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Intervention de le général (2S) Guy Girier

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général (2S) Guy Girier, conseiller défense d'Airbus :

Nous vous remercions d'associer l'industrie aux travaux de la commission sur le projet de LPM. Dans ce contexte budgétaire difficile, une enveloppe de 400 milliards d'euros représente un effort conséquent. L'industrie en a conscience, et comme à son habitude, nous nous attacherons à en faire le meilleur usage.

Comme toujours, la LPM constitue un cadre très attendu par l'industrie. Il lui donne en effet des perspectives et lui permet d'adapter son outil de production et ses ressources – ressources de production, ressources humaines – aux objectifs fixés. Il lui permet également d'orienter ses innovations sur fonds propres. C'est particulièrement le cas d'Airbus, qui a consacré, en 2022, 3,1 milliards d'euros sur fonds propres en recherche et développement (R&D), que ce soit pour les affaires civiles ou pour les affaires de défense. En matière de défense, nous avons réalisé un certain nombre de travaux sur l'interaction entre l'avion piloté et le drone, ainsi que des travaux sur le largage de drones depuis un avion de transport de type A400M, en préparation de la phase de démonstration du système de combat aérien du futur ( Future Combat Air System, Fcas).

Cette LPM s'inscrit dans la continuité de la LPM 2019-2025, qui a été exécutée à l'euro près. Elle confirme, dans de nombreux domaines, les efforts initiés par la loi actuellement en vigueur.

La loi prévoit la modernisation des composantes de dissuasion : Airbus, en liaison avec ArianeGroup et MBDA, sera particulièrement concerné par la modernisation des composantes océanique et aérienne, au travers des programmes M51 et air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G). Sur la composante aérienne, Airbus réalisera la conversion en MRTT ( Multi Role Transport Tanker, avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport) des trois derniers A330 acquis par l'armée de l'Air et de l'Espace au titre du plan de soutien aéronautique, ce qui portera la flotte MRTT française à quinze appareils.

Cette loi prévoit également le maintien des capacités à concevoir et réaliser des systèmes de combat aérien en Europe. Le FCAS permettra de positionner l'industrie européenne sur les domaines technologiques et capacitaires clés que sont la connectivité, la furtivité, le Cloud de combat, la guerre électronique, l'intelligence artificielle au service du combat aérien. Récemment initiée, la phase 1B du programme a lancé les études de concept préalables aux démonstrations technologiques qui seront réalisées au cours de la phase 2, avec l'ambition de première démonstration dès 2027.

La loi initie par ailleurs la prise de compétences de l'industrie européenne dans le domaine des drones MALE (moyenne altitude et longue endurance). Le programme Eurodrone est confirmé dans ses objectifs, avec de premières démonstrations en 2027 et de premières livraisons dès 2030. Plus largement, Airbus sera un acteur du développement des capacités des drones, axe prioritaire de cette loi. Ce développement de capacités au profit des forces s'effectuera au travers de notre filiale Survey Copter, qui réalise le drone léger de surveillance Aliaca utilisé par les bâtiments de surface de la marine. Cette loi intègre en outre le maintien en Europe des compétences de développement et de réalisation des capacités d'hélicoptère de combat, avec la modernisation du système d'armes du Tigre et le lancement du programme Guépard, dont les vingt premiers exemplaires seront livrés au cours de la période.

La loi envisage aussi la prise de compétences sur les nouveaux domaines de conflictualité que sont l'espace, le cyber ou la lutte d'influence, domaines sur lesquels Airbus sera pleinement impliqué.

Enfin, l'automatisation du vol vertical est prévue avec les études sur le drone VSR700.

Cette LPM s'inscrit donc dans la continuité de la LPM 2019-2025, ce qui s'avère favorable à la conduite des programmes. Cette loi s'est toutefois traduite par un très haut niveau d'engagement de crédits, ce qui n'est pas sans poser de difficultés pour la construction de la nouvelle LPM, qui doit par ailleurs tenir compte des conséquences de la crise ukrainienne et de l'évolution durable du contexte stratégique en Europe. Il ressort des travaux préparatoires une très grande difficulté pour concilier l'ambition d'adapter les forces à ce nouveau contexte stratégique, incluant l'aptitude à la haute intensité, et la réalité budgétaire. Cette loi s'accompagne donc de craintes quant à la portée des arbitrages qui seront rendus. Le projet aboutit d'ailleurs à reporter l'ambition d'atteinte du nouveau modèle d'armée 2030 et à réviser les objectifs de plusieurs programmes.

