La séance est ouverte à 17 heures 20.
Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes auditionne M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
. Nous vous remercions chaleureusement, monsieur le ministre, de vous prêter à cette audition, qui est pour nous un temps fort : vous avez fait des annonces importantes, notamment en ce qui concerne les liens entre l'éducation et l'égalité.
. C'est un plaisir de pouvoir échanger avec vous sur des questions qui me tiennent particulièrement à cœur, et je vous remercie très vivement d'avoir organisé cette audition.
Malgré des progrès au fil des ans, les inégalités entre les femmes et les hommes sont une donnée persistante dans notre pays – inégalités salariales, inégalités de carrières, inégalités dans la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, inégalités dans la représentation politique. Les femmes sont également les premières victimes des violences sexuelles et sexistes. Un simple chiffre suffit à en témoigner : 87 % des victimes de violences intrafamiliales sont des femmes. De grandes avancées ont été réalisées grâce aux luttes féministes, comme le droit de vote des femmes ou la légalisation de l'IVG – interruption volontaire de grossesse : les droits des femmes ont progressé. Notre société a avancé, mais peut-on dire que l'égalité réelle est là ? Toutes les études et le quotidien des citoyens et des citoyennes, des habitants de notre pays, le montrent : nous ne sommes pas au bout du chemin, c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai parlé des violences subies par les femmes, mais on pourrait aussi mentionner le sexisme, qui reste bien ancré, et l'égalité professionnelle n'est pas atteinte.
Face à ce constat il nous faut continuer à lutter résolument, dans tous les domaines, contre les inégalités et les discriminations dont sont victimes les femmes. C'est bien l'objectif du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes qui a été présenté par la Première ministre le 8 mars dernier et qui est piloté par ma collègue Isabelle Rome. Nous nous engageons aussi du côté de l'école, et nous allons le faire plus encore parce que l'égalité entre les femmes et les hommes commence par l'égalité entre les filles et les garçons, à l'école et dès le plus jeune âge. La construction d'une société égalitaire passe par l'éducation. Nous assumons parfaitement cet engagement : la contribution de l'éducation nationale à l'égalité femmes-hommes est essentielle. Il s'agit de changer les représentations, de favoriser une culture de l'égalité pour lutter contre des comportements ou des attitudes discriminatoires ou violents qui ne sont pas acceptables et, d'une manière générale, d'ouvrir à toutes et à tous le champ des possibles.
En premier lieu, l'école doit offrir un cadre d'apprentissage exempt de toute forme de violences sexistes et sexuelles et faire de la prévention en la matière. Ces violences ont une réalité sociale : 10 % des filles ont été victimes d'insultes sexistes au collège et 18 % au lycée. Les violences sexistes et sexuelles ne s'arrêtent pas aux murs des établissements scolaires et peuvent être plus graves encore : en 2021, plus d'une femme sur cinq et près d'un homme sur six, entre 18 et 74 ans, déclaraient avoir subi une violence intrafamiliale de nature psychologique, physique ou sexuelle avant l'âge de 15 ans. Les femmes sont surexposées aux violences commises au sein de la sphère familiale et en particulier aux violences sexuelles.
Nous agissons pour prévenir et réduire ces violences, dans le cadre des enseignements en français, de l'enseignement moral et civique, en SVT – sciences de la vie et de la terre –, dans le cadre de l'éducation aux médias et à l'information, qui permet aux élèves de réaliser eux-mêmes des projets dans ce domaine, et à travers des actions éducatives comme le concours Zéro Cliché, qui a beaucoup de succès. Des séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée sont également organisées. Nous sensibilisons les personnels, en particulier ceux du premier degré, au repérage et au signalement des situations dans lesquelles des élèves sont victimes de violences intrafamiliales. Nous jouons un rôle majeur en matière de détection : de fait, c'est l'éducation nationale qui signale le plus aux autorités compétentes des suspicions de violences. Nous luttons aussi avec détermination contre le harcèlement scolaire. Je me suis exprimé sur cette question : un plan interministériel sera mis en place dès la rentrée pour lutter collectivement contre ces formes de violences inacceptables, y compris le cyberharcèlement.
En ce qui concerne l'égalité des parcours de réussite, nous savons que les filles ont des résultats équivalents à ceux des garçons en mathématiques dans les évaluations au début du cours préparatoire (CP). Dès les résultats de mi-CP, néanmoins, on voit se dessiner un écart qui se confirme par la suite. Les filles ont certes un meilleur taux de réussite au diplôme national du brevet mais, si elles obtiennent de meilleurs résultats en français, elles restent en retrait pour ce qui est des mathématiques. Des travaux montrent qu'elles ont moins confiance dans leur réussite scolaire, en particulier dans cette matière, que ce soit en sixième ou en seconde. Nous savons aussi que les filles, qu'il s'agisse de la voie générale, de la voie technologique ou de la voie professionnelle, s'orientent moins vers les filières scientifiques, sauf la biologie et le secteur de la santé. Ensuite, les orientations dans l'enseignement supérieur prolongent les choix effectués au lycée et conduisent à des carrières qui renforcent le caractère genré de certaines professions. Le fait que certains métiers sont à forte dominante masculine ou féminine alimente les stéréotypes et, éventuellement, l'autocensure chez les plus jeunes.
Nous devons briser ce qui pourrait relever d'une attitude fataliste, d'un cercle vicieux. Il n'y a pas de filières, ni de métiers, pour lesquels les filles et les femmes seraient moins douées, moins capables, moins utiles. C'est une évidence, mais je la rappelle tout de même. En revanche, les représentations collectives, les stéréotypes et le manque d'information ont un poids. La situation ne changera pas toute seule, grâce à une baguette magique, avec le temps ou même par l'émergence de talents. La passivité n'est pas une solution, il faut du volontarisme. C'est pourquoi j'ai souhaité que soient fixés, pour la première fois, des objectifs ciblés de progression. Dès cette rentrée, sont ainsi prévus des objectifs cibles en matière de mixité dans les formations de spécialité maths expertes et physique-chimie. Ces objectifs feront l'objet d'un pilotage dans les dialogues de gestion à tous les niveaux de l'administration.
