Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 29 mai 2024

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,

La séance est ouverte à 15 heures 07.

I. Abandonner la proposition de directive concernant les associations transfrontalières européennes (n° 2656) : examen de la proposition de résolution européenne (M. Pierre-Henri DUMONT, rapporteur)

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L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne relative à la proposition de directive visant à instaurer un nouveau statut d'association à but non lucratif transfrontalière présentée par M. Pierre-Henri Dumont.

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La France peut se targuer de disposer d'un cadre législatif vieux de plus d'un siècle ayant permis l'éclosion d'une vie associative riche, diverse et respectueuse de l'ordre public. Avec la proposition de directive relative aux associations transfrontalières européennes, la Commission européenne a décidé d'investir le champ des associations opérant dans l'Union européenne. Si l'idée semble a priori porteuse d'opportunités, sa déclinaison concrète contient des imprécisions, des ambiguïtés et d'importantes zones d'ombre faisant de cette proposition de directive une véritable bombe à retardement pour notre pays.

Cette proposition de directive européenne visant à instaurer un nouveau statut d'association à but non lucratif transfrontalière apparaît dans un écosystème français déjà bien structuré et constamment renforcé. En effet, notre pays dispose depuis le 1er juillet 1901 de la loi relative aux associations communément appelée « loi 1901 ». Loi libérale et républicaine, le texte de 1901 a cherché à mettre fin à la méfiance existant à l'égard des corps intermédiaires. Elle a été complétée par la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État dont le volet associatif est souvent ignoré. L'État est ainsi venu réguler l'activité des associations cultuelles. Enfin, la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République a apporté des améliorations au cadre existant pour tenir compte du repli communautaire constaté et de la percée de l'islamisme radical qui a endeuillé la France de multiples attentats ces dernières années. Le cadre français est ainsi garant de la cohésion nationale, qui passe par le développement de structures impliquant les citoyens, tout en s'assurant de leur cohérence avec les principes républicains.

La proposition de directive européenne a été présentée par le commissaire européen Thierry Breton le 5 septembre 2023. Cette proposition législative, particulièrement brève, considère que le cadre européen actuel ne permet pas aux associations de se développer en raison de la fragmentation due aux différentes législations nationales. Le texte proposé indique que 185 000 associations pourraient potentiellement voir le jour grâce à ce nouveau statut. Calcul très théorique sur lequel il y a lieu de s'interroger mais dont la succincte étude d'impact ne dit rien.

Trois axes peuvent être retenus pour décrire la structure du texte : la création d'une forme juridique nouvelle d'association à but non lucratif appelée association transfrontalière européenne (ATE), la création de règles d'enregistrement dans chaque État membre pour ce nouveau type d'association, enfin, la simplification des modalités de transfert de siège social entre États membres.

Si l'exercice de la citoyenneté et le dynamisme des sociétés civiles européennes sont des causes louables, la forme prise par la directive sur le sujet est particulièrement problématique. Au cours des auditions réalisées par votre rapporteur, aucune des personnes interrogées n'a pu retracer l'origine précise du texte ni même sa paternité. Si la Commission européenne avait bien proposé un texte en 1992 concernant l'association européenne, celui-ci n'avait pas poursuivi son parcours législatif. La proposition de texte présentée aujourd'hui s'inspire d'une résolution du Parlement européen et se trouve portée par le commissaire en charge du marché intérieur. Plusieurs points du texte méritent un examen attentif. Tout d'abord, les objectifs ne sont pas clairs. S'agit-il d'encourager le développement du monde associatif, comme le laisse à penser l'exposé des motifs de la proposition ? La mention de l'économie sociale et solidaire trouble l'intention. L'objectif est-il de remédier à la méconnaissance de principes fondamentaux, je pense à la liberté associative, de tout État de droit ou bien d'un État en particulier, par exemple la Hongrie ? Ne tranchant pas entre ces différentes pistes le texte choisit l'illisibilité et inquiète par ses ambiguïtés, ses non-dits et ses failles. Une autre dimension problématique se trouve dans la base légale choisie. Il ne s'agit pas d'un simple débat juridique car elle détermine le champ d'application du texte. Fonder la directive sur les articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatifs au marché intérieur entre en totale contradiction avec l'objet visé : les associations à but non lucratif. Cette base signifierait également qu'il s'agirait d'une compétence exclusive de l'Union européenne avec pour corollaire l'impossibilité pour la France ou d'autres États membres d'établir certains garde-fous.

Un autre point d'interrogation concerne le statut des ATE. S'agit-il de créer un nouveau statut dans l'ordre juridique des États membres ou bien de demander aux États de rapprocher leurs statuts existants de celui aujourd'hui proposé par la Commission ? Là également, le texte ne répond pas à la question.

Enfin, les droits rattachés au statut des ATE entrent en contradiction avec ceux aujourd'hui octroyés en France par le statut de la loi de 1901. En l'état, le texte va permettre aux ATE de détenir et d'acquérir tout type de patrimoine – même sans lien avec leur activité ou encore de percevoir des fonds et des legs – y compris de pays étrangers alors que la loi française ne le permet pas. Les incidences fiscales sont loin d'être neutres et pourraient avoir un large effet d'aubaine et d'éviction attirant en France des associations contestables tout en discriminant les associations françaises soumises aux principes et règles en vigueur. Néanmoins, le problème le plus conséquent et le plus inquiétant se trouve dans la problématique de l'ordre public et de la sécurité nationale. Les modalités de création des ATE sont très souples, voire trop, et permettent à n'importe quel citoyen sans condition de citoyenneté européenne d'utiliser ce statut pour créer son association. À l'ère des ingérences étrangères multiples et hybrides, nous en avons encore eu un récent exemple au niveau européen, créer un tel objet associatif c'est ouvrir grand la porte à des acteurs nuisibles. Si les droits octroyés aux ATE sont larges, leurs obligations le sont beaucoup moins. Les obligations en matière de transparence sont particulièrement faibles et il est donc aisé d'imaginer le détournement du véhicule juridique que constituent les ATE. Le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme viennent rapidement à l'esprit compte tenu des possibilités fiscales et patrimoniales permises par le texte en l'état. Les modalités d'enregistrement des ATE visant à faciliter l'exercice de leur activité empêcheront les États de vérifier le statut des membres et l'exercice réel de l'activité de l'association. En effet, seul l'État membre enregistrant initialement l'ATE obtiendra les pièces comptables et administratives. Au regard des applications différenciées entre États membres – rappelons qu'il s'agit d'une directive et non d'un règlement - il est permis de penser que la pratique ne sera pas identique entre États.

