La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner pour avis les dispositions de l'article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) relatives aux personnels militaires.
La commission des affaires sociales a été saisie sur le fond et le projet de loi sera examiné dès la semaine prochaine en séance publique. Cette saisine a été motivée par la bonne compréhension du système des pensions militaires de retraites. Notre modèle d'armée est en effet caractérisé par un régime spécifique de pensions militaires. Ce régime ne peut se réduire à une logique d'assurance vieillesse, mais vise aussi de deux grands objectifs. Le premier est un objectif opérationnel de défense, afin de gérer des flux de départ et de recrutement nécessaires à une armée jeune, employable et fortement hiérarchisée. Le deuxième objectif concerne l'expression de la reconnaissance de la nation et une contrepartie aux obligations de l'état militaire. Ce régime de pension constitue à part entière un élément consubstantiel de la condition militaire.
Notre commission est garante de cette condition d'autant plus que les droits syndicaux des militaires sont très réduits. Le statut des civils de la défense est quant à lui le même que ceux des autres fonctionnaires. Il ne s'agit pas d'une saisine de nature thématique mais d'une saisine liée à la singularité militaire qui conditionne notre modèle d'armée.
Il me semble que la réforme est fondée sur un bon équilibre : elle préserve la spécificité de la condition militaire, mais intègre néanmoins une contribution des militaires à l'effort collectif, notamment à travers l'accélération de l'augmentation de la durée d'assurance requise pour acquérir une retraite à taux plein et à travers leur pension civile issue de leur éventuelle seconde carrière, une fois quitté l'état militaire.
Je vous propose à présent de désigner notre rapporteur. J'ai reçu la candidature de Mme Corinne Vignon, qui connaît déjà bien le sujet.
M. le président, vous avez fait le nécessaire pour que notre commission soit saisie et nous vous en remercions. En revanche, il n'est pas acceptable que vous ayez pu nommer de facto une rapporteure avant même d'avoir consulté notre commission. Celle-ci doit être souveraine dans la désignation de ce rapporteur.
Vous avez pris la décision d'ouvrir un délai de quarante-huit heures pour déposer des amendements sur ce texte, qui était indispensable compte tenu de la technicité du sujet. Je fais savoir à notre commission que je souhaite être rapporteur sur ce texte et présente donc ma candidature. J'ajoute que vous avez cru bon de transmettre aux commissaires une note pour éclaircir le système des retraites des militaires à onze heures aujourd'hui, soit trois jours après la date limite de dépôt des amendements. Nous nous opposons à cette logique de passage en force.
Je vous remercie pour votre candidature, j'en prends bonne note et souhaite vous apporter quelques éléments de réponse. Tout d'abord, la saisine de la commission n'était pas obligatoire ; elle fait suite à une démarche volontaire de ma part. De même, le président de commission n'est pas obligé de transmettre des notes d'analyse à l'ensemble des députés ; cela m'a semblé utile mais c'est quelque chose que j'ai fait en plus.
Je regrette également que les délais soient aussi courts, mais j'ai pris connaissance du texte jeudi dernier alors que j'étais en déplacement à Londres et je ne voyais pas la pertinence de tous vous convoquer vendredi, quand la plupart d'entre vous étaient déjà dans leur circonscription. Lorsque j'ai consulté les administrateurs, ils m'ont indiqué qu'il existait bien une pratique consistant à désigner un rapporteur juste avant l'étude du texte.
M. Saintoul a bien indiqué notre satisfaction quant à la saisine, même si nous en regrettons les conditions, qui sont aussi liées aux méthodes quasi antidémocratiques du Gouvernement. La pratique de nommer de facto par avance un rapporteur est ambivalente, compte tenu des équilibres politiques au sein de l'Assemblée sous cette mandature. La candidature de M. Saintoul est donc saine pour notre démocratie et nous souhaitons que le vote se déroule à bulletin secret.
Je vous fais observer que le rapporteur n'est pas désigné puisque vous venez de soumettre une candidature. Par ailleurs, je ne souhaite pas que notre commission soit instrumentalisée. Elle doit demeurer un lieu de travail au profit de la défense nationale. Je suis certain que vous saurez être à la hauteur de cette exigence.
