Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 21 novembre 2023 à 21h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • asile
  • frontière
  • immigration
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  • migratoire
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La réunion

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La commission entend la présentation, ouverte à la presse, du rapport pour avis de M. Benjamin Haddad sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 1855) et procède à la discussion générale sur ce texte.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président

La séance est ouverte à 21 h 30

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Nous procédons ce soir à la discussion générale sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, adopté en première lecture par le Sénat il y a exactement une semaine. Croyez bien que les circonstances exceptionnelles et contraintes dans lesquelles nous procédons à cet examen sont indépendantes de ma volonté. Elles se trouvent dictées par la nécessité, pour notre commission, d'achever ses travaux avant que ne débutent ceux de la commission des lois lundi prochain.

Composé initialement de vingt-sept articles, le projet de loi en comprend quatre-vingt-dix-huit à l'issue de son examen par le Sénat. Il traite de nombreux sujets distincts, notamment la maîtrise des voies d'accès au séjour et la lutte contre l'immigration irrégulière – titre Ier A –, l'intégration des étrangers par le travail et la langue – titre Ier –, l'amélioration du dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public et la mise en œuvre des décisions d'éloignement – titres II et II bis –, la sanction de l'exploitation des migrants et le contrôle approfondi des frontières – titre III –, la réforme du droit d'asile, avec la création de pôles territoriaux « France asile » qui offriront aux demandeurs un parcours administratif simplifié et la réorganisation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) – titre IV –, et enfin la simplification des règles du contentieux relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers, suivant en cela les propositions formulées par le Conseil d'État – titre V.

La commission des affaires étrangères, dans les avis qu'elle a rendus sur les précédents projets de loi relatifs à l'immigration et l'asile, a toujours privilégié des saisines ciblées. Ainsi, conformément au champ de nos compétences prévues à l'article 36 du règlement de notre Assemblée, nous nous prononcerons sur les articles suivants : l'article 1er A, qui prévoit la tenue au Parlement d'un débat annuel à l'occasion duquel sera déterminé pour trois ans le nombre de personnes admises à séjourner sur le territoire par catégorie de titres ; l'article 1er BB, qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport étudiant la possibilité de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur » ; l'article 4, qui devait instaurer un dispositif d'accès au marché du travail sans délai pour les demandeurs d'asile les plus susceptibles d'obtenir une protection internationale en France, et que le Sénat a supprimé ; l'article 14 A, qui corrèle la lutte contre l'immigration irrégulière aux objectifs de l'aide publique au développement (APD) fixés par la loi de programmation du 4 août 2021 et permet de restreindre la délivrance de visas de long séjour aux ressortissants des États peu coopératifs en matière migratoire ; l'article 14, qui sanctionne plus durement les passeurs, pour mettre un terme aux drames liés aux tentatives de traversée par voie maritime ; les articles 18 et 18 bis, qui visent notamment à mieux tenir compte des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France s'agissant de la délivrance des visas ; l'article 19, qui crée les pôles territoriaux « France asile » pour offrir aux demandeurs d'asile un parcours administratif simplifié ; l'article 19 bis C, qui retouche les possibilités de réunification familiale pour les proches des réfugiés admis en France au titre de l'asile ; enfin, l'article 20, qui réforme la CNDA afin d'adapter son organisation à l'ampleur du contentieux et de renforcer son efficacité.

Comme vous le constatez, nous avons fait une sélection assez large, ce qui permet d'embrasser tout le champ de la politique d'immigration entrant dans la compétence de la commission des affaires étrangères.

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Je me réjouis que la commission des affaires étrangères se soit saisie pour avis du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Les migrations sont un sujet de politique étrangère, si l'on veut comprendre leurs causes profondes – géopolitiques, économiques, climatiques – et les raisons de leur amplification récente, dans le but de formuler des réponses. Dans beaucoup de nos démocraties, l'immigration est devenue symptomatique d'un sentiment de perte de contrôle et d'impuissance des politiques publiques face aux grandes transformations du monde.

Sur la question migratoire, le repli nationaliste et la fermeture des frontières sont une illusion. Les exemples qui nous entourent, de l'Italie au Royaume-Uni, le montrent amplement. L'immigration est au cœur de l'articulation de nos souverainetés nationales et de la coopération européenne. La révolution du pacte européen sur la migration et l'asile, dans l'élaboration duquel la France a joué un rôle pilote, permettra notamment de mieux contrôler nos frontières extérieures, grâce au renforcement de Frontex – l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes – et au premier examen des demandes d'asile à la frontière, grâce à la solidarité entre États membres pour aider les pays d'arrivée tels que l'Italie et grâce à la coopération avec les pays de départ et de transit, notamment par le biais de la politique d'aide au développement.

Une Europe politique qui s'assume doit être capable d'assurer sa sécurité, de défendre ses intérêts commerciaux et technologiques, de promouvoir ses normes dans le domaine environnemental ou numérique et, aussi, de maîtriser ses frontières. Tel est le sens de l'action de la France depuis dix ans. Le débat que nous aurons au cours des prochaines semaines s'inscrit dans ce contexte.

Le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est le fruit d'un engagement fort du ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin. Au Sénat, le texte a été modifié et étoffé. Je remercie les sénateurs de leur travail : on nous prédisait des blocages et des postures, nous avons au contraire assisté à un travail constructif. J'espère que, toutes différences et tous désaccords assumés, l'Assemblée nationale s'engagera dans ce débat avec le même esprit.

