La séance est ouverte à neuf heures.
Mes chers collègues, nous avons compris que le modèle français de défense reposait sur de nombreuses singularités, parmi lesquelles la volonté stratégique de disposer d'équipements de manière autonome. Cette volonté politique repose notamment : sur la loi de programmation militaire (LPM), qui traduit cette volonté politique et qui donne de la prévisibilité sur plusieurs années ; sur la direction générale de l'armement (DGA), qui conduit les grands programmes d'armement, et dont nous avons auditionné hier le délégué général ; sur une politique d'exportation permettant de financer des projets ambitieux, de rendre le modèle soutenable et d'établir des projets stratégiques. Par ailleurs, cette volonté politique en matière d'autonomie stratégique et d'armement repose également sur les industriels qui construisent ces équipements, qui proposent de l'innovation, et qui constituent les pierres angulaires indispensables à notre autonomie stratégique en matière d'armement.
Nous avons donc le plaisir d'accueillir aujourd'hui le général Guy Girier, conseiller défense d'Airbus ; M. Franck Saudo, président de Safran Electronics & Defense ; M. Philippe Duhamel, directeur général adjoint systèmes de mission défense de Thales ; l'amiral Henri du Ché, conseiller militaire d'ArianeGroup.
Messieurs, les sujets sur lesquels nous souhaiterions vous entendre sont particulièrement riches. Je n'en citerai que deux.
Tout d'abord, quelle appréciation portez-vous sur le programme d'équipement de la LPM ? Pour rappel, le projet prévoit près de 268 milliards d'euros de besoins programmés au titre du seul agrégat équipement, soit une augmentation de 55 % par rapport à la présente LPM 2019-2025. Sur cette enveloppe, 100 milliards d'euros sont dédiés aux grands programmes que sont les programmes à effet majeur (Pem), contre 59 milliards d'euros dans la présente LPM. Comment cet effort massif se traduira-t-il donc concrètement pour vos industries ?
Par ailleurs, ce projet de LPM vous aidera-t-il à adapter vos industries à l'économie de guerre, c'est-à-dire à l'exigence d'être en capacité de produire davantage, plus rapidement, si possible à moindre coût, en cas de crise majeure ? Plus largement, que conviendrait-il d'ajouter, selon vous, à ce projet ?
Nous vous remercions d'associer l'industrie aux travaux de la commission sur le projet de LPM. Dans ce contexte budgétaire difficile, une enveloppe de 400 milliards d'euros représente un effort conséquent. L'industrie en a conscience, et comme à son habitude, nous nous attacherons à en faire le meilleur usage.
Comme toujours, la LPM constitue un cadre très attendu par l'industrie. Il lui donne en effet des perspectives et lui permet d'adapter son outil de production et ses ressources – ressources de production, ressources humaines – aux objectifs fixés. Il lui permet également d'orienter ses innovations sur fonds propres. C'est particulièrement le cas d'Airbus, qui a consacré, en 2022, 3,1 milliards d'euros sur fonds propres en recherche et développement (R&D), que ce soit pour les affaires civiles ou pour les affaires de défense. En matière de défense, nous avons réalisé un certain nombre de travaux sur l'interaction entre l'avion piloté et le drone, ainsi que des travaux sur le largage de drones depuis un avion de transport de type A400M, en préparation de la phase de démonstration du système de combat aérien du futur ( Future Combat Air System, Fcas).
Cette LPM s'inscrit dans la continuité de la LPM 2019-2025, qui a été exécutée à l'euro près. Elle confirme, dans de nombreux domaines, les efforts initiés par la loi actuellement en vigueur.
La loi prévoit la modernisation des composantes de dissuasion : Airbus, en liaison avec ArianeGroup et MBDA, sera particulièrement concerné par la modernisation des composantes océanique et aérienne, au travers des programmes M51 et air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G). Sur la composante aérienne, Airbus réalisera la conversion en MRTT ( Multi Role Transport Tanker, avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport) des trois derniers A330 acquis par l'armée de l'Air et de l'Espace au titre du plan de soutien aéronautique, ce qui portera la flotte MRTT française à quinze appareils.
Cette loi prévoit également le maintien des capacités à concevoir et réaliser des systèmes de combat aérien en Europe. Le FCAS permettra de positionner l'industrie européenne sur les domaines technologiques et capacitaires clés que sont la connectivité, la furtivité, le Cloud de combat, la guerre électronique, l'intelligence artificielle au service du combat aérien. Récemment initiée, la phase 1B du programme a lancé les études de concept préalables aux démonstrations technologiques qui seront réalisées au cours de la phase 2, avec l'ambition de première démonstration dès 2027.
La loi initie par ailleurs la prise de compétences de l'industrie européenne dans le domaine des drones MALE (moyenne altitude et longue endurance). Le programme Eurodrone est confirmé dans ses objectifs, avec de premières démonstrations en 2027 et de premières livraisons dès 2030. Plus largement, Airbus sera un acteur du développement des capacités des drones, axe prioritaire de cette loi. Ce développement de capacités au profit des forces s'effectuera au travers de notre filiale Survey Copter, qui réalise le drone léger de surveillance Aliaca utilisé par les bâtiments de surface de la marine. Cette loi intègre en outre le maintien en Europe des compétences de développement et de réalisation des capacités d'hélicoptère de combat, avec la modernisation du système d'armes du Tigre et le lancement du programme Guépard, dont les vingt premiers exemplaires seront livrés au cours de la période.
La loi envisage aussi la prise de compétences sur les nouveaux domaines de conflictualité que sont l'espace, le cyber ou la lutte d'influence, domaines sur lesquels Airbus sera pleinement impliqué.
Enfin, l'automatisation du vol vertical est prévue avec les études sur le drone VSR700.
Cette LPM s'inscrit donc dans la continuité de la LPM 2019-2025, ce qui s'avère favorable à la conduite des programmes. Cette loi s'est toutefois traduite par un très haut niveau d'engagement de crédits, ce qui n'est pas sans poser de difficultés pour la construction de la nouvelle LPM, qui doit par ailleurs tenir compte des conséquences de la crise ukrainienne et de l'évolution durable du contexte stratégique en Europe. Il ressort des travaux préparatoires une très grande difficulté pour concilier l'ambition d'adapter les forces à ce nouveau contexte stratégique, incluant l'aptitude à la haute intensité, et la réalité budgétaire. Cette loi s'accompagne donc de craintes quant à la portée des arbitrages qui seront rendus. Le projet aboutit d'ailleurs à reporter l'ambition d'atteinte du nouveau modèle d'armée 2030 et à réviser les objectifs de plusieurs programmes.
Pour Airbus, il s'agit des programmes A400M, Tigre, et des programmes spatiaux. Il convient ici de souligner la qualité des échanges entrepris avec le ministère des armées afin d'identifier, pour chacun de ces programmes, un point d'équilibre entre les enjeux budgétaires, les besoins capacitaires et les enjeux industriels de continuité de transformation de l'outil de production et de préservation des compétences clés de conception et de production.
Le programme A400M a fait l'objet de premières discussions entre la DGA et l'armée de l'Air et de l'Espace, afin d'identifier une feuille de route commune permettant la réussite du programme à l'exportation et la continuité des compétences, dans la perspective de préparer les futures capacités de transport tactique attendues sur le segment moyen. C'est le programme futur cargo tactique médian (FCTM), qui est à ce stade au niveau de l'étude, et pour lequel la commission devrait désigner l'attributaire dès cet été. Les discussions sur l'A400M se poursuivent au niveau international entre la France, l'Espagne et le Royaume-Uni, afin de consolider un scénario de maintien de la production A400M au-delà de 2028.
Pour le programme Tigre, un point d'équilibre a été trouvé entre Airbus Helicopters (AH), la DGA et l'armée de Terre, qui respecte les enjeux de traitement des obsolescences de la flotte pour la maintenir jusqu'en 2045, les enjeux de satisfaction du besoin opérationnel et les enjeux de coopération franco-espagnole sur ce programme.
S'agissant de l'espace, le texte de loi ne traduit pas, à ce stade, l'état des discussions entre la DGA et Airbus. Avec le ministère des armées, nous étudions les modalités pour mettre le texte à la hauteur des accords trouvés pour la préservation du cœur souverain ; c'est notamment la continuité entre les composantes spatiales optiques (CSO) et Iris.
En complément, il convient de noter qu'un certain nombre de sujets ne sont pas abordés par la loi. Le retrait de la flotte Puma ne sera que partiellement traité. Huit NH90 seront commandés pour compenser les appareils modifiés au profit des forces spéciales et permettre le transfert des Caracal du quatrième régiment d'hélicoptères des forces spéciales vers l'escadron Pyrénées de l'armée de l'Air, ce qui permet de pallier très insuffisamment les remplacements des sept Puma de l'armée de Terre et des douze Puma de l'armée de l'Air et de l'Espace. Nous devrons donc en rediscuter avec la DGA et les armées.
Au-delà de ces enjeux programmatiques, et contrairement à la loi de programmation 2019-2025, le projet de loi pourrait laisser penser que l'Europe ne serait plus un axe majeur de la politique de défense. Un tel repli constituerait un recul, au moment où l'Europe doit faire face à la divergence des politiques d'investissement de défense pour pallier l'urgence de la crise en Ukraine, et au moment où les outils européens méritent d'être consolidés pour sécuriser la montée en puissance des premiers programmes issus du programme européen de développement industriel de défense ( European Defence Industrial Development Programme, EDIDP) et du fonds européen de défense (Fedef). Cette inflexion ne doit pas perturber la conduite des programmes majeurs initiés par la loi actuelle – SCAF, drone Male, qui sont confirmés par la loi – ou des potentiels programmes de demain – MPA, AFSC, FCTM –, pour lesquels l'approche européenne apportera la masse critique nécessaire à leur maîtrise économique et à la préservation des critères de souveraineté européenne et nationale, dans un marché fortement concurrencé par l'offre américaine.
