Je suis heureux de pouvoir présenter la vision de Safran sur le projet de LPM 2024-2030. Dans la période actuelle, nous sommes pleinement conscients de l'effort que représentent les 413 milliards d'euros proposés au titre de cette loi. Il nous revient donc, en tant qu'industriel, et avec nos partenaires que sont l'État, la DGA et les armées, d'être à la hauteur de nos responsabilités d'industriel de défense, en proposant le meilleur en matière de compétitivité, de performance, de qualité et de livraisons à l'heure, avec l'enveloppe budgétaire allouée aux équipements.
Avant d'évoquer l'impact de la LPM, permettez-moi quelques mots sur le groupe Safran et ses activités de défense. La défense représente 20 % de l'activité de Safran, chez qui une circulation à double sens existe entre les activités militaires et les activités civiles. Même si le civil prédomine, la défense est le fer de lance dans un certain nombre de domaines d'innovation. Parallèlement, les activités civiles irriguent, en termes d'innovation, les activités de défense, qui sont d'ailleurs un facteur de fierté pour nos collaborateurs.
Le positionnement défense est au cœur de notre stratégie. À son arrivée en 2021, M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, a fait des activités de souveraineté une priorité stratégique du groupe, à parité avec la décarbonation du transport aérien. Dans la défense, Safran occupe quatre positionnements. D'abord, notre groupe fait partie du club très fermé, au niveau mondial, des motoristes d'avions de chasse, d'avions de transport, d'hélicoptères et de drones. Safran est également équipementier de défense de premier plan, notamment grâce aux systèmes optroniques, aux centrales de navigation inertielle et aux viseurs intégrés sur les plateformes des trois armées ; le groupe n'est pas systémier, sauf pour le système de drone tactique (SDT) Patroller et le missile armement air-sol modulaire (A2SM). Safran est aussi équipementier de défense dans le domaine spatial. Enfin, notre groupe contribue à la dissuasion nucléaire en participant directement à tous les programmes qui y sont associés.
Considérant le positionnement de Safran, nous ne pouvons qu'être satisfaits de l'augmentation du budget du ministère des armées. Nous espérons que cette LPM sera exécutée à l'euro près, comme la précédente LPM.
L'exécution de la programmation et la visibilité sont essentielles pour nos industries de défense, où la planification des compétences et des investissements sont critiques. Vous êtes d'ailleurs, mieux que quiconque, conscients de ces enjeux, en acteurs avisés de l'écosystème des usines contribuant à la base industrielle et technologique de défense (BITD) dans vos circonscriptions.
Safran est à la disposition du ministère et de ses clients mondiaux pour organiser sa production en fonction des commandes passées. Notre groupe répond aujourd'hui présent au rendez-vous des augmentations de cadences. Safran est pleinement en mesure de répondre au plan industriel de développement figurant dans la LPM. Notre groupe est aussi en mesure de répondre à des besoins qui dépasseraient la LPM, comme en témoigne notamment le travail réalisé sur les commandes export du M88 (moteur du Rafale) ou de l'AASM.
Nous sommes par ailleurs pleinement convaincus de l'importance des travaux conduits sur l'économie de guerre. Safran est proactif dans ce domaine et a proposé, avec la DGA et les forces, des pistes de travail pour des programmes innovants et agiles. Tirant conjointement, avec les forces, les enseignements de la guerre en Ukraine, nous proposons le drone Patroller dans une version armée, qui serait un parfait cas d'application d'un mode agile et innovant pour augmenter les cadences de production et rapidement armer le drone. Sur ce sujet, nous proposons de travailler en plateau avec notre partenaire Thales sur la roquette armant le drone, mais aussi avec la DGA et l'État-major des armées. Nous proposons également de capitaliser sur l'AASM en l'adaptant pour répondre aux enjeux de souveraineté et de frappe dans la profondeur. Nous avons par ailleurs proposé d'adapter les normes de certification au contexte d'emploi des armements, considérant le peu d'intérêt à certifier un drone armé au plan civil. À cet effet, nous proposons un cadre réglementaire au juste besoin pour garantir agilité et rapidité. Nous avons enfin proposé des relocalisations afin de mieux maîtriser nos cadences de production et la souveraineté. C'est par exemple le cas de la cellule du Patroller, qui est actuellement fabriquée en Allemagne, et que nous pourrions rapatrier en France si des commandes supplémentaires venaient à être confirmées. Toutes ces propositions, qui sont en ligne avec les priorités énoncées par le ministère des armées, ont pour objectif de nous engager à être plus agiles et réactifs dans le contexte d'économie de guerre.