Je regrette par ailleurs que vous souhaitiez voter à bulletin secret, car cela va rallonger nos travaux. Mais puisque c'est votre droit, nous allons organiser les modalités de vote à bulletin secret sur les deux candidatures de Mme Vignon et de M. Saintoul.
La séance est suspendue de dix-sept heures quarante-cinq à dix-sept heures cinquante pour les opérations de vote.
À l'issue du vote, les résultats sont les suivants : dix-huit votes pour Mme Vignon, onze votes pour M. Saintoul, trois absentions et sept bulletins blancs. Mme Corinne Vignon est donc désignée rapporteure. Merci à tous pour votre participation. Je vous précise qu'une suspension de séance est prévue pour le vote des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Je vous remercie, chers collègues, de m'avoir fait confiance.
Nous examinons cet après-midi les dispositions de l'article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui ont trait aux personnels militaires. Avant de vous les présenter, je souhaite rappeler brièvement les fondements du régime de pension militaire. Leurs caractéristiques sont la traduction d'une politique publique. Ce régime répond en effet aux impératifs de gestion de ressources humaines en flux et non en stock ; contrairement à ce qui prévaut pour la fonction publique.
Les règles particulières de ce régime sont imposées par la nécessité de disposer en permanence d'une ressource humaine jeune et apte à faire campagne et de favoriser la reconversion des personnels lorsqu'ils quittent leur fonction militaire. Il s'agit à la fois d'attirer les recrues en leur garantissant un revenu de complément en fin de service et de fidéliser les cadres expérimentés ; d'inciter aux départs pour fluidifier la gestion des pyramides de grades et d'expériences en offrant une pension dès l'atteinte de bornes de durée de service. Il s'agit enfin de forcer au départ ceux qui atteignent une limite d'âge, pour éviter tout vieillissement excessif des unités de combat.
L'exigence de jeunesse de notre armée se traduit par des limites d'âge relativement basses ainsi que par le droit au bénéfice immédiat d'une pension une fois accomplie une certaine durée de service. Le droit aux pensions immédiates bénéficie aux militaires dont la durée de service est supérieure à dix-sept ans pour les non officiers, à vingt ans pour les officiers sous contrat et à vingt-sept ans pour les officiers de carrière.
Les droits à pension à liquidation différée bénéficient aux militaires dont la durée de service est supérieure à deux ans pour les militaires engagés depuis 2014 ou à quinze ans pour les militaires engagés avant cette date et inférieurs aux bornes de la pension à liquidation immédiate.
Le maintien d'un départ précoce avec jouissance immédiate de la pension de retraite est essentiel, aussi bien comme outil de gestion des ressources humaines permettant d'obtenir une pyramide des gardes conformes aux besoins des forces que comme garantie d'un niveau minium facilitant la démarche de reconversion de ceux qui quittent très tôt le service actif.
Avec le régime des pensions militaires, il s'agit également d'assurer la reconnaissance de la nation. En ce sens, il est une contrepartie des obligations de l'état militaire. Ainsi, le régime des pensions militaires reconnaît notamment la singularité de l'état militaire et les exigences du combat au travers de bonifications qui haussent le montant des pensions.
La réforme présentée au Parlement préserve le régime des pensions militaires. Les bornes de la pension à liquidation immédiate sont maintenues et les limites d'âge de l'ensemble des corps militaires fixées à l'article L4139-16 du code de la défense sont maintenues à l'identique. Les bonifications resteront donc inchangées.
Ensuite, le mécanisme de dégressivité de la bonification du cinquième est supprimé par ce projet de loi. Pour mémoire, une bonification est un trimestre supplémentaire qui vient s'ajouter gratuitement aux années de service effectif. La bonification du cinquième correspond ainsi au cinquième du temps accompli de service effectif dans la limite de cinq annuités.
Le cumul de l'ensemble des bonifications ne peut augmenter le pourcentage équivalent au taux plein de plus de 5 %. Cette bonification est accordée aux militaires dans la limite de cinq ans, à condition d'avoir accompli au moins dix-sept ans de service militaire effectif ou d'avoir été rayé des cadres pour invalidité. Elle peut être écrêtée d'un an par année de service au-delà de soixante ans. Le projet de loi supprime cette dégressivité de la bonification du cinquième après soixante ans, ce qui concerne donc en toute logique les militaires dont la limite d'âge est supérieure à soixante ans. L'objectif est de pouvoir les garder plus longtemps sans qu'ils soient dissuadés financièrement de rester. J'insiste sur ce point, car plusieurs amendements ont été déposés pour supprimer ce qui m'apparaît être une avancée pour nos militaires.
