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La commission a auditionné M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement

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Monsieur le ministre délégué chargé du logement, la commission des affaires économiques est très heureuse de vous retrouver dans cette salle que vous connaissez bien. Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à nos questions moins de deux mois après votre entrée au Gouvernement.

Le logement connaît une crise profonde, à laquelle sont également confrontés la plupart de nos voisins européens. La hausse des taux d'intérêt a partout produit les mêmes effets : le marché est entré dans une phase de quasi-gel, avec un fort ralentissement du nombre de ventes et d'achats bloquant les mobilités, une insuffisance des nouvelles constructions, aussi bien dans le secteur privé que pour le logement social, et un tassement des prix immobiliers, qui restent néanmoins très élevés.

Vous annoncez une feuille de route se concentrant sur un « choc de l'offre ». Comment comptez-vous décliner cette politique ? Quelle pourrait être, en particulier, sa traduction législative ?

Un projet de loi sur le logement est annoncé pour la mi-juin au Sénat. Outre la modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU), déjà annoncée par le Premier ministre, ce projet de loi contiendra-t-il des mesures structurelles ?

Si le Parlement vient d'adopter définitivement le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, au moins deux autres textes sont toujours en cours de navette. Je pense à la proposition de loi de Romain Daubié visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, ainsi qu'à la proposition de loi défendue par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif. Vous avez évoqué hier, lors des questions au Gouvernement, une inscription de ce dernier texte à l'ordre du jour du Sénat au mois de mai. Disposez-vous d'informations plus précises ?

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement

Je suis particulièrement fier et ému de revenir pour la première fois devant cette très belle commission, à laquelle j'ai appartenu pendant près de sept ans et que j'ai eu l'honneur de présider entre juillet 2022 et février 2024 – vingt mois riches d'une activité intense en votre compagnie. J'ai toujours apprécié la teneur des débats qui nous ont animés, que ce soit sur l'énergie, l'industrie, l'agriculture, le logement ou le numérique. Ce sont des débats entre députés qui connaissent à fond leurs sujets et qui travaillent sans relâche pour l'intérêt général.

Je connais évidemment l'engagement des membres de cette commission au sujet du logement. Depuis ma prise de fonctions, j'ai déjà eu l'occasion d'échanger avec un certain nombre d'entre vous, spécialistes de la question. Ces échanges continueront de nourrir mon action au jour le jour. En dépit de nos différences politiques, je sais pouvoir compter sur votre engagement pour travailler dans le sens de l'intérêt collectif et relever les défis qui nous attendent.

Je souhaite profiter de cette première audition devant votre commission pour exposer les grandes orientations de mon ministère, que j'ai définies sous l'égide du Premier ministre, Gabriel Attal, et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et pour échanger avec vous au sujet de ces priorités.

Les mois qui se sont écoulés depuis 2022 nous ont donné de nombreux exemples de la richesse du travail permise par une étroite concertation entre le Gouvernement et le Parlement. Le dialogue continu avec les parlementaires est donc un élément fondamental de la méthode que j'emploierai pour mener des réformes nécessaires et ambitieuses.

Vous connaissez mon engagement de longue date en faveur de l'accès au logement et de la protection de la propriété privée. Quand je siégeais à vos côtés, nous avons travaillé sur de nombreux aspects de la politique du logement, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan), de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi « Climat et résilience »), de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi « 3DS ») ou, plus récemment, de la loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite et de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, qui concerne les meublés de tourisme. Cette action me tient à cœur, et je souhaite remercier à nouveau le Président de la République et le Premier ministre de m'avoir accordé leur confiance en m'attribuant ce portefeuille.

La situation actuelle est marquée par une crise historique du secteur, dont chacun conviendra qu'il s'agit à la fois d'une crise de l'offre et d'une crise de la demande. Nous allons parler des facteurs structurels de cette crise, mais il y a un élément majeur, une sorte d'éléphant dans la pièce : c'est la hausse des taux d'intérêt, qui ont pris 400 points de base en dix-huit mois. Aucun secteur ne peut résister à une telle pression, et encore moins celui du logement, qui y est particulièrement sensible. Partout en Europe, la situation est critique.

Ce n'est pas par hasard que le logement est une compétence de votre commission. Les difficultés d'accès au logement nuisent directement à l'attractivité économique de nos territoires. Les emplois sont moins attractifs car les demandeurs ne trouvent pas à se loger près de leur lieu de travail. Les entreprises hésitent à se réinstaller car elles doutent que leurs employés puissent trouver un toit. Les ménages consacrent jusqu'à un tiers de leur budget au logement. Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) concentre par ailleurs 2 millions d'emplois, non délocalisables, qui participent à 5 % de la création de valeur ajoutée en France mais que les difficultés liées au logement mettent en danger. La crise du logement est donc plus largement une crise de l'emploi et de toute l'économie, avec les impacts sociaux qu'elle entraîne et les risques qu'elle comporte pour notre trajectoire de réindustrialisation et de croissance.

Face à cette situation, nous ne sommes pas démunis. Nous agissons au jour le jour pour remédier à la crise. Je propose de vous présenter les huit leviers principaux de notre feuille de route en la matière.

Notre premier objectif est la simplification des procédures pour relancer l'offre en encourageant, par tous les leviers, la construction de nouveaux logements. Les chantiers continuent d'être freinés par des processus administratifs qui peuvent s'avérer complexes et lourds. J'ai d'ores et déjà annoncé une première vague de cinq chantiers et dix mesures de simplification administrative. Il s'agit notamment de réduire les délais de recours, qui seront ramenés de six à deux mois. D'autres paquets de mesures de simplification seront annoncés d'ici à cet été. Nous devons avoir constamment à l'esprit la nécessité de faciliter la vie des artisans et des entreprises du BTP afin de permettre aux projets de sortir de terre.

Notre deuxième objectif est une relance ciblée de la production, pour répondre aux besoins économiques et démographiques de nos territoires. Nous ne souhaitons pas reproduire certains dispositifs du passé visant à relancer urbi et orbi, à n'importe quel prix. Pour soutenir l'offre, de précédents gouvernements ont recouru massivement à des incitations fiscales, qui sont l'équivalent sectoriel d'incitations budgétaires très fortes. Pour notre part, nous avons fait le choix d'une approche ciblée afin de relancer la production là où les besoins sont les plus forts. C'est tout l'esprit du programme Territoires engagés pour le logement, dont nous avons annoncé en février dernier une première vague de vingt-deux lauréats. Nous donnons ainsi un coup d'accélérateur à des programmes stratégiques devant créer 30 000 logements sur les trois prochaines années. Je me suis rendu à Ferney-Voltaire, dans la circonscription d'Olga Givernet, et dans le Pays basque, chez Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la communauté d'agglomération Pays basque. Je suivrai personnellement l'avancée de ces vingt-deux projets, avec l'objectif que les conventions soient signées d'ici à la fin du mois de mai. Certains membres de votre commission sont des élus des territoires sélectionnés : je pense notamment à Sébastien Jumel, à Dieppe, où la construction d'un nouveau réacteur de type EPR implique la création d'une offre significative de logements.

Notre troisième objectif est l'accès au logement pour les classes moyennes. Beaucoup de territoires ont connu, ces dernières années, une hausse des prix empêchant de nombreux Français d'accéder au marché. Nous encourageons la création de programmes de logements mixtes à prix réglementés et abordables. Nous avons annoncé, avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire, la signature d'un pacte d'investissement avec des investisseurs institutionnels, en vue de produire 75 000 logements locatifs intermédiaires (LLI). Ce type de logements étant destiné à un public appartenant, du fait de ses ressources, aux classes moyennes, une telle politique joue à plein dans les zones les plus tendues, où le LLI peut être jusqu'à 30 % moins cher que le prix du marché. Il faut donc accompagner le déploiement de ce produit, et c'est ce que nous continuerons de faire.

Notre quatrième objectif est de répondre au défi écologique. Les urgences du moment ne doivent pas nous amener à oublier les enjeux de plus long terme. À une époque marquée par l'intensification des risques pesant sur l'habitat, avec la multiplication des inondations et l'émergence de nouveaux problèmes comme le retrait-gonflement des argiles, la création de nouveaux logements doit se faire d'une manière qui soit compatible avec l'adaptation de la ville au défi climatique et avec nos engagements écologiques.

L'une de nos priorités est la rénovation énergétique de l'habitat, qui doit permettre de répondre à nos besoins énergétiques de manière décarbonée. Nous continuons d'améliorer et d'optimiser MaPrimeRénov', un dispositif qui a décollé en très peu de temps et qui nous a permis d'atteindre la barre des 2 millions de rénovations depuis sa création en 2020. Cet effort doit se poursuivre. Avec Christophe Béchu, nous avons travaillé de concert avec les fédérations du bâtiment et de l'artisanat pour trouver des solutions aux difficultés que rencontrent les particuliers et les professionnels en ce début d'année. Nous avons récemment ajusté le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) afin de mieux prendre en compte les consommations énergétiques des petites surfaces, inférieures à 40 mètres carrés, et de nous assurer ainsi que 140 000 logements ne sortiraient pas indûment du parc de logements locatifs le 1er janvier prochain – ce qui, dans le contexte actuel, ajouterait aux difficultés que rencontrent les Français pour trouver un logement. La mise à niveau de notre parc doit donc se poursuivre, en prenant aussi le chemin d'une meilleure adaptation aux défis du vieillissement. C'est le sens de la création, le 1er janvier dernier, de MaPrimeAdapt'.

Pour poursuivre ce mouvement, nous avons besoin que toute la filière prenne le pli de cette transformation, comme elle est en train de le faire. Il faut que tous s'engagent dans la même direction – fabricants de matériaux, distributeurs, plateformes de mise en relation, acteurs de la formation des professionnels ou de l'information et de l'accompagnement des ménages. Dans les prochains jours, je proposerai aux professionnels du secteur un pacte de confiance et d'engagement de la filière de la rénovation qui puisse aboutir à des actions concrètes afin de préparer au mieux, collectivement, l'échéance de 2025.

