La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.
La commission procède d'abord à la nomination de rapporteurs.
Pour la nomination aux fonctions de rapporteur de la proposition de loi visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % et de la proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médico-sociaux, je suis saisie respectivement des candidatures de Christophe Bentz et Laure Lavalette.
Y a-t-il des objections ?
Il en est ainsi décidé.
Les copiés-collés marchent très bien. Il est un peu dommage que dans le choix des initiatives parlementaires, on soit uniquement allé reprendre des textes élaborés par d'autres. Cala peut bien sûr être l'un des aspects de l'esprit transpartisan, mais je ne suis quand même pas persuadé que cela soit la meilleure des choses à tout moment, même si cela n'enlève rien à l'intérêt des thèmes qui peuvent être abordés.
Pour les fonctions de corapporteur de la proposition de loi portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours non-vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé, je suis saisie de la candidature de Frédéric Falcon.
Y a-t-il des objections ?
Qu'un texte soit repris dans une niche par un groupe alors qu'aucun des membres de ce groupe n'en est cosignataire peut paraître étrange, mais que soit nommé un corapporteur qui ne l'a pas signé, cela commence à frôler le ridicule. J'alerte tous mes collègues de la commission : si l'on ouvre la boîte de Pandore en commençant à autoriser cela, demain, un groupe reprendra une proposition de loi sans en être cosignataire et avec un de ses membres exerçant les fonctions de corapporteur, ses auteurs en resteront signataires mais elle n'aura plus aucun sens car un corapporteur pourra écrire ce qu'il veut.
Je demande donc que cette nomination fasse l'objet d'un vote.
Je souhaite faire part de l'indignation de mon groupe à l'égard des pratiques du groupe Rassemblement National à l'occasion de cette niche. On connaissait la flibusterie parlementaire, mais la flibusterie n'empêche pas qu'il y ait un cadre, un dialogue et des lettres de marque délivrées par le roi. Nous sommes désormais en République : c'est ici une action que je considère comme hostile et qui s'apparente de ce fait à de la piraterie parlementaire, sans code ni honneur. C'est donc un véritable problème et c'est pourquoi je souscris totalement aux propos de ma collègue Fiat.
Je pense que cela doit amener chacun à réfléchir au fait que lorsqu'un groupe programme une niche parlementaire, elle doit être calibrée à la hauteur de la journée qui lui est réservée. Si l'on commence à y inscrire huit, dix ou douze textes, il faut veiller à ne pas dévaloriser le travail parlementaire – le collègue Delaporte s'en indignait à l'instant. Il y a quelques mois, nous avons déposé un texte sur le scrutin proportionnel, repris mot pour mot grâce à un magnifique copié-collé. Je suis ennuyé que le Rassemblement National manque de mains pour écrire ces différentes propositions de loi.
Quelle image donnons-nous du Parlement ? Nous ne sommes même pas capables d'aller jusqu'au bout de l'ordre du jour d'une niche, mais on va ensuite piquer – c'est comme ça que cela s'appelle – les textes des autres. Je trouve cela vraiment pas bien du tout et cela vaut pour chacun. Dans le groupe auquel j'appartiens, on ne l'a jamais fait ; je ne l'ai jamais fait non plus, alors que cela fait assez longtemps que je suis élu.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cela se voit : la Présidente de l'Assemblée est en train de réfléchir au travail parlementaire avec les présidents de groupe. Cela vaut pour les copiés-collés comme pour les amendements lorsqu'on prévoit d'en déposer 10 000 ou 15 000 : le droit d'amendement est bien sûr inviolable, mais je pense que cela doit tous nous inviter à réfléchir collectivement sur la qualité du travail parlementaire. Piquer les textes des autres, faire des copiés-collés ad vitam æternam, cela n'a pas de sens, cela dénature le travail parlementaire et l'opinion publique considère dans cette affaire que tout le monde est responsable.
Je suis d'accord avec le collègue Vigier. Il est habituel qu'un corapporteur soit désigné quand une proposition de loi est reprise mais ma petite expérience parlementaire me conduit à observer qu'à chaque fois, un travail avait été effectué en amont et que la proposition avait été cosignée. Je crois qu'il n'y a pas ici cette cohérence ou peut-être ne m'en suis-je pas rendu compte...
Je souhaiterais demander aux députés du groupe RN de cette commission s'ils ont la moindre imagination politique et la moindre ligne politique car il est quand même étrange de piquer ainsi les textes des autres et de se les approprier. C'est tout sauf républicain : on savait déjà que vous n'étiez pas très républicains, mais c'est ici la bassesse suprême. Vous prenez les textes des autres, vous les copiez-collez au mot près, vous les utilisez et vous mettez votre nom en bas : cela s'appelle du plagiat, ni plus ni moins, et la République ne vous en remerciera pas.
Je crois que vous vous fourvoyez grandement. Nous avions une proposition de loi qui était proche de celle rédigée par nos collègues du groupe Les Républicains, à laquelle nous avons simplement ajouté un dispositif d'indemnisation. Pour nous, ce qui prime et ce qui est fondamental, c'est l'intérêt général : nous pensons à ces milliers de familles, ces milliers de Français qui sont sur le carreau. Cette proposition de loi de Mme Caroline Fiat, qui ne nous convient pas à 100 % mais qui a quand même le mérite d'acter la réintégration, aurait été adoptée le 24 novembre dernier si le Gouvernement et la majorité n'avaient pas recouru à l'obstruction. Nous hésitions, nous avons réfléchi pour savoir si nous devions présenter notre propre proposition de loi ou reprendre la discussion de celle de Mme Fiat. Nous avons opté pour cette solution parce que nous pensons tout simplement que les Français ne peuvent plus attendre : il y a des personnes qui souffrent et il faut répondre à cette souffrance en les réintégrant, d'autant que nous sommes le dernier pays d'Europe à emprunter ce chemin.
Je vous entends parler de piraterie, de vol : absolument pas ! Ce texte reste celui de Mme Fiat et reste celui de La France insoumise. Dans cette assemblée, il n'y a plus de majorité absolue : il va peut-être falloir aussi apprendre la coconstruction. Nous votons des amendements et des propositions de loi de La France insoumise et nous n'en avons pas honte : nous estimons que si un texte va dans le sens que nous souhaitons, nous devons le soutenir, tout simplement. Les attaques assez basses et les agressions dont nous sommes l'objet aujourd'hui ne nous semblent donc absolument pas justifiées.
Nous ne sommes pas ici sur une question de fond mais de forme. Vous connaissez cependant la position du groupe Les Républicains sur le fond de ce texte. Tant mieux si nous sommes de plus en plus nombreux à penser que la question n'est plus celle de la réintégration des soignants mais de savoir quand et comment ils vont être réintégrés – et sur ce point, il faut solliciter la Haute Autorité de santé en vue d'un protocole sanitaire qui mette tout le monde d'accord. Je pense que c'est la voie de sortie pour tous les acteurs, notamment pour l'État, car j'entends bien que derrière cette non-décision se cache probablement la peur que des ministres soient mis en accusation. Dans mon dernier discours avant un énième 49-3, j'avais proposé de sortir par le haut quant à savoir quand et comment réintégrer les soignants dans les meilleures conditions. Cela a été rappelé : nous sommes maintenant le dernier pays d'Europe, puisque l'Allemagne et la Grèce l'ont envisagé, avec des calendriers d'ailleurs différents, respectivement en janvier et le week-end dernier.
Sur la méthode, on ne me fera quand même pas croire qu'on ne peut pas réécrire en quelques heures quelque chose qui est strictement un copié-collé, notamment sur la seconde partie de la proposition de loi de Mme Fiat : les tests sont sa proposition et vous pouviez faire une proposition de loi sans être obligés de faire un copié-collé.
Par conséquent, sur le fond, tant mieux si, quelle que soit la niche de quelque groupe que ce soit, il n'y pas d'obstruction du Gouvernement et si l'on peut faire passer cette mesure de bon sens pour éviter d'être la risée de toute l'Europe. Mais sur la forme, il n'est ni possible ni admissible de cautionner le piquage de propositions de loi entre différents groupes, même si l'on est d'accord sur le fond. On ne peut pas envisager un quinquennat de cette façon-là.
Je souhaiterais que ce cas qui nous est soumis aujourd'hui fasse en quelque sorte jurisprudence. On ne demande rien d'autre au Rassemblement National que de faire preuve d'éthique, tout simplement : en fin de compte, respecter les collègues. Manifestement, vous n'en êtes pas capables : vous évoquez la coconstruction, mais où est la coconstruction quand vous n'avez jamais évoqué avec l'auteur du texte la possibilité de le reprendre en ayant sollicité son avis ? Vous imposez les choses ; finalement, vous ne connaissez pas le bon sens ni la moindre des politesses : c'est véritablement ce qui vous caractérise. Vous êtes en train de commettre un acte antiparlementaire. C'est contraire à l'esprit de nos institutions : je souhaiterais qu'on l'entende ainsi et que vous retiriez le texte car il est encore temps de retrouver le sens de la raison et de l'éthique.