Le projet de loi repose sur trois grands principes : la simplification des procédures, avec notamment la réduction du nombre de recours administratifs en cas de décision d'expulsion et la réforme du fonctionnement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la CNDA ; le renforcement de l'intégration par le travail et la langue ; enfin, la fermeté, avec le rétablissement des critères de double peine, ce qui permettra d'expulser 4 000 étrangers délinquants présents sur notre sol.

Notre pays est accueillant pour ceux qui y viennent pour travailler et s'intégrer ; il doit être d'une fermeté absolue avec ceux qui ne respectent pas nos règles et n'ont pas vocation à rester sur notre territoire. Disons-le clairement : les Français ne comprennent pas que nous ne parvenions pas à expulser des délinquants multirécidivistes faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Notre objectif est simple : être aussi efficaces que possible pour maîtriser l'immigration dans le respect de nos valeurs, de nos principes républicains et de notre histoire. La France est fière d'être un pays d'immigration ancienne, riche de ce que cette dernière lui a apporté. Face à l'accélération des flux migratoires en Europe, il est nécessaire de préparer notre pays aux défis qui l'attendent et de lui permettre d'assurer la maîtrise de ses frontières.

Celui qui le dit est le petit-fils d'Isaac, devenu Jacques, et de Nasria, devenue Roselyne, accueillis en France il y a soixante ans, comme tant d'autres, parce qu'ils fuyaient l'antisémitisme. La France leur a tout donné ; ils le lui ont bien rendu en s'assimilant par la langue française et par le travail, et en respectant ses traditions, son histoire et ses lois. Je ne serais pas devant vous aujourd'hui si la France n'avait pas été généreuse et ouverte avec ceux qui avaient besoin d'un refuge et si les générations qui m'ont précédé n'avaient pas travaillé dur pour être à la hauteur de cette générosité. C'est animé de cette double gratitude et de cette double dette que j'aborde les débats.

Les articles dont nous sommes saisis concernent au premier plan notre politique étrangère et notre diplomatie. L'article 1er A introduit par les sénateurs prévoit l'organisation d'un débat au Parlement sur les orientations pluriannuelles de notre politique d'immigration et d'intégration, accompagné d'un rapport. Je ne peux que me réjouir d'une amélioration de l'information de la représentation nationale, que je proposerai de compléter d'une information sur la dimension externe des migrations et leurs causes structurelles.

Le Sénat a également souhaité que le Parlement détermine par quotas le nombre d'étrangers admis à s'installer durablement en France. Sur le principe, ce débat est légitime et intéressant mais il soulève de vraies questions constitutionnelles, notamment d'égalité devant le droit. Je proposerai donc de remplacer ces quotas par la présentation d'objectifs chiffrés pluriannuels par le Gouvernement. Chaque année, le Gouvernement présentera devant la représentation nationale ses résultats et justifiera les écarts avec les objectifs prévus, au bénéfice de la transparence et de la démocratie.

S'agissant du renforcement de la fermeté envers ceux qui ne se conforment pas aux règles de la République, je me réjouis de l'allongement à cinq ans de la durée d'interdiction de retour dont le préfet peut assortir une OQTF, prévu à l'article 18 introduit par le Sénat.

L'article 18 bis, dont les dispositions figuraient à l'article 18 du texte initial, réécrit par le Sénat, instaure un motif de refus de visa opposable si l'étranger concerné ne peut pas démontrer avoir respecté les modalités d'exécution d'une OQTF prononcée depuis moins de cinq ans. Cette disposition est essentielle. Il ressort à notre souveraineté nationale d'accorder ou non une autorisation de visa et nous devons nous rendre à l'évidence : les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, qui ne respectent pas les obligations de quitter le territoire dont ils ont fait l'objet, ne doivent pas disposer du même droit au visa que les autres.

La fermeté s'exerce aussi envers les passeurs, qui sont des criminels, des entrepreneurs de la mort et du désespoir, dont l'activité finance le trafic de drogue, le terrorisme et la prostitution. Alors qu'ils ne peuvent à l'heure actuelle être poursuivis que pour des délits, le texte permet de renforcer considérablement notre réponse pénale et de l'aligner sur celle de nos voisins européens.

Les articles 19 et 20 visent à simplifier la procédure d'asile. La création des pôles territoriaux « France asile » et la présence d'agents de l'OFPRA en leur sein permettront d'améliorer les délais de procédure sans affecter les garanties offertes aux demandeurs d'asile. L'expérimentation prévue par le Sénat ne me semble pas nécessaire, dans la mesure où nos services sont prêts à entamer cette transformation dès à présent, progressivement, comme l'ont confirmé les responsables de l'OFPRA que j'ai auditionnés la semaine dernière.

La territorialisation de la CNDA et le recours au juge unique amélioreront le fonctionnement de la justice de proximité. Depuis 2018, nous avons réduit de moitié les délais de la CNDA, qui sont passés d'un an à cinq mois. Notre objectif est clair : offrir des réponses de proximité et aller plus vite, à taux de protection inchangé. Il y va de l'effectivité de ce droit fondamental qu'est l'asile, afin que ceux qui doivent en bénéficier y accèdent et s'intègrent rapidement et que ceux qui n'en remplissent pas les conditions quittent le territoire.

