La réunion commence à neuf heures trente.
La commission examine la proposition de loi visant à reconnaître et protéger la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail (n° 2227) (M. Sébastien Peytavie, rapporteur).
Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à reconnaître et protéger la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail, dont le groupe Écologiste - NUPES a demandé l'inscription à l'ordre du jour des séances qui lui sont réservées le jeudi 4 avril.
Plus de 15,5 millions de femmes entre 13 et 50 ans sont menstruées en France. Les menstruations peuvent entraîner une variété de symptômes, allant jusqu'à des douleurs incapacitantes. Ces symptômes, mal diagnostiqués, sont très répandus : près de la moitié des femmes et des personnes menstruées souffriraient de douleurs liées à leurs cycles menstruels ou à d'autres pathologies pelviennes.
Au total, ce sont près de 7 millions de femmes qui souffrent de dysménorrhées, terme scientifique utilisé pour désigner les règles douloureuses, et près de 2,4 millions qui sont concernées par d'autres douleurs chroniques liées à leurs règles. L'endométriose, une pathologie chronique dont nous connaissons les conséquences sévères sur la santé des personnes qui en souffrent, concernerait à elle seule 10 % des femmes. Mais d'autres pathologies dont il faut tenir compte existent, telles que le fibrome ou le syndrome des ovaires polykystiques.
Il faut comprendre la nature et l'étendue de ces symptômes pour prendre la mesure de leur impact sur la vie des femmes, tout particulièrement dans le monde professionnel. Comme vous l'avez vu sur les réseaux sociaux ces jours-ci, certains de nos collègues de tous bords ont accepté de tester un simulateur de douleurs menstruelles. Bien sûr, nous ne devrions pas en avoir besoin pour croire à la douleur des femmes et l'apprécier. Mais, ayant perçu un des nombreux symptômes qu'elles subissent, nos collègues ont pu mesurer les répercussions des douleurs menstruelles sur la qualité de vie au travail. Leur ressenti est unanime : parfois semblables à des coups de couteau dans le ventre – pour les citer – de telles douleurs peuvent être incapacitantes. Il faut en tenir compte à ce titre.
Pourtant, ces troubles menstruels, qui prennent également la forme de migraines, d'une fatigue intense ou de troubles digestifs ou urinaires, n'épargnent pas le monde du travail : parmi les femmes salariées, 53 % ont des menstruations douloureuses et deux tiers ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leur cycle sur leur lieu de travail.
Nous devons en tirer une conclusion évidente : la santé menstruelle et gynécologique est un enjeu majeur de santé publique, d'égalité et d'adaptation du monde professionnel, vis-à-vis duquel les pouvoirs publics doivent mener une action forte et déterminée. Car, malgré l'annonce d'une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose ou du déploiement d'un kit de sensibilisation, force est de constater que les choses changent bien trop lentement, en particulier dans le monde du travail.
Le tabou des règles et la minimisation du vécu de la douleur, s'ils existent à l'échelle de toute notre société, sont décuplés dans le monde professionnel : 68 % des femmes estiment que les règles sont un sujet tabou en entreprise. Les conséquences en sont cruelles, puisque c'est justement sur le lieu de travail que les menstruations douloureuses créent le plus de difficultés.
Nous en venons à un constat terrible : 625 000 femmes, soit un quart de celles qui souffrent d'endométriose, déclarent avoir changé de métier ou de statut afin d'adapter leur vie professionnelle, tandis qu'un autre quart, anticipant leurs symptômes, puisent dans leurs jours de congé ou dans leurs RTT, plutôt que de recourir à des arrêts maladie, pouvant perdre alors jusqu'à 10 % de leur salaire.
Il n'est plus admissible que des femmes quittent le monde du travail ou perdent du pouvoir d'achat parce que ni ce monde, ni la puissance publique ne sont capables de les soutenir. Nous devons envoyer un message : ce n'est plus aux femmes de serrer les dents et de s'adapter à un monde du travail créé par et pour les hommes, mais au monde du travail de s'adapter à leurs besoins de santé. Il appartient au législateur, il nous appartient d'engager une transformation de notre société pour tenir pleinement compte de la santé menstruelle et gynécologique. Pour reprendre les mots du Président de la République : « Ce n'est pas un problème de femmes, c'est un problème de société. »
La présente proposition s'inscrit dans cette démarche et prévoit plusieurs mesures fortes, conçues pour être graduées, et devant prendre leur place dans un large plan de reconnaissance de la santé menstruelle et gynécologique au travail.
Il s'agit en premier lieu, avec l'article 4, d'intégrer la santé menstruelle et gynécologique dans les prérogatives d'action des services de médecine du travail. Nous le savons, ceux-ci peuvent jouer un rôle central dans la prévention des risques, l'aménagement des postes, l'accompagnement des employeurs et la sensibilisation.
L'article 3 vise à intégrer la santé menstruelle et gynécologique au dialogue social, en la consacrant comme un thème obligatoire de négociation collective. Nous savons en effet que, malgré l'obligation d'y aborder l'égalité femmes-hommes, la santé menstruelle et gynécologique reste absente du dialogue social. L'appropriation de ce sujet par la négociation permettra aux entreprises d'envisager la mise en place de mesures telles que la mise à disposition de sanitaires adaptés ou des aménagements du temps de travail.
L'article 2 permet d'aller plus loin dans l'aménagement du travail, puisqu'il consacre le droit des personnes souffrant de menstruations incapacitantes à demander le recours au télétravail. Il s'appliquera, évidemment, aux personnes dont le poste est télétravaillable.
Enfin, l'article 1er du texte, inspiré du modèle espagnol et des expérimentations locales et en entreprise, crée un arrêt pour menstruations incapacitantes, exempt de délai de carence. Nous avons fait le choix d'un arrêt de travail plutôt que d'un congé car les mots comptent : il ne s'agit pas d'une absence relevant du loisir ou de vacances, mais d'un besoin de santé, auquel la solidarité nationale doit pleinement subvenir.
Lors des auditions, les associations et les syndicats nous ont fait part de leurs craintes relatives à l'anonymat et aux risques de discriminations. Alors qu'un congé organisé par l'intermédiaire d'un accord d'entreprise impliquerait nécessairement d'informer l'employeur, nous avons opté pour un arrêt de travail, seul à même de garantir l'anonymat, puisqu'il ne fait aucunement mention de la raison de l'absence. Les associations et les syndicats y sont également favorables.
Ainsi, dès lors qu'une femme aura reçu un diagnostic attestant qu'elle souffre de menstruations incapacitantes, elle pourra obtenir une prescription ouvrant le droit à treize jours d'arrêt par an, soit un jour par cycle, renouvelable une fois. Pour s'adapter au mieux à la réalité du cycle et à la chronicité des pathologies, et pour faciliter les démarches des personnes concernées dans un contexte de pénurie de médecins, ces treize jours pourront être posés librement.
Cet arrêt sera indemnisé sans délai de carence, sur le modèle des arrêts pour fausse couche ou pour affections de longue durée (ALD). La suppression du délai de carence permettra à la personne diagnostiquée de ne pas subir les pertes financières qu'implique le régime actuel. C'est une mesure de justice indispensable pour mettre fin à la double peine que les femmes se voient infliger : souffrir en silence et perdre leurs revenus.
L'arrêt menstruel constitue l'une des options ouvertes au sein de tout un dispositif. Il permet une approche graduée et adaptée aux besoins des personnes concernées.
Je voudrais rassurer les plus craintifs d'entre vous : aucun abus de droit n'a été observé par les structures ayant instauré un tel arrêt. C'est au contraire le non-recours à l'arrêt menstruel qui constitue un problème, puisque le taux de recours maximal observé s'élève à 2 % des personnes éligibles.
Je soulignerai également le coût limité d'un tel arrêt : il ne dépasserait pas les 223 millions d'euros, suivant une estimation haute, ou les 44 millions d'euros, selon une estimation basse, plus réaliste et issue de nos auditions. Le rendement de la TVA applicable aux produits menstruels est pour sa part estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros au minimum, tandis que les coûts liés aux menstruations atteignent jusqu'à 23 000 euros par personne tout au long de sa vie. Il faut mettre ce coût en regard du coût global des troubles menstruels, celui de l'endométriose seule étant évalué à 10,6 milliards d'euros par an.
Il y a quelques semaines, nous assistions toutes et tous avec émotion à l'inscription de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans notre Constitution. Nous avons alors unanimement reconnu que notre assemblée ne pouvait ignorer davantage la santé des femmes. Alors que cela nous semblait inconcevable quelques années plus tôt, la société était prête et le Parlement a fini par évoluer avec son temps.
Alors, mes chers collègues, donnons-nous à nouveau l'occasion d'être en phase avec les attentes des citoyennes et des nouvelles générations, en accompagnant les évolutions d'une société prête et désireuse d'instaurer cet arrêt menstruel.
En cette veille du 28 mars, Journée mondiale contre l'endométriose, donnons l'occasion à cette assemblée de montrer aux millions de femmes qui vont au travail dans la douleur, serrent les dents et souffrent en silence que nous les entendons et que nous allons agir pour en finir avec la double peine et pour que le monde du travail tienne pleinement compte de la santé menstruelle et gynécologique.
L'Espagne a choisi de faire confiance aux femmes. C'est ce choix que je vous invite solennellement à faire aujourd'hui.
Combien de Françaises ont déjà entendu la phrase : « c'est normal d'avoir mal quand on a ses règles » ? Que les choses soient claires : non, ce n'est pas normal d'avoir mal, il n'est pas normal d'attendre si longtemps pour obtenir un diagnostic. Vivre avec une maladie gynécologique chronique, dont les symptômes sont multiples et les manifestations – parmi lesquelles les migraines cataméniales – très douloureuses, est avant tout une épreuve personnelle et intime. Les douleurs quotidiennes peuvent être si intenses qu'elles empêchent une femme de travailler, d'étudier, ou même de se déplacer. Je remercie monsieur le rapporteur de nous permettre d'évoquer ces maux qui rendent la vie difficile à toutes les femmes. Je suis persuadée que la recherche aurait progressé beaucoup plus vite si 2,5 millions de nos concitoyens masculins étaient confrontés à des douleurs aussi insoutenables qu'en causent ces menstruations.
Cet enjeu de santé publique est un problème de société, qui appelle plus qu'une réponse collective : une mobilisation générale de la société. Le texte se veut une réponse, mais doit être amélioré. L'article 1er soulève en effet plusieurs préoccupations et pourrait avoir des conséquences inattendues, alors que le délai de carence ne constitue pas le point de blocage. Il risque de stigmatiser les femmes dans le monde du travail et de renforcer les stéréotypes sexistes. Nous devons promouvoir une culture du travail qui valorise la diversité et l'inclusion, sans risquer de créer de nouvelles inégalités. Or un arrêt à la même date tous les mois entraînerait de facto une levée du secret médical et induirait nécessairement une discrimination à l'emploi dans certains secteurs. Cet article pourrait conduire les entreprises à réduire leurs effectifs ou à hésiter à embaucher des femmes.