La nouvelle LPM est assurément exigeante. Elle porte des enjeux de politique industrielle majeurs et mobilisera l'ensemble des 18 000 collaborateurs d'Airbus impliqués en France dans les programmes de défense.
Je suis heureux de pouvoir présenter la vision de Safran sur le projet de LPM 2024-2030. Dans la période actuelle, nous sommes pleinement conscients de l'effort que représentent les 413 milliards d'euros proposés au titre de cette loi. Il nous revient donc, en tant qu'industriel, et avec nos partenaires que sont l'État, la DGA et les armées, d'être à la hauteur de nos responsabilités d'industriel de défense, en proposant le meilleur en matière de compétitivité, de performance, de qualité et de livraisons à l'heure, avec l'enveloppe budgétaire allouée aux équipements.
Avant d'évoquer l'impact de la LPM, permettez-moi quelques mots sur le groupe Safran et ses activités de défense. La défense représente 20 % de l'activité de Safran, chez qui une circulation à double sens existe entre les activités militaires et les activités civiles. Même si le civil prédomine, la défense est le fer de lance dans un certain nombre de domaines d'innovation. Parallèlement, les activités civiles irriguent, en termes d'innovation, les activités de défense, qui sont d'ailleurs un facteur de fierté pour nos collaborateurs.
Le positionnement défense est au cœur de notre stratégie. À son arrivée en 2021, M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, a fait des activités de souveraineté une priorité stratégique du groupe, à parité avec la décarbonation du transport aérien. Dans la défense, Safran occupe quatre positionnements. D'abord, notre groupe fait partie du club très fermé, au niveau mondial, des motoristes d'avions de chasse, d'avions de transport, d'hélicoptères et de drones. Safran est également équipementier de défense de premier plan, notamment grâce aux systèmes optroniques, aux centrales de navigation inertielle et aux viseurs intégrés sur les plateformes des trois armées ; le groupe n'est pas systémier, sauf pour le système de drone tactique (SDT) Patroller et le missile armement air-sol modulaire (A2SM). Safran est aussi équipementier de défense dans le domaine spatial. Enfin, notre groupe contribue à la dissuasion nucléaire en participant directement à tous les programmes qui y sont associés.
Considérant le positionnement de Safran, nous ne pouvons qu'être satisfaits de l'augmentation du budget du ministère des armées. Nous espérons que cette LPM sera exécutée à l'euro près, comme la précédente LPM.
L'exécution de la programmation et la visibilité sont essentielles pour nos industries de défense, où la planification des compétences et des investissements sont critiques. Vous êtes d'ailleurs, mieux que quiconque, conscients de ces enjeux, en acteurs avisés de l'écosystème des usines contribuant à la base industrielle et technologique de défense (BITD) dans vos circonscriptions.
Safran est à la disposition du ministère et de ses clients mondiaux pour organiser sa production en fonction des commandes passées. Notre groupe répond aujourd'hui présent au rendez-vous des augmentations de cadences. Safran est pleinement en mesure de répondre au plan industriel de développement figurant dans la LPM. Notre groupe est aussi en mesure de répondre à des besoins qui dépasseraient la LPM, comme en témoigne notamment le travail réalisé sur les commandes export du M88 (moteur du Rafale) ou de l'AASM.
Nous sommes par ailleurs pleinement convaincus de l'importance des travaux conduits sur l'économie de guerre. Safran est proactif dans ce domaine et a proposé, avec la DGA et les forces, des pistes de travail pour des programmes innovants et agiles. Tirant conjointement, avec les forces, les enseignements de la guerre en Ukraine, nous proposons le drone Patroller dans une version armée, qui serait un parfait cas d'application d'un mode agile et innovant pour augmenter les cadences de production et rapidement armer le drone. Sur ce sujet, nous proposons de travailler en plateau avec notre partenaire Thales sur la roquette armant le drone, mais aussi avec la DGA et l'État-major des armées. Nous proposons également de capitaliser sur l'AASM en l'adaptant pour répondre aux enjeux de souveraineté et de frappe dans la profondeur. Nous avons par ailleurs proposé d'adapter les normes de certification au contexte d'emploi des armements, considérant le peu d'intérêt à certifier un drone armé au plan civil. À cet effet, nous proposons un cadre réglementaire au juste besoin pour garantir agilité et rapidité. Nous avons enfin proposé des relocalisations afin de mieux maîtriser nos cadences de production et la souveraineté. C'est par exemple le cas de la cellule du Patroller, qui est actuellement fabriquée en Allemagne, et que nous pourrions rapatrier en France si des commandes supplémentaires venaient à être confirmées. Toutes ces propositions, qui sont en ligne avec les priorités énoncées par le ministère des armées, ont pour objectif de nous engager à être plus agiles et réactifs dans le contexte d'économie de guerre.
Permettez-moi à présent quelques commentaires sur plusieurs programmes importants pour le groupe Safran. Au cœur de la LPM figure d'abord le projet SCAF (système de combat aérien du futur), pour lequel Safran est leader du consortium conjointement mené avec les sociétés MTU Aero Engines et ITP Aero. La LPM prévoit à la fois le financement de démonstrateurs et le travail stratégique pour Safran sur les parties chaudes des moteurs d'avions de combat.
Sur le Patroller, nous comprenons que la cible fixée pour 2030 serait maintenue à 28 drones, en stabilité par rapport à la cible fixée par la LPM 2019-2025. Safran répondra présent si l'ambition drone de 5 milliards d'euros de la LPM devait conduire à une cible plus ambitieuse sur le Patroller. Nous notons également avec satisfaction que l'armement du Patroller est bien prévu dans cette nouvelle LPM.
S'agissant des munitions, nous saluons la nette hausse de l'enveloppe budgétaire associée. J'en profite d'ailleurs pour rappeler que Safran est présent sur un grand nombre de munitions pour lesquelles nous faisons par exemple les autodirecteurs, comme sur les programmes missile moyenne portée (MMP) et missile d'interception, de combat et d'autodéfense (Mica). Pour ce qui est de l'AASM, nous avons proposé deux chantiers dans le cadre de l'économie de guerre : l'augmentation de la production, chose faisable et déjà réalisée, par le passé, suite à la campagne de Libye, menant à la fois à une forte augmentation des cadences et à une baisse du coût de l'AASM ; des évolutions sur la munition elle-même, notamment pour appuyer la thématique des frappes dans la profondeur, avec une évolution de l'A2SM vers une version sol-sol de longue portée.
Pour les hélicoptères, l'étalement des commandes du Guépard H160M au-delà de 2030 constitue un défi pour la gestion des compétences et de la chaîne d'approvisionnement, la LPM actuelle annonçant vingt cellules à horizon 2030. Les volumes de matériel tirent clairement les baisses de coûts. Cette réduction des volumes emporte donc un impact financier pour Safran. La réduction des commandes d'hélicoptères lourds NH90 et H225 pose la question du maintien des compétences industrielles pour hélicoptères lourds. Dans un environnement de vive concurrence sur les moteurs d'hélicoptères, ces baisses représentent un coup difficile pour la filière. Elles soulignent, en conséquence, le besoin impératif de financement amont afin de préparer les futures générations de moteurs d'hélicoptères militaires moyens et lourds.
Concernant les équipements militaires, nous notons que l'étalement des livraisons sur les différents programmes de l'armée de Terre impactera notre société, dans la mesure où nous livrons à la fois des viseurs et des centrales sur l'ensemble de ce segment.
Avant de conclure, je souhaiterais aborder l'article 24 de la LPM. Dans le cadre des travaux sur l'économie de guerre, Safran a alerté sur l'importance de la constitution de stocks stratégiques. Les principes de l'article 24 de la LPM sont donc bienvenus. Un travail de concertation avec les industriels est cependant nécessaire pour les associer à la rédaction du décret qui viendra préciser les modalités – notamment financières – d'application de l'article.
En conclusion, nous saluons le choix de la Nation de consentir des investissements importants pour moderniser l'appareil de défense et le préparer aux conflits de demain. Même si nous savons nous adapter, la visibilité et la prévisibilité offertes par la LPM sont à saluer. Fort de 45 000 collaborateurs en France, Safran tiendra avec détermination et engagement ses responsabilités d'industriel pour répondre aux attentes et aux besoins des forces.
Je passerai rapidement sur les points déjà abordés par mes collègues, et je m'abstiendrai également de présenter le groupe Thales.
Les 413 milliards d'euros consacrés par cette nouvelle LPM représentent un effort conséquent, que nous tenons à saluer, au même titre que la continuité affichée par rapport à la présente LPM exécutée à l'euro près. Cette nouvelle loi consacre des moyens significatifs à des domaines capacitaires délaissés ces dernières années, dont les chaînes de production n'étaient restées ouvertes que grâce à l'exportation, parfois avec des cadences extrêmement faibles. Elle comble donc un vide, en particulier pour les activités munitionnaires et de défense antiaérienne. Elle permet également d'investir les nouveaux enjeux associés aux nouveaux champs de conflictualité : cyberdéfense, renseignement, commandement, drone, quantique, intelligence artificielle (IA), interopérabilité. Ces thématiques reflètent l'accélération des évolutions techniques et technologiques, sur lesquelles Thales investit massivement depuis des années.