Plus inquiétant encore est la prise en compte de l'ordre et de la sécurité publics. Une association qui ne respecterait pas la loi française, après avoir été dissoute sur ce fondement, pourra aisément se reconstituer dans un autre pays et continuer à opérer sur le sol français en se créant dans un autre État membre. Les dispositions de la loi française sont plus rigoureuses sur certains plans, en particulier celles de la loi du 24 août 2021 sur le séparatisme. Dans cette situation, les autorités françaises ne pourraient pas dissoudre l'association en question bien qu'enfreignant la loi nationale. Pour rappel, il n'existe pas de régime de dissolution des associations en Suède et l'Espagne est particulièrement rétive à la dissolution administrative.

Dans le cas où une dissolution serait prononcée en France, l'association transfrontalière européenne concernée pourrait faire appel devant le Tribunal administratif, puis devant le Conseil d'État qui saisirait la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Outre le risque d'une jurisprudence totalement défavorable aux autorités françaises, l'association concernée serait en mesure de continuer à opérer dans l'attente d'une décision en dernier ressort. Par ailleurs, une association transfrontalière européenne créée à l'étranger, pourrait très bien exercer son activité en France, quand bien même ses activités seraient contraires à la législation nationale, sans que pour autant sa dissolution puisse être prononcée. Je prendrai pour exemple une association d'un pays d'Europe centrale qui pourrait potentiellement proposer des soi-disant thérapies de conversion, interdites en France depuis la loi du 31 janvier 2022.

Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, le projet de directive proposé va bien au-delà des compétences de l'Union européenne et constitue à ce titre une ligne rouge. Les garanties apportées sont maigres quand les zones d'ombre sont pléthoriques et les risques de détournement nombreux. En conséquence, je vous demande de voter en faveur de ma proposition de résolution européenne (PPRE) invitant le gouvernement à mobiliser ses moyens diplomatiques pour obtenir le rejet du projet de directive.

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Le principal objectif de cette proposition de directive étant de faciliter l'émergence et la consolidation d'une société civile européenne du fait de la création d'un statut plus simple à manier pour les associations à but non lucratif. Un tel objectif est louable tant ces associations sont devenues, dans nos pays, incontournables, mobilisant l'engagement et le bénévolat de nos compatriotes européens, dans des secteurs clés tels que la santé, les services sociaux, l'économie sociale et solidaire, la culture, le sport et l'éducation. Nous avons pu observer durant la période de crise sanitaire à quel point cela importait pour la cohésion sociale. Cette proposition de directive, en cherchant à faciliter le développement transfrontalier des associations, relève d'une intention positive. Toutefois, je partage, et mon groupe également, les inquiétudes fortes du rapporteur. En effet, ce développement ne peut pas se faire au détriment des spécificités des États membres, en particulier de la France. Je partage votre crainte d'une remise en cause du modèle associatif français reposant sur les lois de 1901 et de 1905, confortées par la loi du 24 août 2021 dite « loi relative au séparatisme ». Concernant le modèle associatif français, il faut rester vigilant à ce qui fait sa spécificité : respect de l'intérêt général, désintéressement et absence de perspectives lucratives. Je partage également vos inquiétudes relatives à la préservation de l'ordre public. Vous précisez qu'en l'état cette proposition de directive limiterait les capacités de contrôle et de vérification que peuvent exercer nos autorités sur les activités des associations opérant sur notre territoire, en mettant en évidence les failles que représenteraient les risques de blanchiment d'argent, d'optimisation fiscale, d'ingérence étrangère, voire de financement du terrorisme. Aussi, parce que nous partageons vos inquiétudes, nous appelons à demander au Gouvernement de se mobiliser diplomatiquement pour modifier substantiellement la teneur de cette directive, qui en l'état n'est pas acceptable.

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Le modèle des associations françaises est exemplaire. Il a prouvé son efficacité et son succès ! Toutefois, voici encore un domaine où l'Union européenne veut intervenir et tout chambouler. La Commission souhaite supprimer un verrou important : celui de la vérification de l'activité des associations. Si cette directive était appliquée, l'État membre dans lequel une association s'enregistre serait libre de choisir les pièces à demander aux fondateurs de la structure. Une fois ces pièces vérifiées lors de la création de l'association, les autres États membres ne pourraient plus les redemander. Nous sommes profondément opposés à confier cette responsabilité à d'autres États membres. La citoyenneté européenne ne serait même pas une exigence pour les créateurs d'une association. Une association dissoute dans un pays pourrait se reconstituer dans un autre et poursuivre ses activités dans le premier pays. Tout cela pose un risque d'ingérence étrangère dans nos associations. L'ajout par le Parlement européen des syndicats, des associations cultuelles et des partis politiques à la liste des acteurs autorisés à créer des ATE annonce des dérives. En outre, les conditions de création de ces associations sont trop laxistes ou trop complexes, ce qui peut entraîner des failles ou des abus de la part de ces mêmes associations. À titre d'illustration, en utilisant des fonds de manière inappropriée ou en se livrant à des transactions immobilières non transparentes, les associations pourraient profiter des failles de la réglementation pour acquérir des biens immobiliers. Par ailleurs, les associations pourraient exploiter les différences entre les régimes fiscaux des différents pays européens afin d'optimiser leurs finances de manière abusive. Cette proposition de directive européenne n'est pas sérieuse dans sa conception et dangereuse dans son application : il faut donc l'abandonner !

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J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre proposition de résolution, qui soulève de nombreuses interrogations auxquelles le groupe Démocrate n'est pas insensible.