Le projet de loi prévoit également que les militaires se verront appliquer l'accélération de la réforme dite Touraine. Cette réforme portait la durée de cotisation pour prétendre à une retraite à un taux plein de cent soixante-douze trimestres. Le projet de loi accélère le rythme d'accomplissement de cet objectif afin qu'il soit atteint dès 2027.
Enfin, le projet de loi reporte de 52 à 54 ans l'âge auquel un ancien militaire peut bénéficier d'une pension à liquidation différée pour les militaires quittant l'institution après quinze ans de service, mais avant la durée de service ouvrant droit à pension à liquidation immédiate. L'objectif de cette mesure vise à fidéliser les militaires des corps techniques, qui n'ont aucune difficulté à opérer une reconversion professionnelle dont l'institution cherche à éviter le départ précoce.
Chers collègues, permettez-moi d'insister à nouveau sur le fait que les spécificités du régime des pensions militaires de retraite sont préservées grâce à ce texte. L'équilibre du système est maintenu et, avec lui, le modèle RH de nos armées et le principe de reconnaissance de la nation.
La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.
L'examen de ce PLFRSS en commission m'apparaît doublement utile. Il est en effet de notre responsabilité d'examiner un texte ayant une incidence sur les personnels qui concourent à notre défense nationale. De plus, les motivations de la réforme éclairent une partie de nos travaux : sans réforme, le fragile équilibre de notre système de retraite par répartition ferait place à un creusement des déficits.
Nous nous sommes engagés devant les Français à agir sans céder à la facilité et nous agissons en conséquence. L'article du texte que nous examinons préserve les spécificités du régime des pensions militaires de retraite dans leurs fondements, comme dans leurs paramètres. Pour autant, comme l'ensemble des actifs, les militaires sont appelés à participer à l'effort collectif, notamment par le décalage de deux ans de l'âge de l'application de la décote dite carrière longue et de l'âge auquel un ancien militaire peut bénéficier d'une pension à liquidation différée.
L'accélération de la réforme Touraine concernera également les personnels des armées, mais sera toutefois limitée, puisqu'elle ne sera jamais supérieure à deux trimestres sur les dix prochaines années.
Mes chers collègues, afin de sauver les retraites, nous assumons de demander un effort aux Français, lequel apparaît soutenable compte tenu des enjeux et dès lors qu'il est associé à des mesures correctrices pour accompagner les situations des plus fragiles. Agir aujourd'hui en matière de retraites permet d'éviter d'être acculé demain à combler un déficit que nous aurions laissé filer sans agir, au prix de coupes sombres dans les services publics et de notre renoncement à mener des investissements d'avenir essentiels.
La saisine de la commission me permet de réitérer la position du Rassemblement national (RN) sur la réforme des retraites, laquelle constitue une régression sociale. Nous nous opposerons à l'adoption de l'article 7 tout en défendant la retraite des conjoints de militaires qui le méritent bien, car ils subissent les affres de mutations régulières et constituent une forteresse morale pour nos soldats, marins et aviateurs.
Le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans et l'accélération du calendrier de relèvement de la durée d'assurance prévu par la réforme Touraine de 2014 finissent par réduire les acquis sociaux. Le RN propose à la place un projet réaliste et juste, au service des Français, avec comme élément clef l'avancement de l'âge légal de départ à la retraite pour ceux qui ont commencé à travailler tôt.
Afin d'aider notre outil de défense, il est impérieux de retrouver le dynamisme d'une industrie relocalisée, performante et créatrice de richesse nationale. La retraite constitue avant tout un choix de société, que vous remettez en cause par cette réforme. Les députés du RN continueront de défendre les Français et nos armées en s'y opposant.