Notre cinquième objectif est de relever le défi de l'aménagement du territoire, auquel de nombreux membres de votre commission sont sensibles, grâce à notre politique ambitieuse visant à réduire de moitié l'artificialisation des sols au cours de la prochaine décennie – ce qui est indispensable. Si nous voulons à la fois assurer notre souveraineté agricole et nous protéger contre les aléas climatiques, il importe plus que jamais de créer l'offre nouvelle en s'appuyant sur les espaces déjà urbanisés. Nous devons mieux recycler les espaces existants en refaisant la ville sur la ville. Nous surélèverons l'existant quand ce sera possible et nous densifierons les zones pavillonnaires, répondant à l'aspiration de nombreux Français de vivre dans une maison individuelle. Nous souhaitons en particulier transformer les zones d'activité ou d'entrée de ville en les densifiant ou en renforçant leurs fonctionnalités urbaines pour créer une ville plus agréable, plus fonctionnelle et plus écologique. Nous avons annoncé la semaine dernière, avec Olivia Grégoire, les premiers lauréats de cette initiative, et nous poursuivrons dans cette lancée. Nous estimons que cette première vague pourrait aboutir à la création, dans les prochaines années, de 25 000 logements rien que dans les zones commerciales que nous voulons transformer.

C'est le même objectif que vise la proposition de loi de Romain Daubié et du groupe Démocrate visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. Dans certains territoires, l'évolution des modes de travail entraîne la constitution d'un gisement important de logements potentiels, qu'il nous faut à tout prix exploiter. Rien qu'en Île-de-France, 4,5 millions de mètres carrés de bureaux vides pourraient servir à d'autres usages. Pour poursuivre cette dynamique, je souhaite l'inscription prochaine du texte important et utile de Romain Daubié, que je salue, à l'ordre du jour du Sénat.

Notre sixième objectif est de répondre au défi social. L'État continue d'être aux côtés des personnes qui souffrent et qui sont à la rue. Nous consacrons chaque année 3 milliards d'euros à cette mission ; cela représente 200 000 places d'urgence, dont 100 000 en Île-de-France. Mon prédécesseur avait obtenu 120 millions d'euros de crédits supplémentaires pour mettre les personnes à l'abri, une somme que nous avons réussi à sécuriser lors des récents débats budgétaires. Dans cette perspective, nous poursuivons notre engagement en faveur du Logement d'abord, notamment pour développer le recours à l'intermédiation locative, une solution qui permet à la fois d'encourager la mise en location et de sortir les gens de la situation d'urgence dans laquelle ils se trouvent.

Notre septième objectif est de créer un choc de confiance pour encourager l'offre locative. La libération de l'offre passe aussi par la réactivation de la partie du parc qui existe déjà, mais reste sous-exploitée. En année pleine, la construction de l'offre neuve ne représente que 1 % du parc existant. En réalité, 80 % des logements dont nous disposerons en 2050 existent déjà. Face à l'urgence, c'est donc ce parc existant qui doit être mobilisé tout entier.

L'attrition du logement dans les zones les plus tendues est un problème urgent, auquel nous avons commencé à nous attaquer. Cette dynamique se poursuit encore aujourd'hui, atteignant localement jusqu'à 20 ou 30 % du parc locatif, sous l'effet conjugué de l'essor de l'immobilier de tourisme, de la transformation d'une partie du parc en résidences secondaires et de la vacance volontaire, causée par des propriétaires qui, face à l'insécurité que représente la mise en location, choisissent de laisser leurs biens sans occupant plutôt que de risquer des ennuis ou des difficultés. Face à ces aléas, nous devons tout faire pour intéresser davantage les propriétaires à l'acte de louer, qui est un service rendu à la société – on s'en rend bien compte quand les biens finissent par manquer.

Nous avons déjà commencé à nous attaquer aux causes de cette attrition dans certains territoires. Le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement comprend ainsi des dispositions spécifiques aux territoires ultramarins, qui permettront de récupérer plus rapidement les biens en indivision successorale. Plus largement, nous devons rendre sa rentabilité à l'activité locative résidentielle, et nous devons sécuriser les bailleurs dans la relation locative en mettant tout en œuvre pour prévenir le risque d'impayés de loyer et agir rapidement quand il se concrétise. Nous devons en outre poursuivre le travail déjà engagé pour décourager, dans les zones à forts besoins, les usages de l'immobilier à des fins autres que résidentielles. C'est la raison pour laquelle je me réjouis tout particulièrement de l'inscription de la proposition de loi d'Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz à l'ordre du jour du Sénat, probablement lors de la semaine du 20 mai, qui est une semaine réservée par priorité au Gouvernement.

Notre huitième et dernier objectif est d'agir sur la demande pour faciliter l'accès à la propriété. Comme je l'ai rappelé en introduction, la crise que nous connaissons est aussi conjoncturelle, liée à la hausse très forte des taux d'intérêt depuis dix-huit mois. Lorsque l'accession à la propriété est empêchée, c'est tout le parcours résidentiel qui se trouve bloqué. Les ménages locataires du parc privé n'ont plus accès au crédit et doivent donc continuer de louer, quand bien même ils auraient souhaité acheter pour fonder un foyer. La rotation dans le parc locatif est grippée et les locataires du parc social ne peuvent plus accéder au privé.

Si nous voulons relancer la machine, nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre la baisse des taux, qui devrait toutefois commencer dans les prochains mois. Nous prenons des mesures proactives pour accompagner les ménages dans leur parcours d'accession. J'ai souhaité faire évoluer les zonages qui donnent accès aux différents dispositifs d'aide à l'accession. Avec Bruno Le Maire, nous avons annoncé il y a deux semaines, au Pays basque, une révision du zonage ABC pour reclasser quelque 800 communes en zone tendue, ce qui permettra à leurs habitants d'avoir davantage accès aux dispositifs d'aide à l'accession, en particulier le prêt à taux zéro (PTZ) et le bail réel solidaire. Nous travaillons en outre avec le Haut Conseil de stabilité financière pour donner aux ménages une deuxième chance en incitant les banques à réexaminer les demandes de crédit refusées. Enfin, la proposition de loi de Lionel Causse visant à compléter les dispositions applicables au Haut Conseil de stabilité financière, qui sera examinée la semaine prochaine par la commission des finances, pose de bonnes questions et ouvre un débat utile sur les conditions d'octroi des prêts bancaires.

Vous le voyez, j'ai mis autant que possible à profit les presque huit semaines qui se sont écoulées depuis ma nomination pour mettre en œuvre la feuille de route qui m'a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre. Dans le cadre d'une concertation étroite avec les acteurs du logement, j'ai commencé à actionner les différents leviers dont je dispose pour lever les freins à une relance rapide et puissante du secteur.

J'ai l'intention de poursuivre et même d'amplifier ces dynamiques, à partir du mois de juin, en présentant d'abord au Sénat, puis devant vous, un projet de loi pour le logement des classes moyennes. Ce texte, qui devra relever une grande partie des défis que je viens de détailler contiendra notamment des mesures permettant de mieux intéresser les élus à l'acte de bâtir. Je suis en effet convaincu que la politique du logement ne peut être menée sans faire confiance aux maires, lesquels connaissent mieux que quiconque les difficultés de leurs administrés, qu'ils accueillent chaque jour dans leur mairie. À cet effet, j'ai engagé une concertation avec l'ensemble des associations représentatives des collectivités.

Ce projet de loi contiendra également un ensemble de mesures visant à renforcer la production de logements sociaux, en agissant notamment sur les ressources des bailleurs sociaux, et de logements intermédiaires – deux leviers essentiels dont nous disposons pour loger les classes moyennes. Il contiendra enfin des mesures visant à simplifier les procédures de construction et à favoriser les opérations de densification et de surélévation qui tirent profit du potentiel des espaces urbains existants. Nous aurons bien sûr l'occasion d'échanger plus longuement lorsque je viendrai défendre ce texte devant vous. En attendant, je suis à votre écoute et à votre entière disposition pour échanger et répondre à vos questions.

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Merci d'être revenu sur votre feuille de route et d'avoir indiqué les axes de travail qui concerneront tout particulièrement notre commission.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Vous avez présenté votre feuille de route rapidement après votre nomination et vous avez déjà pris des mesures fortes pour lutter contre ce que de nombreux acteurs appellent la crise de l'offre.

De nombreuses analyses de professionnels, souvent pertinentes, alimentent les débats sur les causes de la crise et les façons d'en sortir. Parmi ces propositions, on retrouve l'idée de produire un choc d'offre. Si nous confirmons le besoin de créer de nouveaux logements, eu égard à la diminution des mises en chantier par rapport aux années précédentes, certains chiffres avancés nous laissent perplexes. Pouvez-vous nous éclairer sur l'évaluation du nombre de constructions nécessaires chaque année, sachant qu'il varie entre 300 000 et 500 000 selon les estimations ?

À mon sens, ce choc d'offre doit s'appuyer sur une évaluation des besoins des citoyens et des territoires de notre pays. Nous souhaitons tous que les politiques publiques en matière de logement soient efficaces. Pour cela, nous aurions besoin de dresser, par exemple, un bilan du plan de lutte contre la vacance des logements lancé en 2018, ou encore un état des lieux qualitatif et quantitatif de la reconquête ou de la création de logements dans le cadre du plan Action Cœur de ville et du programme Petites Villes de demain, bien que ces deux dispositifs soient assez récents. Nous aimerions aussi avoir un retour sur l'établissement de plans départementaux de l'habitat et de plans locaux de l'habitat par les collectivités – l'ensemble du territoire devrait en être couvert, mais il ne l'est pas.

Une étude de grande ampleur lancée en 2019 dans sept territoires intercommunaux « pilotes de sobriété foncière » cherche aussi à détecter ce foncier invisible et à trouver les leviers de l'attractivité des villes moyennes. Nous devons tirer les enseignements opérationnels de ce défrichage, avec des tandems constitués d'élus et de praticiens de l'aménagement. Je vous sais particulièrement attachée à ces remontées du terrain.