Pour débuter, les organisations à but non lucratif jouent un rôle fondamentale pour représenter les intérêts des citoyens, de la société civile et pour relever de nombreux défis socio-économiques aux côtés des gouvernements nationaux, régionaux et locaux. Elles agissent aussi en faveur de la liberté d'expression et soutiennent en ce sens la participation active à la vie démocratique, en défendant bien souvent les droits des minorités.

Aujourd'hui, les entreprises commerciales et les groupements économiques peuvent former un groupement européen d'intérêt économique. Au niveau des organismes publics, ils peuvent se regrouper pour créer un groupement européen de coopération territoriale. C'est la raison pour laquelle le groupe Démocrate voit d'un bon œil la perspective de pouvoir créer un statut européen des associations, qui pourrait être accessible aux organisations et aux personnes qui voudraient prendre part à des échanges, à des apprentissages mutuels, par-delà les frontières, et c'est l'objectif de la proposition de directive que nous étudions aujourd'hui.

Pour autant, il faut faire une distinction sur le plan pratique. Sur les plans juridique, culturel et économique, nous avons des différences qui peuvent complexifier les activités transfrontalières de ces associations. Vous l'avez rappelé avec l'exemple des thérapies de conversions : il est inenvisageable d'imaginer qu'une organisation qui permettrait ces pratiques puisse être créée dans un État membre, alors qu'elles sont interdites dans l'État membre voisin.

Nous ne souhaitons pas abandonner cette directive, mais nous préférerions la retravailler et nous sommes prêts à voter quelques changements proposés par des collègues du groupe Renaissance, notamment au niveau du titre, pour dire non pas « abandonner » mais « retravailler » et « compléter », puisque cela nous semble plus juste et plus adapté.

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Madame Constance Le Grip et Madame Louise Morel, vous soutenez l'objectif de développer le monde associatif européen. Nous sommes tous d'accord et je pense que cela est très important. La réalité, c'est que l'état actuel du droit n'empêche pas la création d'associations dans différents États membres. Par exemple, les associations de jumelage dans les communes fonctionnent très bien et permettent des échanges. Il n'y a aujourd'hui pas de freins législatifs à la création d'associations, ce qui nous a été confirmé par des représentants d'un syndicat d'associations spécialisées dans la création de ce type d'associations. Cette proposition de directive porte une intention très louable, mais elle a totalement échappé à son créateur.

Vous évoquez l'importance des associations à but non lucratif pour faire respecter les droits des citoyens et les valeurs fondamentales de l'Union, et je suis entièrement d'accord. Mais dans ce cas-là, pourquoi traiter ce problème sous l'angle du marché intérieur ? Alors que nous discutons d'associations à but non lucratif, cette proposition de directive place ces organisations dans un ensemble de normes qui régissent des pratiques extrêmement lucratives ; le marché intérieur. Cet angle a en réalité assez peu de sens. Les seules associations qui pourraient exercer dans ce cadre seraient les associations d'économie sociale et solidaire (ESS). Mais le petit intérêt de quelques associations d'ESS ne justifie pas, à mon sens, de bouleverser le modèle associatif français et de mettre en danger la sécurité de nos citoyens.

Le problème, c'est qu'il sera demain impossible de contrôler les associations transfrontalières européennes : le régime des associations transfrontalières européennes est tellement favorable qu'une association française ne s'enregistrera plus sur le modèle loi 1901 ou 1905, mais basculera directement, même si elle n'a aucune activité transfrontalière, dans un modèle d'association transfrontalière européenne parce que la fiscalité et les contraintes administratives sont plus faibles. Nous pouvons même imaginer que certains pays se spécialiseront dans la création d'associations transfrontalières européennes, notamment si la base juridique qui est celle du marché intérieur permet d'en retirer des gains. Cela posera un problème, en sachant par ailleurs que certains pays ne procèdent pas à des dissolutions administratives et qu'il est impossible de contrôler les pièces transmises à la création d'une association dans un pays étranger si l'État membre qui a reçu la documentation ne désire pas la transmettre. Il y aura donc un secret associatif, comme il peut exister un secret fiscal ou bancaire dans certains pays. Si nous comparons les coûts et les avantages d'une telle proposition, il est clair que la balance est extrêmement défavorable.

Madame Annick Cousin, vous avez évoqué un point important et inquiétant ; l'ouverture par le Parlement européen du champ d'application de ces associations transfrontalières aux champs politiques, syndicaux et cultuels. Cela signifie que notre modèle français de financement des partis politiques serait bouleversé. Il existe des pays en Europe où les entreprises privées peuvent financer des partis politiques. Les partis politiques européens sont d'ailleurs financés par des entreprises privées. Cela serait très dommageable pour le modèle de transparence que nous avons développé en France dans le financement des partis politiques.

Au regard de la tournure actuelle que prend le texte, nous sommes plutôt pessimistes sur notre capacité à retravailler le texte pour atteindre un point d'équilibre au Conseil de l'Union. L'alternative n'est pas entre « renégocier » ou « rejeter » mais entre « adopter » ou « rejeter ». Nous allons en discuter en étudiant les amendements, mais il ne faut pas se faire d'illusion au sujet d'une possible renégociation.

Amendement n° 2 de Mme Constance Le Grip

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Cet amendement, présenté par le groupe Renaissance, vise à introduire dans les considérants un considérant soulignant le rôle essentiel des associations à but non lucratif dans un certain nombre de secteurs clés, afin de valoriser leur importance et de promouvoir l'émergence d'une société civile européenne dynamique.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 3 de Mme Constance Le Grip

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Comme Madame Louise Morel l'a rappelé, nous avons des inquiétudes partagées concernant la rédaction actuelle de la directive et nous souhaitons écrire très clairement que nous invitons le Gouvernement à s'opposer à la proposition de directive en l'état. Nous souhaitons notamment mentionner nos préoccupations en ce qui concerne la sauvegarde de l'ordre public, de la sécurité nationale ainsi que de la transparence et des financements. Nous invitons donc en l'état le Gouvernement à s'opposer à la proposition de directive.