Retraitée de l'inflation – 30 milliards d'euros sur la période – consommant une part de la progression, cette LPM offre un champ d'application beaucoup plus vaste que la précédente loi, ce qui génère une certaine dilution de l'effort. Le nombre de plateformes équipant les armées en 2030 progressera donc moins rapidement que prévu. Pour Thales, les impacts portent principalement sur le Rafale R, le Griffon, le Jaguar, le Serval, les frégates de défense et d'intervention (FDI) 4 et 5, le système de lutte anti-mines du futur (Slamf), les systèmes de drone et Syracuse IV, avec en particulier l'annulation de Syracuse IV-C.
Cette clarté sur les formats, qui est très importante pour notre visibilité, ne se traduit pas encore par une grande clarté – pourtant très importante pour nous – sur les évolutions qualitatives programmées sur la période. Quelques domaines prioritaires sont identifiés, mais nous ne sommes pas encore à l'énumération des programmes de renouvellement des forces présentés dans le cadre de la précédente LPM. Le contenu fonctionnel des différentes plateformes n'est pas encore précisé, alors qu'il s'agit pourtant d'éléments fondamentaux pour conserver la supériorité technologique et opérationnelle : comme vous le savez, la technologie occidentale a joué un rôle non négligeable face à la masse russe en Ukraine.
Des choix en matière de supériorité technologique seront donc à effectuer dans l'exécution de cette LPM. La prise de risque dans l'innovation est favorisée, mais nous attendons des explications sur la méthode qui sera mise en œuvre. Nous savons qu'il existe des marges de manœuvre. Pour la préparation de l'avenir, le budget études amont augmente de 10 %, tandis que l'effort total consacré à l'innovation passe à 10 milliards d'euros. À ce titre, une attention particulière doit être portée sur le choix des programmes à très faible nombre d'unités, notamment dans le spatial, qui pourraient conduire à des pertes durables de compétences pourtant nécessaires à notre souveraineté.
Si les quantités programmées sont claires, la visibilité sur nos bureaux d'études ne l'est pas encore, alors même que le ministère des armées nous incite à un autofinancement accru de nos activités. Ce paradoxe apparent ne pourra être résolu que par un dialogue soutenu avec l'administration quant aux choix détaillés effectués pendant l'exécution de la LPM. Ce dialogue doit être massivement orienté vers une perspective d'exportabilité accrue de nos produits, en particulier pour les équipements conventionnels, et à l'exception de ceux liés à la dissuasion. Seule cette exportabilité permet de maintenir voire d'augmenter les cadences de production, malgré des commandes nationales limitées ou différées. Par le biais de l'export, nous disposons d'exemples démontrant que nous pouvons rapidement augmenter les cadences, grâce à un effort de notre part et de nos sous-traitants.
Par ailleurs, le succès à l'export permet de financer des stocks bien dimensionnés de matériels prêts à être intégrés sur demande, dans une vision multi-clients, et d'amortir les frais de développement. Le dialogue avec l'administration doit donc viser à la juste spécification des produits, afin de pouvoir accélérer les cycles de qualification, en diminuant, au moins au début, le niveau des spécificités nationales. Notons d'ailleurs que la coopération européenne et la bonne interopérabilité sont évoquées comme des contributions possibles et souhaitées. La programmation doit donc être exécutée dans cette perspective.
Enfin, Thales souhaite le même dialogue sur les décrets d'application à venir relatifs aux points esquissés dans la LPM, notamment sur les stocks que l'État pourra imposer aux industriels. Telle qu'elle apparaît, cette clause constitue un transfert de risques vers l'industrie, qui sera seule à assumer des coûts de constitution, de conservation, voire d'obsolescence des stocks, en l'absence de garanties fournies par l'État.
L'autre sujet est évidemment la priorisation des flux.
Nous sommes conscients que l'écosystème de défense doit travailler différemment afin d'être plus efficace et plus résilient. Cela nécessite davantage de concertation entre partenaires. La réflexion autour de l'économie de guerre en donne l'occasion, pour peu que les modalités de travail entre la DGA et l'industrie évoluent. C'est ainsi que pourra se produire la transformation souhaitée par le ministre, afin d'alléger les contraintes normatives, de raccourcir les cycles de production et de réduire les coûts d'acquisition et de maintien en conditions opérationnelles (MCO). Les normes et règlements pesant sur tous les acteurs offrent encore l'opportunité de faire fructifier l'impulsion donnée afin d'intégrer l'agilité accrue demandée aux industriels. Cette concertation est d'autant plus indispensable pour nos très nombreux sous-traitants français, pour la plupart des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui, encore plus que les grandes entreprises de la défense, ont besoin de visibilité pour pouvoir recruter, se financer et monter en cadence lorsque cela s'avère nécessaire.
Cette nouvelle LPM nécessite donc encore beaucoup de travail pour nous offrir la clarté qui nous permettra d'atteindre les objectifs fixés par la DGA, le ministère des armées et les forces armées.
Vous vous demandez certainement que fait un officier de marine, amiral et ancien commandant de sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), auprès d'un groupe spécialisé dans l'espace. En réalité, de nombreux points communs existent entre la haute mer et l'espace, ne serait-ce qu'en termes de besoin de permanence.
ArianeGroup salue bien entendu l'effort consenti par la Nation au travers de cette LPM, en particulier pour la dissuasion, qui représente 13 % de l'enveloppe globale. Nous sommes aussi satisfaits de la priorité nouvelle accordée à la maîtrise spatiale.
Permettez-moi de rappeler quelques éléments concernant ArianeGroup, qui n'est pas aussi connu que ses deux actionnaires Airbus et Safran, qui la détiennent à 50 % chacune. Notre société est 100 % duale civile et militaire. ArianeGroup est à la fois maître d'œuvre des lanceurs Ariane, mais également du missile M51 embarqué dans nos SNLE. Les programmes liés à la défense dans son ensemble représente environ 50 % de notre chiffre d'affaires. Deux évènements récents illustrent cette dualité : le 14 avril, nos équipes et celles du Centre national d'études spatiales (Cnes) procédaient à Kourou au lancement de la sonde JUpiter ICy moons Explorer (Juice) sur Ariane 5, avec la précision que vous connaissez ; cinq jours après, nos équipes participaient au tir d'acceptation du M51 à bord du sous-marin Le Terrible au large des côtes du Finistère, sous la maîtrise d'ouvrage de la DGA.
Cette exigence de résultat, pour un tir aussi important, n'est pas une exigence ponctuelle. C'est notre quotidien, et nos ingénieurs et techniciens sont aux côtés de nos marins, à L'Île Longue et à bord du sous-marin, durant les périodes d'entretien entre les patrouilles. Dans ce contexte, et de notre point de vue, le premier enjeu de cette LPM consiste bien à conforter la visibilité à long terme dans les choix capacitaires et les décisions budgétaires qui permettront d'assurer ce socle de compétences, la plupart extrêmement rares, le tout dans la durée, de manière à pouvoir continuer, dans les temps à venir, à concevoir, produire et maintenir en conditions opérationnelles des systèmes de cette complexité.
Vous comprendrez que la dissuasion ne fonctionne que si elle demeure crédible dans toutes ses dimensions, y compris technologiques. Nous sommes dans une logique binaire, selon laquelle le glaive doit toujours potentiellement l'emporter sur le bouclier – ou le canon sur la cuirasse. Pour remplir sa mission, ArianeGroup se doit d'abord d'assurer une veille active et précise sur l'évolution des défenses adverses potentielles, qui se renforcent partout dans le monde, en particulier au sein des grandes puissances dotées de l'arme nucléaire, dans un contexte international particulièrement volatile, avec un risque accru de prolifération dans un certain nombre d'États tiers. 2022 fut d'ailleurs une année record en termes de tirs balistiques militaires avec 376 lancements, contre seulement 186 tirs de lanceurs civils.
Dans ce contexte, et dans sa logique de stricte suffisance, la dissuasion nucléaire française, pour ce qui concerne ArianeGroup, est fondamentalement liée à la performance de ses systèmes d'armes embarqués à bord des SNLE. La performance du missile M51 doit être continûment adaptée en fonction du développement des défenses antimissiles adverses : le glaive doit toujours pouvoir l'emporter sur le bouclier. Cette exigence doit s'accompagner d'un effort budgétaire constant, dans la mesure où nous nous inscrivons dans le temps long, avec des évolutions régulières – des incréments – du M51. De ce fait, la LPM prévoit bien de concourir à la crédibilité technique de la dissuasion en poursuivant le financement de la fin du développement de l'incrément actuel et sa mise en service au cours de la prochaine LPM. Par ailleurs, elle prévoit aussi le démarrage du développement de l'incrément suivant, en collaboration étroite avec la division forces nucléaires de l'État-major des armées et la DGA ; rappelons que cet incrément devra permettre de répondre à des besoins opérationnels à horizon 2035-2040, ce qui prouve bien que nous nous inscrivons dans le temps long.
Il me paraît extrêmement important de revenir sur la notion de dualité que j'évoquais en introduction. Celle-ci favorise une démarche d'innovation continue et stimulante entre les équipes défense et civiles, permettant d'intégrer les technologies éprouvées au sein de l'un ou l'autre des deux programmes, via la fertilisation croisée, et de concevoir ainsi des engins ou des objets capables de manœuvrer en orbite, non seulement pour aller dans l'espace, mais aussi pour naviguer, assurer une permanence spatiale et rentrer dans l'atmosphère – ce que l'on nomme la réutilisation.
