L'objet de ce texte est double. Il invite le gouvernement à repousser la directive libéralisant le transport des systèmes modulaires européens, également appelés méga-camions, mais aussi à jouer un rôle moteur dans la détermination d'une politique européenne globale de développement et de pérennisation du fret ferroviaire.
Nous souscrivons aux orientations de ce texte, même si nous le trouvons, à certains égards, trop mesuré. Il est absolument essentiel que notre pays s'oppose à la révision de la directive réglementant le poids et la taille des camions, de manière à ne pas autoriser sans restriction la circulation de camions pouvant atteindre une longueur de 31 mètres de long, et plus de 60 tonnes. Comme le note notre collègue Zulesi, cette libéralisation pose des questions importantes en termes d'adaptation des infrastructures et de sécurité routière.
Elle est d'ailleurs rejetée par une majorité des Européens, qui craignent la dégradation de l'état des infrastructures, une détérioration de la sécurité routière et l'aggravation des nuisances routières.
Mais le texte adopté par le Parlement européen le 12 mars dernier est aussi, et surtout, un coup mortel porté au fret ferroviaire. La libéralisation de la circulation des systèmes modulaires européens viendrait directement concurrencer le fret ferroviaire sur les segments les plus rentables que sont les 6 500 kilomètres de lignes de corridor de fret international traversant la France. Cette concurrence hypothéquerait les chances de développer le fret ferroviaire, et de faire circuler davantage de trains de marchandises sur l'ensemble du réseau. Ces menaces sur le fret ferroviaire soulignent le contresens écologique à l'œuvre, en favorisant ce que le rapporteur nomme avec justesse un « report modal inversé », non pas de la route vers le rail, mais du rail vers la route.
La révision de la directive aggraverait le niveau d'émission du secteur routier, nous serions dès lors en contradiction patente avec le pacte vert pour l'Europe qui demande qu'une part substantielle des 75 % du fret intérieur, qui est actuellement acheminé par la route, soit transférée vers le rail et les voies navigables intérieures.
Encore une fois, la Commission européenne veut se convaincre que du chaos, de la libéralisation à outrance de l'ensemble des secteurs économiques, émergeront des solutions viables économiquement et écologiquement. Nous refusons l'amère potion de cette cuisine d'apprentis sorciers.