Les collègues de la NUPES avaient-ils vraiment envie que leur proposition de loi soit adoptée dans le cadre de leur niche ? Qu'est-ce qui compte : l'intérêt général ou savoir qui inscrit le texte ? Depuis le début de la législature, nous avons montré dans l'hémicycle que nous n'étions mus que par l'intérêt général et que la seule boussole que nous portions était l'intérêt des Français : c'est la raison pour laquelle nous avons systématiquement voté des amendements quand ils nous semblaient aller dans le bon sens et pouvoir améliorer le quotidien des Français. Que ceux qui étaient dans l'hémicycle se souviennent : ce texte aurait pu faire consensus puisque sept groupes d'opposition allaient le voter et je rappelle que c'est le Gouvernement lui-même qui a fait obstruction, ce qui ne se produit jamais.
Je suis donc très étonnée, chers collègues de la NUPES : si vous vouliez vraiment que ce texte soit adopté, vous devriez être ravi qu'il soit repris, que nous ayons gagné au moins une heure de discussion et que votre texte puisse ainsi être adopté.
Je vais donc mettre aux voix cette candidature. Y a-t-il des objections à procéder à main levée ?
Il n'y en a pas.
Mise aux voix, la candidature de M. Frédéric Falcon aux fonctions de corapporteur de la proposition de loi portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours non-vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé est rejetée.
La commission procède ensuite à l'audition du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) : Pr Brigitte Autran, présidente, Pr Bruno Lina, membre du bureau, et M. Rémy Slama.
Le bureau de notre commission a récemment défini ses priorités. Si l'agenda législatif, très chargé, ne nous laisse malheureusement que très peu de temps, cette audition s'est néanmoins immédiatement imposée. En effet, nous avons souvent eu l'occasion d'échanger, depuis mars 2020, avec le Conseil scientifique, au travers de son président, Jean-François Delfraissy. Or, par décret du 30 juillet 2022, lui a succédé le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars), dont l'inscription dans le code de la santé publique traduit sans nul doute la vocation pérenne. Il nous importe donc de savoir ce qu'est le Covars, quelle est sa composition, quelles sont ses ressemblances et ses différences avec le comité dont il a pris la place, et quel rôle il est appelé à jouer dans le dispositif sanitaire de notre pays. Cependant, si la commission a tenu à ce que cette rencontre ait lieu rapidement, c'est également parce que la situation sanitaire continue de l'exiger. Nous souhaitons donc connaître votre évaluation de l'évolution de l'épidémie de covid, mais également de celle de la grippe et de la bronchiolite, qui soumettent notre système de santé à rude épreuve.
Je vous remercie de nous inviter à présenter ce nouveau comité, créé en août sous la double tutelle des ministres de la santé et de la prévention d'une part, et de l'enseignement et de la recherche d'autre part.
Comme vous l'avez indiqué, le Covars a été créé en relais du Conseil scientifique après la fin de la loi d'urgence sanitaire. Ce comité est pérenne et a vocation à exister tant en dehors que pendant les crises sanitaires. Lors des crises, il lui est demandé de devenir une instance de conseil pour le Gouvernement, et, le reste du temps, de conseiller le Gouvernement sur les enjeux d'anticipation, de prévention et de préparation aux crises sanitaires et à leurs conséquences.
Les missions du Covars sont inscrites dans le décret qui le crée. Elles démontrent d'emblée les différences qui le démarquent du Conseil scientifique covid-19, puisqu'elles visent le souci de la santé humaine en relation avec la santé animale et la santé globale, en suivant l'approche dite One Health, également appelée santé globale.
Le périmètre des missions du Covars est également plus large. Ces dernières dépassent de très loin le seul sujet de la covid-19 et regroupent l'ensemble des risques infectieux, ainsi que les risques liés à l'alimentation, à la pollution environnementale et au changement climatique – bien qu'à l'instar des experts mondiaux, nous considérions que les infections restent un élément majeur de ces risques. Il nous est également demandé dans nos missions d'interagir étroitement avec les institutions de veille sanitaire, les agences de recommandation, les agences et les organismes de recherche. Ainsi, le Covars travaille sur des saisines gouvernementales, tout en jouissant de la possibilité de s'autosaisir. Nous avons donc établi un règlement intérieur du Covars, qui est très similaire à celui du Conseil scientifique covid-19 et du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale (COSV).
Ce comité scientifique et consultatif, qui a vocation à éclairer l'exécutif – qui reste seul responsable de la décision et de la mise en œuvre de nos recommandations –, est composé d'experts indépendants, libres de conflits d'intérêts, agissant de manière bénévole et siégeant intuitu person æ, et non en tant que représentants de leur institution. Ils conservent la plus grande confidentialité des débats, bien que les avis émis par le Covars soient publics. En effet, ces derniers sont publiés a minima sur les sites du ministère de la santé et du ministère de la recherche.
L'autre mission qui nous est attribuée concerne l'agilité du Conseil scientifique. Le ministre avait évoqué une équipe « commando ». Il est attendu que ce comité puisse réagir de la manière la plus rapide possible tout en s'appuyant sur des bases scientifiques vis-à-vis des questions de santé publique qui pourraient se poser.
Je suis fière d'avoir l'honneur de présider ce comité composé d'experts remarquables et de très haut niveau international. Leur compétence, reconnue en France et dans le monde entier, recouvre les différentes disciplines impliquées dans nos missions. Nous avons tout d'abord constitué un bureau avec deux anciens membres du Conseil scientifique, le professeur Bruno Lina, virologue et responsable du centre national de référence des infections respiratoires, et le docteur Thierry Lefrançois, ancien vétérinaire et doté d'une expérience importante de l'approche One Health.
Nous avons tous les trois défini la composition de ce comité, soumise aux ministres et acceptée par ces derniers sans modification. Notre comité compte quatre épidémiologistes : deux d'entre eux, les docteurs Fabrice Carrat et Simon Cauchemez, sont des modélisateurs spécialisés dans les maladies transmissibles ; le docteur Rémy Slama est épidémiologiste spécialisé dans la pollution et les risques environnementaux et le docteur Patrick Giraudoux dans les problèmes d'écologie microbienne.
Le professeur Xavier de Lamballerie est également virologue et spécialiste des infections respiratoires transmises par les moustiques. Le comité compte quatre cliniciens, dont deux infectiologues, les professeurs Xavier Lescure et Denis Malvy, ainsi qu'un généraliste et une urgentiste, dont les compétences englobent les capacités de prise en charge du patient lors des urgences sanitaires.
Enfin, le Covars a intégré un médecin vétérinaire spécialiste des vaccins, le docteur Roger Le Grand, et un chercheur spécialiste des moustiques et des maladies vectorielles, le docteur Didier Fontenille. Des sociologues, en outre, sont responsables des aspects sociétaux et des risques psychosociaux liés aux risques sanitaires. Il s'agit de Mmes Annabel Desgrées du Loû et Mélanie Heard. Nous avons enfin souhaité renforcer l'une des dimensions qu'offraient déjà le Conseil scientifique et le COSV, à savoir la représentation de la démocratie sanitaire. Deux associations de patients siègent ainsi au comité. Il s'agit du collectif d'associations TRT5 et de l'association Renaloo, associés à une représentante des citoyens, Mme Véronique Loyer.
Nous travaillons en relation avec les institutions chargées de la veille sanitaire. Notre équipe de seize scientifiques ne peut en effet assurer la veille sanitaire qu'opèrent des agences comptant plusieurs centaines de personnes. Notre travail consiste à effectuer une veille scientifique bibliographique très précautionneuse, internationale, partagée, analysée de façon collégiale, en interaction avec les organismes chargés de la veille sanitaire. Nous rencontrons ainsi régulièrement des agences telles que Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ; des agences de recommandation sanitaires comme la Haute Autorité de santé (HAS), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ou le Haut Conseil sur le climat ; ou encore des agences de recherche, notamment l'ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) ou l'Institut Pasteur. Nous travaillons en relation avec des organismes mondiaux, comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et européens, notamment avec les conseils scientifiques établis par les différents pays européens sur la covid, en tenant des réunions mensuelles.
Nous rédigeons nos avis de façon collégiale. Dès la création du Covars, nous avons été saisis par les ministres sur quatre sujets. Le premier sujet avait trait à la covid-19. Nous y avons répondu de façon précise dans un avis publié le 22 octobre, disponible sur le site du ministère. Le deuxième sujet concernait l'infection à monkeypox, également appelée variole du singe. Nous avons rendu notre avis le 28 novembre. Enfin, nous avons été saisis sur le futur des vaccins à ARN messager pour la pathologie humaine et en prévention des risques sanitaires à venir, et sur les maladies à transmission vectorielle en relation avec le réchauffement climatique. En effet, ce dernier fait progresser le front des moustiques, en particulier ceux infectés par différents virus. La croissance de ces risques concerne non seulement les territoires ultramarins, qui en font déjà l'objet, mais également la métropole. Nous travaillons de façon parallèle sur ces deux sujets. Enfin, en concertation avec le ministre de la santé, nous avons décidé de nous autosaisir d'un point d'actualité sur la covid-19. Nous avons entamé cette réflexion la semaine dernière. Le ministre nous a interrogés sur la prévention par les masques. Nous travaillons également sur les autres moyens de prévention. Nous serons heureux de répondre à vos questions sur ce sujet.