Nous devons également renforcer l'éducation et la sensibilisation à la santé menstruelle et gynécologique dès le plus jeune âge, et promouvoir l'accès aux soins de santé pour toutes les femmes. L'entreprise et les branches doivent se mobiliser à cet égard : c'est notamment le sens des articles 2 à 4, relatifs à l'aménagement de poste et au télétravail.
Notre groupe partage la volonté du rapporteur et de son groupe d'accorder davantage de place à la santé des femmes, plus particulièrement à la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail. Cependant, nous souhaitons proposer des solutions concrètes, ne conduisant pas à des situations de stigmatisation, et l'article 1er dans la rédaction de la proposition risque d'avoir l'effet inverse de celui que l'on recherche.
Si l'article 1er devait être adopté, le groupe Renaissance s'abstiendrait, pour trouver une solution médiane d'ici à la discussion en séance.
La proposition promue par les écologistes, qui clament en permanence défendre les droits des femmes sur les plateaux télévisés ou sur les réseaux sociaux, ne doit duper personne. Qui a voté contre la proposition de loi du Rassemblement National visant à soutenir les femmes atteintes d'endométriose ? Qui a voté contre la prise en charge à 100 % des consultations, analyses, médicaments et frais de transport des patientes atteintes d'endométriose ? Qui a voté contre la dispense d'avance des frais de santé et le doublement de la durée du préavis légal en cas de licenciement ? Toujours les mêmes.
Votre texte vise à créer un arrêt de travail pour menstruations incapacitantes, qui existe déjà, la seule innovation que vous proposez étant la suppression du délai de carence, c'est-à-dire le fait pour les indemnités journalières de n'être plus versées après trois jours, pour les salariées, ou après un jour, pour les fonctionnaires, mais bien dès le premier jour de l'arrêt de travail. Nous y sommes favorables, vous ayant précédés sur ce point. Qu'avez-vous fait lorsque nous vous l'avons proposé pour les femmes atteintes d'endométriose ? Vous avez voté contre.
Votre proposition pose trois problèmes. D'abord, vous voulez créer un arrêt de travail, renouvelable une fois, d'une durée de treize jours qui peuvent être pris en une seule fois, ce qui est contradictoire avec le caractère chronique des dysménorrhées. Ensuite, votre texte crée une inégalité entre les femmes qui travaillent, dans la mesure où le dispositif bénéficierait aux fonctionnaires et aux salariées du privé, mais pas aux agricultrices ni aux travailleuses indépendantes. Enfin, avec vous, les menstruations incapacitantes n'auraient pas à être diagnostiquées par un gynécologue, puisqu'un arrêt de travail prescrit par un médecin généraliste, un médecin du travail ou une sage-femme y suffirait. L'assurance maladie vous remerciera !
Je le dis avec gravité : il ne faut pas instrumentaliser la santé des femmes mais la consacrer. Les postures politiciennes n'ont pas leur place ici. Le groupe Rassemblement National, pour l'instant, a l'intention de s'abstenir.
65 % des femmes salariées ont déjà été confrontées à des difficultés liées aux règles au travail. Votre rapport détaille ces réalités, désormais connues et documentées. Pourtant, les personnes menstruées sont contraintes de choisir entre perte de salaire et travail dans la douleur.
Le texte met en lumière un sujet majeur ayant trait aux conditions de travail en contexte patriarcal, le culte de la performance invisibilisant et méprisant tout ce que l'on perçoit comme une fragilité.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, va dans le bon sens, celui d'une meilleure prise en compte de la santé et du bien-être au travail des femmes et des personnes menstruées. Le choix du périmètre du texte et du dispositif administratif, l'arrêt de travail, constitue une étape qui explique vos arbitrages. En effet, le traitement de ce sujet peut conduire à s'interroger : la prise en compte des règles dans le monde du travail ne serait-elle pas source de discrimination et de stigmatisation supplémentaires ?
Il nous revient en conséquence d'imposer une culture inclusive et la banalisation des règles par la loi et à l'aide d'un code du travail renforcé. Nous proposerons des amendements de précision ou d'appel, visant à placer la santé menstruelle et gynécologique au cœur d'une réflexion sur les conditions de travail tout au long de la vie, donc sur les modalités d'un rapport de force entre employeur et employé faisant progresser la place des femmes dans le monde du travail.
Afin de renforcer la prise en compte de la santé gynécologique et endocrinologique, nous souhaitons par exemple inclure la ménopause et ses symptômes dans le dispositif proposé. D'autre part, nous exprimons une préférence pour une obligation pure et simple de l'employeur à agir plutôt que pour le renvoi à la négociation collective. Enfin, nous demandons de véritables études de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques sur la santé féminine au travail.
Nous soutiendrons évidemment ce texte, qui contribue à nos yeux à l'édification d'un monde du travail libéré du sexisme et du machisme, et à l'instauration de conditions de travail dignes pour toutes les femmes, là où les mesures que veut le Rassemblement National ne profiteraient qu'aux femmes françaises.
Les dysménorrhées, ces douleurs importantes qui surviennent pendant les menstruations, touchent des milliers de nos concitoyennes. On estime qu'une femme sur dix en France souffre d'endométriose, qui en constitue l'une des formes les plus répandues. Longtemps méconnues, encore mal diagnostiquées et prises en charge, ces affections constituent un sujet particulièrement sensible, car elles touchent à l'intime. Elles peuvent s'avérer extrêmement douloureuses voire, pour certaines pathologies, invalidantes et causes d'infertilité.
Nous abordons la réalité au quotidien des femmes concernées, qui travaillent et vivent en souffrant, et leur accompagnement au plus tôt dans la prise en charge de la douleur, afin qu'elles ne soient pas empêchées.
Le texte prévoit la création d'un arrêt de travail pour menstruations incapacitantes. Si l'intention est louable, ce dispositif, qui semble nier la réalité biologique suivant laquelle seules les femmes ont des menstruations, apparaît inadapté, car – il faut le rappeler – des solutions existent déjà. Je citerai d'abord celles qui passent par le dialogue social au sein des entreprises : en cas de douleurs intenses, les femmes présentant des dysménorrhées peuvent se faire prescrire un arrêt de travail par un médecin ou par une sage-femme, en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.
Mais l'arrêt médical est le dernier recours et n'est pas la solution pour toutes. C'est pourquoi il est possible d'adapter et d'aménager le poste de travail, notamment grâce au télétravail, en lien avec la médecine du travail, ce qui garantit la préservation du secret médical – un aspect qui n'est pas à négliger.
Choisir d'instituer un congé menstruel ou un arrêt maladie spécifique pourrait induire un effet de bord et exposer durablement les jeunes femmes à des difficultés dans leur intégration professionnelle. De notre point de vue, ces problèmes appellent plutôt une prise en charge médicale et la garantie d'accéder à des soins adaptés. Or créer un arrêt de travail cadre valable pendant une année pourrait conduire à diminuer le suivi médical, pourtant essentiel, des femmes souffrant de dysménorrhées. L'accompagnement médical doit être notre priorité et votre proposition ne va pas dans ce sens. À titre d'exemple, l'errance diagnostique d'une femme atteinte d'endométriose dure en moyenne sept ans. C'est sur ce point que nous devons agir.
Je salue l'investissement du rapporteur Sébastien Peytavie et de Marie-Charlotte Garin et les remercie de nous donner l'occasion d'aborder la santé des femmes. Il ne faut pas minimiser ni banaliser ce sujet, car c'est une réalité que beaucoup de femmes vivent, et qui n'est pas une fatalité, qui n'est pas normale. De nombreuses femmes, persuadées que c'est comme ça, ne consultent pas. Pourtant, il faut consulter, car, dans de nombreuses situations, heureusement, des traitements existent ; il faut consulter, car il peut y avoir des pathologies sous-jacentes aux dysménorrhées – on a parlé de l'endométriose, mais ce n'est pas la seule. En consultant, en formant les professionnels, en investissant dans la recherche, nous arriverons à diminuer l'errance diagnostique relative à l'endométriose. Ces dernières années, nous avons fait beaucoup de progrès en ce sens.
À travers le monde, on recherche des réponses aux dysménorrhées. Pour les femmes souffrant de règles incapacitantes, vous proposez un arrêt de travail complètement dérogatoire par rapport aux arrêts pour d'autres causes : treize jours, potentiellement consécutifs, par an et renouvelables une fois, soit vingt-six jours au total, sans délai de carence ni condition d'ancienneté.
Je formulerai trois remarques. D'abord, la concertation avec les entreprises est absente du texte. Même si la prise en charge est assurée par l'assurance maladie, une réforme d'une telle ampleur pour le monde du travail doit à tout le moins faire l'objet de négociations préalables. La négociation est le mode opératoire qui a prévalu dans les collectivités locales et les entreprises ayant instauré ces congés. Ensuite, l'application de votre mesure ferait courir aux femmes un risque de discrimination, en premier lieu à l'embauche, que l'on ne peut écarter. Enfin, ce texte nous mène peu à peu à la création de congés spécifiques à telle ou telle pathologie, alors que de tels dispositifs devraient conserver un caractère d'universalité. Les arrêts de travail n'ont pas vocation à faire l'objet de traitements différenciés suivant leurs causes médicales.
Pour toutes ces raisons, sans mésestimer la réalité des règles douloureuses, le groupe Démocrate ne soutiendra pas l'article 1er. Il se montre en revanche ouvert à voter en faveur des trois autres articles, sous réserve de l'adoption de plusieurs amendements.
Le groupe Horizons est conscient de la nécessité d'œuvrer pour améliorer la vie professionnelle des femmes présentant des dysménorrhées et, plus généralement, de l'importance de mieux reconnaître dans notre société la santé menstruelle et gynécologique. Les dysménorrhées constituent un véritable sujet de société : il convient de ne plus les banaliser ni les invisibiliser. Elles peuvent se révéler extrêmement douloureuses, voire, dans le cas de certaines pathologies, invalidantes.
Cependant, tout en partageant l'objectif de mieux accompagner ces femmes, notre groupe émet des réserves quant à l'applicabilité et aux implications de la proposition. La définition même de la dysménorrhée apparaît cliniquement vague, ce qui fait de son application pratique un défi. Cela pourrait mener à des difficultés dans l'identification de l'affection, augmentant le risque de détournement du dispositif, notamment en ce qui concerne les modalités d'arrêt de travail.
L'article 1er, instituant un congé menstruel spécifique, suscite l'inquiétude. Non seulement il pourrait engendrer un coût significatif pour la sécurité sociale, mais il risque encore de créer un effet pervers en matière d'égalité sur le marché du travail et de décourager l'embauche des femmes, les exposant à une discrimination, tout en obligeant à la divulgation d'informations personnelles, qui porterait atteinte à la protection de leur vie privée. Les mesures telles que l'encouragement au télétravail, l'intégration de la santé menstruelle dans les accords d'entreprise et l'adaptation des prérogatives de la médecine du travail, bien qu'elles visent à proposer des solutions, ne constituent pas la manière la plus adéquate de traiter des cas individuels et de protéger le secret médical.
Face à ces constats, le groupe Horizons conditionne son vote à la révision de l'approche adoptée, qui implique la suppression de l'article 1er et, quant aux autres articles, l'introduction d'amendements ciblés. Cette position vise à équilibrer le soutien nécessaire aux femmes affectées par les dysménorrhées et les impératifs de faisabilité, de coût et d'impact social.