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Cet amendement va dans le sens de ce que j'évoquais, puisqu'il permet de donner un levier aux négociateurs au niveau européen, en montrant que le Parlement français ne peut pas accepter en l'état cette proportion de directive. Cette précision nous permettra de laisser des marges de négociations. J'émets donc un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 1 de Mme Constance Le Grip

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Cet amendement porte sur l'un des verbes utilisés dans le titre de la proposition de résolution européenne présentée par notre collègue Pierre-Henri Dumont. Le mot « abandonner » ne me semble pas très adéquat dans le cadre d'un travail politique et diplomatique. D'ailleurs, dans votre proposition de résolution européenne, vous écrivez vous-même, Monsieur le rapporteur, que nous pourrions convenir de remettre sur le métier ladite proposition. Notre idée consiste à remplacer le mot « abandonner » par les mots « retravailler » et « compléter », avec l'idée qu'en l'état, le texte n'est pas satisfaisant, et qu'il a besoin d'une réelle transformation.

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Avis défavorable. Autant je peux comprendre que le terme « abandonner » empêche de conserver une ouverture pour la discussion, autant la proposition qui est la vôtre ne permet pas de faire pression et met d'abord sur la table la question de la renégociation. Je vous propose ainsi de reprendre la formulation suivante : « proposition de résolution européenne visant à s'opposer en l'état à la proposition de directive concernant les associations transfrontalières européennes ». Cette formulation qui reprend celle qui a été adoptée par voie d'amendement dans la proposition de résolution, permet d'avoir la force du mot « opposer » mais l'adoucit avec l'ajout d'« en l'état », ce qui ouvre la marge à la renégociation. Cela permet de donner un levier à nos autorités pour négocier avec leurs partenaires européens, la Commission puis le nouveau Parlement européen. Il faudra d'ailleurs sensibiliser les nouveaux eurodéputés à ce sujet.

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Je soutiens l'amendement de Constance Le Grip et salue le sens de compromis du rapporteur. Je regrette toutefois votre pessimisme sur la capacité de l'Union européenne à trouver des solutions. Vous nous dites que l'action des associations transfrontalières est louable mais pour que, tout un tas de raisons et de craintes, notamment sécuritaires, vous préféreriez qu'on abandonne le projet de directive. Notre groupe ne veut surtout pas que soit abandonné le projet. Levons les craintes et faisons confiance à la capacité de travail de l'Union européenne !

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Le compromis proposé par le Rapporteur me satisfait.

L'amendement n° 1 rectifié est adopté.

L'article unique de la proposition de résolution européenne est donc adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée.

II. Inviter le Gouvernement à se prononcer contre les méga-camions et à bâtir une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen (n° 2553) : examen de la proposition de résolution européenne (Jean-Marc ZULESI, rapporteur)

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Permettez-moi tout d'abord d'effectuer une précision sémantique, issue des auditions. La proposition de résolution européenne que j'ai initialement déposée fait mention de « méga-camions ». Au fil des auditions, j'ai appris que l'expression scientifique pour désigner ces poids lourds est « système modulaire européen ». Par souci de précision, je retiendrai donc cette expression pour le reste de la présentation.

Dans le cadre des auditions, j'ai pu me rendre compte qu'à force d'utiliser le terme « méga-camions » je pouvais donner l'impression que la proposition de résolution était contre le transport routier. Ce n'est pas le cas. Les routiers effectuent un travail exceptionnel. Nous l'avons constaté pendant l'épidémie de coronavirus. Nous le constatons également aujourd'hui : si nous sommes en capacité quotidiennement de jouir d'un certain nombre de produits stratégiques ou du quotidien c'est grâce au travail des routiers, que je veux mettre en avant. L'objet de la PPRE n'est donc pas de lutter contre les routiers mais d'avoir une démarche volontariste en matière de développement du fret ferroviaire. Je le dis d'autant plus que nous sommes face à un enjeu crucial : lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Le secteur des transports représente 30 % de ces émissions. La solution est la décarbonation de ce secteur et le renforcement de la multi-modalité pour pouvoir passer d'un transport à un autre beaucoup plus rapidement. Je pense en particulier à la combinaison entre ferroviaire et routier, ou entre routier et fluvial.

Or, le 11 juillet dernier, la Commission européenne a publié une proposition législative visant à réviser une directive de 1997 du Conseil fixant les dimensions maximales autorisées pour les poids lourds. Le 12 mars dernier, le Parlement européen a adopté, d'une courte majorité, le texte. Cette proposition a une ambition louable : contribuer à la décarbonation du secteur du transport routier de marchandises. Il contient notamment une proposition qui paraît intéressante : l'augmentation du poids autorisé pour les véhicules lourds, ce qui permet de prendre en compte le poids des batteries électriques.

Je ne soutiens toutefois pas ce texte car il vise à libéraliser les « méga-camions ». La proposition de résolution européenne formule deux propositions importantes.

Tout d'abord, la directive propose que si un État membre autorise un véhicule d'un poids de 42 ou de 44 tonnes en trafic national, cet État ait l'obligation de l'autoriser en trafic international. Or, cette disposition existe déjà dans la directive 96/53/CE pour les véhicules lourds de 42 et 44 tonnes, sous réserve que ces véhicules effectuent des opérations de transport intermodal. Ainsi, le texte revient sur une ambition très forte qui est un des principaux avantages du transport intermodal et contrevient directement à l'objectif de favoriser l'intermodalité, très clairement promu par le mécanisme pour l'interconnexion en Europe et le réseau transeuropéen de transport. En effet, selon une étude du cabinet indépendant D-Fine, cette exception constitue une incitation pour le transport intermodal et permet des économies de 75 à 90 % de CO2 et d'énergie. Si le texte est voté au Conseil en l'état, le gabarit de 44 tonnes serait généralisé pour les passages aux frontières dans toute l'Europe. Cela engendrerait, sans aucun doute, un report modal inversé.