Le Pr Bruno Lina va vous présenter le concept One Health, qui envisage les risques sanitaires sous un prisme moderne.
Le concept One Health est directement issu des réflexions du Conseil scientifique. Il s'agit d'ailleurs d'un élément de différenciation entre ces deux instances. En effet, à la fin du Conseil scientifique, nous avions rendu un avis en mars 2022 sur le One Health. Nous y expliquions qu'une fois que nous pourrions nous projeter au-delà de la crise du covid, nous devrions développer des outils de prévention de l'émergence de nouvelles pathologies infectieuses susceptibles de prendre des proportions épidémiques similaires.
Si le concept de One Health est fréquemment évoqué depuis de nombreuses années, son appropriation est particulièrement complexe, en raison de la diversité des interprétations dont il fait l'objet. Nous souhaiterions intégrer la multitude de ces perceptions en établissant des écosystèmes dynamiques, avec une recherche intégrée. Il s'agirait ainsi de faciliter la compréhension entre écologues, médecins et vétérinaires, par exemple, afin de prendre en compte les conséquences de l'altération de l'environnement sur la santé humaine.
Dans ces conditions, le One Health repose sur un réseau d'interactions entre pathogènes et hôtes, mais également entre les acteurs de la santé. Ce concept intègre des dimensions allant de la globalisation et des changements climatiques, sans oublier les conséquences d'un certain nombre d'actions sur les écosystèmes et les potentielles épidémies.
Le champ d'études est très large. Pourtant, il n'existe pas en France d'agence ni de moyens pour travailler dans ce domaine de la manière intégrée que nous nous proposons de suivre. Nous souhaitons nous fonder sur différents problèmes de santé de la population qui permettent de comprendre les dynamiques d'évolution des vecteurs, afin de mieux en entendre les effets sur la santé humaine. Ces vecteurs peuvent être des tiques, des insectes, mais également des animaux comme les chauves-souris, dans le cas du coronavirus, ou les oiseaux, à l'origine de la grippe aviaire. Lorsque la faune sauvage est exposée à la faune d'élevage ou à l'homme, des transmissions de pathogènes peuvent survenir et entraîner des conséquences sanitaires très importantes.
Nous entendons donc à la fois émettre des constats et proposer des réponses, grâce à des expérimentations de terrain ou de recherche pratique autour de la modification d'environnement qui pourraient avoir un impact sur le One Health.
J'ajoute que nous avons eu de récentes interactions avec le HCSP, qui nous a sollicités pour l'aider à réfléchir sur les futurs déterminants de la stratégie nationale de santé. Ces échanges avec différents organismes sont consubstantiels à l'existence du Covars.
C'est avec un grand intérêt que nous vous recevons au sein de notre commission.
Face aux risques sanitaires, je veux insister sur l'enjeu de la confiance de nos concitoyens envers les institutions et l'expertise des autorités médicales et scientifiques. L'épidémie de covid nous a rappelé combien les avis et les préconisations émanant pourtant de consensus scientifiques et médicaux peuvent être remis en cause. Si certaines personnes ou des groupes d'influence s'interrogent, voire contestent ces avis de bonne foi, ce n'est pas toujours le cas. Quand la légitimité des instances est mise en cause, c'est l'action publique même, pourtant décisive en cas d'épidémie ou de situation sanitaire critique, qui est fragilisée. Le Conseil national scientifique, avant qu'il ne se transforme en Covars, a pu lui-même faire l'objet de critiques mettant en cause son manque de transparence ou de diversité scientifique dans sa composition, alors considérée comme non représentative. Il faut d'ailleurs observer que nombre d'observateurs ne font pas la différence entre la parole isolée, y compris celle d'un expert, et les avis issus d'un consensus d'experts.
Madame la présidente, pourriez-vous nous indiquer quelles sont selon vous les conditions susceptibles de renforcer – et peut-être même de restaurer – la confiance de la société dans la science, la médecine et la parole des experts, y compris vis-à-vis des analyses et des recommandations que le Covars pourrait émettre ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous donner l'avis du Covars sur l'obligation vaccinale des soignants et des salariés dans les institutions accueillant un public fragile ? En effet, nous entrons dans l'hiver, avec son lot de confinements naturels liés au froid, tandis qu'une épidémie de bronchiolite importante sévit et que l'épidémie de grippe, qui est apparue précocement, s'annonce sévère après deux années de retrait. Tandis que la vaccination contre la grippe patine, l'Académie de médecine alerte sur le risque de co-épidémie.
Il y a six jours, TF1 titrait « La France, dernier pays d'Europe à ne pas réintégrer ses soignants non vaccinés ». Alors que l'hôpital et le milieu de la santé se trouvent à l'aube d'une crise de personnel considérable, il semble urgent de prendre en considération la réintégration des professionnels de santé. Nombre d'entre eux aiment profondément leur travail, le vivent avec passion et s'estiment lésés face aux décisions gouvernementales pour diverses raisons. La première est l'interdiction d'exercer leur métier, sous toutes ses formes. Par ailleurs, ils déplorent les sanctions très lourdes, qui ne devraient pas avoir vocation à durer, ainsi que l'interdiction d'exercer leur métier dans toute circonstance qui les amène à se retrouver sans rémunération.
En tant que médecins, nous savons que le vaccin n'empêche pas la diffusion virale, mais qu'il prévient des formes graves chez les sujets prédisposés présentant des comorbidités. Pour autant, ces professionnels de santé subissent un argumentaire de culpabilité depuis plusieurs mois. C'est un métier dans lequel les professionnels s'engagent au service de la population, parfois au détriment de leur vie personnelle. Notre pays voit ses professionnels pointés du doigt en raison de leur choix de non-vaccination, alors que durant la crise sanitaire, ils étaient applaudis tous les soirs à vingt heures.
Il ne s'agit pas de minimiser l'importance ni les risques du covid-19, mais bien de proposer la réinsertion de professionnels injustement sanctionnés. Les connaissances épidémiologiques de la vaccination ne permettent pas d'expliquer le maintien de la suspension de leur profession. Bien que cette crise n'apparaisse plus au premier plan, nous faisons face à un schéma épidémique chronique saisonnier.
Alors que plus d'un Français sur trois vit dans un désert médical, 12 000 professionnels sont dans l'attente de reprendre leurs fonctions. Ne pensez-vous pas qu'il est de notre devoir de réintégrer urgemment ces professionnels pour répondre aux besoins de la population ?
C'est une bien grande responsabilité que vous avez là : veiller et anticiper les risques sanitaires sur tous les fronts. En plus du covid, vous devez faire face à une épidémie de grippe et de bronchiolite.
La situation dans les outre-mer est-elle surveillée ? Quelles en sont les spécificités ? Dans nos territoires, les étés sont marqués par de fortes chaleurs, d'importantes pluies, voire des cyclones. Le terrain est propice à la flambée de maladies vectorielles, comme la dengue, le chikungunya ou la leptospirose. Comment anticipez-vous ces risques ?
Les cas de covid augmentent de 38 % sur les cinq derniers jours dans l'Hexagone. Qu'en est-il exactement ? Avez-vous tiré les leçons du passé ? Le port du masque et la vaccination sont-ils véritablement efficaces ?
Le cas échéant, pourquoi l'exécutif n'a-t-il pas suivi les recommandations d'intensification de la vaccination contre la variole du singe ? Comment éviter sa diffusion, surtout à l'approche des fêtes ?
Beaucoup d'hôpitaux sont déjà saturés en raison de l'augmentation du nombre de patients touchés par le covid, la grippe et la bronchiolite. Les personnels sont épuisés par le manque d'effectifs. Pourtant, le gouvernement refuse de réintégrer les personnels soignants non vaccinés. Quelle est votre position sur le sujet ? Cette obstination risque de coûter la vie à des citoyens et à des enfants.
La campagne de vaccination contre la grippe a pris du retard, avec une baisse de 13 % des injections par rapport à 2021. De même, le ministre de la santé admet que la campagne pour la quatrième dose de vaccin contre le covid ne fonctionne pas.
Par nécessité de réaliser des économies, les montants alloués par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) au covid sont passés de 11 milliards d'euros à 1 milliard d'euros pour 2023. La pandémie nous prouve pourtant qu'elle n'est pas terminée. Alors que les incohérences sont aussi nombreuses, comment comptez-vous veiller et anticiper les risques sanitaires ?
