La question des compétences est extraordinairement importante, pour nous comme pour nos sous-traitants. Nous pourrions donner l'impression, eu égard à la taille du groupe Thales, que nous ne serions guère concernés par la problématique de compétences. Or nous le sommes au premier chef, puisque nos équipes sont la somme de petites équipes aux compétences très diverses, dont le maintien et le développement sont très importants. La question se pose avec encore plus d'acuité pour nos sous-traitants, qui sont souvent de petites entreprises.
En matière de réserve, deux dimensions sont à distinguer. D'une part, le fait de confier des missions à des réservistes militaires intervenant à des endroits inaccessibles aux civils, sur la base du volontariat. D'autre part, le fait de confier des missions à des réservistes industriels, qui ont quitté l'industrie pour partir en retraite ou vers d'autres horizons, mais qui sont disposés à nous apporter leur appui, toujours sur la base du volontariat. Idéalement, une loi serait bienvenue pour rendre ce dispositif obligatoire. Cela dit, il convient d'avoir à l'esprit qu'une compétence se perd après deux ou trois ans si l'on n'exerce plus son métier. De fait, l'instauration d'une réserve industrielle induit un processus relativement complexe.
Concernant l'augmentation des cadences et la prévisibilité, je vous confirme que l'industrie sait monter en cadence. Néanmoins, la production de systèmes complexes – un radar pour le Rafale, un sonar pour une FDI – prend du temps, avec plusieurs mois ou années d'attente entre le début de la production et la disponibilité du produit. Une montée en cadence ne se concrétise en livraison qu'après un certain temps, mais nous savons faire. C'est probablement plus difficile pour certains de nos sous-traitants, qui ont moins de facilités à recruter et à investir, étant entendu que les montées en cadence nécessitent de lourds investissements.
En termes de volumes, la nouvelle LPM apportera à Thales des volumes considérablement plus élevés que la précédente LPM. Même si nous avons l'air de nous plaindre de l'étalement d'un certain nombre de programmes, nous avons conscience qu'ils sont étalés non pas par rapport à la LPM de 2018, mais par rapport à l'idée que nous nous faisions, en 2018, de nos capacités de livraison à horizon 2030. Cette augmentation significative, qui n'est certes pas la même partout, consacre une croissance majeure de notre chiffre d'affaires.
Enfin, il me semble que l'article 24 peut être appréhendé de différentes manières. D'une part, l'on peut considérer que cet article oblige l'industrie à livrer à la France des produits qui pourraient être livrés à l'export ; en l'occurrence, l'État a déjà cette possibilité, puisqu'il lui suffit de supprimer une licence d'exportation, solution déjà mise en œuvre par le passé. D'autre part, l'on peut considérer que cet article invite surtout les entreprises duales à porter leurs efforts sur la production militaire de défense plutôt que sur la production civile. Il s'agit probablement d'une nouveauté, qui n'impacterait Thales qu'à la marge, et qui pourrait surtout impacter certains de nos sous-traitants fabriquant des cartes électroniques, qui seraient alors invités à prioriser la production militaire.