La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales (n° 1817, 2067).
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.
Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui est en déplacement Inde avec le Président de la République.
Avec 127 conventions en vigueur, la France dispose d'un des réseaux de conventions fiscales les plus étendus au monde. Cela répond à un double objectif : d'une part, accompagner le développement de nos entreprises à l'étranger, en sécurisant leurs opérations sur le plan fiscal et en prévenant la double imposition de nos ressortissants expatriés, et d'autre part, comme l'indique l'intitulé de la convention soumise à votre approbation, prévenir l'évasion fiscale. L'action bilatérale de la France va de pair avec son activisme multilatéral en matière d'harmonisation de la fiscalité et de transparence. C'est précisément pour répondre à ce double objectif que le Gouvernement a souhaité conclure la présente convention avec la Moldavie, signée le 15 juin 2022.
La France et la Moldavie ne sont plus liées par aucune convention fiscale depuis le 2 mars 1998, date à laquelle la Moldavie a dénoncé l'accord entre la France et l'Union soviétique du 4 octobre 1985 qui s'appliquait jusqu'alors. Il en résulte que nos deux États appliquent concurremment leur droit interne en matière fiscale, ce qui engendre de l'insécurité juridique pour les contribuables, davantage susceptibles de se trouver dans des situations de double imposition.
Nos deux pays sont aussi dénués de tout cadre bilatéral de coopération en matière fiscale. Un projet de convention fiscale avait certes été signé en 2006, mais la procédure d'approbation du texte avait été interrompue du côté français, à la suite de l'introduction en Moldavie d'un taux d'imposition nul sur les sociétés. Comme il n'était plus nécessaire de prévenir la double imposition des entreprises françaises, le projet avait été stoppé, conformément à la politique conventionnelle de la France.
Face aux récentes évolutions moldaves, à savoir la réintroduction d'un impôt sur les sociétés et l'adhésion au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le projet a pu reprendre. La France et la Moldavie ont ainsi engagé la négociation d'une convention fiscale à l'été 2019, sur la base d'un projet de texte soumis par les autorités françaises. Les négociations se sont poursuivies en 2020 et 2021.
La France a obtenu plusieurs concessions des autorités moldaves en faveur de ses intérêts. Les plus significatives sont, d'une part, la limitation des retenues à la source en Moldavie sur les intérêts et redevances, passant de 12 % à respectivement 5 % et 6 %, et d'autre part, le renoncement de la Moldavie à taxer nos prestataires de services de manière plus aisée que les autres types d'entreprises.
Les derniers standards internationaux en matière de transparence fiscale sont par ailleurs intégrés à la convention, notamment ceux de l'instrument multilatéral de l'OCDE relatif à l'érosion de la base d'imposition et au transfert des bénéfices, dit BEPS – pour base erosion and profit shifting. Plus précisément, la convention comprend une clause générale anti-abus qui permet de refuser l'application de la convention lorsque des montages ou des transactions sont clairement abusifs.
La convention comprend également des dispositions de coopération administrative en matière fiscale, concernant en particulier l'assistance en matière de recouvrement des impôts et les échanges de renseignements. Elle contient de nombreuses stipulations conformes à notre politique conventionnelle, s'agissant de la taxation du trafic international ou du régime d'imposition des revenus des mannequins, des artistes et des sportifs. De même, les volontaires internationaux en entreprise (VIE) en Moldavie bénéficieront d'un traitement favorable.
L'abaissement des taux d'imposition des redevances, des intérêts et des dividendes, entériné dans la convention, favorisera le développement des investissements français en Moldavie, qui sont déjà significatifs. La France figure ainsi au quatrième rang des investisseurs étrangers en Moldavie. Près de 240 entreprises françaises y sont implantées, d'autres ont indiqué qu'elles souhaitaient s'y établir. Une mission conduite par Medef International en Moldavie est d'ailleurs prévue au printemps, afin d'accompagner des entreprises intéressées. Le cadre juridique clair et prévisible donné par la convention créera un climat propice aux investisseurs, aux entreprises et à la multiplication des échanges commerciaux – ces derniers ont représenté 131,4 millions d'euros en 2021 et 154,6 millions sur douze mois glissants jusqu'à juin 2022.
La convention participe en outre au renforcement de la relation bilatérale, en même temps qu'elle s'inscrit dans la politique de soutien de la France à la trajectoire européenne de la Moldavie. Le gouvernement moldave conduit un programme ambitieux en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption, dans un contexte difficile marqué par la poursuite du conflit en Ukraine, aux effets particulièrement déstabilisateurs pour la Moldavie. La présente convention a d'ailleurs été signée à l'occasion de la première visite d'État d'un président de la République française en république de Moldavie depuis la proclamation de l'indépendance de ce pays, il y a trente-trois ans. Cette convention est donc une manifestation concrète de notre souhait d'approfondir nos relations économiques avec la Moldavie, très en deçà, encore, de leur plein potentiel.
Telles sont les principales observations qu'appelle la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, qui fait l'objet du projet de loi soumis à votre approbation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
La parole est à M. Frédéric Zgainski, suppléant Mme Delphine Lingemann, rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Ce projet de loi a été adopté par la commission des affaires étrangères, dont ma collègue Delphine Lingemann, présidente du groupe d'amitié France-Moldavie, était la rapporteure – elle est malheureusement retenue par d'autres obligations aujourd'hui. Je remercie Antoine Lenormand, administrateur de l'Assemblée nationale, pour sa collaboration à ce texte et son travail.
La convention qui vous est soumise a été signée le 15 juin 2022 à Chiºinãu ; elle vise à pallier le vide qui régit les relations fiscales entre la France et la Moldavie – originalité pour un pays de l'Union européenne, seuls le Danemark et la Suède se trouvant dans une situation analogue. Pour rappel, la convention qui unissait la France et l'Union soviétique a été dénoncée en 1998 par la Moldavie. Depuis, un risque de double imposition pèse sur les acteurs économiques souhaitant faire commerce entre ces deux pays et sur les contribuables intéressés.
