérations ; un combat pour l'éthique et l'intégrité à travers toutes les composantes du sport français ; et une meilleure protection des pratiquantes et des pratiquants. Nous poursuivrons notre action en faveur du développement du bénévolat.
Après les Jeux, qui auront incité au sport, nous continuerons à porter les actions de la grande cause nationale et sa programmation de plus de 1 000 événements en France, notamment son pilier central, la promotion des trente minutes d'activité physique quotidienne, non seulement pour nos enfants mais pour toutes les composantes de notre population. À cet égard, nous inaugurerons demain les journées pour une France en forme, qui se déploieront dans quinze de nos régions. Toutes les forces vives de notre pays seront associées, notamment les acteurs du monde de la culture, avec des événements emblématiques comme la Grande dictée du sport, couplée à des animations sportives, dont la finale se disputera sous la coupole de l'Institut de France à la fin du mois d'avril.
J'ai d'ores et déjà appelé le mouvement sportif à préparer ses plans d'accueil, en lien avec ses cadres, ses éducateurs et ses bénévoles, afin qu'au lendemain des Jeux, aucun enfant, aucun parent, aucun passionné, ne trouve porte close devant nos clubs sportifs.
Loin d'être une parenthèse isolée, comme certains le craignaient, les Jeux seront un levier de progrès pour la société tout entière, lui procurant un élan plus sportif, plus sain, plus solidaire, mais aussi plus inspirant pour notre jeunesse.
Je me tiens à votre disposition pour les questions.
Madame la ministre, je tiens à vous remercier, au nom de mon groupe, pour votre engagement. Face à un déficit plus important lié au contexte géopolitique et au ralentissement économique, nos recettes diminuent et notre objectif est de rétablir les comptes publics. Nous sommes nombreux à convenir que ces efforts doivent être partagés entre les ministères. Pour le ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, l'effort s'élève à plus de 50 millions d'euros d'annulation de crédits.
Pouvez-vous nous rassurer sur les arbitrages en cours et sur les crédits exceptionnels affectés aux JOP, qui ne seront pas reconductibles l'an prochain ? Je pense notamment à la grande cause nationale, au programme « Gagner en France » pour la haute performance, à la billetterie solidaire, voire à certaines politiques publiques que vous avez évoquées, comme les mille postes d'éducateurs ou le pass'sport.
Une inquiétude légitime demeure également s'agissant des épreuves qui doivent se dérouler dans la Seine. Nous savons que les ouvrages nécessaires à l'amélioration de la qualité de l'eau ne sont pas tous achevés. Pouvez-vous en faire un point d'étape ? Si la qualité était mauvaise, quelles seraient la ou les alternatives pour assurer le bon déroulement des épreuves ?
Sans arbitre, il n'y a pas de match. Sans arbitre, il n'y a pas de sport. Plusieurs responsables du secteur tirent la sonnette d'alarme et qualifient de délétère et malsain le climat sur les terrains. Ils dénoncent des coups portés aux arbitres, un public ingérable, ou des menaces de mort. L'arbitrage amateur, particulièrement dans le football, est en danger.
Le 17 février dernier, un jeune arbitre de football de 24 ans était agressé et menacé de mort lors d'un match amateur à Cergy-Pontoise. Il a dû être escorté par des policiers pour regagner sa voiture. Le 25 février, un arbitre a été roué de coups par un joueur et son père lors d'une rencontre de Départemental 3 dans le Pas-de-Calais. Le 30 mars dernier, un arbitre a été violemment battu, et sa mâchoire cassée, par deux frères spectateurs d'un match de football amateur au Mans. Dans le département de l'Yonne où je suis élu, le président de la commission départementale d'arbitrage alerte sur une hausse de la pression et de l'incivilité autour du terrain, notamment dans les catégories de jeunes.
Vous le savez mieux que quiconque, madame la ministre, l'arbitre représente l'autorité et est le garant de l'équité. Il ne devrait jamais être agressé, frappé ou même insulté. Malheureusement, l'ensauvagement qui gangrène notre société contamine les terrains de foot, les spectateurs faisant bien souvent de l'arbitre un homme ou une femme à abattre.
Selon l'Union nationale des arbitres de football (Unaf), 20 % des arbitres formés décident, lors de leur première année d'exercice, de ne pas poursuivre leur carrière. Que préconisez-vous pour lutter contre cette crise des vocations, pour protéger les arbitres et exclure des terrains tous ceux qui s'en prennent à eux en France ?
Les JOP, ce seront entre 3 et 5 milliards d'euros d'argent public dépensés, pour un bilan carbone de 1,5 million de tonnes de CO2. Malgré les efforts réalisés, la France ne peut pas être au rendez-vous environnemental de cet événement sportif, car elle est confrontée à une curieuse injonction contradictoire : infléchir positivement le climat, tout en organisant le déplacement de millions de personnes à l'échelle planétaire. À cet égard, nous sommes toujours en attente du détail des mécanismes que vous mettrez en place pour compenser ce million et demi de tonnes de CO2 inutilement dépensées.
Tout aussi inutile est la formidable dépense budgétaire, car elle ne permettra en aucun cas d'améliorer la pratique sportive en France, en particulier celle de nos jeunes. Ces milliards d'euros auraient sans doute été mieux employés s'ils avaient financé les 2 579 heures d'éducation physique et sportive (EPS) non assurées à la rentrée dernière, ou l'allégement de classes surchargées. Quant au plan Génération 2024, il est très loin d'être suffisant pour rénover ou construire des équipements sportifs structurants. Il aurait fallu mobiliser au moins dix fois plus d'argent, non pas pour dépenser sans compter mais pour investir réellement et faire de la France une grande nation sportive.
Il faut se rendre à l'évidence : cet hyperévénement est de moins en moins adapté aux besoins des habitants à l'échelle de la planète. Cela permet certes à quelques secteurs de trouver de juteux débouchés, comme le bâtiment et les travaux publics (BTP), le tourisme, le marketing, voire désormais la sécurité. Mais tous ces investissements et fonds publics sont détournés de leur vocation première : répondre aux demandes locales de nos concitoyennes et concitoyens, par exemple en rénovant, construisant ou entretenant les mille piscines qui manquent à nos enfants pour atteindre l'objectif du plan « Zéro noyade ».
Au sujet de la natation, je souhaiterais m'assurer que le contrôle des eaux de la Seine par des associations indépendantes sera bien garanti durant la durée des JOP – à condition que les épreuves concernées se déroulent réellement dans la Seine, ce qui est compromis au vu des analyses actuelles de l'eau.
Les eaux de la Seine sont en effet dans un état alarmant, comme l'a estimé ce lundi l'ONG Surfrider Foundation après avoir réalisé une campagne de prélèvement sur six mois : parmi les quatorze mesures effectuées sous le pont Alexandre III et le pont de l'Alma, sièges des futures épreuves olympiques, treize sont largement au-dessus des seuils recommandés pour la baignade.
Pourtant, le 29 février dernier, lors de l'inauguration du village olympique, le président de la République a lui-même déclaré qu'il irait se baigner dans la Seine. Il a réitéré ce propos jeudi, lors de l'inauguration du centre aquatique olympique - un projet de plongeon qui tombe à l'eau.
Cela fait des mois que le groupe Les Républicains vous alerte sur le sujet. La semaine dernière encore, lors du débat en séance sur l'organisation des JOP, je vous ai interrogée sur l'état inquiétant de l'eau de la Seine. En tant que coprésident du groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux, j'ai tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de l'audition de l'adjoint à la maire de Paris, chargé du sport, des Jeux olympiques et paralympiques et de la Seine, en juillet dernier.
Les athlètes sont inquiets. Le 7 mars dernier, Ana Marcela Cunha, championne olympique en titre, a appelé la France à prévoir un plan B si la qualité de l'eau était trop mauvaise à l'approche des épreuves. Vous le savez, madame la ministre, l'image de la France serait entachée si ce triathlon devenait un duathlon. Les athlètes se préparent depuis des années pour ces épreuves ; si elles n'avaient pas lieu dans de bonnes conditions, cela leur porterait un préjudice terrible.
Compte tenu de ces relevés catastrophiques, qui ont été réalisés sur six mois et n'ont aucun rapport avec la crue que connaît actuellement la Seine, qu'avez-vous prévu pour assurer la tenue de ces épreuves ?
Au-delà des seize et douze jours de JOP populaires, multiculturels et sportifs, qui attireront les regards du monde entier et nourriront les pages de papier glacé, les Français seront certainement attentifs à l'héritage des Jeux, à la trace que laissera cet événement incomparable sur l'ensemble de notre territoire. Concrètement, là où le passage de la flamme imprimera sa marque, il laissera dans son sillage nombre d'équipements sportifs millésimés 2024.
Pour rappel, le Gouvernement a poursuivi un objectif de 3 000 équipements de proximité, 1 500 cours d'école actives et sportives, et 500 équipements structurants. Nous avons ainsi, toutes et tous, inauguré des dojos, des terrains multisports, des pistes à bosses, parfois dans de toutes petites communes.
Je voudrais vous interroger sur la poursuite de ce plan d'équipements sportifs, qui est crucial alors que nous souhaitons profiter de ces Jeux pour sensibiliser le plus grand nombre aux bienfaits d'une pratique sportive régulière et contrer les effets délétères de la sédentarité.
J'en viens à la question brûlante de l'été : les 185 km de voies routières réservées. Qui y aura accès ? Qui pourra être accrédité ? Je vous remercie pour les précisions que vous pourrez apporter sur ces deux sujets au cœur des JOP.
Le ministère des sports est aussi le ministère du quotidien. C'est le sens de la grande cause nationale 2024 en faveur de l'activité physique et sportive. Nous le savons, beaucoup de choses se jouent dans les QPV, mais aussi en ruralité. Nous saluons le déploiement des plans successifs de financement, notamment celui des 5 000 terrains de sport.
S'il s'avère que de nombreuses communes ont bénéficié de cette enveloppe permettant la réalisation de beaux projets à travers nos territoires, certains élus locaux nous alertent sur le fait qu'elle ne suffit plus pour répondre aux besoins des communes. Dans ma circonscription, les projets d'équipements sportifs, notamment de city stades, défendus par de nombreux maires présentent des restes à charge après subvention parfois trop élevés ; il est alors conseillé aux élus de renouveler leur demande l'année suivante, en reportant des projets souvent attendus. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous dresser le bilan du dispositif 5 000 équipements sportifs, et faire un état des lieux des demandes déposées auprès de l'Agence nationale du sport ?
En septembre dernier, le Président de la République a annoncé la poursuite de ce mouvement avec le plan « 5 000 équipements – Génération 2024 », ciblé sur les équipements scolaires. Pouvez-vous nous assurer du maintien de cette ambition ? Les députés Horizons et apparentés souhaitent vivement qu'elle perdure, y compris après les Jeux et dans les territoires ruraux.
Dans le prolongement des JOP, vous envisagez à l'automne prochain une grande loi cadre relative à l'héritage des Jeux. Sur le fond, pourriez-vous nous préciser quel serait cet héritage ? Et sur la méthode, comment pensez-vous travailler sur ce projet de loi ?
Je souhaite vous interroger sur le renouvellement des agréments des fédérations sportives qui doivent intervenir à la fin de l'année. Les travaux de la commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu'elles ont délégation de service public, ont mis en évidence que les leviers majeurs que constituent l'agrément et la délégation n'ont pas été utilisés par l'État pour contrôler et orienter effectivement l'action des fédérations. Ils n'ont été mobilisés que tardivement au service de l'éthique et de la lutte contre les violences, comme on le lit à la page 34 du rapport. Nous en avons conclu que l'État n'avait jamais réellement exercé sa mission de tutelle à l'égard de certaines fédérations. Avez-vous prévu d'évaluer ces défaillances afin d'en tirer des enseignements ?
Le renouvellement annoncé des agréments doit être l'occasion pour l'État, et notamment pour la direction des sports, d'exercer fermement sa tutelle. Lors des auditions que j'ai conduites dans le cadre de l'examen de la récente loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport, Mme la directrice des sports m'a assuré que la direction serait vigilante sur ces sujets ; je lui fais confiance. Pour ce faire, cependant, elle aura sans doute besoin de moyens supplémentaires : est-il prévu de renforcer le ministère ? Enfin, associerez-vous les parlementaires des commissions des affaires culturelles et de l'éducation, du Sénat comme de l'Assemblée nationale, au processus de renouvellement ?
Madame la ministre, comme vous vous en étiez rendu compte, beaucoup de Françaises et de Français s'étaient sentis méprisés lors de certaines de vos prises de parole en tant que ministre de l'éducation – je le dis sans acrimonie car c'était sans doute involontaire. Depuis quelques mois, ce sont désormais les étudiantes et les étudiants dont les logements sont réquisitionnés pour les Jeux qui le vivent mal. Le « 100 euros et deux places » contre un toit était déjà difficile à digérer, mais le sentiment de mépris s'est encore accentué.
Ils se sentent méprisés lorsqu'on réquisitionne les résidences les plus récentes pour Paris 2024 en laissant une grande partie d'entre eux dans logements des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) insalubres. Méprisés lorsqu'on leur demande de faire un effort pour « deux petits mois », alors que c'est précisément pendant ces deux mois-là que plus de la moitié occupe un emploi pour financer leurs études. Méprisés encore quand, à trois mois du début des Jeux, ils ne savent toujours pas où ils se retrouveront, malgré les promesses. Méprisés enfin, quand vous ne leur répondez pas alors qu'ils étaient rassemblés à l'appel de syndicats étudiants et du collectif « La Rescrous » devant votre ministère samedi dernier, exprimant l'angoisse, l'injustice, et parfois « la terreur ».
Je ne doute pas que vous soyez une ministre de dossier, mais les étudiantes et les étudiants attendent que vous soyez également une ministre de terrain, consciente des sacrifices qu'ils et elles vont devoir faire. On entend souvent dire à l'approche des JOP que l'heure est non pas à la fracture mais à l'apaisement et au rassemblement. Concrètement, pour rassurer les étudiantes et les étudiants, et les faire adhérer à l'accueil des Jeux, j'aurai plusieurs questions. Quand auront-ils et elles la confirmation de l'endroit où ils et elles seront relogés ? Les déménagements seront-ils bien pris en charge dans leur totalité, et des services de bagagerie mis à leur disposition ?
La semaine dernière se tenait la Semaine olympique et paralympique, qui a offert l'occasion de promouvoir la pratique sportive auprès des jeunes et à l'école, et de rappeler que, malheureusement, des progrès restent à faire en la matière. En effet, 90 % des jeunes âgés de 6 à 18 ans ne se conforment pas aux standards d'activité physique recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'obésité des jeunes a quadruplé en vingt ans.
Encourager la pratique sportive est un enjeu de santé publique, d'épanouissement et de partage des valeurs communes. Outre l'éducation physique et sportive (EPS), plusieurs dispositions ont été adoptées pour favoriser la pratique sportive des jeunes, notamment celle qui vise à faire bénéficier chaque élève d'école élémentaire de trente minutes d'activité physique quotidienne. Quelle est l'efficacité de cette disposition ?