« Durant la nuit, les douleurs empirent. Elles me réveillent. Elles sont souvent plus grandes qu'en journée. J'ai l'impression d'étouffer, que je ne peux plus respirer. La douleur qui se situe dans mon ventre me paraît s'élever à neuf sur dix, comme si mes organes voulaient sortir. J'en viens à me demander si c'est mes règles ou si je suis en train de mourir. Pourtant, j'hésite à appeler les urgences. Mais je sais que ça va finir par passer. Ces crises-là sont longues : elles durent environ une heure. Le matin, je me retrouve épuisée, et parfois les douleurs reprennent immédiatement. En dehors de ces crises, il y a également la sensation d'avoir une lame de rasoir qui se frotte contre l'ovaire à chaque mouvement, ainsi que des douleurs de dos intenses, comme si j'avais passé une nuit allongée sur des cailloux. » Ceci est le témoignage d'Olga, que j'ai reçue suite au dépôt en mai dernier, par mon collègue Mickaël Bouloux et moi-même, de la proposition de loi visant à créer un congé menstruel.
Il est clair que ces douleurs sont absolument incompatibles avec une activité professionnelle. Une femme sur dix souffre d'endométriose, dans le silence le plus total. Combien souffrent de règles incapacitantes ? Je suis heureuse que notre collègue Sébastien Peytavie et le groupe Écologiste, par l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de leur niche, participent à l'effort que nous devons tous faire pour briser le tabou des règles. Les femmes victimes de règles incapacitantes doivent pouvoir prendre un arrêt menstruel lorsque leurs douleurs ne leur permettent pas de travailler, sans avoir à aller chez le médecin tous les mois, ni pâtir d'une retenue sur leurs salaires en raison d'un délai de carence.
On peut se demander pourquoi des douleurs si fortes qu'elles empêchent de travailler sont encore invisibilisées dans notre société. Dès les années 1980, Gloria Steinem, célèbre féministe américaine écrivait que, si elles arrivaient aux hommes et non aux femmes, « les règles deviendraient un événement masculin enviable et digne de fierté. Le Congrès créerait un Institut national de dysménorrhée pour combattre les règles douloureuses. » Quarante ans après ce malheureux constat, on pourrait commencer à croire les femmes et délivrer à toutes celles qui souffrent tous les mois un arrêt menstruel. Le groupe Socialistes et apparentés votera bien sûr en faveur de ce texte très beau et ambitieux.
Chers collègues, vous êtes nombreux à nous avoir vus passer en images, ces derniers jours, avec cet objet singulier : un simulateur de douleurs de règles. Ce test a permis à nos collègues masculins de se mettre à la place des femmes et nous a donné l'occasion de mener ensemble une discussion de fond sur un sujet encore tabou dans la société. On a rappelé que les crampes dans le bas-ventre ne sont qu'une toute petite partie de la réalité : il y a aussi les douleurs au bas du dos, les troubles digestifs, les vomissements, les douleurs articulaires, musculaires, le syndrome prémenstruel, la crainte des fuites, l'acné, les migraines, la fatigue, j'en passe, et des meilleures.
Évidemment, les réactions des femmes sur les réseaux sociaux sont nombreuses. Elles se disent qu'enfin on parle de ce sujet capital, qu'enfin ils se mettent à notre place et qu'enfin une solution est proposée. Elles se demandent aussi pourquoi on doit en arriver là pour être cru et pour que les députés se bougent. C'est parce que, les règles, on n'en parle jamais. On n'en parle pas parce que c'est tabou, parce que certains pensent que c'est une affaire de bonnes femmes, et qu'on refuse d'en faire un sujet politique.
Par cette proposition de loi, nous disons : stop ! Stop au tabou, parce que nous voulons que la santé menstruelle ait pleinement sa place dans le monde du travail. Quand ce monde a été créé, les femmes n'étaient pas invitées à la table des négociations. Alors, aujourd'hui, on s'invite et on demande que les spécificités des corps menstrués soient reconnues et pleinement intégrées, que ça passe par des négociations collectives, par l'aménagement des postes de travail, par le recours au télétravail, et parfois, quand ça ne suffit pas, par la possibilité de s'arrêter quand les règles sont douloureuses au point d'être incapacitantes.
Vous pouvez tenter d'ignorer la santé menstruelle, vous dire que c'est un sujet réservé au foyer, mais, en faisant cela, vous ignorez toutes les femmes qui perdent chaque année jusqu'à 10 % de leur salaire parce qu'elles ne peuvent pas se lever, parce qu'elles vomissent, parce qu'elles tombent dans les pommes et qu'elles sont pliées en deux par la douleur.
À toutes ces femmes, que dites-vous ? Qu'elles sont exclues de la solidarité nationale, que ce sont les grandes planquées, celles dont on ne parle pas, celles pour qui on ne fait rien, parce que ce ne serait pas si grave ? Eh bien si, c'est grave ! Je crois même que c'est le sens de l'histoire de rééquilibrer ces inégalités dans le monde du travail. C'est parce qu'il y a un tabou que nous devons en parler, que nous devons nommer et reconnaître la réalité de la santé menstruelle, comme nous avons nommé et reconnu les fausses couches l'année dernière.
Le 15 février dernier, le Sénat a hélas rejeté la proposition de loi socialiste visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail, qui prévoyait notamment la possibilité pour les salariées souffrant de dysménorrhées, c'est-à-dire de règles douloureuses, de bénéficier d'arrêts de travail spécifiques sans jour de carence, ou de périodes de télétravail adaptées. Je remercie nos collègues écologistes et Sébastien Peytavie, le rapporteur de la présente proposition, qui remet ce sujet à l'ordre du jour.
Il faut avancer. Près d'une femme sur deux souffrirait de dysménorrhées. Ce phénomène demeure invisible, particulièrement dans le cadre professionnel. Il n'existe aucune prise en compte réelle et adaptée des dysménorrhées invalidantes. Certaines initiatives sont prises par des entreprises et des collectivités territoriales pour pallier ce manque, mais il convient d'observer que ces dispositions sont de natures très différentes : le congé menstruel va de l'acquisition d'un jour de congé payé supplémentaire par mois pour les femmes, à un droit élargi au télétravail, ou encore à des autorisations d'absence. Parmi les pays ayant légiféré, l'Espagne a opté pour un arrêt maladie pour incapacité temporaire.
La santé, en l'occurrence la santé au travail, ne peut relever d'une conception strictement masculine. Vous avez raison de parler d'un arrêt plutôt que d'un congé. Cela peut soulever quelques interrogations sur l'usage du télétravail, mais l'une des questions posées par cette situation et cette proposition a trait à la fragilité et à l'insuffisance de la médecine du travail. C'est là que devrait se jouer l'adaptation du poste de travail, puisque c'est bien le poste de travail qui doit être adapté à la personne et non l'inverse. Pour les droits des femmes, pour les droits des femmes au travail, il y a encore tant à faire.
Malgré l'action des associations et la mobilisation militante, le monde du travail peine encore à identifier les dysménorrhées comme un enjeu d'égalité professionnelle. Si de réels progrès ont été réalisés concernant la prévention et la santé au travail, peu d'employeurs ont adapté le régime de travail de leurs salariées en souffrance. Or, avec l'application du délai de carence, chaque arrêt de travail génère pour l'assurée une perte financière nette s'accumulant mois après mois puisque les douleurs menstruelles sont récurrentes et que leur périodicité est assez courte. En conséquence, les femmes concernées sont aujourd'hui contraintes de choisir entre deux issues insatisfaisantes : s'arrêter – et perdre parfois jusqu'à 10 % de leur salaire – ou souffrir au travail.
Notre groupe, pleinement engagé sur les enjeux de santé menstruelle et gynécologique, soutiendra ce texte. Nous avons déjà défendu le dépistage gratuit de l'endométriose et la lutte contre la précarité menstruelle par une proposition de loi que j'ai moi-même déposée. Nous sommes nombreux à considérer que, trop longtemps, les enjeux de santé féminine ont été invisibilisés et les douleurs et pathologies sous-estimées. Je remercie d'ailleurs les députés écologistes d'avoir organisé une sensibilisation aux douleurs menstruelles la semaine dernière grâce à un exercice d'empathie intéressant, utile et effectivement douloureux.
Nous saluons les mesures de ce texte, notamment la prise en charge de l'arrêt de travail par la sécurité sociale sans délai de carence. Ce sujet délicat pose la question du secret médical et de la discrimination au travail. Cette dernière doit être combattue par la sensibilisation, ainsi que le propose le texte.
Notre soutien à la proposition de loi est total.
« Tu enfanteras dans la douleur. », « il faut souffrir pour être belle » : la douleur des femmes semble être aussi vieille que le monde, mais elle est méconnue et n'est pas reconnue. Les combats féministes ont toutefois permis de porter ces enjeux sur la place publique et, aujourd'hui, nous pouvons en discuter à l'Assemblée nationale. Je remercie Sébastien Peytavie pour son engagement et j'en profite pour lui demander comment fonctionne le dispositif de simulation des douleurs menstruelles : nous avons tous vu cette vidéo très pédagogique de nos collègues en train de l'utiliser.
Lors de la précédente législature, nous avons adopté à l'unanimité une résolution visant à inscrire l'endométriose sur la liste ALD 30. Le Gouvernement n'a malheureusement pas souhaité la traduire dans les faits. Cette décision hallucinante manifeste un mépris du Parlement.
L'arrêt de travail prévu par cette proposition de loi sera utile aux femmes atteintes d'endométriose – je rappelle qu'elle concerne une femme sur dix, ce qui est énorme – et à celles qui souffrent de règles douloureuses– une femme sur deux. Le texte prévoit de supprimer le délai de carence, ce qui est fondamental. Je le voterai donc des deux mains.
Nos collègues qui hésitent à le faire au motif qu'il serait source d'inégalité doivent se garder d'infantiliser les femmes. Elles sont très conscientes de ce qu'un arrêt de travail peut leur coûter : elles savent que, dans certaines situations, elles ne pourront l'utiliser. Notre responsabilité est de les accompagner afin d'instaurer, sur cet aspect comme sur d'autres, une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans le monde professionnel.
À la veille de la Journée mondiale de lutte contre l'endométriose, je remercie Sébastien Peytavie et Marie-Charlotte Garin d'avoir posé ce sujet. Toutefois, nous devons nous garder de légiférer dans la précipitation sur une question qui est d'abord médicale.
La stratification diagnostique de l'endométriose n'est pas bonne : la Haute Autorité de santé devrait favoriser le test salivaire plutôt que l'imagerie par résonance magnétique afin que les gynécologues, les médecins traitants et les sages-femmes puissent mieux identifier les femmes en souffrance. Je rappelle qu'une femme peut avoir des dysménorrhées sans pour autant être atteinte d'endométriose.