Pour Airbus, il s'agit des programmes A400M, Tigre, et des programmes spatiaux. Il convient ici de souligner la qualité des échanges entrepris avec le ministère des armées afin d'identifier, pour chacun de ces programmes, un point d'équilibre entre les enjeux budgétaires, les besoins capacitaires et les enjeux industriels de continuité de transformation de l'outil de production et de préservation des compétences clés de conception et de production.

Le programme A400M a fait l'objet de premières discussions entre la DGA et l'armée de l'Air et de l'Espace, afin d'identifier une feuille de route commune permettant la réussite du programme à l'exportation et la continuité des compétences, dans la perspective de préparer les futures capacités de transport tactique attendues sur le segment moyen. C'est le programme futur cargo tactique médian (FCTM), qui est à ce stade au niveau de l'étude, et pour lequel la commission devrait désigner l'attributaire dès cet été. Les discussions sur l'A400M se poursuivent au niveau international entre la France, l'Espagne et le Royaume-Uni, afin de consolider un scénario de maintien de la production A400M au-delà de 2028.

Pour le programme Tigre, un point d'équilibre a été trouvé entre Airbus Helicopters (AH), la DGA et l'armée de Terre, qui respecte les enjeux de traitement des obsolescences de la flotte pour la maintenir jusqu'en 2045, les enjeux de satisfaction du besoin opérationnel et les enjeux de coopération franco-espagnole sur ce programme.

S'agissant de l'espace, le texte de loi ne traduit pas, à ce stade, l'état des discussions entre la DGA et Airbus. Avec le ministère des armées, nous étudions les modalités pour mettre le texte à la hauteur des accords trouvés pour la préservation du cœur souverain ; c'est notamment la continuité entre les composantes spatiales optiques (CSO) et Iris.

En complément, il convient de noter qu'un certain nombre de sujets ne sont pas abordés par la loi. Le retrait de la flotte Puma ne sera que partiellement traité. Huit NH90 seront commandés pour compenser les appareils modifiés au profit des forces spéciales et permettre le transfert des Caracal du quatrième régiment d'hélicoptères des forces spéciales vers l'escadron Pyrénées de l'armée de l'Air, ce qui permet de pallier très insuffisamment les remplacements des sept Puma de l'armée de Terre et des douze Puma de l'armée de l'Air et de l'Espace. Nous devrons donc en rediscuter avec la DGA et les armées.

Au-delà de ces enjeux programmatiques, et contrairement à la loi de programmation 2019-2025, le projet de loi pourrait laisser penser que l'Europe ne serait plus un axe majeur de la politique de défense. Un tel repli constituerait un recul, au moment où l'Europe doit faire face à la divergence des politiques d'investissement de défense pour pallier l'urgence de la crise en Ukraine, et au moment où les outils européens méritent d'être consolidés pour sécuriser la montée en puissance des premiers programmes issus du programme européen de développement industriel de défense ( European Defence Industrial Development Programme, EDIDP) et du fonds européen de défense (Fedef). Cette inflexion ne doit pas perturber la conduite des programmes majeurs initiés par la loi actuelle – SCAF, drone Male, qui sont confirmés par la loi – ou des potentiels programmes de demain – MPA, AFSC, FCTM –, pour lesquels l'approche européenne apportera la masse critique nécessaire à leur maîtrise économique et à la préservation des critères de souveraineté européenne et nationale, dans un marché fortement concurrencé par l'offre américaine.

La nouvelle LPM est assurément exigeante. Elle porte des enjeux de politique industrielle majeurs et mobilisera l'ensemble des 18 000 collaborateurs d'Airbus impliqués en France dans les programmes de défense.

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