En matière de défense, la rentrée dans l'atmosphère renvoie aux planeurs hypersoniques. Nous nous félicitons que le ministère des armées ait confié à ArianeGroup, dans le cadre de la précédente LPM, le soin de lancer un démonstrateur de planeur hypersonique. Ce planeur hypersonique, véhicule manœuvrant expérimental (V-max), permettra un premier niveau d'exploration et de démonstration en vol dans un domaine tout à fait nouveau et développé à très grande échelle par toutes les autres grandes puissances, à commencer par les États-Unis, la Russie et la Chine. Au-delà des aspects techniques, ce programme de démonstration V-max apportera à la France une technologie particulière offrant de potentielles retombées dans le domaine civil. Ainsi, la dualité s'inscrit également dans les affaires de rentrée dans l'atmosphère. Dans ce domaine, nous nous réjouissons que V-max se poursuive dans le cadre de la prochaine LPM sous sa prochaine version V-max 2.
Nous devons enfin nous réjouir que la maîtrise spatiale et l'action dans l'espace soient désormais jugées prioritaires par la LPM. Face à la multiplication des menaces et des satellites d'observation, la connaissance et la compréhension de la situation spatiale deviennent clés, du moins si l'on veut continuer à pouvoir agir en temps réel et garder notre liberté d'action. ArianeGroup avait développé, sur fonds propres, un système de surveillance fine de l'espace à base de capteurs optiques nommé GEOTracker ; il est aujourd'hui au service du commandement de l'espace, sachant que ce réseau permet de détecter les menaces éventuelles et de disposer surtout du support indispensable aux moyens potentiels de rétorsion. Parmi ceux-ci, comme le ministre des armées l'a récemment indiqué dans la presse, la LPM propose de continuer à expérimenter le démonstrateur d'illumination ou d'aveuglement momentané d'un satellite adverse depuis le sol. Ce système Bloomlase conçu par ArianeGroup s'appuie sur des briques technologiques déjà éprouvées pour la détection, la poursuite et le tir précis de laser à grande distance. L'objectif est bien de doter la France d'une capacité opérationnelle, à l'instar d'autres puissances spatiales, durant la prochaine LPM, grâce à une démarche agile entre la DGA et sa base industrielle, en lien étroit avec l'État-major des armées.
En conclusion, nous sommes évidemment satisfaits du maintien dans la durée des efforts relatifs à la dissuasion océanique. Nous demeurons néanmoins vigilants pour conforter dans le temps les nouvelles dynamiques concernant V-max et ses suites (V-max 2) et Bloomlase qui sont, à notre sens, deux projets s'inscrivant fort bien dans l'esprit de l'économie de guerre.
Je vous remercie pour ces interventions très complètes, dont je retiendrai trois points. D'abord, vous saluez cette LPM pour la visibilité et l'effort qu'elle apporte dans ces temps difficiles. Ensuite, vous partagez quelques inquiétudes concernant des cibles capacitaires ou certains aspects normatifs. Enfin, vous soulignez qu'il reste des marges d'efficacité pour travailler collectivement sur ce projet de LPM, étant entendu que les parlementaires ont possibilité de challenger les acteurs privés ou publics. Pour ma part, je considère que la thématique de l'export aurait pu être plus largement abordée, dans la mesure où la LPM doit aussi servir de tremplin pour valoriser davantage l'offre française.
En introduction, je rappellerai que la LPM doit permettre à la France de faire valoir ses droits et ce qu'elle souhaite porter, tout en lui donnant une liberté d'analyse et une liberté d'action. Cela se décline nécessairement par des besoins capacitaires, avec des choix basés sur la situation géostratégique et les ruptures technologiques, qui peuvent parfois modifier les trajectoires passées.
De vos propos, je retiens de nombreux éléments positifs, ainsi qu'une envie de réactivité et de réponse aux besoins. Je vous en remercie sincèrement, en tant que député de la Nation. Néanmoins, j'ai aussi entendu, notamment de la part de M. Girier, que vous souhaiteriez que cette LPM colle à vos stratégies d'entreprise ou à vos plans de charge. Or la LPM n'a pas vocation à satisfaire ces besoins, mais à satisfaire les besoins de la France. Bien entendu, en tant que députés, nous avons l'exigence de vous accompagner. Personnellement, j'aime les entreprises et notamment les entreprises de la BITD, que je soutiendrai constamment. Il me paraissait toutefois important de remettre les choses en ordre et "l'église au milieu du village".
Si nous avons vocation à vous soutenir, nous avons aussi vocation à surveiller le MCO – je pense notamment au Tigre, mais nous pourrions en citer bien d'autres –, ainsi que les modalités de livraison – je pense ici à l'A400M, que nous avons attendu un certain temps. Autrement dit, l'exigence doit être réciproque. Vous pouvez donc compter sur nous, sur moi, y compris pour la phase de discussion à venir – je pense plus particulièrement à l'article 24, évoqué à juste titre. À cet égard, comment comptez-vous procéder avec les pouvoirs publics ?
Plusieurs d'entre vous ont mis en exergue les enjeux de compétences et de recrutement. Pour ma part, je souhaiterais brièvement mettre l'accent sur la réserve industrielle. Dans ce contexte marqué par les défis capacitaires et les enjeux de compétences, comment percevez-vous cette réserve industrielle ? Comment pensez-vous l'organiser ? Comment vous serait-elle utile ? Où pensez-vous trouver ces compétences de réserve industrielle, eu égard aux difficultés que vous rencontrez déjà pour trouver des compétences, y compris des compétences particulièrement pointues ?
Notre siècle étant celui du retour des nations, il convient pour la France de conserver son rang politique et stratégique sur la scène internationale. Cela induit notamment une armée forte pour crédibiliser notre discours. Le retour à une certaine course mondiale à l'armement nous oblige à une adaptation de tous les instants. Organismes de recherche et industries de défense doivent plus que jamais travailler en cohérence. En corrélation, les investissements humains et financiers de la part de l'État doivent suivre.
Spécialistes et acteurs directs au service de notre BITD, vous savez combien la maîtrise de la vélocité de nos missiles s'avère cruciale : un missile très rapide et conservant une certaine flexibilité est plus complexe à intercepter. Leur portée, leur fulgurance et leur létalité détermineront l'avantage tactique, tout comme leur résistance au système de brouillage et de leurrage. Apparaissant comme un enjeu de taille pouvant défier les meilleurs systèmes antimissiles, le missile hypervéloce est une technologie qui doit être maîtrisée. L'interopérabilité de ce système est également une caractéristique qui déterminera l'avantage dans la conduite des opérations. À quel stade de développement industriel en êtes-vous au sujet de ce système d'armes ?
Je regrette quelque peu le faible temps qui nous est imparti pour questionner nos interlocuteurs, considérant les enjeux et les montants engagés, tant pour l'État que pour leurs conséquences pour l'emploi et l'industrie de notre pays. Je me contenterai donc de quelques questions d'ordre général.
D'abord, avec la guerre en Ukraine et le bouleversement climatique, quelles sont vos perspectives en matière d'approvisionnement en matières premières ? Quel est pareillement votre point de vue sur la question des stocks de matières premières ?
Je souhaiterais également revenir sur la notion d'économie de guerre. J'ai quelque peu du mal à comprendre comment une économie de guerre peut fonctionner en période de paix, étant entendu que l'économie de guerre induit d'y dédier l'ensemble des ressources du pays lorsque celui-ci est en guerre, qu'il s'agisse des matières premières ou des ressources humaines. En période de paix, je ne vois pas comment des industriels pourraient mettre en place une économie de guerre. De fait, l'aspiration à l'économie de guerre exprimée dans cette LPM et plus largement par l'exécutif ne sert-elle pas plutôt à masquer l'absence de prévisibilité pour les commandes étatiques, avec la volonté de demander aux industriels de prendre des risques ?
Ma question s'adresse à M. Saudo, président de Safran Electronics & Defense. Comme le démontre le conflit ukrainien, les drones font désormais partie intégrante de l'équipement et sont présents dans les airs, sur terre, sur et sous la mer. Ils constituent une caractéristique du combat de demain. Leur rôle est essentiel, du niveau stratégique au niveau tactique.
Dès lors, la présente LPM était attendue pour répondre à cette capacité nécessaire pour nos armées, après des années de retard accumulées par la France en la matière. La LPM annonce consacrer près de 5 milliards d'euros aux drones, ce qui devrait constituer une bonne nouvelle pour Safran, qui devrait bénéficier de nouvelles commandes de drones Patroller. Seulement, comme la presse spécialisée s'en fait l'écho, la LPM n'opère pas de distinction claire entre les deux éléments clés que sont le système de drone et le vecteur. Cette approximation fausserait toutes les annonces et perspectives capacitaires de notre armée en la matière. Ainsi, tel qu'annoncé, l'armée de Terre devrait bénéficier d'une cible passant de 5 systèmes à fin 2023 à 17 systèmes dont les vecteurs seront armés à fin 2030. S'agit-il de systèmes ou de vecteurs ? Un certain flou persiste, car en termes industriels et en matière de défense, cela change tout.
En tant que président de ce grand groupe industriel faisant la fierté de notre pays et équipementier en la matière, pouvez-vous nous éclairer sur la réalité des équipements prévus dans cette nouvelle LPM ? Plus globalement, de par votre positionnement stratégique, comment jugez-vous la place des drones dans cette loi ? Enfin, en tant qu'industriel français, ne faut-il pas s'inquiéter de la concurrence américaine dans ce domaine ?
En introduction, je souhaiterais d'abord adresser un salut béarnais à Franck Saudo, que je suis ravie de retrouver au sein de cette assemblée.
Ma question concerne le spatial et s'adresse en priorité au représentant d'ArianeGroup, M. Duché, même si chacun est bien entendu invité à participer à la discussion. L'espace est un sujet majeur qui mobilisera 6 milliards d'euros sur la période de la LPM. Au-delà de l'articulation des programmes militaires à venir en termes de communication, de surveillance ou d'autres actions, il s'agit bien d'un sujet qui porte vers le futur notre capacité de souveraineté, ainsi que celle de l'Europe.
