Je suis particulièrement fier et ému de revenir pour la première fois devant cette très belle commission, à laquelle j'ai appartenu pendant près de sept ans et que j'ai eu l'honneur de présider entre juillet 2022 et février 2024 – vingt mois riches d'une activité intense en votre compagnie. J'ai toujours apprécié la teneur des débats qui nous ont animés, que ce soit sur l'énergie, l'industrie, l'agriculture, le logement ou le numérique. Ce sont des débats entre députés qui connaissent à fond leurs sujets et qui travaillent sans relâche pour l'intérêt général.
Je connais évidemment l'engagement des membres de cette commission au sujet du logement. Depuis ma prise de fonctions, j'ai déjà eu l'occasion d'échanger avec un certain nombre d'entre vous, spécialistes de la question. Ces échanges continueront de nourrir mon action au jour le jour. En dépit de nos différences politiques, je sais pouvoir compter sur votre engagement pour travailler dans le sens de l'intérêt collectif et relever les défis qui nous attendent.
Je souhaite profiter de cette première audition devant votre commission pour exposer les grandes orientations de mon ministère, que j'ai définies sous l'égide du Premier ministre, Gabriel Attal, et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et pour échanger avec vous au sujet de ces priorités.
Les mois qui se sont écoulés depuis 2022 nous ont donné de nombreux exemples de la richesse du travail permise par une étroite concertation entre le Gouvernement et le Parlement. Le dialogue continu avec les parlementaires est donc un élément fondamental de la méthode que j'emploierai pour mener des réformes nécessaires et ambitieuses.
Vous connaissez mon engagement de longue date en faveur de l'accès au logement et de la protection de la propriété privée. Quand je siégeais à vos côtés, nous avons travaillé sur de nombreux aspects de la politique du logement, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan), de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi « Climat et résilience »), de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi « 3DS ») ou, plus récemment, de la loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite et de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, qui concerne les meublés de tourisme. Cette action me tient à cœur, et je souhaite remercier à nouveau le Président de la République et le Premier ministre de m'avoir accordé leur confiance en m'attribuant ce portefeuille.
La situation actuelle est marquée par une crise historique du secteur, dont chacun conviendra qu'il s'agit à la fois d'une crise de l'offre et d'une crise de la demande. Nous allons parler des facteurs structurels de cette crise, mais il y a un élément majeur, une sorte d'éléphant dans la pièce : c'est la hausse des taux d'intérêt, qui ont pris 400 points de base en dix-huit mois. Aucun secteur ne peut résister à une telle pression, et encore moins celui du logement, qui y est particulièrement sensible. Partout en Europe, la situation est critique.
Ce n'est pas par hasard que le logement est une compétence de votre commission. Les difficultés d'accès au logement nuisent directement à l'attractivité économique de nos territoires. Les emplois sont moins attractifs car les demandeurs ne trouvent pas à se loger près de leur lieu de travail. Les entreprises hésitent à se réinstaller car elles doutent que leurs employés puissent trouver un toit. Les ménages consacrent jusqu'à un tiers de leur budget au logement. Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) concentre par ailleurs 2 millions d'emplois, non délocalisables, qui participent à 5 % de la création de valeur ajoutée en France mais que les difficultés liées au logement mettent en danger. La crise du logement est donc plus largement une crise de l'emploi et de toute l'économie, avec les impacts sociaux qu'elle entraîne et les risques qu'elle comporte pour notre trajectoire de réindustrialisation et de croissance.
Face à cette situation, nous ne sommes pas démunis. Nous agissons au jour le jour pour remédier à la crise. Je propose de vous présenter les huit leviers principaux de notre feuille de route en la matière.
Notre premier objectif est la simplification des procédures pour relancer l'offre en encourageant, par tous les leviers, la construction de nouveaux logements. Les chantiers continuent d'être freinés par des processus administratifs qui peuvent s'avérer complexes et lourds. J'ai d'ores et déjà annoncé une première vague de cinq chantiers et dix mesures de simplification administrative. Il s'agit notamment de réduire les délais de recours, qui seront ramenés de six à deux mois. D'autres paquets de mesures de simplification seront annoncés d'ici à cet été. Nous devons avoir constamment à l'esprit la nécessité de faciliter la vie des artisans et des entreprises du BTP afin de permettre aux projets de sortir de terre.