Enfin, si le fléchage des friches est aujourd'hui un succès, partout en France, grâce au fonds « friches » et désormais au fonds vert, de nombreux plans de revitalisation concourent à un renversement des tendances de l'aménagement du territoire. Que diriez-vous de réorienter les politiques publiques en fonction des besoins des territoires, en cherchant une forme de rééquilibrage et en combinant les enjeux liés à la réindustrialisation, à l'habitat et aux infrastructures de mobilité ? Une partie de ces préoccupations trouveront, je l'espère, une réponse dans le futur projet de loi : pourriez-vous compléter la présentation que vous en avez faite ?

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Je partage totalement votre vision de l'aménagement du territoire. C'est l'un des huit axes que j'ai développés et je serai ravi de pouvoir l'expliciter davantage dans les prochaines semaines.

Je cite rarement des chiffres globaux en matière de construction. Nous savons tous que plusieurs centaines de milliers de créations de logements sont nécessaires chaque année. Mais il faut partir des besoins des territoires, et ceux de la Charente ne sont pas les mêmes que ceux de l'Eure-et-Loir. Cela explique l'approche très territorialisée de la politique que nous avons commencé à mener. Même dans le cadre du programme Territoires engagés pour le logement, le processus est très ciblé : nous examinons territoire par territoire le foncier existant, les possibilités de construire ou de surélever ainsi que les contraintes, notamment liées au littoral ou à la montagne.

J'ai déjà cité une partie des dispositions que contiendra le projet de loi. On y parlera de production de logements abordables, d'incitation aux maires bâtisseurs, de simplification de l'acte de construire, de mesures favorisant la mobilité dans le parc social et l'accession à la propriété. Toutes ces questions seront posées dans le cadre de ce texte que nous aurons la chance et le plaisir d'examiner ensemble.

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Cette audition est la bienvenue : elle permettra, je l'espère, de clarifier les orientations de la politique du logement du gouvernement Attal. Face à la crise qui s'installe, le Gouvernement a fait plusieurs annonces que nous qualifions de mesures d'affichage et qui ne nous semblent pas répondre aux enjeux. Depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, la politique menée est idéologiquement défavorable au logement.

La mise en avant des vingt-deux fameux territoires de projet, qui se sont engagés à construire 30 000 logements en trois ans, nous paraît dérisoire face à l'effondrement de la construction. Selon plusieurs estimations, 240 000 logements devraient être construits en 2024 : on est bien loin du rythme de croisière des 400 000 attendus chaque année par le secteur et les experts.

Vous avez annoncé le basculement de 600 ou 800 communes en zone tendue afin de les rendre éligibles aux nouvelles dispositions du PTZ. Qu'en est-il de la maison individuelle, bannie du dispositif ? Comptez-vous l'y réintégrer ?

Le carcan normatif, pourtant décrié de toutes parts, reste quant à lui inchangé. L'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), contre lequel se dressent un nombre croissant de communes qui se voient freinées dans leur développement économique ou empêchées de construire des logements sociaux, demeure figé. Comptez-vous engager une réflexion en vue de l'assouplir et de rendre ses objectifs soutenables ?

Le parc locatif est très sévèrement affecté par des contraintes énergétiques fondées sur des DPE dont la fiabilité est contestée jour après jour. Le calendrier de rénovation énergétique est, disons-le clairement, intenable. Du reste, Bruno Le Maire vient de décider d'une coupe de 1 milliard d'euros dans le dispositif MaPrimeRénov'. Au-delà des maigres mesures d'assouplissement annoncées par Christophe Béchu, le Gouvernement compte-t-il revoir les méthodes de ces DPE ainsi que le calendrier ?

Ni l'État, ni les Français n'ont les moyens de suivre les normes édictées. Il serait temps que les objectifs environnementaux, irréalistes, se conforment au réel et tournent le dos à une écologie punitive qui détruit la croissance.

Enfin, nous avons été stupéfaits de découvrir dans la presse que le Gouvernement envisageait de raboter les aides personnelles au logement (APL), ce qui a créé un vent de panique chez de nombreux Français modestes sévèrement fragilisés après deux quinquennats d'Emmanuel Macron. Pouvez-vous prendre l'engagement ici de ne pas réduire les APL des Français ?

Pour ce qui est des deux réformes portant sur l'élargissement de la loi SRU et la décentralisation de la politique du logement, le Rassemblement national attend de connaître leurs dispositions avant de se prononcer.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Le programme Territoires engagés pour le logement concerne effectivement vingt-deux territoires et 30 000 logements, mais personne n'a dit qu'il était exclusif de toute autre mesure. Je souhaite que des centaines de milliers de logements puissent émerger, dans les prochaines années, dans toutes les communes de France – c'est en tout cas ce dont nous avons besoin. Nous avons adopté dans ces vingt-deux territoires une approche ciblée, fondée à la fois sur des mesures de simplification qui s'inspirent de ce qui a été fait pour les Jeux olympiques, afin d'aller plus vite, et sur des mesures d'équilibrage qui permettent de faire sortir de terre des opérations qui ne pourraient voir le jour sans le soutien de l'État. J'ai annoncé, par ailleurs, la production de 75 000 LLI et l'adoption de mesures sur les friches et les zones commerciales, avec un potentiel de 25 000 logements. Si l'on additionne toutes ces dispositions, ce sont en réalité plusieurs centaines de milliers de logements que nous souhaitons construire ; nous n'avons aucunement l'intention de restreindre à vingt-deux territoires la production de logements dans notre pays.

Le PTZ n'a pas disparu, il a été recentré. On en prévoit 40 000 pour 2024, contre 50 000 l'année dernière : on reste donc dans un étiage tout à fait raisonnable.

Je ne rouvrirai pas le débat sur le ZAN, dont nous avons déjà longuement discuté.

Ce que j'ai annoncé concernant les DPE n'est pas une mesurette. Avec Christophe Béchu, nous avons revu le mode de calcul applicable aux petites surfaces, de moins de 40 mètres carrés, pour lesquelles le poids relatif de l'eau chaude sanitaire posait problème. Ainsi, 140 000 logements sortiront des catégories F et G et pourront rester sur le marché locatif.

Enfin, je vous remercie pour votre question relative aux APL : elle me permet de démentir les informations que j'ai lues dans Paris Match. Je ne sais pas d'où elles sortent, mais je peux vous assurer que la réduction des APL n'a jamais été un projet du ministère : ce n'est pas ma feuille de route, cette mesure n'a jamais été sur la table. Je ne peux pas opposer un démenti plus clair.

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Monsieur le ministre des expulsions et du mal-logement, vous êtes aussi le ministre de l'aggravation de la crise du logement. Dans ce domaine, vous battez d'ores et déjà tous les records. En 2023, 21 500 ménages ont été expulsés par recours à la force publique. Ce nombre a augmenté de 23 % en un an, doublé en dix ans et presque triplé en vingt ans ; on sait par ailleurs qu'il est sous-estimé, et on attend encore le bilan de votre loi qui a facilité les expulsions et criminalisé les locataires et victimes de la crise du logement.

Ces dizaines de milliers de ménages expulsés vont rejoindre les 330 000 sans-abri que compte déjà notre pays. Ils vont rejoindre les 93 000 ménages prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo) en attente du logement digne que l'État, hors-la-loi, est pourtant tenu de leur accorder. Ils vont rejoindre les 2,6 millions de demandeurs en attente d'un logement social. À Paris, des familles avec des enfants de 3 ou 4 mois ont dormi la nuit dernière sur le parvis de l'Hôtel de ville. Je salue l'ensemble des solidarités associatives et citoyennes, les associations comme Utopia 56, les parents d'élèves et enseignants du collectif Jamais sans toit et tant d'autres, qui cherchent à pallier votre incurie.

Aux expulsions pour impayés, aggravées par deux années consécutives de hausses des loyers, s'ajoutent les expulsions illégales pour congé opérées par des propriétaires qui veulent rentabiliser leurs biens immobiliers en profitant des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) pour les mettre en location touristique sur Airbnb. Aberration supplémentaire : des travailleurs essentiels aux JOP sont menacés d'expulsion pour laisser place aux touristes venus pour les Jeux.

Face à tout cela, que faites-vous ? Rien, et même pire que rien : votre feuille de route consiste à casser la loi SRU en intégrant dans les objectifs de logements sociaux les logements intermédiaires, dont les planchers de revenus sont pourtant bien plus hauts que ce que touchent les 2,6 millions de demandeurs de logement social. Les maires qui enfreignent la loi SRU pourront facilement continuer à ne pas faire de logement social, mais les locataires qui n'arrivent pas à payer leur loyer et les victimes du mal-logement sont expulsées et criminalisées. Forts avec les faibles et faibles avec les forts, vous prévoyez aussi de vous attaquer au « tabou des APL » que le gouvernement précédent a déjà ponctionnées. En matière de lutte contre la vétusté, vous faites pire que rien en diminuant de 1 milliard les crédits destinés à MaPrimeRénov' en 2024.

Pendant ce temps, le marché locatif privé est à l'arrêt. À Paris, on compte 270 000 logements vides et résidences secondaires. Qu'attendez-vous pour les taxer davantage et appliquer la loi de réquisition ? Il faut remettre des logements sur le marché.

Il faudrait 200 000 logements sociaux par an. La Fondation Abbé Pierre évalue les besoins à 400 000 logements, tout compris, par an, et vous nous en annoncez 30 000 pour les trois prochaines années ! De quel montant d'aides à la pierre les collectivités pourront-elles bénéficier ? Faire prévaloir le droit au logement devrait être la priorité absolue. Il est urgent d'investir massivement dans le logement social, d'interdire les expulsions sans relogement et les congés pour vente ou relocation frauduleuse via Airbnb, d'encadrer strictement les loyers à la baisse dans les zones tendues, de s'atteler enfin à l'encadrement des prix du foncier, de renforcer la loi SRU, d'imposer une trêve olympique pour les expulsions – bref, de faire appliquer le droit au logement et non le droit de spéculer sur le logement et d'expulser sans trêve ni règles.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Difficile de répondre en une minute à toutes ces interpellations. Je vais me centrer sur la question des expulsions locatives, puisque c'est un angle d'attaque assez récurrent.

