Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réunion du mardi 14 mai 2024 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures trente

Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente

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Mes chers collègues, nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui des femmes qui ont marqué leur ministère par leurs initiatives. Nous sommes particulièrement fiers de les recevoir dans le cadre de cette mission et tenons à leur exprimer notre gratitude pour leur disponibilité. Nous souhaitons aujourd'hui échanger sur la thématique du développement du sport féminin, un sujet auquel nous accordons une grande attention, particulièrement en cette année olympique.

Cette mission d'information, consacrée à la pratique sportive des femmes, rendra ses conclusions d'ici au 4 juin prochain. Au cours de nos soixante-dix auditions, nous avons pris conscience des progrès réalisés, mais également du chemin restant à parcourir afin que les femmes prennent pleinement leur place dans le monde du sport. Nous envisageons de proposer des recommandations pratiques susceptibles d'être mises en œuvre rapidement. Les trois grands axes de travail identifiés sont l'éducation, la gouvernance et le financement. L'objectif de cette audition est de vous entendre sur vos expériences, la place des femmes à votre arrivée à la tête du ministère des sports, les mesures que vous avez mises en place pour augmenter la pratique féminine et permettre aux femmes d'accéder à des postes de direction, mais également sur votre perception de ce qui doit encore être accompli.

Ma question porte sur l'éducation, un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Nous avons constaté que l'écart de pratique sportive entre les filles et les garçons commence dès l'âge de cinq ans. Les garçons sont encouragés à pratiquer un sport, à bouger, à s'approprier l'espace, à organiser les équipes, contrairement aux filles. Cet écart ne cessant de s'accentuer avec le temps, il me semble essentiel d'encourager les filles à prendre goût au sport dès l'école primaire. Quels sont, selon vous, les meilleurs moyens d'y parvenir ? Le design actif, fréquemment évoqué dans les cours de récréation, peut-il être un levier ? Nous pensons qu'il devrait être complété par une sensibilisation accrue des enseignants du premier degré à cette problématique. Qu'en pensez-vous ?

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Marie-George Buffet, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Je souhaite partager avec vous les mots de Béatrice Hess, la Française la plus titrée de l'histoire des Jeux olympiques en paranatation, qui disait : « dans une piscine, mon corps est libre. Je prenais le contrôle de mon corps. Il pouvait enfin s'exprimer. J'étais libre ». Ces propos illustrent parfaitement le combat des femmes pour un accès libre à toutes les pratiques sportives. En effet, rappelons-nous, à quelques semaines de l'ouverture des JOP de Paris, que ces jeux, dont nous vantons les valeurs, n'ont pas toujours été ouverts aux femmes. Aujourd'hui encore, en France et dans le monde, des filles et des femmes sont exclues des stades. Des progrès ont néanmoins été réalisés puisque nous aurons, aux JOP 2024, une quasi-parité entre les athlètes, alors qu'en 1968, seules 38 % de femmes figuraient dans les délégations. Ce combat pour l'égalité est toujours d'actualité à travers le monde, en raison du rôle assigné aux femmes dans les sociétés, à l'image de nos sœurs afghanes et iraniennes. À l'approche des JOP, de nombreuses associations et collectifs se mobilisent, dont une grande marche le 23 juin, pour obtenir du Comité exécutif olympique (CEO) une véritable mixité dans toutes les délégations ainsi que l'exclusion des délégations provenant de pays interdisant la pratique sportive féminine.

En France, seuls 39 % des licenciés sont aujourd'hui des femmes. Concernant les postes de présidence des clubs et des fédérations, seuls 16 % sont occupés par des femmes. En revanche, elles sont 26,9 % à être trésorières et 36,5 % secrétaires. Seules 18 fédérations agréées sur 119 sont présidées par une femme, et on dénombre seulement trois présidentes de fédérations olympiques. Je rappelle le bref passage de Brigitte Henriques en tant que présidente du CNOSF, première femme élue à ce poste.

Les travaux du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport ont mis en lumière l'absence de démocratie et de renouvellement dans les instances sportives, conduisant à la perpétuation de comportements non respectueux de l'intégrité des pratiquantes ou des dirigeantes. Le Comité a donc proposé de nouvelles règles électorales, avec l'installation d'un scrutin sur liste, la représentation de toutes les listes, y compris dans les bureaux exécutifs des fédérations, et la généralisation de la parité pour 2024 et 2028. Afin de permettre un accroissement du nombre de femmes dans les organes de direction, il a également suggéré des mesures d'aide et d'incitation au bénévolat, telles que l'indemnisation des bénévoles occupant des postes de direction ou les décharges horaires.

Nous avons besoin d'une refonte des formations des encadrants du mouvement sportif, des entraîneurs et des conseillers techniques sportifs, qui peinent aujourd'hui à comprendre les missions qu'ils doivent remplir au nom de l'État. Ces formations doivent prendre en compte la préservation de l'intégrité physique et psychique des pratiquants, mais également la spécificité de la pratique sportive des filles, qui quittent encore massivement les clubs au moment de leur puberté. Les questions des règles, des cycles et des changements du corps féminin doivent être prises en compte afin d'améliorer le bien-être des femmes. Le comité a également proposé de revoir les comités d'éthique en leur confiant davantage de pouvoir et en renforçant leur indépendance, et de créer un comité d'éthique suprafédéral au niveau du CNOSF, pour permettre le signalement de toute atteinte à l'intégrité physique ou psychique des sportives. Nous estimons également nécessaire de mettre en place une agence indépendante chargée des délits sexistes et des crimes sexuels. Si le monde du sport est une belle famille, il est encore trop refermé sur lui-même, freinant ainsi la libération de la parole des victimes au sein des fédérations.