Le covid long touche de nombreux compatriotes. Le Covars a-t-il un avis sur le retard de la création d'une plateforme de référencement des malades chroniques de la covid, votée par l'Assemblée il y a un an, et qui n'a toujours pas été concrétisée ? Par ailleurs, le monde soignant ressent une inquiétude globale quant à la prise en charge de ces patients, sans que le PLFSS 2023 y consacre des moyens spécifiques. Pensez-vous que des mesures complémentaires doivent être prises en charge dans le cadre d'un PLFSS rectificatif ?
Avez-vous des appréciations supplémentaires à apporter sur le domaine de la santé, et notamment sur la pénurie électrique qui risque de nous frapper dans les semaines et mois à venir ? La France est touchée par trois épidémies importantes – le covid, la grippe et la bronchiolite. Ces coupures font peser des risques sur la possibilité de contacter les secours et sur la situation des patients à domicile, qui dépendent de l'électricité pour utiliser leur respirateur, pour programmer et recharger les piles de leur cœur artificiel, ou encore pour effectuer une dialyse. Au-delà du covid, pouvez-vous alerter sur ces sujets qui inquiètent les communautés de patients ?
J'ai beaucoup d'admiration envers le travail que vous devrez réaliser, au regard de votre lettre de mission, en matière de prévention et d'anticipation. Comment dissocierez-vous votre travail sur le long terme de vos actions de court terme ?
Par ailleurs, la parole scientifique est souvent remise en cause. Comment assurer la cohérence de l'ensemble des institutions officielles, qu'il s'agisse de votre comité de veille, d'autres agences, comme la HAS, Santé publique France, le HCSP, ou encore l'Académie de médecine ? Ainsi, nous avons récemment eu un débat sur la réintégration des soignants. Pour l'heure, nous écoutons les recommandations de la HAS. Nous avons demandé un deuxième avis. Vous coordonnez vos travaux ; toutefois, comment donner une cohérence à l'ensemble de ces institutions sur le court terme ? La préoccupation de nos concitoyens est de pouvoir entendre une parole simple, cohérente et si possible unique pour répondre à différents défis, qu'il s'agisse de la réintégration ou du port du masque par exemple. Comment, enfin, articulez-vous l'infectieux et le reste ?
Votre propos introductif était fort intéressant. Vous avez souligné la nécessité d'adopter l'approche One Health. Mes collègues ayant déjà abordé la question du covid long, je vous interrogerai sur la stratégie vaccinale. Le nombre de personnes vaccinées est nettement insuffisant, alors qu'à l'épidémie de covid s'ajoutent les épidémies de grippe et de bronchiolite. Nos hôpitaux sont en situation de saturation, notamment dans les services pédiatriques. Nous pouvons également regretter l'absence de véritable mobilisation publique et gouvernementale pour engager une stratégie de vaccination massive. Faut-il rappeler que l'épidémie de covid à elle seule provoque 500 morts et 55 000 contaminations chaque semaine ? Seuls deux millions de Français ont reçu une injection de rappel, ce qui est insuffisant face au nombre de personnes à risque, et notamment âgées. C'est la raison pour laquelle je m'interroge sur l'absence de véritable stratégie de vaccination de rappel. J'ai cru comprendre que vous préconisiez un rappel après quatre mois. Pourtant, la règle est un rappel à six mois. Pourriez-vous préciser vos recommandations, afin de clarifier ce hiatus entre la règle officielle et votre position ?
J'aurais enfin souhaité vous entendre sur le port du masque, notamment dans les transports en commun.
Sans aller jusqu'à parler de neuvième vague, les chiffres de contamination au covid-19 affichent une très nette hausse, qui atteint près de 50 %. Alors que la campagne de rappel de vaccination peine à s'accélérer – avec seulement 7,2 % des 60-79 ans et 9,4 % des 80 ans et plus ayant reçu une dose de rappel selon les derniers chiffres –, les gestes barrières et le port du masque semblent plus que nécessaires pour contenir la croissance des contaminations et protéger les plus fragiles. Cette dynamique s'observe alors même que nos soignants et nos hôpitaux se mobilisent également pour faire face à la grippe et à l'épidémie de bronchiolite. La semaine dernière, la Première ministre a en ce sens lancé un appel solennel, insistant sur la prudence des Français face à cette remontée épidémique ainsi que sur l'utilisation du masque dans les situations de promiscuité et au contact des plus vulnérables. Tandis que le Gouvernement vous a saisis pour avis sur cette question, pensez-vous que le port du masque dans les lieux clos est nécessaire ? Le cas échéant, l'est-il suffisamment pour le rendre à nouveau obligatoire ?
Qu'appelle-t-on une crise sanitaire ? Pourriez-vous en délimiter les contours ? Quelle est la part de la prévention de ces crises dans votre travail ? Votre présentation montre effectivement que vous êtes dans une forme d'anticipation ; or, l'anticipation n'est pas la prévention. Cette dimension est-elle présente dans vos travaux ?
Par ailleurs, je me réjouis du fait que les risques environnementaux soient considérés à leur juste importance. L'augmentation des pandémies est en effet l'une des conséquences mal connues du dérèglement climatique. Le rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques suggère que 30 % des maladies émergentes identifiées depuis 1960 ont été causées par des modifications de l'environnement et la destruction de zones sauvages. Nous savons aussi que l'anéantissement de la biodiversité diminue les barrières entre les virus circulant entre les hommes et les animaux, ce qui représente un risque majeur.
Cependant, deux types de risques majeurs me semblent insuffisamment présents dans vos réflexions. Il s'agit du rôle de l'élevage intensif, et de l'impact des substances chimiques dans l'apparition des maladies, comme le cancer et les maladies neurologiques. L'élevage intensif génère de la biorésistance et joue un rôle d'incubateur pour certains virus. Entendez-vous travailler sur cette question ?
Enfin, je regrette la faible présence des femmes dans votre comité, qui n'est pas paritaire, ainsi que le manque de représentation des sciences humaines et sociales. En effet, ces dernières nous auraient considérablement aidés à anticiper les risques sociaux, la résistance à certaines mesures de précaution, voire, à la vaccination, les comportements individuels, la vulnérabilité, ou encore l'exposition aux violences psychologiques et intrafamiliales largement sous-estimées durant la période de covid. Envisagez-vous d'intégrer des spécialistes des sciences humaines et sociales, de la psychologie et de la psychiatrie dans votre comité ?
Il nous semble tout à fait opportun que le Gouvernement ait décidé de créer une structure pérenne en charge de veiller, d'alerter et d'émettre des préconisations quant aux différentes crises sanitaires. Toutefois, la covid nous a montré que ces enjeux ne connaissent pas de frontières et qu'ils nécessitent une coopération à échelle mondiale. Comment celle-ci s'organise-t-elle ? En Europe, seul le Royaume-Uni a établi depuis longtemps un conseil scientifique sur les maladies émergentes, le Scientific Advisory Group for Emergencies (Sage), qui regroupe près de mille personnes et qui repose sur des financements majeurs. Aux États-Unis, la Biomedical Advanced Research and Development Authority (Barda) assume des missions similaires et fonctionne grâce à un budget de 1,6 milliard de dollars. Dans quelle mesure le Covars, dans sa forme et ses moyens actuels, peut-il véritablement répondre aux missions qui lui sont confiées ?
Par ailleurs, la covid revient dans l'actualité. Le Gouvernement a fait le choix – que nous avons contesté – de diviser par douze au regard de l'année 2022 le budget alloué pour 2023 à la lutte contre la covid dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Pensez-vous également que le Gouvernement a trop hâtivement minoré l'impact de la covid ?
Quelles sont vos préconisations en matière de covid long ? Pensez-vous que l'état actuel de notre système de santé soit en mesure de prendre en charge non seulement les cas de covid long, mais également les effets de la nouvelle vague ? En raison de l'incapacité de notre système de santé à absorber la pandémie, ne reste-t-il plus que les mesures de restriction de nos libertés pour y faire face ? Quels enseignements devrions-nous tirer de la crise sanitaire en matière de prévention ?
Ma dernière question s'adresse à la présidente de la commission, et devrait viser le Gouvernement : quelle est la motivation véritable de cette audition ? S'agirait-il, après avoir évacué ces dernières semaines tout débat sur notre système de soin et sur les conséquences de la pandémie, de nous faire consentir au retour de mesures contraignantes, pour lesquelles une loi serait nécessaire, étant donné que l'état d'urgence a pris fin le 30 juillet dernier ?
Vous m'avez interrogée sur la composition du Covars et sa capacité à rétablir la confiance de la société dans la parole scientifique et médicale. Ces préoccupations nous ont conduits à choisir et coopter des membres qui bénéficient d'une réputation d'intégrité scientifique, médicale et personnelle irréprochable. Il s'agissait d'un élément central pour nous. Nous pensons qu'il faut effectivement rétablir la confiance de la société dans la science par une parole collégiale qui tient compte de la société. C'est la raison pour laquelle deux des seize membres du comité sont des spécialistes de sciences humaines et sociales, ce qui n'est pas peu. Outre ces spécialistes, nous comptons également une représentante des citoyens et deux représentants d'associations de patients. La parole de la société est donc défendue par trois membres du Covars. Cet aspect sociétal est fortement présent dans la composition du comité, et nous permet d'élaborer de manière collégiale nos avis, qui ne sont pas strictement fondés sur une science académique, mais également sur une science perçue par la société.