Vous avez dit qu'il fallait faire respecter le droit au logement, mais je suis aussi là pour faire respecter la loi, qui a d'ailleurs été votée à une large majorité, et pour appliquer les décisions de justice. Il y a en effet un certain nombre d'expulsions décidées par le juge, que nous appliquons avec fermeté et diligence, parce que c'est notre mission.

Permettez-moi de rappeler le parcours du propriétaire confronté à un impayé de loyer. Quelques semaines après l'échéance, il adresse au locataire un commandement de payer. Ensuite, il lui fait envoyer une assignation au tribunal, puis il attend une audience, qui pourra être reportée. S'ensuivent un délibéré, puis la résiliation du bail, l'ordre de quitter les lieux et la réquisition de la force publique. Le locataire est alors convoqué au commissariat, avant d'être expulsé. La procédure dure plusieurs mois, voire plusieurs années. Après ce délai que la loi que nous avons défendue a permis de raccourcir, il y a bien, à la fin des fins, un ordre d'expulsion prononcé par le juge. Mon rôle de ministre, de membre de l'exécutif, est alors de faire appliquer la loi et les décisions de justice. Il y va de la confiance des propriétaires et du respect de la loi.

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C'est dans un contexte de crise du logement sans précédent que nous nous adressons à vous – une crise aux multiples visages, qui secoue les fondations mêmes de notre société. Face à une telle situation, les attentes envers le Gouvernement et les mesures concrètes à prendre sont immenses. Pourtant, au grand regret du groupe Les Républicains, le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, bien qu'important, ne répond qu'à une fraction des enjeux auxquels nous nous trouvons confrontés. C'est une occasion manquée, le symptôme de la vision fragmentée du Gouvernement face à une crise globale. Il est impératif de comprendre l'urgence de la situation. La simplification administrative, bien que nécessaire, est loin d'être suffisante pour traiter les problèmes dans toute leur ampleur.

Nous sommes confrontés à une quadruple crise : une crise de la demande, une crise de l'investissement, une crise du financement et une crise de confiance des propriétaires envers la location. Ces crises requièrent des actions immédiates, fortes et adaptées. Notre groupe a mis en avant douze mesures d'urgence, élaborées en concertation avec les principaux acteurs du secteur. Examinées sous votre présidence par la commission des affaires économiques, sur le rapport de Thibault Bazin, elles visaient à apporter des réponses concrètes et pragmatiques aux défis que nous rencontrons. Elles touchaient à la nécessité de stimuler l'offre comme la demande, de faciliter l'accession à la propriété, d'encourager l'investissement immobilier et de résoudre les problèmes de financement. Vous les avez malheureusement détricotées.

En matière de rénovation énergétique, un domaine où l'on constate une sous-utilisation critique des crédits disponibles, il est urgent de rendre les aides à l'investissement plus accessibles pour tous et partout. Malgré nos alertes, le recul tardif du Gouvernement sur la réforme de MaPrimeRénov' a malheureusement entraîné une baisse significative des demandes. De même, le calendrier prévu s'agissant des interdictions de location des passoires thermiques doit être révisé pour éviter une exclusion massive de logements du marché locatif, qui exacerberait la pénurie actuelle.

Nous vous pressons de considérer avec attention les recommandations de notre groupe. Elles sont le fruit d'un travail de concertation approfondi et visent à relancer l'accession à la propriété, à fluidifier le marché locatif et à stimuler l'investissement. Elles ne sont pas seulement des solutions temporaires : elles s'inscrivent dans une vision de long terme pour une politique du logement juste, équitable et efficace.

Il est temps d'envisager une refonte radicale de la politique du logement, qui, ces dernières années, n'a pas su répondre aux attentes de nos concitoyens et a de fait dévalué la position des propriétaires. Notre objectif commun doit être de rétablir une politique d'aménagement du territoire qui garantisse à chacun le droit à un logement décent et abordable. Nous restons évidemment à votre disposition pour travailler ensemble à la mise en œuvre de ces mesures essentielles. La crise du logement est une réalité, et il est de notre devoir collectif de lui apporter des réponses ambitieuses, à la hauteur des enjeux.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Je vous trouve un peu sévère avec le projet de loi relatif à la rénovation de l'habitat dégradé. Ce beau texte, adopté définitivement à l'unanimité au Sénat, est le fruit d'une coopération parlementaire exemplaire. Désormais constitué de soixante articles, contre dix-sept à l'origine, il contient des mesures essentielles, saluées par des élus de tous bords. La semaine dernière, j'étais à Mulhouse, chez Michèle Lutz, qui a contribué à l'élaboration de ce texte qui apporte des réponses très concrètes à la crise.

J'aborde le futur projet de loi dans le même esprit, en espérant qu'il sera coconstruit avec le plus grand nombre de groupes possible. Je sais que les parlementaires Les Républicains ont fait des propositions – M. Thibault Bazin et vous notamment, ainsi que Mme Sophie Primas au Sénat. L'avant-projet intègre déjà certaines de vos propositions. L'examen sera l'occasion de l'enrichir encore ; je me tiens à votre disposition pour le préparer.

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Je suis particulièrement heureux de vous auditionner, Monsieur le ministre délégué, tant le logement est en crise. Vous avez présenté les grandes lignes du futur projet de loi relatif au logement. C'est un sujet essentiel : le logement est le lieu où l'on habite, où l'on fait grandir ses enfants ; un nouveau logement peut être une condition pour trouver un travail ou connaître une évolution professionnelle ; ancrage social, il nous accompagne tout au long de la vie.

Pouvez-vous préciser quelles simplifications administratives vous apporterez à MaPrimeRénov' ? Les accompagnateurs France Rénov' apparaissent comme des tiers de confiance ; pouvez-vous clarifier leur rôle ? Surtout, que comptez-vous faire contre les sociétés malveillantes, celles qui sont frauduleuses, qui démarchent les clients avec agressivité et qui donnent une mauvaise réputation aux autres ? Les entreprises de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), par exemple, paient leurs charges, emploient des salariés locaux et travaillent bien, mais souffrent d'une rupture de confiance, au moment où nous avons plus que jamais besoin de rénovation énergétique.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

MaPrimeRénov', je le répète, est un très beau dispositif. Depuis sa création, en 2020, il a aidé des millions de Français à rénover leur logement. En 2024, le budget qui lui est consacré sera particulièrement élevé. Il est temps d'en parler en bons termes, pour encourager les Français à y recourir. Christophe Béchu et moi nous sommes concertés avec la Capeb et la Fédération française du bâtiment (FFB) pour adopter des mesures de simplification de trois ordres, dont les artisans ont salué l'annonce.

La première concerne les accompagnateurs, qui n'étaient pas assez nombreux, alors que leur intervention est nécessaire pour mener une rénovation globale. Beaucoup de territoires ruraux devaient faire appel à des accompagnateurs situés dans d'autres départements, ce qui prenait du temps. Nous avons simplifié la procédure d'homologation. D'ici à l'été, nous installerons 600 structures supplémentaires, soit plus de 5 000 accompagnateurs sur le terrain. Elles étaient 400 débuts mars, au moment des annonces, elles sont 511 aujourd'hui : nous avons homologué 111 structures en un mois.

Deuxièmement, la réforme initialement prévue promouvait largement la rénovation globale ; nous avons décidé de valoriser davantage la rénovation monogeste, en élargissant le dispositif à des rénovations simples, par exemple d'isolation, y compris pour des biens classés F ou G ou dont le DPE n'a pas encore été effectué. Ces mesures entreront en vigueur le 15 mai : j'encourage nos concitoyens à faire établir dès maintenant des devis de rénovation et à déposer leur dossier le 15 mai. Ce matin, je me suis assuré avec la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) que les systèmes d'information seraient en mesure de recevoir ces dossiers.

La dernière simplification concerne la labellisation RGE (Reconnu garant de l'environnement) des artisans, qui trouvent la démarche actuelle très complexe. Je manque de temps, mais je pourrai développer ultérieurement cette mesure, attendue de longue date.

Encourageons la rénovation, recourons à MaPrimeRénov', mobilisons les Français pour qu'un maximum d'entre eux rénovent leur logement !

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Il est peu dire que cette première audition était attendue, au regard de la crise sans précédent qui frappe le secteur du logement. Le besoin de logement social, en particulier, est criant. La production a encore chuté de 22 % en janvier et février ; la rénovation énergétique s'effondre, avec une baisse de 75 % du nombre de dossiers déposés et 3 000 rénovations globales réalisées, pour un objectif annuel de 90 000. Les défaillances d'entreprises de la filière du BTP ont augmenté de 35 % cet hiver et la FFB estime que 90 000 emplois seront détruits cette année.

Face à ce constat, le discours de politique générale du Premier ministre a laissé le secteur sans voix : il n'a répondu à aucune des demandes des acteurs mais a formulé une proposition que personne ne réclamait, le détricotage de la loi SRU. Alors que les demandeurs de logements sociaux n'ont jamais été aussi nombreux, pourquoi vouloir modifier la loi de sorte que les communes carencées ne soient plus incitées à en produire ? Et pourquoi en faire une priorité ? Le message aux maires bâtisseurs est terrible : vous proposez d'amnistier ceux qui font tout pour ne pas construire, parfois depuis vingt ans.

En tant que président de cette commission, vous partagiez le constat d'une crise du logement ; vous avez d'ailleurs soutenu des initiatives législatives transpartisanes en la matière. Il faut transformer l'essai, en commençant par adopter des mesures contracycliques décisives pour relancer la production et fluidifier le marché. Cela implique de sortir de la logique des chocs d'offre sans lendemain, qui, dans un contexte de faible solvabilité des ménages, ne servent à rien, et d'instaurer un choc de la demande.