S'agissant de maladies, les femmes peuvent prétendre à une prise en charge médicale et à un arrêt de travail, ce qui pose la question, cette fois financière, du jour de carence. Cette question doit être posée au regard de l'égalité de traitement dans le cadre des accords de branche et elle doit prendre en compte la diversité des situations d'emploi – l'impact sur le salaire n'est pas le même dans une administration, dans un grand groupe ou ans une petite PME. Il faut également veiller à prévenir tout effet de bord qui conduirait un employeur à préférer, à compétence égale, un jeune homme à une jeune femme.
Je crois que nous pouvons trouver une solution – l'exemple de l'Espagne, où l'on n'a pas constaté d'abus, est encourageant – en accord avec les branches professionnelles.
Ce texte est essentiel au débat public. Les auditions que nous avions menées avec ma collègue Fatiha Keloua Hachi à l'occasion de nos travaux pour une proposition de loi similaire ainsi que celles qu'a conduites le rapporteur nous ont montré qu'une meilleure prise en compte des cycles menstruels incapacitants et des pathologies féminines et que l'arrêt menstruel répondent à un réel besoin de considération de tous les individus, dans le monde du travail comme dans la société tout entière, et favorisent la compréhension des femmes par les hommes ainsi que l'égalité.
Ne soyons pas à la traîne de la société – et particulièrement des jeunes générations – qui est prête pour l'instauration d'un arrêt menstruel fondé sur la confiance. Vous pouvez compter sur nous pour voter en faveur de ce texte.
Dans notre pays, 15 millions de personnes ont leurs règles, dont 2 millions souffrent de règles très douloureuses et incapacitantes. Elles n'ont pourtant aucun droit : ni à un arrêt de travail ni au remboursement des protections, dont le coût est de 10 000 à 20 000 euros au cours d'une vie.
Dans la bande dessinée Si les hommes avaient leurs règles, Camille Besse et Éric La Blanche imaginent qu'alors les règles deviendraient une fierté et un symbole de force et qu'une grosse part du budget national serait consacrée au remboursement des serviettes et des arrêts de travail, que des distributeurs gratuits seraient installés, que la lutte contre l'endométriose serait une priorité et que l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme serait complété par la phrase « Chacun a droit à la protection périodique et la dignité menstruelle », que la menstruologie, devenue une science reconnue, aurait permis qu'une pilule – déclarée plus grande invention de tous les temps par l'Organisation des Nations unies et récompensée par le prix Nobel – évite aux hommes de saigner et soit distribuée gratuitement.
Mais ce sont les femmes qui ont des règles et il n'y a donc presque rien. Certes, le congé menstruel fait l'objet d'expérimentations – à la métropole de Lyon, à Saint-Ouen, à Grenoble et dans le département de la Seine-Saint-Denis – qui permettent de constater qu'il n'y a pas d'abus, mais il est de temps de faire de ce congé un droit social et national pour les femmes. Je salue donc cette proposition de loi.
Votre proposition de loi s'inscrit dans un mouvement plus général, que nous encourageons, vers une meilleure prise en compte de la santé des femmes dans notre législation et dans notre écosystème.
Mais n'avez-vous pas le sentiment, monsieur le rapporteur, qu'elle est un peu étriquée par rapport à la qualité des auditions que vous avez conduites ?
Le mouvement vers une meilleure prise en compte de l'endométriose est à l'arrêt. Lors de la précédente législature, une résolution avait été votée à l'unanimité et une volonté politique s'affirmait, mais, depuis, on a du mal à aller plus loin. Vous semblez regretter de ne pas avoir pu embarquer davantage de sujets concernant la santé des femmes et le monde du travail. Je salue en tout cas la qualité de vos travaux et reconnais à cette proposition de loi le mérite de mettre les choses sur la table. Pour le reste, le dialogue social au niveau de la branche doit être privilégié.
Les inégalités entre les femmes et les hommes au travail sont une réalité que nous connaissons toutes au cours de notre vie et touchent par exemple les salaires – l'écart salarial entre les hommes et les femmes à poste égal est de 24 % –, les temps partiels subis ou les recrutements, lorsqu'une femme est « suspectée » d'attendre un enfant ou d'en vouloir. Elles concernent de manière générale les revenus puisque les protections hygiéniques ont un coût, qui, pour les femmes souffrant d'endométriose ou de fibromes, peut être jusqu'à quatre fois plus élevé que pour les autres.
Ce texte vient compléter notre travail de lutte contre ces inégalités auquel même la majorité présidentielle a participé, notamment avec la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique et la constitutionnalisation de l'IVG.
Chers collègues, pourquoi faut-il qu'il y ait toujours un « mais » à vos « mercis » et vos « oui, il faut » quand on parle du droit à l'égalité des femmes ?
Depuis la loi du 7 juillet 2023 visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche, je n'ai pas cessé de travailler pour que la santé des femmes soit prise en compte. Nous ne devons pas laisser tomber les femmes et nous devons continuer à les accompagner dans l'amélioration de leur bien-être. La société est prête, mais peut-être que nous, les politiques, sommes en décalage par rapport aux demandes de la société. On peut trouver tous les arguments possibles pour s'opposer à cette proposition de loi, mais ceux qui ont vraiment la volonté d'améliorer la prise en compte de la santé des femmes doivent la voter.
Monsieur le rapporteur, je ne doute pas que votre intention soit louable, même si je me souviens de votre position et de celle de votre groupe lors des débats sur la proposition de loi de notre collègue Taché de la Pagerie visant à soutenir les femmes souffrant d'endométriose.
Nous avons renforcé dans le code du travail les dispositions visant à protéger les femmes du sexisme dont elles souffrent en entreprise. Ne pensez-vous pas que de votre texte risque au contraire de l'accentuer et de freiner leur parcours professionnel ?
Imaginons qu'une maladie appelée la testiculose provoque des douleurs chaque mois chez des millions d'hommes : cela ferait des siècles qu'une loi aurait adapté les conditions de travail. Mais nous parlons des femmes et, pour certains, les choses sont bien moins évidentes. Pour le Rassemblement National, cette proposition serait discriminatoire. Mais que propose-t-il ? Rien ! Ce n'est pas de confort que nous parlons mais de femmes qui se retrouvent pliées en deux de douleur et dans l'incapacité de parler, d'écouter ou de porter des charges.
La prévention est importante. Il faut en moyenne huit ans pour diagnostiquer l'endométriose et elle n'est pas la seule maladie qui provoque des douleurs. Comment accompagner au mieux les jeunes femmes qui suivent des études ? D'abord en répondant au besoin d'information. Dans le système scolaire, l'information sur la vie sexuelle – et plus particulièrement sur les règles et les douleurs qu'elles peuvent provoquer – est en dessous de tout. Où sont les infirmières scolaires pour expliquer aux lycéennes qu'il n'est pas normal d'avoir mal quand on a ses règles et qu'il faut aller se faire diagnostiquer ?
Nous voterons cette proposition de loi des deux mains, tout en étant vigilant sur la prévention. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous du niveau de prévention actuel et que préconisez-vous pour accompagner au mieux les jeunes femmes souffrant d'une maladie qu'elles découvrent et avec laquelle elles devront composer toute leur vie ?
Je remercie le rapporteur d'avoir mis la santé des femmes au cœur des travaux de notre commission. Beaucoup parmi nous, dans leur environnement très proche, sont concernés.
La complexité du sujet demande modération et humilité, plutôt que des provocations, comme celles que nous venons d'entendre. La santé des femmes touche à de nombreux sujets. Nous devons donc trouver, collectivement, des équilibres.
Cette proposition de loi pose d'abord la question du tabou des menstruations en milieu professionnel. Le monde du travail a en effet été construit par et pour les hommes et n'est donc pas toujours adapté aux femmes.
Elle prend ensuite en compte la question plus spécifique des douleurs incapacitantes, qui concernent entre 1,5 et 2,5 millions de femmes. Nous avons fait le choix de retenir l'expression « menstruations incapacitantes » plutôt que « douloureuses », car les douleurs ne sont pas le seul symptôme. Les médecins spécialisés dans la douleur peuvent facilement identifier ces symptômes, mais nous avons un énorme retard dans la formation, puisque cela ne fait que deux ans que l'endométriose est entrée dans le cursus universitaire.
Le texte prévoit que l'arrêt de travail peut être prescrit par les médecins généralistes, mais également par des spécialistes – pas seulement les gynécologues, mais également les spécialistes de la douleur –, par des sages-femmes, qui sont très au fait de ces questions, et par la médecine du travail, car c'est d'abord là qu'il faut adapter le milieu professionnel à la santé des femmes.
Le dispositif que nous proposons est graduel car, parmi les 15 millions de femmes concernées, toutes n'ont pas les mêmes besoins : toilettes accessibles, aménagement du temps de travail, accès à une salle de repos... Il est prévu dans l'article 3 que ces adaptations font l'objet de négociations par branche.
Pour les femmes se trouvant en incapacité de travailler, l'article 2 prévoit le recours au télétravail afin d'éviter les trajets et de pouvoir rester à la maison dans des conditions plus favorables. Le télétravail n'est toutefois pas adapté à toutes les professions – je pense aux métiers du soin ou aux caissières par exemple.
L'article 1er – qui fait débat et il me semble ne pas y en avoir pour les autres articles – prévoit donc l'arrêt de travail. Dans certaines entreprises et collectivités, une autorisation spéciale d'absence est certes prévue, mais, pour la demander ou demander le télétravail, la personne concernée doit informer son employeur de ses motifs et la confidentialité n'existe donc plus. L'arrêt de travail présente l'avantage de protéger le secret médical, mais pose la question de la pénalité financière.
On ne peut pas opposer à ce dispositif qu'il fait courir aux femmes un risque de discrimination puisqu'elle existe déjà : 25 % des femmes atteintes d'endométriose sortent du salariat car elles savent qu'elles ne pourront pas exercer pleinement leurs fonctions et cette maladie a un impact sur la scolarité des jeunes filles, sur le choix de leur métier et sur l'évolution de leur carrière.
Certes, un problème de confidentialité et de stigmatisation se pose, car l'employeur pourra deviner le motif de l'arrêt au vu de sa régularité. C'est pourquoi les menstruations doivent être l'objet d'une bataille culturelle dans le monde de l'entreprise et dans la société en général. Nous devons également interroger notre rapport à la performance, qui pose aussi problème pour les séniors ou pour les personnes en situation de handicap. Un dispositif souple, ouvrant la possibilité d'adaptations, permettrait à des femmes exclues du salariat d'y trouver leur place, sans que soit posée cette question de la performance. Des entreprises comme Carrefour ou L'Oréal ont permis des adaptations qui n'ont aucun impact sur la productivité et ont même amélioré la qualité de vie au travail, sans qu'on constate d'abus. Nous pouvons faire confiance aux femmes et le dispositif prévoit donc qu'elles peuvent utiliser librement un total de treize jours d'arrêt sur un an
Madame Autain, le simulateur de douleurs est un système de patch avec des électrodes reproduisant les douleurs – coup de poignard ou douleur continue –, mais, bien entendu, pas les autres symptômes.
Monsieur Viry, ce texte est une proposition de loi : si nous avions eu la possibilité de déposer un projet de loi, nous aurions pu prendre en compte les questions concernant les collégiennes et les lycéennes ou encore la ménopause.