Toutefois ces objectifs ne se suffisent pas à eux-mêmes : il faut aussi changer les représentations des métiers auxquels mènent les filières et, parfois, faire simplement prendre conscience que s'y diriger est légitime et possible. Dans cet objectif nous allons généraliser, à la rentrée 2023, la découverte des métiers dès la classe de cinquième et tout au long du cycle 4. La question de l'égalité est pleinement intégrée à la découverte des métiers : il faut donner à voir des exemples, des modèles de réussite féminins, ouvrir le champ des possibles pour les jeunes filles. Enfin, nous devons lutter dès le plus jeune âge contre le décrochage des filles, ou du moins certaines d'entre elles, en mathématiques. C'est intégré dans le plan « maths » qui se déploiera à la rentrée.
Le troisième axe que nous suivons est la lutte contre les représentations qui alimentent les inégalités. La prévention et le changement des représentations et des comportements sont importants : il faut évidemment lutter contre les stéréotypes. Nous visons cet objectif en formant nos enseignants : la formation à l'égalité est obligatoire dans les Inspe – instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation – et la question de l'égalité est inscrite dans le programme des entretiens des concours de recrutement. Nous veillons aussi à ce que les programmes scolaires intègrent cette dimension et n'invisibilisent pas les femmes et leur contribution – nous y reviendrons peut-être dans le cadre de la présentation PowerPoint que nous avons préparée. Je ne dis pas que tout est parfait mais il ne faut pas oublier que nous progressons. Nous menons conjointement, avec la ministre de la culture, un travail constant avec les éditeurs : nous les incitons à modifier les stéréotypes que certains manuels peuvent encore véhiculer. Nous avons avancé en la matière, mais il reste encore du travail à accomplir. Nous organisons par ailleurs des actions de sensibilisation dans les établissements, en particulier autour de la journée internationale des droits des femmes.
Afin d'aller plus loin j'ai annoncé la généralisation au lycée et au collège, d'ici à la fin de la législature, du label Égalité filles-garçons, qui a été lancé, de mémoire, en mars 2022 et dans le cadre duquel les établissements s'engagent à agir de manière très active pour faire connaître les actions menées. On peut citer, à titre d'exemple, la mise en place de tableaux de bord des indicateurs sexués par classe et par enseignement, la réflexion sur les supports pédagogiques comme outils d'éducation à l'égalité, le développement de partenariats avec des associations et les interventions dans les établissements.
En vue de modifier à long terme les représentations et les comportements, j'ai également relancé avec force, dès ma prise de fonctions, l'éducation à la sexualité dans la circulaire de rentrée, qui compte beaucoup dans l'éducation nationale. Nous vivons en effet à l'ère d'internet, de la désinformation et d'un accès facilité à la pornographie. Nous savons aussi que les violences sexuelles sont une réalité, parfois dès le plus jeune âge, et que la lutte contre les violences faites aux femmes ou aux personnes LGBT+ est un impératif absolument vital, au sens propre du terme. Nous savons, enfin, que la jeunesse est plus ou moins attentive aux enjeux de santé liés à la sexualité.
Les trois séances annuelles prévues par la loi du 4 juillet 2001 sont à l'évidence importantes pour promouvoir, dès le plus jeune âge et à tous les âges scolaires, l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons publié en septembre 2022 le rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche consacré à ce sujet, et j'ai demandé dans la foulée, début octobre, une enquête auprès des établissements pour connaître l'effectivité de cet enseignement essentiel. Les résultats ne nous ont pas surpris. Ils montrent malheureusement que les objectifs assignés par la loi ne sont pas atteints et que la mise en œuvre des séances prévues reste très hétérogène. J'ai donc écrit aux chefs d'établissement pour leur rappeler cette obligation, et nous avons mis en place des formations. J'ai inauguré moi-même le séminaire national consacré à l'éducation à la sexualité, le 1er décembre dernier, et j'ai fait publier en octobre des ressources pédagogiques pour faciliter la mise en œuvre de ces séances.
J'avais promis une nouvelle enquête, à la fin de l'année scolaire, pour voir si nous avions un peu progressé. J'ai pris connaissance des résultats il y a seulement vingt-quatre heures : l'enquête a montré – je pourrai vous donner plus de détails – que nous avons progressé cette année, mais de manière insuffisante. Il nous faut donc aller plus loin, et c'est pourquoi je vous annonce, tout à fait officiellement, que j'ai saisi le Conseil supérieur des programmes pour qu'il travaille sur ce sujet. Nous n'avons pas de programme en matière d'éducation à la sexualité, alors que c'est une demande qui est faite régulièrement par les associations et par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, le HCEFH.
Établir un programme est une nécessité : cela nous permettra de disposer d'un cadre clair par niveau, par degré et par cycle pour mettre en place sereinement cet enseignement. Il s'agit d'organiser la continuité et la progressivité des enseignements et de rassurer les familles qui pourraient éventuellement être inquiètes ou hostiles. Ce cadre clair montrera que l'éducation à la sexualité est un enseignement qui doit être fait, qui doit être adapté à l'âge des élèves et qui doit respecter leur intimité et leurs convictions, dans une approche globale et positive. Cela permettra aussi de développer le dialogue entre les personnels et les familles.
J'ai demandé au Conseil supérieur des programmes de réfléchir aussi aux termes utilisés, notamment pour nommer cet enseignement. Si l'on peut, par exemple, conserver l'expression « éducation à la sexualité » dans le second degré, la question se pose pour le premier degré. La mise en œuvre du programme s'accompagnera de ressources pédagogiques cohérentes, d'un renforcement de la formation des équipes pédagogiques, de la mise en place d'un comité de liaison avec les associations qui interviennent dans les établissements scolaires et de l'élaboration d'une sorte de cartographie des associations potentiellement concernées.
J'évoque d'un mot, pour conclure, les actions concernant le 1,2 million d'agents du ministère qui ont permis d'obtenir en juin 2022 le label Égalité professionnelle de l'Afnor, l'Association française de normalisation – je pourrai y revenir si vous le souhaitez –, et je tiens à souligner à quel point l'égalité entre les femmes et les hommes nous concerne toutes et tous. C'est une promesse qui nécessite la mobilisation de chacun et de chacune d'entre nous, et c'est une priorité du Gouvernement. Alors que certains pourraient considérer que c'est accessoire ou que ce n'est pas le problème de l'école, nous agissons et nous allons continuer à le faire d'une manière extrêmement déterminée en utilisant simultanément tous les leviers, car tout est lié – la création d'un cadre sécurisant pour promouvoir l'égalité, la réussite pour toutes et tous, et la lutte contre les représentations et stéréotypes, condition d'une société plus égalitaire.