Or, nous investissons 4 milliards d'euros en faveur du fret et du fret ferroviaire en France entre 2023 et 2032, complétés par des subventions européennes : cet argent doit servir à la construction et à l'amélioration de nos plateformes multimodales, comme celle de Miramas dans les Bouches du Rhône. Quel serait, si le texte était adopté en l'état, le message envoyé à notre industrie ferroviaire, à notre industrie fluviale ? Quelle serait la cohérence de nos politiques publiques, si nous investissions d'un côté dans des installations, et que nous désincitions à y recourir dans le même temps ? C'est la première raison pour laquelle il me semble nécessaire de revenir sur cette directive.

Ensuite, et c'est là le cœur de cœur de ma proposition de résolution européenne, l'adoption de cette révision en l'état autoriserait une forme de libéralisation des conditions de circulation des systèmes modulaires européens à circuler sur les routes européennes, au prétexte de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela constitue, selon moi, une fausse solution ainsi qu'un message très négatif envoyé au fret ferroviaire européen.

La légère réduction des émissions de gaz à effet de serre, certes indéniable, que l'autorisation des mégas-camions en Europe permettrait, serait plus que neutralisée par le report modal inversé qu'elle susciterait. Sous prétexte de verdir les camions à l'horizon 2035, la Commission prend le risque de s'attaquer au transport combiné ! En effet, l'étude du cabinet allemand D-fine évalue à 20 % le report du rail vers la route qu'induirait la libéralisation de la circulation des méga-camions. Ainsi, libéraliser l'usage des méga-camions équivaut à légèrement réduire les émissions à court terme, tout en s'empêchant de les réduire drastiquement à long terme.

Ces camions plus lourds et plus longs, posent également problème pour nos infrastructures de transports. Je pense notamment à l'aménagement de nos ronds-points, passages à niveaux, ponts routiers, parkings et routes qui n'ont pas été conçus pour faire circuler ces camions. Ces aménagements se feraient sans doute aux frais du contribuable français.

Vous l'avez compris, ma position est une position pragmatique : je ne m'oppose pas en tant que tel aux méga-camions. En effet, il y a peut-être une nécessité d'expérimentation lorsqu'il n'existe pas de solution ferroviaire associée, lorsque l'infrastructure est adaptée, mais en aucun cas ces camions ne doivent être utilisés en concurrence du transport combiné. Ils doivent être regardés dans un cadre bien précis, et surtout en cohérence avec notre stratégie au niveau européen, puisque nous avons une stratégie de mobilité durable et intelligente de la Commission européenne, avec des objectifs très clairs de réduction des émissions de CO2 des camions et des bus de 90 % à partir de 2040.

Rappelons également que nous avons des textes ambitieux en préparation, visant à développer le fret et à soutenir l'intermodalité, tels que la proposition de règlement sur les orientations de l'Union européenne pour le développement du réseau transeuropéen de transport, ainsi que la proposition de règlement sur l'utilisation des capacités de l'infrastructure ferroviaire dans l'espace ferroviaire unique européen.

Le message est donc très clair. Ne brouillons pas ce message en ayant des politiques publiques contradictoires au niveau européen. Il nous faut encourager la réduction des émissions du secteur routier. L'Union européenne doit continuer de prendre des positions fortes en matière de fret ferroviaire et fluvial.

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L'enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. Au point de départ de la proposition de directive dont nous allons parler aujourd'hui, il y a une bonne intention : celle de revoir les règles quant au gabarit des camions pour mieux tenir compte du poids plus important des camions électriques par rapport aux camions utilisant des énergies fossiles. Mais telle qu'elle nous arrive du Parlement européen où elle a été adoptée le 12 mars par 330 voix pour et 207 contre, cette proposition de directive contraindrait chaque État membre à appliquer les mêmes règles pour les poids lourds, qu'ils effectuent un trajet transnational ou national. Cela aurait donc trois conséquences.

Tout d'abord ce texte constitue une forme d'encouragement dans les États qui autorisent déjà les systèmes modulaires européens, c'est-à-dire les méga-camions jusqu'à 60 tonnes ou 25 mètres de long. Cela forcerait ces États à légaliser le passage de leurs frontières par les méga-camions, alors qu'ils ne l'autorisent parfois qu'à l'intérieur de leurs frontières.

Par ailleurs, s'agissant de la France qui n'autorise pas les camions de 25 mètres et de 60 tonnes, la directive aurait pour conséquence de supprimer la différence entre le gabarit autorisé pour les trajets nationaux, jusqu'à 44 tonnes, et celui qui est possible pour le transit international, jusqu'à 40 tonnes.

Enfin, cette directive supprimerait de fait l'avantage au tonnage accordé par plusieurs États européens en cas de transport combiné, comme c'est le cas en France où les camions peuvent être autorisés pour les trajets transnationaux si l'itinéraire allie la route au rail ou à la voie d'eau.

Mes chers collègues, la transition écologique ne se fera pas sans décarbonation des transports. La décarbonation des transports ne se fera pas sans décarbonation du transport de marchandises. La décarbonation du transport de marchandises ne se fera pas sans encouragement au report modal et à l'intermodalité. La transition énergétique des camions ne réglera pas tout, pas plus que l'électrification de la route.

C'est parce que cette directive, contre laquelle se sont élevés au Parlement européen Karima Delli et Dominique Riquet, affaiblit un peu plus le transport combiné et le transport européen de marchandises par le rail, que le groupe Renaissance s'y opposera.

Votre proposition de résolution, qui fait suite à une tribune signée par de très nombreux élus, et à des délibérations prises par de très nombreuses collectivités, invite la France à se mobiliser contre cette directive, et le Conseil européen à la rejeter. À ce titre, et quoi que le Ministre français des transports ait d'ores-et-déjà indiqué, lui aussi, son opposition à cette directive, cette proposition de résolution européenne est utile dans le cadre d'une mobilisation plus générale qui se poursuit, et à laquelle le groupe Renaissance souscrit. Évidemment, nous soutiendrons cette proposition de résolution, comme une évidence.

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Avec cette proposition de résolution européenne, vous souhaitez que la France se prononce contre l'introduction des méga-camions sur son sol. Par la même occasion, vous souhaitez que notre pays soit à l'initiative d'une politique européenne commune de fret ferroviaire.

