Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du lundi 4 mars 2024 à 15h00

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La réunion

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Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Lundi 4 mars 2024

La séance est ouverte à quinze heures

Présidence de M. Mansour Kamardine, président

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition ouverte à la presse de la table-ronde « Martinique – Volet État » réunissant : Préfecture de la Martinique : M. Jean-Christophe Bouvier, préfet et Mme Amélie de Sousa, sous-préfète en charge de la prévention des risques ; État-major interministériel de la zone de défense et de sécurité des Antilles (EMIZA), Lieutenant-colonel Daniel Polinacci, chef de l'état-major ; Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Martinique (DEAL 972) : Mme Véronique Lagrange, directrice adjoint ; Service départemental d'incendie et de secours de la Martinique (SDIS 972) : Colonel Patrick Tyburn, directeur et M. Christophe Di Girolamo, directeur adjoint.

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Nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête par une première table ronde consacrée à la Martinique avec des représentants des différents services déconcentrés de l'État et établissements publics. Cette audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et y restera ensuite disponible à la demande. Nous sommes connectés avec M. le préfet de la Martinique, M. Jean-Christophe Bouvier, qui est accompagné de Mme Amélie de Sousa, sous-préfète en charge de la prévention des risques ; M. le lieutenant-colonel Daniel Polinacci, chef de l'état-major interministériel de la zone Antilles (Emiza) ; Mme Véronique Lagrange, directrice adjointe de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Martinique (DEAL 972) ; et MM. les colonels Patrick Tyburn et Christophe Di Girolamo, respectivement directeur et directeur adjoint du service départemental d'incendie et de secours de la Martinique (SDIS 972).

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Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique

Nous sommes également accompagnés de Mme Isabelle Gergon, cheffe du service risques énergie climat (SREC) à la DEAL, et de M. Karim Ben Amer, chef du pôle risques naturels du SREC.

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L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Jean-Christophe Bouvier, Mme Amélie de Sousa, M. le lieutenant-colonel Daniel Polinacci, Mme Véronique Lagrange, M. le colonel Patrick Tyburn, M. le colonel Christophe Di Girolamo, Mme Isabelle Gergon et M. Karim Ben Amer prêtent serment.)

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Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique

Monsieur le Président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les parlementaires, l'importance et la complexité de la politique de gestion des risques naturels majeurs aux Antilles et à la Martinique, ainsi que le nombre des interlocuteurs qui participent à sa définition, ont justifié que je désigne un référent territorial en charge de coordonner et impulser cette politique sous mon autorité directe, en l'occurrence Mme de Sousa, sous-préfète de l'arrondissement de Saint-Pierre. Situé au pied de la montagne Pelée, ce territoire est en effet concerné par plusieurs risques majeurs, notamment volcaniques, sur lesquels Mme de Sousa dispose ainsi d'une vision de terrain.

La Martinique est exposée à tous les risques naturels majeurs, à l'exception des risques liés à la neige et à la glace : séismes, éruptions, mouvements de terrain, laves (coulées boueuses dévastatrices qui peuvent atteindre 100 kilomètres heure, et sont particulièrement présentes au moment des grandes pluies sur les flancs de la montagne Pelé), inondations, submersions, cyclones, tsunamis. Ce territoire a subi la plupart de ces phénomènes et leur mémoire imprègne la population, en tout cas la plus âgée.

L'éruption volcanique de 1902 a rasé Saint-Pierre, et celles de 1929 et 1932 ont provoqué des dégâts importants, notamment au Morne-Rouge et au village de Saint-Denis.

Depuis ma prise de fonction en Martinique au mois d'août 2022, plusieurs cyclones ont approché la Martinique, avant d'être déviés par les vents vers les îles du Nord, moins proches qu'elle de l'équateur. Nous avons néanmoins été touchés par les effets concomitants de ces cyclones, avec de fortes pluies et de forts vents. Le dernier cyclone important à avoir touché l'île est le cyclone Dean en 2007, qui avait provoqué des dégâts considérables.

Enfin, nous sommes régulièrement confrontés à des phénomènes pluvieux qui peuvent créer des phénomènes de submersion, d'inondation, de coulée de boue, d'effondrement de terrain.

Or, la Martinique présente aussi des facteurs de vulnérabilité importants. En premier lieu, la population, d'une densité de 320 habitants par kilomètre carré, ce qui est supérieur à la moyenne nationale, est majoritairement concentrée sur le littoral, où se trouvent également la majeure partie de l'activité, les infrastructures portuaires, aéroportuaires, etc.

En deuxième lieu, avec 250 escales de croisière programmées cette année, la fréquentation touristique atteint des niveaux supérieurs aux années ayant précédé la crise sanitaire, sur un territoire dont le relief peut rendre le déploiement des dispositifs de sécurité assez difficile. La Martinique ne fait que 70 kilomètres de long sur 30 de large (soit un total de 1 000 kilomètres carrés), mais il faut compter deux heures et demie de voiture pour aller de Fort-de-France à Grand'Rivière, dans le nord de la Martinique, car les routes sont très sinueuses.

En troisième lieu, l'habitat spontané non déclaré important qui s'est concentré sur la zone littorale ou sur les flancs de Morne est particulièrement exposé aux risques de submersion ou de glissement de terrain.

Enfin, l'insularité elle-même constitue un facteur de vulnérabilité, la Martinique étant distante de 6 000 kilomètres de la métropole, avec des capacités de stockage par définition limitées, ce qui crée une exigence de planification. Des exercices de gestion de crise associant les services, la population et les décideurs locaux, élus pour la plupart, doivent être organisés pour développer leur résilience.

Les 34 communes de Martinique sont dotées d'un plan communal de sauvegarde (PCS). La préfecture travaille à l'actualisation des plans « organisation de la réponse de sécurité civile » (Orsec), de manière collaborative entre l'Emiza et le service interministériel régional des affaires civiles et économiques de défense et de la protection civile (SIRACEDPC). Sept dispositifs Orsec ont ainsi été actualisés depuis un an et demi. Nous réalisons sept à huit exercices par an en Martinique, contre une obligation de quatre exercices par an dans chaque département, en nous efforçant d'y associer toute la chaîne des acteurs, y compris l'autorité judiciaire, pour tester la circulation des informations.

Le préfet de la Martinique étant également préfet de zone, je suis aussi en charge du pilotage des crises en Guadeloupe et dans les îles du Nord, et j'ai la responsabilité de l'allocation et la redistribution des moyens dans cette zone.

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le lieutenant-colonel Daniel Polinacci, chef de l'état-major interministériel de la zone Antilles, État-major interministériel de la zone de défense et de sécurité des Antilles (Emiza)

L'Emiza, placé sous autorité directe de M. le préfet de zone, existe depuis l'an 2000. Il est chargé de la sécurité civile de la zone Antilles, qui comprend les territoires de la Martinique, de la Guadeloupe et des deux « îles du Nord », Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Il est composé de sept agents qui assurent une astreinte et une veille opérationnelles permanentes afin de renseigner les autorités zonales, mais aussi l'ensemble des services de secours, et, au niveau national, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des autorités zonales. L'Emiza doit aussi coordonner l'emploi des moyens nationaux prépositionnés pour l'ensemble de la zone, ce qui inclut notamment deux hélicoptères de la sécurité civile, le groupement d'intervention du déminage (GID), qui est localisé en Guadeloupe, et le stock de la réserve nationale, implanté à la Martinique et en Guadeloupe. Cette proximité de la réserve nationale et des forces armées aux Antilles en fait des partenaires opérationnels incontournables en situation de crise majeure, en particulier face aux risques naturels.

La première mission de l'Emiza est de coordonner la gestion des risques majeurs naturels en Martinique. Dès lors qu'un phénomène majeur impacte ou menace d'impacter la zone Antilles, l'Emiza, sur décision de l'autorité préfectorale, peut mettre en place, 24 heures sur 24, un centre opérationnel zonal, qui associera ses sept agents et tous les représentants des services de l'État susceptibles de concourir à la gestion de la crise, pour, dans un premier temps, recueillir des informations sur les territoires impactés ou susceptibles de l'être, estimer la situation et son évolution, et proposer des solutions opérationnelles. Dans un deuxième temps, l'Emiza doit mettre en œuvre la stratégie opérationnelle adoptée par l'autorité préfectorale de zone en concertation avec les préfets des territoires concernés et la Direction générale de la sécurité civile, en mobilisant et coordonnant les moyens à sa disposition. Les moyens intrazonaux devront souvent être redéployés d'un territoire à un autre : de la Martinique vers la Guadeloupe, ou de la Guadeloupe vers les îles du Nord, etc., et des moyens extrazonaux pourront également être mobilisés de la Guyane, située à 1 500 kilomètres, de la métropole, voire du dispositif de protection civile de l'Union européenne. La coordination de ces moyens implique des problématiques de réception des détachements, de gestion des flux, de logistique, etc. Les effectifs du centre opérationnel de l'Emiza devront alors être rapidement renforcés.

La deuxième mission de l'Emiza est de participer à la préparation opérationnelle des services d'incendie et de secours de la Martinique, de la Guadeloupe et des îles du Nord, et des services interministériels de défense et de protection civile (SIDPC). En 2023-2024, avec le service d'incendie et de secours de la Martinique, nous avons par exemple coorganisé la formation des chefs d'équipes de sapeurs-pompiers à l'intervention à bord de navires et de bateaux. Organisée en Martinique au profit des zones Antilles et Guyane, cette formation était assurée par le bataillon des marins-pompiers de Marseille.

Actuellement, l'Emiza organise également une formation à la gestion de crise de niveau départemental, à destination des services d'incendie et de secours, mais également des gestionnaires de crise des préfectures et des états-majors de zone, des Antilles comme de Guyane. Elle est assurée par les formateurs de l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers d'Aix-en-Provence, en partenariat avec l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp) et la Direction de la sécurité civile.

Enfin, nous suivons le « pacte capacitaire » mis en place par la Direction générale de la sécurité civile pour faire cofinancer par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et les collectivités territoriales la mise à disposition des services d'incendie et de secours de matériel essentiel pour répondre aux risques majeurs et émergents. Initié l'an dernier, ce pacte capacitaire est bien engagé s'agissant des risques de feu dans les espaces naturels, des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, et des moyens requis pour intervenir sur les navires et bateaux. Les travaux se poursuivent cette année et, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), devraient permettre d'augmenter significativement les capacités matérielles des SIS de la Martinique, de la Guadeloupe et des îles du Nord.

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Patrick Tyburn, directeur du Service départemental d'incendie et de secours de la Martinique (SDIS 972)

Le SDIS 972, de catégorie C, regroupe 1 300 sapeurs-pompiers volontaires, 320 sapeurs-pompiers professionnels, 50 personnels administratifs, techniques et spécialisés. Il dispose de 170 véhicules d'incendie de secours et de 19 centres d'incendie et de secours répartis sur l'ensemble du territoire. Nous réalisons 30 000 interventions annuelles, sous l'autorité du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) en matière de gestion administrative et financière ; et sous l'autorité du préfet, en matière de gestion opérationnelle.

Les événements naturels majeurs restent en Martinique d'occurrence faible, avec des temps de retour généralement supérieurs à dix ans, mais des intensités qui peuvent être élevées, ce qui présente plusieurs difficultés.

La première tient à l'effacement progressif de la mémoire collective. Par exemple, le dernier tsunami connu par la Martinique date de l'éruption volcanique de la montagne Pelée en 1902. Il s'agissait alors d'un tsunami local, mais la Martinique est également exposée aux tsunamis régionaux, susceptibles d'être générés par des séismes sur la zone de subduction, mais aussi aux tsunamis lointains, comme le tsunami transocéanique majeur connu par la Martinique en 1755 à l'issue du tremblement de terre de Lisbonne. Une information préventive soutenue et précise de la population est essentielle à cet égard, pour qu'elle sache quels comportements adopter, en complément de l'intervention des services de gestion de crise et des autorités.

Le temps de retour des ouragans est estimé à trente ans, mais la Martinique n'en a pas connu dans les cinquante dernières années. La Martinique comme la Guadeloupe n'ont pas non plus connu de tsunami ou d'ouragan en situation de surcote marine. Météo-France étudie actuellement l'impact potentiel d'une telle situation, mais il pourrait être majeur sur des territoires où le littoral est principalement occupé.

L'aléa sismique reste le plus redouté. De nombreux travaux ont été menés ces dernières années pour mieux anticiper les scénarios possibles, de séismes et de tsunamis, et y préparer la population.

Enfin, un travail reste à mener sur la possibilité des aléas combinés, de plus en plus évoquée. La survenue d'un ouragan majeur dans une phase finale éruptive par exemple complexifierait grandement la gestion de crise.

M. le préfet a évoqué la densité du territoire. Dans la conurbation regroupant Fort-de-France, Schœlcher, Le Lamentin et Le Prêcheur, elle atteint près de 2 300 habitants par kilomètre carré. Les difficultés seraient donc encore accrues en cas d'impact dans cette zone, qui réunit aussi les principales infrastructures. La sécurité des points d'entrée que constituent le port et l'aéroport, notamment, doit absolument pouvoir être garantie. Or, ils restent pour l'instant vulnérables, notamment en cas de tsunami majeur. Le réseau routier présente également des fragilités. Or, prévoir des itinéraires alternatifs en situation de crise est rendu difficile par la topographie de l'île.

La question de l'eau potable est également posée dans tous les retours d'expérience des crises majeures. Toutefois, positionner localement des moyens de potabilisation suppose des compétences techniques de très haut niveau. D'autres réponses doivent sans doute être cherchées. Il faudra certainement renforcer les réseaux.

Nos capacités de réponse sont limitées, parce que, comme en métropole, la gestion de crise repose essentiellement sur une capacité de montée en puissance. L'insularité de la Martinique accroît toutefois sa vulnérabilité à cet égard.

Par ailleurs, les capacités hospitalières ont très vite été saturées lors de la pandémie, et nous rencontrons encore actuellement des difficultés quotidiennes pour allouer des secours non programmés. Nos capacités de réponse sanitaire ne seraient donc pas suffisantes en cas de crise majeure liée à un aléa naturel.

Compte tenu de l'état des casernements du SDIS, un programme de construction de 14 ensembles bâtimentaires, financé à 50 % par le fonds Barnier, a été engagé depuis 2014. Six casernes ont déjà été réalisées et le programme de l'actuelle gouvernance envisage, pour 130 millions d'euros, la réalisation de sept nouveaux ensembles. Le SDIS devrait alors disposer d'un parc de casernes et de centres de services de secours suffisant pour être en mesure d'apporter une réponse satisfaisante en cas d'événement majeur.

Nous contribuons naturellement à l'information préventive de la population, au côté des services de l'État. Nous avons par exemple participé à la Journée nationale de la résilience.

La connaissance des scénarios possibles, notamment multirisques, reste à être développée. Elle a permis de réaliser des exercices sismiques majeurs, comme l'exercice EU Richter qui avait réuni il y a cinq ans des moyens locaux, régionaux, mais aussi nationaux et européens, et mériterait d'être renouvelé prochainement, car nous devrons pouvoir accueillir des renforts extérieurs. À cet égard, la capacité de transbordement de moyens entre la Guadeloupe et la Martinique en situation de crise doit être améliorée. Les moyens militaires positionnés en Guyane pour lutter contre l'orpaillage illégal pourraient également être mobilisés en situation opérationnelle. Y créer une réserve nationale, comme il en existe en Martinique et en Guadeloupe, assurerait aussi de disposer d'une première réponse issue de ce territoire. Enfin, nous nous sommes engagés à adopter le standard européen INSARAG sur les risques sismiques afin de faciliter l'arrivée de moyens extérieurs en situation de crise, grâce à des personnels formés à cet effet.

La préparation doit aussi selon moi viser à maintenir la capacité de commandement et de direction en situation de crise. Lors du séisme de L'Aquila, à quelques centaines de kilomètres de Rome, toute direction de la gestion de crise avait par exemple été annihilée. Il faut être capacité de réaliser une première évaluation, pour demander d'éventuels renforts extérieurs, qu'il faudra alors pouvoir accueillir. Enfin, une première réponse sanitaire doit être possible sans attendre une montée de puissance dont les délais (de 48 à 72 heures pour des renforts issus de la métropole) pourraient être excessifs pour les personnes impactées.

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Véronique Lagrange, directrice adjointe de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Martinique (DEAL 972)

Les 34 communes de Martinique sont depuis 2004 couvertes par des plans de prévention des risques naturels majeurs (PPRN), qui constituent des outils de référence pour la gestion de la crise, ne serait-ce que pour connaître l'état des connaissances. Ils sont disponibles sur un site internet interactif, à l'intention aussi bien des collectivités, des élus ou des décideurs que du grand public.

Ces documents ont fait l'objet de révisions en 2013 et en 2014, et plusieurs programmes de révision de ces PPRN sont engagés depuis 2019, afin d'intégrer les éléments de doctrine nouveaux liés au changement climatique, et les évolutions techniques permettant une information plus précise. Notre Observatoire de l'évolution de l'érosion du trait de côte nous permet aussi d'alimenter ces PPRN. L'accompagnement du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est également essentiel dans ces révisions, par les études et expertises de très haut niveau qu'il est en capacité de mener. Nous sommes aujourd'hui à jour sur l'aléa mouvements de terrain, et le BRGM travaille actuellement sur les submersions et l'aléa inondation.

Une cartographie complète des aléas devrait ainsi être disponible d'ici la fin de l'année, pour mener ensuite les concertations avec les collectivités. Lors de la première réunion d'installation de la commission territoriale des risques naturels majeurs en novembre dernier, nous avons décidé d'organiser des enquêtes auprès des élus pour bénéficier de leur retour d'expérience des précédents PPRN, de leurs attentes, ainsi que de leurs connaissances souvent très fines de leurs territoires. L'objectif est alors de finaliser et valider les PPRN pour 2026. Ce calendrier est restreint, mais bien engagé. Les PCS nous permettront aussi d'actualiser les documents d'information communaux sur les risques majeurs (Dicrim), qui constituent également des documents essentiels.

Une réflexion stratégique a également été mise en place sur les territoires identifiés à risques d'inondation, parmi lesquels trois collectivités se sont déjà dotées de plans d'action de prévention du risque inondation (PAPI) : Rivière-Pilote, Schœlcher et Le Lamentin. Ces deux dernières communes sont portées par l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM), qui est très dynamique sur ce sujet. La ligne « prévention des inondations » du fonds vert a également permis de doter ces collectivités de moyens d'animation et de pilotage de ces programmes.

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Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique

Le travail collaboratif et opérationnel de prévention réalisé en Martinique vous a ainsi été présenté. Il s'inscrit dans une dimension zonale importante de conseil, de planification et d'allocation des moyens.

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Merci, monsieur le préfet pour ce point de situation très précis, qui a permis de répondre à une partie des questions que je voulais vous poser. Je suis très impressionné par l'exposé de Mme Véronique Lagrange concernant la prise en compte des populations dans la réévaluation des PPRN. Même si on peut toujours regretter leur absence de mise à jour entre 2014 et 2026, cette méthode paraît exemplaire et originale au regard de ce qui nous a été présenté lors des auditions déjà réalisées par cette commission d'enquête.

La révision des PPRN pose évidemment la question de la prise en compte du changement climatique et de ses effets sur l'urbanisme. Je crois que 50 % de la mobilisation du fonds Barnier outre-mer est dû à la Martinique, et M. le directeur du SDIS a indiqué que ce fonds est notamment mobilisé pour la rénovation des casernes. Comptez-vous également l'utiliser pour rénover ou déplacer un certain nombre de bâtiments, y compris privés ? Comment la trajectoire de réchauffement climatique a-t-elle été intégrée aux PPRN et dans l'urbanisme de la Martinique, où le foncier est extraordinairement contraint ? J'ai notamment travaillé avec le président Letchimy sur les problèmes d'indivisions successorales, qui rendent même le foncier vacant indisponible, et impossible à assurer, car très exposé aux aléas climatiques. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Pourrez-vous nous transmettre, lorsqu'ils auront été finalisés, les sept plans Orsec que vous êtes en train de réviser, ainsi que les documents afférents ? Nous souhaitons surtout savoir comment vous avez associé les différents acteurs à cette révision, et si cette méthode pourrait être systématisée sur d'autres territoires, afin de répondre à l'évolution des aléas.

Le dernier événement majeur sur lequel nous pouvons encore facilement interroger des témoins est celui du passage d'Irma à Saint-Martin. Un enjeu important, sur lequel je souhaiterais également vous entendre, avait alors été celui du prépositionnement : des réserves d'abord, pour assurer l'approvisionnement des populations ; et des forces de l'ordre, ensuite, pour éviter les pillages et les problèmes de sécurité publique. Quelles réponses envisagez-vous d'apporter en matière de potabilisation de l'eau ? Comment construisez-vous les scénarios des différents aléas, et pourriez-vous nous les transmettre ?

Vous avez bien montré comment vous mobilisiez la population pour lui inculquer une culture de risques, et je n'aurai donc pas d'autre question à ce sujet.

En revanche, pourriez-vous développer la manière dont vous approchez les enjeux de solidarité à l'échelle régionale ? Un événement impacte souvent l'ensemble d'une zone. Comment envisagez-vous de gérer les besoins d'accueil des populations impactées ? Je pense notamment aux touristes, qui ne resteront pas gentiment dans les ports, dont la résilience aura été la plus développée, mais seront disséminés autour, et tendront à s'adresser à l'île où la puissance publique est la plus implantée, c'est-à-dire la Martinique.

Évidemment, vous n'êtes pas obligés de répondre à toutes ces questions maintenant, mais pourrez parfaitement le faire ultérieurement sous forme de contribution écrite également.

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Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique

Un certain nombre de précisions vous seront en effet apportées par écrit, notamment sur la mobilisation du fonds Barnier.

En Martinique, la population est particulièrement sensible à cette problématique de gestion de crise. Lors de nos démarches de prévention dans les villages, les grandes surfaces, les Journées de la résilience, etc., la participation populaire est réelle, y compris de la part des élèves, et elle est relayée par notre dernier titre quotidien de presse locale. Je n'ai trouvé une telle résilience nulle part ailleurs dans les territoires où j'ai travaillé en métropole.

Il revient aux maires de décider de mobiliser des crédits comme les fonds Barnier pour la rénovation par exemple des écoles. Or, les élus locaux disposent rarement de l'ingénierie suffisante, tant pour savoir comment mobiliser ces crédits que pour savoir ensuite comment passer les marchés nécessaires pour engager et dépenser ces crédits. Dans les communes où les élus locaux se mobilisent, en revanche, la situation est généralement très appréciable pour l'État, qui peut se limiter à sa vocation d'accompagnement individuel, plutôt que d'incitation susceptible d'être perçue comme une contrainte. La totalité des écoles ont alors bien souvent été rénovées et constituent désormais des lieux d'accueil de la population en cas de risque majeur. Au Prêcheur, un élu, aujourd'hui député, a été à l'origine d'un plan de déplacement d'une partie du village sur les hauteurs, dans le cadre duquel une école de refuge a été construite à l'aide de produits de construction locaux, souvent plus résistants aux exigences locales que les produits importés ad nauseam de métropole et qui pourrissent parfois rapidement.

En tant que préfet de zone, je suis naturellement très favorable au prépositionnement des moyens en prévision des événements majeurs. L'imprévisibilité de la trajectoire des phénomènes rend toutefois nécessaire de conserver des moyens sur tous les territoires. Même si des moyens étaient prépositionnés sur les îles du Nord, par exemple, il faudrait en conserver également en Martinique au cas où un phénomène vienne à la toucher. La mémoire collective est essentielle à cet égard pour ne pas renouveler les mêmes erreurs. Les conseils des experts en météorologie et en gestion des moyens sont aussi requis pour optimiser des moyens qui sont par définition limités.

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Véronique Lagrange, directrice adjointe de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Martinique (DEAL 972)

Nous prenons naturellement en compte le changement climatique. Treize communes de Martinique figurent notamment sur le décret relatif aux études à mener sur le territoire Nord, qui est le plus exposé. Un travail est en cours à cet égard avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), pour établir les documents utiles qui pourront être intégrés dans les documents d'urbanisme des collectivités.

S'agissant des surcotes, nous appliquons les valeurs imposées au niveau national, et que nous pourrons vous transmettre.

L'Observatoire de l'érosion du trait de côte nous permet aussi de recueillir un ensemble de données que nous pourrons partager avec l'ensemble des partenaires.

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Comment travaillez-vous avec les assureurs ? Un vrai problème d'assurance des biens a été constaté avec Irma. Seuls 50 à 60 % des bâtiments de Martinique ou de Guadeloupe sont assurés (même si ce taux reste bien supérieur à celui qui prévaut à Saint-Martin), contre 97 % en métropole.

Pourriez-vous également préciser vos possibilités de mobilisation de la plateforme de protection civile de l'Union européenne ? Elle me paraissait naïvement trop lointaine pour être opérationnelle en Martinique.

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le lieutenant-colonel Daniel Polinacci, chef de l'état-major interministériel de la zone Antilles, État-major interministériel de la zone de défense et de sécurité des Antilles (Emiza)

Ce dispositif de plateforme européenne existe depuis vingt ans, et il a fait la preuve de son efficacité, avec plus de 10 interventions sur les dix dernières années, dans des délais de projection de l'ordre de 48 heures, comme pour une intervention strictement française, si la demande est exprimée rapidement, et si ces moyens sont disponibles.

La capacité d'intervention rapide nationale est assurée en particulier par les formations militaires de la sécurité civile, dont les détachements sont mobilisables en 3 heures, ce qui leur permet d'être disponibles sur la zone Antilles dans les 24 à 48 heures, si la direction de la sécurité civile est en mesure d'affréter un avion.

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Comment coopérez-vous avec les autres États et les autres forces de protection civile de la région ?

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Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique

Ils en bénéficient davantage que nous. La présence de la France dans la zone Caraïbe est appréciée pour sa capacité de projection et d'entraide, qui a été soulignée à chaque crise, y compris lors de la crise sanitaire. Cette coopération reste toutefois très empirique, ce qui fonctionne bien, grâce aux procédures mises en place. Chaque fois que nous avons voulu passer par des conventions, cela n'a pas nécessairement abouti.

J'en profite pour rappeler l'urgence de nommer un conseiller diplomatique auprès des préfets de la Martinique, de la Guadeloupe et la Guyane pour faciliter ce travail de conventionnement avec nos voisins caribéens, et développer nos relations régionales à tous points de vue, mais particulièrement en matière de lutte contre les événements majeurs. Le comité interministériel des outre-mer (CIOM) a toutefois annoncé cette nomination pour la fin de ce semestre.

Notre population est peu assurée, mais le fonds de garantie des outre-mer peut couvrir certains dégâts. Par ailleurs, les assurances ne couvrent pas certains dégâts, comme ceux liés aux gaz émis par les sargasses, qui ne peuvent pas être qualifiés de catastrophe naturelle ou de risque naturel majeur. Ils touchent en particulier les frigos et les petits appareils électriques, qui connaissent une détérioration accélérée dans les régions touchées. C'est pourquoi j'avais, lors de mon arrivée et à la demande du ministre, travaillé à constituer une assurance publique de premier niveau qui permette aux populations répondant aux minima sociaux de bénéficier de bons d'achat. Ce n'était cependant pas possible légalement.

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Je serais très intéressé par un retour sur cette expérience et par de la littérature à ce sujet, car on nous a plusieurs fois conseillé de mettre en place une telle assurance de premier niveau pour l'ensemble des populations.

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Le directeur du SDIS a laissé entendre que la Martinique disposait d'une capacité très limitée. Pourrait-il nous préciser pourquoi et comment il serait possible d'améliorer cette capacité ?

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Patrick Tyburn, directeur du Service départemental d'incendie et de secours de la Martinique (SDIS 972)

Le dimensionnement des SIS est réalisé sur la base des « risques courants », par opposition aux « risques particuliers », dont font précisément partie les risques naturels majeurs, qui font l'objet de cette audition. En situation de crise liée à un risque naturel majeur, nous ne disposerons donc pas de certains moyens techniques spécifiques de sauvetage-déblaiement, etc., qui pourront nous faire défaut.

La probabilité pour un ouragan ou un séisme de toucher simultanément les deux îles de Martinique et de Guadeloupe est toutefois très faible. Il est donc justifié d'envisager une répartition des moyens entre la Martinique et la Guadeloupe qui leur permette de se porter secours mutuellement, dans une perspective de montée en puissance. De même, la Guyane étant moins exposée aux risques sismiques, il paraît pertinent d'y positionner des moyens, pour éviter d'avoir à attendre 72 heures qu'arrivent des moyens venus de métropole.

Par ailleurs, des ponts Bailey étaient autrefois stockés pour permettre une remise en fonctionnement rapide du réseau routier. En cas d'ouragan, le niveau de précipitations atteint en effet 350 à 400 millimètres d'eau, contre un seuil à 80 millimètres d'eau pour les « fortes précipitations ». L'ouragan Maria a été dévié au dernier moment, pour finalement éviter la Martinique de seulement un ou deux degrés, mais il a traversé la Dominique de part en part. Nos services de secours ont précisément été parmi les premiers à s'y porter, mais ils ont dû se déplacer par la mer, car le réseau routier était totalement impraticable, qu'il soit obstrué par des troncs d'arbre ou que les ouvrages soient détruits. C'est pour faire face à des phénomènes de cette ampleur que je décrivais nos moyens capacitaires comme relativement limités.

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Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique

En conclusion, je souhaite souligner l'importance d'un travail collectif et transversal, qui associe les élus et les acteurs non étatiques de premier et de second niveau, pour entraîner l'adhésion à des démarches qui pourraient sinon être vécues comme contraignantes.

La culture de la résilience et de la gestion de crise est réelle sur nos territoires. Par exemple, même si c'est une obligation, la plupart des communes installent volontiers des panneaux sur le risque de tsunamis et les chemins d'évacuation à suivre par la population le cas échéant. Ils sont lus et bénéficient de retours très favorables.

Nous vous adresserons, par l'intermédiaire de Mme Amélie de Sousa, les précisions que vous avez demandées et restons à votre disposition pour toute autre demande.

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Il me reste à vous remercier pour la clarté de vos exposés et pour la qualité des échanges et des informations que vous nous avez transmises.

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition ouverte à la presse de la table-ronde « Martinique – Volet Élus et associations » réunissant : Collectivité territoriale de la Martinique : M. Fernand Odonnat, président de la commission aménagement du territoire, grands travaux, transports, infrastructures et risques majeurs ; Protection civile de la Martinique : Mme Line Rose Arrouvel, présidente et M. Gregory Gevar, secrétaire général ; Université populaire et de la prévention : M. Albéric Marcelin, président ; et Croix-Rouge française de Martinique : Mme Olympe Francil, directrice.

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Bonjour. Nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête par une deuxième table ronde consacrée à la Martinique, avec des représentants de la collectivité territoriale de la Martinique, du tissu associatif local et de la Croix-Rouge.

Je vous remercie de votre présence à cette audition qui est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et y restera ensuite disponible à la demande.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme Line Rose Arrouvel, M. Fernand Odonnat, Mme Marise Vallée, M. Albéric Marcelin, Mme Fabienne Kiactol, M. Gregory Gevar et Mme Olympe Francil prêtent serment.)

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Line Rose Arrouvel, présidente de la protection civile de la Martinique

Le département de la Martinique étant devenu un territoire, notre association n'est plus « l'association départementale de la Martinique », mais « la protection civile de la Martinique ». Agréée en protection civile, elle existe depuis 1973, et est membre de la fédération nationale de protection civile. Je suis chargée au niveau national de tout l'outre-mer.

Disposant de quinze antennes réparties sur l'ensemble du territoire, nous intervenons en prévention des risques majeurs au niveau des réserves communales ou de nos propres bénévoles. À la demande de l'État, nous intervenons également après les catastrophes naturelles, quelles qu'elles soient, en fonction des demandes des maires, pour aider et accueillir les populations impactées, et leur permettre de retrouver une vie normale le plus rapidement possible.

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Gregory Gevar, secrétaire général de la protection civile de la Martinique

Nous rencontrons aujourd'hui deux types de difficultés.

La première tient au fait qu'une grande partie de notre matériel d'intervention durant les catastrophes doit d'abord être acheminée de la métropole, à un coût relativement important.

La deuxième vient du fait qu'en tant qu'association agréée de sécurité civile, nous intervenons à la demande soit du préfet de la Martinique en cas de catastrophe, soit d'un maire lorsque nous avons passé avec lui une convention pour soutenir ses réserves communales. Or, les maires de la Martinique n'ont pas tous la même vision du risque. Certains, estimant que ce domaine est réservé exclusivement à l'État, n'ont encore passé de convention avec aucune association pour travailler en amont de manière plus structurée. Nous devons alors intervenir en réaction plutôt qu'en proactivité, pour aider chaque commune à établir un schéma de prise en charge opérationnelle sur lequel nous pourrons ensuite nous appuyer. N'étant peut-être pas suffisamment connue, notre association est trop souvent appelée seulement dans l'urgence.

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Line Rose Arrouvel, présidente de la protection civile de la Martinique

Suite à Irma, notre fédération nous a toutefois dotés de matériel immédiatement opérationnel sur place, car la Martinique est une zone de défense.

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Olympe Francil, présidente de la Délégation territoriale de la Croix-Rouge française en Martinique

La Croix-Rouge française est connue. Elle est présente dans les rues, au pied des immeubles, mais aussi dans les tranchées. Je représente donc un tiers de confiance.

La plateforme d'intervention régionale Amérique-Caraïbes (Pirac) de la Croix-Rouge est l'une des plus exposées aux catastrophes naturelles dans le monde, alors même qu'elle est composée d'États fragmentés et insulaires pour la plupart, ce qui rend très complexes la gestion et le suivi des catastrophes naturelles et des risques majeurs. Dans ce contexte, la préparation et la sensibilisation des populations aux risques de catastrophes naturelles sont essentielles pour augmenter leur résilience. Notre délégation compte 300 bénévoles et 50 secouristes, mais nous avons toujours besoin de davantage de bénévoles.

Nos îles sont exposées à tous les risques, hormis la neige : les sargasses, la brume de sable, et tous les risques telluriques, cycloniques, sismiques, les glissements de terrain, les problèmes d'eau, etc.

En tant qu'association de sécurité civile (ASC), la Croix-Rouge de Martinique intervient, comme la protection civile, en coordination avec la préfecture et les institutions locales. Si des progrès ont été réalisés à cet égard, cette coordination reste encore nettement à renforcer. Une réponse des communes beaucoup plus fluide et rapide doit aussi être instituée.

Des problèmes de pré-positionnement et de gestion du stock se posent également pour les interventions.

Répondre aux catastrophes naturelles en Martinique suppose la volonté politique de mettre en place une vraie culture de risque. Notre nouveau projet associatif repose ainsi sur un socle consistant à « éduquer, prévenir, protéger et secourir ». Un début de prise de conscience est constaté, mais elle doit être généralisée aux enfants, aux adultes, aux lycées, etc., ainsi qu'aux personnes âgées, car la population de Martinique vieillit. La prévention continue devrait ainsi faire partie de notre ADN. Une véritable pédagogie évolutive doit être instaurée à cette fin. Les organismes référents, la météo, le centre de découverte des sciences et techniques, etc. effectuent déjà un travail intéressant à cet égard, mais les associations ont besoin de compétences plus fortes pour mieux s'articuler avec les collectivités dans cet effort.

C'est la raison pour laquelle la délégation territoriale de la Martinique a adopté le principe d'« aller vers » : aller vers les communes, les bas d'immeubles, pour présenter les gestes qui sauvent, proposer des initiations au risque, améliorer les évaluations en prévision des impacts.

Le dispositif « Option Croix-Rouge », mis en place depuis l'an dernier, permet aussi de circuler dans les communes. Il est intervenu en 2023 dans 2 lycées, 1 école et 1 collège. En 2024, 14 établissements, pour un total de 800 élèves, feront l'objet d'une visite sur la prévention des risques majeurs. Cette expérience extraordinaire est rendue possible par le fait que les lycéens, les élèves et tous les professeurs de ces établissements scolaires ont vraiment pris cette responsabilité à cœur. À côté de la pédagogie scolaire classique, une pédagogie sociale et humaine apparaît ainsi requise pour intéresser ces jeunes, et, avec eux, imaginer un système innovant de prise en compte des risques majeurs.

Nous n'avons pu réaliser que 475 heures de formation en 2023, car les bénévoles sont rarement disponibles d'autres jours que le samedi. Ils devraient à cet égard bénéficier de crédits d'heures, non seulement pour intervenir sur les risques majeurs à la Martinique, mais aussi pour se former. Or, les chefs d'entreprise sont souvent très réticents à leur accorder ces crédits d'heures.

Une caravane a également été mise en place pour « aller vers » les communes de la Martinique et rendre mieux visibles nos opérations.

La pédagogie est essentielle pour que la culture du risque ne soit pas source de peur. Elle ne doit pas non constituer un « gadget », auquel on pourrait recourir occasionnellement, mais sa présence doit être systématique dans les médias, dans notre communication, nos rapports et notre schéma de développement.

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Albéric Marcelin, président de l'Université populaire et de la prévention

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord associer à cette déclaration d'ouverture deux éminentes personnalités de notre association : le docteur Patricia Hieu, engagée corps et âme dans la gestion de crise lors de la tragédie sismique du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince, en Haïti, où elle vivait depuis vingt ans ; et M. Frank Hubert, ancien vice-président du Conseil de l'ordre des architectes de Martinique et membre de notre conseil scientifique. Il a sillonné la planète de longues années en faveur du génie pacifique et de la mitigation en général.

À l'occasion de son déplacement à Saint-Martin, les 28 et 29 septembre 2018, suite au désastre causé par l'ouragan Irma, le Président de la République annonça une grande loi de prévention des risques naturels majeurs en outre-mer. Une délégation interministérielle à la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer a été installée par décret, un délégué interministériel nommé et des consultations territoriales conduites. Deux années plus tard, le processus a été stoppé pour « d'obscures raisons budgétaires et de calendriers parlementaires contraints ».

La Mission d'appui aux politiques publiques de prévention des risques majeurs en outre-mer (Mappprom) a été créée, mais n'a pas jugé bon d'assister au séminaire Résilience des outre-mer organisé par l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT) à Fort-de-France du 24 au 26 octobre 2022.

Ces quinze dernières années, nous avons répondu à toutes les sollicitations des missions d'information parlementaires, des audits, des consultations territoriales menées par la direction générale de la prévention des risques majeurs (DGPR), de l'Inspection générale de l'environnement, de la Cour des comptes, etc. Nous avons rencontré presque tous les préfets, soit à notre demande, soit à leur initiative.

Le 15 mars 2023, le Conseil économique, social, environnemental et culturel de Martinique (CESECM), a saisi, dans une longue lettre, le Président de la République sur le traitement des risques majeurs en Martinique. Si un ouragan majeur comme Irma venait à frapper la Martinique ou la Guadeloupe, il en résulterait une tragédie pour nos populations. Le 29 août 2001 déjà, un rapport de l'Inspection générale de l'environnement parlait de la menace sismique sur le territoire dans la Martinique comme d'une « situation apocalyptique » (page 9).

Nous ne voulons pas croire que cette audition n'en serait qu'« une de plus ». L'Assemblée nationale vient de reconnaître sa responsabilité sur le scandale du chlordécone. Elle est également engagée devant l'histoire et devant les Nations unies s'agissant de la politique de prévention des risques naturels majeurs en outre-mer, qu'il faut sortir des tiroirs des ministères et des services de l'État. L'Emiza estimait il y a quelques années à 40 000 le nombre de décès à Fort-de-France en cas de séisme majeur, soit 10 % de la population. Tous les moyens légaux doivent être mobilisés sans délai. Il faut augmenter les budgets, simplifier les procédures et sanctionner les acteurs qui prennent des libertés avec les vies humaines, les infrastructures et l'environnement. L'impréparation de la population est manifeste. La vraie mitigation ne prend pas corps. Il convient également d'accélérer l'application du plan séisme Antilles numéro 3 (2021-2027).

Pour la première fois, une commission d'enquête parlementaire se penche sur la gestion des risques majeurs en outre-mer. Nous espérons la promulgation d'une grande loi ad hoc de prévention des risques majeurs naturels et technologiques en outre-mer et un « plan Marshall » d'investissements pour réduire la vulnérabilité de nos territoires et de nos populations.

Le temps qui nous est aujourd'hui imparti paraît un peu contraint, quand nous voudrions vous entretenir au fond des sujets suivants.

Il faudrait d'abord revenir sur l'histoire des catastrophes naturelles en Martinique, et notamment sur la plus grande catastrophe naturelle de toute l'histoire de France : l'éruption de la montagne Pelée en 1902, qui fit 30 000 victimes, afin d'en tirer tous les enseignements pour le plan Orsec en cours de finalisation.

Il faudrait également évoquer l'insécurité sismique des écoles ; le besoin d'un plan ouragan majeur Antilles (OMA) sur le modèle des plans séisme depuis 2007 ; la vulnérabilité bien connue de l'unique piste d'aéroport susceptible d'accueillir l'aide internationale et nationale ; le besoin d'une assurance universelle habitation partagée ; la révision des PPRN en 2026 ; la prise en compte des aléas mouvements de terrain ; le rapport Gemitis, caché par les autorités et révélé par le magazine Science et Avenir en septembre 1999 ; le besoin urgent d'une information préventive massive à la télévision publique et privée ; la nécessité d'élargir la cartographie des risques (avec des plans de prévention associés) aux orages, aux chutes de grêle (connues en avril 2018 en Martinique), à la canicule et au nouveau risque NaTech, d'un phénomène naturel déclenchant un risque technologique ; la nécessité de curer les 902 kilomètres de réseau fluvial de Martinique pour réduire le risque d'inondation ; de rendre les exercices séismes et tsunamis obligatoires deux fois par an dans les établissements recevant du public (ERP) ; la raréfaction de l'eau potable en cas de séisme majeur notamment ; la nécessité de réhabiliter 80 % du parc immobilier ancien de Martinique en réabondant les fonds Barnier ; le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) ; le système de détection précoce des tsunamis, basé depuis quelques années à Hawaï pour l'Atlantique ; la vulnérabilité du système de santé, notamment en situation insulaire ; la nécessité de développer la médecine de catastrophe et de traiter le « crush syndrome » ; de rendre le secourisme obligatoire en l'adossant à la délivrance du permis de conduire un engin terrestre à moteur ; de rendre réellement résilients les bâtiments stratégiques et d'isoler techniquement les nouveaux bâtiments ; de renforcer les moyens des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) ; de rendre possible une autonomie alimentaire post-crise ; de positionner des canadairs sur zone en anticipation des incendies de forêt liés au réchauffement climatique ; d'envisager la gestion d'un nombre de décès massif ; de réaliser enfin un bilan exhaustif de l'application de l'article L. 125-2 du Code de l'environnement, voté depuis le 22 juillet 1987, sur la préparation des populations par les maires ; d'harmoniser avec les scientifiques les consignes de protection face aux séismes ; d'envisager l'avenir du fonds de solidarité des outre-mer ; de prévoir des procédures de reconnaissance de catastrophe naturelle en cas de séisme majeur (« big one ») ; de traiter la question des experts d'assurance et d'assurés ; de sortir des atermoiements sur le « package tsunami », incluant l'identification des zones à risque sur le littoral, des itinéraires d'évacuation et des zones refuges, et des limites du système d'alerte régional Caribe/ews; de prévoir une aide financière aux associations engagées, comme la nôtre, dans la prévention ; un logement transitoire pour les sinistrés des catastrophes naturelles ; de soutenir financièrement les réserves communales de sécurité civile en Martinique ; de réinstaller un service d'urgence à l'hôpital Mangot Vulcin ; de rendre obligatoire un plan de sauvegarde entreprise face aux risques majeurs ; d'instaurer un plan Orsec sécheresse canicule ; enfin, de légiférer sur un droit opposable au logement face aux catastrophes naturelles.

Il s'agit en somme d'éviter que notre « île aux fleurs » devienne une « île aux pleurs ». Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Prévoir l'imprévisible : tel est notre leitmotiv.

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Fernand Odonnat

Le président de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), M. Letchimy, m'a demandé de la représenter à cette audition.

La collectivité est mobilisée sur la prise en compte des risques majeurs depuis plus de vingt-cinq ans, ce qui se traduit par des actions concrètes. 40 à 50 actions de sensibilisation et de formation ont ainsi été destinées cette année à 5 000 personnes : personnel territorial, populations scolaires, grand public et personnels d'entreprise, ainsi que des actions médiatiques.

Elle participe également aux grands rendez-vous annuels : la journée Réplik, la journée nationale de la résilience, la journée internationale pour la prise en compte des risques de catastrophe, etc.

Elle mène des actions de préparation des populations : exercices d'évacuation en cas de tsunami, avec une participation aux exercices de simulation de la sécurité civile et à l'exercice Caribe Wave, consistant à simuler un tsunami tous les ans depuis 2011 ; mise à disposition de connaissances actualisées par le cofinancement de la recherche appliquée visant à la construction d'un territoire durable.

Elle contribue à la surveillance des risques sur le territoire par le déploiement d'équipements télégérés et des partenariats avec Météo-France et la DEAL.

La collectivité gère également un patrimoine de milliers de mètres carrés de bâtiments construits, mais aussi de routes et d'ouvrages d'art, avec plus d'un millier de ponts et d'ouvrages de soutènement en fonctionnement sur le réseau routier de l'île, et elle applique les règles parasismiques en vigueur lors de la conception et de la réparation de tous ces équipements, y compris aujourd'hui les Eurocodes. Nous avons aussi mis en place depuis plus de vingt ans un dispositif spécifique de financement de la construction parasismique neuve, faisant intervenir des architectes, ingénieurs, et bureaux de contrôle agréés, et la mandature actuelle a étendu ce dispositif au financement du confortement parasismique des bâtiments anciens et des ouvrages de soutènement.

Enfin, nous travaillons en partenariat étroit avec l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), qui réalise chaque année des mesures très précises de l'activité sismique et volcanologique de la montagne Pelée, et vient la semaine dernière d'en produire un bilan exhaustif.

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J'avais travaillé avec votre président, M. Serge Letchimy, sur les indivisions successorales en outre-mer et leur effet sur l'environnement. Il avait déposé une proposition de loi en 2018 que nous avions réussi à faire aboutir, dans une atmosphère transpartisane qu'il serait peut-être difficile de retrouver aujourd'hui. À cet égard, comment évaluez-vous la disponibilité actuelle du foncier en cas de besoin de reconstruire et de déplacer ? Les indivisions successorales participent à rendre le foncier indisponible, et engendrent l'occupation illicite de bâtiments qui ne sont pas aux normes, et sont même souvent précaires. Au-delà de l'extension aux bâtiments anciens de votre dispositif de financement des réhabilitations, qui me paraît extrêmement nécessaire, menez-vous des actions spécifiques concernant ces bâtiments en indivision, dont l'absence de statut rend difficile pour la puissance publique d'y intervenir ?

La liste des demandes de l'Université populaire à l'État sera évidemment transmise. Toutefois, nous venons d'auditionner des représentants de l'État, qui tendaient plutôt à saluer la diffusion d'une culture du risque en Martinique. Votre vision à cet égard semble plus pessimiste, et m'a également semblé en léger décalage par rapport aux interventions précédentes des organismes de protection civile. Pourriez-vous également préciser la notion de droit opposable au logement face aux risques naturels, que vous avez invoquée, et que j'ai du mal à appréhender ? J'ai bien noté aussi vos interrogations légitimes sur la délégation interministérielle à la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer.

La plupart des auditions que nous avons réalisées ont fait part d'un hiatus dans la prise en compte du risque par les différentes collectivités locales, y compris hors de Martinique : celles qui le prennent en compte semblent le faire extrêmement bien ; tandis que d'autres ne le prennent pas en compte du tout, ce qui peut devenir très problématique pour la gestion du bâti comme pour le prépositionnement de moyens pour assumer un aléa ou préserver les infrastructures. Quels sont vos liens avec les mairies ou les intercommunalités à cet égard ?

Il se trouve que ma circonscription concentre 80 % des moyens de la protection civile, et je voudrais particulièrement saluer son efficacité précisément en matière de sensibilisation et de diffusion d'une culture du risque. Je reviendrai ultérieurement sur les actions de la Croix-Rouge, que je rencontre également, et dont l'efficacité et le dévouement sont parfaitement comparables. Elle joue notamment un rôle très singulier dans la plateforme Antilles.

Comment améliorer la prise en compte du risque par les administrations locales et favoriser l'« aller-vers » notamment les populations en grande fragilité, qui peuvent occuper de manière illicite du foncier en droit non mobilisable, et devront être gérés également en cas d'aléa. Le vieillissement de la population martiniquaise implique aussi une augmentation des fragilités : quelles mesures spécifiques vous paraissent devoir être mises en œuvre pour gérer cette réalité ?

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Fernand Odonnat

L'indivision constitue une problématique très importante pour l'ensemble du territoire de la Martinique. Le président actuel de l'exécutif y a en effet beaucoup travaillé et a donc voulu prendre ce problème à bras-le-corps à son arrivée à la tête de la collectivité, en instaurant un groupement d'intérêt public, le GIP sortie de l'indivision et titrement Martinique, pour mettre fin à l'indivision. En effet, la loi promulguée il y a un certain nombre d'années à ce sujet ne fonctionne pas, notamment parce que les notaires sur le territoire sont réticents à traiter les indivisions qui découlent des successions complexes.

Ce GIP commence à être opérationnel, mais devrait l'être pleinement fin 2024-2025. Il a pour tâche de rechercher les héritiers, même à l'autre bout du monde, afin de régler ces problèmes de succession et d'indivision qui empêchent réellement l'avancée d'un certain nombre de projets. Il suffit de voir le nombre de bâtiments en état d'abandon manifeste dans les centres-bourgs des 34 communes pour s'en rendre compte.

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Ce dispositif paraît très original et très puissant, car il n'est pas possible de traiter un bâtiment dégradé si l'on ne sait pas à quel propriétaire s'adresser. Ce risque est-il pris en compte par le GIP Titrement dans sa personnalité juridique, ou constitue-t-il seulement un GIP de moyens ?

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Fernand Odonnat

Si aucun héritier n'est retrouvé, le GIP pourra en effet proposer des solutions aux municipalités, qui pourront par exemple en faire l'acquisition. Les procédures actuelles à cette fin sont extrêmement longues et complexes, et les maires sont réticents à les mettre en œuvre, afin de ne pas créer de frictions avec leurs administrés. Le GIP est rattaché à la CTM, mais dispose de son propre budget et de son propre conseil d'administration, et constitue un outil simple, clair et transparent, qui a réellement été créé par souci d'efficacité pour sortir de l'indivision. L'objectif est de passer à moins de 50 % d'indivision d'ici quatre à cinq ans en Martinique, contre 75 % aujourd'hui.

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Albéric Marcelin, président de l'Université populaire et de la prévention

Le rapporteur a qualifié nos propos préliminaires de « pessimistes ». Avec Mme Fabienne Quiatol, nous avons été reçus à deux reprises en préfecture, chaque fois durant deux heures, d'abord par le préfet Franck Robine, puis, trois ans plus tard, par le préfet Stanislas Cazelles, sur ces problématiques des risques majeurs : à aucun moment, ni l'un ni l'autre n'ont jamais qualifié nos propositions ni notre vision de « pessimistes ».

Nous travaillons depuis quinze ans sur le terrain, avec les communes, la CTM, les associations, les comités d'entreprise, les CHSCT, les communautés religieuses, etc., et nous recueillons le ressenti des populations. Jusqu'à la crise sanitaire, 7 000 personnes participaient à nos conférences chaque année. Ce nombre a considérablement diminué depuis, pour des raisons compréhensibles.

L'année 2007 a provoqué une prise de conscience, à la fois de la puissance publique et des citoyens, concernant la réalité des phénomènes naturels majeurs, avec deux événements successifs : d'abord l'ouragan Dean, de catégorie 2, le 17 août 2007, dont le coût s'est élevé à 511 millions d'euros, avec 6 000 maisons abîmées, dont 1 200 à 100 % ; ensuite un séisme de magnitude 7,3 le 29 novembre 2007, à 152 kilomètres de profondeur.

Un dispositif de droit au logement opposable (DALO) existe déjà depuis 2005 concernant les logements insalubres et dangereux. Nous en demandons simplement l'extension aux logements sinistrés. En novembre 2020, un glissement de terrain a provoqué le glissement de 450 maisons sur 8 communes de Martinique. Les maires concernés ont alors dû trouver des logements transitoires à mettre à disposition des sinistrés dans l'attente qu'ils soient indemnisés et que leurs maisons soient reconstruites ailleurs. De même que les maires doivent réserver un pourcentage de logements sociaux dans leurs communes, de même, ils devraient prévoir des logements à destination des sinistrés. Onze familles sont encore concernées par exemple sur la ville des Trois-Îlets suite à un glissement de terrain survenu au mois de décembre dernier. Ces problèmes doivent faire l'objet de dispositions législatives.

Interrogée à ce sujet par les Nations-Unies, comme l'ensemble des pays membres, la France avait cité comme ses trois villes les plus exposées aux risques sismiques celles de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France (qui, depuis le 22 octobre 2020, sont classées au niveau 5 de sismicité) et celle de Nice. En croisant les données du rapport du 29 août 2001 de l'Inspection générale de l'environnement et du rapport Gemitis, le colonel Cova, ancien dirigeant de l'Emiza, avait évalué l'impact d'un séisme en Martinique à 40 000 décès, 70 000 blessées et 100 000 sans-abri : un Martiniquais sur quatre n'aurait ainsi plus de maison. Il faut donc dès aujourd'hui anticiper une telle situation.

Lorsque la délégation interministérielle à la prévention des risques majeurs en outre-mer avait été créée, le délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, M. Frédéric Mortier, avait demandé à nous recevoir. Nous avions alors débattu de longues heures avec lui, aux termes desquelles il nous avait remis sa carte de visite et nous avait félicités pour notre travail.

Nous ne voulons pas revivre les 30 000 décès survenus en Martinique le 8 mai 1962, ni surtout ce que les Haïtiens ont vécu le 12 janvier 2010, avec 450 000 personnes décédées, selon les chiffres de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah).

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Olympe Francil, présidente de la Délégation territoriale de la Croix-Rouge française en Martinique

Vous avez soulevé des questions très importantes, notamment concernant le foncier. Une stratégie globale et systémique est vraiment requise en matière de gestion des risques.

Pour sensibiliser, par exemple, dans une commune, il faut mettre en relation tous les acteurs : le maire, mais aussi les bénévoles, qui sont eux aussi vieillissants. Or, les bénévoles actifs ne peuvent intervenir que sur leurs congés, qu'ils passent finalement entièrement à sensibiliser aux gestes qui sauvent. La Croix-Rouge ne cesse de les féliciter pour cet engagement. Les messages et les procédures de sensibilisation des instructeurs, des scientifiques et des médias doivent aussi être harmonisés, y compris au niveau de l'école et de nos « aller-vers ». Avec l'Option Croix-Rouge, nous avons mis en juillet les élèves du lycée de Paulette Nardal en situation d'incendie majeur. Pour organiser ce type d'événement, les associations de sécurité civile ont besoin d'un soutien financier fort et surtout que leurs bénévoles soient libérés. Elles ont déjà la charge de recruter et de faire monter en compétence leur personnel.

Un début de prise de conscience est constaté, mais il faut le renforcer. Or, on ne peut intéresser des jeunes et des actifs qu'avec des messages attractifs. À côté du chômage et du manque de logement, ils doivent trouver du bien-être à se faire les acteurs du changement consistant à pouvoir résister en cas de risque.

Le savoir et le savoir-faire disponibles à la Martinique doivent être réunis et renforcés pour avancer progressivement. Des exercices de terrain doivent notamment être réalisés régulièrement dans les établissements.

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Gregory Gevar, secrétaire général de la protection civile de la Martinique

La question du foncier s'adresse aussi aux ASC, car elles disposent aujourd'hui de lots de secours qui ne sont pas aujourd'hui sécurisés, n'étant pas situés dans des espaces parasismiques. Or, devoir déblayer un lot de défense pour l'utiliser en cas de tremblement de terre serait évidemment très compliqué d'un point de vue opérationnel. Par exemple, nous avons dû accepter qu'un de nos lots internationaux stratégiques de défense soit hébergé à titre gracieux dans un bâtiment de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), sur un site Seveso. Pour les ASC, trouver des locaux ou des terrains où bâtir aux normes parasismiques (à leur charge ou non) constitue ainsi un véritable problème en Martinique.

Nous y travaillons avec les collectivités, en recherchant des « poches opérationnelles » beaucoup plus proches des lieux de prise en charge potentielle des populations déplacées, notamment dans le cadre de l'exercice volcan. Du matériel de réponse d'urgence devrait ainsi pouvoir être prépositionné et sécurisé dans ces lieux « d'hébergement d'urgence ». Toutefois, les collectivités n'ont soit plus de foncier, soit pas de bâtiment à disposition, et la situation économique des ASC ne leur permet pas souvent en Martinique d'investir sur du terrain ou idéalement de la construction.

Ensuite, sur la partie liée aux formations, en tout cas à la transmission des risques, il y a un texte qui prévoit en principe que tout élève du collège est réglementairement censé en sortir avec au moins un PSC1, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ce qui pose la question des moyens ou du personnel adapté mis à disposition. Une plus grande cohérence devrait peut-être aussi être instaurée entre le ministère de l'intérieur (dont dépendent les ASC) et celui de l'éducation nationale, qui se contente parfois de sensibilisations aux gestes qui sauvent, ce qui ne suffit absolument pas en Martinique, où certaines communes peuvent se retrouver totalement isolées en cas de catastrophe naturelle. Une formation réelle est nécessaire pour qu'une réponse communale au plus près de la catastrophe soit possible. C'est ce que nous essayons d'expliquer aux écoles : l'enjeu de systématiser le PSC1 n'est pas financier, mais bien opérationnel et stratégique pour notre territoire.

Notre présence dans les opérations et réunions de communication dépend également du bon vouloir des collectivités et de l'État. En Martinique, les relations des ASC avec la préfecture sont extrêmement conviviales, et nous sommes systématiquement invités à ses réunions. Nous avons ainsi pu participer à des réunions interministérielles sur nos risques. Toutefois, une certaine émulation manque encore pour mieux organiser notre réponse collective.

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Line Rose Arrouvel, présidente de la protection civile de la Martinique

Il y a quelques années, avec le groupe des formateurs aux risques majeurs, nous avions tenu compte des conseils de quartier pour identifier les personnes âgées, à mobilité réduite, ou en situation de handicap, et faire en sorte qu'en cas de risque, des personnes puissent les prendre en charge et les emmener dans des lieux sécurisés. Nos bénévoles sont précisément sensibilisés aux conduites à tenir en fonction du risque afin d'être immédiatement efficaces dans le quartier ou sur le lieu de travail où ils se trouvent.

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Fernand Odonnat

Les règles parasismiques sont largement respectées dans les constructions neuves, qui sont systématiquement examinées par un bureau de contrôle.

Toutefois, les bâtiments du patrimoine de la CTM ont souvent jusqu'à soixante-dix ans, étant hérités de l'ex-conseil général qui, lui-même, en avait hérité de l'État. Souvent, ces bâtiments sont tellement anciens que nous n'avons pas d'autre choix que de les détruire. Ils incluent cependant des collèges et des lycées, qui sont utilisés par les communautés scolaires.

D'une manière générale, l'habitat des centres-bourgs est souvent très ancien dans l'île, et a pu être construit « avec les moyens du bord », dans un non-respect évident des règles applicables à l'époque. Avec le renforcement de la réglementation et l'amélioration des méthodes de conception par l'informatique, ces bâtiments ne sont plus du tout aux normes.

Le problème le plus important à cet égard tient sans doute au fait qu'on demande toujours à l'attributaire ou à l'administré d'avancer ne serait-ce que 5 à 10 % des fonds de renforcement parasismique. Or, la population, globalement, manque de moyens, et fera toujours passer ces investissements derrière la nécessité de se nourrir, de s'habiller et d'envoyer les enfants à l'école.

La volonté politique existe cependant d'aider la population à réhabiliter son habitat aux normes parasismiques, avec un objectif d'amélioration sensible à cet égard d'ici quinze à vingt ans. L'aide parasismique prévue par l'ancien conseil régional, et reprise à son compte par la collectivité territoriale, permet ainsi de disposer aujourd'hui d'ouvrages de bonne qualité.

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Je précise à M. Marcelin que je ne remets pas du tout en cause ce qu'il dit concernant la délégation interministérielle. Simplement, je m'en attriste, car disposer d'une telle délégation serait sans doute utile actuellement.

Par ailleurs, j'ai écrit un rapport sur l'habitat indigne il y a plusieurs années, et je me suis étonné que vous évoquiez le DALO concernant ce qui paraît plutôt relever de l'hébergement d'urgence et de l'hébergement provisoire, le temps de la reconstruction. À cet égard, je vous donne raison : une planification est sans doute à réaliser d'ores et déjà, en prévision d'un risque majeur.

J'espère également que des progrès ont été réalisés depuis 2011, et que l'anticipation de 40 000 morts établie alors a été révisée depuis. Nous interrogerons la préfecture à ce sujet.

N'hésitez pas à nous transmettre par écrit des éléments relatifs à votre idée d'une assurance universelle, que je trouve intéressante, et qui est régulièrement évoquée, y compris par les assureurs, car la disponibilité de fonds pour reconstruire, indispensable à la résilience des territoires par rapport aux aléas, suppose la présence de bâtiments assurés à plus de 60 %, ce qui est le cas en Martinique et en Guadeloupe aujourd'hui.

J'essaierai de promouvoir l'action de l'Option Croix-Rouge dans les lycées ailleurs qu'en Martinique également, et notamment sur mon territoire, car elle me semble très utile et je vous en félicite.

Nous examinerons les problèmes de financement rencontrés pour généraliser le PSC1.

J'entends aussi la nécessité de sécuriser les équipements, les provisions, et même les équipes, afin qu'elles soient en état d'intervenir après un aléa, et d'« aller-vers » les populations les plus fragiles, sans nécessairement avoir à découper des troncs d'arbre sur les routes à cette fin.

Enfin, il me semblait que des prises en charge à 100 % hors taxe étaient possibles pour les frais de réhabilitation parasismique des propriétés ou copropriétés de populations en situation d'extrême précarité. Je suis rapporteur d'un texte de loi sur les copropriétés dégradées, et nous devrons examiner ce point.

Sur toutes ces questions, n'hésitez pas à me faire parvenir des compléments d'information.

Il me reste à vous remercier pour cet échange extrêmement riche.

Permalien
Marise Vallée, vice-présidente de l'Université populaire et de la prévention

La nécessité de mettre les personnes vulnérables à l'abri en cas d'aléa se heurte au double problème de l'indivision et du vieillissement de la population. J'ai été directrice d'un centre communal d'action sociale (CCAS), et je pense que des moyens devraient être fournis aux CCAS pour qu'ils puissent aider à trouver des habitats pour loger ces personnes dans l'urgence.

Permalien
Albéric Marcelin, président de l'Université populaire et de la prévention

Je précise que les prévisions de 2011 portaient sur 40 000 décès en cas d'événement majeur survenant de jour : leur nombre était beaucoup plus élevé en cas d'événement survenant de nuit.

Le parc immobilier de la Martinique comprend environ 130 000 logements, dont 33 000 en habitat à loyer modéré (HLM), où vivent environ 100 000 Martiniquais. Aucun bâtiment construit avant le 1er janvier 1998 n'est réputé être aux normes parasismiques, particulièrement depuis la publication de l'Eurocode 8. Or, le taux de renouvellement du bâti est extrêmement faible en Martinique, à environ 2 % par an.

En plus, comme M. Fernand Odonnat pourrait vous le confirmer en détail, il est très difficile dans le secteur du bâtiment de trouver de la main-d'œuvre, notamment sur les grands chantiers. Nous avons échangé récemment avec la direction des achats de l'État (DAE) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) concernant les retards enregistrés dans la mise en place du plan séisme Antilles, au regard de ces difficultés rencontrées par les maîtres d'ouvrage.

Nous disposons de trente ans de documentation, que nous sommes prêts à vous transmettre en format numérique, si cela vous intéresse.

Permalien
Albéric Marcelin, président de l'Université populaire et de la prévention

Nous vous le transmettrons donc.

Nous avons demandé un plan Marshall de confortement ou de reconstruction des hôpitaux ; le déploiement d'une formation de secourisme à grande échelle ; une reprise du travail en thanatologie, avec notamment le programme « nombreuses victimes » (NOVI) ; un programme de postes médicaux avancés (PMA) dans les quartiers et résidences ; un vrai cursus universitaire de médecine de catastrophe ; la mise en place d'un navire-hôpital en France, comme aux États-Unis et en Chine ; un programme de formation à la gestion des peurs et des tensions face aux catastrophes naturelles ; un programme de gestion du stress post-traumatique ; l'activation du programme de premier secours en santé mentale, qui tarde à entrer en vigueur en Martinique ; un programme grand public sur la gestion du « crush syndrome » (« syndrome de l'écrasement ») permettant de vulgariser les techniques destinées à récupérer les personnes coincées sous les décombres ; le renforcement des services de secours, les SDIS ne disposant aujourd'hui, pour 350 000 habitants, que de 1 200 à 1 400 pompiers, dont 80 % sont des bénévoles ou des volontaires et 20 % des professionnels.

En tout cas, nous attendons beaucoup, Monsieur Vuilletet, des conclusions de ce débat à l'Assemblée nationale, pour qu'un maximum de personnes soient sauvées lors des futurs ouragans ou séismes majeurs.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du lundi 4 mars 2024 à 15 heures

Présents. – M. Mansour Kamardine, M. Guillaume Vuilletet.

Excusées. – Mme Sophie Panonacle, Mme Maud Petit, Mme Cécile Rilhac, Mme Laetitia Saint-Paul.