Nous devons également donner de la visibilité aux femmes dans toutes les pratiques. C'était le sens des Assises nationales « Femmes et sport » en 1999, ainsi que de la loi du 6 juillet 2000 qui réaffirme la nécessité d'un accès égal des femmes à la pratique comme aux responsabilités. Aujourd'hui encore, le fait que le sport féminin soit seize fois moins retransmis dans les médias que le sport masculin joue sur les représentations du sport chez les filles et leurs parents. Il serait souhaitable de revenir sur le décret relatif aux conditions de retransmission des événements sportifs pour l'élargir et permettre une meilleure visibilité du sport féminin. À titre d'exemple, la retransmission télévisuelle du Tournoi des six nations de rugby féminin a eu d'importantes conséquences sur l'adhésion des filles aux clubs. Je pense également qu'il est nécessaire de poursuivre le combat contre tous les effets de la domination patriarcale. Un autre enjeu est celui de l'enseignement, avec un élargissement du nombre d'heures d'EPS dans le secondaire, et la question de l'enseignement du sport à l'école primaire qui mérite d'être débattue. Il est en outre nécessaire de poursuivre le combat pour appliquer les règles olympiques, notamment la règle relative à l'interdiction de la propagande politique, religieuse ou raciale au sein des compétitions sportives. Ainsi que l'a rappelé Mme la ministre, la délégation française aux JOP ne comportera aucun signe religieux. Je pense enfin qu'il faut aider à la prise de parole des athlètes et libérer la parole des pratiquantes et pratiquants. Les organisations existantes, qui sont aujourd'hui peu visibles et peu audibles, pourraient par exemple tenir des assises afin de se faire entendre des instances fédérales comme du ministère et de l'État.

En conclusion, je pense que nous avons besoin d'un grand débat citoyen sur les enjeux du développement du sport et sur l'accès de tous et toutes à la pratique sportive dans notre pays. Les JOP pourraient en fournir l'occasion idéale.

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Le fait que les assises remontent à 1999 témoigne de l'ancienneté de cette question.

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Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Je souhaite revenir en arrière afin d'examiner ce qui a été réalisé et ce qui a été difficile à mettre en œuvre. En 2012, lorsque j'étais ministre des droits des femmes, la question de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le sport s'est rapidement posée. Les chiffres parlaient alors d'eux-mêmes, puisque seules douze fédérations sportives approchaient la parité dans leur comité directeur, tandis que les clubs féminins étaient scandaleusement sous-financés, tant par les sponsors privés que par les subventions publiques. La couverture médiatique du sport féminin était également déséquilibrée, avec 85 % du temps médiatique consacré au sport masculin et seulement 9 % des articles de presse sportive signés par des journalistes femmes.

Face à cette situation, nous avons élaboré une feuille de route transversale pour tenter de résoudre ces difficultés. Afin de tendre vers l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine sportif, nous avons identifié trois axes : celui du terrain, avec une pratique sportive paritaire, celui des écrans et de la médiatisation, et enfin celui des instances dirigeantes du monde sportif. Sur le terrain, le nombre de femmes pratiquant un sport ou s'impliquant dans la vie d'un club par des fonctions d'arbitrage ou d'encadrement était clairement insuffisant. Les pratiques sportives étant largement genrées, avec par exemple 80 % de femmes en équitation et 95 % d'hommes en rugby, nous avons demandé aux fédérations sportives de nous présenter des plans de féminisation. Un an plus tard, 65 % de ces plans avaient été adoptés.

Le sujet de la médiatisation du sport féminin est essentiel, en ce qu'elle contribue à renforcer l'appétence et les projections du public. Nous avons ainsi acté la révision de la directive européenne dite « Télévision sans frontières », qui liste les EMI devant être diffusés gratuitement, afin d'y introduire davantage de sport féminin. Nous avons également organisé, pour la première fois, les 24 heures du sport féminin, un événement devenu depuis récurrent et visant à donner davantage de visibilité au sport féminin. Ce travail nous a conduits à renforcer, dans la loi du 4 août 2014 relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en matière de respect de l'équilibre dans la représentation femmes-hommes à la télévision, et de vigilance en matière de discours sexistes.

Nous avons, enfin, travaillé sur l'égalité par le sommet, en renforçant la présence des femmes dans les instances dirigeantes du monde sportif. À ce moment-là, les fédérations sportives devaient respecter uniquement le principe de proportionnalité entre le nombre de femmes licenciées et le nombre de dirigeantes, et seules un tiers d'entre elles le respectait en pratique. Nous avons donc étendu, dans la loi de 2014, l'objectif de parité à d'autres domaines que celui de la politique, y compris aux fédérations sportives. Nous avions fixé des objectifs à atteindre avant 2020, avec par exemple, pour les fédérations où la proportion de femmes est inférieure à 25 % de licenciées, l'obligation d'accueillir au moins 25 % de femmes dans leurs instances dirigeantes, et 50 % dans celles qui comptent une part de licenciées supérieure à 25 %. En cas de non-atteinte de ces objectifs, les fédérations encouraient le risque d'un retrait de leur agrément.