. Merci, monsieur le ministre. Je me réjouis des annonces que vous avez faites, notamment au sujet de l'inclusion de l'éducation à la vie affective et sexuelle dans les travaux du Conseil supérieur des programmes. Quel est le calendrier prévu ?
Vous avez évoqué la place des filles et des femmes dans certaines filières, notamment techniques, et la question de leur rapport aux mathématiques. S'agissant également du numérique, pouvez-vous nous donner des éléments plus précis sur les actions concrètement menées ?
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
. Monsieur le ministre, je vous remercie au nom de mon groupe pour votre présence devant notre délégation.
Atteindre l'objectif de l'égalité entre les hommes et les femmes, grande cause des deux quinquennats du président de la République, nécessite d'avoir une ambition éducative forte. À cet égard, le programme scolaire en matière d'éducation à la sexualité est particulièrement complet et englobant, puisqu'il aborde la question sous un angle biologique, psychoaffectif et social.
Je salue la contribution de nos lycées français à l'étranger : ils appliquent naturellement le programme national en la matière et sont aussi, souvent, à l'avant-garde grâce aux projets qu'ils mènent. Les élèves sont, par ailleurs, particulièrement engagés et à l'origine de belles initiatives. Les lycées français sont ainsi de véritables vitrines pour le rayonnement des valeurs universalistes que nous défendons, y compris dans les pays où les droits des femmes et les droits humains en général sont moins avancés.
Toutefois, que ce soit dans nos établissements à l'étranger ou ici, dans l'Hexagone et dans les DOM-TOM – départements et territoires d'outre-mer –, il faut dresser un constat plus nuancé : si les champs relatifs aux connaissances biologiques et à la prévention des IST – infections sexuellement transmissibles – sont très bien abordés durant le cursus scolaire, ceux relevant de la psychologie et de l'environnement social le sont beaucoup moins. À la fin de la terminale, un élève n'aurait ainsi étudié que 13 % des points prévus par le programme. Or, à l'heure où les questions de l'identité de genre et de la lutte contre le harcèlement sexiste et sexuel, cyber ou non, prennent de plus en plus de place, la mise en œuvre de ces enseignements est primordiale.
Plusieurs éléments font obstacle à une mise en œuvre complète du programme : la formation des enseignants qui le dispensent – ils ne sont pas toujours à l'aise avec ces sujets –, le manque de temps et, c'est une réalité à ne pas négliger, le côté polémique du mot « genre » dans notre pays lorsqu'il est associé à un programme d'éducation sexuelle et affective à l'école – cela suscite une crainte, une irritation, voire une hystérie collective. Je note votre questionnement, qui me paraît pertinent, sur le remplacement ou non du terme « sexuel ». Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles sont les solutions possibles pour que l'ensemble des points constitutifs de l'éducation sexuelle et affective soient abordés par tous les élèves en métropole, dans l'outre-mer et dans les lycées français à l'étranger, afin que tout soit absolument harmonisé.
En ce qui concerne plus spécifiquement le programme Phare, le programme de lutte contre le harcèlement à l'école, des proviseurs d'un ou deux pays de ma circonscription, que je ne nommerai pas, m'ont malheureusement dit que son application n'était pas leur priorité. Pouvez-vous nous dire si ce programme fait actuellement l'objet d'une obligation dans le cadre de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ?
. Cette intervention s'inscrit à la suite de mes différentes rencontres, en circonscription, avec les enseignants, les directeurs d'école et les parents d'élèves. Mes questions sont donc celles des habitants du territoire dont je suis élue, mais je suis sûre que les Français dans leur ensemble se les posent.
L'abaya n'est pas une simple robe, comme on aimerait nous le faire croire, mais un symbole de soumission des femmes, donc d'inégalité. Cette tenue relève de la revendication religieuse et n'a pas sa place dans nos établissements scolaires, qui doivent être laïques et républicains. Comme vous l'avez dit vous-même en octobre dernier, il faut appliquer la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l'école. Pourquoi n'est-ce pas le cas ?
Cette multiplication des tenues cultuelles alimente le communautarisme et met en difficulté des enseignants et des directeurs d'école abandonnés par les pouvoirs publics. L'école républicaine doit être un sanctuaire pour nos élèves. Pourquoi ne pas défendre les valeurs d'une école qui, autrefois, faisait notre renommée ? Pourquoi ne pas rétablir le port de l'uniforme, seule solution pour gommer les différences sociales et culturelles ? La première dame elle-même y est favorable.
En outre, pensez-vous vraiment que l'intervention de personnes transsexuelles dans les classes de maternelle soit une priorité ? La promotion de l'effacement des sexes fragilise très sensiblement la question du droit des femmes et des hommes. Ne serait-il pas préférable d'apprendre aux élèves à se respecter entre eux, quel que soit leur sexe ou leur genre ? Laissez ces jeunes enfants se construire eux-mêmes ! Laissez l'éducation aux parents et l'instruction aux enseignants ! Pourquoi ne pas plutôt promouvoir l'appartenance à la communauté nationale, avec ses singularités ? Nous devons rassembler et non diviser ! Nous prônons bien entendu la tolérance face à la différence car c'est cela, la République.
Pour l'égalité des chances de nos enfants, quel que soit leur sexe ou leur genre, sanctuarisons l'école républicaine ! Protégeons-la des intrusions cultuelles et de la propagande wokiste, qui creusent le fossé entre les hommes et les femmes.
. Les femmes représentent plus de 70 % des enseignants, dont 80 % des professeurs des écoles et 60 % des capésiens. L'écart salarial est néanmoins significatif entre les femmes et les hommes puisqu'il s'élève à 13,9 % parmi les titulaires du secteur public. Les postes à temps partiel sont plus souvent occupés par des femmes – 14,8 % des femmes professeurs des écoles contre 4,4 % des hommes. A contrario, l'accès aux corps les plus rémunérateurs est majoritairement réservé aux hommes. Sur 14,7 % des enseignants hors classe, 11,9 % seulement sont des femmes contre 21,5 % des hommes. Dans le premier degré, un homme sur cinq dirige une école contre une femme sur huit. Que dire des primes et des indemnités ? Les hommes perçoivent 41 % de rémunération pour heures supplémentaires de plus que les femmes.