Bien que nous ne soyons pas du même groupe politique, nous sommes d'accord sur le principe du refus d'introduction des méga-camions en France et en Europe.

Cependant, nous invoquons des motifs supplémentaires. Dans votre projet de rapport et votre proposition de résolution européenne, vous mettez en avant la contre-productivité écologique qu'occasionnera l'utilisation massive des méga-camions. En effet, leur attractivité risque d'alourdir davantage le trafic routier en Europe, et par conséquent d'augmenter les émissions de carbone. Leur utilisation pourrait en plus faire de l'ombre au fret ferroviaire de marchandises. Or, ce dernier est un mode de transport de denrées peu polluant.

Au Rassemblement national, nous souhaitons également alerter sur les conséquences néfastes que cette directive pourrait infliger aux chauffeurs routiers français, et in fine aux Français dans leur ensemble. En effet, au vu de la multiplication des normes écologiques punitives imposées pacte vert et le dispositif paquet mobilités, une menace pèse sur le métier de chauffeur routier en France. D'autant plus que cette activité comporte par nature des contraintes peu confortables, l'introduction des méga-camions sur notre territoire aggraverait le dumping social subi par nos travailleurs routiers. Autre point, la France est le second pays accueillant des travailleurs détachés en Europe, juste après notre voisin, l'Allemagne.

Si les méga-camions sont autorisés sur notre territoire, nous risquons d'être submergés par ces méga-véhicules sur nos routes. L'impact sur le trafic et le risque d'accidents serait lui aussi trop grave. Si un accident avec à un camion classique est souvent fatal, imaginez la catastrophe face à un colosse de 60 tonnes mesurant plus de 25 mètres de long. Il est essentiel d'exposer ces réalités et ces motifs pour dire non à l'Europe pour les méga-camions.

Outre la contre-productivité écologique, cette mesure peut se révéler dangereuse pour la sécurité des Français et des Européens. L'Europe ne peut pas mettre en danger la sécurité de l'emploi de nos routiers, et encore moins la sécurité physique de tous nos concitoyens. Le rôle de l'Union européenne devrait être de nous protéger sous tous les aspects.

Au vu de cette résolution, et de votre rapport, j'aimerais vous poser deux questions : à l'alinéa 16 de la proposition de résolution européenne, vous appelez les parlementaires européens français à « repousser » cette directive, qu'entendez-vous par ce mot : un refus ou bien un report temporel ? Ne pensez-vous pas que confier à l'Europe notre politique de fret ferroviaire de marchandises risque de nous freiner dans son développement ?

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Récemment une directive visant à autoriser les méga-camions a été adoptée au Parlement européen. Ces méga-camions, mastodontes de 60 tonnes, composés d'un tracteur et de trois remorques vont être autorisés à se déplacer librement en Europe. Une aberration alors même que les transports représentent aujourd'hui 30 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Cette directive est la dernière trouvaille de Bruxelles pour « décarboner le secteur des transports ».

En effet, ces méga-camions sont supposés être électriques. Pour faire rouler un camion de 40 tonnes, il faut une batterie de 5 tonnes. Alors je vous laisse imaginer pour les méga-camions de 60 tonnes. Dans ce cas, les experts industriels qui planchent sur le sujet ont la solution : embarquer une batterie de 8 tonnes sur une remorque échangeable contre une neuve en station-service. Quelle idée de génie ! Comme le disait si bien un acteur auditionné « le train existe ».

Les lobbyistes du transport routier qui gangrènent le Parlement européen s'en frottent les mains. En attendant, 99 % des 40 tonnes en France roulent au diesel. Moins de 1 % est à l'électrique et coûte trois à quatre fois plus cher.

Cette proposition de résolution européenne visant à repousser la directive européenne est hypocrite car vous appelez la France à jouer un rôle moteur dans la détermination d'une politique européenne globale de développement et de pérennisation du fret ferroviaire. Mais en même temps, votre gouvernement a achevé le démantèlement de fret SNCF : cession des 23 tronçons les plus rentables, cession des matériels roulants, suppression de 5 000 emplois.

Nous étions des milliers hier à défendre le fret ferroviaire place d'Italie, mais où étiez-vous ? Pourquoi aucun « macroniste » n'est allé plaider pour le leadership européen en faveur du fret ferroviaire, que vous défendez pourtant dans votre rapport ? Pourquoi personne n'est allé déambuler parmi les cheminots, fiers de leur métier, fiers du fleuron national et autrefois industriel, qu'est le train français ?

En réalité, vous êtes plus « pro-marché » que « pro-train ». L'année dernière, Clément Beaune, alors Ministre des transports, justifiait le désossement de fret SNCF par une anticipation d'une éventuelle sanction de Bruxelles. Vous aviez tout faux : l'Europe permis à l'Allemagne de financer le fret ferroviaire avec de l'argent public dans son avis du 21 mai 2024. De vrais visionnaires…

Malgré tout, vous plébiscitez l'expérimentation des méga-camions sur les tronçons ne disposant pas de voie ferrée. Cela va, au mieux, empêcher la création de nouvelles lignes ferroviaires, et au pire, constituer les nouveaux itinéraires de transport routier européens. L'étude d'impact fait pourtant état de 13 millions de camions en plus sur les routes européennes si la directive était adoptée, ainsi qu'un recul du ferroviaire de 21 %. Alors, stoppez l'hypocrisie : à quand une vraie loi de programmation et de financement des infrastructures ferroviaires en France, comme le demandent tous les acteurs du fret ferroviaire français ?

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Le groupe Démocrates soutient cette proposition de résolution européenne, et je vais vous donner quelques raisons qui justifient ce soutien.

Dans un contexte où l'Union européenne cherche à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, notamment les émissions du transport routier de marchandises via le pacte vert, le Parlement européen a adopté la révision de la directive qui autorise les méga-camions à circuler sur les routes européennes.