Notre deuxième objectif est une relance ciblée de la production, pour répondre aux besoins économiques et démographiques de nos territoires. Nous ne souhaitons pas reproduire certains dispositifs du passé visant à relancer urbi et orbi, à n'importe quel prix. Pour soutenir l'offre, de précédents gouvernements ont recouru massivement à des incitations fiscales, qui sont l'équivalent sectoriel d'incitations budgétaires très fortes. Pour notre part, nous avons fait le choix d'une approche ciblée afin de relancer la production là où les besoins sont les plus forts. C'est tout l'esprit du programme Territoires engagés pour le logement, dont nous avons annoncé en février dernier une première vague de vingt-deux lauréats. Nous donnons ainsi un coup d'accélérateur à des programmes stratégiques devant créer 30 000 logements sur les trois prochaines années. Je me suis rendu à Ferney-Voltaire, dans la circonscription d'Olga Givernet, et dans le Pays basque, chez Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la communauté d'agglomération Pays basque. Je suivrai personnellement l'avancée de ces vingt-deux projets, avec l'objectif que les conventions soient signées d'ici à la fin du mois de mai. Certains membres de votre commission sont des élus des territoires sélectionnés : je pense notamment à Sébastien Jumel, à Dieppe, où la construction d'un nouveau réacteur de type EPR implique la création d'une offre significative de logements.
Notre troisième objectif est l'accès au logement pour les classes moyennes. Beaucoup de territoires ont connu, ces dernières années, une hausse des prix empêchant de nombreux Français d'accéder au marché. Nous encourageons la création de programmes de logements mixtes à prix réglementés et abordables. Nous avons annoncé, avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire, la signature d'un pacte d'investissement avec des investisseurs institutionnels, en vue de produire 75 000 logements locatifs intermédiaires (LLI). Ce type de logements étant destiné à un public appartenant, du fait de ses ressources, aux classes moyennes, une telle politique joue à plein dans les zones les plus tendues, où le LLI peut être jusqu'à 30 % moins cher que le prix du marché. Il faut donc accompagner le déploiement de ce produit, et c'est ce que nous continuerons de faire.
Notre quatrième objectif est de répondre au défi écologique. Les urgences du moment ne doivent pas nous amener à oublier les enjeux de plus long terme. À une époque marquée par l'intensification des risques pesant sur l'habitat, avec la multiplication des inondations et l'émergence de nouveaux problèmes comme le retrait-gonflement des argiles, la création de nouveaux logements doit se faire d'une manière qui soit compatible avec l'adaptation de la ville au défi climatique et avec nos engagements écologiques.
L'une de nos priorités est la rénovation énergétique de l'habitat, qui doit permettre de répondre à nos besoins énergétiques de manière décarbonée. Nous continuons d'améliorer et d'optimiser MaPrimeRénov', un dispositif qui a décollé en très peu de temps et qui nous a permis d'atteindre la barre des 2 millions de rénovations depuis sa création en 2020. Cet effort doit se poursuivre. Avec Christophe Béchu, nous avons travaillé de concert avec les fédérations du bâtiment et de l'artisanat pour trouver des solutions aux difficultés que rencontrent les particuliers et les professionnels en ce début d'année. Nous avons récemment ajusté le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) afin de mieux prendre en compte les consommations énergétiques des petites surfaces, inférieures à 40 mètres carrés, et de nous assurer ainsi que 140 000 logements ne sortiraient pas indûment du parc de logements locatifs le 1er janvier prochain – ce qui, dans le contexte actuel, ajouterait aux difficultés que rencontrent les Français pour trouver un logement. La mise à niveau de notre parc doit donc se poursuivre, en prenant aussi le chemin d'une meilleure adaptation aux défis du vieillissement. C'est le sens de la création, le 1er janvier dernier, de MaPrimeAdapt'.