Permettez-moi à présent quelques commentaires sur plusieurs programmes importants pour le groupe Safran. Au cœur de la LPM figure d'abord le projet SCAF (système de combat aérien du futur), pour lequel Safran est leader du consortium conjointement mené avec les sociétés MTU Aero Engines et ITP Aero. La LPM prévoit à la fois le financement de démonstrateurs et le travail stratégique pour Safran sur les parties chaudes des moteurs d'avions de combat.
Sur le Patroller, nous comprenons que la cible fixée pour 2030 serait maintenue à 28 drones, en stabilité par rapport à la cible fixée par la LPM 2019-2025. Safran répondra présent si l'ambition drone de 5 milliards d'euros de la LPM devait conduire à une cible plus ambitieuse sur le Patroller. Nous notons également avec satisfaction que l'armement du Patroller est bien prévu dans cette nouvelle LPM.
S'agissant des munitions, nous saluons la nette hausse de l'enveloppe budgétaire associée. J'en profite d'ailleurs pour rappeler que Safran est présent sur un grand nombre de munitions pour lesquelles nous faisons par exemple les autodirecteurs, comme sur les programmes missile moyenne portée (MMP) et missile d'interception, de combat et d'autodéfense (Mica). Pour ce qui est de l'AASM, nous avons proposé deux chantiers dans le cadre de l'économie de guerre : l'augmentation de la production, chose faisable et déjà réalisée, par le passé, suite à la campagne de Libye, menant à la fois à une forte augmentation des cadences et à une baisse du coût de l'AASM ; des évolutions sur la munition elle-même, notamment pour appuyer la thématique des frappes dans la profondeur, avec une évolution de l'A2SM vers une version sol-sol de longue portée.
Pour les hélicoptères, l'étalement des commandes du Guépard H160M au-delà de 2030 constitue un défi pour la gestion des compétences et de la chaîne d'approvisionnement, la LPM actuelle annonçant vingt cellules à horizon 2030. Les volumes de matériel tirent clairement les baisses de coûts. Cette réduction des volumes emporte donc un impact financier pour Safran. La réduction des commandes d'hélicoptères lourds NH90 et H225 pose la question du maintien des compétences industrielles pour hélicoptères lourds. Dans un environnement de vive concurrence sur les moteurs d'hélicoptères, ces baisses représentent un coup difficile pour la filière. Elles soulignent, en conséquence, le besoin impératif de financement amont afin de préparer les futures générations de moteurs d'hélicoptères militaires moyens et lourds.
Concernant les équipements militaires, nous notons que l'étalement des livraisons sur les différents programmes de l'armée de Terre impactera notre société, dans la mesure où nous livrons à la fois des viseurs et des centrales sur l'ensemble de ce segment.
Avant de conclure, je souhaiterais aborder l'article 24 de la LPM. Dans le cadre des travaux sur l'économie de guerre, Safran a alerté sur l'importance de la constitution de stocks stratégiques. Les principes de l'article 24 de la LPM sont donc bienvenus. Un travail de concertation avec les industriels est cependant nécessaire pour les associer à la rédaction du décret qui viendra préciser les modalités – notamment financières – d'application de l'article.
En conclusion, nous saluons le choix de la Nation de consentir des investissements importants pour moderniser l'appareil de défense et le préparer aux conflits de demain. Même si nous savons nous adapter, la visibilité et la prévisibilité offertes par la LPM sont à saluer. Fort de 45 000 collaborateurs en France, Safran tiendra avec détermination et engagement ses responsabilités d'industriel pour répondre aux attentes et aux besoins des forces.