Article 1er : Créer un arrêt de travail pour menstruations incapacitantes
Amendement de suppression AS2 de M. Fabien Di Filippo
Les médecins ont déjà la possibilité de délivrer des arrêts maladie dans les cas où ils le jugent nécessaire. Faisons leur confiance. Sans tomber dans la caricature, car le sujet est très sensible, l'article 1er risque de faire de l'arrêt pour menstruations incapacitantes un droit automatique qui, peu à peu, s'imposerait au monde du travail et serait source de discriminations à l'encontre des employées féminines.
Les médecins peuvent certes prescrire un arrêt, mais, en raison du délai de carence, il s'accompagne d'une pénalité financière. Nous proposons donc un arrêt spécifique, sans délai de carence. Le dispositif permet en outre aux femmes d'éviter d'avoir à prendre rendez-vous tous les mois avec un médecin, puisqu'il prévoit la délivrance d'un certificat donnant droit à treize jours d'arrêt dans l'année, ce qui est en outre une facilité dans les déserts médicaux.
Nous pouvons faire confiance aux femmes. Les expérimentations ont montré que le risque était plutôt celui d'un non-recours, certaines femmes préférant ne pas s'arrêter pour ne pas pénaliser leurs collègues.
Avis défavorable.
J'ajoute aux arguments du rapporteur celui de la discrimination : les millions de femmes souffrant de menstruations incapacitantes sont aujourd'hui discriminées car leur condition n'est pas prise en compte. Si elles se rendent chez le médecin, il peut arriver que celui-ci refuse de délivrer un arrêt de travail pour ce motif.
En votant cette proposition de loi et son article 1er, l'Assemblée nationale sert à quelque chose. Nous faisons de la politique, nous faisons des choix. La majorité des femmes, et la majorité du peuple français dans son ensemble, est favorable à ce texte. Nous ne pouvons donc pas supprimer l'article 1er.
Le fait de proposer dans le texte initial qu'il soit possible de prendre treize jours de congés de manière continue constitue de manière évidente un problème pour nous, pour un certain nombre d'entreprises et pour un certain nombre de femmes. Je ne comprends pas pourquoi vous avez opté pour cette forme de provocation. Je connais votre sensibilité sociale, monsieur le rapporteur, mais si l'on veut avancer il faut présenter les choses avec modération et sans excès.
La lutte contre la discrimination n'est pas une forme d'invisibilisation, monsieur Boyard. En réalité, les arrêts maladie de ceux qui en ont besoin sont mieux compris dans les entreprises quand il existe à tout le moins une certaine communication, sans pour autant porter atteinte au secret médical et rentrer dans les détails. Ce n'est pas en cachant tout qu'on répond le mieux aux besoins. Vos propos décrivent une société qui n'existe pas et qui ne doit pas exister.
Je suis un peu rassurée par nos échanges, car ils montrent que l'on peut trouver des compromis.
Nous pouvons comprendre vos craintes en ce qui concerne les treize jours consécutifs, monsieur Turquois. Vous considérez qu'il s'agit d'un excès. En effet nous avons choisi l'excès de confiance envers les femmes, en estimant qu'elles sont capables de poser leurs jours de congé comme elles l'entendent. En réalité, aucune n'en posera quatre d'affilée, car les femmes préfèrent travailler qu'être arrêtées. Mais nous sommes prêts au compromis, en essayant de moduler ces treize jours. J'espère que cela pourra faire évoluer votre vote, notamment sur cet article.
Les propos de notre collègue Boyard sont intéressants, car on sait que 66 % des salariées sont favorables à un arrêt de travail en raison des douleurs menstruelles. Cette mesure est populaire auprès des femmes, qui considèrent que cette douleur est enfin reconnue.
M. Di Filippo a fait part avec beaucoup de délicatesse de sa crainte que la mesure entraîne des discriminations. De nombreuses associations le craignent aussi. C'est la raison pour laquelle cette proposition a été travaillée avec ces dernières. Elles n'étaient d'ailleurs pas favorables à tous les dispositifs d'arrêt menstruel, mais elles étaient d'accord avec celui proposé par cet article, parce qu'il est flexible et qu'il est discret pour les personnes qui l'utiliseront.
De fait, la discrimination existe déjà à partir du moment où une femme est en âge de procréer ou de développer une maladie chronique. Pensez-vous vraiment que les employeurs vont décider de ne plus embaucher de femme tant qu'elles n'ont pas atteint la ménopause – autre sujet de la santé des femmes ? Ce n'est pas possible. Vos craintes concernant une discrimination qui serait liée spécifiquement à l'arrêt menstruel ne sont pas fondées – en tout cas pas davantage que pour les autres discriminations existantes liées au corps des femmes.
Il est certes déjà possible d'obtenir des arrêts maladies, mais les jours de carence s'appliquent, ce qui signifie que les femmes perdent du pouvoir d'achat. On ne peut pas s'y résoudre et choisir de ne rien faire par commodité.
Qu'entendez-vous par droit automatique ? Estimez-vous que toutes les femmes prendront l'ensemble des jours d'arrêt pour menstruation ? En quoi ce droit serait-il plus automatique que le congé maternité ?
Merci pour cette proposition, qui concerne sujet important. Beaucoup de femmes sont gênées chaque mois, ce qui a un effet sur le déroulement de leur vie.
Le groupe Renaissance votera en faveur des articles suivants, qui permettront de mieux aménager les postes ou de permettre un recours accru au télétravail. Avec le Gouvernement, dont la volonté politique est forte, nous avons réalisé ces derniers mois de nombreuses avancées sur le repérage, le diagnostic et l'information – même si celle à destination des jeunes doit être accrue, notamment dans les lycées.
Je suis en désaccord avec l'article 1er pour deux raisons.
Tout d'abord, vous changez le principe même de l'arrêt maladie. Les personnes qui souffrent de migraines invalidantes subissent aussi une discrimination au travail. Il faudrait donc logiquement envisager pour elles un dispositif similaire à celui proposé par cet article. J'estime pour ma part que nous devons conserver notre système de protection sociale, qui prévoit que les arrêts maladie sont prescrits par un médecin.
Ensuite, je ne suis pas d'accord avec M. Ruffin lorsqu'il laisse croire qu'aucune prise en charge des femmes qui souffrent n'est organisée. Nous avons encore la chance d'avoir une protection sociale qui permet de prendre en compte ce type de pathologie grâce à des arrêts maladie.
En tant que rapporteure générale du budget de la sécurité sociale, je considère que la question du financement des mesures que vous proposez n'est pas un tabou. Si 50 % des femmes ont recours à ces arrêts, cela représenterait entre 600 millions et 1 milliard d'euros par an. Pour cette seconde raison, je ne voterai pas pour cet article.
Comme l'a dit Mme Rist, à quel titre faudrait-il prévoir un arrêt spécifique pour les problèmes menstruels ? Pourquoi ne pas le faire aussi pour d'autres douleurs récurrentes, comme les migraines ou les problèmes articulaires ? Il n'y a pas de raison de prévoir un arrêt particulier et je fais confiance aux médecins.
Si vous considérez que le jour de carence pose problème, monsieur le rapporteur, je vous invite à vous inspirer du modèle concordataire, en vigueur dans mon département de la Moselle. Mais vous verrez que les cotisations sont plus élevées et vous vous rendrez compte que les arrêts de courte durée y sont proportionnellement dix fois plus nombreux que dans les autres départements. Cela mérite donc réflexion.
Les jours d'arrêts seront-ils pris automatiquement ? Je n'en sais rien, madame Garin. Toujours est-il que l'on constate en général que le recours à ce type de dispositif est de plus en plus important au fil du temps. Vous avez estimé qu'il s'agissait d'un combat culturel à mener au sein des entreprises. Telle est bien ma crainte : tout sera fait pour que le recours à ce dispositif devienne automatique, et c'est bien pour cela qu'il existe des risques de discrimination.
J'ai le sentiment que, comme on n'arrive pas à résoudre les difficultés liées au jour de carence et à la spécificité de l'arrêt maladie pour les femmes chez qui les menstruations posent vraiment un problème, on accorde un congé global. Cela revient à étendre de manière majeure et générale un droit alors qu'il s'agit de répondre à une question qui ne concerne que certaines femmes.
Ne pourrait-on pas imaginer un arrêt maladie qui permette de cesser de travailler de manière récurrente pour les seules femmes concernées par le problème, en prévoyant également la suppression du jour de carence ?
L'argument du risque de discrimination est facile. En effet, les femmes sont discriminées dans le monde du travail, et ce dès l'entretien d'embauche. Les entreprises hésitent souvent à recruter une femme en âge de procréer.
Pourtant, il faut qu'il y ait autant d'hommes que de femmes dans le monde du travail. Cette proposition n'ajoute pas une discrimination supplémentaire mais, bien au contraire, contribue au combat pour l'égalité.
Les comparaisons avec la migraine me semblent déplacées. Elles montrent que certains ne mesurent pas la douleur que subissent les femmes qui souffrent de règles incapacitantes, et ce plusieurs jours par mois, tous les mois et pendant une trentaine d'années. Cela signifie que si l'on demande à un médecin généraliste un arrêt maladie pour règles incapacitantes, on subira deux jours de carence sur les trois jours d'arrêt et il ne restera qu'un seul jour payé. C'est la raison pour laquelle cette proposition et son article 1er sont fondamentaux.
Je rappelle que pendant le covid, il suffisait de déclarer que l'on était positif pour bénéficier automatiquement d'un arrêt de travail. Selon moi, la société est prête à admettre que les femmes puissent déterminer elles-mêmes leur seuil de douleur, dans le cadre d'un certificat médical délivré une fois par an, et qu'elles arrêtent en conséquence de travailler sans subir de jour de carence. C'est essentiel.
Pour les femmes concernées, la véritable discrimination réside dans le fait de devoir choisir entre souffrir en silence ou perdre sa rémunération. On ne peut pas proposer de supprimer cet article en arguant d'un risque de discrimination.
Même en adoptant cette proposition, il y aura toujours une situation de discrimination à laquelle il faudra être attentif. Mais l'article 1er permettra d'améliorer les choses. Si certains considèrent qu'il comporte des excès, amendons le dispositif en jouant sur le nombre de jours d'arrêt ou sur son caractère automatique. Mais ne supprimons pas l'article, car c'est précisément cela qui serait excessif.
La mère de quatre filles vous dit merci, monsieur le rapporteur, d'avoir libéré la parole. Dans ma famille, nous sommes cinq filles sur sept personnes et celles qui ont leurs règles sont majoritaires. Nous savons donc bien de quoi l'on parle.
Je suis un peu gênée par l'excès de confiance qui vous a conduit à prévoir treize jours, qui peuvent être consécutifs. J'ai peur que l'on obtienne l'effet inverse de ce qui était attendu et que cela devienne un frein à l'embauche. Quand une jeune femme se présente à un entretien de recrutement, on se demande parfois si elle va avoir un enfant. Le fait de pouvoir prendre treize jours consécutifs, et ce par deux fois, pourrait effrayer les patrons. Vous avez cité l'exemple de L'Oréal, mais il s'agit d'un grand groupe. Les patrons de PME et de TPE seront beaucoup plus gênés aux entournures par ces vingt-six jours d'arrêt par an.