Je suis convaincue du lien direct entre ces trois axes d'action. En changeant la représentation au sommet, nous changeons la pratique sur le terrain et l'appétence pour la couverture médiatique du sport féminin.

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Roxana Maracineanu, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Je tiens à souligner l'importance de cette audition, qui permet d'insister sur la continuité de notre action.

Selon moi, le sport s'inscrit dans la société et en est le reflet. Les sportifs et sportives peuvent jouer un rôle de modèle et véhiculer l'image de l'égalité entre les femmes et les hommes. Mon expérience d'athlète m'a permis de constater que, malgré une pratique paritaire, l'encadrement et la gouvernance sont majoritairement masculins. À la fin de ma carrière sportive, j'ai créé une association pour promouvoir la pratique sportive chez les femmes, notamment après l'accouchement, un moment où elles ont besoin de sport et de se retrouver entre elles. Le monde du sport peut en effet favoriser le rapprochement entre les femmes, le partage et la sororité, qui sont encore trop peu proposés au sein du monde sportif fédéral. Je suis ainsi convaincue que la diversification de l'offre sportive et une plus grande féminisation de la gouvernance des fédérations peuvent contribuer à accroître l'offre et à attirer davantage de femmes.

L'égalité entre les femmes et les hommes a été l'un des fils conducteurs de mon mandat de quatre années au sein du ministère des Sports. J'ai eu la chance de pouvoir m'inscrire dans une dynamique porteuse en termes d'égalité femmes-hommes, grande cause du quinquennat du Président de la République et objectif affiché pour les organisateurs des JOP. Nous sommes parvenus à inscrire dans la loi une parité réelle, à 50 %, entre les femmes et les hommes dans les organes exécutifs des fédérations et des ligues sportives, au niveau national et régional, à partir de 2024 et à horizon 2028. Nous avons également réussi, grâce à la loi de 2022, à limiter le nombre de mandats à trois, brisant ainsi le plafond de verre pour les femmes à la tête des fédérations et des ligues. J'étais, à titre personnel, favorable à la proposition d'une alternance entre femmes et hommes pour les mandats des dirigeants, qui pourrait être reprise et expérimentée dans le cadre des travaux de cette délégation. Nous avons en outre élargi le système de vote, pour que la moitié des voix proviennent des clubs et l'autre des grands électeurs. En complément des plans de féminisation précédemment évoqués, la loi de 2021 acte, plutôt qu'un retrait de l'agrément, la possibilité de ne pas le renouveler en cas de non-respect des objectifs fixés. Nous avons par ailleurs inclus, au sein des contrats d'objectifs et de financement, un plan de prévention des violences, un plan d'engagement pour le développement durable, un plan de lutte contre toutes formes de discrimination et de violence.

Nous avons également travaillé sur l'inclusion du sport dans le système de santé. Certains sports, tels que la natation ou le vélo, sont désormais inclus dans le code de l'éducation en tant que savoirs fondamentaux, afin de contribuer à la lutte contre les difficultés rencontrées par les femmes dans l'accès au système de santé. Certains sports sont ainsi proposés en prévention ou dans leur dimension curative ou réparatrice, et pris en compte par les mutuelles et le système de sécurité sociale. La loi prévoit la possibilité d'une prescription de sport sur ordonnance pour un plus grand nombre d'affections de longue durée, qui concernent également les femmes. Nous avons mis en place des référents sport au sein des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, afin de garantir un meilleur accès à la pratique sportive. Nous avons également travaillé sur un guide relatif à la maternité pendant la carrière sportive.

Pour terminer, la lutte contre les VSS a été un volet prépondérant de mon action, et nous sommes passés de quelques cas à 2 000 cas traités aujourd'hui. J'estime qu'il s'agit d'un aspect fondamental de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous ne pouvons pas souhaiter que les femmes s'engagent dans le monde du sport sans commencer par les protéger. C'est pour cela que la loi de 2014, renforcée par la loi de 2022, qui impose la formation des éducateurs sportifs à ce sujet des violences, va nous être très utile. J'occupe actuellement un poste au sein de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), chargée de produire des outils de formation pour les professionnels de première ligne. J'ai mené un combat de quatre ans pour libérer la parole et combattre les VSS dans le monde du sport, que ce dernier doit encore s'approprier. Tous les corps de l'État sont aujourd'hui présents et engagés sur ce sujet de longue haleine, qui nécessite de poursuivre la formation et l'information.

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Je tiens à précise que nous avons décidé de concentrer cette mission sur le développement de la pratique féminine du sport. Nous souhaitons donc nous pencher davantage sur les questions d'éducation, de gouvernance et de financement. Mais la question de la lutte contre les VSS est évidemment essentielle. Nous avons fait le choix de ne pas l'aborder dans le rapport car elle avait été traitée dans d'autres cadres, notamment au sein de la commission d'enquête parlementaire dont nous rejoignons les préconisations.