Votre prédécesseur avait annoncé un projet de loi de finances rectificative consacré au logement. Poursuivrez-vous dans cette voie ? Une dépense fiscale intelligente et calibrée peut constituer un puissant outil de relance. À l'automne, nous vous avons d'ailleurs proposé d'étendre le PTZ, pour les logements neufs et anciens, et d'instaurer un crédit d'impôt pour couvrir une partie des charges qu'entraînent des taux d'intérêt actuellement trop élevés pour les projets de vente en l'état futur d'achèvement, afin d'encourager la production. Récemment, nous avons soutenu la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements de M. Romain Daubié, qui prévoit une incitation financière pour les maires. Il faut par ailleurs relancer la prime aux maires bâtisseurs. Il est urgent de lutter contre la cherté du foncier, mais aussi contre sa rareté dans le cadre de l'objectif ZAN, en appliquant une politique volontariste de régulation.

Après les échecs du choc d'offre, êtes-vous prêt à favoriser un choc de la demande ? Quelles mesures d'urgence comptez-vous proposer ?

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Nous allons travailler pour encourager à la fois la demande et l'offre. Oui, nous allons réaliser un choc d'offre. Le projet de loi qui vous sera présenté vise à encourager la construction. Il contiendra des mesures très attendues par les acteurs, contrairement à ce que vous avez affirmé, notamment de simplification administrative.

La primo-attribution des logements sociaux répond à une demande de nombreux élus locaux, exprimée depuis plusieurs années – ce n'est pas pour rien que les sénateurs ont largement voté la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux de Mme Primas. Cette mesure permettra dans beaucoup de cas de débloquer des situations et d'augmenter les offres de logement.

Il n'a jamais été question de démanteler la loi SRU, ni de donner un blanc-seing aux maires qui ne construisent pas. Nous voulons intégrer des objectifs de LLI dans l'effort de rattrapage des communes déficitaires, donc dans le flux. Il s'agit d'un aménagement de la loi visant à débloquer la situation et encourager la production de logements, notamment pour les classes moyennes, il n'est pas question de décourager la construction.

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Un toit, est-ce encore un droit ? Difficile de le savoir, étant donné les différents textes adoptés dernièrement. De la rue à l'hébergement, de l'hébergement au logement, tout est bloqué, paralysé. À la rue, 330 000 personnes, femmes, enfants, personnes âgées, mères isolées, personnes en situation de handicap, mineurs isolés, se partagent des bouts de trottoir, de parc et de parking, dans le froid de l'hiver et la canicule de l'été ; 147 en sont mortes depuis janvier 2024, soit plus d'une par jour. Quand ils se pressent pour obtenir un hébergement en appelant le 115, dont les lignes sont souvent saturées, ils allongent la litanie des demandes non pourvues. Rien d'étonnant quand on sait que vingt écoutants sociaux, dans les bons jours, se relaient sur une période de vingt-quatre heures au 115 de Paris. Plus de 80 % des demandes de familles à la rue ne trouvent aucune réponse. Avez-vous l'intention d'augmenter significativement les moyens humains des services d'accueil et d'orientation et le nombre de places d'hébergement disponibles ?

Après ce parcours du combattant vient le moment de passer de l'hébergement au logement. À peine un tiers des personnes relevant du dispositif Dalo peuvent espérer une réponse favorable. Ce dispositif consacre le droit inaliénable au logement, mais plus de 2 millions de ménages répondant aux critères d'attribution d'un logement social attendent, faute de disponibilités et de logements adaptés à leurs revenus. Ils attendent parfois plus de dix ans – c'est le cas dans ma circonscription des Hauts-de-Seine. En Île-de-France, 72 % des demandeurs sont éligibles à un logement PLAI (financé par le prêt locatif aidé d'intégration), c'est-à-dire à un logement très social, alors même que ces derniers sont nettement moins agréés que les logements PLUS (financés par le prêt locatif à usage social). De quels moyens vous doterez-vous pour répondre aux demandes des locataires les plus précaires, qui relèvent du dispositif Dalo et du PLAI ?

Pour satisfaire tous les besoins en logement, il faudrait mettre en chantier plus de 500 000 logements par an, dont 198 000 logements sociaux ; pas 30 000 en trois ans ! Le secteur de la construction est en crise, faisant craindre des licenciements en cascade. Une décision de Bruno Le Maire a amputé le budget de votre ministère de quelque 300 millions d'euros et l'offre ne répond ni à la demande, ni aux besoins : quelles mesures structurelles prendrez-vous pour les secteurs de la construction et de l'immobilier ?

Enfin, pour atteindre notre objectif de neutralité carbone d'ici à 2050, quels moyens consacrerez-vous à la rénovation du parc de logements, à l'origine de près du tiers des émissions de gaz à effet de serre ? Il nous faut rénover plus de 300 000 logements par an pour respecter l'accord de Paris ; dans les meilleures estimations, nous en sommes à peine au sixième. On nous annonce 1 milliard de coupes budgétaires sur MaPrimeRénov'. Quelles seront demain les perspectives, lorsqu'il fera 50 degrés l'été dans les appartements mal isolés ?

Monsieur le ministre délégué, si vous souhaitez diminuer le nombre de personnes précaires, mal logées et forcées de squatter, ne faut-il pas déclarer le logement grande cause nationale ? Jamais dans notre histoire récente, le secteur n'avait connu de telles tensions ; jamais il n'y a eu autant de personnes à la rue, dans un logement précaire, en attente de logement social. Ce n'est pas en déplaçant les SDF pendant les JOP que vous résoudrez le problème. Nous attendons de vous de vraies solutions.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Pour l'hébergement d'urgence, nous disposons d'un budget annuel de 3 milliards d'euros. Il était de 1,8 milliard en 2017. Nous avons donc significativement augmenté les moyens concernés. Le nombre de place s'élève à 200 000, dont 100 000 se situent en Île-de-France. Nous faisons le maximum pour répondre à l'urgence.

S'agissant de l'hébergement pérenne, nous devons effectivement construire plus de logements – sociaux, intermédiaires et libres. Ce sera l'objectif du futur projet de loi. Nous pensons que l'intermédiation locative est un gisement de solutions pérennes pour les personnes qui sortent de l'urgence, et nous allons déployer un plan d'action visant à la développer.

Enfin, je vous assure, Madame la députée, que les crédits alloués à MaPrimeRénov' augmentent. Certes, ils ont été rabotés de 1 milliard d'euros, mais comme le budget de 2024 avait été rehaussé de 1,7 milliard, l'augmentation reste de 700 millions. Jamais le budget de MaPrimeRénov' n'a été aussi élevé : utilisons les leviers qui sont à la disposition des Français pour rénover.

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Le secteur du logement connaît une crise inédite : chute du nombre de constructions et de transactions ; hausse des taux d'intérêt ; explosion de la demande ; hausse des loyers ; hausse des coûts de la construction. Aujourd'hui, 4,2 millions de personnes sont mal logées ; 300 000 sont privées de logement ; 2,4 millions de ménages attendent un logement social. En réponse, vous brandissez le slogan du choc d'offre mais en guise de choc, vous annoncez la simplification de l'accès à MaPrimeRénov' – aussitôt amputée de 1 milliard d'euros.

Vous venez de nier votre intention de casser la loi SRU, qui impose aux communes de construire des logements sociaux, en favorisant le logement intermédiaire, lequel n'intéresse pourtant qu'un faible pourcentage des personnes relevant du logement social.

Vous annoncez comme une grande mesure la désignation de vingt-deux Territoires engagés pour le logement, avec l'objectif de faire sortir de terre 30 000 logements en trois ans. N'est-ce pas une goutte d'eau au regard des besoins ?

L'an dernier, des concertations ont été organisées dans le cadre du Conseil national de la refondation, avec les acteurs des écosystèmes locaux du logement, les élus locaux, des scientifiques et des chercheurs spécialisés dans de multiples domaines. Elles ont abouti à de nombreuses propositions, comme le renforcement du PTZ et du BRS (bail réel solidaire), pour faciliter l'accession à la propriété ; le doublement du nombre de bénéficiaires de la garantie Visale (visa pour le logement et l'emploi), pour faciliter la location ; le renforcement des fonds propres des bailleurs sociaux, pour soutenir la production de logements sociaux ; la définition d'un programme national de renouvellement des grandes friches en zone urbaine ; l'amplification de la rénovation énergétique du parc privé. Le précédent gouvernement a balayé toutes ces propositions. Êtes-vous prêt à les reprendre à votre compte, par exemple dans le futur projet de loi ? Issues d'un travail de fond, elles sont consensuelles et pourraient enfin donner corps au choc d'offre, pour ne pas en rester à de simples proclamations.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Je ne formule pas des slogans, j'agis pour produire plus logements. En 2018, Stéphane Peu disait à Julien Denormandie que la seule vraie réponse à la pénurie de logements consistait à en produire davantage, dans toute la diversité de la gamme. Au-delà de nos différences politiques, nous pouvons nous accorder pour affirmer qu'il faut plus d'offres, plus d'offres, plus d'offres !

Le logement intermédiaire est un beau produit. Il permet de préserver la mixité sociale dans des ensembles immobiliers qui rassemblent du logement social, du logement intermédiaire et, parfois, du BRS et du logement libre. Nous l'avons constaté il y a deux semaines à Anglet, dans le Pays basque. Ensuite, il permet de faire sortir de terre des logements qui n'auraient sans doute pas existé autrement, car son modèle économique facilite les opérations. Troisièmement, le LLI fait partie de la « gamme » des logements, pour reprendre l'expression de M. Peu ; son prix étant 15 à 20 % moins cher que le marché, il répond aux aspirations de beaucoup de Français, de la classe moyenne en particulier, qui aujourd'hui sont dans la queue des bénéficiaires potentiels du logement social mais ne sont pas assez aisés pour trouver des solutions sur le marché libre. Essayons de voir le logement intermédiaire comme un moyen de construire des logements sociaux et des logements en général et asseyons-nous ensemble autour de la table pour produire davantage de logements.

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Monsieur le ministre délégué, je vous épargnerai la liste fleuve de nos propositions pour relancer le secteur du logement, sachant que, au-delà de la question des taux d'intérêt, je ne vous exonère pas de toute responsabilité dans la crise actuelle – avec la suppression du PTZ rural, de l'APL accession et du dispositif Pinel, ou la réduction de loyer de solidarité (RLS). Nous y reviendrons quand nous aurons plus de temps.