L'autre manière de rétablir la confiance repose sur le type de recommandations que nous émettons. Vous avez sans doute constaté que nos avis respectent toujours la nécessité d'une communication transparente, claire et informative, qui permet à la société de s'emparer de la santé comme de son bien propre, ainsi que des moyens de lutte contre les maladies. Cet ensemble n'apportera pas d'effet magique, mais il devrait contribuer à rétablir la confiance.
La question de la confiance de la société dans la parole scientifique revêt une importance particulière dans les territoires d'outre-mer. Notre comité compte un médecin urgentiste qui travaille à la Guadeloupe, et qui représente les enjeux liés à l'outre-mer. Par ailleurs, MM. Lefrançois et Fontenille bénéficient d'une longue expérience dans les territoires d'outre-mer et nous apportent une connaissance de terrain approfondie des problématiques, afin que nous y répondions au mieux.
S'agissant du covid, nous avons répondu dans un avis du 22 octobre à la situation qui correspondait à cette époque à une vague modérée. Nous avons décidé de nous autosaisir à nouveau de cette question, et en avons par principe averti les ministres. Il est vrai que la circulation virale reprend, de façon concomitante avec celles de la bronchiolite et de la grippe. Nous avons estimé, en accord avec les ministres, qu'il fallait considérer la covid dans la globalité de ces trois infections respiratoires. Notre réponse à la covid s'inscrit donc dans ce contexte de triple épidémie. Notre première réponse a donc d'abord consisté en la prévention, qui est selon nous un élément pilier de l'anticipation. Cette prévention est d'abord non pharmaceutique, et concerne les gestes barrières et le port du masque. Il ne nous revient pas de définir s'il est nécessaire d'établir une obligation du port du masque. Cependant, notre rôle est de vous donner des clefs scientifiques pour vous aider à déterminer s'il y a lieu de le faire. Outre le port du masque, qui est un élément très important de lutte contre la covid, la grippe et la bronchiolite, il existe d'autres moyens de prévenir ces maladies. Il s'agit de l'aération des lieux clos, sur laquelle nous avons insisté.
Enfin, les vaccins assurent une prévention pharmacologique. Toutefois, nous insistons sur le fait que seules deux de ces trois infections peuvent être prévenues par des vaccins, à savoir la covid et la grippe. Ce n'est pas le cas de la bronchiolite. Nous considérons qu'un geste citoyen doit être développé dans la société, à savoir la solidarité envers les personnes les plus fragiles, telles que les personnes âgées, les bébés et les personnes souffrant de déficit immunitaire, qui sont les plus à même de développer des formes graves, voire, mortelles de ces infections. Il n'existe en effet ni vaccin ni médicament entièrement validé pour traiter la bronchiolite. Au contraire, il est désormais possible de lutter efficacement contre la covid et la grippe grâce à la vaccination, sans même évoquer les traitements permettant d'éviter les formes graves de covid et les formes de covid long.
Le covid long est une pathologie absolument claire et reconnue, mais qui peut être également évitée par la vaccination et par une prise en charge thérapeutique précoce. La covid n'est donc pas une fatalité, mais une maladie contre laquelle on peut lutter. C'est le sens de nos avis. Nous recommandons le port du masque et une communication et une information claires auprès des populations sur l'intérêt de la vaccination. La vaccination et en particulier le rappel de vaccination permettent de protéger jusqu'à 95 % contre le risque de décès et à 80 % contre le risque d'hospitalisation. Toutefois, à cause de la variation, la vaccination ne garantit pas de protection absolue contre l'infection et contre la transmission. Même s'il est difficile de le faire accepter à la société, il faut admettre que les vaccins contre la grippe et la covid sont capables de protéger contre les formes graves, l'hospitalisation, la réanimation et le décès, mais ils sont moins efficaces pour prévenir l'infection.
La démarche de prévention vis-à-vis des trois virus respiratoires comporte un volet commun, qui consiste dans les mesures d'hygiène et les gestes barrières que l'on peut appliquer et s'appliquer. Pour deux de ces virus, la prévention vaccinale permet de réduire très nettement le risque de développer des formes graves de la maladie. Ces dernières sont en effet fortement atténuées dès lors que l'individu a un passé immunitaire et notamment vaccinal. Pour le coronavirus, il est nécessaire de procéder à des rappels vaccinaux réguliers, car si l'immunité – qu'elle soit post-infectieuse ou post-vaccinale – est protectrice, elle reste de courte durée. Lorsque l'on revaccine les individus déjà immunisés, le niveau de protection atteint permet d'éviter de façon quasiment certaine le risque de développer une forme grave et d'occuper un lit de réanimation. Les conséquences d'un séjour en réanimation d'un individu, même en bonne santé, se mesurent généralement en mois, voire, en années.
S'agissant de la grippe, les virus qui circulent sont les mêmes que ceux contenus dans le vaccin. Nous nous attendons donc à une efficacité vaccinale de haut niveau – en tenant compte des capacités ordinaires des vaccins contre la grippe –, qui s'établirait aux alentours de 60 %. En effet, la diversité des virus a été réduite en raison de leur absence de circulation durant la période de pandémie.
Nous pourrions parler longuement de la situation des vaccins. S'agissant de la campagne vaccinale, nous avons demandé son renforcement dès notre avis du mois d'octobre. En France, le deuxième rappel a été réalisé depuis janvier 2022 jusqu'à septembre 2022 avec une série de vaccins monovalents qui s'adressent aux personnes de plus de 60 ans, aux personnes présentant des facteurs de risque, y compris des adolescents, à leur entourage et aux soignants. Ces vaccins ont été administrés dans des proportions variables selon les régions et ont touché entre 30 % et 60 % des personnes éligibles. La couverture vaccinale s'est avérée plus faible dans les régions du sud de la France. Une deuxième campagne de rappel a été lancée en octobre avec des vaccins bivalents qui devraient être plus protecteurs envers le SARS-CoV-2 de type BA.5 actuellement en circulation. 2 500 000 personnes ont été vaccinées depuis le mois d'octobre. On peut regretter que cette couverture vaccinale soit encore faible. L'un des facteurs qui l'expliquent, néanmoins, est qu'une grande partie de la population a été vaccinée pendant l'été ou a développé un covid durant cette période. Le délai entre deux vaccinations recommandé est de trois à six mois, partout dans le monde. Il n'a jamais été question d'un délai quatre mois. Ainsi, beaucoup de personnes se situent dans cet intervalle et doivent se faire vacciner en décembre. Nous attendons donc une vague importante de vaccinations en décembre, correspondant au cycle recommandé en France comme dans le monde entier. S'il existe probablement une insuffisance de la couverture vaccinale, les chiffres ne sont pas comptabilisés de la même façon en France et dans les autres pays. Il est vrai que le Royaume-Uni est un pays modèle en matière de vaccination, et pas seulement dans le cas de la lutte contre la covid.
Il n'y a pas de raison de recommander une vaccination de la population générale contre le monkeypox. Cette infection ne touche pour l'instant qu'une population restreinte, qu'il importe de vacciner. Dans aucun pays du monde, il n'est recommandé d'élargir la vaccination au-delà de la population à risque. Il me semble que la France a suivi une bonne stratégie en la matière. Même si nous continuons à dire qu'il faut vacciner les populations qui n'ont pas encore reçu d'injection, la France fait partie des pays qui a reçu le plus de vaccins au monde contre cette infection.
Je ne voudrais pas éluder la question de la réintégration des soignants, mais elle n'a pas été posée au Covars. Nous attendons que la HAS, saisie sur ce sujet, se prononce. L'un de vous a évoqué la cohérence de la parole, à laquelle nous sommes très attachés. Nous avons choisi de procéder par des avis collégiaux. Nous exprimons nos opinions de manière collégiale. Surtout, nous sommes très préoccupés par les interactions du Covars avec les autres institutions, que nous rencontrons régulièrement. Nous avons le projet d'établir des recommandations communes sur les vaccins, et le ministre nous encourage largement à adopter cette pratique. Nous allons œuvrer à faire du Covars un interacteur entre les différentes agences pour défendre une parole commune. Je suis en effet d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un moyen efficace de rétablir la confiance.
Vous nous avez aussi interrogés sur les risques climatiques et sur la définition d'une crise sanitaire. M. Rémy Slama va vous répondre.