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Je tiens à exprimer ma gratitude envers vous, mesdames les ministres, pour vos interventions, vos témoignages, et pour avoir rappelé l'exercice du pouvoir qui était le vôtre. Un chemin a été tracé, qui emporte la nation sur ce sujet et qu'il nous appartient de poursuivre en l'élargissant et en accélérant la cadence. Vos contributions nourrissent notre mission d'information, particulièrement à ce stade des recommandations. Vous avez toutes utilisé les termes d'engagement et de combat, soulignant qu'il s'agit d'une lutte à poursuivre.

Je souhaite revenir sur deux aspects de ces recommandations, qui concernent la gouvernance et le financement du sport. Au cours de votre mandat, vous avez toutes pris des mesures pour renforcer la place des femmes au sein des instances dirigeantes du sport français. Il semble cependant que le monde des hommes reste réfractaire à l'inclusion des femmes. La loi du 2 mars 2022 impose la parité dans les instances dirigeantes du CNOSF et du Comité paralympique et sportif français (CPSF), ainsi que pour les fédérations sportives. Elle laisse aux instances régionales jusqu'en 2028 pour se conformer à cette exigence, mais nous avons entendu, lors de nos auditions, que celles-ci ne seraient probablement pas prêtes à atteindre cet objectif, faute de candidates. Partagez-vous cette analyse sur le déficit de ressources humaines pour porter les responsabilités au sein des instances dirigeantes ? Selon vous, ce problème est-il dû à un vivier insuffisant de candidates ? Quelles recommandations pourriez-vous nous donner pour inciter les femmes à se porter candidates ?

Nous avons également entendu, lors de l'audition des sociologues du sport Mmes Béatrice Barbusse et Annabelle Caprais, qu'à chaque nouvelle norme succèdent des stratégies de contournement. Par exemple, le CNOSF, pour lequel l'exigence de parité porte notamment sur son bureau, compte actuellement 16 femmes pour 33 hommes au sein de son conseil d'administration. Cela démontre qu'en dépit des normes, des difficultés subsistent. Il a été rappelé que les femmes dirigeantes occupent souvent des postes de secrétaires ou de vice-présidentes sur des sujets considérés comme secondaires. Les hommes sont également plus nombreux à être trésoriers, laissant à penser que les finances d'un club doivent être gérées par des hommes. Dans ce contexte, pensez-vous qu'il soit nécessaire de revoir les règles d'élection ? Les prescriptions législatives devant être perpétuellement revisitées et remises à jour, pensez-vous que les textes que vous avez donnés à la France doivent être revus ? Le cas échéant, quels seraient les axes d'une réforme complémentaire ?

Je souhaite enfin aborder le sujet du financement, qui apparaît central dans cette question de la place des femmes dans le sport. Le chiffre d'affaires du sport féminin devrait dépasser le milliard d'euros au niveau mondial cette année. Vous aviez mis en place, madame Buffet, une taxe pour financer le sport amateur. Mesdames, pensez-vous qu'un dispositif similaire, portant sur le sport professionnel masculin et/ou féminin, mais qui inclurait un financement spécifique pour le sport féminin, serait souhaitable et aisément applicable dans notre pays ?

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Mesdames, votre détermination et votre engagement ont permis de faire avancer significativement la cause des femmes dans le sport et de briser les stéréotypes de genre persistants. Cette année, les Jeux olympiques de Paris sont une opportunité de mettre en lumière les progrès accomplis pour le sport féminin. Je me permets de rappeler une citation d'Alice Milliat, pionnière du sport féminin ayant contribué à imposer les premières olympiades féminines en 2022, qui affirmait que « le sport féminin mérite une place équivalente à celle du sport masculin dans la vie sociale, et devrait même passer au premier plan des préoccupations d'un gouvernement ». Ces propos, tenus en 1917, sont toujours d'actualité cent ans plus tard. Depuis 2017, le Président Emmanuel Macron a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son deuxième quinquennat. Récemment, les ministres Amélie Oudéa-Castéra et Aurore Bergé ont annoncé un plan d'action comportant dix-huit mesures concrètes autour de trois axes prioritaires : développer la pratique féminine à tous les âges de la vie, mieux accompagner les sportives professionnelles de haut niveau en matière de protection sociale, notamment en cas de maternité, et accroître la médiatisation afin de renforcer le modèle économique du sport professionnel féminin.

Cependant, malgré ces avancées, les stéréotypes de genre et les préjugés sexistes continuent d'entraver la progression des femmes dans le sport. Les femmes sont toujours sous-représentées dans les instances dirigeantes des fédérations sportives et les écarts de rémunération entre les athlètes féminines et masculins demeurent importants. Par ailleurs, le milieu sportif est encore sujet à d'importantes polémiques, notamment en ce qui concerne les comportements répréhensibles. Les violences sexuelles persistent dans de nombreux sports et de trop nombreux cas restent impunis. Un grand nombre de personnes, amateurs comme professionnels, subissent ces violences, et la voix des victimes n'est toujours pas entendue. Mesdames les ministres, quelles mesures concrètes peuvent être mises en place pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles dans le sport ? Comment encourager les victimes à briser le silence et à dénoncer les agresseurs ? Comment garantir que les auteurs de ces actes soient poursuivis et sanctionnés de manière appropriée ? Votre travail a été une source d'inspiration pour de nombreuses personnes et nous sommes toutes et tous reconnaissants pour les progrès que vous avez contribué à réaliser.