Pour poursuivre ce mouvement, nous avons besoin que toute la filière prenne le pli de cette transformation, comme elle est en train de le faire. Il faut que tous s'engagent dans la même direction – fabricants de matériaux, distributeurs, plateformes de mise en relation, acteurs de la formation des professionnels ou de l'information et de l'accompagnement des ménages. Dans les prochains jours, je proposerai aux professionnels du secteur un pacte de confiance et d'engagement de la filière de la rénovation qui puisse aboutir à des actions concrètes afin de préparer au mieux, collectivement, l'échéance de 2025.
Notre cinquième objectif est de relever le défi de l'aménagement du territoire, auquel de nombreux membres de votre commission sont sensibles, grâce à notre politique ambitieuse visant à réduire de moitié l'artificialisation des sols au cours de la prochaine décennie – ce qui est indispensable. Si nous voulons à la fois assurer notre souveraineté agricole et nous protéger contre les aléas climatiques, il importe plus que jamais de créer l'offre nouvelle en s'appuyant sur les espaces déjà urbanisés. Nous devons mieux recycler les espaces existants en refaisant la ville sur la ville. Nous surélèverons l'existant quand ce sera possible et nous densifierons les zones pavillonnaires, répondant à l'aspiration de nombreux Français de vivre dans une maison individuelle. Nous souhaitons en particulier transformer les zones d'activité ou d'entrée de ville en les densifiant ou en renforçant leurs fonctionnalités urbaines pour créer une ville plus agréable, plus fonctionnelle et plus écologique. Nous avons annoncé la semaine dernière, avec Olivia Grégoire, les premiers lauréats de cette initiative, et nous poursuivrons dans cette lancée. Nous estimons que cette première vague pourrait aboutir à la création, dans les prochaines années, de 25 000 logements rien que dans les zones commerciales que nous voulons transformer.
C'est le même objectif que vise la proposition de loi de Romain Daubié et du groupe Démocrate visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. Dans certains territoires, l'évolution des modes de travail entraîne la constitution d'un gisement important de logements potentiels, qu'il nous faut à tout prix exploiter. Rien qu'en Île-de-France, 4,5 millions de mètres carrés de bureaux vides pourraient servir à d'autres usages. Pour poursuivre cette dynamique, je souhaite l'inscription prochaine du texte important et utile de Romain Daubié, que je salue, à l'ordre du jour du Sénat.
Notre sixième objectif est de répondre au défi social. L'État continue d'être aux côtés des personnes qui souffrent et qui sont à la rue. Nous consacrons chaque année 3 milliards d'euros à cette mission ; cela représente 200 000 places d'urgence, dont 100 000 en Île-de-France. Mon prédécesseur avait obtenu 120 millions d'euros de crédits supplémentaires pour mettre les personnes à l'abri, une somme que nous avons réussi à sécuriser lors des récents débats budgétaires. Dans cette perspective, nous poursuivons notre engagement en faveur du Logement d'abord, notamment pour développer le recours à l'intermédiation locative, une solution qui permet à la fois d'encourager la mise en location et de sortir les gens de la situation d'urgence dans laquelle ils se trouvent.
Notre septième objectif est de créer un choc de confiance pour encourager l'offre locative. La libération de l'offre passe aussi par la réactivation de la partie du parc qui existe déjà, mais reste sous-exploitée. En année pleine, la construction de l'offre neuve ne représente que 1 % du parc existant. En réalité, 80 % des logements dont nous disposerons en 2050 existent déjà. Face à l'urgence, c'est donc ce parc existant qui doit être mobilisé tout entier.
L'attrition du logement dans les zones les plus tendues est un problème urgent, auquel nous avons commencé à nous attaquer. Cette dynamique se poursuit encore aujourd'hui, atteignant localement jusqu'à 20 ou 30 % du parc locatif, sous l'effet conjugué de l'essor de l'immobilier de tourisme, de la transformation d'une partie du parc en résidences secondaires et de la vacance volontaire, causée par des propriétaires qui, face à l'insécurité que représente la mise en location, choisissent de laisser leurs biens sans occupant plutôt que de risquer des ennuis ou des difficultés. Face à ces aléas, nous devons tout faire pour intéresser davantage les propriétaires à l'acte de louer, qui est un service rendu à la société – on s'en rend bien compte quand les biens finissent par manquer.
Nous avons déjà commencé à nous attaquer aux causes de cette attrition dans certains territoires. Le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement comprend ainsi des dispositions spécifiques aux territoires ultramarins, qui permettront de récupérer plus rapidement les biens en indivision successorale. Plus largement, nous devons rendre sa rentabilité à l'activité locative résidentielle, et nous devons sécuriser les bailleurs dans la relation locative en mettant tout en œuvre pour prévenir le risque d'impayés de loyer et agir rapidement quand il se concrétise. Nous devons en outre poursuivre le travail déjà engagé pour décourager, dans les zones à forts besoins, les usages de l'immobilier à des fins autres que résidentielles. C'est la raison pour laquelle je me réjouis tout particulièrement de l'inscription de la proposition de loi d'Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz à l'ordre du jour du Sénat, probablement lors de la semaine du 20 mai, qui est une semaine réservée par priorité au Gouvernement.
Notre huitième et dernier objectif est d'agir sur la demande pour faciliter l'accès à la propriété. Comme je l'ai rappelé en introduction, la crise que nous connaissons est aussi conjoncturelle, liée à la hausse très forte des taux d'intérêt depuis dix-huit mois. Lorsque l'accession à la propriété est empêchée, c'est tout le parcours résidentiel qui se trouve bloqué. Les ménages locataires du parc privé n'ont plus accès au crédit et doivent donc continuer de louer, quand bien même ils auraient souhaité acheter pour fonder un foyer. La rotation dans le parc locatif est grippée et les locataires du parc social ne peuvent plus accéder au privé.
Si nous voulons relancer la machine, nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre la baisse des taux, qui devrait toutefois commencer dans les prochains mois. Nous prenons des mesures proactives pour accompagner les ménages dans leur parcours d'accession. J'ai souhaité faire évoluer les zonages qui donnent accès aux différents dispositifs d'aide à l'accession. Avec Bruno Le Maire, nous avons annoncé il y a deux semaines, au Pays basque, une révision du zonage ABC pour reclasser quelque 800 communes en zone tendue, ce qui permettra à leurs habitants d'avoir davantage accès aux dispositifs d'aide à l'accession, en particulier le prêt à taux zéro (PTZ) et le bail réel solidaire. Nous travaillons en outre avec le Haut Conseil de stabilité financière pour donner aux ménages une deuxième chance en incitant les banques à réexaminer les demandes de crédit refusées. Enfin, la proposition de loi de Lionel Causse visant à compléter les dispositions applicables au Haut Conseil de stabilité financière, qui sera examinée la semaine prochaine par la commission des finances, pose de bonnes questions et ouvre un débat utile sur les conditions d'octroi des prêts bancaires.
Vous le voyez, j'ai mis autant que possible à profit les presque huit semaines qui se sont écoulées depuis ma nomination pour mettre en œuvre la feuille de route qui m'a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre. Dans le cadre d'une concertation étroite avec les acteurs du logement, j'ai commencé à actionner les différents leviers dont je dispose pour lever les freins à une relance rapide et puissante du secteur.
J'ai l'intention de poursuivre et même d'amplifier ces dynamiques, à partir du mois de juin, en présentant d'abord au Sénat, puis devant vous, un projet de loi pour le logement des classes moyennes. Ce texte, qui devra relever une grande partie des défis que je viens de détailler contiendra notamment des mesures permettant de mieux intéresser les élus à l'acte de bâtir. Je suis en effet convaincu que la politique du logement ne peut être menée sans faire confiance aux maires, lesquels connaissent mieux que quiconque les difficultés de leurs administrés, qu'ils accueillent chaque jour dans leur mairie. À cet effet, j'ai engagé une concertation avec l'ensemble des associations représentatives des collectivités.
Ce projet de loi contiendra également un ensemble de mesures visant à renforcer la production de logements sociaux, en agissant notamment sur les ressources des bailleurs sociaux, et de logements intermédiaires – deux leviers essentiels dont nous disposons pour loger les classes moyennes. Il contiendra enfin des mesures visant à simplifier les procédures de construction et à favoriser les opérations de densification et de surélévation qui tirent profit du potentiel des espaces urbains existants. Nous aurons bien sûr l'occasion d'échanger plus longuement lorsque je viendrai défendre ce texte devant vous. En attendant, je suis à votre écoute et à votre entière disposition pour échanger et répondre à vos questions.