Étymologiquement, la crise renvoie à une période où le discernement est nécessaire. La crise est un moment de difficulté ou de danger intense. Elle peut survenir du fait de risques infectieux dont la visibilité est importante. Il ne faudrait cependant pas que notre comité se limite à ces épisodes intenses d'origine infectieuse. Une crise peut autant renvoyer à 5 000 décès sur une zone limitée dans une période brève qu'à 500 décès par mois liés à un facteur présent de manière plus diffuse pendant dix mois. L'impact de santé publique est en effet le même. Nous ne devons pas nous arrêter aux crises visibles par tous, mais également identifier les facteurs émergents dont les effets sur la santé cumulés dans le temps seraient tout aussi importants que ceux d'enjeux infectieux émergents. Le rôle de la recherche scientifique est de rendre ces enjeux visibles grâce à des outils de mesure adéquats, qui pourront par la suite être intégrés au système de surveillance de l'environnement et sanitaire. Nous sommes conscients des enjeux que revêtent les catastrophes invisibles, qu'évoquait Mme Rousseau en faisant référence aux facteurs chimiques. Si nous avions entamé nos travaux au XXe siècle, nous aurions probablement dû nous pencher sur les questions liées à l'amiante, aux comportements addictifs comme le tabac, aux rayonnements ionisants, aux polluants organiques persistants, aux pesticides organochlorés et organophosphorés, aux perturbateurs endocriniens dont le bisphénol A, dont l'Assemblée s'est saisie, ou encore au changement climatique, dont l'impact sanitaire est établi. L'émergence est donc notre mot-clef. La nouveauté du problème et son impact de santé publique potentiel forment notre première préoccupation. Cependant, les thématiques et les missions du Covars ne se limitent pas aux agents de nature infectieuse.
Le Covars est nommé pour deux ans. Nous avons donc prévu de travailler sur des objectifs de court ou de moyen terme, et non sur des risques sanitaires qui pourraient survenir dans les dix ans. Si nous devons répondre à des saisines qui concernent ces sujets, nous y répondrons. Toutefois, nous avons à cœur de travailler sur des problèmes qui risquent d'arriver dans la période qui nous incombe.
Vous avez fait allusion à l'organisation de la préparation contre les crises et risques sanitaires d'autres pays, en particulier des États-Unis et du Royaume-Uni. Nous reconnaissons qu'il s'agit de modèles en la matière. Le Sage a été créé après la crise de la vache folle au Royaume-Uni. Il représente l'association de Santé publique France, de l'Anses et d'autres organisations. La France a fait un choix différent en s'appuyant sur une diversité d'agences qui sont chacune impliquées dans l'alerte, la veille et la préparation, plutôt que sur un seul organisme. Le rôle du Covars est précisément d'interagir avec ces différentes agences afin de faire gagner le système en cohérence.
Nous rêverions bien entendu de disposer d'une structure équivalente au Barda. Toutefois, une telle structure s'envisagerait à l'échelon européen. L'échelle européenne est très importante, car les virus n'ont pas de frontière, pas plus que les patients. Il n'y a donc pas de raison de limiter la réflexion sur la santé au cadre strictement national. Nous avons la responsabilité d'organiser des réunions mensuelles avec des conseils scientifiques européens sur la covid. La prochaine aura lieu mardi prochain. Le professeur Lina représente le Covars à l'Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire. Nous sommes donc présents dans les institutions européennes, et le serons de plus en plus. La vision européenne est primordiale pour préparer et prévenir les crises sanitaires.
La meilleure manière de lutter contre le covid long est de se vacciner, de ne pas être malade, et de se traiter le plus rapidement possible lorsque l'on est malade. Des traitements sont disponibles. L'incidence du covid long est très faible, grâce à la vaccination et aux traitements. Il existe toutefois des patients atteints de covid long. Le covid long reste une énigme scientifique et médicale. Personne ne sait très clairement ce qu'est la physiopathologie du covid long. Des études sont conduites à l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, appuyées sur des cohortes pour analyser les causes du covid long. Nous avons prévu d'auditionner les associations de patients atteints de covid long en janvier 2023.
L'une des différences entre le Conseil scientifique et le Covars est que ce dernier a un pied dans le monde de la recherche. Dans le cadre du covid long, nous serons des instigateurs de la promotion de la recherche autour du covid long, afin d'organiser et de structurer cette dernière. Notre rôle consiste également à apporter des propositions, ensuite relayées aux agences de moyens, pour mener des recherches sur les sujets de notre périmètre.
Selon le décret du 30 juillet 2022, le Covars est notamment chargé d'assurer une veille scientifique sur les risques sanitaires liés aux polluants environnementaux. Les maladies respiratoires ne sont pas sans lien avec la qualité de l'air et la pollution. J'ai eu l'occasion d'animer la semaine dernière à l'Assemblée nationale une réunion avec la professeure de pneumologie Chantal Raherison-Semjen sur la qualité de l'air et la santé respiratoire. 52 % de la population rencontre des problèmes respiratoires récurrents. Les pathologies liées à la respiration constituent un enjeu de santé publique majeur. Ainsi, le Covars a-t-il prévu de se saisir de ce sujet majeur ? Quelles sont vos recommandations pour prévenir et mieux connaître – et faire connaître – les maladies respiratoires, et accompagner plus étroitement les patients qui en sont atteints, et dont la fin de vie est particulièrement difficile ?
Les préoccupations du Covars concernent les maladies émergentes. Il revient à la direction générale de la santé de prendre en charge l'ensemble de la prévention des maladies chroniques.
Beaucoup de facteurs de risques de pathologies très graves, et qui sont à l'origine d'un lourd fardeau pour notre système de santé, comme la bronchopneumopathie chronique obstructive ou le cancer du poumon, ne sont pas émergents. Je pense notamment au tabac ou aux polluants présents et identifiés dans notre environnement depuis au moins 1930. Au-delà d'agents infectieux émergents, qui peuvent entraîner certaines pathologies respiratoires non chroniques, ce sujet doit donc faire l'objet de la surveillance et du traitement, et concerne les agences du ministère de la santé et de la prévention.
Votre comité succède au Conseil scientifique, institution incontournable, mais temporaire, pour conseiller le Gouvernement face à la crise du covid-19. Dans une volonté de pérennisation de votre action, vous avez repris les missions du Conseil scientifique et les avez étendues à tout type d'épidémies, telles que la variole du singe, la grippe ou la bronchiolite. S'agissant de ces sujets, nos compatriotes ont besoin d'une information fiable et régulière, en particulier face à la désinformation persistante. L'application TousAntiCovid a été à ce titre bien utile dans ce domaine durant la crise sanitaire que nous avons traversée. Elle semble désormais peu consultée, bien qu'elle reste actualisée.
Dans le cadre de vos missions, votre comité peut-il également se saisir de la question de la communication via les outils existants ou le développement d'outils numériques complémentaires, pour mieux informer les Français concernant la réalité des vagues de la covid-19, mais aussi d'autres vagues épidémiques ?
La communication est un sujet capital. Nous souhaitons également que tous les outils existants qui ont montré leur performance puissent être utilisés pour la covid et étendus à d'autres pathologies. Dans le cas de la variole du singe, la communication a été efficacement relayée, car la population touchée était spécifique et qu'elle a pu recevoir des informations de la part des associations, très présentes sur le terrain. Cette communication a permis la réduction des risques comportementaux. Lorsqu'une infection touche la population générale, il est beaucoup plus difficile de communiquer. Nous mettons donc en exergue des recommandations de communication avec des instruments modernes et faciles à comprendre pour la population.
Nous avons évoqué la vaccination pour les plus de 60 ans et les personnes à risque. Qu'en est-il de l'intérêt de la vaccination du reste de la population ? Un effet d'entraînement pourrait en effet en résulter.
Vous devez vous préoccuper des maladies émergentes, auxquelles les réponses, en matière de technologies, sont elles-mêmes émergentes. Vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas vous exprimer sur la réintégration du personnel de santé non vacciné. Pour autant, parmi les facteurs de réticence envers la vaccination étaient évoqués les doutes sur l'ARN messager. Des évaluations ont-elles été menées sur les effets secondaires de cette technologie ?
Par ailleurs, la transmission et l'infection restent possibles malgré la vaccination. La réduction d'émissions de particules virales grâce à la vaccination a-t-elle été évaluée ?
La technologie des ARN messagers est une véritable révolution, préparée par cinquante ans de recherche. Les réticences de la population, en particulier française, vis-à-vis de cette technologie doivent être appréhendées dans le contexte d'une réticence vis-à-vis de la science. Je pense qu'un important effort de formation et d'information doit être mené dès l'école, afin d'apprendre à connaître les bénéfices et les dangers des recherches scientifiques, surtout lorsqu'elles aboutissent à des avancées médicales de ce type. La technologie des ARN messagers est le sujet de notre troisième saisine. Elle permettra des avancées importantes dans le domaine des vaccins en général, mais elle ne représentera pas la réponse absolue à tous les risques infectieux. Cette technologie présentera un avantage pour répondre aux infections émergentes nouvelles, puisqu'il s'agit de la seule technologie qui permette de produire un vaccin en moins d'un an. Il n'est toutefois pas question pour la communauté médicale et scientifique d'abandonner les autres vaccins et les autres stratégies de vaccination.