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Malgré les réformes que vous avez chacune initiées, beaucoup reste à faire. Vous avez mentionné certaines pistes d'amélioration, comme le statut des bénévoles ou les décharges horaires, en soulignant que la charge mentale pèse toujours sur les femmes. J'ai découvert, grâce à la commission d'enquête sur les fédérations sportives, que ce monde est celui de l'entre-soi et de l'omerta. Les auditions menées dans ce cadre m'ont profondément choquée et m'ont amenée à prendre conscience de la situation, dans ce milieu comme dans tant d'autres.

Il est aussi essentiel de promouvoir la place des femmes dans tous les sports, leur implication, et de donner de la visibilité aux sportives dans les médias. En tant que militante féministe, je me souviens avoir lutté pour que l'audiovisuel retransmette suffisamment les événements de sport féminin, et suis fière que nous ayons remporté cette bataille.

J'estime également qu'il est essentiel de changer le sommet en changeant la pratique du terrain. Je souhaite citer deux sportives de haut niveau dont l'engagement m'a profondément impressionnée : Laurence Fischer, triple championne de karaté, qui participe à la reconstruction des femmes, et Paoline Ekambi, joueuse internationale de basketball, autrice du livre « Ma promesse en héritage », dans lequel elle raconte comment le sport l'a aidée à échapper aux violences familiales. Ces modèles sont inspirants et nous montrent la voie à suivre. Cependant, pourquoi les femmes ne sont-elles pas candidates à ces postes ? Comment faire en sorte que les hommes laissent un peu de place aux femmes ? Il me semble que tout cela est une question d'éducation, et que nous devons, par nos politiques publiques, participer à cette éducation dès le plus jeune âge.

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Nous sommes aujourd'hui réunis pour parler d'égalité, de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et plus particulièrement des droits des femmes. Comme le rappelait Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Or, il semble que nous soyons actuellement entrés dans l'une de ces crises, qui est culturelle. Madame Maracineanu, en tant qu'ancienne ministre ayant œuvré pour la défense et la protection des femmes, notamment contre toutes formes de violence, et plus particulièrement dans le domaine sportif, je m'interroge sur l'inclusion des personnes transgenres dans les compétitions sportives.

En mars 2022, vous avez plaidé pour renforcer la place et les rôles des femmes dans le monde sportif, et avez également œuvré pour faciliter l'accès des femmes au sport. Madame Buffet, en 2005, vous aviez interpellé la garde des Sceaux sur la nécessité de faciliter le changement d'identité des personnes transgenres, ce qui pourrait potentiellement faciliter leur accès aux compétitions féminines. N'y a-t-il pas une contradiction ici ? Nous observons aujourd'hui une multiplication des cas où des personnes nées hommes, avec une stature et une musculature masculine, se présentent comme des femmes et remportent des victoires aux dépens de femmes qui se sont entraînées toute leur vie pour finalement se voir disqualifiées. Alors que le Comité d'experts sur la transidentité a été installé, de fortes pressions sont aujourd'hui exercées pour que les personnes transgenres puissent accéder aux compétitions sportives de haut niveau en France. Quelle est votre opinion sur ce sujet ? Céder à ces revendications ne signerait-il pas la fin des femmes dans le sport ? Cela n'irait-il pas à l'encontre des combats que vous menez ?

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Je souhaite aborder la question de la difficulté, pour les sportives de haut niveau, à vivre de leur sport. Les chiffres sont éloquents, puisqu'un joueur de rugby du Top 14 gagne en moyenne 20 000 euros par mois, tandis qu'une joueuse de rugby de Fédérale 1 ne reçoit qu'une prime de match d'une centaine d'euros en cas de victoire. Le football présente le même constat, bien que la professionnalisation des femmes soit un peu plus avancée. Le salaire moyen d'un joueur de Ligue 1 est d'environ 94 000 euros par mois, soit 40 fois plus que celui d'une joueuse de Division 1, qui est d'environ 2 500 euros par mois. Un autre levier de professionnalisation des sportifs de haut niveau est le sponsoring. Là encore, de grandes disparités existent entre hommes et femmes, en raison de l'audience des retransmissions. À titre d'exemple, la finale de la Coupe du monde de football masculin 2022 a été regardée par 1,5 milliard de personnes, contre 82 millions pour la finale de la Coupe du monde féminine 2019, soit vingt fois moins. En conséquence, la compétition masculine a généré 6,5 milliards de dollars, contre 570 millions pour la compétition féminine, ce qui entraîne des revenus de sponsoring beaucoup moins importants pour les femmes que pour les hommes.

Mesdames les ministres, quel levier peut-on activer pour accélérer la professionnalisation des femmes dans le sport et atteindre une égalité, ou du moins une quasi-égalité, entre hommes et femmes ? D'autre part, en tant qu'ancienne accompagnatrice d'étudiantes sportives de haut niveau, je suis particulièrement préoccupée par les difficultés financières que rencontrent certains de ces étudiants. Quels sont les leviers ou les accompagnements que nous pourrions mettre en place pour soutenir ces étudiantes sportives de haut niveau ?

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Je souhaite aborder la question de la place des femmes et des filles dans les espaces publics sportifs. Les citystades, skateparks ou équipements de musculation en libre accès sont majoritairement utilisés par des garçons et des hommes, laissant peu de place aux filles et aux femmes.