Certains acteurs regrettent qu'elle entre en concurrence avec le temps consacré à l'EPS dans les emplois du temps et déplorent des difficultés pour concilier les deux au sein du temps scolaire. Ne peut-on imaginer un dispositif plus simple et accessible à tous, notamment en développant davantage l'EPS ? Par ailleurs, que pensez-vous de la proposition de rendre obligatoire la création d'une association sportive dans les établissements du premier degré – elle l'est dans ceux du second degré – afin d'encourager la pratique du sport hors du temps scolaire ?
S'agissant du pass'sport, l'objectif de 2 millions de bénéficiaires au sein des 50 000 structures impliquées n'était pas atteint lors de l'examen du dernier budget. Qu'en est-il à ce jour ? Notre groupe continue de plaider pour l'extension de ce dispositif, notamment aux étudiants n'ayant pas accès à une infrastructure sportive universitaire.
Vous avez annoncé un projet de loi d'ici à la fin de l'année. Quel en est le calendrier exact ? En sus des enjeux éthiques, comportera-t-il une partie relative à la pratique sportive ?
La réunion, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
S'agissant des annulations de crédits du budget 2024, mon ministère a en effet contribué à l'effort de solidarité budgétaire et de rigueur. Il a ainsi répondu à la demande qui lui a été adressée d'annulations de crédits, à hauteur de 50 millions. Celles-ci ont essentiellement été imputées sur la réserve de précaution, à hauteur de 33 millions.
Des reports de crédits ont été réalisés sur la ligne budgétaire consacrée au projet « Cours d'école actives et sportives », sur la base d'une analyse des besoins constatés au cours de l'exercice 2023. L'aide initialement inscrite dans le budget était de 20 000 euros par cour d'école. Instruits par l'expérience, après notre travail avec l'Agence nationale du sport (ANS) qui a porté sur 170 projets, nous avons ramené le coût dans une fourchette de 2 000 à 3 000 euros par cour réaménagée. Nous avons ainsi réduit l'investissement d'un peu moins de 10 millions d'euros, tout en continuant à investir 7,5 millions pour la réfection de ces 1 500 cours d'école, à hauteur de 5 000 euros chacune.
Par ailleurs, nous avons tenu compte d'une légère sous-consommation du budget alloué au dispositif « 2 heures de sport au collège », à hauteur d'un peu moins de 5 millions d'euros, et ajusté certaines dépenses d'intervention, notamment en matière de e-sport, à hauteur d'un peu plus de 3 millions d'euros.
En revanche, nous avons pleinement confirmé notre engagement en faveur des JOP, Nous n'avons renoncé à aucune de nos grandes priorités. Nous n'avons porté atteinte ni aux enjeux de sport-santé, ni à ceux du sport au féminin, de promotion du sport pour les personnes en situation de handicap, de vitalité de nos clubs, du sport amateur et d'engagement qui est le nôtre en faveur du bénévolat.
S'agissant de l'ouverture à la baignade de la Seine et de la Marne, nous avons confiance dans le plan Qualité de l'eau et baignade, pilotée par le préfet de la région Île-de-France. Ce plan très ambitieux, auquel nous travaillons depuis plus de trois ans, est doté de 1,3 milliard d'euros, dont 700 millions d'euros financés par l'État. Nous en achèverons le déploiement dans les trois mois à venir, à temps pour les JOP. Il ne faut pas procéder à des mesures prématurément. Nous avons communiqué en réponse aux observations de l'ONG Surfrider Foundation. Je tiens à rappeler à votre commission que les unités de désinfection des usines de traitement de l'eau seront activées au deuxième trimestre 2024 et pleinement en fonction pour les JOP – elles n'avaient pas vocation à l'être auparavant.
Les ouvrages structurants destinés à collecter les eaux pluviales seront mis en service en avril et en mai. Les investissements consentis sont importants – songeons au bassin de stockage des eaux pluviales derrière la gare d'Austerlitz, aux rus Saint-Baudile et de la Lande, aux collecteurs V8. Tout cela sera mis en fonction en temps et en heure. Nous ferons en sorte de continuer à raccorder les péniches au tout-à-l'égout et de poursuivre le bon raccordement des ménages en corrigeant les mauvais branchements. Nous avons déployé une gouvernance renforcée, reposant sur huit points de mesure de la qualité de l'eau, qui seront activés au 1er juin. Leur nombre sera porté à trente-cinq. Des doubles systèmes de mesure assureront la bonne fiabilisation de ces points de contrôle.
Globalement, nous avons confiance dans notre capacité à atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé : réduire de 75 % la pollution bactériologique de la Seine. Pour tenir compte des aléas, notamment en matière de précipitations, nous avons dégagé des jours de contingence pour les épreuves de natation du triathlon et pour les épreuves de natation en eau libre. Plusieurs de ces journées seront disponibles avant et après les dates prévues.
S'agissant de la protection des arbitres, ma détermination est entière. Leur rôle opérationnel et symbolique est absolument fondamental pour le sport. La loi les protège. Ils sont chargés d'une mission de service public. Toute menace ou violence à leur encontre est passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende ; s'il en résulte une interruption temporaire de travail supérieure à huit jours, la peine peut atteindre cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende ; s'il s'agit d'un accident dramatique portant durablement atteinte à la bonne santé et à l'intégrité physique des arbitres, la peine peut atteindre quinze ans de prison et 150 000 euros d'amende.
Je réitère mon soutien aux arbitres. Je fais en sorte de les encourager et d'aller à leur rencontre aussi souvent que possible. Je promeus également les vocations, notamment dans le cadre des sections sportives scolaires dans nos territoires. Je tiens à rappeler notre mobilisation dans le cadre de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, pour renforcer les délits et les peines et faire en sorte que le sport soit pratiqué sans violence.
Ce respect leur est dû. Je milite pour que chaque manquement en la matière fasse l'objet d'un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, et pour que les fédérations et les ligues jouent tout leur rôle en matière disciplinaire, en comptabilisant, analysant et transmettant l'évolution de ces faits et en faisant en sorte de prendre toutes les mesures de protection qui s'imposent. Je tiens à saluer nos arbitres.
S'agissant de la transition écologique, elle sera au cœur des JOP, qui seront les premiers à être alignés sur l'accord de Paris. Nous avons pris l'engagement de diviser par deux leur empreinte carbone. Pour ce faire, nous avons déployé plusieurs dispositifs.
Tous les sites de compétition sont raccordés au réseau électrique, alimentés par des énergies renouvelables (EnR) et accessibles par les transports en commun. Cette mobilisation écologique s'étend à l'assiette, selon des objectifs chiffrés : 80 % de ce qui entrera dans la composition des 13 millions de repas servis lors des JOP seront d'origine française, dont 25 % d'origine locale.
Nous avons également pris l'engagement de réduire de 50 % l'utilisation du plastique à usage unique, afin d'encourager le recyclage et le réemploi. Les groupes électrogènes au diesel couramment utilisés dans le secteur de l'événementiel sportif seront remplacés, grâce à des aides de l'État et à l'action d'Enedis, par des bornes électriques événementielles raccordées au réseau.
Les émissions restantes feront l'objet d'une compensation grâce au soutien à des projets forestiers conformes au Label bas-carbone du Gouvernement, en France et à l'étranger. Nous serons au rendez-vous des Jeux les plus écologiques de l'histoire.
S'agissant des équipements, l'objectif du plan « 5 000 équipements sportifs de proximité » a été dépassé. Grâce à ce plan impulsé par le Président de la République à la fin de l'année 2021, 5 700 équipements sportifs verront le jour. À ce jour, 1 330 d'entre eux sont achevés. Le rythme de réalisation des travaux s'accélère. Au premier trimestre de l'année 2023, environ 100 ouvrages sortaient de terre chaque trimestre. Ils sont désormais plus de 350.
Je tiens à dire la fierté que j'éprouve à l'idée que quatre équipements sportifs de proximité sont construits chaque jour dans nos collectivités locales. Ce sont des dojos, des terrains de basket 3x3, des terrains de padel, des terrains de foot 5, des pistes et des terrains permettant aussi d'expérimenter la pratique de disciplines récemment incorporées aux JOP, telles que le skateboard et le BMX. Ces nouveaux équipements sont concentrés, à hauteur de près de 60 %, dans les territoires carencés.
Cette action, nous la prolongerons dans le cadre du plan Génération 2024, doté de 300 millions d'euros de crédits pour les exercices 2024, 2025 et 2026. Déployé dans trois directions, il permettra de poursuivre notre action en faveur des équipements de proximité. Nous en construirons 3 000 additionnels, avec des porteurs de projet, subventionnés à hauteur de 40 000 euros maximum par l'État. Par ailleurs, une ligne budgétaire sera consacrée au réaménagement de 1 500 cours d'école en cours d'école actives, et une autre dédiée aux équipements structurants, à hauteur de 150 millions d'euros, qui financeront 500 équipements structurants dotés de 300 000 euros chacun.
S'agissant de l'héritage des JOP, je tiens à rappeler notre détermination à faire progresser trois dimensions.
La première porte sur l'éthique et l'intégrité dans toutes les composantes de notre action sportive, notamment au cœur des fédérations, par le biais du renforcement des comités d'éthique et de déontologie, de leurs modalités de fonctionnement et de leur indépendance, par exemple en instaurant un découplage de leur date d'installation et du calendrier électoral des fédérations.
La deuxième vise le renforcement de la vitalité démocratique au sein des fédérations, en conférant aux clubs un pouvoir d'initiative en matière de consultation, en développant les consultations générales sur des sujets d'importance et en promouvant les conditions d'amélioration de l'équilibre des pouvoirs et du pluralisme au sein des fédérations. Dans cette logique, je souhaite que nous travaillions sur les règles d'indemnisation des dirigeants bénévoles.
La troisième concerne la protection des pratiquants et des pratiquantes. Je souhaite que chaque fédération se dote d'un plan national d'éducation et de lutte contre les discriminations, qu'elles portent sur l'orientation sexuelle ou le genre ou qu'elles ressortissent au racisme et à l'antisémitisme. La lutte contre toutes les formes de discrimination doit être absolue.
Je souhaite également que nos fédérations puissent engager de façon plus systématique des procédures disciplinaires en cas de constatation d'une discrimination, à tous les niveaux de pratique. Je souhaite que nos dirigeants et nos encadrants soient mieux formés aux questions relatives à l'éthique, à l'intégrité, à la lutte contre les violences et aux discriminations, dans le cadre d'un institut de formation porté par le mouvement sportif, conformément aux préconisations du rapport Buffet-Diagana.
Dans le même esprit, je souhaite que l'octroi d'aides publiques au Comité national olympique et sportif français, au Comité paralympique et sportif français et aux fédérations agréées soit soumis au suivi effectif d'une formation, par leurs membres et leurs forces vives, portant sur les enjeux de politique publique pour les dirigeants en matière de protection de la santé des pratiquants et de lutte contre toutes les formes de discrimination.
Cette dernière considération m'amène au renouvellement des agréments. Nous plaçons ces enjeux au cœur du dialogue de gestion avec les fédérations. La direction des sports est à pied d'œuvre. Les entretiens que conduit la directrice des sports avec chaque président de fédération accompagné de son directeur technique national fait l'objet d'un compte rendu. Il s'agit d'établir les progrès réalisés et ceux restant à effectuer dans les domaines précités – je ne céderai pas sur ce point.
J'en viens aux modalités de la concertation. J'ai lancé la concertation dans les territoires. J'ai demandé à chaque président ou présidente des conférences régionales du sport de la mener à bien d'ici à la fin du mois de juin et de me transmettre leurs propositions, qu'elles portent sur le développement de la pratique sportive, sur la vitalité du bénévolat ou sur toute autre question qu'ils estiment utile de soulever.
Nous pouvons, à cet égard, nous féliciter de l'accord obtenu en commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative, dont Quentin Bataillon était rapporteur. Elle permettra de simplifier la vie administrative et de diffuser des dispositifs tels que le mécénat de compétences et le compte d'engagement citoyen dans un nombre accru de structures.
Notre calendrier est exigeant. Mes équipes travailleront en lien avec les parlementaires du début du mois de juillet au début du mois d'octobre. Ce calendrier nous permettra de tirer de notre agenda olympique et paralympique toutes les conséquences qui s'imposeront, en vue de la présentation d'un projet de loi à la fin de l'année.
S'agissant des étudiants mettant leur logement à disposition de l'organisation des JOP pour l'été, j'ai pris note qu'ils avaient besoin d'être rassurés. Ils sont environ 1 500. Grâce à leur démarche généreuse, des policiers, des secouristes, des pompiers et des personnels de santé seront logés pendant les JOP.
Avec le centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), le Crous d'Île-de-France et les équipes du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous mettons tout en œuvre pour les aider le mieux possible. Un questionnaire a été adressé aux étudiants en début d'année pour connaître leurs besoins de relogement pendant les mois de juillet et août 2024. Un peu plus de 1 440 d'entre eux ont demandé à bénéficier d'une chambre dans une autre résidence du Crous.
Depuis le 15 mars, les équipes du Crous ont pris contact avec chacune et chacun des étudiants concernés, afin de confirmer leurs demandes et de recueillir leurs besoins particuliers, notamment en termes de localisation souhaitée. J'insiste sur le fait que nul ne sera laissé sans solution de relogement, ni dans l'immédiat ni pour la rentrée de 2024. Un logement leur est garanti. Nous faisons en sorte qu'ils soient relogés sans surcoût et tenons compte des demandes de localisation à proximité d'un job d'été ou d'un stage, ainsi que des contraintes particulières imposées par un examen ou par toute situation spécifique.
S'agissant des trois questions très concrètes posées par M. Raux, je tiens à rappeler que, depuis le début du mois d'avril, les étudiants souhaitant être relogés au sein du Crous commencent à recevoir leurs propositions de relogement. Les premiers changements de chambre seront organisés ce mois-ci. Les frais de déménagement seront pris en charge et bénéficieront d'une aide logistique sous forme de mise à disposition de cartons. Un dédommagement à hauteur de 100 euros sera versé dans le courant du mois d'avril à tous les jeunes concernés.
Les changements de résidence n'induisent aucun surcoût. Le nouveau loyer est identique ou inférieur au précédent, selon le logement proposé. Un service d'aide au stockage et de bagagerie est proposé aux étudiants concernés. Par ailleurs, au titre de la gêne occasionnée et des efforts consentis, nous les inviterons à la cérémonie d'ouverture sur les quais hauts de la Seine.
Comme vous pouvez le constater, nous mettons tout en œuvre pour les accompagner à tout point de vue, s'agissant pour nous d'un enjeu majeur. Seule la production d'une attestation d'assurance pour le nouveau logement reste à leur charge.