Alors que les choix ou contraintes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle participent au creusement des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, comment voulez-vous nous faire croire que le pacte que vous proposez aux enseignants n'amplifierait pas de tels écarts de salaire ? Augmentez fortement le traitement de l'ensemble des professeurs en concertation avec les organisations syndicales, cessez de les forcer à travailler toujours plus dans des conditions toujours plus déplorables et revalorisez vraiment un métier qui n'attire plus ! Faites-le pour les personnels, les élèves et l'avenir de notre pays !
La réunion est suspendue de dix-sept heures cinquante à dix-huit heures quinze.
. La question de l'éducation sexuelle et affective au sein de notre système éducatif national est essentielle. Comme souvent lorsqu'un sujet concerne les femmes, celui-ci fait l'objet de nombreux tabous difficiles à lever. Cependant, en défendant ma proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale visant à améliorer l'accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche, j'ai récemment observé que la société est prête à s'engager dans une démarche de progrès.
Il est nécessaire d'aborder la question de la sensibilisation des jeunes filles aux différentes étapes de la vie d'une femme, de la puberté à la ménopause en passant par la vie sexuelle et la grossesse. Les jeunes générations doivent bénéficier d'une éducation sexuelle complète et adaptée qui aborde non seulement les aspects biologiques et contraceptifs mais aussi les dimensions émotionnelles et psychologiques liées à ces différentes étapes.
S'agissant par exemple de la grossesse, il importe de sensibiliser les jeunes à la réalité des fausses couches et aux émotions complexes qui en découlent. De même, il serait bienvenu d'aborder des questions comme celles de l'infertilité, des difficultés rencontrées pendant la grossesse et de l'importance d'un soutien psychologique adéquat proposé dorénavant dans la loi visant les couples concernés. Dans quelle mesure envisagez-vous d'intégrer au sein du programme de l'éducation nationale la sensibilisation aux difficultés émotionnelles et psychologiques que représentent ces étapes de la vie d'une femme ?
Les femmes ne sont pas par essence prédisposées aux filières littéraires, tout comme les hommes ne naissent pas avec la fibre des mathématiques. L'important déséquilibre entre les femmes et les hommes dans les filières scientifiques reflète l'influence du patriarcat dans les choix d'orientation des élèves.
Depuis 1995, la part des filles en cours de mathématiques a augmenté de cinq points, dont deux points sous le quinquennat de François Hollande. Les classes de terminales scientifiques étaient alors occupées à 48 % par des filles. La réforme du baccalauréat engagée par Emmanuel Macron, lors du précédent quinquennat, a mis un terme à cette progression. En 2021, elles n'étaient plus que 39 % à suivre les enseignements de mathématiques. Le nombre de filles en terminales scientifiques est désormais inférieur à celui de 1995. Pire, il a diminué de 61 % dans les filières de spécialité mathématiques, où cette discipline est enseignée à raison de six heures de cours par semaine, ce qui est inacceptable. Quelles mesures envisagez-vous pour atténuer les effets de cette réforme si problématique pour l'égalité entre les filles et les garçons ?
Vous avez présenté un PowerPoint où figure le manuel d'histoire géographie et d'enseignement moral et civique de classe de quatrième, avec un extrait présentant les portraits de trois femmes qui étaient au Gouvernement en 1936. Or, selon le centre Hubertine Auclert, qui a analysé la place des femmes dans les manuels scolaires, la situation est désastreuse : 4,2 % des auteurs de manuels scolaires sont des femmes ; l'occurrence féminine s'y élevait en 2018 à 14,6 % ; les expertes – artistes, chercheuses, politiques – représentent 20 % des personnes sollicitées pour leur rédaction contre 80 % d'hommes. C'est très bien, un manuel scolaire présentant quelques femmes, mais cela n'en reste pas moins « quelques femmes ». Comment faire en sorte que les femmes soient plus visibles dans les manuels ?
J'appelle votre attention sur la situation de certaines enseignantes, encore trop nombreuses qui, titulaires ou contractuelles, sont invitées à prendre des postes trop éloignés de leur domicile. Pour une mère de famille, a fortiori si elle est seule ou en charge d'une personne de sa famille, il est difficile d'accepter des postes en zones rurales ou périurbaines qui se situent à une ou deux heures de route.
J'ai été sollicitée à de nombreuses reprises sur cette question mais nous connaissons tous des exemples d'enseignantes qui, parfois, ont un long parcours de contractuelle et, après avoir réussi au concours, sont obligées de partir loin de leur domicile. Si elles n'acceptent pas la décision administrative, elles perdent le bénéfice de ce dernier. Or ces contraintes familiales sont souvent plus importantes à leurs yeux que leur propre épanouissement professionnel.
De même, les professeurs qui, chaque année, formulent leur demande de mutation se voient opposer un refus sans que les raisons leur soient vraiment données. Ce phénomène, qui touche nombre de femmes, semble s'amplifier. Au collège et au lycée, le recrutement est national et les lauréats des concours sont affectés partout en France en fonction des besoins dans leur discipline. Selon les bilans sociaux de votre ministère, 43 % des 26 000 professeurs demandant un changement d'académie ont obtenu satisfaction en 2021 contre un peu plus de 45 % en 2019. Ce système de mutation, qui empêche la mobilité des professeurs, montre ainsi ses limites. Les difficultés de recrutement s'expliquent pour une part par des affectations qui ne respectent pas toujours les contraintes familiales. En cette période particulièrement difficile pour recruter de nouveaux enseignants, il serait de bonne politique de mieux respecter le lieu de vie de ces femmes certes motivées mais qui souhaitent maintenir un équilibre familial. Pensons également aux reconversions de nombreuses femmes, pleines de bonne volonté, de savoir et de bon sens : je songe en particulier à celles qui ont accompli des carrières scientifiques, qui souhaitent ardemment rejoindre les rangs de l'éducation nationale mais qui, malheureusement, renoncent.
L'école de la République doit être un lieu d'apprentissage, d'écoute et de confiance, d'épanouissement et d'émancipation de l'enfant. Est-ce vraiment le cas si le système éducatif perpétue lui-même les inégalités de genre, que des violences se font jour à l'endroit des enfants et qu'il échoue à les protéger ?