Cette situation est due à plusieurs facteurs, tels que la peur du harcèlement de rue, la charge mentale, qui repose sur les femmes et laisse donc moins de place à la pratique d'une activité sportive, ou encore la reproduction de phénomènes observés dans les cours de récréation. En moyenne, 80 % de ces espaces sont utilisés par les garçons. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de garantir l'égal accès de toutes et tous aux lieux publics sportifs. Le plan des 5 000 équipements sportifs a permis l'installation de nombreux citystades et skateparks dans nos circonscriptions.

Mais si ces équipements favorisent la pratique sportive, notamment des enfants et des adolescents, ils ont rapidement été monopolisés par les garçons et les hommes. Je vous invite donc à partager votre expertise sur la question de la place des filles et des femmes dans l'espace public sportif. Quelles réflexions pouvons-nous avoir en amont du choix des équipements sportifs sélectionnés ? Quelles politiques publiques devraient être mises en place pour favoriser la présence des filles et des femmes dans ces lieux ? Je tiens à préciser que je suis députée de Seine-Saint-Denis et que cette question est particulièrement pertinente dans ce département. Les filles et les femmes que nous rencontrons souhaitent pratiquer du sport, mais se heurtent à une barrière, car l'espace public est dominé par les hommes et les jeunes hommes.

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Je souhaite tout d'abord réagir aux propos de notre collègue du RN. Critiquer les personnes transgenres tout en citant Simone de Beauvoir est un exercice périlleux. Suggérer que l'inclusion des femmes transgenres signerait la fin des femmes dans le sport manque cruellement de dignité. Il aurait été plus pertinent d'évoquer les enfants victimes de violence dans les clubs sportifs, les inégalités entre les femmes et les hommes aux postes à responsabilité, ou encore les inégalités économiques.

Je suis députée de Lyon, un territoire d'excellence sportive où l'OL féminin et l'ASVEL féminin font notre fierté. Ces clubs sont constitués de joueuses généreuses qui s'impliquent sur le territoire, notamment en coachant des femmes pour l'accès à l'emploi ou en accompagnant des bénéficiaires du RSA. Le sport, lorsqu'il véhicule de belles valeurs, est le reflet d'un projet de société. Il est à cet égard important de souligner le projet social que portent certains clubs. Ma collègue, Pascale Martin, a mentionné Laurence Fisher et son projet Fight for Dignity, qui aide les femmes victimes de violence à se reconstruire. Au-delà de l'exemple spécifique des femmes victimes de violences, la place du sport amateur est un véritable sujet, notamment pour les filles et les jeunes filles. Nous constatons en effet un important décrochage, alors même que nous savons combien le sport peut changer la vie et transformer les femmes, en favorisant l'émancipation, en changeant le rapport au corps et à la confiance en soi. Mesdames les ministres, avez-vous des propositions sur la manière de lutter contre le décrochage des filles et des jeunes filles dans le sport amateur ? Ces propositions auront nécessairement une influence sur les femmes qu'elles deviendront.

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Roxana Maracineanu, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Je suis particulièrement touchée par l'engagement de Laurence Fischer, qui nous a conduits à lui proposer de rejoindre le ministère des affaires étrangères. Elle a occupé le poste d'ambassadrice du sport pendant plusieurs années, ce qui lui a permis de promouvoir ses actions, en France comme à l'international. Aujourd'hui, le sport est en lien avec tout l'écosystème associatif de protection des femmes et est de plus en plus utilisé pour la reconstruction des femmes victimes de violences. Son exemple a donc déjà eu un impact.

Le sujet de la recherche de femmes pour occuper les postes de direction m'intéresse tout particulièrement. Tant que ce problème, qui se retrouve dans de nombreux autres domaines, ne sera pas résolu au sein des entreprises ou des administrations, il ne pourra pas l'être dans le sport. Nous avons dû, avec l'aide des parlementaires, mener un bras de fer contre le mouvement sportif pour parvenir à inclure des mesures sur la parité et l'égalité des femmes et des hommes dans la loi. Ce combat doit être mené en gardant à l'esprit que le sport fait partie intégrante de la société, et qu'il ne doit pas être laissé de côté. J'espère ainsi que l'héritage des Jeux olympiques sera d'intégrer pleinement le sport à tous les sujets de société, y compris la discrimination envers les personnes homosexuelles ou transsexuelles. J'ai mis en place un groupe de travail dédié à l'inclusion des personnes homosexuelles ou transsexuelles dans la pratique sportive, qui poursuit aujourd'hui son travail et donne aux mouvements sportifs la possibilité de s'exprimer, sous l'œil attentif de l'État qui veille en permanence au respect et à l'inclusion de chacun dans la pratique sportive.

Trouver des femmes nécessite de mener un véritable chantier sur le bénévolat, notamment en prêtant une attention particulière à la manière dont les bénévoles sont recrutés au sein des associations. Il est également nécessaire de faciliter l'engagement des femmes, afin qu'elles puissent, en plus de leur vie de famille et professionnelle, s'investir dans le sport et dans l'associatif. Cela permettra à des femmes de monter petit à petit à la présidence des associations, puis des comités départementaux, des ligues et enfin des fédérations. Il existe déjà un certain nombre de dispositifs, financés conjointement par le ministère et le CNOSF, qui permettent à des femmes et à des sportives de gagner en confiance pour postuler et accéder à des postes de présidentes. Les femmes, principalement celles qui prennent la parole pour l'égalité, ou qui occupent des postes d'adjointes ou de présidentes de commissions, doivent oser postuler et se lancer. Le chemin d'accès à ces postes doit être facilité depuis la base, que sont les associations, jusqu'aux fédérations.