Derrière cette directive, se trouve l'idée que le fait de permettre à des camions plus grands de circuler réduira le nombre de trajets nécessaire au transport de marchandises et réduira les émissions de gaz à effet de serre. Or, comme vous le rappelez, cette réduction n'est pas significative puisqu'un camion de 60 tonnes consomme environ 30 % de carburant de plus qu'un 44 tonnes, et même si leur chargement moyen est plus élevé, le gain de CO2 par tonne par kilomètre n'est que de 5 %. En réalité, le gain est donc plus de l'ordre économique qu'écologique.

Ensuite, deux autres points nous posent problème. D'abord, la France ne dispose pas des infrastructures nécessaires au passage régulier de poids lourds de 60 tonnes, contrairement à l'Allemagne ou aux Pays-Bas qui autorisent déjà les méga-camions.

De plus, le fret ferroviaire, qui ne concerne déjà que 9 % des marchandises transportées, sera placé dans une situation de concurrence déloyale qui réduirait ses performances sur ce segment. Or, il est nécessaire de redynamiser le fret ferroviaire : il est moins bruyant, moins polluant, moins dangereux que le transport routier. C'est la raison pour laquelle le gouvernement et la majorité soutiennent la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, dont nous pouvons tous nous réjouir.

Enfin, dans la mesure où la France reste libre d'adopter ou non ces nouvelles normes, nous considérons que cette proposition de résolution européenne va dans le bon sens, c'est la raison pour laquelle nous soutiendrons.

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L'objet de ce texte est double. Il invite le gouvernement à repousser la directive libéralisant le transport des systèmes modulaires européens, également appelés méga-camions, mais aussi à jouer un rôle moteur dans la détermination d'une politique européenne globale de développement et de pérennisation du fret ferroviaire.

Nous souscrivons aux orientations de ce texte, même si nous le trouvons, à certains égards, trop mesuré. Il est absolument essentiel que notre pays s'oppose à la révision de la directive réglementant le poids et la taille des camions, de manière à ne pas autoriser sans restriction la circulation de camions pouvant atteindre une longueur de 31 mètres de long, et plus de 60 tonnes. Comme le note notre collègue Zulesi, cette libéralisation pose des questions importantes en termes d'adaptation des infrastructures et de sécurité routière.

Elle est d'ailleurs rejetée par une majorité des Européens, qui craignent la dégradation de l'état des infrastructures, une détérioration de la sécurité routière et l'aggravation des nuisances routières.

Mais le texte adopté par le Parlement européen le 12 mars dernier est aussi, et surtout, un coup mortel porté au fret ferroviaire. La libéralisation de la circulation des systèmes modulaires européens viendrait directement concurrencer le fret ferroviaire sur les segments les plus rentables que sont les 6 500 kilomètres de lignes de corridor de fret international traversant la France. Cette concurrence hypothéquerait les chances de développer le fret ferroviaire, et de faire circuler davantage de trains de marchandises sur l'ensemble du réseau. Ces menaces sur le fret ferroviaire soulignent le contresens écologique à l'œuvre, en favorisant ce que le rapporteur nomme avec justesse un « report modal inversé », non pas de la route vers le rail, mais du rail vers la route.

La révision de la directive aggraverait le niveau d'émission du secteur routier, nous serions dès lors en contradiction patente avec le pacte vert pour l'Europe qui demande qu'une part substantielle des 75 % du fret intérieur, qui est actuellement acheminé par la route, soit transférée vers le rail et les voies navigables intérieures.

Encore une fois, la Commission européenne veut se convaincre que du chaos, de la libéralisation à outrance de l'ensemble des secteurs économiques, émergeront des solutions viables économiquement et écologiquement. Nous refusons l'amère potion de cette cuisine d'apprentis sorciers.

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Votre proposition de résolution semble faire l'unanimité au sein de la plupart des groupes politiques, c'est une chose assez rare pour la souligner et nous en féliciter. Une grande majorité des députés européens français se sont également opposés à cette directive.

Néanmoins, une question demeure : quelles seront les conséquences sociales sur les travailleurs du secteur des transports routiers en cas d'intensification de la transition vers le fret ferroviaire ? Nous savons que les entreprises de ce secteur font face à divers enjeux tels que les difficultés de recrutement de chauffeurs. Une accélération de la transition vers le ferroviaire aura inévitablement des conséquences sur l'emploi : nous devons tenir compte de cet aspect pour accompagner et former les professionnels de ce secteur.

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Monsieur Berteloot, vous m'avez questionné sur deux points précis. Concernant l'emploi du terme « repousser » dans la résolution, vous avez raison et je vous proposerai un amendement de réécriture pour bien préciser qu'il s'agit de s'opposer à la directive telle qu'elle est écrite.

Ensuite, concernant l'approche européenne, j'avais exprimé dans la loi d'orientation des mobilités une volonté d'établir une stratégie nationale de fret ferroviaire dans laquelle nous pourrions avoir une approche européenne qui permettra de massifier les transports et en particulier ceux de longue distance. Je considère que nous pouvons avoir une relance, un développement de ce fret ferroviaire par des corridors européens. Effectivement, je crois en une Europe étant en capacité de nous accompagner dans le développement du fret ferroviaire.

Monsieur Carrière, vous m'avez demandé où j'étais hier après-midi. Mais, où étiez-vous ces sept dernières années ? C'est bien cette majorité et votre serviteur, qui, dans la loi d'orientation des mobilités ont porté la stratégie nationale de fret ferroviaire – laquelle a atteint l'objectif de doublement du fret ferroviaire passant de 9 à 18 % dans le cadre de la loi climat et résilience. C'est cette même majorité qui a repris 40 milliards d'euros de dette de la SNCF et a permis de relancer notre fierté nationale. C'est bien cette majorité qui a voté des aides permettant au lendemain de la crise COVID d'accompagner les entreprises de fret ferroviaire. Je ne sais où vous étiez ces sept dernières années pour accompagner cette dynamique vertueuse qui montre à quel point cette majorité, qui a la volonté de relancer le fret, est fière des cheminots et des cheminotes de notre nation.