La réforme du lycée menée par votre prédécesseur a augmenté les inégalités entre les filles et les garçons en mathématiques. Plus de vingt-cinq ans d'efforts ont ainsi été anéantis, selon plusieurs associations et instituts de recherches en mathématique, qui alertent sur un décrochage encore plus patent, notamment, en première générale. La résurgence inquiétante de ces inégalités doit nous alerter tant leurs conséquences sont désastreuses pour l'avenir de ces élèves. Nous savons en effet combien les inégalités dans l'éducation provoquent ensuite les inégalités de carrière.
Vous avez annoncé que, d'ici à la fin du quinquennat, les spécialités du lycée général – notamment scientifiques – compteront 50 % de filles. Qu'envisagez-vous de faire pour lutter contre les stéréotypes dès la maternelle ? Si vous ne vous appuyez par sur le travail des associations, envisagerez-vous au moins une hausse du budget qui leur est alloué pour qu'elles puissent mener à bien ce travail ?
S'agissant de la vie sexuelle et affective, la mise en place d'un programme est parfaite pour donner un cadre, mais comment s'assurer de son effectivité dans tous les établissements ? Sera-t-il élaboré en partenariat avec les associations qui travaillent déjà sur ce sujet ou le sera-t-il indépendamment, de manière à répondre au plus près aux besoins de chaque établissement ?
Les violences subies se révèlent souvent à l'école mais des difficultés se font jour. Selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants sont chaque année victimes d'inceste. Pourtant, les violences sexuelles ne concernent que 2 % à 7 % des remontées, signe qu'un certain nombre d'enfants victimes passent trop souvent sous le radar des personnels éducatifs. Les équipes éducatives doivent être capables de mieux identifier et de signaler les violences subies par les enfants dans le milieu familial ou scolaire. Dans son rapport intermédiaire, la Ciivise a appelé au repérage systématique de ces violences. Vous engagez-vous à tenir compte de l'ensemble de ses recommandations ? Soutiendrez-vous le maintien de cette commission au-delà de son terme, prévu en décembre, comme une cinquantaine d'entre nous l'avons fait ?
Je m'interroge sur le temps de récréation de nos petites têtes blondes et brunes, lequel détermine en partie le positionnement des petites filles dans leur parcours scolaire et professionnel.
Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) décrivait en 2017 les cours de récréation comme des espaces très sexués. En effet, de nombreuses études menées par des chercheurs, dont Édith Maruéjouls, spécialiste de la géographie du genre, ont démontré que les cours de récréation sont fragmentées en espaces distincts, souvent consacrés à des jeux considérés par les enfants eux-mêmes comme étant « de filles » ou « de garçons ». Dans ses travaux, elle note qu'environ 80 % de l'espace des cours de récréation sont occupés par 10 % des élèves, en grande majorité des garçons. L'espace central est souvent consacré à la pratique du football, dont les filles sont exclues quand bien même elles souhaiteraient y jouer. Elles se retrouvent donc davantage dans les espaces plus petits, au fond ou en bordure de cour.
Cette « répart-scission » de l'espace et la perception différenciée des activités selon le genre sont véhiculées par notre société et se traduisent inconsciemment dans le comportement des enfants dès l'école. Malgré eux, ils reproduisent ces stéréotypes, qu'ils ne peuvent pas, seuls, remettre en question. Il importe donc de déconstruire de tels schémas dès leur installation. Cela peut passer par des aménagements dans les cours de récréation afin de privilégier les activités mixtes, ainsi que par la présence de nouveaux équipements facilitant le partage des lieux. Cela passe également par la sensibilisation des équipes enseignantes afin d'interroger les élèves sur leur perception de l'occupation de la cour, de briser les stéréotypes qui entourent certaines activités et de proposer aux enfants de nouvelles pratiques mixtes pour leur apprendre à jouer ensemble et à partager l'espace. Quelles actions comptez-vous mener pour faire en sorte que la cour de récréation soit un espace qui favorise la mixité et le partage ?
J'ai remis mon rapport « Plan rouge vif - Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales » au mois de mai. L'école, en effet, n'est pas seulement un lieu d'apprentissage où l'on tisse des liens avec d'autres enfants ; c'est aussi un lieu hors de la cellule familiale où l'on fréquente d'autres adultes, d'autres figures de l'autorité qui peuvent permettre aux enfants de libérer leur parole. Trop souvent, ceux-ci se taisent et n'évoquent pas les violences qu'ils subissent à la maison ou que leur mère subit de la part de son conjoint. Ils ont peu d'outils pour briser le silence.
Dans certaines communes, des associations, comme Les Papillons, mettent à disposition des boîtes aux lettres pour permettre aux enfants de donner l'alerte. Certaines associations souhaitent également travailler avec l'éducation nationale. Je sais que vous voulez donner aux enfants le meilleur cadre d'apprentissage qui soit, lequel excède l'école et se trouve aussi dans les foyers, auxquels l'école ne peut ni ne doit se substituer. Quels travaux sont-ils menés par votre ministère pour la libération de la parole des enfants et l'identification des victimes ?
Comment favoriser l'utilisation, par les jeunes collégiennes et lycéennes, des produits d'hygiène intime comme les cups, ou coupes menstruelles, plus économiques et écologiques ? La pénurie d'infirmières scolaires, de ce point de vue, est également préoccupante.
La loi Aubry de 2001 impose en effet à l'éducation nationale l'organisation d'au moins trois séances annuelles consacrées à l'information et à l'éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées. Or les résultats ne sont pas à la hauteur. D'après un récent rapport du HCEFH, les élèves n'ont pu bénéficier, en moyenne, que de 2,7 séances au cours de leur scolarité, soit à peine 13 % des vingt et une séances obligatoires. De plus, l'enseignement délivré paraît en décalage avec leurs besoins, mais sans doute la saisine du Conseil supérieur des programmes permettra-t-elle d'améliorer la situation. Ne serait-il pas temps d'imposer une obligation de résultat à l'éducation nationale sur ce point crucial ?
D'après un autre rapport du HCEFH, 88 % des personnels de l'académie de Lyon déclarent n'avoir jamais reçu de formation à l'égalité. Quels moyens permettraient de s'assurer qu'au moins 50 % des personnels de l'éducation nationale sont effectivement formés ?