De l'avis des négociateurs de la convention, qui ont été auditionnés, les discussions ont été fluides et efficaces. La convention comprend un titre, un préambule, trente articles et une annexe. Ses dispositions sont très largement conformes au modèle de convention fiscale de l'OCDE, et la répartition des droits à imposer est conforme à notre pratique conventionnelle.
L'article 21 règle les modalités de la double imposition. Classiquement, la France prévoit l'octroi d'un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce dernier est égal soit à l'impôt étranger plafonné à l'impôt français, soit à l'impôt français. Cette méthode, retenue depuis 1990, permet d'éviter les cas de double exonération tout en permettant l'application des dispositifs anti-abus du droit interne. La Moldavie, quant à elle, élimine la double imposition en retenant la méthode du crédit d'impôt égal à l'impôt français, lorsque la convention prévoit que le revenu peut être taxé en France. Ce crédit d'impôt est imputable sur l'impôt moldave correspondant et plafonné à sa hauteur. S'agissant des revenus pour lesquels la convention prévoit une taxation exclusive en France, et en l'absence de stipulation spécifique, la Moldavie accorde une exemption totale d'impôt.
Cette convention fiscale moderne intègre de manière opportune les derniers standards internationaux en matière de coopération fiscale et de garantie des droits des contribuables. Rappelons que si seuls 65 Français sont inscrits sur les listes consulaires en Moldavie, environ 90 000 Moldaves résident en France. Bien que sa rédaction n'ait rien d'original, la convention introduit d'indéniables avancées en matière de simplification et de sécurité juridique, tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Elle doit avant tout permettre de renforcer les investissements français en Moldavie. Comme l'a rappelé Mme la ministre, la France est l'un des tout premiers pays investisseurs dans ce pays, avec 124 millions d'euros de stock d'investissement, un montant en hausse constante. De plus, plusieurs projets d'envergure sont engagés en matière d'infrastructures destinées au désenclavement ferroviaire et routier du pays.
D'un point de vue politique, l'approbation de la convention est attendue, du côté moldave, comme un signal favorable de la poursuite du rapprochement avec les États membres. Située aux limites des sphères d'influence de l'Europe et de la Russie, la Moldavie s'est nettement rapprochée de l'Union européenne ces dernières années, plus encore depuis l'invasion de l'Ukraine. Elle est signataire d'un accord d'association avec l'Union européenne depuis le 1er septembre 2014, et a obtenu le statut officiel de candidat à l'adhésion le 23 juin 2022. Les efforts de la Moldavie pour moderniser ses standards de bonne gouvernance sont, de l'avis de tous les observateurs, à saluer. Des fonctionnaires français et internationaux se sont rendus dans le pays pour partager leurs bonnes pratiques. Notez que la convention intègre aussi des dispositions touchant aux échanges d'informations de nature à lutter contre la fraude.
Enfin, je souhaite souligner le lien particulier qui nous unit à la Moldavie, pays majoritairement de langue latine. Près de 40 % des écoliers du secondaire y apprennent le français, et avec près de 3 500 élèves, l'Alliance française de Moldavie est l'une des plus importantes d'Europe. Si la convention fiscale du 15 juin 2022 doit renforcer les investissements économiques croisés entre nos deux pays, elle participe aussi d'un dessein plus large visant à arrimer la république de Moldavie à la famille démocratique européenne, et singulièrement à renforcer ses liens économiques et culturels avec la France. C'est pourquoi je vous invite à voter le présent projet de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
La Moldavie fait partie de notre espace européen. Il est plus que jamais nécessaire de le rappeler, alors que ce pays se rapproche de l'Europe et que nous entretenons des relations toujours plus étroites avec nos amis moldaves. Nous avons un lien fort avec la Moldavie, comme le démontre l'appartenance de celle-ci à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) depuis 1998. Ce lien est certes moins médiatisé que d'autres, mais il revêt une importance grandissante dans le contexte géopolitique que nous connaissons. La Moldavie est un pays qui se tient debout face à la guerre qui est à ses frontières, à quelques kilomètres, en Ukraine, et face aux tentations impérialistes de la Russie, qui s'appuie sur les séparatistes de Transnistrie. Nous devons entretenir et renforcer ce lien plus que jamais. C'est d'ailleurs le sens du texte.
Cette convention fiscale reflète notre volonté commune de renforcer la collaboration entre nos deux pays et d'établir un environnement fiscal favorable aux échanges économiques et aux investissements. Elle s'inscrit clairement dans notre engagement, au sein de la majorité, à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales. Depuis 1998, la France demeure l'un des rares pays européens à ne pas avoir établi de convention fiscale avec la Moldavie, ce qui a eu des conséquences préjudiciables pour le développement des échanges bilatéraux. Ce texte vise donc à la fois à nous rapprocher, mais aussi à faciliter la coopération et les échanges économiques entre nos deux pays.
En supprimant la double imposition, la convention fiscale contribuera à créer un environnement d'investissement stable et à encourager les échanges économiques entre la France et la Moldavie. Elle établira des normes claires en matière d'imposition, alignées sur les standards de l'OCDE.
Avec mes collègues du groupe Renaissance et de la majorité présidentielle, nous sommes très attachés à démontrer notre soutien et notre volonté de rapprochement avec la Moldavie, qui souhaite entrer dans l'Union européenne. Depuis 2020 et l'élection de Maia Sandu à la présidence de la république, nous observons une détermination marquée de ce pays à renforcer ses liens avec l'Europe, particulièrement dans la lutte contre la corruption. La Moldavie mène également des réformes d'harmonisation avec le droit européen, notamment en matière de fiscalité, dans le but de répondre aux critères nécessaires à une éventuelle adhésion à l'Union européenne – les négociations ont démarré en décembre 2023, et je m'en réjouis.
La présidente moldave et son gouvernement sont tournés vers l'Union et sont particulièrement courageux – j'ai pu m'en rendre compte moi-même à l'occasion d'un déplacement en mars 2023 avec la secrétaire d'État chargée de l'Europe. Les Moldaves ont un profond désir d'Europe et même de France, puisque plus de 120 000 élèves du secondaire, soit 40 % d'entre eux, apprennent le français à un moment donné de leur scolarité. En Moldavie, il est même possible de suivre des études universitaires en droit ou en médecine en langue française !