Dans votre opération Territoires engagés pour le logement, il y a vingt-deux territoires pour 30 000 logements : combien ça coûte ? Combien avez-vous mis sur la table ?

Vous avez dit que le futur projet de loi visait à « mieux intéresser les élus à l'acte de bâtir ». La formule est remarquable, vous saluerez les communicants, mais que signifie-t-elle ? S'agit-il uniquement de confier la primo-attribution des logements sociaux aux maires ?

Vous avez parlé d'augmenter les ressources des bailleurs sociaux. Y parviendrez-vous en revenant sur la RLS, ou comptez-vous sur la dilution du logement social par l'intégration des LLI – par le « détricotage » de la loi SRU, pour reprendre ce terme que vous contestez ? Malgré la provocation, j'attends une vraie réponse.

Vous parlez enfin d'aménagement de la loi SRU. Les opérations futures seront-elles seules concernées ou les dérogations s'appliqueront-elles au parc existant ? Nous avons besoin de savoir si les règles vont changer pour tous, de manière contestable, ou si vous tâchez de résoudre le problème du logement.

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

J'ai déjà commencé à répondre à ces questions lorsque j'ai reçu votre groupe au ministère, il y a quelques jours.

Dans l'opération Territoires engagés, il n'y a pas que de l'argent. Il y a aussi des mesures de simplification, notamment celles prévues dans la loi relative à la rénovation de l'habitat dégradé, adoptée à une très large majorité. Par ailleurs, un peu plus de 100 millions d'euros au total seront consacrés à ces vingt-deux territoires. Si l'expérience permet vraiment d'accélérer les choses – mes équipes et moi nous y employons – et si les marges budgétaires le permettent, nous développerons le dispositif.

Les mesures visant à encourager les élus bâtisseurs seront intégrées à l'avant-projet de loi qui sera présenté mi-mai en Conseil des ministres ; je ne doute pas que les sénateurs enrichiront le texte. La primo-attribution fait partie d'un paquet global d'incitations et s'inspire de travaux sénatoriaux.

Je conteste en effet le terme de déconstruction de la SRU : il s'agit d'une attaque politique. Certains considèrent la loi SRU comme une sorte de vache sacrée qu'il serait inenvisageable de toucher – sauf qu'elle a déjà été réformée dix fois depuis sa promulgation, en 2000. D'autres soutiennent que nous voulons donner un blanc-seing aux maires qui refusent de construire. Ce n'est pas le cas. Nous cherchons des mécanismes à même d'encourager la production de logements en aménageant la loi. Pour vous répondre plus précisément, le dispositif concernera le flux, pas le stock.

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Ma question concerne la rénovation énergétique des « passoires thermiques », logements locatifs de classe G selon les critères du DPE. Dans un contexte de crise énergétique, cette mesure va dans le sens de la réduction de la consommation et de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais elle souffre d'une exception : les locations saisonnières. Cette différence conduit certains propriétaires bailleurs à transformer leur passoire thermique en location saisonnière plutôt que de l'isoler. Cela risque d'aggraver les difficultés pour accéder au logement dans les zones tendues. Prévoyez-vous de modifier la réglementation ?

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Monsieur le ministre délégué, je veux dénoncer votre immense hypocrisie. Lorsque les Insoumis vous interrogent sur la situation très inquiétante des 130 000 familles en cours de procédure d'expulsion, qui risquent de se retrouver à la rue du jour au lendemain, vous répondez avec une froideur terrible que ce n'est rien d'autre que l'application de la loi. Mais votre attachement au respect de la loi est à géométrie variable. La loi qui assure un droit inconditionnel à l'hébergement d'urgence, par exemple, n'est pas appliquée dans notre pays : des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants dorment chaque nuit sur les trottoirs de nos villes sans que cela ne vous pose aucun problème. La loi Dalo, qui dispose qu'une famille vivant dans un logement insalubre doit être relogée par le préfet dans les six mois, n'est pas plus appliquée : des préfets sont condamnés tous les jours par les tribunaux administratifs pour cette raison, mais cela ne vous pose aucun problème. Pire encore : puisque la moitié des communes concernées par la loi SRU ne la respectent pas, vous allez la modifier pour leur permettre de rentrer dans les clous, comme l'a annoncé le Premier ministre. Vous défendez la loi lorsqu'elle est au service des riches, mais jamais quand elle protège les gens du peuple.

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Certaines communes concentrent une part importante de logements sociaux de leur territoire, parc parfois vieillissant, voire insalubre. C'est le cas de Perpignan où se situent 21 % du parc de logements sociaux du département et neuf quartiers prioritaires. Dès lors, la priorité n'est pas de construire de nouveaux logements sociaux mais d'assurer l'entretien et la réhabilitation du parc préexistant. Dans le cadre de la refonte de la loi SRU, allez-vous soutenir financièrement les communes ayant un tel parc de logements sociaux, et non retenir comme critère unique la production de logements sociaux neufs ?

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Vous dites ne pas avoir d'objectif chiffré au niveau national et privilégier une approche par territoire, ce que j'approuve. Quelque 20 000 emplois vont être créés dans le Dunkerquois à la faveur de la réindustrialisation du territoire et de la décarbonation de l'économie. Or ils ne seront pas tous situés à Dunkerque, seule ville que vous ayez reconnue comme Territoire engagé pour le logement, ce qui va permettre de construire 1 500 logements au maximum – on est très loin du compte. La gigafactory Verkor sera implantée à Bourbourg, c'est-à-dire à trente minutes de Dunkerque, mais à quinze minutes de Marck et à huit minutes de Saint-Folquin, deux villes de ma circonscription. Aucun logement supplémentaire n'est pourtant programmé dans le schéma de cohérence territoriale ou dans les programmes locaux de l'habitat. Nous sommes en train de refaire ces documents d'urbanisme avec la communauté de communes de la région d'Audruicq et la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers. Nous avons besoin d'une vision claire sur le nombre de logements que nous pourrons obtenir pour réussir la réindustrialisation du territoire.

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La crise du logement qui sévit dans l'Hexagone prend des allures de bombe à retardement dans les outre-mer, en particulier à La Réunion. Trois chiffres résument la situation : la demande de logement a augmenté de 60 % en six ans, pour atteindre le nombre de 45 000 demandeurs en 2023, alors que seulement 1 600 logements ont été livrés cette même année. Les plans Logement outre-mer 1 et 2 n'ont pas apporté les réponses espérées en termes de production. Comment comptez-vous répondre à cette crise ? Par ailleurs, allez-vous rétablir cet outil précieux qu'était l'aide Mobili-Pass, dans le cadre d'Action logement ?

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Revenons sur la loi SRU et les PLAI. Nous n'avons rien contre la création de logements intermédiaires, mais ceux-ci ne peuvent pas être intégrés dans le quota de 25 % de logements sociaux qui s'applique aux communes, d'autant que certains maires ne respectent pas la loi – même si cela vous déplaît, je persiste à les qualifier de maires délinquants. Dans mon département, le taux de logements sociaux atteint 60 % à Bagneux et même pas 7 % à Neuilly ! Il faut mettre la pression pour que toutes les villes respectent le taux de 25 % prévu dans la loi SRU, et qu'elles construisent du logement PLAI, qui correspond à quasiment 70 % des demandes. Si vous construisez des logements qui ne correspondent pas aux revenus des personnes, vous ne répondez toujours pas à la demande qui s'exprime sur nos territoires. Comment allez-vous remettre en cause la loi SRU ? Quel pourcentage de LLI allez-vous y intégrer ?

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Nul besoin d'en rajouter sur le fait que nos concitoyens les plus modestes ont les plus grandes difficultés à se loger – cet après-midi encore, j'ai été sollicité par deux familles gersoises. Les bailleurs sociaux sont affectés par l'application de la réduction de loyer de solidarité, par l'augmentation des taux et par celle du coût de la construction. Quant au secteur du BTP, il traverse aussi de grosses difficultés.

J'ai déjà sollicité le Gouvernement sur ces deux sujets, mais je voulais vous parler d'un dispositif précis sur lequel je travaille avec mon collègue Bastien Marchive – je vous remettrai un courrier à ce propos. Il s'agit de la maîtrise d'ouvrage insertion (MOI). Nous plaidons pour une augmentation du plafond des subventions accordées par l'Anah aux structures agréées en MOI, qui est actuellement fixé à 1 250 euros le mètre carré. Le dispositif permet un vrai effet levier car ces structures rénovent du bâti ancien et délabré dans des centres-bourgs historiques, qui peut être affecté à du logement très social.

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Votre nomination intervient à un moment où la crise du logement est à son paroxysme. Avec l'énergie que l'on vous connaît dans cette commission, vous l'avez immédiatement saisie à bras-le-corps, en proposant plusieurs mesures et en faisant du choc de l'offre votre mantra.

Si construire est une solution, lutter contre la vacance en est une autre. Selon l'Insee, la France compte 3 millions de logements vacants, près d'un quart l'étant depuis plus de quatre ans. À Aix-en-Provence, ville de 150 000 habitants, on recense 7 700 logements vacants – environ 9 % du parc immobilier –, et seulement le tiers des 6 700 logements construits entre 2008 et 2018 étaient des résidences principales. Aux logements inoccupés s'ajoutent 3 500 logements meublés destinés à la location de tourisme, principalement situés en centre-ville, phénomène que tente de commencer à endiguer la proposition de loi d'Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz.

Quelles sont vos pistes de travail pour résoudre cette problématique de la vacance de logements ? Comment pensez-vous mobiliser les élus locaux qui, dans mon département, sont très remontés contre la loi SRU mais moins loquaces lorsqu'il s'agit de lutter contre la vacance ?

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Dans la loi Elan, nous avions insisté sur la modularité des logements, notamment pour les rendre accessibles aux personnes en situation de handicap. Il faut désormais permettre aux constructions de s'adapter aux changements de composition familiale, que ce soit pour accueillir de nouveaux enfants ou un parent vieillissant.