Nul besoin de nous expliquer les discriminations que nous subissons, comme la dévalorisation systématique des métiers féminisés, si mal rémunérés faute de reconnaissance des qualifications, ou encore l'inégal partage des tâches familiales et domestiques, qui font des femmes les premières victimes des temps partiels subis.
Je vous ai attentivement écouté décliner votre plan pour diffuser la culture de l'égalité et la lutte contre les stéréotypes, mais ne pensez-vous pas que votre ministère devrait commencer par balayer devant sa porte et ne pas contribuer à perpétuer, et même aggraver les inégalités de genre que subissent les femmes, lesquelles portent l'école à bout de bras ? En effet, alors que 70 % des enseignants sont des femmes, lesquelles représentent aussi 81 % des professeurs des écoles, seule une femme sur huit dirige une école, contre un homme sur cinq ; 11,5 % de ces femmes sont à temps partiel et, sans surprise, les heures supplémentaires, qui mettent un peu de beurre dans les épinards, sont largement captées par des hommes.
Le niveau des salaires est exceptionnellement bas. Ma conviction de féministe est que ce n'est pas sans lien avec ce caractère très féminisé de cette profession. Que répondez-vous face à une telle situation, d'ailleurs aggravée par un écart de salaire de 13 % entre les enseignants et les enseignantes ? Vous répondez par un pacte, qui remplace seulement des augmentations de salaire par des augmentations de tâches, en particulier tâches de remplacement dont nous savons que ce sont les hommes – qui ont le moins de charges familiales à assurer – qui s'en chargeront, ce qui ne manquera pas de créer une nouvelle inégalité alors que ce pacte est déjà massivement rejeté par les enseignants. Votre pacte est un affront à l'ensemble de la profession mais, plus encore, aux femmes. Comment, dans ces conditions, vous targuer de pouvoir former les jeunes filles à l'égalité dans une école dont vous traitez si mal les enseignantes ?
L'éducation à la vie affective et sexuelle doit également mettre en avant la sexualité heureuse et ne pas se focaliser uniquement sur les dangers de la pornographie, les violences, les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses précoces.
Par ailleurs, je déplore la confusion entre la lutte contre l'homophobie et l'incitation à l'homosexualité, qui me rappelle les attaques formulées à endroit de l'ABCD de l'égalité, rebaptisé « théorie du genre », laquelle n'existe pas. Comment répondre à de telles peurs, si répandues ?
L'éducation à la vie affective et sexuelle, jusqu'ici, relève de simples fiches pédagogiques ; or les programmes, au sein de l'éducation nationale, sont fondamentaux et autrement substantiels. Ils ont, en quelque sorte, une force exécutoire. J'ai donc saisi le Conseil supérieur des programmes pour qu'il en élabore et qu'ils soient discutés à la fin de l'année, après quoi il serait intéressant d'échanger avec des éditeurs en vue de la publication de manuels correspondant aux différents niveaux scolaires. Nous devons avancer le plus rapidement possible, notamment avec les associations, que nous sollicitons et qui peuvent être également auditionnées par le Conseil supérieur des programmes.
La société est prête, en effet, et nous pouvons aller tranquillement de l'avant en prenant en compte les trois dimensions principales de l'éducation à la sexualité : la dimension classique – aspect biologique, questions de santé publique et de prévention des maladies sexuellement transmissibles ainsi que des grossesses précoces, notamment en Outre-mer et dans le nord de l'Hexagone –, la dimension sociale – prévention des différentes formes de violences sexistes et sexuelles, place des identités sexuées et de genre dans la société – et la dimension émotionnelle et psychologique.
Ces programmes visent à couvrir un ensemble de questions d'une manière adaptée à chaque âge. Croyez en ma détermination pour avancer résolument ! Je suis persuadé que nous aurons l'assentiment des élèves et de leurs familles. La question de l'éducation à la sexualité revient toujours lors de mes déplacements dans les lycées, y compris dans les lycées français à l'étranger. Généralement, c'est une lycéenne qui la pose, approuvée ensuite par l'ensemble de ses camarades. La demande est donc très forte.
En 2022, en terminale, la part des filles dans la spécialité mathématiques s'élevait à 40,6 %, à 46,9 % en physique-chimie et à 62,3 % en sciences de la vie et de la terre (SVT) – où elles sont donc très majoritaires.
Pour ce qui concerne en revanche les deux spécialités les plus problématiques, à savoir sciences de l'ingénieur (SI) et numérique et sciences informatiques (NSI), nous sommes vraiment très éloignés de la parité : elles comptent respectivement 13,6 % et 14,6 % de filles. C'est la raison pour laquelle nous avons fixé des objectifs cibles dans ces spécialités. L'idée n'est pas d'atteindre 50 % dès l'année prochaine, mais, dans chacun des établissements où elles sont proposées, de réussir à convaincre une ou deux filles de les choisir, car il suffit de changements minimes pour faire grimper la proportion à l'échelle de l'ensemble du pays : 17 000 élèves sont inscrits en NSI et 6 900 en SI, contre 150 000 en maths, 114 000 en physique-chimie et 92 000 en SVT – qui sont les trois spécialités rassemblant la plus grande partie des élèves scientifiques.
La proportion de 40,6 % n'est pas satisfaisante, mais elle représente un point de départ autorisant à penser qu'il est possible d'atteindre 50 %, d'autant que le chiffre était un peu plus bas en 2021. En classe de première, les élèves suivent trois spécialités, puis seulement deux en terminale. Or on constate que les jeunes filles laissent tomber plus volontiers, à ce stade, les mathématiques que les SVT. L'un de nos objectifs doit donc être de faire en sorte qu'elles poursuivent dans cette voie, et même qu'elles choisissent la spécialité mathématiques expertes, qui suppose de faire trois heures de mathématiques en plus des six heures de la spécialité mathématiques en terminale.
Je suis bien conscient de la situation dans les spécialités scientifiques. Contrairement à ce qui a été dit, il n'y a pas d'effondrement de la part des filles dans la spécialité mathématiques. Les nouvelles spécialités NSI et SI contribuent à faire diminuer leur part dans l'ensemble des spécialités scientifiques, mais elles représentent 40,6 % des effectifs en mathématiques. Certes, c'est insuffisant, et une érosion du nombre d'étudiantes dans cette spécialité est observée depuis 2015, mais le même phénomène touche les garçons : c'est la spécialité en elle-même qui est concernée.