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Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Afin de provoquer un changement significatif, les politiques publiques doivent adopter une approche de sédimentation plutôt que de constante alternance. Cela a été clairement illustré par Roxana qui a expliqué comment elle a renforcé et développé des dispositifs que nous avions précédemment envisagés ou impulsés. Cela m'a rappelé la récente constitutionnalisation de l'IVG. Ce progrès, majeur pour notre pays, a été rendu possible par l'accumulation de dispositifs légaux qui ont renforcé la place de l'IVG dans notre système. Majorité après majorité, nous avons renforcé l'IVG et corrigé les problèmes associés. Ce droit s'est finalement normalisé, jusqu'à sa constitutionnalisation qui n'a pas été source de scandale ou de tensions exagérées.

En ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes dans le sport, il est crucial de partir des acquis et de les améliorer. C'est dans cette optique que je réponds aux questions concernant l'occupation majoritairement masculine de l'espace public sportif et le sous-financement, public ou privé, des activités sportives féminines. Je pense que la solution réside dans l'acceptation d'une forme de discrimination positive en faveur de la pratique sportive féminine. Je serais notamment favorable à une taxe spécifique pour le financement du sport féminin, similaire à la taxe Buffet. Il me semble que les progrès accomplis nous permettent désormais d'envisager ce type de mesures.

Concernant la question du vivier de talents, l'analogie avec d'autres domaines où la parité est appliquée est pertinente. Lors de l'instauration de la parité en politique, nous avions été averties du risque de ne pas trouver suffisamment de femmes. L'expérience a toutefois démontré que les sanctions financières peuvent inciter les partis politiques à préparer, en amont, leurs viviers de talents féminins. C'est une leçon dont nous pourrions nous inspirer concernant le monde sportif, en l'incitant par la pression à constituer ses forces vives. Cependant, constituer un vivier de femmes ne suffit pas à assurer leur place au sein des instances dirigeantes. Il faut également prendre en compte, tout comme en politique, les conditions d'exercice de ces responsabilités, qu'elles soient pratiques, comme l'accompagnement de la maternité, ou psychologiques. Je suis consternée par la violence que subissent les femmes qui exercent des responsabilités politiques. L'expérience d'une femme en politique est différente de celle d'un homme, et cette situation se retrouve malheureusement dans le sport. Le cas de Brigitte Henriques, à la tête du CNOSF, est particulièrement révélateur, et j'estime que nous n'aurions pas dû accepter que son mandat se termine de manière aussi brutale et violente. Ces situations, que les femmes observent et s'approprient, peuvent les dissuader d'exercer des responsabilités. Il appartient donc aux pouvoirs publics de veiller à ce que ces responsabilités puissent être exercées dans des conditions sereines et confortables.

Je souhaite enfin souligner l'importance de l'école dans l'apprentissage de la pratique sportive, qu'il s'agisse des cours d'EPS ou des licences de l'UNSS. Les pouvoirs publics devraient par exemple réduire le coût de la licence UNSS pour les populations les plus défavorisées, afin d'encourager la pratique des garçons comme des filles. Par ailleurs, toutes les mesures favorisant une pratique sportive étendue, telles que la réforme des rythmes scolaires, sont bénéfiques pour le sport féminin.

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Marie-George Buffet, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Si le mouvement sportif a récemment été sous le feu des projecteurs pour divers problèmes et scandales, ceux-ci sont le reflet des maux de la société dans son ensemble. Le mouvement sportif, majoritairement géré par des bénévoles, est certainement moins bien outillé que d'autres secteurs pour y faire face. Cependant, la majorité des clubs sportifs en France, qui comptent plus de 150 000 membres et plus de 3 millions de bénévoles, sont des lieux d'éducation populaire et de bien-être pour les enfants et pour tous les pratiquants. Nous devons être particulièrement exigeants en matière d'éthique dans le mouvement sportif, car il concerne également les enfants et les jeunes, et contribue au bien-être et au développement physique et psychique des individus. Un discours uniquement négatif envers le mouvement sportif ne l'aiderait pas à se saisir des problèmes qu'il rencontre et à y faire face.

Cela renvoie à un autre exemple, qui est celui de la place des femmes. Lorsque je suis arrivée à l'Assemblée nationale dans les années 1990, les femmes représentaient moins de 20 % des députés. Ce constat se traduisait dans les débats, teintés de propos sexistes. J'ai pu constater, en tant que députée, que la parité a permis de transformer positivement ce rapport de force, non seulement au sein de l'Assemblée, mais également au niveau des conseils municipaux, régionaux et départementaux. Mais, en raison des freins qui subsistent, et malgré la parité au sein des listes, seules 19 % des communes élisent une femme comme maire. Il est donc nécessaire, au-delà de l'adoption de lois, de mener un combat permanent pour transformer les mentalités et expliquer que les femmes sont tout aussi compétentes et disponibles que les hommes. Le Comité national pour le renforcement de l'éthique et de la vie démocratique propose d'établir la parité, pour toutes les instances du mouvement sportif et pour chacune des élections. Nous proposons ainsi une modification des règles électorales, avec une proportionnelle sur liste. Mais si la loi est nécessaire, en ce qu'elle permet d'avancer et d'établir des droits, des mesures concrètes le sont également, afin que chacun, homme ou femme, puisse s'engager bénévolement à tous les niveaux. C'est pourquoi nous proposons l'indemnisation des dirigeants bénévoles, de la même façon qu'un maire ou un adjoint est indemnisé pour le temps qu'il consacre à sa fonction. Il est également nécessaire de réfléchir à des mesures permettant aux femmes de dégager du temps pour l'engagement bénévole, comme la prise en compte de cet engagement dans le calcul des trimestres de retraite. Le combat pour le partage des tâches domestiques doit également se poursuivre, car le poids des responsabilités familiales dissuade toujours les femmes de s'engager ou de prendre des responsabilités dans le mouvement sportif ou d'autres mouvements associatifs. Il faut donc des mesures et des lois, mais également un combat constant pour changer les mentalités, qui commence dès le plus jeune âge. Il est encore courant, en effet, de penser que le sport est plus important pour les garçons que pour les filles.

Sur le sujet du financement, je suis d'accord avec la proposition d'une taxe. J'estime également qu'il serait nécessaire de réfléchir au statut des ligues professionnelles. Actuellement, les fédérations sont des associations, au sein desquelles des entités appelées ligues professionnelles sont notamment chargées de gérer d'importantes sommes d'argent. Il y a peut-être également lieu de revoir le fonctionnement du sport professionnel dans son intégralité, non pour le remettre en cause, mais pour en étudier la gestion. Chez les présidents de ligues professionnelles, le concept de parité est, aujourd'hui encore, tourné en dérision, aucune femme n'étant aujourd'hui présidente de club.

En ce qui concerne les violences sexuelles, je pense qu'il est nécessaire de prendre une décision forte en créant une agence indépendante. C'est grâce à une décision similaire que nous avons pu progresser dans le domaine de la lutte contre le dopage. Des présidents expliquent que certaines méthodes d'entraînement appartiennent à la culture de leur fédération. Des points d'appui extérieurs au mouvement sportif me paraissent donc nécessaires, ainsi qu'un plus grand pouvoir donné aux comités d'éthique.

Sur les terrains de proximité, un encadrement associatif est nécessaire pour éviter la reproduction de la domination patriarcale, en accueillant les filles comme les garçons et en diversifiant les pratiques sportives. Il est, enfin, essentiel de développer l'EPS à l'école et de soutenir les associations sportives scolaires, qui sont aujourd'hui en grande difficulté faute de bénévoles. Nous pourrions par exemple créer une semaine du sport dans les collèges et les lycées, au cours de laquelle les clubs locaux pourraient présenter leurs activités et échanger avec les élèves. Il s'agit de donner envie aux jeunes d'aller vers les clubs, à travers un moment fort de partage entre l'éducation nationale et le sport.

Pour conclure, je souhaite souligner l'importance de donner au ministère des sports les moyens humains nécessaires pour exercer un suivi et un contrôle des fédérations. Des moyens humains et financiers sont nécessaires pour accompagner le mouvement sportif et assurer le droit à la pratique sportive dans notre pays.

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Roxana Maracineanu, ancienne ministre de la jeunesse et des sports

Je tiens à souligner à Madame Buffet que nous partageons toutes les trois, en tant qu'anciennes ministres des sports, l'objectif de renforcer ce ministère, particulièrement après les Jeux olympiques. S'il est crucial de maintenir l'égalité entre les femmes et les hommes au cœur de nos préoccupations, il est également essentiel de conserver une cohérence. Si nous souhaitons un ministère des sports fort, nous devons lui permettre d'assumer pleinement ses missions régaliennes, notamment l'éthique, l'intégrité et l'égalité entre les sexes. Il est impératif de doter ce ministère des ressources nécessaires pour accomplir ses missions. Grâce à nos efforts conjoints et aux missions de l'Assemblée nationale, le ministère des sports a retrouvé une certaine pertinence dans ses missions régaliennes, qu'il serait contre-productif de confier à des agences externes. Il serait également souhaitable d'inclure la prévention des violences au sein notre discussion sur l'égalité entre les sexes. La protection des femmes est une condition préalable à leur accès à des postes de direction et à d'autres rôles importants, tels qu'entraîneuses ou dirigeantes. C'est pourquoi il est nécessaire de considérer le ministère comme l'entité responsable de la gestion de ce sujet d'importance capitale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesdames, votre présence parmi nous est un honneur et je vous en remercie sincèrement. Vous avez été des sources d'inspiration, et j'espère que nous saurons apporter des réponses à vos interrogations et propositions. Nous souhaitons faire honneur à la continuité en travaillant sur la gouvernance, le financement, l'éducation et la médiatisation. Nous nous engagerons fermement à défendre la culture de l'égalité dans le sport dès le plus jeune âge.

L'audition s'achève à dix-huit heures.

Ces débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

https://assnat.fr/VqrCVh

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Émilie Chandler, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Delphine Lingemann, Mme Pascale Martin, Mme Véronique Riotton, Mme Sarah Tanzilli, M. Stéphane Viry.

Excusées. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Soumya Bourouaha, Mme Mireille Clapot, Mme Virginie Duby-Muller.

Assistait également à la réunion. - Mme Katiana Levavasseur.