La proposition de loi Daubié offre des pistes de transformation, mais serait-il possible de l'anticiper en proposant plus de flexibilité au moment de la construction ? De nombreux projets d'architectes incorporent désormais des trémies dans les sols afin d'anticiper la transformation en duplex, ou des portes cachées derrière des murs pour gagner une chambre ou un bureau. Cette flexibilité, adaptée au logement social, pourrait donner l'opportunité de maintenir des personnes dans leur quartier, de leur éviter un déménagement tout en satisfaisant leurs besoins d'espace de vie. Actuellement, des projets abondent dans ce sens. Il faut être à l'écoute et accompagner ces innovations dans le monde de la construction. Êtes-vous d'accord avec cette proposition ?

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Dans les zones tendues, la difficulté d'accès à la propriété pour les plus jeunes ménages devient un problème majeur. Alors qu'ils participent à la vie économique et sociale de nos territoires, ils ont du mal à s'y installer et à y vivre. Les entraves sont liées tant au coût du foncier qu'à celui de la construction, devenus totalement inabordables, notamment sur les côtes et dans certaines îles. Dans votre propos liminaire, vous avez évoqué la dissociation entre le foncier et le bâti, formule qui semble plébiscitée par les élus et les ménages concernés. Sera-t-elle développée dans le futur projet de loi ? Si c'est le cas, pourriez-vous nous dire de quelle manière ?

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À l'heure où la situation budgétaire pousse le Gouvernement à faire les fonds de tiroir pour réaliser les plus petites économies et où la crise du logement fait rage, le Gouvernement a eu la mauvaise idée de raboter MaPrimeRénov', au mépris des parcours de rénovation globale et performante. N'est-il pas temps de maintenir les trajectoires écologiques en allant chercher l'argent où il est ? Je suggère de demander aux banques et même aux établissements de crédit de devenir des « obligés », au même titre que les énergéticiens, pour la production de certificats d'économies d'énergie afin de financer les rénovations de logements, notamment pour les plus modestes.

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Je me fais le relais d'une question d'Inaki Echaniz : avez-vous pu réfléchir à sa proposition de loi destinée à lutter contre les congés frauduleux, mis en lumière à la faveur des Jeux olympiques ?

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Environ 70 % de nos concitoyens peuvent, en théorie, prétendre à un logement social. Le pays compte 5,5 millions de logements sociaux, ce qui n'est pas rien, mais seulement 15 % des ménages en bénéficient. Il faudrait plus de 25 millions de logements sociaux pour loger tous les demandeurs potentiels, c'est-à-dire tous les ménages qui y sont éligibles. On comprend vite la difficulté, la déception inévitable. Et comme je ne crois pas que l'État ait vocation à loger 70 % des Français, l'objectif me paraît clair : faire en sorte que le logement social bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux pour lesquels il est le seul moyen d'accéder à un logement digne et abordable, à ceux pour qui il est synonyme d'émancipation, de liberté retrouvée et surtout de nécessité. Pouvez-vous nous dire quelles sont les évolutions envisagées pour accroître la mobilité en matière d'attribution de logements sociaux, afin que les publics identifiés comme prioritaires voient leur demande satisfaite ?

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Dans le Morbihan, le marché locatif est saturé, les offres ayant diminué de manière significative. Il est devenu impossible de s'installer sur le littoral, mais la pénurie se fait aussi sentir à l'intérieur des terres, comme à Pontivy ou Ploërmel. Parmi les initiatives privées qui tentent d'aider à remédier à la pénurie, citons « Un toit, deux générations », qui permet aux étudiants du Morbihan de trouver un logement à moindre coût à condition d'apporter de l'aide et quelques services à la personne âgée qui les accueille chez elle, ou celle de l'entreprise FenêtréA qui construit une quarantaine de logements pour ses salariés. Comment pourrions-nous aider au développement de ces initiatives privées qui permettent de limiter grandement cette crise ? Serait-il possible d'envisager une mesure fiscale incitative ?

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Vous avez déjà répondu partiellement au sujet des logements intermédiaires, mais le fait qu'ils soient inclus dans les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU, ainsi que les modifications récemment proposées pour donner plus de flexibilité aux maires dans l'attribution des logements sociaux, semblent inquiéter les acteurs du secteur. Pouvez-vous nous éclairer sur la manière dont ces différentes mesures s'articuleront, afin de maintenir un équilibre entre la nécessaire production de logements sociaux et le développement de l'offre de logements intermédiaires, dans le but de répondre aux besoins diversifiés de nos concitoyens ?

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

Premier sujet : la location touristique, évoquée par M. Girardin sous l'angle du rééquilibrage nécessaire des règles en matière de DPE. La proposition de loi d'Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif va dans ce sens. Ce texte, que j'ai cosigné et qui a déjà été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, contient trois éléments importants : l'extension de l'obligation de réaliser des travaux de rénovation aux locations touristiques ; le rééquilibrage des mesures fiscales, jusqu'alors plus favorables aux locations touristiques, ce qui est anormal ; et le plus large accès des maires aux outils de régulation des meublés touristiques. J'ai bon espoir qu'il soit bien reçu fin mai au Sénat, où il est attendu par tous les groupes – il y a d'ailleurs fait l'objet d'une question au Gouvernement de la part du groupe Les Républicains.

S'agissant des congés frauduleux, Madame Battistel, j'ai bien lu la proposition de loi de M. Inaki Echaniz. Avant d'envisager une nouvelle législation, je voudrais rappeler les règles existantes. Un propriétaire ne peut rompre le bail d'un logement pour n'importe quel motif, il doit se fonder sur l'une des trois raisons légitimes suivantes : il veut en faire sa résidence principale ou celle de l'un de ses proches ; il veut le vendre ; il veut y entreprendre des travaux d'ampleur. J'invite chacun à veiller au respect de la loi. Les propriétaires doivent respecter les clauses du bail et ne pas le résilier pour n'importe quel motif. Les locataires doivent faire valoir leurs droits – l'Agence nationale pour l'information sur le logement est à leur disposition pour leur fournir toutes les informations nécessaires. S'ils supputent une résiliation abusive du bail, qu'ils fassent valoir leurs droits en justice – nous avons sans doute les baux les plus sécurisants au monde.

En ce qui concerne les expulsions, Monsieur Martinet, je ne défends ni les riches, ni les pauvres, mais le respect de la loi. Vous avez tendance à considérer qu'un propriétaire est forcément riche et qu'un locataire est forcément pauvre. La réalité est un peu plus complexe que cela. Une expulsion intervient après des mois, voire des années de procédure, au cours desquelles le juge prend d'ailleurs en compte les situations particulières et peut accorder jusqu'à douze mois de délai supplémentaire à une personne en situation d'impayés. Depuis l'adoption de la loi Kasbarian visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, les services de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions sont d'ailleurs saisis dès le premier impayé de loyer pour tenter de résoudre le problème.

En cas donc de jugement définitif d'expulsion, j'appelle au respect de la loi. Autant, en cas de rupture abusive de bail, le locataire doit faire valoir ses droits, autant, quand le juge ordonne une expulsion, il faut l'exécuter. Je connais nos divergences idéologiques sur le sujet, Monsieur Martinet, pour avoir déjà débattu avec vous des expulsions ainsi que du respect de la propriété privée et des décisions de justice.

Monsieur Marchive, le sujet du logement social prête effectivement parfois à des discours un peu hypocrites. On rappelle que 70 % des Français y sont éligibles et on conseille aux gens de déposer un dossier, mais en sachant pertinemment qu'il n'y a que 5 millions de logements sociaux – sur 33 millions de résidences principales – et que 2,6 millions de personnes font déjà la queue. Les commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (Caleol) organisent les files d'attente en fonction de priorités bien légitimes. Dans les publics prioritaires se trouvent en effet les personnes : en situation de handicap ; sortant d'un appartement de coordination thérapeutique ; mal logées ou défavorisées ; hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ; reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ; exposées à des situations d'habitat indigne ; victimes de violences au sein d'un couple ; victimes de viols ou d'agressions sexuelles ; dans un parcours de sortie de prostitution ; victimes de l'une des infractions de traite des êtres humains ; qui ont à leur charge un enfant mineur ; dépourvues de logement ; menacées d'expulsion sans relogement ; concernées par les services de l'aide sociale à l'enfance. Et j'en passe !

Une fois que l'on a répondu à ces personnes dont on reconnaît bien volontiers l'urgence de la demande, combien de places reste-t-il pour la classe moyenne, pour des gens qui perçoivent un salaire médian, ou moyen, aux alentours de 2 000 euros mensuels ? Depuis des années, on leur a dit qu'ils étaient éligibles et qu'ils pouvaient déposer un dossier, qu'on leur répondrait un jour. Ce sont ces personnes qui viennent dans vos permanences dire qu'elles n'ont toujours rien obtenu et qu'elles doivent encore redéposer leur dossier. Voilà pourquoi nous voulons non seulement construire plus de logements sociaux, car nous en avons besoin, mais aussi construire des logements intermédiaires pour ces personnes des classes moyennes dont nous savons pertinemment qu'elles n'auront jamais accès au logement social.

La réforme de la loi SRU qui est envisagée correspond à cette volonté de construire à la fois plus de logements sociaux et plus de logements intermédiaires. Au passage je tiens à rassurer ceux qui s'inquiètent, à l'instar de Mmes Buffet, Sebaihi et Sabatini : il ne s'agit pas d'accorder un blanc-seing aux élus qui voudraient arrêter de construire des logements sociaux – nous maintenons nos objectifs en la matière –, mais d'autoriser les communes déficitaires en logements sociaux à intégrer des LLI dans le panel d'options à leur disposition, pour qu'elles construisent davantage. Au final, il y aura plus de LLI pour répondre aux demandes de la classe moyenne, et aussi plus de logement social puisque, comme je l'ai dit, plus de projets sortent de terre lorsqu'ils ont une part de LLI. C'est un beau produit qu'il faut encourager. Je n'oppose pas les logements entre eux. Puisque nous avons besoin de plus de logements, qu'ils soient sociaux, intermédiaires ou libres, l'objectif du projet de loi est d'accroître l'offre sous toutes ses formes.