Cette réforme est injuste et cruelle. Elle organise la baisse des pensions à grande échelle et les plus pauvres continueront de payer pour les plus aisés. Contrairement aux affirmations du simulateur mis en place par le Gouvernement, la philosophie de cette réforme frappe aussi les militaires et les fonctionnaires civils du ministère des armées. Or il convient de le rappeler : l'essentiel du financement des pensions militaires ne relève pas du système par répartition, mais de l'impôt.
La réforme gouvernementale bouscule le régime de pension des militaires et la représentation nationale devrait a minima bénéficier d'une étude d'impact pour connaître les populations de militaires concernées et le niveau de leur pension. Mme la rapporteure, vous nous devez des chiffres.
À titre d'exemple, un militaire du rang qui aura servi seize ans dans nos forces verra la liquidation de sa pension repoussée de deux ans. De même, le rehaussement de l'âge de départ à la retraite de 57 à 59 ans pour les civils de la défense qui ont servi pendant au moins dix-sept ans est tout autant inacceptable. En outre, il est erroné d'affirmer que le système des bonifications n'est pas touché puisqu'il est plafonné à vingt trimestres.
Au-delà, toute décision sur les retraites des militaires a une conséquence sur la politique de ressources humaines des armées. Dès lors, elles doivent être traitées dans un cadre plus global, qui porte sur le recrutement et la fidélisation des personnels militaires. Mme la rapporteure, quels sont les objectifs en matière de ressources humaines de ce projet ? Ont-ils au moins été chiffrés et analysés ?
La retraite de nos militaires ne doit pas simplement être abordée sous le prisme d'une pension pour accompagner la fin de leur vie, mais comme un outil à part entière permettant la cohésion de nos armées et la réalisation de nos objectifs de défense.
La spécificité de ce modèle contribue à la force de notre système. Alors qu'un militaire devient pensionnaire en moyenne à 45 ans, l'armée apparaît comme un élément de choix pour une génération qui souhaite s'engager tout en développant des opportunités professionnelles variées. Le groupe Démocrate se réjouit de la préservation de ce système unique.
Les changements importants présentés par le Président de la République nous conduiront vers un modèle d'armée moins tournée vers l'expéditionnaire. Dans la droite ligne du PLFRSS, les modifications prévues à l'article 7 visent à garantir la pérennité du système. Cette réforme entend également prendre en compte l'allongement de la durée de vie de nos concitoyens ; et les militaires devront prendre part à l'effort national, compte tenu de l'accélération de la réforme Touraine pour les pensions civiles.
Enfin, la vie de famille de nos militaires, dont les carrières sont difficiles et nécessitent une grande mobilité, doit absolument être prise en considération. Cet enjeu ne relève pas de l'article 7, mais je formule le vœu que le sort de celles et ceux qui partagent la vie de nos militaires puissent être pris en compte. Aussi, le groupe Démocrate votera en faveur de cet article.
L'armée de la République est au service de la nation. Sa mission vise à préparer et à assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation. Les devoirs et les sujétions auxquels les militaires sont soumis méritent le respect de nos concitoyens et la considération de la nation. De plus, face aux nouveaux enjeux, nous sommes plus que jamais redevables à nos armées.
Alors que le Président de la République a engagé des moyens exceptionnels grâce à la loi de programmation militaire, la réforme des retraites s'apprête à pénaliser un secteur que nous devons prioriser et fidéliser. De fait, le message qu'elle adresse est totalement contradictoire : il est injuste et brutal. Cette réforme entraîne ainsi le recul de deux ans minimum du départ à la retraite des militaires. À l'inverse, la spécificité du régime de pension civile et militaire doit être préservée. Le rapprochement avec le régime général des retraites remet en cause l'impératif de la jeunesse de nos forces et changera donc notre modèle d'armée dans un futur proche.
Dans son dernier discours, le Président de la République a indiqué que les dangers à venir étaient considérables et que notre attention devait donc y être proportionnée. C'est bien là que la réforme pèche. En effet, l'article 7 prévoit notamment le relèvement du nombre de trimestres de cotisation de trois ans pour les militaires actuellement âgés de moins de 57 ans ; le relèvement de deux ans minimum de l'âge de liquidation des pensions ; le relèvement de deux ans de l'âge de départ en la retraite anticipée pour les carrières longues ; la suppression du principe de dégressivité des bonifications.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Socialiste se prononce contre cette réforme.
