Madame Constance Le Grip et Madame Louise Morel, vous soutenez l'objectif de développer le monde associatif européen. Nous sommes tous d'accord et je pense que cela est très important. La réalité, c'est que l'état actuel du droit n'empêche pas la création d'associations dans différents États membres. Par exemple, les associations de jumelage dans les communes fonctionnent très bien et permettent des échanges. Il n'y a aujourd'hui pas de freins législatifs à la création d'associations, ce qui nous a été confirmé par des représentants d'un syndicat d'associations spécialisées dans la création de ce type d'associations. Cette proposition de directive porte une intention très louable, mais elle a totalement échappé à son créateur.
Vous évoquez l'importance des associations à but non lucratif pour faire respecter les droits des citoyens et les valeurs fondamentales de l'Union, et je suis entièrement d'accord. Mais dans ce cas-là, pourquoi traiter ce problème sous l'angle du marché intérieur ? Alors que nous discutons d'associations à but non lucratif, cette proposition de directive place ces organisations dans un ensemble de normes qui régissent des pratiques extrêmement lucratives ; le marché intérieur. Cet angle a en réalité assez peu de sens. Les seules associations qui pourraient exercer dans ce cadre seraient les associations d'économie sociale et solidaire (ESS). Mais le petit intérêt de quelques associations d'ESS ne justifie pas, à mon sens, de bouleverser le modèle associatif français et de mettre en danger la sécurité de nos citoyens.
Le problème, c'est qu'il sera demain impossible de contrôler les associations transfrontalières européennes : le régime des associations transfrontalières européennes est tellement favorable qu'une association française ne s'enregistrera plus sur le modèle loi 1901 ou 1905, mais basculera directement, même si elle n'a aucune activité transfrontalière, dans un modèle d'association transfrontalière européenne parce que la fiscalité et les contraintes administratives sont plus faibles. Nous pouvons même imaginer que certains pays se spécialiseront dans la création d'associations transfrontalières européennes, notamment si la base juridique qui est celle du marché intérieur permet d'en retirer des gains. Cela posera un problème, en sachant par ailleurs que certains pays ne procèdent pas à des dissolutions administratives et qu'il est impossible de contrôler les pièces transmises à la création d'une association dans un pays étranger si l'État membre qui a reçu la documentation ne désire pas la transmettre. Il y aura donc un secret associatif, comme il peut exister un secret fiscal ou bancaire dans certains pays. Si nous comparons les coûts et les avantages d'une telle proposition, il est clair que la balance est extrêmement défavorable.
Madame Annick Cousin, vous avez évoqué un point important et inquiétant ; l'ouverture par le Parlement européen du champ d'application de ces associations transfrontalières aux champs politiques, syndicaux et cultuels. Cela signifie que notre modèle français de financement des partis politiques serait bouleversé. Il existe des pays en Europe où les entreprises privées peuvent financer des partis politiques. Les partis politiques européens sont d'ailleurs financés par des entreprises privées. Cela serait très dommageable pour le modèle de transparence que nous avons développé en France dans le financement des partis politiques.
Au regard de la tournure actuelle que prend le texte, nous sommes plutôt pessimistes sur notre capacité à retravailler le texte pour atteindre un point d'équilibre au Conseil de l'Union. L'alternative n'est pas entre « renégocier » ou « rejeter » mais entre « adopter » ou « rejeter ». Nous allons en discuter en étudiant les amendements, mais il ne faut pas se faire d'illusion au sujet d'une possible renégociation.