Nous ne pouvons calculer avec précision le niveau de réduction de transmission du virus, car il dépend de très nombreux facteurs. Nous ne disposons que d'éléments de réponse qui ne sont pas très robustes. Toutefois, il a été démontré que le taux d'infections secondaires à partir de populations vaccinées était inférieur à celui observé au sein de populations non vaccinées. Cependant, cette étude a été réalisée à une époque où il existait des populations immunes et des populations non immunes. Désormais, nous sommes quasiment tous immunisés, par la vaccination ou par une infection. L'effet de réduction de transmission était toutefois démontré. Récemment, un travail a été publié aux États-Unis, montrant que lorsqu'un individu est proche d'un rappel vaccinal, notamment dans le cas d'un vaccin bivalent, la réduction de transmission est de l'ordre de 10 à 15 %. Une vaccination récente permet donc de réduire la transmission. Cette étude est cependant observationnelle et peut comporter des biais. Il est impossible de définir le niveau de transmission comparable entre deux populations strictement équivalentes. Nous souhaiterions pouvoir mener ce travail de recherche, mais pour l'heure, nous disposons seulement de tendances, et non pas de données brutes ni de certitudes absolues.
Je souhaiterais revenir sur la composition du Covars. J'ai bien compris que vous ne pouviez faire siéger que seize spécialistes, et je suppose que le choix était délicat, bien que nourri de l'expérience du Conseil scientifique de la covid-19. Il a fallu attendre un an avant qu'un gériatre ne soit intégré à ce dernier, alors même que le virus touchait particulièrement les personnes âgées. Votre comité compte un urgentiste et un généraliste. Cependant, dans les enjeux de la prise en charge, le secteur de la santé ne peut pas être déconnecté à ce point du secteur médico-social. Or, ce dernier est absent, y compris sur les aspects de recherche. Pourrez-vous intégrer cette dimension à votre comité ?
Par ailleurs, vous avez appelé de vos vœux la réouverture des centres de vaccination pour intensifier le rythme des nouvelles injections, en appelant les maires à l'opérer. Cependant, pour cela, les ARS doivent aussi être mobilisées.
Enfin, vous héritez du comité sur la stratégie vaccinale. Face à l'épidémie de grippe, est-il envisageable que vous saisissiez de l'obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants ? Cette dernière est notoirement insuffisante. Le législateur avait voté en sa faveur. Les décrets ont été pris et retirés.
Vous savez sans doute que le Comité consultatif national d'éthique a été saisi de cette question, de même que la HAS. Nous avions convenu avec le ministre qu'il fallait éviter les doubles ou triples saisines afin d'assurer une cohérence de la réponse. Ce sont donc ces instances qui se penchent sur l'obligation vaccinale vis-à-vis de la grippe, qui ne fait pas partie du domaine de compétences du Covars.
Vos propos sur les aspects médico-sociaux sont justes. Le décret avait prévu que le Covars compterait seize membres. Le champ disciplinaire de nos missions était si vaste que nous avons choisi de privilégier l'expertise scientifique et médicale la plus généraliste possible. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas choisi de faire siéger un gériatre, mais plutôt un généraliste et un urgentiste. Néanmoins, en cas de crise spécifique, le décret prévoit que nous puissions nous adjoindre des experts spécifiques – et nous le ferons. Surtout, nous consultons des experts. S'agissant de l'infection à monkeypox, nous avons consulté une spécialiste des infections sexuellement transmissibles. Nous avons donc cette liberté.
J'aurais souhaité qu'un représentant du corps infirmier fasse partie du Covars. Nous avons donc conclu que dès que des questions se poseraient sur le plan médico-social, nous ferions appel au représentant des corps infirmiers qui m'avait contactée. Par ailleurs, Mme Loyer, représentante des citoyens, fait partie d'une association qui représente l'aller-vers, en particulier de la Fondation Claude Pompidou. Elle représente ainsi une certaine forme de dimension médico-sociale. Le décret avait prévu un nombre limité de personnes afin que le comité puisse travailler le plus rapidement possible, mais nous avons la possibilité de nous adjoindre des spécialistes.
Je voudrais vous interroger sur le lien entre l'instance que vous présidez et les politiques. Nous nous souvenons de la difficulté qu'a rencontrée le Conseil scientifique à éviter de se faire instrumentaliser par les médias ou par les politiques tout en restant audible. Dans cette pandémie et dans les autres crises sanitaires que nous aurons à vivre, il est nécessaire d'entendre la voix des scientifiques. Jean-François Delfraissy a déploré à diverses reprises le manque de culture scientifique d'un certain nombre de nos concitoyens, ce qui pose, également, la question de la confiance.
S'agissant de la réintégration des soignants non vaccinés, vous avez déclaré qu'il s'agissait d'une décision politique, mais, dans le même temps, que cette question relève de la responsabilité du soignant vis-à-vis de ses malades pour les protéger et se protéger. Vous avez ainsi déclaré : « nous considérons que les soignants doivent être vaccinés ». Vous allez dans le même sens que le professeur Delfraissy lorsqu'il a été interrogé sur cette question. Pour ma part, je suis surprise quand j'entends certains de mes collègues tels que M. Frappé dire que les connaissances épidémiologiques de la vaccination ne permettent pas le maintien de l'obligation. Je crois que face à ce type de propos, le rôle des scientifiques est de s'indigner et de rappeler la vérité scientifique. Je vous remercie d'avoir rappelé les risques de décès et d'hospitalisation accrus en cas de non-vaccination. Il me paraît important de vous entendre plus régulièrement sur la comparaison des effets secondaires du vaccin et des risques induits par la maladie.
Concernant le lien avec les politiques et les médias chargés de la communication, nous sommes une instance indépendante. Nous émettons un avis, que nous adressons à nos deux ministres. Pour l'heure, ces avis ont été publiés dans un délai de deux à trois jours, comprenant parfois les week-ends. Nous n'avons donc pas à déplorer de difficultés de communication, mais il est vrai que nous avions beaucoup insisté sur ce point. Nous avons par ailleurs pris la décision de réaliser une conférence de presse systématique à l'issue de chacun des avis, de manière à pouvoir parler de façon indépendante. En effet, ces conférences, qui ont lieu par visioconférence afin de se dérouler dans un lieu neutre, ne sont pas organisées par les ministères. Nous pouvons ainsi échanger avec les journalistes et les informer aussi clairement que possible sur le contenu de nos avis.
Un article a été publié ce matin dans un grand journal international rappelant, à partir d'une très large étude au sein de la population, qu'il n'y a pas d'augmentation des effets secondaires liés au deuxième ou au troisième rappel de vaccin. Ces vaccins sont très bien tolérés par les populations éligibles à ces vaccins.
Avec l'apparition de la covid-19, c'est toute la question des zoonoses qui a émergé auprès du grand public. Pour rappel, nous appelons zoonoses ces maladies infectieuses liées à des virus, des bactéries, des parasites, des champignons ou des prions que les animaux vertébrés peuvent nous transmettre. Or, nous constatons depuis une cinquantaine d'années que la fréquence des épidémies liées à ces maladies s'emballe, particulièrement au cours de la dernière décennie avec les émergences successives d'Ebola, de zika, du chikungunya, et, finalement de la covid-19 ou encore du monkeypox.
D'après l'Organisation mondiale de la santé animale, 60 % des maladies infectieuses humaines sont zoonotiques. L'une de vos missions, depuis juillet dernier, est justement d'assurer une veille scientifique sur ces risques sanitaires liés aux agents infectieux, atteignant l'homme et l'animal, qui sont pour la plupart intrinsèquement liés au changement climatique. Malheureusement, la conséquence est telle que le risque d'émergence de nouvelles maladies dans les années à venir, notamment dans l'hémisphère sud, est considéré comme élevé et pourrait nous confronter à de plus en plus de situations comme celle que nous traversons depuis 2020.
À cet égard, quels sont les risques sur lesquels vous effectuez à ce jour une veille ? À quoi devons-nous nous préparer pour les prochaines années ? Quels sont vos liens avec l'Anses, qui mène des programmes de recherche sur les zoonoses et développe des outils de diagnostic, permettant notamment la détection et la surveillance de ces pathogènes ?
Nos liens avec l'Anses sont très étroits. Nous mènerons des groupes de travail conjoints, et nous nous rencontrerons au moins une fois par trimestre afin de vérifier la cohérence des projets que nous conduisons.
Se projeter sur un risque zoonotique revient à anticiper un risque inconnu. Même si nous parvenons à monter un système de surveillance permettant d'identifier une concentration microbienne dans un écosystème particulier, le travail d'inventaire devra être mené avec de nombreux interlocuteurs du sud. C'est la raison pour laquelle figurent au comité des représentants du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et que nous sommes en contact avec l'Institut de recherche pour le développement et l'Institut Pasteur en outre-mer, qui nous fournissent des informations sur les régions du sud.
Nous sommes préoccupés par l'influenza aviaire. Les risques sont de plus en plus importants. Nous ferons rapidement des propositions à ce sujet.