S'agissant du dispositif visant à faire bénéficier chaque élève d'école élémentaire de trente minutes d'activité physique quotidienne, il est déployé dans environ 90 % de nos écoles élémentaires. Je le répète, il est complémentaire des deux heures d'EPS. Conformément à l'engagement que nous avons pris, nous fournissons aux professeurs des écoles des kits et du matériel adapté. D'ici à la fin de l'année scolaire, ce dispositif sera mis en œuvre dans tout le parc des écoles élémentaires. Il bénéficie aussi d'un accompagnement des professeurs des écoles en matière de formation et d'une banque d'exercices disponible sur l'application Actibloom.
Ce dispositif commence à produire des résultats, que j'ai pu constater pendant la SOP et qui m'ont impressionnée. Deux chiffres confirment cette impression : 94 % des professeurs des écoles interrogés signalent un impact positif du déploiement du dispositif sur le bien-être des élèves ; 79 % d'entre eux identifient un impact positif sur la vie de la classe. Tout cela doit nous encourager à faire monter en puissance ce dispositif.
S'agissant du pass'sport, il bénéficie à un peu moins de 1,4 million de personnes, soit une progression de 12 % par rapport à l'année dernière. Cette prestation est vraiment en train de s'inscrire dans le paysage sportif de notre pays. À la rentrée 2024, nous aurons à cœur de continuer à améliorer l'information des familles et la fluidité, pour les clubs, des modalités d'enregistrement des jeunes et de remboursement. Nous ferons aussi en sorte d'y introduire une part collective, sur le modèle du pass culture, pour renforcer les passerelles entre les établissements scolaires et les clubs sportifs. Cela fait partie des objectifs prioritaires de la lutte contre la sédentarité et du développement de la pratique sportive, notamment pour notre population de collégiens.
S'agissant des 185 km de voies de circulation réservées lors des JOP en Île-de-France, elles seront accessibles aux véhicules accrédités, aux véhicules de secours et de sécurité, aux taxis, aux ambulances et aux transports en commun. Elles seront activées à compter du 15 juillet pour les Jeux olympiques, puis d'août à septembre pour les Jeux Paralympiques, à l'exception de l'autoroute A1, dont les voies spécifiques seront réservées tout l'été aux véhicules précités. Ces voies réservées feront partie de l'héritage des JOP, dans la mesure où elles deviendront des voies de covoiturage accessibles aux véhicules de transport avec chauffeur (VTC) accueillant plusieurs personnes.
S'agissant des plans « 5 000 terrains de sport » et « 5 000 équipements - Génération 2024 », ils ont permis de faire fleurir les équipements dans ma circonscription rurale, éloignée de Paris, pour le plus grand bonheur des jeunes pratiquants. Dès à présent, l'héritage des JOP est clairement visible. Nous pouvons tous nous en réjouir.
Madame la ministre, j'ai l'occasion, dans le cadre des conseils d'administration de l'ANS, de vous entendre évoquer, avec pédagogie, l'action du Gouvernement en faveur du sport. Estimez-vous que l'ANS a atteint les objectifs qui lui étaient assignés, notamment en matière de déploiement territorial, et que son action est désormais connue et identifiée des collectivités locales dans tous les territoires français ?
Madame la ministre, votre réponse sur la pollution de la Seine ne m'a pas convaincue. En dépit d'un investissement de 1,3 milliard d'euros, rien ne garantit, à ce jour, que les épreuves olympiques prévues dans la Seine pourront s'y tenir. Tout ça pour ça !
À moins de quatre mois des JOP, la possibilité de se baigner dans la Seine repose sur un faisceau de promesses et d'espérances. Si les contrôles prévus en mai et en juin ne sont pas concluants, que faudra-t-il faire ? Au mieux décaler les épreuves, au pire les annuler purement et simplement !
Je souhaite évoquer une pandémie silencieuse et alarmante. Le monde vient de franchir la barre du milliard de personnes obèses. À l'échelle française, les chiffres sont également inquiétants. D'après une étude récente, 24 millions de Français seraient en surpoids ou obèses.
Le Pas-de-Calais, que je représente, est particulièrement touché : 21,7 % de sa population est atteinte d'obésité, contre 17 % à l'échelle nationale. D'après les récents chiffres de l'Agence régionale de santé (ARS), un élève de classe de sixième de la région sur cinq est en surpoids ou obèse.
L'OMS considère que l'obésité est la cinquième cause de mortalité au monde. Elle provoquerait la mort d'au moins 2,8 millions de personnes chaque année. Pour endiguer ce phénomène, l'éducation à l'alimentation, l'accompagnement de notre jeunesse et la pratique quotidienne du sport sont des vecteurs importants.
À quelques mois des JOP 2024, de nombreuses initiatives, bénéfiques, ont d'ores et déjà été prises, notamment le dispositif visant à faire bénéficier chaque élève d'école élémentaire de trente minutes d'activité physique quotidienne, le plan « 5 000 équipements sportifs » et la SOP, qui s'est déroulée la semaine passée.
Il est essentiel, me semble-t-il, de poursuivre plus largement et surtout plus durablement nos actions. J'aimerais savoir quel sera l'héritage à moyen et long terme des JOP 2024 en matière de lutte contre l'obésité.
Madame la ministre, « les Jeux financent les Jeux », disiez-vous à l'été 2022. « Il n'y a pas de coûts cachés, et ni le Cojop ni la Solideo ne connaissent de dérive budgétaire », assuriez-vous ce mardi 2 avril dans l'hémicycle.
Entre-temps, vingt mois se sont écoulés, au cours desquels des annonces ont été contredites et des promesses bafouées, notamment sur la gratuité des transports, sur le prix des billets et sur la prise en charge des bénévoles. Pendant ces vingt mois, j'ai posé à de nombreuses reprises de nombreuses questions à de nombreux interlocuteurs sur la part réelle des fonds publics dans les dépenses engagées, sans obtenir de réponse à ce jour.
La dernière estimation, nous la devons à Pierre Moscovici : « Ces Jeux devraient coûter entre 3, 4 et 5 milliards d'euros d'argent public », déclarait-il le 26 mars sur France Inter. On espérerait un chiffrage plus précis. « Nous verrons bien », a-t-il ajouté. On l'a connu, c'est peu dire, plus tatillon sur l'utilisation des deniers publics.
Ma question est la suivante : êtes-vous en mesure de nous donner une estimation claire du coût des JOP 2024 pour les finances publiques intégrant tous les postes de dépenses ? Dans le cas contraire, pourquoi ? La différence entre l'estimation basse et l'estimation haute représente tout de même quarante fois le montant des coupes annoncées dans le budget de votre ministère !
Lorsqu'un ministre annonce des économies drastiques, l'autre dilapide allègrement 16 millions d'euros pour distribuer aux écoliers des pièces de 2 euros célébrant les JOPdans un but pseudo-pédagogique. Vous êtes un peu les Shadoks de l'économie !
Ce gâchis révèle une opération de communication bidon, visant uniquement à valoriser Gabriel Attal et vous-même auprès de jeunes, qui ont besoin non qu'on leur balance des pièces, mais qu'on leur attribue des enseignants, des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), des surveillants et des conseillers principaux d'éducation.
Peut-être que 16 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose pour vous ; pour nous et pour l'école, c'est plus de 250 000 heures de cours, les salaires de plus de 300 enseignants et de quoi payer plus de 500 AESH ou assistants d'éducation, ou tous ceux que vous n'arrivez plus à recruter – j'en veux pour preuve le fait que des postes offerts aux concours demeurent non pourvus.
Pourquoi un tel gaspillage au moment où le Gouvernement appelle à faire des économies ?
Ma question porte sur la billetterie des Jeux paralympiques.
À ce jour, environ un tiers des 2,8 millions de billets mis en vente pour y assister ont été vendus. Beaucoup ont été achetés par des acteurs publics. Comme cela a été le cas aux Jeux paralympiques de Londres, la plupart des billets seront certainement vendus après le début des Jeux olympiques et juste avant le début des Jeux paralympiques. Pourtant, le Gouvernement et le Cojop ont souhaité rendre les épreuves accessibles, en pratiquant des prix très abordables, à partir de 15 euros la place, afin de permettre au plus grand nombre d'y participer.
Madame la ministre, une nouvelle campagne de communication auprès du grand public est-elle prévue dans les prochaines semaines en vue d'augmenter le taux de remplissage de l'événement et de valoriser l'investissement sans faille et les performances exceptionnelles de nos athlètes, dont les parcours de vie sont une source d'inspiration ?
Avec plus de 63 000 licenciés répartis dans plus de 1 000 associations, le sport adapté tente d'exister et de se développer, pour permettre aux personnes atteintes de handicap invisible de profiter d'une activité sportive. Face aux déficiences d'ordre intellectuel et psychique, les entraîneurs et les bénévoles sont dans le désarroi. Comment appréhender ces troubles ? Comment permettre aux jeunes et aux adultes de profiter pleinement du même accès au sport que les personnes atteintes d'un handicap visible et que les personnes valides ?
Dans ma circonscription, le comité départemental du sport adapté œuvre sans relâche. Son action est remarquable. Parmi les opérations qu'il mène, la formation des encadrants est cruciale pour accueillir les personnes atteintes d'un handicap invisible dans les meilleures conditions. La formation est essentielle.
Malheureusement, trop peu de communes s'engagent dans ce dispositif. Le fonds pour le développement de la vie associative, notamment les lignes de crédit pour la formation des bénévoles, pourrait pallier l'absence de financement public, mais les associations et les clubs sportifs en sont exclus. Quelle est votre position à ce sujet ? Quelles pistes envisagez-vous pour améliorer la formation en la matière ?
Après l'effervescence et l'enthousiasme olympique, l'héritage demeurera. Nous connaissons l'avenir des infrastructures construites spécialement pour les JOP : le Village des athlètes se transformera en un tout nouveau quartier ; le Centre aquatique olympique accueillera le grand public et ponctuellement de grandes compétitions.
Il importe de penser l'héritage des JOP dans toutes les politiques publiques. L'après-JOP concerne quasiment tous les ministères, qu'il s'agisse de sport, d'engagement citoyen, d'attractivité économique et touristique, de savoir-faire ou d'expérience acquise en matière de sécurité.
Comment le Gouvernement compte-t-il maintenir la dynamique sportive et l'engagement des citoyens au profit des associations et des fédérations sportives ? Comment capitaliser sur l'élan des JOP dès qu'ils s'achèveront, pour continuer à dynamiser nos territoires et à attirer touristes et investisseurs ? En résumé, comment le Gouvernement espère-t-il prolonger l'effet positif des JOP ?
Pourriez-vous faire un point sur le développement des maisons sport-santé ? Elles sont de grande importance pour la pratique d'une activité physique à but de santé.
Le 29 mars dernier, j'ai eu le plaisir d'accueillir à l'Assemblée nationale une classe de CM2 de l'école Denfert-Rochereau de Boulogne-Billancourt, sélectionnée pour participer au parlement des enfants. Ces élèves travaillent sur une proposition de loi visant à promouvoir la pratique sportive chez les jeunes, et je me suis engagé à vous transmettre la préoccupation dont ils m'ont fait part : les bienfaits du sport pour la santé ont beau être connus, 5.3 millions de personnes sont décédées du fait d'un manque d'activité physique en 2011. L'OMS recommande aux enfants âgés de 5 à 17 ans de cumuler soixante minutes d'activité physique par jour, et souligne que le plaisir pris dans l'enfance à l'activité physique prédit le niveau de pratique à l'âge adulte. En France, 37 % des enfants de 6 à 10 ans n'atteignent pas cette recommandation, chiffre qui monte à 73 % pour les enfants de 11 à 17 ans, tandis qu'une étude Médiamétrie de 2019 révèle, elle, que 96 % des enfants de 10 à 14 ans jouent régulièrement à des jeux vidéo. Comment expliquez-vous une telle situation, qui soulève des inquiétudes ?
Chaos annoncé dans les transports, opérations de nettoyage social : voilà quelques-unes des conséquences des JO. S'y ajoute la situation des étudiants logés en résidence universitaire, et ce qu'ils nous disent est bien éloigné du tableau rassurant que vous nous présentez. Ainsi, 3 200 étudiants sont concernés, dont de nombreux boursiers devant faire appel à l'aide alimentaire. On n'arrête pas le progrès : des petits jobs sont proposés pour que des étudiants aident à déménager leurs camarades expulsés. Les étudiants rassemblés samedi dernier devant votre ministère n'y ont pas été reçus. Ils auraient pourtant pu vous expliquer, par exemple, que ceux d'entre eux qui sont logés par leur établissement universitaire ne seront pas relogés. Beaucoup ne savent pas encore où ils se retrouveront. Et comment passer un examen tout en déménageant ? Un étudiant explique qu'il devra libérer son logement deux jours après son examen final et qu'il n'aura pas pu préparer son déménagement auparavant. Et qu'en sera-t-il des examens de rattrapage en juillet ? Comment assurer un stage comptant pour la validation de son cursus, ou bien prendre un job d'été, quand on n'a pas les moyens de se reloger ?
Outre le mépris à leur égard dont témoigne la prétendue compensation de 100 euros et de deux places pour les épreuves, les étudiants sont ainsi jetés à la rue. Leur exigence est qu'il n'y ait aucune expulsion : quand allez-vous y répondre ?
Nous venons d'apprendre que la France avait demandé un renfort de moyens militaires et policiers à quarante-six pays afin d'assurer la sécurité des JO. L'objectif est que 2 185 effectifs supplémentaires viennent s'ajouter aux 15 000 militaires français déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle. Nous savons que la Pologne a déjà accepté de se joindre à cette coalition internationale. L'objectif a-t-il été atteint ? Quels pays ont répondu ? S'agit-il d'une pratique courante, et pourquoi cette demande a-t-elle été si tardive ?
Pour une petite commune, c'est un véritable parcours du combattant que de solliciter des subventions auprès de l'ANS : ses représentants régionaux et départementaux sont injoignables. La députée, elle, est toujours joignable, et se retrouve à devoir traiter le dossier en passant par l'agence nationale de Paris, qui relaie ensuite dans les territoires. Avez-vous eu connaissance de ces difficultés ?
Je souhaite vous interroger sur la retraite des sportifs de haut niveau. Comme ce sera encore le cas à Paris cet été, ils consentent à beaucoup de sacrifices pour représenter la France dans les plus grandes compétitions internationales. Ils s'engagent totalement, dès leur plus jeune âge, sur le plan physique aussi bien que moral, et leur parcours professionnel est singulièrement différent de celui des autres métiers. La question de leur droit à la retraite mérite dès lors une attention particulière. Le collectif des championnes et champions français a mis en lumière l'injustice que rencontrent, à ce sujet, les sportifs de haut niveau des générations antérieures à 2012. Ils sont en effet exclus du régime de validation des seize trimestres pendant leur carrière dont le ministère des sports fait bénéficier leurs pairs des générations ultérieures. Ils ont pourtant connu des insertions professionnelles tardives, avec des salaires moins importants en fin de carrière. Comptez-vous mettre fin à cette injustice ?