Au moment d'examiner dans cette commission l'article 7 de ce projet, il convient de rappeler que l'effort consenti pour rééquilibrer notre système de retraite doit concerner l'ensemble de la nation. Il engage aussi les personnes ayant quitté le cadre militaire pour exercer un métier dans le civil.
L'enjeu est quelque peu différent pour les militaires ayant atteint leur limite d'âge ou pouvant bénéficier de la pension à liquidation immédiate. Pour ces derniers, les paramètres restent largement inchangés, à l'exception de la bonification du cinquième de temps de service accompli, qui voit sa dégressivité supprimée à partir de 59 ans.
En conséquence, le statu quo prévaut largement pour nos armées ; l'aspect paramétrique de la réforme limitant son impact pour nos militaires. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des dispositions de l'article 7 de ce projet de loi.
Cette réforme est injuste et injustifiée. En effet, accorder la même prolongation de temps de travail pour tous revient à méconnaître la profonde inégalité d'espérance de vie en bonne santé. De plus, aucun des arguments que vous essayez de mettre en avant n'est compris par la population.
Votre réforme est fondamentalement idéologique et dogmatique. Certains vont jusqu'à menacer d'une dissolution, dont l'aboutissement pourrait être la victoire de l'extrême-droite. Je vous appelle à refuser cette réforme et cette manière de faire de la politique.
Nos militaires savent que leur engagement au service de la nation est tributaire des décisions politiques prises par les gouvernements successifs. J'en suis extrêmement conscient, en tant que petit-fils de militaire, mais aussi président du groupe d'amitié France-Mali, pays dans lequel nous avons perdu cinquante-huit de nos soldats.
La réforme repoussant l'âge de la retraite aura un impact sur les proches des militaires et s'attaquera au régime singulier qui est le leur. Le système de bonification est également désormais remis en cause. Enfin, le nombre de trimestres de cotisation nécessaire pour un départ à la retraite à taux plein passe de 160 à 172 pour tous les fonctionnaires du ministère des armées.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de revenir sur cette atteinte aux droits des militaires.
Je partage le point de vue de mes collègues du RN sur le caractère injuste de ce projet de réforme, dont l'impact se fera sentir aussi bien pour les militaires que les personnels civils de la défense, qui représentent 25 % des effectifs. À travers cette réforme des retraites, le Gouvernement choisi de les pénaliser : ils seront considérés comme relevant du statut de fonctionnaire et donc concernés par le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Ce report est injuste et nous nous y opposons fortement.
Je tiens à mettre en lumière un sujet important qui n'est pas couvert par ce projet de loi : les retraites des conjoints de militaires, dont 85 % sont des femmes. Elles jouent pourtant un rôle fondamental dans le soutien de nos forces armées tout en pâtissant de cette situation : 73 % d'entre elles sont en activité, mais subissent des carrières discontinues ; 44 % partent à la retraite avec une carrière incomplète et 20 % travaillent jusqu'à 67 ans.
Madame la rapporteure, la vérité est la suivante : la réforme ne propose rien à ces femmes de militaires. Je déplore que l'ensemble des amendements du RN les concernant ait été jugé irrecevable.
Mme le rapporteur nous a indiqué que rien ne changeait, ce qui est erroné. Ainsi, quatre points sont particulièrement modifiés : le passage de 160 à 172 trimestres ; le plafonnement des bonifications ; le retardement de la liquidation des pensions et le report de l'âge de départ à la retraite des civils de la défense et des militaires qui se sont reconvertis.
Cette réforme aura un impact sur le corps des militaires, qui est leur outil de travail. Souvenez-vous du nombre de kilos de matériel qu'un pompier ou qu'un militaire doit porter lors de chacune de ses interventions. Connaissez-vous les contraintes auxquelles sont soumis les contrôleurs aériens pour avoir simplement le droit d'exercer leur métier ?
Monsieur Lachaud, vous m'avez interrogée sur l'intérêt RH de cette réforme. Vous savez que le régime de pension des militaires n'est pas vraiment un régime de retraite en soi mais plutôt un mécanisme de gestion des flux pour disposer d'une armée jeune ainsi qu'un outil de gestion pour réaliser la pyramide des grades et offrir une garantie de revenus pour la reconversion.