Nous avons également entamé une réflexion de fond sur les vecteurs de ces virus potentiellement zoonotiques. Nous avons décidé de travailler en suivant les logiques de mécanisme de transmission plutôt que celle des pathogènes. En réussissant à bloquer le risque de transmission en maîtrisant le risque au niveau du vecteur, nous pouvons empêcher la contamination humaine. Ce travail est à la fois ciblé sur certains pathogènes, lorsque la réponse doit être rapidement apportée, comme dans le cas de l'influenza aviaire, et plus général, lorsque nous nous intéressons par exemple à la vectorisation de pathogènes via les insectes vecteurs et l'épidémiologie en amont sur les zones présentant un risque d'émergence.
Le Covars est un organisme indépendant qui s'adaptera à toutes les crises et à tous les risques qui seront identifiés. C'est une vraie représentation de la démocratie sanitaire, qui rétablira la confiance dans le domaine sanitaire dans le pays.
J'aimerais savoir comment vous entendez communiquer auprès du grand public. Pour l'heure, vous êtes inaudibles. Comment rétablirez-vous cette confiance ? Vous adresserez-vous au public via les ARS, via le ministère, ou de manière indépendante ?
Nous ne prétendons pas résoudre l'ensemble des questions sanitaires à nous seuls. La communication est en effet un enjeu majeur. Elle doit être importante, mais de qualité. Nous veillons donc à la qualité et à l'intégrité de notre communication. C'est la raison pour laquelle nos avis sont publiés. Deuxièmement, nous avons mis en place des conférences de presse pour informer les médias de nos avis et échanger avec des journalistes. Nous participons, à chaque fois que cela nous est demandé, aux réunions des ARS. J'ai ainsi récemment assisté à une réunion de l'ARS Corse au sujet des vaccins. Nous sommes à la disposition de toutes les institutions françaises qui nous solliciteraient. Nous sommes tous en mesure de partager une parole collégiale : je ne prétends pas restreindre la communication à moi seule. Nous n'avons pas de site interent ni de réseau social. Nous ne pensons pas qu'il s'agisse de la bonne manière de communiquer.
Vous avez parlé de démocratie sanitaire. Nous sommes avant tout un organe scientifique. Dans notre premier avis, toutefois, nous avons rappelé l'importance d'impliquer la société dans les décisions et leur construction. D'autres organes sont plus spécifiquement dédiés à la démocratie sanitaire. Je pense notamment à la Conférence nationale de santé, où les corps constituants sont plus largement représentés. Leur rôle est essentiel, comme l'a montré leur travail durant la crise du covid.
La communication dans le monde des médias tels qu'il s'est construit depuis plusieurs décennies nécessite des efforts particuliers. Les scientifiques sont sélectionnés sur leur aptitude à communiquer sur un format très codifié dans des colloques et dans des formats particuliers, à l'opposé des discussions sur les réseaux sociaux et du monde public. Réussir à mieux communiquer sur la science implique d'avoir davantage de scientifiques spécialisés dans chacune des thématiques importantes, de leur laisser du temps, et de disposer de services de presse plus étoffés à tous les niveaux, au-delà de l'effort de formation de l'éducation nationale que nous avons mentionné. Si nous sommes prêts à travailler sur ce point, il faut garder à l'esprit ce tournant indispensable pour que la science reste audible dans la société.
Ma question concerne le covid. On parle d'une neuvième vague. Cependant, les pics sont de plus en plus faibles, tout comme l'incidence hospitalière qu'ils engendrent, que le pass existe ou non. Quel est l'état de la situation hospitalière ? Légitime-t-elle d'éventuelles nouvelles mesures sanitaires contraignantes ? Ces contraintes sont-elles prises en compte, à la fois sur le plan économique – en raison de l'arrêt des activités –, mais également sanitaire ? Je pense notamment à l'impact de la sédentarité des plus jeunes.
La dimension sociétale des recommandations que nous émettons nous préoccupe tout autant que leur dimension scientifique. Vous avez raison : grâce à la vaccination et à l'immunité collective des populations mondiales, nous constatons un amoindrissement progressif de la sévérité des vagues de covid. Néanmoins, la France déplore toujours cent décès par jour liés au covid. Ces décès sont essentiellement le fait de personnes qui n'avaient pas vaccinées, qui avaient été vaccinées il y a longtemps, ou, surtout, de personnes trop fragiles pour répondre fortement aux vaccins. Je pense particulièrement aux patients immunodéprimés, qui n'ont pas les moyens de répondre correctement aux vaccins parce que leur système immunitaire ne fonctionne pas. La sévérité probable des vagues de covid diminue donc, mais leur gravité reste importante et ne saurait être négligée. Dans une phase de recirculation active du virus – cette formulation nous paraît plus adéquate que celle de neuvième vague –, il nous paraît nécessaire de renforcer les mesures de prévention, qui intègrent le port du masque, la vaccination, le traitement et les gestes barrières.
Nous avons pesé les avantages et les inconvénients de mesures coercitives concernant le port du masque, en prenant en compte son impact sociétal. Notre avis sera public la semaine prochaine sur ce sujet.
Vous menez un Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires. Je constate cependant que vous semblez très occupés par la gestion des épidémies actuelles, dont on peut se demander, d'ailleurs, si elles ne sont pas devenues pour certaines saisonnières et n'appellent pas une gestion de droit commun. Votre attention est concentrée sur les vagues en cours et votre activité relève peut-être davantage de la surveillance épidémiologique que de la veille et de l'anticipation.
Dans quelle mesure appréhendez-vous ces missions de veille et d'anticipation pour les risques sanitaires nouveaux et exceptionnels ? Dans quelle mesure œuvrez-vous avec vos équivalents pour éviter que nous subissions à nouveau les conséquences du défaut de veille et d'anticipation qui a été constaté dans le cadre de la covid ? En effet, l'actualité internationale laissait présager l'épidémie dès le mois de décembre 2019.
Nous sommes assez préoccupés par l'épidémie actuelle, au point que nous nous sommes à nouveau autosaisis de ce sujet. En même temps, nous travaillons sur deux autres saisines, qui concernent les risques à venir. La première concerne les risques sanitaires liés à des maladies à transmission vectorielle, notamment ceux associés au réchauffement climatique et aux migrations vers le nord – et notamment vers la France métropolitaine – de moustiques infectés et porteurs de virus. En ce sens, nous travaillons sur des risques épidémiques à venir. En outre, nous sommes saisis sur le futur des vaccins à ARN messager. Même si nous n'avons pas encore rendu notre avis, nous considérons que ces vaccins auront un rôle à jouer dans la prise en charge des futures crises sanitaires liées à des agents infectieux inconnus. Nous allons travailler sur d'autres risques sanitaires, comme la grippe aviaire.
Comme je l'ai indiqué, le Sage, qui est un outil d'anticipation et de veille sanitaire remarquable, a été créé à l'issue de la crise de la vache folle. Les crises sanitaires ont la vertu de contribuer à la création d'organisation pour mieux préparer les crises suivantes. Ainsi, l'épidémie d'Ebola a permis à l'OMS d'adopter des actions de préparation. Cependant, nous ne pouvons tout prévoir ; aussi travaillons-nous sur les moyens de répondre aux épidémies que nous n'aurions pas prévues.
Il me semble important de redonner de la sérénité et du pragmatisme dans le débat. Il est également nécessaire de renforcer la confiance dans la science, et, à ce titre, je vous remercie sincèrement de votre présence ce soir au sein de notre commission. L'anticipation, qui repose sur la responsabilisation et l'appui sur les acteurs médicaux, est importante vis-à-vis du public cible, et primordiale pour arriver à transmettre un message. J'ai bien entendu l'absence de nécessité d'une vaccination généralisée, et, à mon sens, il faut faire preuve d'une vraie pédagogie pour que la population comprenne les intérêts personnels et collectifs de la vaccination. Existe-t-il un intérêt de dosage sanguin pour connaître le taux d'immunité avant de procéder à un rappel chez les publics à risque ?
Il n'y a pas de dosage d'anticorps qui permette de mesurer le niveau de protection. Les niveaux de protection contre les variants ne cessent d'évoluer. Nous n'avons donc pas de corrélats de protection, ce que nous regrettons. Il est donc inutile de procéder à un dosage d'anticorps pour savoir si un individu est ou non protégé, pour des raisons scientifiques et non économiques. Nulle part au monde, ces dosages ne sont préconisés.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– M. Christophe Bentz rapporteur de la proposition de loi visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % (n° 578) ;
– Mme Laure Lavalette rapporteure de la proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médico-sociaux (n° 553).
Présences en réunion
Présents. – M . Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Sébastien Delogu, M. Pierre Dharréville, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, Mme Katiana Levavasseur, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet
Excusés. – M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Karen Erodi, Mme Servane Hugues, M. Jean-Philippe Nilor, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. – Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Fabien Di Filippo, M. Vincent Seitlinger