J'apporterai quelques précisions sur les armes hypersoniques ou hypervéloces. Sémantiquement, ces deux notions sont analogues et renvoient à des vitesses supérieures à Mach 5. Mais plusieurs technologies existent, dont celle des planeurs hypersoniques (gliders) propulsés par un missile balistique : ils suivent d'abord des trajectoires balistiques avant de revenir sur les hautes couches de l'atmosphère pour y planer. Dans ce domaine, nous sommes bien en ordre de bataille puisqu'ArianeGroup a lancé, à la demande de la DGA et depuis 2018, le démonstrateur V-max. Comme indiqué par le Délégué, le démonstrateur volera très prochainement. Nous sommes donc parfaitement à l'heure. Ce démonstrateur sera suivi par un démonstrateur plus performant et allant plus loin dans l'expérimentation, V-max 2 qui pourrait voler en 2024 ou 2025. Une fois acquis ces deux démonstrateurs, nous pourrons considérer que la France sera dotée de cette technologie. Il appartiendra alors à l'État-major des armées d'exprimer ou non des besoins de déclinaison en systèmes d'armes.
Concernant Ariane 6, je ne peux qu'abonder aux propos soulignant le caractère absolument essentiel d'un accès souverain à l'espace, richesse dont l'Europe s'est dotée il y a plusieurs années, et pour laquelle nous mettons tout en œuvre pour lui permettre de la conserver. Ariane 6 a assurément pris du retard, mais je rappelle qu'il s'agit d'une rupture technologique et d'une nouvelle fusée par rapport à Ariane 5. Ce lanceur extrêmement performant sera en mesure de réaliser toutes les missions, en particulier le déploiement de constellations, raison pour laquelle son carnet de commandes est déjà bien rempli – 28 commandes à date, dont celle pour Kuiper. Malgré ce retard, ArianeGroup met tout en œuvre pour être au rendez-vous de la fin d'année 2023. La plupart des grands jalons ont été passés, à l'exception des essais sur le pas de tir. Il est toujours difficile de confirmer la parfaite tenue des plannings avant la réalisation des essais, mais soyez certains que nous faisons notre maximum pour y parvenir. Par la suite, il conviendra de monter en cadence afin d'atteindre une dizaine de lanceurs par an à partir de 2026. Cela nécessitera de mettre en ordre de bataille les treize États partenaires d'Ariane 6 et les 600 entreprises travaillant sur cette fusée. Nous sommes donc en phase de montée en puissance. Nous devons rester confiants, sachant qu'après le lancement d'Ariane 6, l'horizon se dégagera pour l'accès souverain de l'Europe à l'espace, qui a été contraint par des motifs difficiles à prévoir : l'abandon des lanceurs russes Soyouz – l'un de nos backups – suite à la guerre en Ukraine ; les problèmes techniques rencontrés par la petite fusée italienne Vega-C (vecteur européen de génération avancée).
En conclusion, je rappellerai que la fabrication et l'exploitation de fusées n'est pas un sport de masse. Hormis SpaceX, la plupart des lanceurs connaissent en ce moment des difficultés de mise au point, que ce soit aux États-Unis ( United Launch Alliance, ULA) ou au Japon. Il ne s'agit pas de nous dédouaner, mais de rappeler qu'il est très complexe de construire une fusée.
J'ajoute que nous partageons le même avis que nos homologues s'agissant de l'article 24 de la LPM. Cela dit, la priorisation entre civil et militaire s'entend différemment pour ArianeGroup. Nos deux activités sont prioritaires et stratégiques, avec d'un côté Ariane 6 et de l'autre les missiles de la dissuasion. Il s'agira donc de réfléchir à une priorisation pour le civil, sans prioriser la seule dimension militaire, afin qu'Ariane 6 n'en pâtisse pas.