Vous m'avez également interpellée sur la limitation à vingt trimestres des bonifications. Les militaires qui bénéficient du cinquième ont une limitation à vingt trimestres. Mais s'ils revenaient dans la catégorie active et devenaient par exemple policiers, ils bénéficieraient également du cinquième. En cumulant les deux, une inégalité se ferait jour par rapport aux militaires qui resteraient dans le corps militaire. C'est la raison pour laquelle nous établissons un plafonnement à vingt trimestres.
Je m'interroge sur l'effet RH recherché par cette réforme. S'agissant des bonifications, je vous renvoie à l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires. Tel que modifié par la réforme que vous voulez nous faire voter, son dernier alinéa indique que « les bonifications acquises en application des règles qui les régissent pour services accomplis dans différents emplois classés dans la catégorie active et la bonification prévue au i) peuvent se cumuler dans la limite de vingt trimestres ».
Par conséquent, l'ensemble des bonifications du L.12 est limité à vingt trimestres.
La séance est suspendue pour permettre aux députés de participer à un vote dans l'hémicycle.
Après cette suspension, la commission en vient à l'examen, pour avis, des amendements à l'article 7.
Article 7 : Relèvement de l'âge légal de départ à 64 ans et accélération du calendrier de relèvement de la durée d'assurance
Nous en venons à l'examen des amendements aux dispositions de l'article 7 relatives au personnel militaire. Tout le monde aura l'occasion de s'exprimer sur l'ensemble de la réforme dès la semaine prochaine en séance publique.
Amendement DN6 de Mme Isabelle Santiago
L'amendement vise à ne pas repousser l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour les sergents et sous-officiers de grade équivalent des armées, sauf les pompiers militaires qui font l'objet d'un autre amendement.
Le projet de loi ne modifie pas l'âge légal de départ à la retraite des personnels visés par votre amendement. Les bornes de la pension de liquidation immédiate ne sont pas modifiées, pas plus que les limites d'âge de l'ensemble des corps militaires ni les bonifications. Votre amendement est donc satisfait. Je vous en demande le retrait, à défaut l'avis sera défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement DN7 de Mme Isabelle Santiago
Il a le même objet que le précédent – j'imagine donc que vous m'apporterez la même réponse –, mais il s'applique aux hommes du rang. Nous aurons l'occasion de confronter nos compréhensions divergentes du texte en séance publique.
Je m'étonne que l'amendement déposé par Marine Le Pen et l'ensemble des députés du groupe Rassemblement national visant à supprimer l'article 7 ait été déclaré irrecevable au prétexte qu'il déborderait l'objet de la saisine. Je m'inscris en faux, d'abord parce que le texte affecte les militaires – le nombre de trimestres nécessaire passe de 160 à 172, le calcul de la bonification et la prise en compte des carrières longues sont modifiés. En outre, en proposant cette mesure de sadisme social qu'est le décalage de deux ans de l'âge légal de la retraite, de nombreuses industries et entreprises de travaux qui interviennent dans le domaine de la défense seront pénalisées. Nous sommes donc dans le cœur du sujet.
On ne peut pas dire que l'on veut fidéliser les personnels et soutenir fortement l'industrie de défense et, en même temps, les livrer à une concurrence déloyale. Dans des métiers techniques et très recherchés, les salaires en France sont plus bas que dans d'autres pays européens ; si, en plus, les conditions sociales se dégradent et s'alignent sur les normes moins protectrices pratiquées ailleurs, alors notre pays n'aura plus aucun avantage comparatif. Il y a bien un lien entre la casse sociale programmée par le Gouvernement, qui touchera certains proches des militaires et l'industrie de défense, et le sujet que nous traitons. Je regrette donc que l'amendement de suppression n'ait pas été déclaré recevable. Il s'agit d'une restriction du débat démocratique qui n'a pas lieu d'être.
La saisine ne couvre que les personnels militaires et non l'ensemble des agents de la défense nationale. Autrement, selon votre raisonnement, toutes les commissions se seraient saisies pour avis du texte – la commission des affaires culturelles et de l'éducation pour les personnels enseignants, la commission des lois pour les personnels du ministère de la justice, etc. La commission de la défense est garante de la condition militaire, mais les fonctionnaires civils du ministère des armées n'ont pas de régime spécial : la saisine n'est donc pas liée au thème de la réforme, mais au statut des militaires.