Ces Jeux olympiques et paralympiques ont vocation à s'inscrire dans les territoires. Le parcours de la flamme olympique, l'accueil des délégations étrangères dans les centres de préparation, le label Terre de Jeux 2024, le dispositif 5 000 équipements sportifs de proximité, les animations et le développement de la pratique sportive dans les territoires : autant d'initiatives qui ont permis le développement d'une belle dynamique dans les régions, grâce au soutien de l'État mais, surtout, grâce à l'engagement des collectivités territoriales. C'est une immense fierté, comme j'ai pu le constater dans ma circonscription où plusieurs communes se sont engagées très tôt dans le dispositif Terre de Jeux ou le programme « 5 000 équipements sportifs de proximité ».
Quel bilan pouvons-nous tirer de ces dispositifs, et comment faire perdurer cette dynamique après les Jeux ?
La réunion, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.
(Présidence de Mme Fabienne Colboc, vice-présidente de la commission.)
La facture totale des Jeux s'élève actuellement à 8.8 milliards d'euros : 4.4 milliards d'euros pour le comité d'organisation et 4.4 milliards d'euros pour les infrastructures, dont 1,7 milliard d'euros d'argent public. Pierre Moscovici a indiqué que les JO devraient coûter entre 3 et 5 milliards d'euros d'argent public, en précisant que la facture ne sera connue qu'après l'événement. Le brouillard autour de ces comptes ne cesse de s'épaissir : où en sommes-nous aujourd'hui ?
Que savez-vous des sommes prévues pour la sécurité et le transport ? Pensez-vous pouvoir rentrer dans vos comptes, en prenant en considération, notamment, les primes qui seront versées ? Comment expliquez-vous cette dérive budgétaire, et qui en paiera la facture ? Les Français, nos enfants ?
Vous avez annoncé que la France accueillera des JO paritaires : c'est un signal que le Président de la République a souhaité envoyer au monde entier, en cohérence avec la grande cause du quinquennat. Championnes du monde de handball à la fin de l'année dernière, footballeuses victorieuses de l'Irlande : nos Bleues nous rendent fiers. Dans le cadre de ma mission sur la pratique féminine du sport, j'ai constaté, audition après audition, son sous-développement et son sous-financement, en dépit de la détermination des athlètes. Elles font face à de multiples obstacles : stéréotypes sexistes – comme le clip vidéo d'Orange, devenu viral, l'a montré –, difficile conciliation avec la vie personnelle – par exemple la maternité –, équipements de moins bonne qualité, etc. Ces éléments m'ont conduite à réfléchir, depuis quelques semaines, à des outils permettant de consolider la pratique sportive professionnelle des femmes, notamment son modèle de financement. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur le sujet ?
Le projet annuel de performance du projet de loi de finances pour 2024 relevait que le taux de licences sportives dans les zones de revitalisation rurale était en baisse, passant de 22,5 % en 2021 à 18,2 % en 2022, tandis que le taux moyen national suit une évolution inverse, passant de 19 % à 22,5 %. C'est donc à un véritable décrochage de la pratique sportive en club en milieu rural auquel nous assistons. Les clubs sont pourtant des lieux importants de sociabilité dans les territoires ruraux : il convient donc de mieux les soutenir. Mais, tout au contraire, la part des crédits déconcentrés consacrés à des actions en direction des territoires socialement défavorisés a baissé en 2022. Comment entendez-vous remédier à cette évolution préjudiciable ? Allez-vous inverser la courbe de soutien au sport en milieu rural, ou risque-t-on de le voir encore un peu plus sacrifié à l'occasion des annulations de crédits décidées le 21 février dernier ?
La concession de gestion du Stade de France arrive à échéance en 2025. Le Gouvernement a envisagé de la reconduire, à la suite d'un appel d'offres, ou bien de vendre ce patrimoine national à un opérateur privé. Cette dernière hypothèse m'inquiète beaucoup. Des articles de presse ont indiqué que vous aviez renoncé à la vente : pouvez-vous le confirmer ? Et quels seraient alors les délais pour la conclusion d'un nouveau traité de concession du Stade de France ?
La Cour des comptes a indiqué que le dépassement du budget des Jeux sera à la charge du contribuable, ce qui, dans la période actuelle, sonne de manière inquiétante. Pouvez-vous déjà évaluer le montant de ce dépassement à la charge du contribuable ?
L'opération visant à octroyer une pièce souvenir des JO d'une valeur de 2 euros à chaque enfant dans les écoles a été beaucoup décriée. Son coût est évalué à 16 millions d'euros, et pour quel héritage ? Beaucoup de ces pièces sont déjà en vente sur internet. Ce qui pourrait laisser un véritable héritage sportif, ce serait de financer des diplômes d'entraîneurs – diplômes fédéraux ou brevets d'État – qui coûtent plusieurs milliers d'euros : avec ces 16 millions d'euros, on aurait pu ainsi former des milliers d'éducateurs.
S'agissant de l'ANS, son bilan est aujourd'hui positif. Elle contribue au modèle sportif français sur trois dimensions.
La première d'entre elles est la haute performance, avec les programmes Ambition Bleue et Gagner en France, afin de faire fructifier l'avantage de Jeux qui se tiennent à domicile. Dans le même temps, l'Agence s'occupe des aides socioprofessionnelles, du bien-être de nos athlètes et de leur accompagnement global. Les progrès effectués dans cette première dimension me paraissent considérables, mais nous procéderons à une évaluation à partir des clés d'analyse que les Jeux nous auront fournies : c'est bien entendu une logique de résultats qui doit prévaloir dans l'évaluation de l'agence sur ce sujet.
La deuxième dimension est celle du développement. Avec 3 millions de pratiquants supplémentaires, le ministère des sports, par l'ensemble de ses actions, a été au rendez-vous des objectifs fixés par le Président de la République. Et ce n'est que le début : je suis convaincue que les Jeux vont donner à nos concitoyens une inspiration propice à de nouvelles inscriptions dans les clubs, à une activité physique et sportive plus soutenue, et à la construction de cette nation sportive.
La troisième est celle de l'inclusion par le sport. L'Agence y travaille aux côtés de l'Alliance pour l'inclusion par le sport, que nous avons mise en place avec mes collègues Catherine Vautrin et Sabrina Agresti-Roubache : elle nous aide à structurer ses programmes, avec la création de 1 000 emplois d'éducateurs sociosportifs. Nous menons également avec France Travail une démarche afin que 10 000 clubs s'engagent en faveur de l'insertion par le sport, dynamique qui nous permettra de compter environ 100 000 bénéficiaires de ce dispositif. L'Agence joue là un rôle pivot, ainsi qu'elle le fait pour d'autres programmes telle que la grande cause nationale, en nous aidant à structurer les fonds et à gérer l'argent, comme à l'occasion du déploiement du plan « 5 000 équipements sportifs ».
Nous évaluerons le travail de l'Agence en 2025, avec ambition et transparence.
La baignabilité de la Seine et de la Marne, quant à elle, fait l'objet d'un programme triennal dans lequel nous nous sommes engagés, sous la houlette du préfet de la région Île-de-France. De nombreuses collectivités, dont la ville de Paris, participent à ce programme, avec une gouvernance qui a encore été récemment renforcée. Quatre piliers nous permettront d'être au rendez-vous de nos épreuves olympiques et paralympiques dans la Seine.
Tout d'abord, les unités de désinfection dans nos usines de traitement de l'eau seront réactivées au deuxième trimestre 2024, après une interruption, ordinaire, de septembre à mars.
Ensuite, le raccordement des péniches au tout-à-l'égout se poursuit de semaine en semaine. Il sera presque totalement achevé à l'horizon des Jeux, et les péniches qui ne seraient pas encore raccordées seront déplacées pendant les Jeux, de manière à écarter tout risque.
La correction de 23 000 mauvais branchements viendra également renforcer nos réseaux d'assainissement : un chemin très important a déjà été parcouru et le travail continue. Les aides financières aux ménages ont été encore récemment renforcées. Nous accélérerons ce rythme de manière à atteindre notre objectif : au moins un quart de ces mauvais branchements parfaitement corrigés.
La totalité de nos infrastructures de collecte des eaux pluviales, enfin, sera mise en service. C'est le rôle du collecteur « V8 », des bassins d'orage d'Austerlitz, du ru Saint-Baudile et du ru de la Lande : ils nous permettront de nous assurer que les eaux pluviales ne se mélangeront pas au réseau d'assainissement. Un épisode pluvieux ne pourra pas venir dégrader la qualité de l'eau de la Seine.
Nous sommes prévoyants : nous avons des journées de contingence et nous suivrons, à partir des points de mesure qui seront déployés – huit au 1er juin et trente-cinq à compter du 1er juillet –, l'évolution de la qualité de l'eau afin de nous assurer que nous atteignions notre objectif d'une élimination de 75 % de la pollution bactériologique identifiée. Les épreuves pourront ainsi se dérouler en toute sécurité pour les athlètes.
J'en viens maintenant au combat commun que nous menons contre la sédentarité et l'obésité, pour une nutrition de qualité et pour le développement du sport santé. La grande cause nationale promeut ces enjeux majeurs, en synergie les uns avec les autres. Les trente minutes d'activité physique quotidienne doivent, en quelque sorte, devenir l'équivalent de ce que sont les cinq fruits et légumes par jour dans le champ de l'alimentation : si on n'arrive peut-être pas à les atteindre tous les jours, ce sont néanmoins des points de repère présents dans les esprits qui conduisent à adopter, progressivement, des modes de vie plus sains. La lutte contre l'obésité va aussi de pair avec une meilleure qualité de la nutrition, et nous veillons à y sensibiliser le jeune public. Dans le cadre de la Semaine olympique et paralympique à l'école, tout événement de lancement en lien avec certains partenaires des Jeux a ainsi été l'occasion de délivrer ce message sur le bien bouger et sur le bien manger. Des groupes d'enfants ont bénéficié de bons conseils, dans une démarche d'éducation nutritionnelle.
Nous poursuivons ce travail avec la consolidation du réseau de 500 maisons sport-santé qui, en 2023, ont accompagné 200 000 patients – le double de l'année précédente. Nous avons amélioré les procédures d'habilitation de ces maisons et nous leur apportons un soutien conjoint, d'ampleur inédite, du ministère de la santé et du ministère des sports, à hauteur de 12 millions d'euros. Nous avons, de la même façon, lancé une action conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche afin de continuer à améliorer le modèle économique de ces maisons sport-santé. Nous œuvrons également à mieux sensibiliser les médecins aux bienfaits d'une activité physique régulière. Nous venons de saisir en ce sens, avec mon collègue Frédéric Valletoux, le président de la conférence des doyens des facultés de médecine, afin que ces bienfaits soient davantage mis en avant lors de la formation initiale des médecins, sans heures supplémentaires dans le cursus des études.
Nous travaillons, enfin, avec l'assurance maladie, et dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, autour du sport sur ordonnance. Grâce à votre action, madame Firmin Le Bodo, une expérimentation, pilotée par les agences régionales de santé, a été menée deux ans durant en vue de la prise en charge d'une activité physique adaptée à des patients atteints de cancer. Votre action a également permis de travailler à la généralisation d'expérimentations ayant déjà fait leurs preuves en matière de remboursement de l'activité physique adaptée, avec un forfait global pouvant, sous certaines conditions, être pris en charge par l'assurance maladie. Les textes relatifs à ces matières seront établis très prochainement.
S'agissant de la question des coûts, je m'inscris en faux contre toute idée d'une dérive budgétaire des Jeux. La contribution publique aux Jeux est de 170 millions d'euros, dont 120 millions d'euros à la charge de l'État : cela représente moins de 4 % du budget du comité d'organisation, qui est donc financé à 96 % par des fonds privés. Du côté de la Solideo, les budgets publics sont de 2,3 milliards d'euros, complétés par les 2,1 milliards d'euros apportés par des promoteurs privés. Sur ces 2,3 milliards d'euros, la contribution de l'État se monte à 1,2 milliard d'euros, et la maîtrise de ces budgets, afférents à la construction des ouvrages, est exemplaire. Si l'on met à part l'inflation, qui a dû faire à deux reprises l'objet d'une dotation, la progression des coûts n'est que de 3 % : c'est du jamais vu dans l'histoire des Jeux. À Londres, les dépenses avaient triplé entre l'évaluation faite lors de la candidature – 3,7 milliards de livres sterling – et le compte final – plus de 11 milliards de livres.
Nous avons en cette matière une volonté de transparence absolue. Si c'est une fourchette qu'évoque le président de la Cour des comptes, M. Moscovici, c'est que les coûts ne sont pas encore tous connus. Nous avons en effet clairement indiqué, avec Stanislas Guerini, que les ministères travaillaient à évaluer les compensations indemnitaires dues aux agents qui connaîtront des sujétions très importantes durant l'été 2024. Je veux les remercier pour leur mobilisation – et particulièrement nos forces de l'ordre.
Nous sommes transparents sur les dépenses déjà connues, dont je vais donner quelques exemples. Les centres de préparation aux Jeux représentent pour mon ministère un engagement de 25 millions d'euros. J'ai pu faire la liste, dans le jaune budgétaire, d'un certain nombre de dépenses spécifiques aux Jeux. La billetterie populaire, par exemple, coûte 11 millions d'euros. Le plan d'animation territoriale, pour veiller à ce que ces Jeux soient les Jeux de tous les territoires, coûte 8 millions d'euros. Le ministère de la culture a investi 9 millions d'euros pour l'olympiade culturelle. Le ministère des transports a mis 5 millions d'euros dans la signalétique des voies olympiques et paralympiques. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a consenti à des dépenses pour le fonctionnement du laboratoire antidopage de Saclay. La démarche « gagner en France » fait l'objet, depuis maintenant trois ans, d'un budget de l'ordre de 20 millions d'euros, sur les crédits du ministère des sports.
Nous faisons donc toute la lumière sur ces dépenses, une par une. Nous réaliserons avec la Cour des comptes, en octobre 2025, une synthèse exhaustive de ces coûts, comme la loi le prévoit. Il faudra se garder d'additionner des choux et des carottes, en distinguant ce qui est enclenché par les Jeux de ce qui revient aux Jeux. Élisabeth Borne a, par exemple, donné l'impulsion d'un plan vélo de grande ampleur, dont seule une petite fraction bénéficiera aux Jeux. Seule cette fraction devra donc être comptée : je pense notamment aux 3 millions d'euros qui nous permettront d'avoir pendant les Jeux une offre abondante de stationnements provisoires.
Il est également très important de tenir compte des éléments d'héritage. Les contributions publiques s'élèvent à 524 millions d'euros pour le village des athlètes : mais ce sont 3 000 logements – dont 40 % de logements sociaux –, des résidences étudiantes, des commerces et des services dont bénéficieront demain les habitants de ces territoires. Nous devons donc prendre en compte, avec une méthodologie appropriée, ces différents horizons d'investissement. Nous y travaillerons avec la Cour des comptes, à qui il reviendra de donner toute la visibilité sur les dépenses engagées en matière fiscale ainsi que par nos collectivités locales. Ensemble, nous aurons une démarche juste, équilibrée et proportionnée, attentive à l'ensemble des coûts.