Madame Sebaihi, je dénonce en effet cette expression de maires délinquants qui ignore tous les maires qui ont hérité d'une situation très dégradée dont ils ne sont pas responsables. Certains ont trouvé à leur élection des taux de logements sociaux de 3 ou 4 % dans leur commune ! Même s'ils font le maximum pour construire, ils peuvent se heurter à des contraintes qui rendent l'objectif difficile à atteindre. Nous ne donnons pas un blanc-seing aux maires – oui, il faut construire plus de logements et atteindre les objectifs du plan triennal – mais, de grâce, ayez un peu de mesure dans vos propos. Certains de ces maires sont de bonne volonté et voudraient construire davantage. Nous allons les encourager à le faire par la modification de la loi SRU. Les débats au Sénat puis à l'Assemblée nationale nous permettront d'aboutir au dispositif le plus efficace possible pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

J'en viens à votre question sur la territorialisation de la production de logements, Monsieur Dumont, qui correspond à une double préoccupation : construire en fonction de besoins locaux et mener une politique de l'aménagement du territoire. C'est en effet Dunkerque que nous avons sélectionné comme Territoire engagé pour le logement. Cela étant, je suis à la disposition de l'EPCI (établissement public de coopération intercommunale), chargé de définir les besoins du territoire, pour réexaminer la situation. Nous pouvons discuter avec les élus locaux de la possibilité de mettre en place un accompagnement supplémentaire et de faire évoluer la zone retenue. Je vais suivre personnellement chacun des territoires engagés : je compte m'y déplacer et signer les conventions d'ici à la fin mai. Le but est de favoriser la production de logements et de répondre aux besoins des bassins de vie plus que de points précis du territoire. Dans votre cas, les besoins sont liés à la réindustralisation. Chez M. Jumel, ils le sont aux réacteurs de type EPR en construction à la centrale de Penly.

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Il y a aussi des EPR en construction à Gravelines !

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Guillaume Kasbarian, ministre délégué

En effet, et cela peut donner lieu à un nouveau Territoire engagé pour le logement. En tout cas, je serai ravi de pouvoir échanger avec vous et avec les élus de votre territoire sur le sujet.

Monsieur Naillet, nous sommes loin d'oublier la situation des outre-mer et avons déjà pris en compte leurs spécificités. Vous connaissez mon attachement à La Réunion, où je m'étais rendu, lorsque j'étais président de la commission des affaires économiques, en compagnie de M. Meizonnet et de Mmes Battistel, Le Meur et Marsaud. Les outre-mer comptent trois des vingt-deux Territoires engagés pour le logement : La Possession à La Réunion, Tsararano-Dembéni à Mayotte et Macouria en Guyane. J'ai bien conscience des spécificités des territoires ultramarins et il y aura probablement des aménagements particuliers dans le futur projet de loi, comme ce fut le cas dans le texte sur la rénovation de l'habitat dégradé. Lorsqu'il viendra en débat, je compte sur vous pour l'enrichir avec des mesures utiles aux territoires ultramarins.

Monsieur Taupiac, je suis à votre entière disposition pour discuter du plafonnement des subventions de l'Anah aux structures agréées en MOI – pas plus tard que ce matin, je discutais avec Valérie Mancret-Taylor, la directrice générale de l'Agence. J'attends le courrier que vous avez cosigné avec M. Marchive car je serais très heureux de faire avancer le dossier, dans la mesure des moyens disponibles.

En ce qui concerne les logements vacants, Madame Petel, il faut rappeler que beaucoup a déjà été fait, notamment grâce au plan de lutte lancé par Julien Denormandie. La plateforme Zéro logement vacant, utilisée par plus de 300 collectivités territoriales, a permis de sortir 8 000 logements de la vacance, à l'issue de 33 000 échanges. Une autre plateforme d'échanges, réunissant 900 membres, a permis de tester 229 collectivités en 2021, qui ont été soutenues par l'Anah. Plus récemment, nous avons créé une prime de sortie de la vacance de 5 000 euros, dans le cadre du plan France ruralité. En 2023, nous avons aussi élargi le zonage qui permet aux communes d'appliquer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Nous utilisons tous les leviers permettant d'agir sur ce phénomène qui touche 8 % du parc de notre pays, soit plus 3,5 millions de logements. Je ne doute pas que le sujet, notamment la taxe sur les logements vacants, fera l'objet de vos débats budgétaires. Nous prévoyons aussi d'améliorer Loc'Avantages, un beau dispositif sur lequel je suis prêt à travailler à vos côtés.

Madame Le Meur, nous allons étudier avec grand plaisir vos propositions sur les moyens de prévoir l'évolution des appartements du logement social dès le stade de leur construction, ainsi que les pistes d'amélioration de la proposition de loi de Romain Daubié. Avec Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, nous travaillons sur le dispositif MaPrimeAdapt', qui vient d'être mis en place. Je compte sur votre créativité pour nous proposer des solutions en matière d'adaptabilité des logements, un enjeu majeur des années à avenir.

Monsieur Buchou, vous plaidez pour dissocier le foncier du bâti. C'est un enjeu clé, à un moment où l'écart entre l'augmentation des prix de l'immobilier et celle des salaires ne cesse de s'accroître. Notre pouvoir d'achat immobilier est très différent de celui de nos parents et grands-parents, et il est à craindre que la situation ne s'aggrave encore pour nos enfants et petits-enfants. Cela tient en grande partie au prix du foncier, notamment sur votre côte vendéenne, mais aussi sur celle du Pays basque de M. Echaniz ou de la Bretagne de Mme Le Meur. Le projet de loi contiendra des dispositions pour permettre aux élus locaux de lutter contre la spéculation foncière et d'autres pour dissocier le foncier du bâti – ce que nous souhaitons encourager. Il sera aussi question du bail réel solidaire et de diverses mesures facilitant l'accès à la propriété de façon un peu plus innovante. Un prêt classique permet d'acheter le foncier et le bâti à taux fixe : nous voulons inciter les partenaires financiers à développer des solutions qui distinguent le foncier du bâti ou envisagent de nouveaux systèmes de financement. Avec Christophe Béchu, nous avons reçu les banques pour discuter notamment des prêts hybrides.

Nous avons bien conscience que des mécanismes spéculatifs sont parfois à l'œuvre, notamment s'agissant du prix du foncier, et que le pouvoir d'achat des ménages s'en trouve réduit dans les zones très tendues, au point parfois d'empêcher l'accession à la propriété. Comptez sur moi pour aborder le sujet dans le projet de loi et pour travailler avec les acteurs financiers afin de trouver des solutions qui permettent aux Français de réaliser leur rêve d'accession à la propriété.

Monsieur Bricout, j'étudierai avec attention votre proposition concernant les banques, mais je voudrais revenir sur MaPrimeRénov'. Vous parlez du coup de rabot, mais je répète que l'enveloppe va augmenter de 700 millions d'euros en 2024, même si cela représente 1 milliard de moins que ce qui était prévu au départ. Or le budget de cette prime n'avait même pas été intégralement consommé en 2023. En réalité, nous avons les moyens d'aider les ménages à rénover, par le biais de l'Anah et de cette prime. Reste à utiliser ce bel outil. C'est tout le sens des mesures de simplification que nous avons lancées pour encourager les Français à utiliser ces dispositifs et ce budget qui est disponible et qui, je le redis, n'a jamais été aussi important.

Travaillons à encourager les habitants de nos circonscriptions à se saisir des dispositifs, à s'engager dans des parcours de rénovation globale avec les accompagnateurs que nous sommes en train d'homologuer, à demander des devis pour des monogestes d'isolation. Encourageons aussi les artisans à obtenir le label RGE. Quand nous aurons fait tout cela, quand nous aurons consommé tout le budget, nous aurons aidé un maximum de Français à rénover. Si nous n'avons pas un discours un peu positif sur MaPrimeRénov', je crains que certains ne se désintéressent de ce dispositif, ce qui serait contre-productif : nous ne consommerions pas la totalité du budget prévu pour aider un maximum de Français à rénover.

Travaillons ensemble et passons des messages un peu positifs sur la rénovation des logements. Nous avons les moyens, nous simplifions les dispositifs et l'Anah est à votre disposition – Valérie Mancret-Taylor a d'ailleurs été auditionnée récemment par la commission des finances. Les chiffres concernant la consommation du budget n'étaient pas terribles en janvier, mais ils sont en train de repartir à la hausse. Les Français sont plus nombreux à se connecter au site de l'Anah, à aller voir leurs artisans pour demander des devis. Encourageons-les à le faire dans un esprit positif ! Je vais d'ailleurs de signer un pacte de confiance et d'engagement avec la filière de la rénovation énergétique.

Madame Le Peih, vous m'interrogez sur le lien entre l'emploi et le logement, sujet sur lequel les parlementaires travaillent de longue date, par exemple avec le rapport d'information d'Annaïg Le Meur et Vincent Rolland sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues. L'une des mesures prévues dans le projet de loi nous permettra d'en débattre.

Il me semble n'avoir oublié personne. C'était un grand plaisir de vous retrouver. Je suis à votre disposition, tout comme mon équipe et les services du ministère, pour continuer nos échanges afin de répondre ensemble à la crise du logement qui touche durement les Français dans tous les territoires.

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Merci beaucoup, Monsieur le ministre délégué, d'avoir pris le temps de répondre aux questions des parlementaires de la commission des affaires économiques. Au vu des annonces que vous avez faites et de notre programme de travail, je suis persuadé que nous allons nous revoir très vite.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 17 heures

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, M. Romain Daubié, M. Frédéric Falcon, M. Éric Girardin, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Philippe Naillet, M. Patrice Perrot, M. Charles Rodwell, Mme Anaïs Sabatini, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Danielle Simonnet, M. David Taupiac, M. Stéphane Travert

Excusés. – M. Laurent Alexandre, M. Julien Dive, M. Jérôme Nury, Mme Marie Pochon, Mme Aurélie Trouvé

Assistaient également à la réunion. – M. Guy Bricout, M. Pierre-Henri Dumont, M. William Martinet, Mme Sabrina Sebaihi