Les membres du groupe La France insoumise avaient également déposé des amendements de suppression de l'article 7 et ils regrettent de ne pouvoir les défendre. Nous nous étonnons du champ de la saisine car l'article 13 du projet de loi, qui empêche le cumul des pensions d'invalidité et de retraite, affecte les militaires. En effet, un militaire qui perçoit une pension civile et une pension militaire sera pénalisé par cet écrêtement. Nous avons donc l'impression que le champ de la saisine s'accorde avec les intérêts de la majorité.
La commission rejette l'amendement.
Amendement DN8 de Mme Isabelle Santiago
Cet amendement est le même que les deux précédents, mais il concerne les pompiers et les pompiers militaires.
La commission rejette l'amendement.
Amendement DN11 de Mme Isabelle Santiago
Une bonification est un trimestre qui s'ajoute gratuitement aux années de service effectif pour augmenter le montant de la pension. La bonification du cinquième correspond à une année supplémentaire dans le calcul de la pension, obtenue après cinq années de service. Elle ne peut s'opérer que cinq fois et ne peut donc couvrir que vingt-cinq ans. Entre 60 et 62 ans, la bonification est dégressive : le projet de loi supprime cette dégressivité et octroie donc un avantage supplémentaire aux militaires. Je suis défavorable à votre amendement, dont l'adoption effacerait une avancée qui réjouit les militaires.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques DN13 de M. Bastien Lachaud, DN26 de Mme Pascale Martin, DN61 de Mme Martine Étienne, DN87 de M. Aurélien Saintoul, DN115 de M. Emmanuel Fernandes et DN141 de M. François Piquemal
Nous souhaitons maintenir l'intégralité du système de bonification pour tous les militaires qui quittent le service à 59 ans, donc supprimer l'alinéa 18 de l'article, qui, sous couvert de mettre un terme à la dégressivité de la bonification du cinquième, empêche les militaires quittant le service à 59 ans d'obtenir le maximum de bonifications.
Nous souhaitons maintenir l'intégralité des bonifications pour tous les militaires qui quittent le service à 59 ans.
Les carrières militaires étant constituées d'années de travail et de sacrifices au service de la nation, il demeure juste et honorable pour le pays de se montrer reconnaissant. Les fins de carrières sont longues et éprouvantes pour tous les militaires et anciens militaires d'active, et le système de bonification compense la pénibilité des dernières années.
Ces amendements suppriment un avantage, puisque la fin de la dégressivité de la bonification constitue une réelle avancée pour les militaires.
Tous les militaires ne quittent pas le service à 59 ans. Les officiers – commandants ou lieutenants-colonels – partent certes à 59 ans, mais les colonels le font à 60 ans et le personnel médical et paramédical militaire à 62 ans. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques DN14 de M. Bastien Lachaud, DN27 de Mme Pascale Martin, DN62 de Mme Martine Etienne, DN88 de M. Aurélien Saintoul, DN116 de M. Emmanuel Fernandes et DN142 de M. François Piquemal.
Les amendements du groupe LFI-NUPES sont retirés.
Amendement DN167 de M. Laurent Jacobelli
Les amendements du groupe RN sont retirés.
Amendement DN10 de Mme Isabelle Santiago.
L'amendement est retiré.
Après l'article 7
Amendement DN9 de Mme Isabelle Santiago.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, sans modification. (Applaudissements parmi les députés des groupes RN, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Ségolène Amiot, M. Xavier Batut, M. Julien Bayou, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, M. Aymeric Caron, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Martine Étienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Pascale Martin, Mme Lysiane Métayer, Mme Anna Pic, M. François Piquemal, M. Julien Rancoule, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Bruno Studer, Mme Liliana Tanguy, M. Michaël Taverne, Mme Corinne Vignon
Excusés. - M. Benoît Bordat, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Christelle D'Intorni, M. Loïc Kervran, M. Olivier Marleix, Mme Alexandra Martin, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo, Mme Sabine Thillaye