Je confirme la démarche de la France de solliciter une quarantaine de partenaires pour des renforts d'effectifs – environ 2 000 personnes – et d'expertise, afin de réaliser des missions bien spécifiques : spécialistes de la lutte antidrone, équipes cynotechniques avec des chiens renifleurs pour traquer les explosifs et les stupéfiants, brigades équestres, experts de la fraude documentaire, démineurs. Cela est habituel dans le cadre de la coopération policière internationale pour les grands événements sportifs : nous avions fourni de tels renforts pour la Coupe du monde de football au Qatar, tout comme nous en avions bénéficié à l'occasion de la Coupe du monde de rugby, avec, par exemple, les forces de police irlandaises et le savoir-faire des Britanniques. Une telle coopération existait déjà lors de la Coupe d'Europe de football en 2016.
Plusieurs nations européennes viendront ainsi en renfort : la Pologne a déjà accepté. Les États-Unis apporteront aussi leur aide, et une quarantaine d'équipes cynotechniques militaires étrangères viendront compléter le dispositif, déjà très important, de sécurisation des Jeux. Cet esprit de collaboration est aligné avec les valeurs et l'esprit olympiques.
Je voudrais maintenant revenir sur la question des étudiants et souligner que seulement 12 % des résidences du Crous d'Île-de-France sont concernées par l'accueil d'agents publics – soignants, pompiers, forces de l'ordre et de sécurité civile qu'il nous revient d'héberger pour qu'ils puissent sécuriser l'organisation des Jeux. Un petit peu plus de 3 000 places seront ainsi mises à disposition, mais ce sont un peu moins de 1 500 étudiants qui ont exprimé, dans les enquêtes menées par le Crous, le besoin de bénéficier, pendant cette période, d'une chambre dans une autre résidence. L'autre moitié libère son logement, comme c'est souvent le cas en été.
Aucun étudiant n'est laissé sans solution et nous garantissons à tous ceux qui sont concernés par la réquisition des 3 260 logements une solution de relogement à la rentrée 2024. Nous les accompagnons dans leurs démarches pour retrouver un logement à proximité en tenant compte de leurs contraintes spécifiques : examens, job d'été, stage effectué dans un périmètre géographique défini. Nous les dédommageons, à hauteur de 100 euros, pour les frais de déménagement et nous mettons à leur disposition un service de bagagerie. Nous compensons cette gêne en les invitant aux Jeux, dans le cadre de la billetterie populaire, ainsi qu'à la cérémonie d'ouverture sur les quais hauts. Cet accompagnement est aussi d'ordre humain : les équipes du Crous sont toutes mobilisées pour les conseiller et répondre à leurs questions.
Au sujet de la billetterie des Jeux paralympiques, un peu moins de 1 million de billets ont déjà été vendus, et environ 1,8 million restent à écouler. Les équipes du comité d'organisation ont un plan d'action spécifique. Nous n'avons pas de retard en la matière : dans les éditions précédentes, environ 50 % des ventes se sont faites au lendemain des Jeux olympiques. Ils sauront inspirer la population à participer au magnifique spectacle que nous réservent nos athlètes paralympiques. Des campagnes spécifiques seront menées, mobilisant des médias et des diffuseurs, dont France Télévisions, avec qui nous entretenons sur cette question un dialogue régulier. Nous ferons également la promotion de la billetterie de groupe : elle a été lancée en mars dernier dans les comités d'entreprise, dans l'enseignement supérieur et auprès des partenaires sociaux, en levant la limite des trente billets, pour en faciliter l'écoulement. Nous allons également promouvoir la billetterie paralympique dans le cadre des grands événements sportifs internationaux, comme à Roland Garros, avec une mise en avant du tennis fauteuil. Nous mobiliserons des sportifs pour parler au grand public des teams d'athlètes des différents partenaires, des relayeurs de la flamme et des personnalités spécifiques qui sont, à un titre ou à un autre, de formidables ambassadeurs de ce spectacle unique que nous offriront nos athlètes paralympiques. Je veux saluer ces derniers pour leur courage, leur résilience et leur engagement.
S'agissant de la retraite des sportifs de haut niveau, je vous confirme que l'évolution de la législation nous permet d'être au rendez-vous des attentes et des besoins grâce à deux dispositifs.
Tout d'abord, l'article 10 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 autorise désormais le ministère des sports à compenser les insuffisances de cotisations afin de valider les trimestres comptant pour les droits à la retraite, dans une limite portée de seize à trente-deux trimestres pour tous les sportifs âgés d'au moins 20 ans et dont les ressources sont inférieures à 75 % du plafond de la sécurité sociale. Depuis 2016, près de 1 900 sportifs de haut niveau ont bénéficié du dispositif de compensation.
Ensuite, cette même loi de 2023 permet à tous les sportifs inscrits sur les listes ministérielles avant 2012 de racheter jusqu'à douze trimestres non cotisés. Nous dialoguons de manière étroite avec le collectif des championnes et champions français, dont je recevrai de nouveau les représentants vendredi matin. La direction des sports, en lien avec celle de la sécurité sociale, analyse les conditions de mise en œuvre de ce nouveau droit et fait en sorte que nous puissions accompagner ces athlètes en limitant le coût du versement pour la retraite grâce à une aide au rachat de trimestres qui sera mise en place par mon ministère.
Madame Riotton, je tiens avant tout à souligner les résultats tangibles au cours de la période récente en matière de sport féminin. Comme l'a relevé l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, depuis 2018 nous avons réussi à faire progresser de quatre points le taux de pratique régulière et de trois à quatre points celui de pratique occasionnelle. Mais il faut continuer à promouvoir la pratique sportive féminine et je vous remercie pour l'action menée par la délégation aux droits des femmes.
Ce travail doit commencer dès l'école et c'est la raison pour laquelle nous réaménageons les cours de récréation pour favoriser l'activité physique. Nous agissons aussi en direction des adolescentes et je me réjouis du fait que le recours au pass'sport ait progressé de quatre points chez ces dernières. Nous accompagnons également mieux les jeunes mères grâce à la plateforme relative aux 1 000 premiers jours, qui constitue un élément important de notre dispositif.
Nous prolongeons ce travail à l'échelon du sport professionnel en faisant en sorte que nos grandes équipes et nos grandes championnes féminines soient davantage regardées à la télévision. Tel est le sens du doublement des crédits du fonds de soutien à la production audiovisuelle de l'ANS. Avec le décret sur la diffusion des événements d'importance majeure, j'ai également tenu à faire augmenter le nombre de retransmissions en clair de compétitions sportives féminines. Enfin, c'est cette démarche qui a conduit mon ministère à créer une cellule spécialisée au sein de mon ministère pour mieux accompagner nos championnes lorsqu'elles ont des enfants – ainsi que, plus largement, les parents. Des dispositions spécifiques ont été prises dans le cadre des JOP pour que les jeunes mères puissent vivre sereinement à la fois leur parcours de championne et leur maternité.
Je me réjouis aussi des progrès accomplis pour la protection sociale des athlètes féminines en matière d'indemnités journalières en cas d'arrêt maladie, de prévoyance et de couverture des frais de santé. Les avancées constatées dans le handball – qui a été précurseur – s'étendent désormais à d'autres disciplines. C'est tout particulièrement le cas dans le football, après les annonces faites par Foot Unis. Un accord sectoriel est également sur le point d'être signé dans le basket. Nous avançons et j'ai pu en rendre compte de manière très détaillée aux côtés d'Aurore Bergé à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier.
Monsieur Peu, je vous confirme que l'unique offre d'acquisition du Stade de France a été rejetée par les équipes de la mission d'appui au financement des infrastructures, qui l'ont estimée irrégulière. Le processus se poursuit pour les offres de concession. La phase de négociations, destinée à améliorer les offres, se déroulera jusqu'à la fin de mai. Les candidats pourront déposer leur offre finale jusqu'à la fin septembre. Le candidat retenu sera choisi au début du mois de décembre et une phase de tuilage débutera à partir du 4 avril 2025 avec le titulaire de l'actuelle concession, jusqu'à l'expiration de celle-ci le 4 août 2025.
Les fédérations françaises de rugby et de football sont bien entendu associées aux réflexions tout au long de la procédure. Elles ont été invitées à discuter avec les candidats afin de leur faire connaître leurs attentes en ce qui concerne les conditions d'accueil, les aménagements mais aussi le modèle économique. L'État est bien sûr extrêmement attentif au strict respect du droit de la concurrence, ce qui me conduit à ne pas communiquer à propos des offres des différents candidats afin de garantir l'équité de la procédure.
Une question m'a été posée au sujet du livret pédagogique et de la pièce commémorative. La distribution de ces livrets a débuté depuis vendredi dernier, jour où s'est achevée la Semaine olympique et paralympique organisée dans les établissements scolaires. Quatre millions d'enfants et leurs professeurs sont concernés.
Ils recevront également la pièce commémorative de 2 euros, qui met à l'honneur Paris, mais aussi les soixante-treize collectivités hôtes des Jeux – dont en particulier Marseille et Tahiti. Le Comité international olympique et le Comité international paralympique nous ont autorisés à utiliser les symboles olympiques des cinq anneaux et des trois agitos et le résultat est tout à fait remarquable. Les Français pourront le constater puisque 20 millions de ces pièces seront mises en circulation en 2024, cette opération étant menée en lien avec Bercy et la Monnaie de Paris. Ces pièces constitueront un souvenir pour les enfants et j'espère qu'elles seront une source de fierté pour tous les Français qui les auront entre les mains à partir du mois de juin.
Le livret s'inscrit dans une démarche pédagogique. Encore une fois, la France a une histoire tout à fait particulière avec les Jeux olympiques de l'ère moderne, puisqu'elle les a réinventés. Il est donc très important que les écoliers connaissent cette histoire, qu'ils en soient fiers et qu'on puisse aussi leur transmettre les valeurs de l'olympisme et du paralympisme. Cela permettra de leur expliquer ce qui va avoir lieu durant l'été 2024 et de leur raconter les grands moments qui ont jalonné l'histoire olympique depuis 1896. Des livrets pédagogiques de ce type sont distribués chaque année. Ce fut par exemple le cas récemment pour l' Odyssée d'Homère et pour les Fables de La Fontaine.
Lors de la célébration du bicentenaire de la Révolution française, une initiative similaire avait été prise par le Président de la République François Mitterrand, sans que cela suscite de polémique. Au contraire, certains des enfants qui avaient pu recevoir à l'époque de la pièce commémorative s'en souviennent encore, en sont fiers et l'ont conservée.
Tout cela fait honneur à notre pays et je pense même que nous l'aurions regretté si nous ne l'avions pas fait – et la représentation nationale aurait alors eu raison de nous le reprocher. L'événement est unique. Ce sont les premiers Jeux paralympiques d'été de notre histoire. Il s'agit d'en transmettre les valeurs à notre jeunesse et de créer des souvenirs mémorables de cet été 2024.
Il me reste à répondre à l'importante question sur la promotion du sport pour les enfants en situation de handicap. Nous avons mis ce point à l'honneur dans le cadre de la Semaine olympique et paralympique et je veux saluer la mobilisation des professeurs d'éducation physique et sportive et de la communauté éducative. Nous veillons à ce que les 400 000 enfants en situation de handicap scolarisés en milieu normal pratiquent l'EPS mais aussi à ce que tel soit le cas pour les 70 000 enfants scolarisés dans des établissements sociaux et médico-sociaux, pour lesquels il est également prévu trente minutes d'activité physique quotidienne. À cet effet, nous mobilisons 10 millions, en lien avec les ARS, pour renforcer les partenariats conclus avec les éducateurs sportifs et les clubs.
Je me suis rendue la semaine dernière dans un institut médico-éducatif avec la première dame, avec Fadila Khattabi et Tony Estanguet pour promouvoir les démarches destinées à faire progresser la pratique sportive pour les enfants en situation de handicap, quel que soit le degré et la nature de ce handicap. De la même manière, avec le comité paralympique nous avons spécifiquement formé 3 000 clubs à l'accueil des personnes en situation de handicap.
Une de ces personnes sur deux est actuellement privée d'un accès normal au sport. Nous agissons sur toutes les dimensions du problème, y compris sur l'accessibilité des équipements sportifs, de telle sorte que ces Jeux paralympiques permettent d'accomplir des progrès absolument inédits pour la pratique sportive des personnes en situation de handicap. De la même manière, nous progressons en ce qui concerne le remboursement d'un certain nombre d'équipements, conformément aux engagements pris par le Président de la République dans le cadre de la Conférence nationale du handicap.
Vous êtes venue au centre de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps) de Wattignies afin d'échanger avec les agents et les acteurs de la filière professionnelle de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (Jeps). Une réforme des diplômes de cette filière est en cours pour les agents de la fonction publique. Elle concerne 500 000 professionnels en France, qui travaillent dans les Creps, les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports et dans d'autres écoles.
Cette filière permet de structurer les clubs sportifs, les centres de remise en forme et elle concerne également une partie des salariés des centres sociaux des communes. La réforme en cours, fondée sur de nouveaux blocs de compétences, inquiète fortement certains acteurs – dont notamment le syndicat Solidaires jeunesse et sports. Ce dernier reproche un manque de concertation à la veille de la réunion d'une commission professionnelle consultative (CPC) décisive le mercredi 10 avril.
Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les modalités de concertation prévues ? La CPC organisée demain sera-t-elle conclusive ou les débats pourront-ils se poursuivre ?
Le dialogue est continu et il se poursuivra. Avec mon cabinet, nous avons reçu ce matin la conférence des directeurs et doyens d'UFR Staps (unités de formation et de recherche en sciences et techniques des activités physiques et sportives). Il est très important de travailler en confiance avec cette filière, à laquelle nous sommes très attachés. Avec les équipes de Sylvie Retailleau, nous veillons à ce que la concertation se déroule non seulement dans la transparence nécessaire mais aussi avec la volonté d'aboutir en commun et de répondre aux inquiétudes qui peuvent s'exprimer.
La structuration des filières de diplômes autour de blocs de compétences résulte de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il faut mener à bien cette réforme, essentielle pour donner aux étudiants et à la jeunesse une visibilité renforcée sur l'accès aux différents diplômes. Nous y travaillons depuis plusieurs mois, avec une équipe de spécialistes et sous l'égide de France compétences. Nous faisons en sorte que la refonte des diplômes de la filière Jeps soit réalisée de manière extrêmement cohérente, en prenant en compte les avis exprimés par la filière Staps.
Nous avons pu mettre à plat des différences d'analyse et rassurer chacun. La CPC prévue demain se tiendra donc dans un état d'esprit tout à fait serein. S'il est nécessaire de poursuivre le travail à l'issue de celle-ci, nous le ferons dans l'esprit de coopération et de dialogue qui nous a toujours animés. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Nous voulons avancer, conformément aux engagements que j'ai pris lors du Grenelle de l'emploi et des métiers du sport, mais sans précipitation et afin d'aboutir à une solution robuste qui ait vraiment un sens pour l'ensemble des filières et des métiers du sport.