En ce qui concerne la place des femmes dans les manuels, il serait absurde de prétendre que tout est parfait, mais des progrès ont été enregistrés. C'est particulièrement vrai dans les manuels d'histoire et de géographie par rapport à ceux d'il y a vingt ans. Je suis tout à fait ouvert à l'idée de sensibiliser les professeurs et les équipes choisissant les manuels. Il convient d'inclure des critères concernant le genre et l'équilibre dans la représentation entre les hommes et les femmes. Le label Égalité filles-garçons peut nous y aider.
Les femmes sont majoritaires dans l'éducation nationale : elles représentent aux alentours de 70 % des effectifs. Dans le premier degré, leur part atteint même 84 %. Dans le même temps, on compte seulement 79 % de femmes directrices d'école. Les choses se dégradent dans le second cycle, et même de plus en plus au fur et à mesure que l'on « monte » dans la hiérarchie : elles représentent 65 % des certifiés, 55 % des agrégés et seulement 38 % des professeurs de chaire supérieure.
Le constat vaut également pour les postes d'encadrement supérieur. Toutefois, là encore, les progrès sont très nets : les femmes occupent 40,2 % de ces postes, contre moins de 25 % il y a une vingtaine d'années. Autrement dit nous sommes allés au-delà des prescriptions de la loi Sauvadet, qui impose une proportion de 40 % de femmes dans les emplois supérieurs et de direction. L'égalité a été atteinte en ce qui concerne les recteurs et les rectrices. Toutefois, pour l'ensemble des postes d'encadrement, nous devons nous fixer pour objectif de parvenir à l'égalité, voire de la dépasser, dans la mesure où les femmes constituent la plus grande partie des enseignants.
Une part de l'augmentation des rémunérations concernera tous les enseignants et toutes les enseignantes, jusqu'au septième échelon, sans conditions, à compter du 1er septembre. Elle sera comprise entre 7,8 % et 11,2 % net. Cette hausse sera la plus importante intervenue dans l'éducation nationale depuis 1991. Lionel Jospin était alors ministre de l'éducation nationale.
Une autre part sera liée à l'accomplissement de nouvelles missions. Certaines d'entre elles, d'ailleurs, correspondent à des tâches dont les enseignants s'acquittaient déjà, mais pour lesquelles ils étaient moins bien rémunérés, voire ne l'étaient pas du tout. Ainsi, dans le premier degré, chaque heure supplémentaire est payée 26 euros ; nous proposons de porter ce montant à 69 euros pour les missions incluses dans le pacte. À Marseille, j'ai eu l'occasion d'échanger avec des enseignantes qui accomplissaient depuis plusieurs années certaines tâches de manière bénévole ; à partir du 1er septembre, elles seront rémunérées pour ce travail.
Les enseignants sont également en train de souscrire à des missions vraiment nouvelles. Le mouvement se poursuivra à la rentrée : les néotitulaires et les enseignants ayant bénéficié d'une mutation pourront adhérer à une ou plusieurs missions. Nous ferons un point d'étape le 7 juillet, et les données définitives ne seront disponibles qu'à partir de la mi-septembre, mais nous sommes d'ores et déjà très satisfaits du nombre de réponses positives des enseignants, en dépit de la position des syndicats – parmi les personnes souscrivant à de nouvelles missions, on trouve d'ailleurs des syndicalistes. Cela tend à montrer que ces nouvelles missions ne sont pas aussi injustes que d'aucuns le pensent. Nous devrons néanmoins nous assurer, durant l'année à venir, qui sera marquée par l'entrée en vigueur du dispositif, que ces missions n'entraînent pas un accroissement des inégalités entre les femmes et les hommes. À ce stade, il serait prématuré de tirer quelque conclusion que ce soit en la matière.
La transformation des cours de récréation est un enjeu très important. Si le ministère n'est pas directement responsable du bâti scolaire, il s'est doté d'une cellule dédiée lui permettant de soutenir activement les collectivités. Notre politique consiste à végétaliser ces espaces, opération qui facilite l'absorption de l'eau par la terre et évite la formation de puits de chaleur, lesquels se multiplient, notamment au mois de juin – ce qui perturbe aussi bien la continuité pédagogique que le déroulement des examens –, et s'accentueront à l'avenir. Enfin, la végétalisation permet de diversifier les occupations et les jeux des élèves, favorisant ainsi l'égalité filles-garçons. Les terrains de football, par exemple, souvent dominants dans ces espaces, se trouvent réduits à portion congrue. Nous sommes donc très favorables à la végétalisation et encourageons cette évolution.
Les toilettes des établissements scolaires sont souvent dans un état de dégradation inacceptable, et même problématique sur le plan sanitaire. Même si la question ne relève pas non plus directement du ministère de l'éducation nationale, nous y sommes très sensibles et poussons dans le sens de la rénovation. Il y a là, par ailleurs, un enjeu en matière d'égalité filles-garçons.
Une étude portant sur les toilettes des aires d'autoroute a livré des résultats très intéressants. Dans ces lieux, où il y a autant d'espaces pour les femmes que pour les hommes, il s'avère que les femmes doivent attendre beaucoup plus longtemps. Mettre à la disposition des femmes et des hommes des toilettes en nombre égal, c'est en réalité une injustice flagrante : les femmes devraient en avoir beaucoup plus. À titre personnel, je suis choqué chaque fois que je vois des femmes attendre, certaines ayant même leurs enfants avec elles. De telles situations sont inacceptables. C'est un motif de rébellion qui justifierait de convoquer les sociétés d'autoroutes ! Or il en va de même dans les écoles : il faut y prévoir plus de toilettes pour les filles que pour les garçons.
Selon un bilan réalisé en avril, un tiers des établissements scolaires a installé des distributeurs de protections gratuites. Cela n'est pas suffisant, même si, par ailleurs, les infirmeries scolaires en proposent également. Nous souhaitons accroître le nombre de ces distributeurs, en liaison avec les collectivités.
La prolongation de la Ciivise a été réclamée par ses responsables eux-mêmes. Je laisserai à ma collègue Charlotte Caubel le soin de vous répondre sur ce point. Pour notre part, nous formons le personnel, notamment ceux des services de vie scolaire et des infirmeries, à la détection des violences intrafamiliales, en partenariat avec la Ciivise, car les établissements scolaires sont au premier rang dans ce domaine. Les Inspe dispensent désormais dix-huit heures de formation à la détection de ces violences durant les deux années qu'y passent les candidats aux concours d'enseignement aux niveaux M1 et M2. Nous avons aussi publié un vade-mecum relatif aux violences sexuelles intrafamiliales, destiné à l'ensemble du personnel de l'éducation nationale. Enfin, nous faisons la promotion du 119, le numéro de téléphone dédié à la prévention et à la protection de l'enfance en danger.
Le problème des postes éloignés du département dont on est originaire se pose surtout dans le second degré, où les enseignants sont soumis à un mouvement national. Être nommé à 500 kilomètres de chez soi représente une difficulté, je le reconnais volontiers. Les enseignants originaires des outre-mer sont même appelés à exercer à 5 000 kilomètres de chez eux : compte tenu de la baisse des effectifs scolaires locaux – en particulier à la Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion – et des besoins existant par ailleurs, ils restent très rarement dans l'académie dont ils sont issus. S'il existait, au sein de l'éducation nationale, une adéquation parfaite entre les demandes et les besoins, ce serait formidable. Ce n'est pas par cruauté que nous affectons des professeurs loin de chez eux. Lorsque l'on est breton et que l'on passe un concours national, on a assez peu de chances, dans de nombreuses disciplines, de rester chez soi : on est plutôt affecté en région parisienne, en particulier dans l'académie de Créteil ou dans celle de Versailles, les deux plus grosses, où les besoins sont importants.
Le phénomène est moindre dans le premier degré, car le mouvement y est limité à l'échelle de l'académie, mais il est vrai que certaines académies sont étendues et que l'on peut donc être nommé loin de chez soi. Cela conduit même certains professeurs des écoles à perdre le bénéfice de leur concours.
Les problèmes liés aux mutations sont amplifiés par le développement des secondes carrières : il est des professeurs qui débutent dans le métier après avoir atteint la quarantaine. Or, à cet âge-là, on est encore moins mobile que quand on a 25 ans : on possède déjà un logement et on a fondé une famille. Certains démissionnent et d'autres préfèrent rester contractuels pour ne pas être mutés loin de chez eux.
Si nous nommions en Bretagne tous les néotitulaires issus de cette académie, les professeurs qui exercent dans l'académie de Créteil et attendent de retourner en Bretagne depuis de nombreuses années protesteraient. Les néotitulaires n'ont pas la priorité par rapport à des collègues qui ont accumulé les points nécessaires. Les enseignants originaires d'outre-mer se voient quand même attribuer 1 000 points supplémentaires grâce à la notion de centre des intérêts matériels et moraux (CIMM), dont nous avons renforcé le poids. Il n'en reste pas moins que c'est dans les régions qui attirent le moins les enseignants que les besoins sont les plus criants. Or la priorité est de mettre un professeur devant tous les élèves.
Malheureusement, il n'y a pas de solution magique. Nous essayons quand même, chaque année, au cas par cas, de remédier aux situations les plus critiques, notamment du point de vue familial.
Nous attendons avec beaucoup d'intérêt, madame Carel, le rapport de la mission d'information chargée de dresser un panorama et un bilan de l'éducation prioritaire, dont la remise est prévue le 11 juillet.
Je suis toujours frappé par la capacité qu'a le Rassemblement national, quel que soit le sujet, à revenir à ses obsessions souvent nauséabondes, xénophobes, et en tout état de cause très éloignées des droits des femmes. Il suffit d'ailleurs de consulter son programme pour être édifié quant à la manière dont cette formation politique se représente les droits des femmes.
Nous ne faisons pas la promotion de l'homosexualité, pas davantage que d'une autre forme de sexualité. De ce point de vue, nous observons une neutralité principielle et axiologique. En revanche, il est essentiel de lutter contre toute forme de discrimination que des élèves pourraient subir – et subissent, malheureusement – en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée.
Lutter contre l'homophobie et la LGBTphobie suppose d'abord de promouvoir une école accueillante à l'égard de toutes les formes de sexualité, qu'il ne nous revient pas de juger, de qualifier ou de hiérarchiser. D'où notre engagement en faveur de la journée du 17 mai et la fiche que nous avons publiée. Il faut, ensuite, développer l'éducation à la sexualité : la connaissance des différentes formes de sexualité – sans qu'il soit question de les promouvoir – est aussi un moyen de favoriser la tolérance. Il faut, enfin, s'opposer à toute forme de discrimination. Pour cela, nous nous appuierons sur les programmes et sur le travail d'associations agréées.
Merci pour vos réponses, monsieur le ministre.
S'agissant des manuels, je note que les chiffres ne font pas consensus. Quoi qu'il en soit, des efforts ont été consentis. Il faut pousser les éditeurs à être plus attentifs. On connaît, en effet, l'importance du rôle de modèle.
Je suis d'accord. Il faut aussi plus de femmes parmi les autrices de manuels.
Absolument.
Merci de nous avoir fourni des précisions concernant l'attractivité générale du métier d'enseignant et la place des femmes.
Les chiffres que vous nous avez donnés mettent en évidence le fait que le domaine du numérique, qui comprend de très nombreux métiers, reste un sujet de préoccupation majeur en matière d'égalité femmes-hommes. Le Haut Conseil à l'égalité, dont je fais partie, rendra ses travaux sur la question à la mi-octobre. Je veillerai à ce que ses conclusions vous soient transmises.
Vous pourrez compter sur notre vigilance et sur celle de Robin Reda, rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire, lors de l'examen du projet de loi de finances, pour que les mesures que vous avez annoncées trouvent une traduction budgétaire.
La séance est levée à 19 heures 10.
Informations relatives à la Délégation
La Délégation a désigné Mme Véronique Riotton et M. Stéphane Viry co-rapporteurs de la nouvelle mission d'information intitulée « Femmes et sport ».
Membres présents ou excusés
Présentes. - Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, Mme Émilie Chandler, Mme Mireille Clapot, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Sandrine Josso, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Amélia Lakrafi, Mme Élise Leboucher, Mme Julie Lechanteux, Mme Sarah Legrain, Mme Pascale Martin, Mme Graziella Melchior, Mme Véronique Riotton, Mme Ersilia Soudais.
Excusés. - Mme Julie Delpech, M. Stéphane Viry.