Monsieur Chassaigne je n'ai aucun mot à rajouter à votre propos, je pense que nous sommes en phase et je tiens à saluer le travail réalisé par Pierre Dharréville dans sa circonscription.

Madame Le Peih, vous m'avez interrogé sur le sujet de l'emploi. Nous avons 400 000 emplois vacants puisque le secteur routier recherche des conducteurs. Nous avons une nécessité de recruter dans le secteur routier, qui implique aussi de lutter contre le dumping social et de recruter français. Je ne pense pas que le fret ferroviaire viendrait capter dans le futur, les emplois du monde routier : je crois plutôt en la complémentarité. Aussi, même si je suis très attaché au fret ferroviaire, nous aurons besoin notamment pour le transport de courte et moyenne distance, de la flexibilité du camion pour acheminer les marchandises. Nous aurons donc besoin des routiers français.

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J'ai entendu mon collègue Monsieur Carrière dire qu'il fallait investir dans le ferroviaire, mais, expliquez-moi pourquoi vous êtes contre la ligne Turin-Lyon.

Amendement n° 1 présenté par Jean-Marc Zulesi

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C'est un amendement rédactionnel notamment sur un certain nombre de précisions sur les règlements mentionnés au début de la proposition de résolution.

L'amendement n° 1 est adopté.

Amendement n° 2 présenté par Jean-Marc Zulesi

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Il est essentiel de pouvoir rappeler les chiffres avec seulement 11 % du transport de marchandises assuré par le ferroviaire et simplement 2 % par le fluvial.

L'amendement n° 2 est adopté.

Amendement n° 3 présenté par Jean-Marc Zulesi

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C'est un amendement rédactionnel pour qu'à la suite du terme impact nous y ajoutions le terme potentiel. Je suis convaincu qu'il y aura un impact négatif sur nos infrastructures : les études sont contestées. Par ailleurs, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il est nécessaire de prendre en compte le report modal potentiel sur le fret de ferroviaire.

L'amendement n° 3 est adopté.

Amendement n° 4 présenté par Jean-Marc Zulesi

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Cet amendement vise à mettre en avant la nécessité de valoriser le transport intermodal. Cette proposition de révision de directive pénaliserait le transport intermodal, à rebours de nos objectifs de décarbonation.

L'amendement n° 4 est adopté.

Amendement n° 5 présenté par Jean-Marc Zulesi

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Vous l'avez compris : j'ai un prisme ferroviaire assez fort. Cependant, il ne faut pas oublier le fluvial. Je propose alors de rajouter après le terme « ferroviaire » le terme « fluvial » pour ne pas oublier la multimodalité.

L'amendement n° 5 est adopté.

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Nous avons là deux amendements en discussion commune. L'amendement n° 6 de Monsieur le rapporteur et l'amendement n° 9 de Monsieur Berteloot.

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À juste titre, Monsieur Berteloot a souligné un point qui n'était pas très clair dans ma proposition de résolution puisque j'appelais à repousser cette directive. Or il ne s'agit pas de repousser mais bien de s'opposer à ladite directive telle qu'elle est mentionnée. Je vous propose une réécriture qui permet de bien rendre compte de cette position d'opposition à la proposition de résolution.

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Je retire mon amendement n° 9 pour soutenir l'amendement n° 6 ainsi corrigé.

L'amendement n° 6 est retiré.

Amendement n °7 présenté par Jean-Marc Zulesi

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Cet amendement souligne la nécessité pour les Etats de maîtriser les paramètres d'autorisation des conditions de circulation transfrontalière de camions de plus de 40 tonnes.

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Il faut rappeler qu'aujourd'hui il y a un avantage compétitif au transport combiné avec la possibilité d'utiliser des camions plus lourds dès lors qu'une partie du trajet est effectuée en combinatoire avec du rail ou de la voie fluviale. Or, l'adoption de la directive qui fait l'objet de note discussion supprimerait cet avantage compétitif. De ce fait, cet amendement doit être adopté.

L'amendement n° 7 est adopté.

Amendement n° 10 présenté par Pierrick Berteloot

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Le dispositif Paquet Mobilité a été adopté par les parlementaires européens français en vue d'encadrer le détachement des chauffeurs routiers en France. Il était question de lutter contre le dumping social et de la concurrence déloyale dans le domaine du transport de marchandise français. Or ce dispositif n'est pas appliqué, que ce soit à l'échelle nationale ou européenne. De ce fait, l'autorisation des méga-camions en Europe et en France aggraverait la situation pour les chauffeurs routiers français et in fine les Français en général. Cet amendement peut permettre de limiter les dégâts en cas d'adoption de la directive 2023/0265. Je vous invite à voter en faveur de cet amendement pour la protection des Français usagers des routes et chauffeurs routiers.

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L'objet de la révision de la directive concerne les poids et mesures et en aucun cas les sujets sociaux. Bien qu'essentiels, ceux-ci feront sans doute l'objet d'une autre proposition de résolution. Pour faciliter les négociations et pour rester dans le cadre de la directive, il est important de rester sur les sujets relatifs aux dimensions des poids lourds. Alors, je vous propose Monsieur Berteloot de retirer votre amendement qui risque d'obtenir un avis défavorable.

L'amendement n° 10 est retiré.

Amendement n° 8 présenté par Jean-Marc Zulesi

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Une nouvelle fois pour insister sur la multimodalité, je propose à l'alinéa 17 qu'après le mot « ferroviaire » nous puissions ajouter les mots « complémentaires du transport routier et fluvial ». Dans le cadre de cet amendement, j'insiste notamment sur le sujet de l'intermodalité vis-à-vis du fluvial, qui me semble délaissé dans les débats nationaux et européens.

L'amendement n° 8 est adopté.

L'article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.

La séance est levée à 16 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Pierrick Berteloot, M. Stéphane Buchou, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, Mme Annick Cousin, M. Pierre-Henri Dumont, M. Benjamin Haddad, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, Mme Louise Morel, M. David Valence, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. – Mme Marietta Karamanli, Mme Lysiane Métayer, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Liliana Tanguy

Assistait également à la réunion. – Mme Marie-Charlotte Garin