Je n'adhère pas au discours que l'on vient d'entendre : une femme qui se présente à un entretien d'embauche n'est pas forcément discriminée. Nous ne sommes pas seulement des victimes. La femme a aussi cette grande force de pouvoir donner la vie.
Je ne partage pas non plus le fatalisme de la douleur que j'entends ce matin. La douleur doit être prise en charge. En 2024, on ne devrait pas non plus souffrir d'endométriose ou du syndrome des ovaires polykystiques. Il faut que l'on se repose des questions sur notre système de santé. On connaît le grand problème des déserts médicaux. Dans un tiers des départements on ne peut pas accéder à toutes les spécialités gynécologiques et treize d'entre eux sont dépourvus de tout gynécologue médical. Je vais même faire plaisir à M. Boyard : où sont les infirmières dans les lycées ? Elles ont disparu alors que les règles douloureuses nécessitent un diagnostic précoce. Quand une jeune fille a mal à partir de 14 ans, on ne peut pas attendre six ans pour avoir un diagnostic.
Il faut mettre le paquet sur la prise en charge de la douleur, car celle-ci n'est pas une fatalité. Même en cas d'endométriose, il est possible de soulager un peu la douleur. Il faut absolument revoir notre système de santé et s'assurer que les étudiants en médecine aient accès à toutes les spécialités de gynécologie.
Je ne me ferai jamais au sectarisme de collègues qui n'ont que le mot endométriose à la bouche, alors qu'ils ont voté contre notre proposition de loi visant à soutenir les femmes qui en souffrent. Je trouve cela dommage et je regrette que vous ayez refusé à des hommes de notre groupe de tester le simulateur de règles douloureuses.
Comme Stéphanie Rist, je pense que si nous adoptons l'article 1er nous ouvrons la porte à une série de propositions prévoyant des jours d'arrêt pour telle ou telle maladie. Ce n'est pas possible et c'est pour cela que je voterai contre cet article – ce qui ne veut évidemment pas dire que l'on minore la réalité que vivent les femmes concernées.
Certains pays ont légiféré, mais les modalités retenues sont extrêmement différentes. Il s'agit dans certains cas simplement d'autorisations d'absence non rémunérées. Des entreprises ont également mis en place des dispositifs, mais cela passe dans certains cas par la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Cela montre bien que plusieurs possibilités sont ouvertes et il est extrêmement dangereux d'imposer un dispositif aux entreprises. Il faut laisser toute sa place au dialogue social dans les entreprises et dans les branches.
La recherche est importante. Il n'est pas normal de souffrir quand on a ses règles.
Je termine par une note positive sur l'endométriose. Le nombre de diagnostics a progressé de 43 % entre 2021 et 2022, ce qui montre que les efforts commencent à produire des effets et que l'on va en finir avec les huit années d'errance diagnostique en moyenne.
Cette proposition de loi a le mérite de faire s'exprimer de nombreux membres de notre commission. Elle recouvre des aspects médicaux mais aussi très psychologiques. On ne peut que compatir avec celles qui souffrent de menstruations particulièrement incapacitantes.
La question concerne les collectivités publiques. Certaines d'entre elles ont déjà mis en place un congé pour menstruation incapacitantes – c'est par exemple le cas d'une commune en Côte-d'Or.
Il reste le cas des entreprises et l'on touche alors à des choses fondamentales comme le contrat de travail et la confiance réciproque entre l'employeur et l'employé. Quand l'employé doit s'absenter, c'est pour une bonne raison établie par l'arrêt maladie.
La multiplication des arrêts maladie de courte durée nous ramène quant à elle à la question du financement de la sécurité sociale – que nous avons tous en tête.
Je suis assez favorable au fait de réfléchir, lors d'une autre occasion, à l'extension des possibilités d'arrêt de travail de courte durée sans arrêt maladie – bien entendu en prévoyant des garde-fous pour maintenir la confiance entre l'employeur et l'employé et pour limiter les abus.
Le dispositif particulier prévu par l'article – en l'occurrence pour les menstruations incapacitantes, mais cela pourrait être ultérieurement pour une autre maladie – fait courir le risque de modifier profondément le sens donné à l'arrêt maladie par la sécurité sociale. J'hésite donc encore beaucoup entre m'abstenir ou voter pour cette proposition, car elle pose beaucoup de questions auxquelles il est de notre responsabilité de répondre successivement.
Ce débat est très intéressant car les règles douloureuses ne sont pas un amusement. Par exemple, lorsque ma fille a des douleurs lors de ses règles, elle ne va pas à l'école car elle se plie en deux, a des maux de tête et vomit.
Selon moi, treize jours ce n'est pas assez. Ce n'est qu'à partir du troisième jour que l'on commence à se remettre tout doucement. Que ceux qui ne le croient pas utilisent le simulateur de règles douloureuses !
Il n'est d'ailleurs même pas possible de télétravailler, car on est pliée en deux. On ne peut ni s'asseoir ni se coucher. C'est aussi douloureux qu'un accouchement.
Prévoir un arrêt de treize jours est donc très important. Mettez-vous à la place de celles qui souffrent.
De nombreux orateurs se sont focalisés sur l'arrêt maladie. Mais il apparaît surtout qu'il y a un problème en raison du délai de carence. Les collègues de la majorité seraient-ils prêts à revenir sur cette mauvaise réforme ? Je sais ce qu'en pense Bruno Le Maire, mais là n'est pas la question.
Ma réflexion n'est pas destinée à diminuer le mérite de la proposition, qui est nécessaire pour les femmes victimes de règles douloureuses.
Les règles douloureuses sont une réalité, mais toutes les femmes n'en souffrent pas avec la même intensité. Durant ma longue carrière professionnelle, je n'ai jamais eu de collègue qui ait dû s'arrêter systématiquement pour cette raison. Je ne remets pas en cause les témoignages qui ont été faits ici, parce qu'effectivement cela existe, mais ce n'est pas très courant.
Ne faisons pas non plus preuve de trop d'angélisme en proposant treize voire vingt-six jours d'arrêt. Je suis la première à faire confiance aux femmes, mais qui n'a pas entendu certaines d'entre elles dire qu'elles n'avaient pas pris tous leurs congés pour enfant malade ? C'est un sujet d'inquiétude pour moi.
Quant à l'obligation de consulter un médecin pour obtenir un arrêt maladie, il me semble que certaines pathologies rendent nécessaire de voir régulièrement son médecin.
J'ai été cheffe d'entreprise. Comment une petite entreprise dont les trois salariés sont des femmes pourrait-elle faire face à des arrêts systématiques ? Cela provoquera une discrimination à l'embauche. Le risque de grossesse a été et est peut-être encore une source d'hésitation pour certains patrons mais, même si cela fait bondir les féministes, ils peuvent être sensibles à l'argument selon lequel la France a besoin d'enfants.
Que fera le dirigeant d'une petite entreprise qui sait que ses employées ne seront pas présentes pour servir les clients ou traiter avec les fournisseurs systématiquement trois jours par mois ?
Je ne comptais pas intervenir, mais il faut réagir aux propos que l'on vient d'entendre. Le texte ne prévoit pas un arrêt systématique, puisqu'il faut d'abord une décision d'un médecin et ensuite une appréciation par la femme de sa propre situation. En réalité, même munie de cet arrêt maladie annuel, une femme ne s'arrêtera que quand elle a vraiment mal.
Lors des auditions, les représentants de l'entreprise Louis Design ont indiqué qu'ils avaient instauré un tel système d'arrêt, sans limitation, et que moins de 10 % des jours qui pouvaient être potentiellement pris étaient utilisés.
Or j'entends des collègues de la majorité présidentielle nous expliquer que la moitié voire la totalité des femmes concernées vont recourir systématiquement à ces jours d'arrêt. Il faut quand même faire confiance aux femmes.
En outre, l'instauration de cet arrêt menstruel permettra d'engager une vraie discussion au sein des entreprises et d'accroître la solidarité, les collègues masculins aidant les collègues féminines qui ont des douleurs ces jours-là en adaptant le travail, de telle sorte que ces dernières ne s'arrêteront pas systématiquement.
Nous sommes au cœur du débat et le système d'arrêt – et non de congé – que nous proposons a quelque chose d'inédit. Je rappelle cependant qu'il faut que le caractère incapacitant soit identifié par un médecin, qui délivre un certificat médical.
Nous nous sommes inspirés de ce qui avait été mis en place lors du covid. Quand le résultat d'un test était positif, la personne concernée pouvait éditer un arrêt maladie sur le site de la caisse primaire d'assurance maladie et le présenter à son employeur. Il en est de même avec le dispositif que nous proposons, le certificat médical permettant de poser treize jours d'arrêt.
M. Turquois a estimé que cette durée constituait une provocation. Cela aurait été le cas si nous avions retenu la proposition de Mme Keke, c'est-à-dire prévoir trois jours par cycle, ce qui nous semblait assez compliqué. Nous avons retenu la solution des treize jours, qui n'est pas forcément optimale, avec l'idée de faire confiance aux femmes pour utiliser au mieux ces jours d'arrêt en fonction de leurs besoins.
Nous avions également prévu la possibilité d'ajouter treize jours supplémentaires dans les cas exceptionnels – encore une fois sur avis d'un médecin. Les auditions ont montré que cela pouvait présenter des difficultés. Pour en tenir compte, j'ai déposé l'amendement AS30, qui limite le recours à l'arrêt pour menstruations incapacitantes à trois jours par mois et supprime son caractère renouvelable.
Cela me paraît raisonnable et devrait permettre de rassurer les collègues qui craignent des abus potentiels, même si ces derniers nous paraissaient peu probables.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS22 de M. Sébastien Peytavie.
Amendement AS9 de Mme Sophia Chikirou
Je reviens brièvement sur l'argument de la difficulté rencontrée par un chef d'entreprise dont la salariée serait absente deux ou trois jours par mois. Si elle ne travaille pas, c'est précisément parce que ses douleurs l'en empêchent. Nous sommes d'ailleurs tous ici des employeurs, et je souhaite que si une collaboratrice est un jour pliée en deux par la douleur, vous lui direz de ne pas venir au bureau. Cela relève de notre responsabilité.
J'en viens à l'amendement. Il n'y aura pas de libération des femmes sans libération des personnes transgenres. Nous souhaitons préciser que la mention de son sexe à d'état civil ne peut pas empêcher une personne de bénéficier de l'arrêt prévu par la proposition. Il ne faut pas que le texte soit utilisé à des fins malveillantes contre les personnes transgenres et intersexuées en les excluant de ce droit.
Je vous rejoins bien évidemment sur la nécessité de permettre aux personnes transgenres et intersexuées d'accéder au dispositif sans être discriminées. Mais nous avons veillé à ce que la rédaction retenue soit universelle et permette d'accorder un arrêt pour menstruations incapacitantes à toutes et tous, aux femmes comme aux personnes transgenres et intersexuées.