L'élection de Maia Sandu a marqué le début d'un agenda bilatéral ambitieux. Sa visite à Paris le 4 février 2021 a été l'occasion de souligner le soutien de la France au programme réformateur et pro-européen de la présidente moldave. Des rencontres régulières ont suivi, notamment celle d'Emmanuel Macron à Chiºinãu le 15 juin 2022, première visite d'un président français en république de Moldavie depuis vingt-quatre ans.
L'Europe a adressé un signal fort à la Moldavie en organisant le second sommet de la Communauté politique européenne (CPE) à Chiºinãu en juin 2023. Le message est clair : « Nous resterons solidaires avec vous. » Il ne doit pas être un vœu pieu ! Des actes et des engagements concrets pour l'économie moldave sont nécessaires. En ce sens, cette convention fiscale entre la France et la Moldavie constitue une avancée majeure et indispensable pour l'approfondissement de nos relations bilatérales.
Avec ce texte, nous répondons aux besoins respectifs de la Moldavie et de la France, nous faisons un pas significatif en faveur de la stabilité économique et nous créons un environnement propice aux investissements dans la région. Le groupe Renaissance votera en faveur de la convention.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions.
Au Rassemblement national, nous pensons que le bilatéralisme doit toujours être encouragé, en particulier lorsque nous partageons une histoire ancienne avec un pays. C'est le cas avec la Moldavie, puisque nous échangeons avec elle depuis des siècles, bien que notre rapprochement politique soit intervenu au cours de la période contemporaine, en 1992. Le bilatéralisme est l'instrument à privilégier car il permet de nouer des accords avec des pays choisis dans de nombreux domaines, au-delà de celui de la fiscalité qui nous intéresse aujourd'hui.
Rappelons que la Moldavie est membre de l'Organisation internationale de la francophonie depuis 1996 et compte près de 900 000 locuteurs français, soit un quart de sa population. Depuis la signature du pacte linguistique destiné à renforcer la place du français dans le système éducatif moldave, près de 40 % des écoliers du secondaire apprennent notre langue. Nos relations futures avec la Moldavie promettent ainsi d'être fructueuses.
Le bilatéralisme avec la Moldavie intervient dans un contexte favorable à nos relations et va à l'encontre du multilatéralisme anonyme et inefficace que le Rassemblement national a toujours combattu. La présente convention, qui entend supprimer la double imposition et prévenir l'évasion et la fraude fiscales, nous permet d'accomplir ce que l'Union européenne est incapable de réaliser à son échelle. Je tiens cependant à rappeler l'une des positions essentielles du Rassemblement national : nous nous opposons à ce que l'Europe continue sur le chemin de l'obésité, en particulier lorsqu'il s'agit d'un État dont l'adhésion favoriserait une concurrence déloyale avec nos travailleurs, notamment nos agriculteurs.
La rapporteure Delphine Lingemann a précisé, pendant les travaux de la commission des affaires étrangères, que l'intégration de la Moldavie à l'Union européenne relevait pour l'heure d'une extrapolation. Si nous avons conscience qu'elle ne sera pas immédiate, nous pensons qu'il faut combattre ce projet dès aujourd'hui car il s'inscrit dans un agenda européiste et fédéraliste bien défini. Le 31 mai 2023, lors de son déplacement à Bratislava, en Slovaquie, le Président de la République a en effet défendu l'intégration à l'Union, non pas de la Moldavie, mais de l'ensemble des pays des Balkans. Notre réticence, légitime, ne relève donc pas d'une extrapolation !
Dès janvier 2023, Laurence Boone, alors secrétaire d'État chargée de l'Europe, et son homologue allemande, Anna Lührmann, ont mandaté un groupe d'experts indépendants franco-allemands pour une réflexion sur les réformes institutionnelles nécessaires dans le cadre d'un futur élargissement de l'Union. Celle-ci envisage l'élargissement du recours aux clauses passerelles pour permettre au Conseil de l'Union européenne de passer outre le droit de veto des États souverains.
Je le répète, nous sommes opposés, par principe, à toute forme d'élargissement de l'Union européenne car ce processus entraîne un affaiblissement de la souveraineté des États membres. Cette vision est partagée par une majorité de Français. En plaçant Jordan Bardella largement en tête des intentions de vote aux élections européennes de 2024,…
…les sondages et l'opinion publique confirment le souhait des Français, constant depuis 2014, réaffirmé en 2019, de s'opposer à l'élargissement de l'Union européenne.
Voter pour ce projet de loi, c'est réaffirmer l'importance du bilatéralisme dans la politique internationale de la France et prendre une décision souveraine. C'est la raison pour laquelle notre groupe le soutiendra.
En principe, cette convention entre la France et Moldavie vise à éliminer la double imposition et à prévenir l'évasion et la fraude fiscales. Dans les faits, en dehors de son intitulé, nous ne sommes pas plus avancés en matière de lutte contre l'évasion fiscale. Pourtant, près de la moitié des profits détournés vers des paradis fiscaux ont atterri dans des pays de l'Union européenne en 2019.
Mesdames et messieurs de la majorité, vous pourriez regarder du côté des multinationales qui relocalisent leurs profits en Irlande, aux Pays-Bas ou au Luxembourg, aux dépens du contribuable français. Mais non, il est plus aisé de regarder ailleurs ! Pourquoi s'enquérir de ces 9 milliards d'euros amputés à l'État français quand on peut grignoter des miettes sur les aides personnalisées au logement (APL), économiser des aides sociales sur le dos des étrangers ou supprimer des postes de fonctionnaires ? Si le Gouvernement voulait réellement lutter contre l'évasion fiscale, il n'aurait pas supprimé 1 600 emplois à la direction générale des finances publiques (DGFIP) depuis 2017…
…tout en s'assurant que le verrou de Bercy ait encore de beaux jours devant lui.
Parlons aussi de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), un sujet cher à votre cœur puisque vous vous êtes évertués à le supprimer au profit de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), dont les recettes sont bien moindres. En 2022, la perte de recettes fiscales liée à cette transformation est estimée à 4,5 milliards. En 2017, 360 000 ménages étaient redevables de l'ISF. Un an plus tard, seulement 130 000 foyers devaient s'acquitter de l'IFI, soit trois fois moins de ménages et une perte conséquente. Dans la mesure où cette imposition n'existe pas en Moldavie, ne pensez-vous pas que la convention favorisera le départ d'importantes fortunes françaises et accroîtra le manque à gagner pour l'État français ?
Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire d'intitulés symboliques qui servent à enjoliver la candidature d'adhésion à l'Union européenne de la Moldavie. L'harmonisation des normes, qu'elles soient sociales ou fiscales, est une condition nécessaire à tout élargissement de l'Union européenne. Plutôt que de faire des promesses intenables aux pays candidats, peut-être devrions-nous veiller à ce que nos valeurs humanistes soient préservées.
La promesse de l'Union européenne était « plus jamais ça ». L'Europe promettait la paix et l'éradication de la haine. En la transformant en une grande alliance des financiers, nous l'avons écartée de son chemin initial et nous en payons aujourd'hui le prix : la guerre est à nos portes, les fascistes sont mobilisés et populaires dans tous les pays européens, les régimes d'extrême droite se multiplient, et, parfois, ce sont des gouvernements qui se présentent comme modérés qui reprennent leurs idées tout en prétendant lutter contre… Surtout, ne vous sentez pas visés !
L'Europe de la paix ressemble de plus en plus à une Europe sous la menace du fascisme. Un tapis brun est déroulé au populisme d'extrême droite : ce populisme qui, en France, a abouti à une énième loi abjecte sur l'immigration, une loi qui trie les étrangers sur le volet ; ce populisme qui, en Italie, envoie les migrants à la mort dans les déserts du Maghreb. En Allemagne, 1,4 million de personnes ont manifesté parce qu'elles ont pris conscience que la promesse du « plus jamais ça » disparaissait dangereusement. De fait, les membres de l'AfD ,
Alternative für Deutschland
le parti de l'extrême droite, discutent d'un projet de déportation massive de personnes étrangères ou d'origine étrangère. En France, une partie des députés de l'Assemblée nationale défile aux côtés de la version française de ce parti fasciste. Collègues, auriez-vous perdu la mémoire ?
Viser l'élargissement de l'Union européenne est indécent, dérisoire et inutile quand on voit l'état du continent. Il faut sortir de l'Europe du marché, qui ne fait que dévaster les classes populaires et alimenter les théories politiques les plus haineuses, pour créer enfin une Europe sociale. Cet objectif doit être le prérequis fondamental de nos travaux.
Au groupe La France insoumise, nous ne sommes pas contre l'Europe, nous voulons une autre Europe. Nous, nous n'avons pas renoncé à nos idéaux. Puisque vous vous abstenez de combattre l'extrême droitisation de l'Europe, nous nous abstiendrons de voter pour ce texte insipide.
Nous sommes de nouveau réunis un jeudi matin en séance publique pour examiner une convention internationale, après une nouvelle demande du groupe LFI de ne pas appliquer la procédure d'examen simplifiée, originellement prévue. Le texte, adopté à une large majorité en commission, sans débat ou presque, ne concerne pourtant qu'un nombre infime de personnes, n'a aucune conséquence sur les finances publiques et s'apparente à des dizaines d'autres accords en vigueur entre la France et des pays amis.
Avec les camarades Insoumis, le grand capital n'a qu'à bien se tenir ! Sus à nos soixante-cinq ressortissants sociaux-traîtres établis en Moldavie ! Ce sont tous des fraudeurs potentiels, certainement évadés fiscaux, en tout cas suspects, puisque seuls huit d'entre eux, inscrits sur les listes consulaires à Chiºinãu, ont accordé leur vote au Grand Timonier insoumis en 2022 – chiffre tombé à quatre pour son représentant aux élections législatives. Au goulag ! Un peu de sérieux, collègues Insoumis : la révolution n'est pas pour demain, et certainement pas avec cette convention franco-moldave pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.
Comme je l'ai indiqué la semaine dernière en commission, le groupe Les Républicains est favorable à ce texte, qui permettra de régler les quelques cas de double imposition touchant nos entreprises et nos ressortissants, mais qui va aussi dans le sens de la démarche d'intégration européenne de la Moldavie. Il ne s'agit en aucun cas, comme l'ont affirmé nos révolutionnaires de salon en commission, de « créer une nouvelle niche d'évasion fiscale et, par ricochet, d'alimenter l'extrême droite déjà florissante ». Il s'agit, en revanche, d'interroger la marche de ce pays vers l'Europe et sa potentielle intégration dans l'Union européenne, qui soulève, elle, de véritables questions.
En juin 2022, les vingt-sept États membres de l'Union européenne, avec le soutien de la France, ont accordé à la république de Moldavie le statut de pays candidat à l'Union européenne. Par ailleurs, dans le cadre du conflit en Ukraine, la France et la Moldavie ont signé, le 25 septembre 2023, une lettre d'intention sur la coopération bilatérale en matière de défense. La Moldavie est donc engagée dans un processus d'intégration à l'Union européenne, qui peut certes s'avérer long, mais qui est tout à fait réel.
En commission, la rapporteure m'a confirmé que la convention ne s'appliquerait pas à la Transnistrie. Le simple fait de se poser la question dit tout de la situation géopolitique dans laquelle se trouve la Moldavie, ce potentiel futur État membre de l'Union, amputé de près de 15 % de son territoire et de sa population, dont une proportion non négligeable dispose d'un passeport russe. Ce conflit gelé depuis 1992 – potentiellement le second au sein de l'Union européenne depuis l'intégration de Chypre – a pris une tout autre dimension avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. Certains ont vu dans cette zone une possible base arrière pour une attaque sur le front ouest et une avancée vers le grand port d'Odessa. Cette zone représente donc un enjeu stratégique majeur pour l'Ukraine, ce qui explique en partie la volonté de l'Otan de se projeter en Roumanie, où la France est nation-cadre au sein de l'opération Aigle, destinée à sécuriser le flanc est de l'Otan – 500 de nos soldats y sont actuellement déployés.
Au regard de ces réalités, nous ne pouvons plus nous dispenser d'une réflexion de fond sur le processus d'élargissement tel qu'il est actuellement mené par l'Union. Les Républicains le répètent depuis maintenant plusieurs années : ce processus ne peut se dérouler correctement sans qu'une réforme profonde des institutions européennes soit d'abord lancée. Sinon, l'Union ne pourra pas fonctionner, elle perdra son pouvoir d'attractivité et suscitera toujours plus de rejet et d'incompréhension chez nos concitoyens.
Les élections européennes du 9 juin doivent nous permettre de trancher ce débat sur le devenir de nos institutions européennes, au moment où la majorité présidentielle est prête à diluer le pouvoir décisionnaire de notre pays en augmentant le nombre de commissaires européens et à sacrifier le veto de la France qui fut pourtant crucial pour le général de Gaulle dans la défense de la politique agricole commune (PAC), dont le dévoiement par l'alliance écolo-macrono-bobo a conduit à juste titre nos agriculteurs dans la rue.
En attendant ce moment de clarification politique, et puisqu'il faut nous prononcer, nous voterons en faveur de ce projet de loi, le destin de nos amis moldaves étant bien évidemment de se tourner vers l'Europe. Cette convention est une minuscule étape sur le chemin de l'intégration, mais elle permet d'aller dans le bon sens.
Je tiens à remercier notre collègue Delphine Lingemann pour le rapport qu'elle a élaboré et salue notre collègue Frédéric Zgainski, qui la supplée au banc des commissions. Elle nous a livré une analyse éclairée des partenariats qu'a noués la France avec la Moldavie sur les questions d'imposition et de prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.
Vice-président du groupe d'amitié France-Moldavie, je souhaite souligner la chance et l'honneur qui ont été les miens de rencontrer de nombreux acteurs de la société civile ou politique moldave. Ces dernières années, plus particulièrement depuis l'arrivée au pouvoir de Maia Sandu en 2020 et les débuts de la guerre déclarée par Vladimir Poutine à l'Ukraine en 2022, nous avons pu constater que ce pays tendait la main dans notre direction. Je sais son envie d'Europe. Il y a quelques jours encore, son adhésion au projet global de corridor vertical pour le transport du gaz en Europe en a témoigné.
La politique est faite d'actes et de symboles : la convention soumise à notre vote a été signée quinze jours à peine après la tenue de la deuxième réunion de la Communauté politique européenne à Chiºinãu. C'est là une preuve de la nécessité d'avoir des espaces de dialogue extracommunautaires pour avancer concrètement sur les enjeux qui lient les pays du Vieux Continent.
Ce texte est le bienvenu, car il vient combler un vide juridique dommageable pour nos finances publiques, nos entreprises, et surtout pour les expatriés français et moldaves domiciliés dans nos pays respectifs.
Après bien des péripéties depuis les débuts des négociations en 2006 et une franche reprise du dialogue en 2019, cette convention fiscale a enfin été signée. Elle aura des conséquences très concrètes pour les personnes concernées, puisqu'elle leur évitera une double imposition. En outre, elle contribuera à renforcer les échanges économiques et les investissements entre la France et la Moldavie et à approfondir la lutte contre la fraude fiscale. Nous pouvons nous en féliciter. Il convient à cet égard de valoriser les efforts réalisés ces dernières années en matière de transparence fiscale par la partie moldave, à travers différentes réformes administratives. Ils ont permis que les conditions favorables à la formalisation de ce texte soient réunies.
J'ajoute que cette convention nous donne l'occasion de développer et d'assurer la sécurité juridique des opérateurs économiques et des personnes physiques, ce qui est une évolution bienvenue.
Vous l'aurez compris, monsieur le rapporteur, le groupe Démocrate votera en faveur de ce projet de loi autorisant l'approbation de cette convention.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur ceux des commissions.
Après l'établissement de relations diplomatiques en 1992, c'est l'élection à la présidence de la république moldave de Maia Sandu en 2020, sur un programme réformateur et proeuropéen, qui a conduit à accélérer le rythme des échanges entre la France et la Moldavie. Après avoir acquis en juin 2022 le statut de pays candidat à l'Union européenne, la Moldavie a été admise à commencer les négociations d'adhésion, conjointement avec l'Ukraine, lors du Conseil européen de décembre 2023.
La signature de la présente convention fiscale illustre l'importance qu'elle accorde à la France – elle est d'ailleurs membre de l'Organisation internationale de la francophonie depuis 1996 – et au développement de relations étroites avec notre pays, qui est son dix-septième client et son sixième fournisseur. Ajoutons qu'elle bénéficiera des financements de l'Agence française de développement (AFD), qui a étendu son mandat à ce pays, pour des projets d'irrigation et de modernisation des réseaux énergétiques et ferroviaires.
La convention de 1985 entre la France et l'Union soviétique en vue d'éviter la double imposition des revenus ayant été dénoncée, il était devenu nécessaire de conclure une convention fiscale avec la Moldavie pour prévenir les doubles impositions et faciliter l'accroissement des échanges entre les deux pays. Notons que la convention entre la France et la Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, signée le 15 juin 2022 à Chiºinãu, reprend largement le modèle de convention agréé au sein de l'OCDE en ce domaine.
Lors de l'examen du texte en commission, nous avons eu l'occasion de souligner que la Moldavie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne, est l'un des points chauds de l'Europe de l'Est, notamment du fait de l'existence en son sein d'un territoire sécessionniste prorusse, la Transnistrie. De ce point de vue, la signature d'une convention avec la Moldavie est une bonne nouvelle pour le rapprochement plus large que ce pays souhaite opérer avec l'Europe, et par là même la France. Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur ceux des commissions.
En décembre dernier, la France et les États membres de l'Union européenne ont décidé d'engager les négociations d'adhésion avec la Moldavie. C'est un premier pas vers l'intégration de ce pays dans la famille européenne, aux côtés de l'Ukraine. Ces négociations seront longues et difficiles et réclameront de la part de la Moldavie de nombreux efforts pour adapter dans son droit interne les acquis européens. La France, l'Europe doivent rester exigeantes sur le respect de l'État de droit, la lutte contre la corruption et la mise en cohérence des normes économiques et sociales du pays par rapport aux standards européens. La Moldavie a engagé des réformes ambitieuses en ce sens, et si nous devons rester vigilants, nous pouvons aussi l'aider par divers moyens à s'intégrer dans notre espace économique commun.
La coopération en matière fiscale fait partie de ces moyens et l'approbation de la convention soumise à notre vote s'inscrit dans ce processus d'intégration européenne de la Moldavie. À travers les accords signés avec la France et les autres pays européens en ce domaine, la Moldavie montre sa capacité à adapter son droit interne à des standards fixés dans l'ensemble de l'OCDE, standards partagés par l'ensemble de nos partenaires au sein de l'Union européenne.
Les apports de cette convention au niveau bilatéral sont importants. Elle vise à établir un cadre juridique clair et équitable pour régir les relations fiscales entre nos deux pays, ce qui est essentiel pour éviter la double imposition qui découle de l'absence de texte.
Cette convention présente de nombreux autres avantages. Tout d'abord, elle facilite les échanges économiques et commerciaux entre nos deux pays, en éliminant les obstacles fiscaux susceptibles d'entraver la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Elle prévoit notamment des règles pour répartir le droit d'imposer les revenus provenant des activités transfrontalières, en évitant les situations de double imposition ou de double non-imposition. Elle plafonne les taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts et les redevances, ce qui favorise les investissements croisés et le transfert de technologies.
Ensuite, elle renforce la coopération fiscale entre nos deux administrations, en prévoyant des mécanismes d'échange de renseignements, d'assistance en matière de recouvrement des impôts et de règlement des différends. Ces mécanismes visent à lutter contre les pratiques d'optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales. Ils permettent ainsi de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, qui portent atteinte aux intérêts publics et à l'équité fiscale.
En outre, cette convention protège les contribuables, en leur offrant une sécurité juridique et une prévisibilité accrues. Elle leur garantit le respect du principe de non-discrimination, qui interdit de traiter différemment les résidents et les non-résidents sur le plan fiscal, sauf justification objective.
Enfin, elle renforce les relations bilatérales entre la France et la Moldavie, en témoignant de notre confiance mutuelle et de notre volonté de construire des partenariats durables. Elle illustre également notre engagement commun en faveur de la construction européenne, en contribuant à l'harmonisation et à la convergence de nos normes fiscales.
Mes chers collègues, en votant en faveur de ce projet de loi d'approbation, nous marquons notre soutien à la Moldavie dans sa démarche d'adhésion à l'Union européenne, nous favorisons le développement des échanges et des investissements entre nos deux pays, nous renforçons la coopération et la solidarité fiscales, nous protégeons les droits et les obligations des contribuables et nous affirmons la volonté pour la France et la Moldavie de construire ensemble une Europe plus unie, plus prospère et plus juste.
Le groupe Horizons et apparentés votera en cohérence pour ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur ceux des commissions.
Nous sommes réunis pour débattre de l'approbation de la convention signée entre la République française et la république de Moldavie, une démarche essentielle visant à éradiquer la double imposition et à prévenir l'évasion ainsi que la fraude fiscales. Ce texte représente un jalon dans le renforcement des relations franco-moldaves et s'inscrit dans une vision plus large de justice fiscale et de coopération internationale.
La Moldavie, jeune État, a dû faire face à des défis considérables depuis son indépendance en 1991. Elle se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins, tiraillée entre diverses influences géopolitiques et aspirant à un avenir plus stable et prospère. Ce pays s'est engagé dans un parcours d'intégration européenne, témoignant ainsi de son désir profond de s'aligner sur les valeurs démocratiques, les principes de l'État de droit et la coopération régionale. Cette aspiration coïncide étroitement avec notre vision d'une Europe unie et solidaire, fondée sur le respect mutuel, la coopération et la justice sociale.
Cette convention franco-moldave s'inscrit dans cette démarche. Elle vise non seulement à simplifier les échanges commerciaux et à faciliter les investissements croisés, mais aussi à renforcer le lien culturel et linguistique qui unit nos deux pays. Nous ne devons pas sous-estimer l'importance de la francophonie en Moldavie, pays où la langue française reste enseignée et appréciée.
L'approbation de cette convention est donc un signal fort de notre engagement à soutenir la Moldavie dans son rapprochement avec l'Union européenne. Elle témoigne de notre volonté de bâtir des ponts, de favoriser les échanges économiques et culturels et de participer activement à la stabilité et au développement de cette région stratégique de l'Europe.
Toutefois, chers collègues, ce type de convention n'est pas suffisant pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale. Certes, le texte s'aligne sur les standards internationaux et offre un cadre pour prévenir la double imposition et la fraude fiscale, mais il n'est pas assez ambitieux pour répondre à l'ampleur des défis actuels en ce domaine. Dans un contexte mondial où l'évasion fiscale prive les États de ressources cruciales pour le financement des services publics et la lutte contre les inégalités, nous ne pouvons nous satisfaire de mesures symboliques ou superficielles, du moins pas aussi efficaces qu'il le faudrait. Nous devons exiger davantage de transparence, renforcer la coopération fiscale internationale et créer des mécanismes pour lutter contre les flux financiers illicites et les pratiques d'optimisation agressives.
Notre responsabilité en tant que législateurs est de veiller à ce que de telles conventions, au lieu de se limiter à des dispositions formelles, traduisent une réelle volonté politique de promouvoir une fiscalité juste et équitable. En ce sens, nous devons nous engager résolument dans la voie d'une harmonisation fiscale au niveau européen et international et poursuivre sans relâche notre combat contre les paradis fiscaux et les mécanismes d'évasion fiscale. C'est ainsi que nous pourrons construire un monde juste où la fiscalité constitue un outil au service de nos concitoyens.
Le groupe Écologiste – NUPES votera en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur ceux des commissions.
Ce projet de loi visant à établir avec la Moldavie une convention pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales représente un lien de plus tissé avec cet État.
Ce lien doit nous encourager ; d'ailleurs, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine se sont toujours mobilisés pour la paix et l'amitié entre les peuples. Toutefois, il pourrait également se révéler inquiétant. Notre inquiétude ne porte pas sur le fond de la convention – bien au contraire –, mais sur le rapprochement de la Moldavie et de l'Union européenne, mené à marche forcée depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Cette démarche répond aux aspirations politiques d'une partie des Moldaves, mais bouleverserait profondément les équilibres politiques de cet État.
Premièrement, le revenu moyen en Moldavie s'élève à 550 euros par mois. Les écarts de revenus avec le reste de l'Union européenne contribueront donc à une émigration du travail des Moldaves, affaiblissant la capacité de développement du pays. Même si nous savons que cela est fait pour le plus grand bonheur des multinationales européennes, qui pourront ainsi délocaliser au sein de l'Union européenne, il est important de dénoncer fermement cet intérêt économique et financier.
Je rappelle également l'existence de mesures temporaires de libéralisation des échanges avec l'Union européenne, en vigueur jusqu'au 24 juillet 2024 et concernant certains produits agricoles. Elles contribuent à la concurrence avec les producteurs français, qui travaillent avec une exigence de qualité bien supérieure. C'est un thème d'actualité, chers collègues !
Deuxièmement, ce rapprochement peut susciter une inquiétude sécuritaire. Au cœur de cet État se niche un conflit gelé, mais explosif : celui de la Transnistrie. Cette région située à l'est du pays est peuplée par une majorité de russophones et gouvernée par une élite politique proche de la Russie. Le rapprochement de la Moldavie avec l'Union européenne depuis les années 2010 fait penser au rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne dix ans plus tôt. Nous devons nous attaquer avec conviction à la résolution du conflit en Transnistrie, car il faut impérativement éviter un scénario similaire à ceux de la Crimée en 2014, de l'invasion russe en Ukraine en 2022 ou encore de l'attaque russe en Géorgie en 2008.
Plutôt que de se précipiter dans une fuite en avant que vous seriez peut-être les premiers à regretter, il convient de poser les jalons de la paix avant ceux de la construction européenne. Les Nations unies auraient intérêt à tenter – pourquoi pas grâce à la présence de la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité – de raviver une négociation entre les deux parties qui inclurait des observateurs garants de la sécurité de la région.
Depuis une vingtaine d'années, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a essayé de négocier la sortie de crise en Transnistrie, au sein de pourparlers diplomatiques dans le format dit « 5 + 2 ». Cette négociation réunissait les deux parties moldaves, l'OSCE, la Russie et l'Ukraine, avec l'Union européenne et les États-Unis pour observateurs. Toutefois, étant donné qu'aucune réunion n'a été organisée depuis 2019 – chacun peut comprendre pourquoi –, il est peut-être temps d'acter son échec et de tenter quelque chose d'autre. Si l'ONU n'est que ce qu'en font les États membres, alors faisons en sorte que la France en fasse un instrument de la paix au service des peuples.
Je rappelle d'ailleurs que le Parti communiste français insiste depuis des années pour qu'une conférence de paix et de sécurité globale en Europe se tienne sous l'égide de l'ONU. Cela contribuerait au règlement pacifique de telles tensions territoriales, en créant un forum où elles pourraient être négociées. Cette idée peut sembler utopique, mais pourquoi ne pas rêver ? N'est-il pas nécessaire de rêver la paix ?
Si nous sommes persuadés que la paix et la diplomatie sont bien plus efficaces que les armes, alors pourquoi ne pas imaginer une zone démilitarisée ? J'ai expliqué en commission que mon premier combat politique en tant que militant communiste – il y a longtemps de cela – avait eu lieu en Grèce, devant une base de l'Otan : il s'agissait d'œuvrer à la création d'une zone démilitarisée dans les Balkans, où il n'y aurait ni missiles Pershing ni missiles SS-20. Pourquoi ne pas créer une zone où la sécurité collective serait assurée par les Nations unies, allant des pays baltes jusqu'aux pays des Balkans, en passant évidemment par l'Ukraine, par la Moldavie et pourquoi pas, un jour, par la Biélorussie ? Cela permettrait à toutes les parties de travailler ensemble, et surtout d'éviter de dépenser des fortunes dans l'armement au détriment de l'éducation, de la culture ou encore de la santé.
Bien sûr, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES voteront pour l'approbation de cette convention. Néanmoins, rapprocher l'Europe de la Russie sans conditionner cela à la création d'une zone démilitarisée nous semble constituer un risque inacceptable.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC.
En instaurant un cadre bilatéral pour l'élimination des doubles impositions sur les revenus des entreprises comme sur ceux des particuliers, cette convention dont nous nous apprêtons à autoriser l'approbation constituera une avancée importante pour le renforcement des échanges économiques et des investissements entre nos deux pays. Il s'agit de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, conformément aux standards internationaux les plus récents, tout en créant un cadre de coopération administrative en matière fiscale.
La convention contient donc d'indéniables avancées en matière de simplification et de sécurité juridiques. Elle offre une protection aux particuliers et aux entreprises, stimule le développement des relations d'affaires et contribue au renforcement des investissements français en Moldavie. En outre, elle revêt une importance stratégique particulière pour consolider les liens bilatéraux entre nos deux nations. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires voteront en faveur de son approbation.
Madame la ministre, je saisis l'occasion offerte par cette tribune pour vous interpeller directement sur la situation à Mayotte et sur la crise autour du camp de 700 migrants africains occupant le stade de Cavani. Conformément aux engagements pris par le ministre de l'intérieur et le Premier ministre hier au Sénat, ce camp est en cours de démantèlement. Il s'agit d'une première étape importante, mais je me dois de vous alerter : il n'est pas question que les autorités démontent le camp pour les caméras et répartissent les migrants sur toute l'île pour invisibiliser le problème.
En effet, ce camp, la colère légitime qu'il a suscitée chez la population mahoraise et le blocage de toute l'île qui s'est ensuivi doivent vous alarmer. Nous estimons que Mayotte accueille actuellement plus de 6 000 migrants africains provenant du Congo, du Burundi, du Rwanda et de Somalie. À Mayotte, ils cherchent la France, une porte d'entrée vers l'Europe et l'asile. Ils sont quasiment tous déboutés, donc en situation irrégulière ; pourtant, ces migrants africains ne sont pas expulsés. Certains d'entre eux viennent d'une zone de guerre, certains ont un passé violent ou sont recherchés dans leur pays. Je vous rappelle que Mayotte a accueilli des génocidaires rwandais sur son sol.
Nous estimons que le ministère des affaires étrangères est directement concerné, et Mayotte attend que vous négociiez des laissez-passer ainsi que des accords de reconduite automatique vers les pays des Grands Lacs et la Somalie. Nous vous demandons de vous mobiliser, en coordination avec le ministère de l'intérieur, pour organiser des vols charters et rapatrier ces milliers d'Africains en situation irrégulière. Vous devez organiser le traitement des demandes d'asile hors de Mayotte, dans des pays tiers, et envoyer un message clair : il n'y aura pas de droit d'asile à Mayotte. En effet, notre île n'a pas la capacité administrative et logistique d'accueillir des réfugiés dans des conditions dignes, ni les infrastructures médicales et scolaires nécessaires, et ne dispose pas de logements d'urgence. Si le reste du pays ne veut pas faire sa part, il n'est pas question de profiter de notre insularité pour transformer Mayotte en camp de réfugiés géant.
Entendez mon alerte : d'après les témoignages des migrants somaliens récemment arrivés à Mayotte, ils sont venus directement de la Corne de l'Afrique sans passer par les Comores. Oui, une nouvelle route migratoire directe relie donc désormais l'Afrique à Mayotte. Notre territoire ne pourra pas tenir.
Vous le savez, Mayotte implose déjà sous le poids de l'immigration comorienne instrumentalisée par Moroni pour contester la souveraineté française sur notre territoire. L'instrumentalisation des flux migratoires est définie par l'Otan et par l'Union européenne comme une menace hybride. C'est une réalité à Mayotte : l'instabilité et la violence quotidiennes sur le terrain sont indiscutables, le pacte républicain est contesté, nos lois se retournent contre nos compatriotes. Nous sommes face à une attaque hybride visant la France, et la République vacille.
Je le dis solennellement, Mayotte implose. Nous craignons un bain de sang. Les violences sont quotidiennes. Le temps de l'impuissance politique, des belles paroles, de l'inertie bureaucratique est passé ; Mayotte est sur le point de basculer. Nos diplomates – je vous en implore – doivent se mobiliser à hauteur du danger qui nous guette.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Je ne monte pas à la tribune, car je n'interviens pas dans le cadre de la discussion générale ; Mme la ministre, M. le rapporteur et les représentants des groupes ont dit tout ce qu'il y avait à dire au sujet des caractéristiques techniques et du bien-fondé de cette convention, assez largement apprécié par notre assemblée – pas unanimement, bien sûr, car l'unanimité est un rêve que nous avons cessé de considérer comme systématiquement possible.
Je souhaite répondre brièvement à l'observation très juste de M. Dumont, qui s'est demandé pourquoi l'approbation de cette convention faisait l'objet d'un débat en séance publique, alors qu'elle ne pose aucun problème technique. Il y a effectivement une signification politique à ce débat ; de ce point de vue, les groupes qui ont demandé qu'il ait lieu en séance publique ont raison. Nous sommes là moins pour discuter des termes techniques de la convention que pour adresser un message à nos amis moldaves.
Il s'agit d'abord de leur exprimer notre solidarité autour des mêmes valeurs. Lorsque nous avons reçu la présidente moldave, Maia Sandu, à l'hôtel de Lassay, elle nous a expliqué qu'elle menait trois combats fondamentaux, dont nous sommes évidemment solidaires. Le premier est celui de la démocratie, pour un pays qui ne l'avait pas connue et qui en fait l'apprentissage dans des conditions difficiles. Le deuxième est la souveraineté moldave, ô combien menacée, en particulier par la présence menaçante de la Russie qui se profile en Transnistrie. Les populations russophones de Moldavie ont tout à fait le droit de s'épanouir, bien sûr, mais nous savons bien que la Russie de M. Poutine n'est pas attachée au développement de la démocratie. Son troisième combat est celui du rapprochement avec l'Union européenne.
Bien entendu, nous ne débattons pas ici de l'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne. Nous sommes tous conscients qu'elle nécessitera des transformations majeures, à la fois au sein de l'État candidat et – M. Dumont l'a rappelé avec raison – au sein de l'Union européenne elle-même. Toutefois, cette convention est un jalon. En l'approuvant, nous marquons une étape, nous envoyons un signal : l'avenir de la Moldavie est en Europe. Certains groupes ont contesté cela, mais je voudrais que notre assemblée, en votant le texte, signifie sa détermination à soutenir cette démarche de solidarité quant aux valeurs, de solidarité géopolitique et de rapprochement progressif avec la Moldavie en vue de son intégration dans l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et LIOT.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
Prochaine séance, lundi 29 janvier, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue ;
Discussion de la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale ;
Discussion de la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière ;
Discussion de la proposition de résolution européenne relative à l'adoption d'une loi européenne sur l'espace ;
Discussion de la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative ;
Discussion de la proposition de loi visant à allonger la durée de l'ordonnance de protection et à créer l'ordonnance provisoire de protection immédiate ;
Discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.
La séance est levée.
La séance est levée à dix heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra