Je souhaite partager avec vous les mots de Béatrice Hess, la Française la plus titrée de l'histoire des Jeux olympiques en paranatation, qui disait : « dans une piscine, mon corps est libre. Je prenais le contrôle de mon corps. Il pouvait enfin s'exprimer. J'étais libre ». Ces propos illustrent parfaitement le combat des femmes pour un accès libre à toutes les pratiques sportives. En effet, rappelons-nous, à quelques semaines de l'ouverture des JOP de Paris, que ces jeux, dont nous vantons les valeurs, n'ont pas toujours été ouverts aux femmes. Aujourd'hui encore, en France et dans le monde, des filles et des femmes sont exclues des stades. Des progrès ont néanmoins été réalisés puisque nous aurons, aux JOP 2024, une quasi-parité entre les athlètes, alors qu'en 1968, seules 38 % de femmes figuraient dans les délégations. Ce combat pour l'égalité est toujours d'actualité à travers le monde, en raison du rôle assigné aux femmes dans les sociétés, à l'image de nos sœurs afghanes et iraniennes. À l'approche des JOP, de nombreuses associations et collectifs se mobilisent, dont une grande marche le 23 juin, pour obtenir du Comité exécutif olympique (CEO) une véritable mixité dans toutes les délégations ainsi que l'exclusion des délégations provenant de pays interdisant la pratique sportive féminine.
En France, seuls 39 % des licenciés sont aujourd'hui des femmes. Concernant les postes de présidence des clubs et des fédérations, seuls 16 % sont occupés par des femmes. En revanche, elles sont 26,9 % à être trésorières et 36,5 % secrétaires. Seules 18 fédérations agréées sur 119 sont présidées par une femme, et on dénombre seulement trois présidentes de fédérations olympiques. Je rappelle le bref passage de Brigitte Henriques en tant que présidente du CNOSF, première femme élue à ce poste.
Les travaux du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport ont mis en lumière l'absence de démocratie et de renouvellement dans les instances sportives, conduisant à la perpétuation de comportements non respectueux de l'intégrité des pratiquantes ou des dirigeantes. Le Comité a donc proposé de nouvelles règles électorales, avec l'installation d'un scrutin sur liste, la représentation de toutes les listes, y compris dans les bureaux exécutifs des fédérations, et la généralisation de la parité pour 2024 et 2028. Afin de permettre un accroissement du nombre de femmes dans les organes de direction, il a également suggéré des mesures d'aide et d'incitation au bénévolat, telles que l'indemnisation des bénévoles occupant des postes de direction ou les décharges horaires.
Nous avons besoin d'une refonte des formations des encadrants du mouvement sportif, des entraîneurs et des conseillers techniques sportifs, qui peinent aujourd'hui à comprendre les missions qu'ils doivent remplir au nom de l'État. Ces formations doivent prendre en compte la préservation de l'intégrité physique et psychique des pratiquants, mais également la spécificité de la pratique sportive des filles, qui quittent encore massivement les clubs au moment de leur puberté. Les questions des règles, des cycles et des changements du corps féminin doivent être prises en compte afin d'améliorer le bien-être des femmes. Le comité a également proposé de revoir les comités d'éthique en leur confiant davantage de pouvoir et en renforçant leur indépendance, et de créer un comité d'éthique suprafédéral au niveau du CNOSF, pour permettre le signalement de toute atteinte à l'intégrité physique ou psychique des sportives. Nous estimons également nécessaire de mettre en place une agence indépendante chargée des délits sexistes et des crimes sexuels. Si le monde du sport est une belle famille, il est encore trop refermé sur lui-même, freinant ainsi la libération de la parole des victimes au sein des fédérations.
Nous devons également donner de la visibilité aux femmes dans toutes les pratiques. C'était le sens des Assises nationales « Femmes et sport » en 1999, ainsi que de la loi du 6 juillet 2000 qui réaffirme la nécessité d'un accès égal des femmes à la pratique comme aux responsabilités. Aujourd'hui encore, le fait que le sport féminin soit seize fois moins retransmis dans les médias que le sport masculin joue sur les représentations du sport chez les filles et leurs parents. Il serait souhaitable de revenir sur le décret relatif aux conditions de retransmission des événements sportifs pour l'élargir et permettre une meilleure visibilité du sport féminin. À titre d'exemple, la retransmission télévisuelle du Tournoi des six nations de rugby féminin a eu d'importantes conséquences sur l'adhésion des filles aux clubs. Je pense également qu'il est nécessaire de poursuivre le combat contre tous les effets de la domination patriarcale. Un autre enjeu est celui de l'enseignement, avec un élargissement du nombre d'heures d'EPS dans le secondaire, et la question de l'enseignement du sport à l'école primaire qui mérite d'être débattue. Il est en outre nécessaire de poursuivre le combat pour appliquer les règles olympiques, notamment la règle relative à l'interdiction de la propagande politique, religieuse ou raciale au sein des compétitions sportives. Ainsi que l'a rappelé Mme la ministre, la délégation française aux JOP ne comportera aucun signe religieux. Je pense enfin qu'il faut aider à la prise de parole des athlètes et libérer la parole des pratiquantes et pratiquants. Les organisations existantes, qui sont aujourd'hui peu visibles et peu audibles, pourraient par exemple tenir des assises afin de se faire entendre des instances fédérales comme du ministère et de l'État.
En conclusion, je pense que nous avons besoin d'un grand débat citoyen sur les enjeux du développement du sport et sur l'accès de tous et toutes à la pratique sportive dans notre pays. Les JOP pourraient en fournir l'occasion idéale.