L'amendement est satisfait. Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement AS8 de Mme Nadège Abomangoli
Votre dispositif règle la question du jour de carence. En revanche, la rédaction ne garantit pas le maintien intégral de la rémunération journalière si la personne est affiliée au régime général et si sa convention collective ne comprend pas une clause de maintien de salaire.
En effet, le calcul des indemnités journalières conduit à verser 50 % du salaire journalier de base. Si le salarié a un an d'ancienneté, il a droit à un complément employeur, ce qui porte l'indemnisation à 90 %. Cependant, les salariés travaillant à domicile, les saisonniers et les salariés intermittents ou temporaires sont exclus du bénéfice de ce complément. Le dispositif implique donc une perte de salaire allant de 10 % à 50 %.
En outre, les stagiaires percevant une gratification horaire inférieure à 4,35 euros ne bénéficient pas du versement d'indemnités journalières en cas d'arrêt de travail.
Nous proposons d'instaurer une indemnité complémentaire qui permettra dans tous les cas de garantir que le salaire sera intégralement perçu en cas d'arrêt.
Vous l'avez relevé, la question du jour de carence est réglée par la proposition de loi, afin d'éviter que l'arrêt ait des conséquences financières pour les personnes concernées.
On mesure déjà les réticences face à ce régime dérogatoire. Je crains qu'ajouter une dérogation supplémentaire pesant sur les entreprises mette en péril l'adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
Même si je comprends votre objectif, il s'agit à ce stade d'atteindre une première étape, le dispositif pouvant par la suite évoluer.
Demande de retrait.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS19 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie
L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale permet déjà d'accorder des arrêts maladie dans nombre de cas.
Nous avions proposé de supprimer le délai de carence pour les femmes atteintes d'endométriose. Mais cet article présente des difficultés, car il ne prévoit pas que les menstruations incapacitantes soient diagnostiquées par un médecin spécialiste. L'article instaure une inégalité entre les travailleuses et permet aux femmes ayant une maladie chronique d'utiliser les treize jours en une seule et même fois, alors qu'une maladie chronique se caractérise par sa persistance dans le temps.
L'amendement précise que le diagnostic doit être effectué par un médecin qualifié spécialiste en gynécologie obstétrique, en gynécologie médicale ou en endocrinologie.
Vous voulez restreindre à des médecins spécialistes la possibilité de prescrire ces arrêts, ce qui, au vu de tout ce que nous avons évoqué précédemment, ne me semble absolument pas opérant : il faut inclure les médecins généralistes, qui servent de premier contact.
La proposition de loi prévoit que les médecins spécialistes pourront également faire ces prescriptions. Votre amendement, quant à lui, n'évoque que les spécialistes en gynécologie et en endocrinologie – vous ne mentionnez donc pas les médecins de la douleur.
La proposition de loi fait également référence aux sages-femmes et aux médecins du travail, ce qui permettra d'avoir un éventail beaucoup plus large de possibilités. Il serait très compliqué dans les déserts médicaux de se limiter, comme vous le souhaitez, à certains spécialistes pour la reconnaissance de ces pathologies.
Avis défavorable.
On pourrait parler, en effet, des médecins de la douleur : un tiers du territoire, me semble-t-il, n'en est pas pourvu. Dans ma circonscription, qui couvre plus d'un tiers des Bouches-du-Rhône, nous avons un médecin de la douleur.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS3 de M. Fabien Di Filippo
Vous considérez sans doute que le financement de ces dépenses, qui augmenteront avec le temps – elles seront peut-être de quelques centaines de millions d'euros au début, puis on parlera en milliards – n'est le problème de personne, sauf nos enfants et petits-enfants. Or le déficit de la sécurité sociale est déjà de 11 milliards cette année. Le but de notre amendement de repli est de faire en sorte que l'arrêt de treize jours prévu à l'article 1er ne soit pas renouvelable. En cas d'impossibilité de travailler pour des raisons de santé, on pourra toujours, je l'ai dit, aller voir un médecin.
Je reconnais là toute votre générosité : en supprimant l'alinéa 9, on ne supprimerait pas seulement la possibilité de renouvellement, mais également la limite de treize jours– on pourrait donc obtenir beaucoup plus. Je vous proposerai, j'en ai déjà parlé, un amendement qui limitera la durée à trois jours consécutifs par mois et ne permettra plus un renouvellement, ce qui me semble une position de compromis beaucoup plus juste.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS30 de M. Sébastien Peytavie, AS21 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie et AS23 de M. Sébastien Peytavie
Nous en venons à mon amendement de compromis AS30, qui prévoit une limite de trois jours par mois et supprime le caractère renouvelable de l'arrêt, afin de cadrer les choses et de vous rassurer. Ce sera une première étape. J'entends bien que ce nouvel arrêt de travail est inédit, mais il permettra de reconnaître un droit essentiel pour beaucoup de femmes.
Même si le Rassemblement National soutient la suppression du délai de carence pour les femmes atteintes d'endométriose, nous ne pouvons accepter cet article qui instituerait une inégalité entre les travailleuses et permettrait aux femmes ayant une maladie chronique d'utiliser treize jours d'arrêt en une seule et même fois, alors que toute maladie chronique se caractérise par sa persistance dans le temps. C'est le sens de notre amendement AS21.
Mon amendement AS23 ne prévoit, à la différence de mon amendement précédent, qu'une limite de trois jours par mois.
Avis défavorable à l'amendement AS21.
Je salue le travail de réflexion du rapporteur et sa prise en compte des questions suscitées par la possibilité d'un arrêt de treize jours consécutifs. Néanmoins, ce qui nous est proposé ne change rien sur le fond : le texte continuera à instaurer un congé dérogatoire qui s'impose aux entreprises. Je maintiens au contraire que c'est le dialogue social, mené dans le cadre de concertations au sein des entreprises, qui doit primer.
Je voudrais que M. le rapporteur nous fasse une explication de texte, car je ne suis pas certain de savoir comment on doit lire ses amendements. Le second conduirait à la rédaction suivante : « elle peut être utilisée consécutivement ou séparément dans la limite de trois jours par mois ». Je rappelle qu'il s'agit d'une prescription d'arrêts de travail d'une durée de treize jours. Il faudrait nous apporter quelques précisions.
Nous faisons preuve d'un esprit constructif, car nous pensons que nous devrions tous nous rassembler sur cette question. Nous vous proposons, par nos amendements, des dispositions permettant d'atténuer les craintes, d'une façon très pratique, en ce qui concerne l'arrêt menstruel.
Pour ce qui est de l'utilisation du capital de treize jours, monsieur Turquois, une femme pourra avoir un arrêt de trois jours consécutifs, au maximum, par mois.
Si l'on passe par le dialogue au sein des entreprises, on supprimera la possibilité d'une solidarité, ce qui aura un impact dans les petites entreprises – les grands groupes peuvent dès aujourd'hui appliquer le dispositif. Je vous rejoins en ce qui concerne la confiance entre l'employeur et l'employé, mais il est important, dans les cas où elle n'existe pas, de reconnaître aux femmes la liberté de bénéficier de ces arrêts. Ils ont un caractère inédit, c'est vrai, mais la nature cyclique de la situation a aussi quelque chose de particulier. Même si l'on supprime le jour de carence, demander à une femme d'aller voir chaque mois son médecin constitue une contrainte, surtout vu l'état dans lequel se trouve notre système de santé.
Je vous propose, j'insiste sur ce point, une solution de compromis : on ne pourra pas déposer un arrêt de plus de trois jours consécutifs par mois et la durée totale de treize jours ne sera pas renouvelable.
La commission adopte l'amendement AS30.
En conséquence, les amendements AS21 et AS23 tombent.
Amendement AS4 de Mme Fatiha Keloua Hachi
Nous aimerions préciser que le dispositif s'applique sans préavis. C'est souvent au début des règles, le premier jour, que la douleur est la plus forte. Or le déclenchement n'est pas prévisible. Il n'y aura donc pas de possibilité de préavis pour une femme qui a des règles incapacitantes.
Si l'on passe non par un congé, mais par un arrêt de travail, aucun préavis ne sera nécessaire. Votre amendement est donc satisfait : je vous propose de le retirer.
L'amendement est retiré.
Amendement AS6 de M. Mickaël Bouloux
Notre amendement vise à permettre aux entreprises et aux branches de décider du nombre de jours supplémentaires d'arrêt pour menstruations incapacitantes qu'elles prennent en charge si elles souhaitent aller au-delà des treize jours prévus par ce texte.
Vous proposez de consacrer la possibilité pour l'employeur de droit privé de définir un nombre de jours d'arrêt pour menstruations incapacitantes supérieur à celui fixé par l'article 1er de la proposition de loi. C'est bien d'embarquer les entreprises, mais la question des inégalités selon leur taille se pose. Par ailleurs, votre amendement est satisfait : l'employeur peut déjà prévoir, dans le cadre des négociations d'entreprise, des mesures plus favorables aux salariés que les dispositions légales, inscrites dans le code du travail, y compris en matière d'arrêt maladie. Il me semble, en outre, que votre amendement présente des risques de contournement. Je vous demande donc de le retirer ; sinon, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS24 de M. Sébastien Peytavie.
Amendement AS5 de Mme Fatiha Keloua Hachi
L'amendement est retiré.
La commission rejette l'article 1er.
Madame la présidente, nous avions demandé un vote par scrutin sur le fondement de l'article 44, alinéa 2, du Règlement.
Vous l'avez fait après le vote, qui ne fait l'objet d'aucun doute – seize voix pour et seize voix contre ; l'article 1er n'a donc pas été adopté.
Article 2 : Favoriser le recours au télétravail pour les personnes atteintes de menstruations incapacitantes
Amendement AS20 de Mme Émilie Chandler
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, nous partageons la volonté du rapporteur et de son groupe d'accorder davantage de place à la santé des femmes, en particulier la santé menstruelle et gynécologique, au sein du monde du travail. Nous apportons donc notre soutien à l'article 2, qui vise à faciliter un aménagement de poste lorsque la dysménorrhée d'une femme ne lui permet pas de se rendre sur son lieu de travail, sans pour autant l'empêcher d'exercer son activité.
S'agissant de la fonction publique, un décret du 11 février 2016 permet d'ores et déjà aux agentes et aux magistrates de bénéficier d'un aménagement impliquant le télétravail. Il nous semble important, étant entendu que la lettre du décret devra être modifiée, d'articuler le dispositif réglementaire avec les dispositions proposées par le rapporteur. Tel est l'objet de notre amendement, qui aura, par ailleurs, le mérite de consacrer au niveau législatif ce qui relève actuellement du seul pouvoir réglementaire – cela satisfera sans doute tous nos collègues.
Je salue le fait que vous reconnaissiez la nécessité d'accorder une place particulière à la santé menstruelle et gynécologique dans l'organisation du travail au sein de la fonction publique. Je me permets, néanmoins, d'appeler votre attention sur la terminologie : la dysménorrhée désigne uniquement les règles douloureuses – c'est un terme plus restrictif que la notion de menstruations incapacitantes et vous réduisez donc la portée du dispositif. Le renvoi à un décret serait, par ailleurs, un frein, car cela pourrait figer le droit des agents concernés à recourir au télétravail en attendant que les conditions soient dûment complétées dans le décret.
Avis défavorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS10 de Mme Sophia Chikirou
Il s'agit de compléter les motifs permettant d'avoir recours au télétravail, en allant au-delà de l'expression « menstruations incapacitantes » que nous trouvons trop limitée. Des personnes peuvent, en effet, avoir des douleurs incapacitantes liées à leur cycle ou à leur état hormonal sans pour autant menstruer, pour diverses raisons liées à des pathologies ou à leur condition physique. C'est le cas à la ménopause, par exemple, d'une personne qui, à proprement parler, n'est plus menstruée, mais est sujette à des affections et des douleurs telles que des bouffées de chaleur, des maux de tête, des troubles urinaires et des fragilités osseuses.
L'article 2 va dans le bon sens : le recours au télétravail permettra une plus grande adaptabilité du lieu de travail, comme le prévoit déjà le code pour les femmes enceintes. Notre amendement vise simplement à s'assurer de la bonne inclusion des personnes présentant des symptômes incapacitants liés à des douleurs gynécologiques, endocrinologiques ou menstruelles.
Vous posez là une grande question, que j'ai évoquée dans mon propos liminaire : les autres pathologies et symptômes. Nous pourrons engager un travail transpartisan en vue de l'adoption d'un texte portant d'une façon beaucoup plus large sur la santé des femmes au travail. Comme nous nous inscrivons aujourd'hui dans le cadre d'une niche parlementaire, notre choix a été de nous concentrer sur la santé menstruelle. Je vous demande de retirer votre amendement, mais je suis d'accord sur l'importance de la question que vous soulevez et la nécessité d'aller beaucoup plus loin.
L'amendement est retiré.
Amendement AS14 de Mme Émilie Chandler
Cet amendement de coordination vise à tirer les conséquences du rejet de l'article 1er de la proposition de loi en supprimant des renvois devenus sans objet et en intégrant d'une façon plus harmonieuse dans le code du travail les dispositions prévues à l'article 2.
Vous voulez restreindre le dispositif, là encore, aux dysménorrhées, lesquelles ne sont qu'une pathologie pelvienne parmi d'autres. Nous avons beaucoup réfléchi à cette question : la notion de menstruations incapacitantes couvre bien plus de cas.
Avis défavorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Intégrer la santé menstruelle et gynécologique comme objet de négociation collective
Amendement de suppression AS1 de M. Fabien Di Filippo
Cet article posera des problèmes d'organisation aux entreprises. Il nous semble inefficace, inapplicable, voire néfaste à certains égards – nous avons parlé tout à l'heure des discriminations à l'embauche.
Votre amendement me donne l'occasion de rappeler l'importance de l'appropriation de la question de la santé menstruelle et gynécologique dans le cadre du dialogue social. Il est essentiel, compte tenu du retard actuel, de favoriser ce dialogue afin de trouver dans les entreprises et les branches les modalités les plus appropriées pour avancer.
Avis défavorable.
La plupart des entreprises sont de petite taille dans notre pays. C'est surtout elles qui connaîtront des problèmes d'organisation, lesquels peuvent être rédhibitoires pour certaines activités. L'autre souci est qu'il n'y aura plus – or je sais que c'est une question que nos camarades de gauche ont à cœur – de secret médical en la matière. Tout employeur pourra connaître le motif médical, donc les fragilités de santé de son employée. C'est une autre grande limite, que le passage par un médecin et un arrêt maladie nous évitait jusque-là.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS11 de Mme Nadège Abomangoli
Notre amendement vise, au contraire du précédent, à renforcer le texte. À nos yeux, c'est à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger la santé menstruelle et gynécologique de ses employées. Il doit être tenu pour responsable de la mise en place d'un accès à des sanitaires adaptés, à des protections menstruelles et à une salle de repos – nous aimerions d'ailleurs en bénéficier à l'Assemblée. Le renvoi à la négociation collective risque de réduire l'effectivité du droit à bénéficier d'un poste, d'horaires et d'un environnement de travail adaptés. Nous insistons sur l'importance d'une obligation légale à la fois pour responsabiliser les employeurs et pour donner aux employés une certaine sérénité dans la défense de leurs droits. Ce sera aussi la garantie que des prétextes dilatoires ne pourront pas être invoqués pour freiner la prise en compte de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail. Il faut, pour cela, une obligation simple pour tout le monde, connue et sue par toutes et tous.
Je réaffirme la nécessité, que toutes les associations féministes soulignent, de développer le dialogue au sein des entreprises pour gagner la bataille culturelle : c'est la condition d'un bon aménagement des conditions de travail. Du fait du tabou qui existe actuellement et du caractère spécifique des règles, ce dialogue n'a pas lieu. Je suis naturellement d'accord avec l'idée que les évolutions peuvent tarder en l'absence d'obligation – on pourrait évoquer une longue liste de cas.
Cela étant, le dispositif proposé ne concernerait que les grands groupes – tout l'intérêt de l'article 1er était précisément de s'appliquer aux petites entreprises. Prévoir simplement des négociations collectives ne suffira pas. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.
C'est peut-être le signe d'une méconnaissance de ma part, mais l'employeur que je suis aimerait savoir ce que sont des « sanitaires adaptés » : à quoi faites-vous référence ?
Quand on utilise des protections réutilisables, comme les coupes menstruelles, les cups, il faut qu'il y ait un lavabo juste à côté des toilettes. Sinon, comme on a les doigts pleins de sang, il faut soit sortir des toilettes soit utiliser une bouteille d'eau pour rincer ses mains et sa cup avant de réinsérer cette dernière.
J'entends bien. Il faut veiller, en tant qu'employeur, à ce qu'on puisse se laver les mains dans les toilettes.
Je vais peut-être compléter, car tout le monde ne porte pas une cup – cela dépend notamment des générations . Même quand on utilise des serviettes hygiéniques, il faut avoir accès à une poubelle dans les toilettes et pouvoir se laver les mains. Or ce n'est pas toujours le cas.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS15 de Mme Émilie Chandler et sous-amendement AS25 de M. Sébastien Peytavie
Une de nos critiques à l'endroit de l'article 1er était que sa rédaction faisait courir aux entreprises un risque de désorganisation, mais nous sommes convaincus, comme le rapporteur, qu'elles doivent se saisir des enjeux liés à la santé menstruelle et gynécologique de leurs salariées. Il convient d'apporter des solutions adaptées, au plus près des contraintes organisationnelles des entreprises et, pour les salariés, des questions de conditions de travail et de qualité de vie au travail. Notre amendement vise donc à substituer à la négociation collective obligatoire de branche une prise en compte de la santé menstruelle et gynécologique dans la négociation collective d'entreprise, en établissant un lien avec les obligations déjà prévues en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de conditions de travail.
L'objectif premier de l'article 3 est d'intégrer la santé menstruelle et gynécologique dans les négociations collectives. Si la commission jugeait que le dialogue social produirait des effets plus fructueux au niveau de l'entreprise que dans le cadre de la branche, cela pourrait me convenir, dans un esprit de compromis. En revanche, en rendant facultative la question de la santé menstruelle et gynécologique, vous feriez perdre au dispositif toute sa portée. Le sous-amendement que j'ai déposé tend donc à supprimer ce caractère facultatif. Avis favorable à l'amendement sous cette condition.
La commission rejette le sous-amendement puis adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS26 de M. Sébastien Peytavie.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 : Mobiliser les services de prévention et de santé au travail
Amendement AS16 de Mme Émilie Chandler
Cet amendement de coordination légistique vise à harmoniser les dispositions du présent article avec celles du code du travail relatives aux services de prévention et de santé au travail.
Votre amendement reprend les finalités prévues à l'article 4 mais insère directement la santé menstruelle et gynécologique dans les dispositions du code relatives aux missions des services de prévention et de santé au travail, au lieu de créer un alinéa spécifique. La rédaction que vous proposez me semble intéressante et je peux donc m'en satisfaire.
Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement AS27 de M. Sébastien Peytavie tombe.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Article 4 bis (nouveau) : Rapport sur la reconnaissance et la prise en charge de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail
Amendements AS28 de M. Sébastien Peytavie et AS12 de Mme Sophia Chikirou (discussion commune)
Les auditions ont mis en lumière le manque de données, pourtant nécessaires pour objectiver les besoins et perfectionner le cadre législatif et réglementaire, en ce qui concerne la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail. Je partage, à cet égard, les intentions de Mme Chikirou, qui a déposé un autre amendement. La proposition de compromis que je vous fais consiste à demander au Gouvernement de remettre un rapport relatif à la reconnaissance et à la prise en charge de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail, qui comprendra une évaluation de la mise en œuvre de l'arrêt pour menstruations incapacitantes et du développement de données genrées croisées.
Cela nous convient tout à fait. L'essentiel est d'avoir un rapport permettant d'aiguiller la décision publique grâce à une meilleure connaissance des freins ou des difficultés rencontrés par les femmes.
L'amendement AS12 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS28.
Après l'article 4
Amendement AS29 de M. Sébastien Peytavie
Je partage l'ambition qui était celle de l'amendement AS13 de Mme Chikirou, déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. Il est crucial de penser collectivement le monde du travail selon le prisme des inégalités de genre. C'est pourquoi je vous propose la tenue d'une conférence sociale nationale sur la place des femmes au travail, les problématiques de santé menstruelle et gynécologique dans la vie professionnelle et les dynamiques de genre dans le monde du travail. Mon amendement précise que le monde médical sera notamment associé à la conférence.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 : Gage financier
La commission adopte l'article 5 non modifié.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges sur ce sujet très important, même si je suis déçu par le sort qu'a connu à l'article 1er. J'entends les réserves qui ont été exprimées, mais nous avons proposé des solutions de compromis et je regrette que la majorité n'ait pas su tendre la main. Les 25 % de femmes qui souffrent d'endométriose n'auront pas de réponses, car les petites entreprises, où des accords ne verront pas le jour, ne pourront pas bénéficier de l'outil que nous proposions – je souligne qu'il a fait l'objet d'un vote très serré, puisqu'il y avait égalité de voix.
La réunion s'achève à onze heures cinquante.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– Mme Isabelle Santiago rapporteure sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance (n° 2350) ;
– M. Christophe Naegelen rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public (n° 2391) ;
– M. Paul Christophe rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants (n° 2118).
Présences en réunion
Présents. – Mme Nadège Abomangoli, M. Éric Alauzet, Mme Clémentine Autain, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Mickaël Bouloux, M. Louis Boyard, M. Victor Catteau, Mme Émilie Chandler, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Laurence Cristol, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Ingrid Dordain, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, M. François Gernigon, Mm Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, Mme Rachel Keke, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Laure Lavalette, Mme Christine Le Nabour, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Christophe Naegelen, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandra Regol, Mme Cécile Rilhac, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Lionel Royer-Perreaut, M. François Ruffin, Mme Isabelle Santiago, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Farida Amrani, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Paul Christophe, Mme Justine Gruet, M. Philippe Juvin, M. Yannick Monnet, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Maud Petit, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Isabelle Valentin
Assistaient également à la réunion. – Mme Émilie Bonnivard, M. Fabien Di Filippo, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Didier Le Gac