L'article 14 A instaure des mesures nécessaires à notre diplomatie. Car, si la délivrance des visas est, certes, un outil de gestion et de restriction des flux, elle est aussi un levier de politique étrangère. Il n'y a aucune raison pour que les États qui ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés bénéficient du même traitement que les États coopératifs. Les Français ne comprennent pas qu'il en aille autrement.

Cet outil a déjà été utilisé par l'Exécutif avec les pays d'Afrique du Nord. Cette politique a porté ses fruits l'an dernier, le nombre de laissez-passer consulaires délivrés ayant sensiblement augmenté. Je proposerai de conserver le dispositif en ciblant plus spécifiquement les personnes concernées par cette politique de restriction, notamment en excluant les visas étudiants. Ces derniers sont essentiels pour l'attractivité de nos universités et de notre territoire ; tel est l'objectif du plan « Bienvenue en France » lancé par le président de la République.

Par ailleurs, je crois en la nécessité de viser et de pénaliser les États, les décideurs, et non les populations. Je proposerai donc de renforcer la proposition du Sénat en incluant dans le dispositif les visas sollicités par les titulaires de passeports diplomatiques ou de service.

Le Sénat a ajouté au texte la modulation de l'aide au développement vis-à-vis des États non coopératifs en matière migratoire et la prise en compte de leur degré de coopération dans les dotations de l'Agence française de développement (AFD). La politique de développement est un outil de nos politiques publiques extérieures. Elle doit donc s'inscrire aussi dans la défense de nos intérêts, de notre influence et de nos objectifs diplomatiques. Je ne suis pas opposé à la conditionnalité de l'aide au développement, à condition encore une fois de cibler les États et leurs responsables, et non les populations et la société civile. Je proposerai donc d'amender la disposition adoptée par le Sénat pour ne pas pénaliser des projets de développement multi-annuels bénéficiant directement aux populations.

L'immigration est un sujet passionné, passionnel, intime pour beaucoup. J'espère que nous aurons des débats constructifs, à la hauteur de ceux de la chambre haute. Je crois en notre capacité de travailler ensemble et d'assumer des désaccords mais aussi de trouver des convergences et des compromis.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Cinq ans après l'adoption de la dernière et seule loi du quinquennat précédent en matière d'immigration et d'asile, le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est un texte très attendu par nos concitoyens.

Dans un environnement international pesant sur les flux migratoires, qui sont alimentés par les évolutions démographiques, par l'instabilité de plusieurs États et par les déplacements de populations provoqués par le changement climatique, il est impératif d'agir. La question de l'immigration constitue un enjeu géopolitique majeur, corrélé à notre politique étrangère par le biais de la coopération avec les pays de départ et de transit mais aussi par les réponses apportées aux causes profondes des migrations que sont les guerres, la pauvreté et le dérèglement climatique.

Les Français attendent des résultats sur un certain nombre de sujets entrant dans le champ des attributions de la commission des affaires étrangères, comme l'asile, les visas, la lutte contre les réseaux internationaux de passeurs et la définition de quotas d'étrangers admis au séjour en France. Face aux transformations du monde, l'immigration devient un totem politique conduisant, par son instrumentalisation, à la tentation d'un repli nationaliste ou d'une fermeture totale de nos frontières. Ces solutions qui n'en sont pas, dès lors qu'elles sont impossibles à mettre en œuvre, sont une illusion, comme le démontre l'exemple de nos voisins européens.

L'immigration est un enjeu au cœur de l'articulation de notre souveraineté nationale et de la coopération européenne. Ni catastrophisme, ni angélisme : face à l'accélération des flux migratoires en Europe, il est nécessaire de préparer notre pays, de façon pragmatique et non passionnée, aux défis qui l'attendent, afin que nous assurions la maîtrise de nos frontières.

Le projet de loi répond à cet enjeu par le biais d'une fermeté assumée face à l'immigration clandestine, tout en facilitant l'intégration, par la langue et le travail, des étrangers vivant sur notre sol. Il doit être perçu non comme une couche supplémentaire de sédimentation législative mais comme un outil indispensable, porteur de transformations fortes pour les acteurs de la politique publique de l'immigration, de l'asile et de l'intégration, ainsi que pour les étrangers.

Les réseaux de passeurs sont un véritable fléau, que nous devons combattre avec une efficacité accrue. L'article 14 le permet en partie. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous donner des précisions à ce sujet ?

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L'objectif de l'article 14 est de criminaliser les réseaux de passeurs, ce qui renforce notre réponse pénale. Comme l'ont montré les auditions, pour un même réseau commettant les mêmes crimes à travers l'Europe, la réponse pénale de certains de nos voisins, notamment la Belgique et l'Allemagne, est deux voire trois fois supérieure à la nôtre en matière de quantum de peine. Il s'agit de nous aligner sur eux.

Nous devrons même aller plus loin, dans le cadre d'un travail à mener tant à l'échelle européenne qu'au sein de notre commission. Certains de nos voisins en effet – en particulier l'Allemagne –, ne disposent pas dans leur droit d'une définition aussi stricte et aussi large que la nôtre de l'association de malfaiteurs. Je pense, par exemple, au cas de bateaux utilisés pour embarquer des migrants dans le Nord de la France et entreposés en Allemagne : s'ils l'étaient en France, nous pourrions facilement les saisir au motif qu'ils sont utilisés par des réseaux de passeurs, ce que la législation allemande ne permet pas.

À l'échelle nationale, nous devons opter pour la criminalisation de ces réseaux. Ces gens se livrent au trafic d'êtres humains. Ils sont liés à des réseaux de terrorisme, de drogue et de prostitution. À l'échelle européenne, nous devons accentuer nos efforts pour renforcer et harmoniser les législations, afin d'être aussi efficaces que possible en Europe et au-delà de nos frontières, notamment vis-à-vis des pays d'Afrique du Nord.

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L'absence de maîtrise de l'immigration depuis des décennies a eu pour effet de rendre impossible l'assimilation de trop nombreux étrangers présents sur le sol national. Elle a conduit, nous le voyons, au communautarisme et au séparatisme. De plus en plus de personnes résidant en France ne veulent pas vivre selon les mœurs françaises, ne reconnaissent pas la loi française et, trop souvent, veulent imposer leur mode de vie à leurs voisins, à l'école, au travail, dans les services publics et dans l'espace public en général.

L'immigration ne peut pas rester incontrôlée, faute de quoi la France renoncera à sa souveraineté et les Français seront contraints d'accepter ce qu'ils ne veulent pas : cohabiter avec des populations qui entendent demeurer étrangères en France. Toutes ne sont pas dans ce cas mais trop le sont.

En 2022, d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 10,3 % de notre population était étrangère et plus de 900 000 clandestins étaient présents sur notre sol. Ces chiffres sont en constante augmentation. Dans de telles proportions, il ne s'agit plus d'accueillir des individus mais des peuples. Or, si l'on peut intégrer et assimiler des individus, il n'est pas concevable d'assimiler des peuples entiers à notre République.

À force de répéter à l'envi notre attachement aux valeurs républicaines, nous avons oublié de rappeler notre histoire. Dès l'époque gauloise, les étrangers s'étonnaient que les femmes, dans notre pays, eussent plus de pouvoir que dans le monde gréco-romain. Ici, la religion se soumet aux impératifs de l'État dès 1302, lorsque les États-généraux, ancêtre de l'Assemblée nationale, affirment la volonté singulière de donner à la France la priorité sur le pouvoir des religieux. Ici, la laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d'expression de leurs croyances et de leurs convictions. Nous sommes libres de croire, de ne pas croire, de changer de religion et de les critiquer.

Dans notre pays, une femme s'habille comme elle le souhaite. Elle est l'égal de l'homme. Elle doit toujours donner son consentement explicite avant une quelconque relation. En France, deux hommes ou deux femmes peuvent s'embrasser dans la rue et se marier : l'État est là pour condamner quiconque les insulte, les menace ou les agresse de ce fait.

Ici, nous avons le droit de ne pas être d'accord avec les opinions des autres. Nous privilégions toujours le dialogue sur la violence. Nous n'acceptons pas que plus de 120 attaques au couteau aient lieu chaque jour dans notre pays. À l'école, nous enseignons toutes les pages de notre histoire et un enseignant est libre de parler de religion sans craindre pour sa vie.

Depuis le décret de 1976 autorisant le regroupement familial, le cadre juridique permettant une immigration légale n'a cessé d'être de plus en plus favorable à une immigration incontrôlée. L'immigration à un seul intérêt : accueillir Léonard de Vinci ou Pablo Picasso, ce qui, de nos jours, est assez marginal au quotidien, convenons-en.

Mes chers collègues, je le dis avec gravité : si nous n'examinons pas le texte qui nous est soumis avec toute la responsabilité et l'exigence qui doivent guider nos choix, il y aura toujours un Hexagone dans cinquante ans mais il n'y aura probablement plus la France. On ne peut pas, dans un même texte, assouplir et durcir. Monsieur le rapporteur, comment comptez-vous sortir de cet oxymore ?

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Puisque nous sommes à la commission des affaires étrangères, nous pouvons suivre Talleyrand et considérer que tout ce qui est excessif est insignifiant…

Après vous avoir écouté, je m'étonne, monsieur Chenu, de l'opposition au pacte européen sur la migration et l'asile des députés du Rassemblement national au Parlement européen, alors même que ce pacte permet de renforcer le contrôle de nos frontières avec Frontex, de traiter enfin les demandes d'asiles dans des hubs internationaux aux frontières et de renforcer la conditionnalité des instruments de l'aide au développement vis-à-vis des pays de départ et de transit.

Je m'étonne aussi de votre opposition au projet de loi dont nous débattons, qui est le plus ferme depuis plusieurs décennies. Il prévoit notamment de réintroduire les critères de double peine, supprimés par la droite il y a quelques années. Il permettra d'expulser jusqu'à 4 000 délinquants étrangers. Il introduit des critères d'apprentissage de la langue, sanctionnés par des examens, pour les étrangers demandeurs d'un titre de séjour. Telles sont quelques-unes des avancées concrètes du texte.

Si vous abandonnez la posture et cherchez des solutions, vous le soutiendrez, comme vous devriez soutenir le pacte sur la migration et l'asile au Parlement européen. Mais tel n'est pas votre objectif. Le nôtre est de trouver des solutions concrètes, pragmatiques et efficaces ; le vôtre est de vous y opposer pour continuer à faire prospérer la misère et en bénéficier politiquement.

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Cela fait des mois, voire des années, que les propos les plus indignes sont répétés sur les plateaux et dans l'hémicycle. Les immigrés et leurs enfants, français ou non, les exilés sont considérés comme la cause de tous les maux. Les musulmans sont désignés comme des ennemis de l'intérieur. Le racisme anti-arabe bat son plein. L'extrême-droitisation est en marche ! Chaque jour, nous assistons à des ratonnades médiatiques et politiques menées par la droite extrême et l'extrême-droite.

Les pires dérives sont permises par cet énième projet de loi Darmanin sur l'immigration. Le Sénat s'est bien illustré en supprimant l'aide médicale de l'État (AME), suppression à laquelle le corps médical est opposé : plutôt le racisme que l'efficacité sanitaire ! Face à ces surenchères de la droite, inspirées par le Rassemblement national, le Gouvernement a laissé faire en donnant des avis de sagesse. C'est plutôt de la déraison ! Les étrangers et les exilés seraient des fraudeurs sociaux en puissance, des menaces pour l'ordre public, des citoyens de seconde zone en sursis permanent !

L'immigration n'est jamais traitée au fond. Votre but est de fixer arbitrairement des quotas et d'expédier les décisions administratives et judiciaires. Le projet de loi combine politique du chiffre et fantasmes de submersion migratoire, sans aucune vision sociale. Dans cette optique utilitariste, les étrangers ne sont qu'une main-d'œuvre à la merci des patrons, que l'on peut renvoyer sans tenir compte de leur parcours de vie.

Dans le même temps, l'État refuse d'aborder la question des moyens, notamment ceux de l'OFPRA et de la CNDA, où les interprètes manquent en nombre. Les délais en préfecture sont interminables. À l'étranger, les demandes de visas alimentent désormais une économie parallèle.

La majorité et les droites refusent de comprendre les mouvements de population à l'échelle mondiale. Non, l'Europe n'est pas le réceptacle mondial de l'immigration ! Celle-ci se concentre avant tout en Afrique et en Asie. Son volume en Allemagne est deux fois supérieur à ce qu'il est en France. Par conséquent, conditionner l'APD à la coopération migratoire est un non-sens dramatique, qui ne fera qu'augmenter le nombre d'exilés.

Enfin, l'urgence climatique et les inégalités économiques à l'échelle mondiale sont complètement absentes du texte, qui ne traite pas les causes de l'immigration. Le constat est pourtant simple : dans trente ans, il y aura un milliard de réfugiés climatiques. Nous défendrons des amendements sur cette question. À nos yeux, la France, en raison de son passé colonial, a une responsabilité à l'égard du monde. Nous combattrons le texte, parce qu'il tourne le dos à notre inéluctable avenir en commun : la créolisation.

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Les imprécisions sont nombreuses dans vos propos, au point que je me demande si vous avez lu le texte.

Je laisse de côté les articles que vous avez évoqués ne figurant pas dans le champ de notre saisine. Vous avez mentionné les patrons. Le projet de loi présenté par le Gouvernement renforce les sanctions contre les employeurs de travailleurs clandestins et offre à ces derniers, s'ils satisfont à certains critères définis dans le texte, de demander eux-mêmes leur régularisation, indépendamment de leur patron. Par ailleurs, il interdit aux travailleurs clandestins de se déclarer autoentrepreneurs, ce qui est un outil d'exploitation utilisé par les plateformes de livraison, comme l'ont démontré les travaux de la commission d'enquête relative aux révélations des Uber Files et à l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences.

Sur l'AME, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a été très clair : le Gouvernement y est opposé. Par ailleurs, son insertion dans le texte constitue un cavalier législatif.

Si les causes profondes des migrations – géopolitiques et environnementales – sont absentes du texte, c'est parce que sa visée est essentiellement de politique intérieure. Elles sont traitées par le biais de l'APD et relèvent aussi de l'échelon européen, ainsi que de l'action internationale de la France menée par le président de la République.

Quant au délai moyen de délivrance des titres en préfecture, il est certes trop long mais la simplification des procédures – notamment la réduction du nombre de recours – prévue par le texte a précisément pour objet de les raccourcir. Il s'agit de simplifier la vie de ceux qui viennent travailler et s'intégrer et qui respectent les règles, et d'être plus fermes et plus efficaces avec les autres.

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Enfin, après plusieurs mois de débats, de tergiversations et reports, notre Assemblée se penche sur le texte relatif à l'immigration. Notre pays n'a jamais délivré autant de titres de séjour qu'en 2022, avec plus de 320 000 primo-délivrances. Les franchissements irréguliers aux frontières extérieures de l'Union européenne ont augmenté de 18 % sur les dix premiers mois de l'année 2023 par rapport à 2022. On dénombre 700 000 immigrés en situation irrégulière sur notre sol, peut-être même 900 000 d'après certains experts. De 2,5 millions, nous sommes passés à 5 millions d'étrangers en France en dix ans, dont 16 % de demandeurs d'emploi.

Notre commission est saisie de dix articles du projet de loi, qui en compte quatre-vingt-dix-huit après son examen au Sénat. Je tiens à saluer le travail remarquable des sénateurs, qui ont enrichi, renforcé et amélioré le texte. Hélas, il sera détricoté par la majorité, écartelée dans le supplice du « en même temps ».

Cette loi relative à l'immigration est la trentième en cinquante ans, ce qui est la preuve de notre impuissance. Affadir le texte reviendrait à adopter une nouvelle loi pour rien. Pour le groupe Les Républicains, le constat est simple : l'application du « en même temps » à l'immigration, comme d'ailleurs à la politique étrangère, ne fonctionne pas. J'alerte la majorité relative : si la loi est tiède, elle sera totalement inefficace et nous ne la voterons pas.

Le projet de loi initial manquait d'ambition : rien sur les quotas, rien sur le regroupement familial, rien sur la procédure applicable aux étrangers malades, rien sur la restriction des visas. Notre commission doit en priorité formuler des solutions en matière d'expulsion des étrangers en situation irrégulière, notamment les plus dangereux.

C'est une faille diplomatique béante qu'il faut corriger, un dysfonctionnement abyssal qui incite des centaines de milliers de clandestins à se draper dans l'impunité la plus complète, persuadés de ne jamais être expulsés. Sans l'accord du pays d'origine, un étranger irrégulier ou dangereux est impossible à expulser. Ce chantage migratoire insupportable, la France doit en briser les chaînes. Stop à la servitude migratoire !

Régulièrement, certains pays, notamment nos amis du Maghreb, humilient la France en refusant de délivrer des laissez-passer consulaires pour des prédicateurs de haine ou des criminels fichés S. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être abrogé. Comment vouloir accorder un traitement particulier à un pays qui ne cesse d'humilier la France ? Chers collègues de la majorité, accepterez-vous de rompre les chaînes de la servitude avec ce régime ?

Osons le rapport de force ! Les leviers sont nombreux, notamment les visas et l'aide au développement. Cessons d'être le paillasson de régimes qui jouent avec notre sécurité. À peine plus d'un laissez-passer consulaire sur deux a été délivré dans un délai utile par les autorités consulaires en 2021, ce qui est absolument inacceptable.

La majorité sénatoriale a heureusement durci le texte. Au nom du groupe Les Républicains, je rappelle notre attachement à ces avancées, qui sont pour nous de véritables lignes rouges. Je constate qu'elles sont remises en cause par la majorité relative. Par ailleurs, nous sommes favorables à une modification de la Constitution, qui nous semble fondamentale.

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La réponse à votre question interviendra au cours des trois semaines à venir : ce seront les débats eux-mêmes qui vous apporteront des éléments de réponse. Ne faites pas de procès d'intention à la majorité : j'ai salué le travail des sénateurs et, comme pour tout travail parlementaire, il y aura des désaccords avec eux mais aussi des compromis et des négociations. Le Sénat est à l'origine de plusieurs avancées, s'agissant par exemple des visas et de l'aide au développement modulés en contrepartie des laissez-passer consulaires. Ce sont des outils que la France a déjà utilisés ces dernières années et nous pouvons y travailler, même s'ils n'étaient pas dans le projet de loi initial, afin de les rendre le plus efficaces et ciblés possible pour produire un effet positif sur les gouvernements sans effet négatif sur les populations.

D'autres sujets que vous avez abordés relèvent plus de la politique européenne ou de l'Exécutif mais, pour ce qui est du travail législatif, il sera mené sur la base du texte du Sénat et avec les oppositions républicaines.

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Au nom du groupe Démocrate, j'adresse nos remerciements au rapporteur qui, en un temps contraint, a embrassé l'ensemble de ce projet de loi qui se trouve au carrefour des sujets sur lesquels notre commission travaille. Le texte arrivant du Sénat a été complexifié, avec un nombre d'articles multiplié par quatre. Notre groupe sera soucieux de revenir à l'équilibre initial : l'amélioration de l'intégration par la langue et par le travail – article 4 – et le renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière – articles 14 et 18.

Nos politiques migratoires doivent retrouver de l'efficacité, laquelle est aussi un gage d'humanité. Il est en effet très difficile pour les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire de repartir après des délais beaucoup trop longs. Nous devons simplifier, améliorer et renforcer nos politiques en la matière.

Face à l'accélération des flux migratoires, les leviers de la politique des visas et de l'aide publique au développement sont à manier avec précaution. Ils ne peuvent pas être utilisés aux dépens des populations. C'est pourquoi nous soutiendrons l'exclusion des étudiants, dont l'arrivée doit être encouragée, de ces dispositifs.

Enfin, dans quelle mesure les articles 19 et 20 permettront-ils d'améliorer nos procédures en matière de traitement de l'asile, lequel est peut-être un peu dévoyé aujourd'hui ?

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Nous parlerons demain des visas et de l'aide au développement, lors de l'examen des amendements, mais je suis d'accord avec vous.

Nous parlerons également demain de l'article 4, qui veut donner aux demandeurs d'asile ayant la plus forte probabilité d'obtenir le statut de réfugié la possibilité de bénéficier d'un titre de travail. L'un des objectifs de ce texte étant de favoriser l'intégration par le travail, nous sommes favorables au rétablissement de cet article supprimé au Sénat.

La territorialisation de l'OFPRA et de la CNDA vise à être plus réactifs, en étant au plus près du terrain. Rappelons que les taux de protection, qu'ils soient prononcés par un juge unique ou par une formation collégiale, sont sensiblement les mêmes. Il ne s'agit donc pas de revenir sur ces taux mais d'obtenir des réponses plus rapides. Cette transition se fera de façon progressive, en commençant par trois centres pour l'OFPRA, car il faudra notamment pouvoir trouver les interprètes et experts nécessaires.

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À votre avis, pourquoi le Sénat a-t-il supprimé l'article 4 ?

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Il a voulu, comme pour l'article 3, restreindre le plus possible les politiques favorisant les régularisations ou l'octroi de permis de travail. Je rappelle que l'article 4 concerne en réalité un nombre très réduit de personnes, entre 13 000 et 15 000, loin des caricatures qui en sont faites. Le Sénat a voulu éviter de provoquer cet « appel d'air » dont il est souvent question.

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L'encouragement à une présence chômée sur le territoire n'est pas tellement satisfaisant non plus, me semble-t-il.

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Merci, Monsieur le rapporteur, pour votre éclairage sur ce texte dont nous n'examinerons qu'une dizaine d'articles concernant l'asile, les visas, la lutte contre les réseaux mafieux de passeurs, le lien avec l'aide publique au développement et la définition des quotas d'étrangers admis au séjour. Je partirai du triste constat qu'il s'agit du vingt-neuvième texte sur l'asile et l'immigration depuis 1980 et qu'il n'échappe pas, surtout dans sa version issue du Sénat, à une part de démagogie et d'inefficacité. Les réformes se sont empilées et il ne va guère éclaircir le maquis normatif.

Mon président de groupe, Boris Vallaud, avait affirmé en décembre dernier que notre politique migratoire accueille mal, intègre mal, protège mal et reconduit mal. Avec mes collègues socialistes et apparentés, nous entrons dans cette discussion, désireux d'avoir un véritable débat, éclairé et constructif. Il convient d'ambitionner un débat honnête, qui s'appuie sur des données objectives et qui tienne compte des désordres géostratégiques, des guerres, du réchauffement climatique avec tous ses facteurs. Nous défendrons des amendements en commission et en séance, afin de ramener le texte à un équilibre plus sain sur un sujet polémique. En attendant, ayant trop de questions, je n'en poserai aucune en particulier au rapporteur.

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Monsieur le rapporteur, entendez-vous répondre aux questions que ne vous a pas posées M. David ?

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Voilà qui rappelle une expression du général de Gaulle !

Je partage totalement ce que vous venez dire : on intègre mal, on accueille mal et on reconduit mal. L'objectif du texte est précisément d'intégrer mieux, d'accueillir mieux et de reconduire mieux.

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Réfléchir à la politique de l'immigration en France implique de considérer plusieurs dimensions : la gestion des frontières, les procédures d'octroi de titre de séjour, l'intégration des titulaires d'un titre de séjour ou d'un statut de réfugié, ainsi que l'application de la loi vis-à-vis de ceux qui ne sont pas présents légitimement sur le territoire. Cette réflexion conduit à s'interroger tout autant sur la définition de notre identité nationale, forgée par une histoire de terre d'accueil, que sur les critères à définir pour réussir l'intégration.

La politique d'immigration est encadrée par une multitude de textes, communautaires et nationaux. Elle est conditionnée par nos engagements internationaux, la conjoncture géopolitique des conflits armés et les crises économiques, et le sera par les impacts du changement climatique. Face à des enjeux de plus en plus globaux, la réponse ne peut pas être seulement française : elle doit associer l'ensemble du continent européen. Heureusement, ce texte sera très bientôt complété par les actes du nouveau pacte européen sur la migration et l'asile, actuellement en négociation.

Le débat sur la politique migratoire est bien trop crucial et complexe pour se limiter à des expressions superficielles ou à des mesures restreintes. Près de trente lois ont été adoptées à l'Assemblée nationale sur ce sujet depuis 1986. Celle-ci changera-t-elle radicalement la donne ? Non car les solutions ne sont pas uniquement législatives. Mais ce texte est essentiel et représente une étape indispensable dans l'évolution de notre politique migratoire. C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés votera en sa faveur. Nous saluons le travail des sénateurs, qui a permis de renforcer considérablement notre arsenal législatif, en particulier grâce au rétablissement du délit de séjour irrégulier et au renforcement du pouvoir d'appréciation des préfets en matière de régularisation.

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Les deux derniers points ne relèvent pas de l'avis de notre commission mais nous aurons l'occasion d'en débattre dans les prochaines semaines.

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La loi visant prétendument à contrôler l'immigration et à améliorer l'intégration est la preuve que la majorité relative a définitivement sombré dans la propagande stérile d'une extrême droite qui fantasme l'immigré comme source de tous les maux de la communauté nationale. Vous allez si loin que vous flirtez désormais avec l'illégalité en droit international. Or si notre commission s'est saisie pour avis de ce texte, c'est bien pour l'examiner sous l'angle international. Il est de notre devoir de le repousser sur cette base-là.

L'article 1er, qui supprime l'aide médicale de l'État, et l'article 19 bis B, qui limite l'accès aux soins de première nécessité des étrangers en situation irrégulière, entravent ce que le troisième paragraphe du préambule de la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé, que nous avons signée, dispose, à savoir : « La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ». Les articles 1er B, C et D durcissent les conditions du regroupement familial, à l'encontre même du troisième paragraphe de l'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, que nous avons signée et dont nous célébrerons le soixante-quinzième anniversaire le 10 décembre prochain.

L'article 14 A, qui légalise la conditionnalité de l'aide publique au développement à la politique migratoire, va à l'encontre de votre propre politique, Monsieur le rapporteur. Le 19 février 2021, dans le cadre du débat sur le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, cinq amendements ont été déposés par la droite pour subordonner l'aide publique au développement à la délivrance de laissez-passer consulaires. Tous ont été rejetés, y compris par votre groupe, la non-conditionnalité de l'aide au développement étant un principe fondamental de la solidarité internationale. Le rapporteur de l'époque, aujourd'hui ministre, et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, l'avaient même dit dans cette salle. D'ailleurs, je note que vous êtes bien meilleurs pour conditionner les aides aux États pauvres que celles aux multinationales françaises : cela a le mérite de la clarté politique.

Pour ces raisons et pour autant d'autres que je n'ai pas le temps de développer, les députés de la gauche démocrate et républicaine vous disent que tout est à jeter dans ce texte. Nous nous y opposerons le plus fermement possible.

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J'espère que vous vous interrogerez sur l'opportunité de voter ce texte si l'Assemblée nationale rétablit l'AME. Sa suppression n'était pas envisagée dans le texte initial et n'a de toute façon pas vocation à y figurer : cette question relève plutôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous sommes opposés à une conditionnalité qui viendrait pénaliser les populations et mettre fin à des projets de développement. En revanche, il existe déjà une forme de conditionnalité au niveau européen. Une partie de l'aide au développement européenne est fléchée vers le développement de capacités migratoires chez nos partenaires, qu'il s'agisse de gestion des frontières, de politiques d'accueil des réfugiés ou du développement de politiques d'asile. Il existe aussi des formes de conditionnalité de la politique de développement avec des pays coopératifs sur les questions migratoires, dans une logique de « more for more ». Ce débat a également lieu en France. Cela n'est pas incompatible avec nos politiques de développement – nationale et européenne – et encore moins illégal. On peut discuter du périmètre ou de l'opportunité de ces mesures mais utiliser des arguments de droit international ne me paraît pas approprié ici.

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Il faudrait peut-être que j'aille en commission du développement durable pour parler de droit international ?

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C'est un débat qui intéresse notre commission, bien sûr, et beaucoup de nos partenaires européens l'ont aussi. Mais la question est plus celle des orientations à donner à nos outils diplomatiques et à notre aide au développement que celle des critères de droit international.

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Nous en venons aux interventions des collègues à titre individuel.

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Les enjeux de ce texte dépassent le seul cadre national, puisqu'il aura des incidences sur nos relations avec certains de nos partenaires. Répondre à la pénurie de main-d'œuvre dans des secteurs cruciaux nécessite des stratégies proactives et réfléchies.

La création d'une carte de séjour d'un an pour les travailleurs dans les métiers en tension constitue une initiative significative pour répondre au besoin urgent de main-d'œuvre. Les échanges avec les pays d'envoi sont fondamentaux pour garantir la compréhension mutuelle des enjeux et des avantages potentiels, ainsi que faciliter la mobilité des travailleurs tout en respectant les intérêts des deux parties. Quel mécanisme est envisagé pour évaluer l'efficacité de cette carte ? Comment s'assurer qu'elle contribue réellement à résoudre la pénurie dans les secteurs concernés ?

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Je ne vais pas vous répondre très précisément, parce que nous nous éloignons des articles desquels la commission est saisie. L'objectif est de proposer, sous certaines conditions, une carte de séjour d'un an pour des secteurs en tension, du point de vue économique comme territorial. Si la validité du titre est limitée à un an, c'est pour pouvoir évaluer son efficacité et éviter les abus. Par ailleurs, les employeurs doivent s'engager à soutenir l'apprentissage du français par le porteur de la carte.

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Je n'ai pas eu dans ma première intervention le temps de saluer le rapporteur pour son travail important et précis, même si je n'en partage pas les conclusions.

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C'est en effet un excellent rapport sur le plan technique.

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Monsieur le rapporteur, comment gérer l'octroi de ces cartes de séjour en fonction de critères locaux ? Refait-on des frontières départementales, régionales ? Comment surveiller quelqu'un dans un espace géographique donné ? Avec de l'intelligence artificielle, un système de positionnement satellitaire de type GPS greffé, des balises ?

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Les régularisations seront effectuées par les préfets, ce qui permet bien de répondre à une logique territoriale. L'une des avancées du texte initial est de donner la possibilité au travailleur lui-même de demander la régularisation auprès des préfectures et de ne plus passer par l'employeur. C'est un gain d'autonomie et d'intégration.

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Ces échanges me remémorent que, dans un village que je connais bien, le maire avait accueilli un Syrien, très sympathique d'ailleurs, qui était prêt à tout faire mais qui n'avait pas le droit de travailler ; les circonstances étaient très déplaisantes pour tout le monde. Il a fini par voir sa situation régularisée. Il est néanmoins paradoxal de devoir répondre à quelqu'un qui a des capacités évidentes et qui souhaite travailler que sa situation ne lui permet que de regarder les trains passer.

Nous avons achevé la discussion générale sur ce projet de loi. Nous nous retrouverons demain matin pour l'examen des amendements.

La séance est levée à 22 h 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, M. Sébastien Chenu, Mme Mireille Clapot, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Alain David, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, M. Philippe Guillemard, M. Meyer Habib, M. Benjamin Haddad, Mme Stéphanie Kochert, M. Jean-Paul Lecoq, M. Didier Parakian, M. Kévin Pfeffer, Mme Béatrice Piron, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Ersilia Soudais, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Frédéric Zgainski

Excusés. - Mme Eléonore Caroit, M. Pierre-Henri Dumont, M. Olivier Faure, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa