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Intervention de Patrick Tyburn

Réunion du lundi 4 mars 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Patrick Tyburn, directeur du Service départemental d'incendie et de secours de la Martinique (SDIS 972) :

Le SDIS 972, de catégorie C, regroupe 1 300 sapeurs-pompiers volontaires, 320 sapeurs-pompiers professionnels, 50 personnels administratifs, techniques et spécialisés. Il dispose de 170 véhicules d'incendie de secours et de 19 centres d'incendie et de secours répartis sur l'ensemble du territoire. Nous réalisons 30 000 interventions annuelles, sous l'autorité du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) en matière de gestion administrative et financière ; et sous l'autorité du préfet, en matière de gestion opérationnelle.

Les événements naturels majeurs restent en Martinique d'occurrence faible, avec des temps de retour généralement supérieurs à dix ans, mais des intensités qui peuvent être élevées, ce qui présente plusieurs difficultés.

La première tient à l'effacement progressif de la mémoire collective. Par exemple, le dernier tsunami connu par la Martinique date de l'éruption volcanique de la montagne Pelée en 1902. Il s'agissait alors d'un tsunami local, mais la Martinique est également exposée aux tsunamis régionaux, susceptibles d'être générés par des séismes sur la zone de subduction, mais aussi aux tsunamis lointains, comme le tsunami transocéanique majeur connu par la Martinique en 1755 à l'issue du tremblement de terre de Lisbonne. Une information préventive soutenue et précise de la population est essentielle à cet égard, pour qu'elle sache quels comportements adopter, en complément de l'intervention des services de gestion de crise et des autorités.

Le temps de retour des ouragans est estimé à trente ans, mais la Martinique n'en a pas connu dans les cinquante dernières années. La Martinique comme la Guadeloupe n'ont pas non plus connu de tsunami ou d'ouragan en situation de surcote marine. Météo-France étudie actuellement l'impact potentiel d'une telle situation, mais il pourrait être majeur sur des territoires où le littoral est principalement occupé.

L'aléa sismique reste le plus redouté. De nombreux travaux ont été menés ces dernières années pour mieux anticiper les scénarios possibles, de séismes et de tsunamis, et y préparer la population.

Enfin, un travail reste à mener sur la possibilité des aléas combinés, de plus en plus évoquée. La survenue d'un ouragan majeur dans une phase finale éruptive par exemple complexifierait grandement la gestion de crise.

M. le préfet a évoqué la densité du territoire. Dans la conurbation regroupant Fort-de-France, Schœlcher, Le Lamentin et Le Prêcheur, elle atteint près de 2 300 habitants par kilomètre carré. Les difficultés seraient donc encore accrues en cas d'impact dans cette zone, qui réunit aussi les principales infrastructures. La sécurité des points d'entrée que constituent le port et l'aéroport, notamment, doit absolument pouvoir être garantie. Or, ils restent pour l'instant vulnérables, notamment en cas de tsunami majeur. Le réseau routier présente également des fragilités. Or, prévoir des itinéraires alternatifs en situation de crise est rendu difficile par la topographie de l'île.

La question de l'eau potable est également posée dans tous les retours d'expérience des crises majeures. Toutefois, positionner localement des moyens de potabilisation suppose des compétences techniques de très haut niveau. D'autres réponses doivent sans doute être cherchées. Il faudra certainement renforcer les réseaux.

Nos capacités de réponse sont limitées, parce que, comme en métropole, la gestion de crise repose essentiellement sur une capacité de montée en puissance. L'insularité de la Martinique accroît toutefois sa vulnérabilité à cet égard.

Par ailleurs, les capacités hospitalières ont très vite été saturées lors de la pandémie, et nous rencontrons encore actuellement des difficultés quotidiennes pour allouer des secours non programmés. Nos capacités de réponse sanitaire ne seraient donc pas suffisantes en cas de crise majeure liée à un aléa naturel.

Compte tenu de l'état des casernements du SDIS, un programme de construction de 14 ensembles bâtimentaires, financé à 50 % par le fonds Barnier, a été engagé depuis 2014. Six casernes ont déjà été réalisées et le programme de l'actuelle gouvernance envisage, pour 130 millions d'euros, la réalisation de sept nouveaux ensembles. Le SDIS devrait alors disposer d'un parc de casernes et de centres de services de secours suffisant pour être en mesure d'apporter une réponse satisfaisante en cas d'événement majeur.

Nous contribuons naturellement à l'information préventive de la population, au côté des services de l'État. Nous avons par exemple participé à la Journée nationale de la résilience.

La connaissance des scénarios possibles, notamment multirisques, reste à être développée. Elle a permis de réaliser des exercices sismiques majeurs, comme l'exercice EU Richter qui avait réuni il y a cinq ans des moyens locaux, régionaux, mais aussi nationaux et européens, et mériterait d'être renouvelé prochainement, car nous devrons pouvoir accueillir des renforts extérieurs. À cet égard, la capacité de transbordement de moyens entre la Guadeloupe et la Martinique en situation de crise doit être améliorée. Les moyens militaires positionnés en Guyane pour lutter contre l'orpaillage illégal pourraient également être mobilisés en situation opérationnelle. Y créer une réserve nationale, comme il en existe en Martinique et en Guadeloupe, assurerait aussi de disposer d'une première réponse issue de ce territoire. Enfin, nous nous sommes engagés à adopter le standard européen INSARAG sur les risques sismiques afin de faciliter l'arrivée de moyens extérieurs en situation de crise, grâce à des personnels formés à cet effet.

La préparation doit aussi selon moi viser à maintenir la capacité de commandement et de direction en situation de crise. Lors du séisme de L'Aquila, à quelques centaines de kilomètres de Rome, toute direction de la gestion de crise avait par exemple été annihilée. Il faut être capacité de réaliser une première évaluation, pour demander d'éventuels renforts extérieurs, qu'il faudra alors pouvoir accueillir. Enfin, une première réponse sanitaire doit être possible sans attendre une montée de puissance dont les délais (de 48 à 72 heures pour des renforts issus de la métropole) pourraient être excessifs pour les personnes impactées.

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