Qui dit espace dit aussi accès à l'espace. Je souhaiterais ainsi entendre vos analyses sur la garantie que tout est mis en œuvre, dans la compétition mondiale, pour préserver notre accès souverain à l'espace. En effet, le lanceur lourd Ariane 6 accuse déjà trois ans de retard. Les plus optimistes estiment le voir sur le pas de tir en fin d'année ou en 2024, les plus pessimistes en 2025. Pour quelles conséquences ?
Une fois que les voyants seront au vert pour produire, il faudra être en capacité d'assurer la montée en puissance des cadences pour répondre aux commandes en attente et à venir. Dans un environnement où la concurrence devient de plus en plus forte, de plus en plus agile, où tout va très vite, il ne faudrait pas qu'Ariane 6 perde progressivement en compétitivité en risquant de déstabiliser nos objectifs.
Aujourd'hui, l'un des trois satellites militaires CSO attend toujours d'être placé en orbite. De son côté, le programme Iris2 serait reporté en 2030. Qu'en sera-t-il demain, alors que la compétition du new space est déjà sérieusement engagée ? Où en sommes-nous avec Ariane ? Quelles sont les perspectives ? Quels seraient les leviers de nature à booster Ariane ?
Devant le Parlement, le ministre des armées a indiqué que les marchés budgétaires prévus pour cette LPM étaient parfois limités par les capacités de production des industriels. J'entends que vous vous inscrivez en faux par rapport à cette justification donnée à la trajectoire budgétaire qui vous est proposée dans le texte. Aussi, je souhaiterais vous interroger respectivement sur vos périmètres et sur vos capacités à produire plus rapidement au titre de l'économie de guerre. Avez-vous des exemples concrets et récents de montées en cadences réussies à nous donner ? Pourriez-vous nous préciser les conditions à réunir au préalable pour y parvenir ?
Ma deuxième question s'adresse plus particulièrement à M. Saudo et porte sur l'enveloppe de 5 milliards d'euros consacrée aux drones. Considérant la rupture technologique qu'ils représentent et le retard que nous avons accumulé dans ce domaine, avez-vous la capacité d'augmenter la production de Patroller sur la période de la LPM ? Rappelons que ces drones sont très attendus, notamment du fait de la concurrence américaine.
Des baisses de commandes et de volumes ont été évoquées par MM. Girier et Saudo. Pourriez-vous chiffrer ce que représentait, pour vos groupes, le montant de la commande publique dans la précédente LPM, et ce qu'elle représentera dans la future LPM ? Qu'entendez-vous précisément par ces baisses de commandes et de volumes ?
La trajectoire fixée par le projet de LPM dépend grandement de notre industrie et de sa réactivité. Ce partenariat entre l'État et les grands industriels de défense sera la clé de la réussite de notre politique de défense. Le bilan de la précédente LPM a déjà démontré que notre BITD est suffisamment solide pour évoluer au rythme de nos armées. Cependant, les défis sont encore nombreux pour les entreprises si nous souhaitons véritablement passer à l'économie de guerre. Dans cette logique d'économie de guerre, l'article 24 de la LPM met en place un nouvel outil offrant à l'État, outre la constitution de stocks stratégiques, la possibilité de prioriser les livraisons pour le bénéfice de nos armées. Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?
Je reviendrai d'abord sur les questions relatives à l'économie de guerre. Un travail profond a été réalisé avec le ministère des armées et la DGA. Comme certains l'ont mentionné, nous ne sommes pas réellement en situation de guerre. Cela dit, nous ne sommes plus tout à fait dans la situation de paix que nous avons pu connaître. Les années de dividendes de la paix nous ont laissé la liberté de juxtaposer les contraintes et de prendre un certain nombre d'habitudes dans les relations entre l'État et l'industrie, qui ont finalement généré un certain nombre de complexités. Comme Philippe Duhamel le soulignait, l'économie de guerre induit d'abord une fluidification des relations entre l'État et l'industrie, de manière à gagner en réactivité pour passer les marchés et adapter les commandes aux besoins des armées, auxquels nous sommes très attentifs. Nous attendons donc beaucoup des travaux réalisés pour tenir compte de l'évolution de ces relations, qui me semblent porteuses de nombreuses promesses.
Dans l'immédiat, un travail de fond a été réalisé sur une douzaine de programmes, majoritairement tournés vers les munitions et les véhicules, sur lesquels Airbus n'est pas concerné. Ces travaux ont très concrètement permis de faire évoluer l'outil industriel pour lui permettre de répondre aux besoins des armées dans le contexte actuel.
L'économie de guerre est donc un travail de fond, qui se traduit notamment dans les articles 23 à 25 de la LPM. Nous continuons d'ailleurs à discuter avec l'État, en particulier sur deux sujets distincts : le transfert des risques vers l'industrie et vers ses coûts, qui serait une évolution contraire à l'esprit de l'économie de guerre ; le risque de perte d'attractivité des produits français sur les marchés internationaux, étant entendu que la France a besoin de l'export afin de pouvoir consolider ses productions et ses développements.
Si je me suis contenté de décrire l'évolution de la LPM et son impact sur le portefeuille d'Airbus, nous sommes bien entendu attachés à répondre aux besoins des armées, puisque cela figure dans notre ADN. Je l'illustrerai d'ailleurs par l'économie de guerre, qui a débuté, pour nous, le 24 février 2022. Dès cet instant, nous nous sommes efforcés de répondre immédiatement à un certain nombre d'actions sollicitées par les armées pour les aider. Par exemple, nous avons rapidement adapté le Beluga – outil de production pour Airbus – aux besoins des armées afin de leur apporter une solution de transport stratégique, qui fait aujourd'hui défaut après la perte d'un certain nombre d'Antonov AN-124, qui ont été détruits ou qui ne sont plus utilisables parce qu'ils sont russes. Nous avons aussi apporté un certain nombre de réponses sur le MCO, de manière à permettre des déploiements de matériels sur la frontière orientale de l'Europe et à aider les forces à réaliser ces déploiements.
Nous vivons donc l'économie de guerre au quotidien, en étant au contact des forces, en répondant à leurs besoins, en adaptant nos productions à leurs expressions de besoins. Nous y sommes très attentifs.
Je répondrai d'abord aux questions relatives aux modalités de travail sur l'article 24. Les principes de cet article sont tout à fait bienvenus. J'observe d'ailleurs qu'ils sont mis en œuvre dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, qui disposent d'un arsenal juridique équivalent, que nous voyons fonctionner dans nos usines localisées sur le sol américain. Les logiques de priorisation y sont régulièrement mises en œuvre, y compris en temps de paix, afin de servir prioritairement les opérations des forces américaines. Il est par ailleurs essentiel, au regard des incidences financières et opérationnelles de l'article 24 et des capacités des usines à répondre aux clients civils et militaires, d'engager un travail de concertation sur les modalités d'application de cet article. Celle-ci me semble absolument essentielle pour réconcilier des principes sains avec une mise en œuvre pragmatique et réaliste. Nous appelons donc cette concertation de nos vœux, et je ne doute pas qu'elle débutera dès que le texte sera stabilisé – soit dit en passant, elle peut débuter dès à présent.
S'agissant de la réserve industrielle, je me référerai au dispositif de réserve dans son ensemble, qui est extrêmement dynamique au sein du groupe Safran, qui constitue un pilier en termes d'esprit de défense et qui a cette capacité à créer du lien entre une base industrielle et les forces. Cet outil à promouvoir fonctionne parfaitement auprès de nos salariés. Je suis donc profondément optimiste sur notre capacité à organiser et à faire réussir la réserve industrielle.
Pour ce qui est des ressources et des matières premières, la sécurisation des filières d'approvisionnement est un enjeu majeur, auquel Safran répond de différentes manières. Avec Airbus, nous avons annoncé, la semaine dernière, l'acquisition d'Aubert & Duval. Cette stratégie de verticalisation permet de sécuriser nos approvisionnements en titane, en superalliages nickel, mais d'autres thématiques ont également vocation à y contribuer : je pense notamment au recyclage, en particulier sur les terres rares.
Concernant les volumétries de systèmes de drones, il convient d'abord de saluer la priorité accordée par la LPM à la thématique des drones, qui fait l'objet d'un budget dédié de 5 milliards d'euros. Le Patroller joue clairement un rôle particulier sur cette priorité, dans la mesure où un drone de cette classe avec ces caractéristiques de performance et d'endurance constitue une première mondiale. La concurrence existe, notamment du côté des États-Unis et de la Turquie, et nous devons donc faire du Patroller français un succès sur ce segment de marché. Le rapport annexé à la LPM évoque une volumétrie de 17 systèmes de drones, soit 85 drones puisqu'un système se compose de 5 drones. Dans le même temps, le ministre a clarifié la position sur une volumétrie de 28 drones, 28 aéronefs, soit ce qui figurait dans la précédente LPM. S'il n'appartient pas à Safran de déterminer la volumétrie, je puis affirmer que notre groupe répondra aux besoins des forces, quel que soit le volume. Nous pouvons répondre à un volume de 28 drones, voire plus si le texte de la LPM conduisait à une volumétrie supérieure.
Vous nous interrogez sur la capacité de l'industrie à produire et à répondre présent au rendez-vous des augmentations de cadences. Par le passé, nous avons pu augmenter les cadences sur le Rafale pour servir les marchés à l'export, notamment l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Indonésie ou l'Inde. De même, après la campagne en Libye, Safran avait répondu présent pour augmenter fortement ses cadences sur le missile AASM. Aujourd'hui encore, notre groupe répond présent sur les augmentations de cadences, dans le domaine civil comme dans le domaine militaire, sachant que nous répondons aux besoins de nos différents clients avec la même pugnacité et la même détermination, en vue de leur apporter le meilleur.
S'agissant enfin des reculs de volumétries, je ne pourrai pas précisément vous répondre sur la question de la comparaison des enveloppes financières et de leur impact pour Safran. Je puis seulement rappeler que la défense représente 20 % du chiffre d'affaires du groupe, dont une partie provient de l'export. Pour ce qui nous concerne, La LPM emporte des effets d'augmentation de volumes sur les munitions, ainsi qu'un étalement des cadences sur un certain nombre de plateformes. Il est donc difficile d'effectuer une estimation en volume à l'instant présent, mais les 413 milliards d'euros de la LPM vont assurément dans la bonne direction pour nos ambitions en termes de défense.
La question des compétences est extraordinairement importante, pour nous comme pour nos sous-traitants. Nous pourrions donner l'impression, eu égard à la taille du groupe Thales, que nous ne serions guère concernés par la problématique de compétences. Or nous le sommes au premier chef, puisque nos équipes sont la somme de petites équipes aux compétences très diverses, dont le maintien et le développement sont très importants. La question se pose avec encore plus d'acuité pour nos sous-traitants, qui sont souvent de petites entreprises.
En matière de réserve, deux dimensions sont à distinguer. D'une part, le fait de confier des missions à des réservistes militaires intervenant à des endroits inaccessibles aux civils, sur la base du volontariat. D'autre part, le fait de confier des missions à des réservistes industriels, qui ont quitté l'industrie pour partir en retraite ou vers d'autres horizons, mais qui sont disposés à nous apporter leur appui, toujours sur la base du volontariat. Idéalement, une loi serait bienvenue pour rendre ce dispositif obligatoire. Cela dit, il convient d'avoir à l'esprit qu'une compétence se perd après deux ou trois ans si l'on n'exerce plus son métier. De fait, l'instauration d'une réserve industrielle induit un processus relativement complexe.
Concernant l'augmentation des cadences et la prévisibilité, je vous confirme que l'industrie sait monter en cadence. Néanmoins, la production de systèmes complexes – un radar pour le Rafale, un sonar pour une FDI – prend du temps, avec plusieurs mois ou années d'attente entre le début de la production et la disponibilité du produit. Une montée en cadence ne se concrétise en livraison qu'après un certain temps, mais nous savons faire. C'est probablement plus difficile pour certains de nos sous-traitants, qui ont moins de facilités à recruter et à investir, étant entendu que les montées en cadence nécessitent de lourds investissements.
En termes de volumes, la nouvelle LPM apportera à Thales des volumes considérablement plus élevés que la précédente LPM. Même si nous avons l'air de nous plaindre de l'étalement d'un certain nombre de programmes, nous avons conscience qu'ils sont étalés non pas par rapport à la LPM de 2018, mais par rapport à l'idée que nous nous faisions, en 2018, de nos capacités de livraison à horizon 2030. Cette augmentation significative, qui n'est certes pas la même partout, consacre une croissance majeure de notre chiffre d'affaires.
Enfin, il me semble que l'article 24 peut être appréhendé de différentes manières. D'une part, l'on peut considérer que cet article oblige l'industrie à livrer à la France des produits qui pourraient être livrés à l'export ; en l'occurrence, l'État a déjà cette possibilité, puisqu'il lui suffit de supprimer une licence d'exportation, solution déjà mise en œuvre par le passé. D'autre part, l'on peut considérer que cet article invite surtout les entreprises duales à porter leurs efforts sur la production militaire de défense plutôt que sur la production civile. Il s'agit probablement d'une nouveauté, qui n'impacterait Thales qu'à la marge, et qui pourrait surtout impacter certains de nos sous-traitants fabriquant des cartes électroniques, qui seraient alors invités à prioriser la production militaire.
J'apporterai quelques précisions sur les armes hypersoniques ou hypervéloces. Sémantiquement, ces deux notions sont analogues et renvoient à des vitesses supérieures à Mach 5. Mais plusieurs technologies existent, dont celle des planeurs hypersoniques (gliders) propulsés par un missile balistique : ils suivent d'abord des trajectoires balistiques avant de revenir sur les hautes couches de l'atmosphère pour y planer. Dans ce domaine, nous sommes bien en ordre de bataille puisqu'ArianeGroup a lancé, à la demande de la DGA et depuis 2018, le démonstrateur V-max. Comme indiqué par le Délégué, le démonstrateur volera très prochainement. Nous sommes donc parfaitement à l'heure. Ce démonstrateur sera suivi par un démonstrateur plus performant et allant plus loin dans l'expérimentation, V-max 2 qui pourrait voler en 2024 ou 2025. Une fois acquis ces deux démonstrateurs, nous pourrons considérer que la France sera dotée de cette technologie. Il appartiendra alors à l'État-major des armées d'exprimer ou non des besoins de déclinaison en systèmes d'armes.
Concernant Ariane 6, je ne peux qu'abonder aux propos soulignant le caractère absolument essentiel d'un accès souverain à l'espace, richesse dont l'Europe s'est dotée il y a plusieurs années, et pour laquelle nous mettons tout en œuvre pour lui permettre de la conserver. Ariane 6 a assurément pris du retard, mais je rappelle qu'il s'agit d'une rupture technologique et d'une nouvelle fusée par rapport à Ariane 5. Ce lanceur extrêmement performant sera en mesure de réaliser toutes les missions, en particulier le déploiement de constellations, raison pour laquelle son carnet de commandes est déjà bien rempli – 28 commandes à date, dont celle pour Kuiper. Malgré ce retard, ArianeGroup met tout en œuvre pour être au rendez-vous de la fin d'année 2023. La plupart des grands jalons ont été passés, à l'exception des essais sur le pas de tir. Il est toujours difficile de confirmer la parfaite tenue des plannings avant la réalisation des essais, mais soyez certains que nous faisons notre maximum pour y parvenir. Par la suite, il conviendra de monter en cadence afin d'atteindre une dizaine de lanceurs par an à partir de 2026. Cela nécessitera de mettre en ordre de bataille les treize États partenaires d'Ariane 6 et les 600 entreprises travaillant sur cette fusée. Nous sommes donc en phase de montée en puissance. Nous devons rester confiants, sachant qu'après le lancement d'Ariane 6, l'horizon se dégagera pour l'accès souverain de l'Europe à l'espace, qui a été contraint par des motifs difficiles à prévoir : l'abandon des lanceurs russes Soyouz – l'un de nos backups – suite à la guerre en Ukraine ; les problèmes techniques rencontrés par la petite fusée italienne Vega-C (vecteur européen de génération avancée).
En conclusion, je rappellerai que la fabrication et l'exploitation de fusées n'est pas un sport de masse. Hormis SpaceX, la plupart des lanceurs connaissent en ce moment des difficultés de mise au point, que ce soit aux États-Unis ( United Launch Alliance, ULA) ou au Japon. Il ne s'agit pas de nous dédouaner, mais de rappeler qu'il est très complexe de construire une fusée.
J'ajoute que nous partageons le même avis que nos homologues s'agissant de l'article 24 de la LPM. Cela dit, la priorisation entre civil et militaire s'entend différemment pour ArianeGroup. Nos deux activités sont prioritaires et stratégiques, avec d'un côté Ariane 6 et de l'autre les missiles de la dissuasion. Il s'agira donc de réfléchir à une priorisation pour le civil, sans prioriser la seule dimension militaire, afin qu'Ariane 6 n'en pâtisse pas.
Il y a quelques jours, Thales est parvenu, dans le cadre d'un exercice, à contrôler un satellite de démonstration de l'Agence spatiale européenne ( European Space Agency, ESA). Suite à cette opération, le porte-parole de Thales a déclaré : « Cet événement permet à chacun de prendre conscience des failles pour mieux y remédier et d'adapter les solutions de façon à améliorer la cyber-résilience des satellites et des programmes spatiaux ». Si le hacking a démontré une faiblesse en matière de cyberguerre, il ne faudrait pas qu'elle se transforme en talon d'Achille, au moment même où la Central Intelligence Agency (CIA) nous apprend que la Chine est en train d'élaborer des techniques pour prendre le contrôle et rendre inopérants des satellites ennemis.
Suivant la création du commandement de l'espace en 2019, la ministre des armées, Florence Parly, avait évoqué le développement d'un certain nombre de programmes, dont les nanosatellites, à horizon 2023. Plus récemment, Thales Alenia Space, en partenariat avec une société britannique, a signé avec l'ESA un contrat d'études portant sur la faisabilité de nanosatellites multi-missions en très basse orbite terrestre. Où en sommes-nous donc sur cette question précise du développement des nanosatellites ? Plus largement, cette LPM permet-elle suffisamment de contribuer à améliorer notre cyber-résilience ?
Ma première question concerne la frappe dans la profondeur et la relocalisation de la capacité de production des outils de type lance-roquettes unitaires (LRU). Quel est votre regard d'industriel, notamment sur la possibilité de transformer l'A2SM pour une capacité de frappe dans la profondeur ?
Ma seconde question s'adresse plus particulièrement à l'amiral du Ché. La souveraineté spatiale étant absolument vitale, comment analysez-vous ce que l'on pourrait qualifier de "politique peu lisible" de l'Allemagne dans le spatial ? Dans quelle mesure cela peut-il nous mettre en difficulté ? Peut-être souhaiterez-vous répondre à huis clos.
Par ailleurs, dans la mesure où certains programmes ont été différés, considérez-vous que nous avons la possibilité d'en compenser les effets à l'export ?
Je partagerai enfin une remarque. Je crois que le débat entre économie de guerre et économie de paix est une querelle byzantine sur le sexe des anges. Avant Verdun, il y a un prélude à Verdun. Nous connaissons le continuum compétition, confrontation, affrontement. Nous sommes dans une zone grise. Nous ne sommes évidemment pas en guerre, mais nous devons impérativement nous préparer : si vis pacem, para bellum.
Je reviendrai sur la question des réserves, en abordant trois dimensions. M. Duhamel soulignait, en fin d'intervention, que les réserves industrielles, si elles existaient, induiraient de reformer les personnels n'étant plus à niveau. S'agit-il d'une fin de non-recevoir à cette volonté de créer des réserves industrielles ? Ou allez-vous vous mettre en ordre de marche afin de déterminer comment continuer à former ces personnels pour qu'ils puissent toujours être opérationnels, comme cela se pratique dans les réserves déjà existantes en France, avec une acclimatation et une formation continue des personnes souhaitant s'engager ?
Vous indiquiez ensuite que nombre de vos employés étaient réservistes au sein des armées. Allez-vous réfléchir, dans le cadre de cette LPM, au moyen de mieux les fidéliser ? Les cinq jours aujourd'hui prévus par la loi pour leur permettre de quitter leur entreprise sont-ils suffisants ? Poussez-vous jusqu'à dix jours pour vos collaborateurs ? Autrement dit, qu'allez-vous mettre en œuvre pour accélérer la tendance et atteindre l'objectif de doublement des réserves ?
Enfin, je pense aux très nombreux salariés, invisibles dans les entreprises, qui sont réservistes en dehors des armées, et qui ne vont pas nécessairement se déclarer, ne serait-ce que parce que ce serait moins valorisant dans vos fonctions militaires. Ces réservistes – pompiers, gendarmes, secteur sanitaire, secteur pénitentiaire, éducation nationale, etc. – sont pourtant essentiels dans l'engagement de la société. Comment peuvent-ils s'identifier sans crainte d'être un peu moins honorés que s'ils relevaient de la réserve militaire ? Comment pouvez-vous les valoriser et les accompagner ?
Messieurs, votre participation à la réflexion et à la préparation de cette LPM est la clé de sa réussite. M. Saudo a déjà répondu à une partie de mes interrogations sur la volumétrie des drones. Je me concentrerai donc sur deux autres éléments.
Tout d'abord, quel regard portez-vous sur les transformations en cours à la DGA ? En particulier, la DGA souhaite muscler la contribution des industriels au MCO. Sa feuille de route inclut aussi la nécessaire programmation des besoins des armées pour fournir plus de prévisibilité aux industriels, en particulier dans les domaines du cyber, du spatial et du numérique en général. Le temps du développement est long et l'investissement initial et significatif. Quel regard portez-vous donc sur la coopération avec la DGA pour le déploiement de ces programmes ?
Par ailleurs, quelles contraintes et limites – y compris normatives – jugez-vous excessives pour la bonne exécution de cette LPM ? En particulier, qu'attendez-vous du nouveau comité pour le spatial de la défense ? Comment percevez-vous le passage d'un projet de troisième satellite Syracuse-IV à l'investissement dans notre constellation européenne ?
L'agilité est un mot couramment utilisé pour exprimer le changement de paradigme des industriels de la défense en marche vers l'économie de guerre. À l'échelle des fournisseurs de rang 1 et au-delà, cette nécessaire agilité est souvent plus difficile à mettre en œuvre. Les points de blocage sont plus nombreux. Je ne citerai que l'exemple de la constitution de stocks stratégiques, qui nécessite des investissements financiers et des capacités de stockage suffisantes. À cela s'ajoute le problème de l'obsolescence de ces stocks ou encore de leur non-utilisation. À l'image de Constellium à Issoire, certains fournisseurs sont engagés dans le développement de filières de recyclage des matériaux afin de sécuriser les approvisionnements. Comment les donneurs d'ordres que vous êtes entendent-ils accompagner leurs fournisseurs dans le passage à l'économie de guerre, et plus particulièrement sur cette question des stocks stratégiques ?
Lors de la précédente mandature, j'avais eu l'occasion, avec mon collègue Jean-Marie Fiévet, de rédiger un rapport sur la transition énergétique des armées. Dans la mesure où nous nous inscrivons dans le temps long, je souhaiterais connaître votre avis sur les mutations et les transitions en matière de biocarburants. Plus largement, considérant cette dimension du temps long, nous devons nécessairement nous positionner sur l'ensemble des nouvelles technologies qui pourraient émerger et servir les activités militaires en matière de défense.
Je n'avais pas prévu de m'exprimer, mais l'intervention de notre collègue Jean-Louis Thériot m'amène à vouloir rappeler plusieurs éléments, notamment après cinq ans de mandat au sein de cette assemblée et du groupe socialiste.
Il existait, au sein de notre assemblée, un consensus sur la capacité à avoir, en temps de paix comme en temps de guerre, une armée à la disposition d'un certain nombre de valeurs, de principes et de politiques décidées par le président de la République. La conséquence de ces choix, inspirés par François Mitterrand jusqu'à François Hollande, était d'avoir à disposition une industrie de l'armement accompagnant les décisions du chef de l'État, en écho de ses choix politiques. De fait, je ne voudrais pas distinguer temps de paix et temps de guerre, car cette distinction vise à rompre avec cet ADN, cette politique et ces choix inspirés par le président Mitterrand. Nous devons, en toute occasion, disposer des outils nous permettant d'affirmer, avec souveraineté, les choix politiques du président de la République. S'incliner vers des choix de temps de paix, c'est rompre avec la stratégie définie par François Mitterrand et poursuivie jusqu'à François Hollande.
Je répondrai d'abord à la question de l'export. Le modèle français de défense est la conséquence de la caractéristique du marché européen, qui est très concurrentiel. La plupart des États développent ainsi des programmes d'armement en petite série, avec pour contrepartie de s'appuyer fortement sur l'export. Celui-ci est effectivement important dans le cadre de cette nouvelle loi, qui amène quelques aménagements par rapport à l'idée que nous nous faisions d'un certain nombre de productions, ainsi que quelques étalements. Nous serons donc pleinement mobilisés – et je sais que l'État y est très attentif – pour développer l'export, soutenir des chaînes de production et entretenir les compétences dont la France a besoin au regard de ses capacités opérationnelles.
S'agissant des satellites de communication, la LPM introduit un véritable débat concernant le choix entre un gros satellite et une constellation. De nombreuses analyses doivent y être associées, notamment sur le risque de menaces que pourrait subir telle ou telle architecture dans le contexte actuel. Syracuse reste un objet sur lequel nous sommes disposés à travailler en veille si la constellation ne devait pas être mature et arriver dans les délais impartis au regard de la continuité de service à assurer au profit des armées.
Pour ce qui est des réserves, nous sommes évidemment très attentifs à l'évolution de la réserve industrielle. Dès lors que l'on arrête d'exercer une fonction ou un métier, il est difficile de les reprendre. En revanche, la réserve est d'une autre nature. Nous utilisons des compétences de haut niveau, qui sortent des armées, et que nous pourrons réintroduire autant que de besoin pour suivre des productions. Ces réserves provenant des armées doivent bien entendu être adaptées et formées aux caractéristiques des productions du domaine civil, ne serait-ce que par rapport à l'importance de la navigabilité dans le domaine aérien. Nous devrons donc naturellement entretenir ces compétences, selon des modalités restant à examiner de près, en liaison avec les armées.
Le biocarburant est un sujet sur lequel nous sommes bien entendu impliqués. Pour ce qui est de la transition énergétique des armées, je rappellerai toute la puissance de la dualité d'Airbus dans ce domaine. Nous avons déjà démontré que presque toutes les flottes, qu'elles soient militaires ou civiles, pouvaient admettre du biocarburant jusqu'à 25 % sans changement, jusqu'à 50 % avec de légères adaptations et au-delà de 50 % avec une adaptation des moteurs. Reste la question des infrastructures, qu'il convient d'adapter à ces biocarburants – il s'agit probablement d'un enjeu bugétaire pour le ministère des armées. Au plan technologique, cette transition est en cours pour le domaine civil. Elle est possible pour le domaine militaire, comme cela a été démontré. Il ne reste plus désormais qu'à la mettre en œuvre, avec néanmoins un problème supplémentaire pour les acteurs militaires, qui ont vocation à s'opposer à des menaces et à faire face à des risques sur les théâtres d'opérations, et qui doivent donc conserver l'avantage technologique et opérationnel. L'enjeu se situe aussi à ce niveau. La technologie est désormais disponible pour que les armées évoluent également dans cette direction.
Je reviendrai d'abord sur la frappe dans la profondeur, dont le besoin est désormais avéré selon nos discussions avec les forces, mais dont les modalités de réponse restent à déterminer. De ce point de vue, la proposition de Safran, pragmatique et simple, consiste à s'appuyer sur un système démontré, aux performances avérées, à savoir l'AASM, qui est en outre un succès à l'exportation. Nous proposons d'engager un dialogue – qui a d'ailleurs débuté, et qui est à la fois intense et extrêmement constructif – en vue de converger vers une adaptation du système AASM pour des frappes sol-sol de longue portée. Nous sommes ici dans un cas d'école de l'application de l'économie de guerre, avec une modalité de développement agile et rapide, mais une solution pragmatique et compétitive : plutôt que de développer un nouveau système, nous concilierions l'adaptation d'un système existant, tout en garantissant l'autonomie et l'indépendance stratégique avec une solution de souveraineté. C'est la proposition pragmatique aujourd'hui formulée par le groupe Safran, qui fait l'objet de beaucoup d'écoute et d'envie. Ne reste plus qu'à la concrétiser et à la matérialiser avec nos partenaires.
S'agissant de la réserve, rappelons d'abord que l'entreprise contribue à la cohésion sociale. Nous y retrouvons beaucoup d'éléments de cohésion, et notamment un engagement citoyen de nombreux collaborateurs. Nous avons naturellement mentionné la réserve, mais de nombreux autres engagements citoyens existent dans l'entreprise. Je suis toujours frappé, lors des visites d'usines, par le grand nombre de pompiers volontaires présents parmi nos effectifs. Nous valorisons quotidiennement ces engagements, qui constituent une richesse pour l'entreprise. Nous n'avons pas encore réfléchi à la manière d'aller plus loin, mais nous pourrons naturellement nous y atteler.
Vous nous interrogez aussi sur l'organisation de la DGA. Je dirais avec humilité que les modalités d'organisation de la DGA lui appartiennent. Je puis en revanche m'exprimer sur la coopération entre la DGA et les industriels. Nous avons la chance, pour notre écosystème de disposer d'une DGA forte de compétences et de véritables savoir-faire. Dans le même temps, nous devons impérativement continuer à progresser dans l'efficacité et l'agilité de cet écosystème établi entre la DGA et l'industrie. Cela repose sur un principe simple de dialogue dans une exigence réciproque. Je pense notamment à l'exigence de la DGA et de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) concernant la disponibilité des matériels pour le MCO. Par exemple, le MCO des moteurs d'hélicoptères permet, depuis treize ans, de garantir 100 % de disponibilité. Safran répond présent à cette exigence des pouvoirs publics, ce qui est très important. Dans le même temps, nous devons pouvoir faire valoir, dans le cadre d'un dialogue à la fois transparent, franc et constructif, ce qui aide l'industriel à être agile. Je pense ici aux exigences réglementaires au juste besoin : comme je le mentionnais précédemment, nous n'avons pas besoin de certification civile pour un drone armé. Dans ce dialogue constructif et mutuellement exigeant, il est important de pouvoir porter, dans l'écosystème, ce qui l'aiderait à gagner en agilité.
J'en arrive enfin à la question des biocarburants. Pour paraphraser l'ancienne ministre des armées, « le kaki vire au vert ». Comme rappelé par le général Girier, la supériorité opérationnelle commande les solutions les plus pragmatiques en opérations. En parallèle, le travail des forces repose aussi sur beaucoup d'entraînements, dans lesquels les carburants aériens durables ( sustainable aviation fuel, SAF) peuvent trouver leur place. L'industriel contribue à cette aventure, en s'appliquant d'abord une dimension d'exigence. Aujourd'hui, 20 % des essais moteurs de Safran sont réalisés avec des carburants aériens durables. Nous avons aussi effectué, dans le cadre d'un travail avec les forces, des vols avec 100 % de carburant durable sur le H225. Nous allons également, à Villaroche, conduire des essais sur le M88 avec du SAF, pour nous assurer que nous savons l'utiliser sans risque avec un vrai retour environnemental. Enfin, tous les moteurs Safran sont certifiés pour accepter dès à présent 50 % de carburant aérien durable.
Les nanosatellites sont évidemment une technologie extrêmement prometteuse. L'accord signé en Angleterre concerne d'abord le civil, l'observation de la Terre. C'est une technologie qui nous paraît extrêmement intéressante, en complément des satellites classiques. C'est pour cette raison que nous investissons lourdement sur ce sujet. Concernant la prise de contrôle d'un satellite, tout le monde sait ici l'importance de la cyberdéfense : rendre nos systèmes résistants et résilients aux cyberattaques est devenu absolument indispensable. Ce travail est coûteux, complexe, mais nous le réalisons partout, étant entendu que ces attaques seront de plus en plus fréquentes, quels que soient les systèmes.
Ma réponse sur la réserve n'était en aucun cas une fin de non-recevoir. Je rappelais simplement que la réserve emportait différentes dimensions : les militaires venant travailler dans l'industrie ; les réservistes militaires dans l'industrie ; etc. À cet égard, la politique appliquée par Thales dépasse largement ses obligations légales – certains collaborateurs Thales ont par exemple séjourné 45 jours en Afrique. Nous promouvons cette réserve militaire de manière importante, notamment par le biais d'un club des réservistes, dont je fais moi-même partie. Un réserviste chez Thales ne craint nullement de se faire connaître en tant que tel. C'est tout l'inverse. La nouveauté concerne la réserve industrielle. Lorsque nous demandons à des retraités pour absorber une surcharge temporaire, tous ne répondent pas favorablement. C'est leur décision. De même, quelqu'un qui a démissionné du groupe pour partir vers une autre industrie peut aussi décliner nos propositions de formation sur son ancien métier. Nous aurions donc besoin d'un cadre juridique nous permettant d'aller au-delà du volontariat, qui est d'ailleurs extrêmement faible. Quoi qu'il en soit, les salariés de Thales sont extrêmement engagés pour la défense. Nos personnels de production sont très fiers de fabriquer des pièces pour des sonars de sous-marin ou des radars de Rafale. Ce n'est pas la réserve, mais c'est bien l'engagement des salariés de Thales pour la défense.
Je rejoins aussi Franck Saudo sur le fait que nous avons de la chance d'avoir une DGA puissante en France. Nous travaillons, dans d'autres pays, avec des organismes souvent beaucoup plus faibles ou beaucoup moins compétents. Travailler avec la DGA est une chance pour l'industrie de défense française.
La souveraineté spatiale européenne est une vieille histoire. Le programme Ariane a été lancé en 1973, et les Allemands faisaient partie dès l'origine des pionniers. Beaucoup de dépendances croisées ont été consenties entre eux et nous, jusqu'à Ariane 6, puisqu'ils se sont engagés – ainsi que d'autres pays de l'ESA – à soutenir sa mise en exploitation.
Cela dit, il est vrai que l'Europe est marquée par la tentation de se diriger vers des modèles de type new space, SpaceX ayant fortement inspiré un certain nombre d'entreprises cherchant à fabriquer des micro-lanceurs. Cela donne l'impression d'une Europe qui aurait tendance à être moins cohérente sur sa volonté de conserver, autour des grands lanceurs comme Ariane 6 ou Vega, une vraie souveraineté à 13 ou 14 États. Nous espérons que le prochain lancement d'Ariane 6 sera l'occasion de refédérer, mais nous examinerons avec attention cette volonté d'un certain nombre de pays de se doter de leur propre lanceur pour pouvoir suivre le modèle adopté par Elon Musk aux États-Unis. Il n'est pas certain qu'ils y parviennent tous, et il est même probable que beaucoup restent sur le carreau.
Pour nous, l'important est de continuer à affirmer qu'Ariane 6 est une fusée qui va fonctionner, qui répond à tous les besoins, en particulier au besoin crucial des constellations. Nous n'avons aucune raison d'affaiblir ce modèle européen qui a fait ses preuves avec Ariane 5 et qui les fera également avec Ariane 6. Nous devons néanmoins demeurer vigilants vis-à-vis de politiques qui ne sont pas toujours nationales, mais plutôt des politiques industrielles de pays souhaitant se doter d'une fusée de type micro-lanceur.
(Dem). Je réitère ma question concernant l'accompagnement que vous comptez apporter à vos fournisseurs pour le passage à l'économie de guerre, notamment dans la constitution de stocks stratégiques, qui s'avère souvent problématique pour ces acteurs.
Le plus important est de leur donner de la visibilité. Plus nous en avons nous-mêmes, plus nous pouvons leur en donner, sachant que la visibilité consiste surtout à établir des prévisions qui s'affermissent avec le temps. S'agissant spécifiquement de Thales, la problématique des stocks stratégiques concerne essentiellement les composants électroniques. Nous aidons donc nos sous-traitants dans ce domaine, étant entendu que les problématiques d'approvisionnement ne concernent pas nécessairement les sous-traitants de rang 1, mais plutôt les sous-traitants de rang 2 ou 3. Nous allons très loin dans le détail de notre chaîne d'approvisionnement afin d'être alertés en cas de problématique et d'aider nos sous-traitants à constituer le nécessaire pour leur permettre de nous livrer à temps après commande.
J'apporterai deux éléments complémentaires. D'abord, la concertation sur l'article 24 permettra précisément aux industriels, dans le dialogue avec les pouvoirs publics, de mesurer l'accompagnement à proposer à la chaîne de sous-traitance. Par ailleurs, lorsque les cadences reculent de manière significative, il est important de laisser un filet de production afin de garder active la chaîne d'approvisionnement. Par exemple, lorsqu'un programme de missile est en baisse, MBDA veille à laisser un flux d'activité permettant de laisser la chaîne de sous-traitance active. C'est un point d'attention sur lequel nous devons veiller, notamment pour la question des hélicoptères lourds.
Ajoutons que le travail sur la relocalisation est un axe important de l'économie de guerre. Nous avons formulé un certain nombre de propositions, que nous sommes en train d'instruire avec le ministère des armées, en liaison avec les ministères concernés, afin de relocaliser un certain nombre de fabrications, notamment sur les composants électroniques. Du côté des matériaux se pose aussi la question de la création d'une filière de recyclage du titane en France. Tous ces travaux apportent des réponses à l'ensemble de l'écosystème, et notamment à nos sous-traitants.
Merci pour votre participation. Nous exprimons, à travers vous, notre reconnaissance à tous ceux qui travaillent dans nos industries de défense : ouvriers, ingénieurs, etc…
La séance est levée à onze heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Benoît Bordat, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, Mme Christelle D'Intorni, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. José Gonzalez, M. David Habib, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, Mme Pascale Martin, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, M. Laurent Panifous, M. François Piquemal, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin
Excusés. - M. Julien Bayou, M. Christophe Bex, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Olivier Marleix, Mme Michèle Martinez, M. Mikaele Seo, Mme Corinne Vignon