Mme Anthoine a évoqué la question de la pratique sportive en milieu rural, à laquelle j'entends répondre avec toute l'intensité nécessaire. C'est pourquoi 30 % des 5 000 équipements sportifs de proximité planifiés ont été déployés dans les territoires ruraux, et en particulier dans ceux qui en avaient le plus besoin. Dans le cadre de la grande cause nationale 2024 dédiée à l'activité physique et sportive, nous avons travaillé avec l'Union française des œuvres laïques d'éducation physique pour organiser une présence accrue dans les villages grâce à 500 événements d'ici à l'été 2024 mais aussi à la suite des JOP. Nous avons également créé le label Terres de jeux 2024 et veillé à ce que les 250 fan zones dont le déploiement est en cours de validation par les préfets permettent de répondre de manière équilibrée aux besoins des zones urbaines mais aussi de l'ensemble des territoires ruraux. Nous faisons en sorte de vraiment mettre sur le devant de la scène les établissements scolaires en milieu rural qui sont impliqués dans des temps forts comme la Semaine olympique et paralympique ou dans le cadre d'une mobilisation particulière. Enfin, nous nous appuyons sur le maillage extraordinaire formé par les 180 000 clubs répartis sur l'ensemble du territoire, pour continuer plus que jamais à faire monter en puissance cette force du modèle sportif français.
Nous agissons pour que l'ensemble des parties prenantes soient associées à l'aventure olympique et paralympique. Ces JOP doivent être ceux de tous les territoires. Jamais des Jeux n'ont été aussi décentralisés dans l'histoire de l'olympisme et du paralympisme.
La réunion, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.
(Présidence de M. Bertrand Sorre, secrétaire)
La commission en vient à l'examen de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la situation des mineurs dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode (n° 2348) (Mme Francesca Pasquini, rapporteure).
Le 14 mars dernier, j'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation des mineurs dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode.
Dix jours plus tard, cette proposition était cosignée par plus de soixante-dix députés appartenant à neuf groupes différents et inscrite à l'ordre du jour par la conférence des présidents. C'est la raison pour laquelle notre commission l'examine aujourd'hui.
Je souhaite remercier l'ensemble des collègues qui ont signé et soutenu cette proposition de résolution. Je pense notamment à mes collègues du groupe Écologiste, des groupes de la NUPES, mais aussi aux présidentes des délégations aux droits des enfants et des femmes, Perrine Goulet et Véronique Riotton, au vice-président de la commission des lois Erwan Balanant et à la vice-présidente de l'Assemblée Élodie Jacquier-Laforge, qui ont très rapidement appelé à cosigner ce texte dans un communiqué commun.
Afin que la commission d'enquête soit créée, notre commission doit vérifier la recevabilité juridique de la proposition de résolution. Trois conditions sont requises.
Premièrement, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d'enquête « doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ». Ce critère apparaît rempli, puisque cette commission d'enquête serait chargée non seulement « d'évaluer la situation des mineurs qui travaillent au sein des industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode » mais aussi « d'identifier les mécanismes et les défaillances qui permettent d'éventuels abus et violences sur ces enfants et d'établir les responsabilités de chaque acteur en la matière ».
Deuxièmement, la proposition de résolution n'est recevable que si une commission d'enquête ayant le même objet n'a pas déjà eu lieu dans l'année qui précède. Ce n'est pas le cas.
Enfin, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition. Interrogé par la présidente de l'Assemblée nationale, ce dernier lui a fait savoir, dans un courrier du 8 avril, que le périmètre envisagé pour la commission d'enquête était susceptible de recouvrir pour partie celui d'une information judiciaire en cours.
L'existence de contentieux portés devant les juridictions n'est pas un obstacle absolu, mais la commission d'enquête devra veiller tout au long de ses travaux à ne pas étendre ses investigations à des faits qui font l'objet de procédures judiciaires.
Dès lors, et sous cette réserve, les conditions de recevabilité juridique de la proposition de résolution visant à la création de cette commission d'enquête apparaissent remplies.
Comme sa création ne s'inscrit pas dans le cadre d'un « droit de tirage », notre commission doit également se prononcer sur son opportunité.
À mon sens, cette commission d'enquête est opportune mais aussi et surtout nécessaire au vu de la situation des mineurs dans le secteur culturel. Cela fait plusieurs années que des voix s'élèvent pour dénoncer la complaisance du monde du cinéma, où les violences sexuelles sur mineurs seraient passées sous silence et banalisées – voire glorifiées.
Le témoignage de Judith Godrèche et celui d'autres actrices, comme Adèle Haenel, Sarah Grappin ou encore Isild Le Besco, dessinent les contours d'un système de prédation dans le cinéma français qui vise tout particulièrement les jeunes actrices mineures.
Le cinéma n'est pas la seule industrie liée au monde de la culture qui soit concernée. D'autres accusations de violences sexuelles sur mineurs visent par exemple le spectacle vivant – en premier lieu le théâtre et la musique, qui ont vu émerger les mouvements #MeTooThéâtre et #MusicToo – mais aussi l'industrie de la mode. En 2021, plus d'une dizaine de mannequins ont dénoncé publiquement les violences sexuelles qu'elles avaient subies lorsqu'elles étaient mineures.
La place de l'enfant, le rapport à l'image et à son corps, et le rapport entre l'enfant et les adultes sont des caractéristiques communes à l'ensemble de ces industries où les enfants peuvent être exposés aux mêmes dangers.
Plus largement, les milliers de témoignages de victimes reçus par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) – dont il faut saluer l'action remarquable menée sous l'égide du juge Édouard Durand – sont le signe d'un drame systémique auquel nous devons apporter des réponses concrètes.
Au-delà des violences sexuelles, se pose la question des violences psychologiques et des conditions de travail des enfants sur des plateaux de tournage, sur scène ou lors de séances de prises de vue. Il est nécessaire de protéger ces mineurs de toutes formes d'abus, qu'ils soient sexuels, physiques ou psychologiques.
Ces constats peuvent être étendus aux formations menant aux métiers de ces industries et à d'autres secteurs présentant les mêmes caractéristiques, comme la publicité et l'audiovisuel. Le système de prédation sexuelle et les violences subies par les enfants au sein de ces industries résonnent également avec ce qu'endurent certains adultes, en particulier les femmes. Nous ne le savons que trop bien depuis #MeToo, l'affaire Weinstein et tous les témoignages qui ont suivi.
C'est la raison pour laquelle je vous propose d'élargir le périmètre de la commission d'enquête. J'y reviendrai de manière détaillée lors de l'examen des amendements.
Je salue le courage des victimes qui témoignent des violences et abus qu'elles ont subis. Prendre la parole publiquement pour dénoncer une expérience traumatique n'est jamais évident. Je sais à quel point cela peut avoir des répercussions psychologiques, personnelles et professionnelles.
Je souhaite dire à toutes les lanceuses d'alerte et à toutes les personnes dont le témoignage a permis cette prise de conscience que leur appel a été entendu.
C'est au tour du Parlement de prendre le relais pour faire toute la lumière sur ces violences systémiques et pour s'assurer qu'elles ne se reproduisent pas.
Nous devons faire un état des lieux des violences dans le monde de la culture, identifier les mécanismes qui permettent ces violences et pointer du doigt les responsabilités et les manquements de chacun. Une commission d'enquête est un outil essentiel pour y parvenir, car elle dispose de larges pouvoirs de convocation et d'investigation.
Nous ne pouvons plus nous contenter de détourner le regard et considérer ces violences comme des exceptions. La représentation nationale ne peut pas se satisfaire de recueillir la parole trop longtemps tue des victimes : elle doit s'en faire le relais pour trouver des solutions. Plus que d'une libération de la parole, les victimes ont besoin d'une libération de l'écoute et de politiques publiques qui en tirent les conséquences.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à approuver la création de cette commission d'enquête à l'unanimité, aussi bien aujourd'hui qu'en séance publique le 2 mai prochain. Il en va de notre responsabilité.
Le 14 mars dernier, notre collègue Francesca Pasquini nous a invités à déposer de manière collective une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation des mineurs dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode. La plupart des groupes politiques de notre assemblée ont répondu à l'appel, qu'il s'agisse de groupes d'opposition – Écologiste-NUPES, GDR-NUPES, Socialistes et apparentés, LFI-NUPES, LIOT et LR – ou de la majorité – Renaissance, Horizons et apparentés et Démocrate.
J'ai cosigné cette proposition et je tiens à remercier sincèrement Francesca Pasquini pour la qualité de nos échanges.
Les XXe et XXIe siècles ont été marqués par l'augmentation lente mais progressive de l'attention accordée à la protection de l'enfance contre les actes de violence. La libération de la parole sur les violences sexuelles et sexistes n'y est d'ailleurs pas étrangère et elle a poussé les pouvoirs publics à se saisir de ces problèmes et à agir plus efficacement. La France a ainsi mis en place une série de politiques visant à garantir la sécurité des mineurs mais aussi – et j'y tiens particulièrement – leur bien-être. Je pense notamment à la loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, issue d'une proposition déposée par notre collègue sénatrice Annick Billon en 2021. Ce texte prévoit qu'aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d'un enfant si celui-ci a moins de 15 ans, ou moins de 18 ans en cas d'inceste. Cette initiative parlementaire faisait écho au vif débat suscité dans l'opinion par la parution du livre de Camille Kouchner intitulé La familia grande, dans lequel elle relatait l'inceste dont aurait été victime son frère jumeau.
Plus globalement, l'opinion publique a accordé une attention plus importante à des abus qu'elle tolère moins : ceux perpétrés à l'encontre des personnes vulnérables, au premier rang desquelles les enfants. Qu'il s'agisse de harcèlement scolaire, d'abus sexuels ou de mauvais traitements dans le cadre familial ou professionnel, ces violences font désormais l'objet d'une dénonciation unanime et de mesures plus fortes des pouvoirs publics – et c'est bien normal.
L'Assemblée nationale n'a pas été en reste et elle a également su se saisir de ces questions. La création d'une délégation aux droits des femmes en 1999, puis celle d'une délégation aux droits des enfants lors de la XVIe législature témoignent de cette prise de conscience salutaire. Je suis d'ailleurs très fier du travail mené conjointement par ces délégations depuis 2022 et je salue l'action des présidentes Véronique Riotton et Perrine Goulet, ainsi que l'ensemble des membres de chaque délégation qui se mobilisent quotidiennement.
Des révélations troublantes ont récemment été portées à notre attention. Je pense notamment aux témoignages poignants d'actrices comme Judith Godrèche, Sarah Grappin et Isild Le Besco. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg et j'ai une pensée sincère pour toutes celles et tous ceux qui ont subi les mêmes épreuves. Ces témoignages mettent en lumière la vulnérabilité des mineurs qui évoluent dans ces milieux professionnels et les préoccupations légitimes soulevées quant à leur protection et leur sécurité.
Ainsi, il apparaît évident que les moyens offerts par une commission d'enquête s'avéreront non seulement utiles mais indispensables. En outre, les violences dont peuvent être victimes les mineurs, notamment lorsqu'ils sont amenés à travailler dans certains secteurs culturels, dépassent le seul champ des violences sexuelles et doivent donc être examinées dans toute leur diversité. Dans cet esprit, j'ai tenu à m'associer à l'amendement déposé par ma collègue Véronique Riotton afin d'étendre l'objet de la commission d'enquête à l'audiovisuel et à la publicité, tout en nous intéressant aux violences commises sur des personnes majeures dans ces secteurs. J'espère que nous voterons toutes et tous pour cet amendement de bon sens.
Le groupe Renaissance soutiendra pleinement cette proposition de résolution. Nous croyons fermement qu'une commission d'enquête est nécessaire pour examiner au fond des pratiques abusives trop longtemps tues, identifier les lacunes des politiques existantes et proposer des mesures concrètes pour améliorer la protection des mineurs.
En conclusion, nous appelons à examiner cette question de manière approfondie et nous nous engageons à travailler en collaboration avec nos collègues pour garantir que la voix de nos enfants soit enfin entendue.
Le 14 mars dernier, la délégation aux droits des enfants, dont je suis membre, a auditionné l'actrice Judith Godrèche qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viol sur mineure. Elle avait 14 ans au moment des faits. Judith Godrèche a été directement victime de la « familia grande » du cinéma – et bien au-delà –, qui s'est protégée et continue de le faire.
Avec les réalisateurs qu'elle a dénoncés, Judith Godrèche a probablement vécu la pire époque, celle issue du libertarisme post-soixante-huitard, lorsque l'on ne souffrait aucune barrière ni interdit – très bien décrite précisément dans le livre La familia grande de Camille Kouchner. C'est aussi l'époque, dans les années 1970, où l'on pétitionnait en une de Libération pour défendre des pédophiles poursuivis par la justice ou dans Le Monde, en 1977, pour défendre les relations sexuelles entre les adultes et les enfants.
C'est un extrait d'un documentaire très complaisant sur Benoît Jacquot, réalisé par Gérard Miller – aujourd'hui mis en cause par plus de cinquante femmes pour violences sexuelles –, qui a décidé Judith Godrèche à prendre la parole. Le cinéma va-t-il devoir déboulonner ses propres films cultes, ses propres monuments, ses héros et ses « psy » fétiches ?
Judith Godrèche nous a clairement alertés lors de son audition sur les risques que continuent à courir les mineurs au sein de l'industrie du cinéma, à la fois dans le cadre des castings mais aussi sur les plateaux et lors des tournages. Selon elle, il n'y a actuellement aucune protection ni garde-fou pour protéger les mineurs qui se présentent pour un rôle et qui peuvent être le jouet d'un véritable système de prédation. Elle a évoqué devant notre délégation des abus psychiques, psychologiques et physiques.
Lorsque l'on demande à une actrice ou à un acteur en herbe de raconter sa vie sexuelle, de livrer son intimité à un jury d'observateurs, c'est déjà un abus caractérisé. La protection des enfants qui évoluent dans le milieu artistique ne peut pas et ne doit pas échapper à la loi.
Si je salue la demande de création d'une commission d'enquête, j'appelle votre attention, chers collègues, sur son périmètre. Une commission d'enquête consacrée à la situation des mineurs dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode me paraît trop large. Sa mise en chantier ne doit pas rester un vœu pieux. Je préfère que l'on conserve l'axe spécifique des violences sexuelles commises dans l'industrie du cinéma. J'ai déposé avec mes collègues du Rassemblement national une proposition de résolution en ce sens, qui est ouverte à la cosignature de l'ensemble des députés. Je souligne au passage le fait que nous avons été écartés de la cosignature de la présente proposition de résolution, d'une manière particulièrement minable alors que nous avons auditionné ensemble Judith Godrèche, au sein de la délégation aux droits des enfants. Cette cuisine de basse politique de votre parti, qui refuse d'associer le premier groupe d'opposition de l'Assemblée nationale alors que nous avons déposé une proposition de résolution similaire, n'est pas à la hauteur du sujet qui nous occupe aujourd'hui. Vous n'êtes pas à la hauteur de ce que les victimes attendent du Parlement.
Je salue la proposition de créer une commission d'enquête sur la situation des mineurs dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode. J'ai signé sans hésitation ce texte qui fait écho à celui que j'ai moi-même déposé après l'audition de Judith Godrèche. Qu'il s'agisse des travaux de la Ciivise, du juge Durand, des associations féministes ou des sociologues, tout nous montre que les violences sur les mineurs et les femmes sont universellement répandues. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire ici, elles n'épargnent aucun milieu ni aucune sphère de la société. Celle-ci reste largement muette et complice, car façonnée par des schémas de domination patriarcaux.
Je crois que ce n'est pas un hasard si la première grande vague de libération de la parole des victimes, le mouvement MeToo, a émergé à la suite de l'affaire dite Weinstein, du nom d'un producteur mis en cause par plusieurs dizaines de femmes et condamné pour viols et agressions sexuelles après des années de silence d'un entourage professionnel qui savait et se taisait. Ce n'est pas un hasard si nous assistons depuis, en France, à une multiplication de témoignages d'actrices, d'Adèle Haenel à Judith Godrèche en passant par Emmanuelle Debever, Charlotte Arnould, Anna Mouglalis ou, tout récemment, Marie Gillain, des témoignages qui tentent désespérément de briser le silence de la profession, le silence entourant le cri d'Adèle Haenel qui se lève et se casse des César, le silence dénoncé par Judith Godrèche, s'exclamant, toujours aux César « Je parle, je parle, mais je ne vous entends pas ». Ce n'est pas un hasard si cette vague s'accompagne d'autres déferlantes culturelles – MeTooThéâtre, MusicToo et désormais MeTooStandUp.
Le monde du cinéma et du spectacle vivant, si souvent décrit comme une grande famille, fonctionne comme un miroir grossissant des violences qui traversent la société et la famille, non pas parce que ce monde serait une zone de subversion par rapport à des normes communément respectées, comme le pensent certains, mais au contraire parce qu'il est, malheureusement, un lieu de concentration, de reproduction et de légitimation des dominations de genre, économiques et symboliques, un monde encore très largement habité et dominé par les hommes et façonné par un regard masculin fantasmant et sexualisant femmes et enfants et qui va parfois jusqu'à glorifier leur agression, un monde très peu régulé, où le code du travail n'est pas toujours respecté et où la précarité règne chez les jeunes comédiennes, mais aussi chez les techniciennes, costumières, maquilleuses, qui sont légion parmi les 6 000 témoignages reçus par Judith Godrèche, un monde propice à l'emprise sur les corps et les esprits, où les rapports de pouvoir ne se résument pas à la hiérarchie professionnelle mais prennent une dimension symbolique très forte, liée à la notoriété, à l'aura artistique, et où les relations de pouvoir, d'autorité et d'emprise sont, évidemment, accrues lorsqu'il s'agit de personnes mineures, exploitées sans le moindre contrôle ni accompagnement. Il s'agit, enfin, d'un tout petit monde où chacun se connaît, se parle, se protège, un monde d'omerta où il coûte encore très cher de dénoncer des violences et où à l'inverse en être publiquement accusé n'empêche pas d'être glorifié, que l'on s'appelle Polanski, Depardieu, Rebotini, Lomepal, Tavernier ou Lioret.
Cette commission d'enquête est nécessaire non seulement pour interroger la situation juridique des mineurs mais aussi, plus largement, pour mettre au jour les mécanismes de prédation et pointer toute la chaîne de responsabilité dans la perpétuation des violences et la silenciation des victimes. Afin de renforcer le texte, j'ai proposé au nom de mon groupe plusieurs amendements qui visent à élargir l'enquête à toutes les violences sexistes et sexuelles, qu'elles soient commises sur des mineurs ou des majeurs, et à ne pas focaliser les investigations sur les seules industries culturelles mais à intégrer aussi les institutions publiques, structures du spectacle vivant, lieux de formation et organismes de régulation, comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Enfin, un autre amendement met l'accent sur les phénomènes d'omerta qui organisent, autour de ces violences, des silences destructeurs. Judith Godrèche nous l'a dit, entre ces murs : « Ces souffrances, beaucoup les regardent de loin, les bras croisés, comme d'éternels témoins muets, spectateurs paralysés qui font semblant de ne pas savoir. » Ne soyons pas des spectateurs qui restent les bras croisés. Nous avons le devoir, comme législateurs, de faire en sorte que les victimes soient écoutées et crues, qu'elles n'aient pas à se lever et à se casser du monde des arts. Nous avons le devoir d'examiner tout ce qui peut être mis en œuvre pour assurer la protection des femmes et des enfants, pour ne plus permettre que l'art serve de couverture à des agresseurs et pour que la culture s'émancipe de la culture du viol et renoue avec sa force émancipatrice.
Je vous remercie de m'accueillir dans cette commission pour l'examen d'une proposition de résolution qui me tient, comme au groupe MoDem, particulièrement à cœur. Vous connaissez, en effet, mon attachement à la défense et à la promotion des droits des enfants ainsi qu'au monde de la culture. Je suis fier de poursuivre le combat aux côtés de Mme la rapporteure, que je remercie pour son initiative et pour le travail transpartisan qu'elle a accepté de mener – on sait que ce n'est pas toujours simple.
Les récentes révélations de Judith Godrèche ont provoqué une onde de choc dans le monde de la culture. Auditionnée en mars, cela a été rappelé, par la délégation aux droits des enfants et par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, elle a dénoncé la léthargie du monde du cinéma face à de multiples dérives qui ne cessent de se reproduire. Le témoignage, à la veille de la cérémonie des César, d'Aurélien Wiik, abusé par son agent durant son adolescence, en a été une preuve supplémentaire. Tout cela n'est pas nouveau : en 2019, Adèle Haenel avait révélé avoir été victime, adolescente, d'agressions sexuelles commises par un réalisateur ; auparavant encore, en 2016, Flavie Flament avait dénoncé le viol qu'elle avait subi, adolescente elle aussi, de la part d'un photographe. Je regrette de le dire, mais à l'époque nous n'avons pas su, collectivement, écouter suffisamment ces témoignages, nous n'avons su prendre la mesure de ces dénonciations et nous n'avons pas su agir. Nous avons beau jeu, aujourd'hui, de dénoncer l'omerta qui existe dans le monde du cinéma : nous avons tous notre part de responsabilité.
Nous refusons, au groupe MoDem, d'être de ceux qui laissent faire sans bouger. Nous refusons que notre inaction favorise l'émergence d'un monde trop dangereux pour nous tous et surtout pour nos enfants. Alors, réveillons-nous, agissons, disons à toutes les victimes de violences physiques, psychologiques, sexistes et sexuelles que nous les écoutons et que nous allons travailler à offrir un monde plus sûr. C'est ce qui nous a poussés, Perrine Goulet, Véronique Riotton, Élodie Jacquier-Laforge et moi, à soutenir immédiatement et sans aucune arrière-pensée cette proposition de résolution.
Parce que, malheureusement, les enfants ne sont pas les seules victimes de tels agissements, nous avons souhaité, d'un commun accord, étendre la commission d'enquête aux violences, sous toutes leurs formes, que peuvent subir aussi les adultes dans le monde de la culture, et cela répond sans doute aux préoccupations de Mme Legrain. Le témoignage de Flavie Flament en est la preuve, de même que l'émergence des mouvements MusicToo et MeTooThéâtre : cette commission d'enquête doit s'étendre au spectacle vivant, à la mode, à l'audiovisuel et à la publicité. Ne soyons pas aveugles, le cinéma n'est pas la seule industrie du monde de la culture qui est impliquée.
Mes chers collègues, votons, dans un esprit de responsabilité, pour cette proposition de résolution. Votons pour la création d'une commission d'enquête qui nous permettra de mettre au jour les défaillances, d'établir les responsabilités de chacun et surtout, car c'est le plus important, de proposer un cadre nouveau, plus protecteur.
Madame la rapporteure, chère Francesca, 40 000 : tel est le nombre d'enfants agressés ou violés entre le 31 décembre 2023 et le 2 avril, soit à peu près trois mois. Ce chiffre, édifiant, doit nous alerter : dans toutes les strates de notre société, les enfants sont largement victimes de comportements abusifs, de violences, d'agressions sexuelles. Leur jeune âge constitue un facteur de vulnérabilité souvent exploité par ceux qui cherchent à exercer une forme de domination, laquelle existe depuis trop longtemps, pour cause d'impunité. Plus de 3 millions de femmes et d'hommes adultes déclarent ainsi avoir été victimes de violences sexuelles ou sexistes lorsqu'ils étaient enfants. Nous avons donc un devoir de protection : parlementaires, parents, proches, nous avons le devoir de protéger ceux et celles qui, en raison de leur vulnérabilité ou de leur incapacité, ne devraient jamais être contraints de se protéger seuls.
Parce que le cinéma et le spectacle vivant ne sont pas hermétiques à toutes ces violences qui existent dans notre société, le 23 février dernier, lors de la cérémonie des César, Judith Godrèche a parlé et, avec elle, ce sont des dizaines et peut-être même des centaines de femmes, d'hommes et d'enfants du milieu artistique, mais aussi sûrement d'autres milieux, qui ont parlé. À travers elle, ils et elles ont dit stop : stop à l'impunité, stop aux agresseurs, stop à l'omerta. Il faut parler, mais pour cela il faut être écouté, entendu. Or, quand on est mineur, c'est bien compliqué. Cette proposition de création d'une commission d'enquête est donc plus qu'attendue : elle est absolument nécessaire et, bien sûr, nous la soutiendrons.
Depuis que Judith Godrèche a eu le courage de prendre la parole, à la suite de la sortie de son documentaire Icon of French Cinema, son témoignage sur l'emprise et les violences sexuelles qu'elle a subies en tant qu'actrice mineure suscite de vives réactions dans le milieu du cinéma et la société française. Ce témoignage n'est pourtant pas le premier : en 2019, Adèle Haenel dénonçait déjà les agressions et le harcèlement sexuels qu'elle avait subis, alors qu'elle était mineure, de la part du réalisateur Christophe Ruggia ; aux États-Unis, en 2017, le mouvement MeToo était lancé par l'actrice américaine Alyssa Milano, qui appelait alors à témoigner sur les réseaux sociaux. Je salue le courage de ces femmes, et de tant d'autres, qui osent prendre la parole et parfois déposer plainte, bien des années plus tard.
Les femmes n'ont pas attendu 2024 pour dénoncer les violences dont elles sont victimes, dont l'enfant qu'elles étaient a été victime, mais qui les entendait alors ? Qui prenait la peine de les écouter ? Quand, à la fin des années 1980, un réalisateur célèbre de 39 ans affiche une relation avec une jeune fille de 14 ans, on sait que c'est illégal, mais on ne dit rien. Quand en 1995, Judith Godrèche publie Point de côté, roman dans lequel elle relate une relation d'emprise avec Benoît Jacquot, qu'elle vient de quitter, et les violences qu'elle a subies, cette fois la victime parle : on sait et on ne fait rien.
Sept ans après le début de l'affaire Weinstein, aux États-Unis, le cinéma français et, avec lui, la société tout entière sont enfin sommés de regarder la réalité en face. Certaines voix de la profession et du milieu intellectuel s'élèvent actuellement, pour faire leur autocritique, mais c'est l'industrie du cinéma qui doit désormais se remettre en question. Trop longtemps, des hommes puissants se sont cachés derrière leur qualité d'artiste pour abuser d'enfants au vu et au su de tous. Dans le documentaire Les ruses du désir : l'Interdit, du psychanalyste Gérard Miller, lui aussi accusé de violences sexuelles, Benoît Jacquot assume en 2011 d'être hors la loi. Il dit que c'était interdit : « Je n'avais pas le droit » [...] « Faire du cinéma est une sorte de couverture [...] pour des mœurs de ce type-là ». « Dans le Landerneau cinématographique, on peut sentir une certaine [...] admiration pour ce que d'autres aimeraient bien pratiquer aussi. » Ces propos nous glacent le sang. Leur auteur les a pourtant prononcés, alors, dans l'indifférence générale et la plus grande impunité. Une telle romantisation de la transgression, de l'artiste qui franchit les limites du tabou et de l'interdit a mis sous silence la situation de nombreux enfants dans le milieu du cinéma et du spectacle vivant. Cela nous a empêchés de voir les situations de violence psychologique et parfois physique et sexuelle qui ont cours dans les conservatoires, écoles supérieures et écoles privées d'art dramatique.
En 2021, le lancement du hashtag MeTooThéâtre sur les réseaux sociaux a amené de nombreuses personnes à témoigner contre les méthodes employées par certains enseignants, mais la route reste longue et il est temps de faire la lumière sur les violences pour construire, avec les acteurs du cinéma, du spectacle vivant et de la mode un cadre qui permette d'accueillir la parole des victimes et surtout qui protège les enfants et les jeunes en formation. En tant que membres de la représentation nationale, il est maintenant de notre devoir de nous saisir pleinement de cette question par la création d'une commission d'enquête, pour que toute la lumière soit faite et que plus jamais un seul enfant, un seul jeune ou aucune femme ne subisse une situation de violence dans un tournage, une école ou sur une scène de théâtre.
« Depuis quelque temps je parle [...], mais je ne vous entends pas » a dit Judith Godrèche lors de la cérémonie des César. Pour que son courage, que leur courage, à toutes celles et ceux qui ont parlé, ne soit pas vain et qu'il mène, par la prise de conscience collective et le travail parlementaire que nous conduirons, à la protection des mineurs contre toute forme de violence, lançons maintenant, et résolument, cette commission d'enquête. Je remercie grandement Francesca Pasquini de l'avoir proposée, ainsi que toutes celles et ceux qui ont pris des initiatives dans ce domaine.
Depuis 2017, le mouvement MeToo a permis de mettre en évidence l'ampleur des violences sexistes et sexuelles et a contribué à libérer la parole des victimes. Pourtant, nombre d'agressions sexuelles, de violences psychologiques et physiques restent difficiles à révéler, en particulier lorsqu'elles sont subies pendant l'enfance.
Si la famille demeure la sphère de socialisation où se produisent le plus de violences sexuelles, celles-ci ont également lieu dans d'autres sphères. Ainsi, un nombre non négligeable de femmes et d'hommes déclarent avoir subi des violences sexuelles commises par une personne travaillant avec des enfants. De l'industrie de la mode au spectacle vivant en passant par le cinéma, de nombreuses professionnelles ont récemment témoigné des violences sexuelles dont elles ont été victimes lorsqu'elles étaient mineures. En 2021, au cours d'une audition au Sénat, une dizaine d'ex-mannequins ont accusé des figures de la mode, comme Gérald Marie et Jean-Luc Brunel, de les avoir violées dans les années 1980 ou 1990, alors qu'elles étaient encore mineures. Par ailleurs, les paroles très fortes de Judith Godrèche ont été rappelées.
Relations asymétriques entre réalisateurs et acteurs ou rapport à l'image, au regard de l'autre et au corps déformé par une contrainte esthétique, les industries culturelles présentent une multiplicité de facteurs de risque de violences sexistes et sexuelles. De surcroît, ces crimes sont souvent à l'origine d'une amnésie traumatique et de troubles psychologiques pérennes qui entravent la libération de la parole des victimes et, par là, la condamnation des responsables.
Des dispositifs de protection des mineurs travaillant dans les industries culturelles sont prévus, mais ils restent très insuffisants. C'est le cas, notamment, de l'autorisation préalable qui a été mise en place dans l'industrie du cinéma pour encadrer le travail des moins de 16 ans. Cette autorisation ne permet pas de prémunir les enfants contre les risques auxquels ils sont exposés une fois que le tournage a commencé. De fait, de nouvelles scènes, non prévues initialement, peuvent alors être incluses.
Cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est une étape utile qui doit nous permettre d'avancer sur la voie de la reconnaissance des victimes d'abus et de violences dans les secteurs culturels et publicitaires, et de la construction de dispositifs protecteurs pour l'ensemble des mineurs et des professionnels. Notre groupe votera évidemment en sa faveur.
« Un réalisateur, puis un autre firent de moi leur objet. Ils se disputaient l'enfant Judith. Et tout autour de nous, dans ce monde d'érudits, de savants et de génies, le silence. La permissivité de la société. La sacralisation de ces auteurs faite par les journalistes de cinéma. Par les acteurs et actrices adultes [...] Comment, dans ce contexte-là, imaginer que les bouches des petites filles, des jeunes femmes, des jeunes hommes abusés puissent bouger pour exprimer autre chose que : "Pas de problème. Oui, j'ai compris. Je me tais." » Ces mots, ce sont ceux que Judith Godrèche a employés lors de son audition par la délégation aux droits des femmes et la délégation aux droits des enfants. Elle était venue nous dire qu'elle comptait sur nous. Des millions de femmes et d'enfants le font, comme elle, pour garantir leur protection à l'école, au sport, lorsqu'ils passent des castings ou vont sur les plateaux télé, les tournages de cinéma, de publicité et de mode, partout où ils ne se sentent pas en sécurité, parce qu'une personne a décidé, souvent en vertu d'une autorité, d'un ascendant pris sur l'autre, d'abuser d'eux.
Si nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner l'opportunité de créer une commission d'enquête sur la situation dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode, nous le devons à Judith Godrèche, à son témoignage, à ses prises de parole nombreuses, puissantes, déchirantes. Elle est pourtant loin d'être la seule à parler : des actrices révélant publiquement leurs agressions, nous en avons malheureusement entendu, des acteurs aussi, et tant d'autres personnes. Les témoignages ne s'arrêtent pas : ce n'est pas seulement pour le passé qu'une commission d'enquête est nécessaire, mais pour toutes celles et tous ceux qui sont en danger aujourd'hui ou qui pourraient l'être demain.
Je veux redire ce que notre groupe a déjà déclaré au sujet des violences sexuelles dans le sport, au moment de la clôture de la commission d'enquête consacrée à cette question : il serait faux de penser que l'omerta qui régnait n'était due qu'au fait que les victimes ne parlaient pas ; c'est aussi, et surtout, parce qu'elles n'étaient pas entendues. Nous sommes dans la même situation et notre première responsabilité est donc d'entendre les victimes, de mettre fin à la culture du secret, du tabou, de la culpabilité inversée. C'est un préalable, mais il ne pourra lui-même qu'accompagner la fin de la culture de l'impunité. Seulement 40 % des victimes vont jusqu'à un procès et à la condamnation de leurs agresseurs.
Nous devons protéger les mineurs, particulièrement lorsqu'ils se trouvent dans une situation de vulnérabilité, de forte proximité. La plupart du temps, celui qui abuse n'est pas un inconnu pour l'enfant, c'est une personne de la famille ou bien un entraîneur, un professeur, un réalisateur, un directeur de casting. C'est une personne de confiance ou qui incarne une forme d'autorité, une personne à qui il est impossible de dire non, une personne que l'on ne dénonce pas, par peur, en raison d'une emprise, par déni. Ce qui est alors subi, en tant qu'enfant, on le garde pour sa vie entière – c'est une destruction d'une part de soi.
Cette commission d'enquête, nous la devons à Judith Godrèche et plus largement à toutes ces vies volées, à ces enfances perdues. Notre groupe soutiendra, évidemment, la proposition de résolution, que j'ai d'ailleurs cosignée. Nous n'avions qu'une interrogation, celle de savoir si nous ne devrions pas étendre la commission d'enquête aux adultes, compte tenu de tous les témoignages qui émanent des industries du cinéma, du spectacle et de la mode, mais nous constatons que des amendements ont été déposés en ce sens – nous les soutiendrons.
La loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux portait notamment sur le cas des mineurs, qui sont souvent utilisés par les marques. Des mesures spécifiques ont ainsi été mises en place pour protéger les enfants influenceurs : les règles relatives au travail des enfants youtubeurs sur les plateformes de partage de vidéos, fixées par la loi du 19 octobre 2020, ont été étendues à toutes les plateformes en ligne et les enfants influenceurs commerciaux sont désormais des acteurs protégés par le code du travail. Néanmoins, force est de constater que l'encadrement de ces mineurs se fait de façon aléatoire. Aux prises avec des adultes, souvent dans un cadre plus privé que celui d'un plateau de cinéma, ils peuvent également être l'objet de prédateurs. Dès lors, ne serait-il pas pertinent d'inclure les influenceurs mineurs dans le périmètre de la commission d'enquête ?
Je remercie tous mes collègues pour leurs différentes prises de parole.
Mme Parmentier, qui n'est plus parmi nous, a souhaité que le périmètre de cette commission d'enquête soit restreint, de manière exclusive, au cinéma, mais elle a cosigné un amendement de Mme Blanc visant au contraire à l'élargir à la publicité, ce qui me paraît poser un problème de cohérence. Par ailleurs, ce n'est pas elle qui jugera si nous serons ou non à la hauteur de la commission d'enquête. Nous mènerons le travail de façon transpartisane, avec détermination et en restant humbles face à la souffrance que ces violences ont engendrée et continuent à engendrer chez tant de victimes.
Enfin, j'observe qu'aucun amendement visant à élargir le périmètre aux influenceurs n'a été déposé – seule est visée la publicité.
Article unique
Amendements identiques AC8 de Mme Francesca Pasquini, AC9 de Mme Véronique Riotton et AC15 de M. Erwan Balanant
Je souhaite inclure dans le champ de la commission d'enquête l'évaluation de la situation des mineurs non seulement au cours de leur pratique professionnelle mais aussi lors des périodes d'enseignement et de formation au sein des établissements préparant aux métiers des secteurs visés par la proposition de résolution. Celle-ci fera également référence, dans un souci d'exhaustivité, à l'audiovisuel et à la publicité. Je propose, par ailleurs, que la commission d'enquête puisse se pencher sur les violences commises à l'égard des personnes majeures dans ces secteurs, compte tenu des nombreuses révélations, ces dernières années, de faits dont des personnes mineures n'étaient pas les seules victimes et de nombreuses demandes de collègues.
Madame la rapporteure, je salue l'initiative que vous avez prise – c'était une évidence à la fin de l'audition que nous avons menée conjointement avec la délégation aux droits des enfants.
Judith Godrèche, Adèle Haenel, Laetitia Casta ou Virginie Efira – la liste pourrait être longue –, j'ai une pensée pour toutes les lanceuses d'alerte, victimes et témoins des violences qui persévèrent dans l'industrie de la culture. Mesdames, merci pour votre courage, nous vous avons entendues.
L'amendement que nous proposons vise à passer à l'action pour protéger les victimes – toutes les victimes, mineures comme majeures. Car, non, il ne s'agit pas de comportements inappropriés, de blagues un peu lourdes. Embrasser une actrice ou lui imposer des scènes de sexe sans la prévenir, cela ne fait pas partie du métier. Et non, affamer un mannequin, lui faire du chantage à l'emploi, ce n'est pas acceptable. Ce sont des violences. Chers collègues, j'aimerais pouvoir vous dire que ces faits sont des exceptions, mais la réalité, c'est que non.
Nous ne pouvons tolérer que le corps de nos enfants et des femmes soit sacrifié sur l'autel de la culture. La rédaction que nous proposons permettra d'analyser les mécanismes qui favorisent ou, du moins, autorisent la perpétuation de ces violences physiques, psychologiques, sexistes et sexuelles et de faire de la formation, des écoles jusqu'aux industries du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Votons, chers collègues, pour ces amendements identiques afin de construire ensemble une culture à la française dont nous puissions être fiers.
J'ai entendu la critique à l'encontre du spectre large que nous proposons – nous devrions nous concentrer sur le cinéma. C'est une idée qui, initialement, m'a aussi traversé l'esprit, mais les messages que nous avons reçus et les interventions qui ont eu lieu à ce sujet montrent que nous ne pouvons pas laisser de côté les autres pratiques artistiques, le spectacle vivant, la musique, la mode ou la publicité : ce serait une erreur.
Faut-il, par ailleurs, en rester aux mineurs ou élargir la commission d'enquête aux majeurs ? Ce sont aussi, en ce qui concerne ces derniers, des violences – il y en a dans ce monde et nous devons toutes les traiter. De plus, nous rencontrerons, si ces amendements ne sont pas adoptés, de grandes difficultés dans des cas impliquant des personnes de 18 ans, ce qui est encore très jeune.
Je suis favorable à ces amendements qui ont été écrits conjointement et qui en recoupent d'autres, puisqu'ils traitent plusieurs questions.
Il est important de ne pas se concentrer sur le cinéma et le spectacle vivant parce que la publicité et l'audiovisuel présentent certaines caractéristiques communes, même si cela revient à sortir du champ de ce qui est traditionnellement reconnu comme de l'art. Je pense à la sexualisation des corps, aux stéréotypes qui sont véhiculés, etc. Par ailleurs, énormément d'exemples d'omerta nous ont été cités dans ces domaines.
Je tiens aussi à mettre l'accent sur les institutions publiques et les lieux d'enseignement, qui font l'objet d'alertes spécifiques quant à la manière dont ces violences sont, en réalité, inculquées. Il faut qu'il y ait une responsabilité publique en la matière. Une des revendications de Judith Godrèche était que le CNC ne soit plus dirigé par quelqu'un comme Dominique Boutonnat, qui est accusé de violences sexuelles et qui perd, peut-être, en crédibilité quand il s'agit de prendre à bras-le-corps de telles questions. Tous les organismes publics sont concernés : il faut que nous puissions étudier l'ensemble des chaînes de responsabilité. Nous avons déposé un amendement qui nous permettra de parler de la question de l'omerta, qui me semble importante.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements AC10 et AC12 de Mme Sarah Legrain, AC13 et AC11 de Mme Clémentine Autain, AC1 de Mme Sophie Blanc et AC5 de M. Alexis Jolly tombent.
Amendement AC14 de Mme Sarah Legrain
Cet amendement vise à expliciter des éléments qui sont contenus dans l'idée même de la création de cette commission d'enquête mais qu'il importe de préciser, à savoir les mécanismes de l'omerta. Je citerai à cet égard des propos de Judith Godrèche, qui est beaucoup évoquée – et ce sera donc pour moi aussi l'occasion de saluer son courage. Elle a dénoncé l'écrasement de la parole des femmes, l'existence d'une omerta extrêmement forte dans le milieu du cinéma en répétant ces mots : « tout le monde savait ». Le principe de cet univers est que tout le monde sait, mais que le silence et la passivité règnent. C'est ce qu'on appelle des mécanismes d'omerta. Il me semble donc important que soit explicité le fait que cette commission d'enquête se penchera aussi sur les formes de complicité.
Nous ne nous plaçons pas, cela a été dit, dans le cadre d'une enquête judiciaire, mais il faut réfléchir aux mécanismes qui font système. Or il y a là un système de prédation et un système de perpétuation de la prédation qui repose sur des mécanismes de silenciation des victimes. Judith Godrèche l'a dit récemment, lors d'une autre audition que nous avons organisée à l'Assemblée nationale, de nombreuses personnes témoignent du fait que, lorsqu'elles ont parlé, elles ont reçu des menaces et se sont finalement trouvées réduites au silence. Nous devrons aussi étudier ces mécanismes-là, pour pointer toutes les responsabilités.
Il faudra, au bout du compte, que la peur change de camp, que ce ne soient plus les victimes qui aient peur de parler, mais que ceux qui sont en cause sentent que ce n'est plus possible, que plus personne ne tolère cela, que nul n'organisera le silence autour d'eux, mais qu'au contraire les choses se sauront, se diront, qu'ils ne pourront plus continuer leurs violences et que ce sera à eux, et non aux victimes, d'être blacklistés. Il est important d'avoir en tête cet objectif.
Je suis, évidemment, d'accord sur le fond. Il faut briser les mécanismes d'omerta autour de ces violences, et c'est tout le sens de la création de la commission d'enquête. L'alinéa que vous proposez d'ajouter me semble, en revanche, redondant par rapport à ce qui figure déjà dans la proposition de résolution, qui propose « d'identifier les mécanismes et les défaillances qui permettent d'éventuels abus et violences » et « d'établir les responsabilités de chaque acteur en la matière ». En identifiant les mécanismes et les défaillances en jeu, nous nous intéresserons de façon naturelle aux schémas qui mènent à la reproduction et à la perpétuation des violences, ainsi qu'aux mécanismes permettant de protéger leurs auteurs. L'établissement de la responsabilité de chaque acteur concerne non seulement celle, directe, des personnes commettant des abus mais aussi celle des acteurs les ayant laissé faire ou les ayant couverts. Cet amendement m'apparaît donc satisfait et je vous demande de le retirer.
Je regrette que l'expression « protection des auteurs » ne figure pas dans la proposition de résolution, car elle est au cœur de l'omerta : il ne s'agit pas uniquement des mécanismes conduisant aux violences mais aussi de ceux permettant de protéger les personnes qui les causent. L'ajout que je propose vise à garantir que la question de ceux qui couvrent et protègent les auteurs des violences sera traitée, mais je ne voudrais pas nuire à la belle unanimité qui prévaut et je fais confiance à nos collègues pour s'y employer dans cette commission d'enquête au sein laquelle j'espère bien pouvoir travailler, moi aussi, car je suis sûre que l'Assemblée nationale validera sa création. Nous serons, en tout cas, vigilants sur cette question.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article unique modifié.
Titre
Amendement AC16 de Mme Francesca Pasquini
Il s'agit de modifier le titre de la proposition de résolution pour faire référence « aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité ».
La commission adopte l'amendement.
L'ensemble de la proposition de résolution est adopté modifié.
La séance est levée à vingt heures dix.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, Mme Clémentine Autain, M. Erwan Balanant, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, Mme Sophie Blanc, Mme Soumya Bourouaha, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, Mme Béatrice Descamps, M. Philippe Fait, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Éric Husson, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Véronique de Montchalin, M. Julien Odoul, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Léo Walter, M. Christopher Weissberg
Excusés. – M. Philippe Ballard, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, M. Boris Vallaud
Assistaient également à la réunion. – M. Idir Boumertit, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo