La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, et au vote sur deux projets de loi.
La séance est ouverte à 9 h 00
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
Chers collègues, notre ordre du jour appelle ce matin l'examen de deux projets de loi dont nous sommes saisis en vue de la ratification d'un amendement à une convention et de l'approbation d'un accord international.
Le premier de ces textes est le projet de loi autorisant la ratification du protocole d'amendement à la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Mme Ersilia Soudais est notre rapporteure pour ce texte.
En préambule, je rappellerai que la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « convention 108 », signée par la France le 28 janvier 1981, est l'un des très rares instruments juridiques contraignants en la matière. Cinquante-cinq États sont parties à ce traité : les quarante-six États membres du Conseil de l'Europe, ainsi que neuf États tiers (Argentine, Cap-Vert, Maroc, Maurice, Mexique, Russie, Sénégal, Tunisie et Uruguay).
Cette convention et son protocole additionnel nécessitaient d'être modernisés afin de répondre aux nouveaux défis que posent l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, ainsi que l'intensification et la mondialisation des échanges de données à l'ère du numérique, par rapport à la protection de la vie privée et des informations personnelles. Le protocole d'amendement signé par la France le 10 octobre 2018, dont le projet de loi en discussion vise à autoriser la ratification, a justement cette ambition, à telle enseigne que sa signature a conduit à requalifier la convention révisée en « convention 108 + ».
Pour faire bref, ce texte a un double objectif : renforcer le rôle des autorités de contrôle nationales – la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), en France – et les garanties de mise en œuvre des protections prévues par la convention.
Notre commission a été saisie du projet de loi autorisant la ratification du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « convention 108 ».
L'Assemblée nationale en débat après le Sénat, qui a adopté le projet de loi le 13 juillet 2021. Le protocole vise à moderniser une convention qui a été pionnière : elle est devenue, en 1981, le premier instrument juridique contraignant dans le domaine de la protection des données personnelles – et elle reste le seul à ce jour.
La convention, qui compte cinquante-cinq États parties, nécessite d'être modernisée, afin de répondre aux nouveaux défis que posent l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, ainsi que l'intensification des échanges de données personnelles à l'échelle internationale. Ces évolutions ont pu donner lieu à des coopérations mais elles ont aussi suscité des scandales, à la fois nationaux et internationaux : fuite de données ayant impliqué Facebook et la société Cambridge Analytica en 2016 ; recoupements de données de la caisse d'allocations familiales (CAF) pour détecter le profil de potentiels fraudeurs ; soupçons formulés par des organisations non gouvernementales (ONG) à propos de Doctissimo, qui aurait partagé des données confidentielles sur des plateformes, notamment américaines.
Une fois le protocole entré en vigueur, la nouvelle convention portera le nom de convention 108 +. À ce jour, le protocole, dit protocole 223, compte quarante-quatre États signataires, et dix-sept l'ont déjà ratifié.
Sans entrer dans le détail, ni de la convention, ni des modifications que le protocole va y apporter, je souhaite m'arrêter sur les enjeux qui me paraissent essentiels.
Tout d'abord, on peut saluer un effort de modernisation et de consolidation du droit. Le protocole s'inscrit lui-même dans une dynamique juridique. En effet, plusieurs outils ont été élaborés ces dernières années, notamment par l'Union européenne, pour fournir un cadre juridique au numérique. Comme vous le savez, le règlement général sur la protection des données (RGPD) a été adopté en 2016, de même que la directive dite police-justice. La convention 108 et son protocole additionnel reposent sur les mêmes principes que ces deux textes, parmi lesquels on peut citer : le principe de finalité ; le principe de proportionnalité et de pertinence ; le principe d'une durée de conservation limitée des données ; le respect des droits des personnes, notamment le droit d'accès aux données, le droit de rectification et le droit à l'effacement.
L'entrée en vigueur de la convention 108 + modernisée va donc consolider l'édifice juridique européen, avec une vocation extra-européenne qu'il faut souligner. En effet, la portée de la convention et du protocole dépasse le cadre régional du Conseil de l'Europe et de ses membres, puisque cinq États tiers ont déjà signé le protocole 223.
Parmi les principales modifications introduites par le protocole, on peut citer le renforcement des exigences relatives au principe de proportionnalité et de minimisation des données et à celui de licéité du traitement, ainsi que de nouveaux droits accordés aux personnes dans le contexte de prises de décision basées sur des algorithmes, l'élargissement de la catégorie des données sensibles, qui comprend désormais les données génétiques et biométriques, ainsi que celles relatives à l'appartenance à un syndicat et à l'origine ethnique, ou encore un renforcement des pouvoirs et de l'indépendance des autorités de protection des données, ainsi que des bases légales nécessaires à la coopération internationale.
Le protocole introduit également de nouvelles procédures d'évaluation et d'examen de la convention, autour notamment d'un comité consultatif appelé à devenir comité conventionnel et dont les pouvoirs vont être étendus afin de favoriser la bonne application de la convention.
Je souhaite à présent attirer votre attention sur l'application de la convention, du point de vue des acteurs, spécialisés ou non dans le numérique, qui doivent veiller au quotidien au respect des règles protégeant les données personnelles. Cette question dépasse en pratique le seul champ de la convention 108 et du protocole 223 et concerne l'ensemble des textes partageant cet objectif, à commencer par le RGPD.
D'un côté, comme le souligne l'étude d'impact, l'entrée en vigueur de la convention 108 modernisée ne devrait pas nécessiter de mesures d'adaptation supplémentaires dans le droit national, dans la mesure où des modifications ont déjà été effectuées ces dernières années pour assurer sa conformité au RGPD et à la directive police-justice, notamment en modifiant la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés ». Ce sont également les dispositions de la loi informatique et libertés qui devront permettre à la France de prévoir quelques exceptions à l'application de la convention dans le domaine de la sécurité nationale et de la défense. Ces exceptions sont admises par la convention en son article 11, à la condition d'être prévues par la loi et de respecter l'essence des droits et libertés fondamentales tout en étant nécessaires et proportionnées dans une société démocratique.
D'un autre côté, la mise en œuvre de tous ces outils juridiques implique de nouvelles missions pour une série d'acteurs et une charge de travail parfois difficile à absorber. C'est notamment le cas des acteurs publics, qui ne disposent pas de moyens comparables à ceux des GAFAM et des autres géants du secteur. Je pense en particulier à la CNIL : puisqu'elle jouera le rôle d'autorité de contrôle au sens de la convention, elle sera sollicitée lorsque la France sera évaluée et elle participera toute l'année aux travaux du comité conventionnel. La CNIL est également concernée par le chapitre IV de la nouvelle convention, qui porte sur l'entraide entre les États parties. Elle a en effet été désignée pour mettre en œuvre ce pan de la convention du côté français, ce qui se traduira par des échanges accrus avec ses homologues.
Si le budget de la CNIL est passé de 17,7 millions d'euros en 2018 à 24,3 millions en 2022, pour tenir compte des nouvelles missions liées à l'application du RGPD, ses moyens humains restent insuffisants. Faute de moyens, elle pourrait avoir des difficultés à remplir certaines de ses missions de contrôle ou à instruire dans des délais restreints des volumes de plaintes très importants.
Nous devons être d'autant plus vigilants que de nouvelles législations européennes vont entrer en vigueur dans le domaine du numérique dans les années à venir – le Digital Services Act (DSA), le Data Governance Act ou encore l' Artificial Intelligence Act –, qui seront de nature à créer de nouvelles missions pour la CNIL.
Ces inquiétudes ne valent pas que pour les acteurs spécialisés, mais aussi pour l'ensemble des usagers, qui sont également concernés par l'évolution et l'application des réglementations. J'ai choisi d'illustrer ce problème en évoquant un secteur que je connais bien : l'éducation nationale. Si des efforts ont été engagés en matière de formation des personnels au – et par – le numérique, il y a encore une marge de progression. La plateforme M@gistère, par exemple, a pour inconvénient de proposer essentiellement de l'auto-formation et d'être encore trop peu connue des enseignants.
De même, des postes de délégués à la protection des données ont été créés et un comité d'éthique pour les données d'éducation a été institué afin de développer la réflexion sur les aspects éthiques de l'utilisation des données d'éducation, mais cela reste opaque pour les personnels. On note les mêmes insuffisances, s'agissant de la formation des élèves. Elle est cruciale pour lutter contre les inégalités et la fracture numériques et elle revêt une importante dimension citoyenne. Néanmoins, la plateforme Pix met davantage l'accent sur la certification que sur la formation. La protection des données personnelles s'appuie sur des principes généraux mais elle doit aussi tenir compte des spécificités des différents secteurs. C'est en ce sens qu'une réflexion a été lancée pour élaborer un code de conduite visant à une bonne application du RGPD par la filière EdTech, qui réunit les start-up évoluant dans le numérique appliqué à l'éducation, l'enseignement supérieur et la formation professionnelle.
Les cas de la CNIL et de l'éducation nationale ne sont que deux exemples parmi d'autres. Ils montrent que la consolidation des règles juridiques en matière de protection des données personnelles doit s'accompagner d'une vigilance accrue quant aux capacités de mise en œuvre de ces règles par les acteurs concernés. Si nous n'y veillons pas, tout le dispositif risque d'être fragilisé et, avec lui, l'influence et la crédibilité de l'Europe dans un secteur qui reste dominé par les entreprises américaines et chinoises, dont la vigilance en matière de données personnelles est loin d'être toujours garantie.
Sous ces réserves, je vous invite à voter en faveur de la ratification de ce protocole.
L'Union européenne a été pionnière en matière de protection des données personnelles, avec le RGPD de 2016. La France, qui s'était déjà dotée, en 1978, d'une loi relative à l'informatique et aux libertés, l'a modifiée en 2018 pour prendre en compte le RGPD et la directive police-justice.
Dans le protocole qui nous est soumis, le périmètre géographique s'élargit au-delà de l'Union européenne, puisqu'il concerne le Conseil de l'Europe, et même des États tiers. La convention 108, ce sont cinquante-cinq États parties, et le protocole additionnel, quarante-quatre. Le protocole 223 adapte la loi au traitement, automatisé ou non, de données personnelles, précise le périmètre des données dites sensibles – données génétiques, biométriques, appartenance à un syndicat – et renforce les obligations des responsables de traitement de données et le pouvoir des autorités de contrôle.
Des audits relatifs aux applications accessibles via Facebook ont révélé que les 500 applications les plus téléchargées ont pu avoir accès aux photos, vidéos, descriptions, activités, événements, groupes, centres d'intérêt, likes, relations, statuts de 200 millions d'utilisateurs et de leurs amis ; de son côté, Yahoo aurait eu accès aux données d'au moins 123 millions d'utilisateurs sans aucune garantie quant à leur consentement. Ces données sont une mine d'or pour les annonceurs publicitaires. Rappelons-nous l'adage : « Si c'est gratuit, c'est vous le produit ». En l'occurrence, ce sont vos données.
Madame la rapporteure, vous avez évoqué le scandale qui a entouré Facebook et Cambridge Analytica : on a découvert à cette occasion que les données personnelles collectées à partir des réseaux sociaux de citoyens anglais, australiens et de 85 millions d'Américains avaient été utilisées pour mener des campagnes d'influence et de désinformation massive, qui ont eu un impact sur le cours de l'élection présidentielle américaine et la campagne du référendum sur le Brexit.
La donnée est à la fois un enjeu commercial et un outil de désinformation. Ce texte nous donne l'occasion de réaffirmer notre attachement aux valeurs européennes, par opposition à d'autres modèles. Nous voterons évidemment pour la ratification de ce protocole protecteur. Madame la rapporteure, pouvez-vous nous dire un mot du Data Governance Act et le Data Act, qui favorisent le partage des données et libèrent le potentiel de celles-ci ?
La protection des données à caractère personnel est un enjeu majeur de sécurité et de souveraineté. Avec la numérisation de notre économie, l'essentiel des données numériques des Français est concentré dans les mains de quelques grandes entreprises présentes pour l'essentiel aux États-Unis, les GAFAM. Ces données personnelles sont à la disposition d'intérêts privés ; elles échappent à tout contrôle national, au risque d'être exploitées par des puissances étrangères à des fins économiques et géopolitiques.
Consciente de cette vulnérabilité, la Chine impose d'ores et déjà un contrôle strict des flux de données sortant de son territoire en bannissant toute entreprise, toute organisation ou tout réseau social susceptible de causer la fuite de données personnelles chinoises. Si le modèle chinois est excessif et constitue une menace pour les libertés, le rétablissement d'une souveraineté numérique à la française s'impose. Le Rassemblement national souhaite que les données des Français soient dorénavant hébergées par des entreprises françaises ou européennes, obligatoirement implantées en France ou dans l'Union. Le rachat des entreprises du numérique françaises par des groupes non-européens doit être limité, afin d'éviter tout transfert massif de données ou de technologies relatives à leur traitement
Le problème sous-jacent – et transversal – est l'extraterritorialité du droit américain. En effet, de nombreuses dispositions du droit américain peuvent être appliquées hors des frontières des États-Unis, à des personnes physiques ou morales, dans des pays tiers. Cela donne la possibilité aux juges américains d'engager des poursuites dans certains domaines, dont le droit de la concurrence et même la surveillance des données du monde entier, avec le Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act (Cloud Act). Les entreprises européennes sont trop souvent sanctionnées par la justice américaine, qui leur ponctionne des milliards, au seul motif qu'elles effectuent, par exemple, des transactions en dollars avec des pays mis au ban. Il est urgent d'adopter des mesures protégeant nos intérêts : l'État américain a trop tendance à oublier qu'il existe un droit international.
De plus, soucieux de préserver les libertés des Français, nous souhaitons mettre fin à la censure qui sévit sur les réseaux sociaux. La modération est entre les mains d'algorithmes teintés d'idéologie, alors que cette attribution devrait revenir aux tribunaux français. De même, il n'est pas acceptable que certains citoyens se voient bannis des réseaux sociaux, ce qui est l'équivalent d'une mort sociale, au motif qu'ils ne partagent pas la ligne politique ou idéologique de quelques milliardaires désireux d'orienter l'opinion mondiale. Il est temps de créer un réseau social public, libre et gratuit.
La ratification du protocole d'amendement à la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel reste une avancée timide ; elle est très insuffisante, au regard des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Si nous déplorons ses carences, nous ne nous opposerons toutefois pas à sa ratification.
Notre droit peine parfois à s'adapter aux évolutions technologiques, qui vont très vite et qui peuvent être la source de grands bouleversements, comme d'opportunités fabuleuses. L'utilisation des données a beaucoup évolué, sans qu'on prenne bien la mesure de ces changements.
Les données sont partout, constamment en train de se créer, de s'échanger, de s'analyser : elles sont devenues le nouvel or noir. L'Union européenne a su être aux avant-postes pour faire émerger une politique ambitieuse en matière de protection des données et surtout de protection de nos concitoyens européens, qui peuvent désormais, grâce au RGPD, récupérer leurs datas quand ils le souhaitent, ou en limiter le traitement. Nous ne pouvons donc que nous réjouir qu'à l'échelle du Conseil de l'Europe, une garantie supplémentaire soit introduite pour assurer la protection des consommateurs européens, et même au-delà : la convention 108 a été signée par-delà notre continent, ce qui prouve que ses règles sont sécurisantes.
Le protocole 223 apportera les changements qui s'imposent pour nous adapter aux évolutions technologiques mais aussi à l'internationalisation de l'échange des données. En ce sens, la redéfinition des principes de protection, ainsi que la suppression de la référence au territoire de l'État comme espace de protection sont des avancées notables.
De même, le renforcement des obligations en matière de traitement des données, notamment une plus grande transparence, l'obligation de notifier les violations des données ou encore l'établissement d'un régime clair des flux transfrontaliers, viendront compléter efficacement la réglementation communautaire. Cette protection sera d'autant plus effective que ce protocole introduit une autorité de contrôle à même d'aider les États à appliquer ces règles vertueuses.
Enfin, ce texte nous amène malgré tout à questionner l'efficacité de la protection des données à l'occasion d'échanges transfrontaliers. Dans un arrêt de 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a invalidé le Privacy shield, un accord qui permettait de transférer des données entre l'Union et les États-Unis, faute de protections suffisantes de nos datas, face à une politique américaine trop extensive. Notre commission doit se pencher sur ces enjeux essentiels pour notre souveraineté et celle de l'Europe. Quoi qu'il en soit, le groupe Démocrate soutiendra évidemment ce texte, qui constitue une avancée importante.
La convention 108, que le protocole 223 tend à compléter, est le premier instrument juridique véritablement contraignant sur ce sujet délicat de la protection des données personnelles et de leur traitement automatisé et informatique. L'importance de cette question a été démontrée de façon spectaculaire par des affaires récentes, qui ont déjà été évoquées : l'élection de Donald Trump ou les soupçons pesant sur Doctolib, par exemple.
Il importe effectivement de prêter une attention accrue aux acteurs qui seront amenés à assurer la mise en œuvre des règles de droit encadrant le secteur du numérique, tout particulièrement les acteurs publics, qui ne bénéficient pas de moyens équivalents à ceux des grandes entreprises du secteur.
Avec mes collègues du groupe des députés socialistes et apparentés, nous notons que ce protocole est parfaitement compatible avec notre droit national et les autres règlements de l'Union européenne en la matière. Nous voterons ce texte de ratification, qui constitue un indéniable progrès.
Le protocole d'amendement qui nous est soumis est essentiel. Il va moderniser la convention 108 pour nous permettre de faire face à des évolutions technologiques majeures, à l'heure où nos concitoyens s'inquiètent de l'usage que les géants du numérique font de leurs données. Ce protocole marque clairement le lien qui existe entre la protection des données et l'ensemble des libertés fondamentales protégées par la convention européenne des droits de l'Homme. Ce lien est primordial : sans la protection des données, ce sont toutes les libertés publiques qui pourraient être menacées.
Ce protocole s'articulera sans difficulté avec notre droit interne. En effet, les nouvelles prérogatives qui sont accordées aux autorités de contrôle sont déjà, pour l'essentiel, celles qu'assume la CNIL en France. Au niveau européen, cette convention consacre des principes déjà établis dans le RGPD. Le fait que ces principes soient adoptés par les pays du Conseil de l'Europe et, plus largement, à l'international, montre une nouvelle fois la capacité du marché européen à exporter ses normes par consensus, au-delà de ses frontières. Enfin, à ceux qui s'inquiéteraient de voir cet outil de libéralisation des flux de données limiter la capacité des États à contrôler les données des personnes pour des raisons de sécurité et de défense, le protocole d'amendement prévoit de nombreuses garanties, qui paraissent suffisamment protectrices des libertés de chacun. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera ce projet de loi de ratification.
La convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé et son protocole additionnel nécessitent d'être modernisés afin de répondre aux nouveaux défis que posent l'utilisation des nouvelles technologies, ainsi que l'intensification et la mondialisation des échanges de données personnelles. Il est impossible pour moi, en ce mois d'octobre rose, qui marque la lutte contre le cancer du sein, de ne pas poser la question du risque particulier que posent le stockage des données personnelles et leur pillage pour la protection du droit à l'oubli des survivants du cancer.
Cette convention est le premier et le seul instrument international juridique contraignant existant à ce jour. Le projet de loi de ratification intègre notamment les grands principes du RGPD et de la directive « police-justice ». Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera ce projet de loi, afin de garantir une plus grande protection des données personnelles de nos concitoyens.
Notre groupe espère que la ratification de ce texte permettra de diffuser le modèle européen en matière de protection des données mais également de renforcer notre culture du respect des données personnelles et de leur protection, qui présente encore des lacunes. Je pense notamment à la culture juridique de nos administrations et entreprises. L'une des recommandations de Mme la rapporteure est d'accorder plus de moyens, notamment humains, à la CNIL, pour qu'elle puisse remplir pleinement sa mission. Ce sera d'autant plus nécessaire que le renforcement des autorités de contrôle nationales prévu par le protocole 223 lui attribuera de nouvelles missions.
La protection des données est un enjeu fondamental pour nos libertés, pour nos finances et pour notre souveraineté. Je n'ai pas de remarque particulière à faire sur la convention mais j'aimerais tout de même interroger la rapporteure sur cette phrase, qui figure à l'article 22, alinéa 4 : « Toute partie qui n'est pas membre du Conseil de l'Europe contribuera au financement des activités du comité conventionnel ». Il ne faudrait pas faire comme dans l'Organisation mondiale de la santé (OMS), où l'on intègre des parties, qui financent l'organisation et finissent par l'influencer. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?
Ce qui me frappe, c'est l'écart entre l'ambition affichée par les textes de loi, qui se multiplient, et la pratique. On a parlé de Doctolib et du danger qui pèse sur nos données de santé ; quand on voit la manière dont les autorités publiques françaises collaborent avec des entreprises américaines pour gérer nos systèmes informatiques, y compris ceux du ministère de la défense, il y a aussi de quoi s'inquiéter.
Madame la rapporteure, vous avez raison de poser la question des moyens de la CNIL. J'appelle aussi votre attention sur l'articulation entre la CNIL et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), et sur la nécessité de surveiller les GAFAM, qui peuvent exercer une véritable influence et aller jusqu'à censurer certaines personnalités.
Je me demande aussi ce qu'il reste de l'expertise nationale. Au fil du temps, on a de plus en plus délégué cette question à l'Union européenne, qui la gère au travers de grandes directives, et qui négocie ensuite avec les États-Unis. Vous êtes tous au courant du bras de fer qui oppose les GAFAM et la Commission européenne au sujet de l'application du RGPD et du contrôle de ces fameuses entreprises américaines. Une âpre négociation a eu lieu entre Joe Biden et Ursula von der Leyen et, pour l'instant, la Commission s'est couchée, même si la négociation continue.
Monsieur le président, notre commission ne pourrait-elle pas produire un rapport sur ce secteur où les GAFAM, par leur rapidité d'action et leur puissance, devancent très largement la réaction des États et même de la Commission européenne ? Il importe que notre nation ne délègue pas tout à l'Union européenne, qui est elle-même très dépendante des États-Unis. Il y va de notre souveraineté, de notre capacité financière et de la liberté de nos concitoyens.
Le Data Act et le Data Government Act sont des règlements européens, qui ont été adoptés en 2022 mais qui entreront en vigueur en septembre 2023. Ils ne concernent que les pays membres de l'Union européenne, alors que la convention 108 a une vocation beaucoup plus large. Mais cela ne veut pas dire que le Data Act et le Data Government Act n'ont pas vocation à faire des émules !
Monsieur Falcon, vous avez parlé des milliardaires qui censurent certains de nos concitoyens sur les réseaux sociaux. Il est vrai que cela devrait rester du ressort des tribunaux. Mais veillons aussi à ce que la presse elle-même reste protégée des milliardaires. Défendons notre service public de l'information.
Globalement, nous sommes tous d'accord pour dire que ce texte, qui va renforcer la protection des données, est une bonne chose. Mais je vous invite à être très vigilants lors de l'examen du PLF. La CNIL a clairement exprimé son inquiétude et il faut veiller à lui donner des moyens suffisants pour qu'elle puisse remplir toutes ses missions. Faire des traités, c'est bien, mais avoir les moyens de les appliquer, c'est mieux.
Une loi du 28 février 2022 consacre le droit à l'oubli dans le domaine de l'assurance emprunteur pour les personnes ayant souffert d'un cancer. Il y a encore des progrès à faire concernant les données, qui peuvent fuiter à l'international.
Je veux enfin rassurer M. Dupont-Aignan, qui s'est inquiété de possibles ingérences dans le comité conventionnel : chaque État partie y dispose d'une voix indépendamment de son financement, contrairement à ce qui peut se passer à l'OMS.
Je dois dire que je suis saisi d'un vertige quand je considère l'ampleur du problème posé. Saurons-nous trouver un équilibre entre la nécessaire protection des données et l'absence de contraintes bureaucratiques trop lourdes ? Il me semble, mais je ne suis pas connaisseur de ces questions, que nous sommes encore loin d'avoir trouvé une solution optimale.
Je vous félicite, madame la rapporteure, pour cet excellent travail. Votre rapport est de ceux que l'on conserve, bien après le vote de la loi.
Article unique (autorisation de la ratification du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel)
La commission adopte l' article unique non modifié.
L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
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Dans un contexte de menace terroriste extrême, illustré notamment par les attentats de janvier et novembre 2015, les autorités françaises et britanniques sont convenues de la nécessité de renforcer la sûreté maritime dans la Manche, afin de réduire la vulnérabilité des navires à passagers.
Le Premier ministre français a autorisé, le 14 avril 2016, le déploiement d'agents armés de l'État à bord des navires battant pavillon national. En l'absence de convention passée avec les autorités du Royaume-Uni, ces agents devaient cesser leur mission lors de l'entrée des navires dans les eaux sous souveraineté britannique. Pour leur permettre de poursuivre leur mission pendant la totalité du transit, un arrangement technique a d'abord été conclu entre le ministère des armées et le Home Office en décembre 2016. Lors du sommet de Sandhurst en janvier 2018, les autorités politiques françaises et britanniques ont annoncé un projet plus large d'accord intergouvernemental de sûreté maritime et portuaire, destinée à renforcer la protection des navires à passagers sur la Manche.
C'est l'approbation de cet accord, signé le 26 juillet 2021 après plusieurs années de négociations, que le projet de loi vise à autoriser.
Nous sommes saisis d'un projet de loi portant sur un accord franco-britannique signé le 26 juillet 2021 à Paris. Cet accord concerne la coopération en matière de sûreté maritime et portuaire s'agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche.
Je présenterai tout d'abord la zone géographique et les compagnies concernées par l'accord, avant d'analyser son contenu et ses conséquences concrètes.
La zone concernée par cet accord est vaste, puisqu'elle comprend des eaux françaises et britanniques mais recouvre aussi des zones situées en haute mer. En France, les navires effectuant les liaisons transmanche embarquent et débarquent dans onze ports français : Dunkerque, Calais, Dieppe, Le Havre, Caen, Cherbourg, Diélette, Bartheville-Carteret, Granville, Saint-Malo et Roscoff. L'accord porte spécifiquement sur les navires qui accueillent plus de douze passagers. Parmi les sept compagnies concernées, j'ai pu auditionner DFDS Seaways SAS.
Ce texte traite d'un sujet essentiel, malheureusement d'actualité avec le procès de l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 : la lutte contre le terrorisme. Nous avons tous à l'esprit les attentats perpétrés sur le territoire français, dont le bilan humain depuis 2012 est extrêmement lourd, avec 271 morts et 1 200 blessés. Le Royaume-Uni a été touché lui aussi. Seize attentats, dont celui de la Manchester Arena, qui a fait 22 morts et 139 blessés le 23 mai 2017, ont été perpétrés sur le territoire.
La menace terroriste reste élevée dans nos deux pays. Comme vous le savez, la menace porte désormais moins sur une attaque de grande ampleur organisée depuis l'étranger, et davantage sur des actes commis par des individus isolés, souvent autoradicalisés.
Dans un tel contexte, il est essentiel de s'intéresser aux navires qui traversent la Manche. On me l'a dit en audition : « un ferry peut faire un Bataclan et avec une difficulté supplémentaire pour intervenir rapidement : l'accès au navire ».
Or, les liaisons transmanche accueillent un nombre très élevé de passagers. En 2019, avant la crise sanitaire, on comptait 14,31 millions de passagers dans la Manche et en mer du Nord, dont 8,5 millions transitaient par Calais. On devrait revenir à des chiffres similaires d'ici 2023. De plus, les flux de passagers augmenteront nécessairement avec les grands événements sportifs qui se tiendront bientôt en France, la coupe du monde de rugby à l'automne 2023 et les Jeux olympiques à l'été 2024.
Les ferries doivent donc disposer d'équipes pour assurer la sécurité des passagers et des équipages. Depuis 2016, des équipes de protection de navires à passagers (EPNAP), à l'efficacité reconnue, sont déployées à bord des navires battant pavillon français. L'arrangement technique, signé par la France et le Royaume-Uni le 9 décembre 2016, qui inclut les eaux britanniques, a toujours eu vocation à être transitoire. Il ne concerne que les EPNAP françaises et apparaît juridiquement incomplet.
L'accord signé par la France et le Royaume-Uni le 26 juillet 2021 est composé d'un préambule et de dix-huit articles. La coopération bilatérale dispose ainsi d'un cadre juridique beaucoup plus précis et complet mais aussi de nouveaux outils.
L'article 3 précise le champ géographique de l'accord. Les articles 4 à 6 prévoient des échanges d'informations et de bonnes pratiques. L'article 7 prévoit, pour les opérateurs, la possibilité d'utiliser des agents privés non armés, si les parties l'autorisent. Même si les compagnies ne les utilisaient pas jusqu'ici, cet article a le mérite d'encadrer la procédure.
L'article 8 concerne le déploiement d'agents de l'État par une partie dans un navire battant son pavillon. Pour la France, il s'agit des EPNAP, une équipe de gendarmes maritimes, et éventuellement de fusiliers-marins en renfort. Si elles y sont autorisées par les parties, ces équipes peuvent porter des armes et des munitions.
Les articles 9 et 10 traitent des interventions d'urgence. Aux termes de l'article 9, les agents de l'État peuvent « prendre les mesures provisoires nécessaires pour écarter un danger imminent pesant sur la vie ou l'intégrité physique des personnes, en faisant un emploi raisonnable de la force, y compris de leur arme de service, dans les limites fixées par le droit de la partie d'envoi et de l'État côtier ». L'article 10 prévoit quant à lui des opérations de contre-terrorisme maritime avec l'intervention d'unités gouvernementales spécialisées. Enfin, les articles 13 et 14 organisent des priorités de juridiction et le règlement des dommages.
Cet accord est nécessaire pour lutter contre le terrorisme mais il doit être accompagné de moyens supplémentaires. Or, je suis bien placé pour le savoir, le Royaume-Uni peut se montrer décevant quand il doit passer à l'action. À l'automne 2020, j'avais présenté un avis budgétaire sur la situation migratoire dans la Manche et sur l'insuffisante participation du Royaume-Uni sur le sujet. Les autorités britanniques font preuve du même immobilisme lorsqu'il s'agit de faire cesser le déversement d'eaux usées dans la Manche, un scandale écologique. Ma circonscription n'est pas la seule à être concernées par les conséquences considérables de ce déversement, à la fois sur la pêche et sur la qualité de vie des Français qui vivent près de la côte.
Dans le cadre de cet accord, le Royaume-Uni doit rattraper son retard en déployant des agents d'État sur les navires, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. Pour sa part, la France doit augmenter la fréquence de déploiement des EPNAP, notamment lors des pics touristiques.
Même si la mise en place de moyens supplémentaires n'est pas garantie, l'accord est indispensable car il contribue à renforcer la sécurité des passagers. Je vous invite à voter sans réserve en faveur de son approbation. Déjà approuvé par le Parlement britannique, il sera officiellement ratifié par le Royaume-Uni dès la transmission par la France d'une note d'achèvement des procédures.
Cet accord représente une avancée indéniable dans la coopération franco-britannique en matière de sécurité, un domaine où le partenariat entre nos deux pays a acquis ces dernières années une nouvelle ampleur. Je pense notamment au traité de Lancaster House, signé en 2010. Il témoigne de la confiance mutuelle qui existe de part et d'autre de la Manche. Cet accord est aussi un geste diplomatique fort puisqu'il intervient dans le contexte récent du Brexit.
L'accord aura des retombées concrètes. Il vient pérenniser un dispositif mis en place en 2016, que la menace terroriste grandissante a rendu plus que nécessaire. Plus de 14 millions de personnes empruntent chaque année le canal de la Manche et la mer du Nord. Alors que le terrorisme a évolué, touchant plus souvent des espaces publics avec beaucoup de passages, tels les gares ou les ports, ce traité assure une meilleure coordination opérationnelle entre les forces françaises et britanniques et leur permet d'agir sur les eaux de chaque État. Espérons qu'il essaimera et que d'autres accords se noueront avec des pays alliés, pour plus de sécurité. Le groupe Renaissance votera sans réserve en faveur de ce texte.
Tout a été dit sur les enjeux de cet accord, à la fois opérationnel, diplomatique et juridique ; on ne peut que saluer la volonté de nos deux pays de faire front commun sur ces questions.
Le risque que des actes terroristes soient perpétrés sur des navires ou dans des zones portuaires existe bel et bien. Force est de constater que si nous sommes obligés, aujourd'hui, de sécuriser tous les lieux sensibles ou symboliques, c'est parce que les individus susceptibles de commettre ces actes criminels ou terroristes circulent en parfaite liberté et en toute impunité.
L'actualité, malheureusement, l'a montré : nos centres-villes sont le théâtre de scènes dignes du Far-West, où les trafiquants règlent leurs comptes et défendent leur territoire avec des armes de guerre. Quand on sait la porosité des barrières entre les différents milieux, on ne peut qu'être sur ses gardes : ces mêmes armes pourraient se retrouver entre les mains de terroristes. Nous pouvons d'ailleurs nous estimer chanceux qu'aucun acte terroriste n'a été commis en ces lieux !
Finalement, le grand marché européen et la libre circulation des biens et des personnes aura donné aux terroristes toute liberté pour occuper nos territoires et s'y approvisionner en armes et en explosifs. Par contre, pour les honnêtes gens qui veulent voyager, prendre l'avion ou visiter la tour Eiffel, il n'y a jamais eu autant de contraintes !
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, il y a une vie après l'Union européenne. Nos amis grands-bretons en sont la preuve. L'Europe n'a jamais été aussi vulnérable que depuis qu'elle a ouvert ses frontières et dérégulé ses marchés. Elle s'est convertie idéologiquement aux politiques libérales, pour le plus grand bénéfice de ses concurrents. Il y a quarante ans, il s'agissait de freiner l'interventionnisme de l'État. Aujourd'hui, on le voit bien avec cet accord intergouvernemental, ce sont les États qui doivent organiser la prévention et la riposte contre ceux qui veulent nous nuire.
Nous avons étudié avec attention ce projet de loi et nous sommes d'accord sur la nécessité de légiférer sur les questions de sécurité maritime. La question est complexe, surtout lorsqu'il s'agit de construire du droit entre des pays aux cultures juridiques éloignées, qui plus est dans le contexte post-Brexit.
Les questions relatives à l'antiterrorisme nous intéressent. Nous y avons consacré un livret, au sein duquel nous défendons une lutte antiterroriste qui réponde à la raison, en renforçant les moyens en personnel et en matériels des services, en insistant sur la prévention et le renseignement humain.
Nous souhaitons quelques éclaircissements et attirons votre attention sur deux points.
Celui de la sécurité privée, d'abord. Nous regrettons que l'État se désengage de ses missions régaliennes et qu'une place toujours plus grande soit donnée au privé dans ce que vous appelez le « continuum de sécurité » ou encore le « cœur de métier ». Nous pensons qu'il faut délimiter de manière stricte le champ de la sécurité privée. Dans les articles 7, sur le déploiement d'agents privés, et 9, sur l'intervention en situation d'urgence des agents privés, la question de la formation se pose, compte tenu de la complexité du droit maritime. Pouvez-vous garantir que les entreprises privées forment bien leurs agents ? Prévoyez-vous des moyens de contrôle au niveau de la formation ? Par ailleurs, que se passera-t-il en cas de plainte envers des agents privés ? Des structures existent pour les forces de police, dont nous voudrions qu'elles soient indépendantes. Quid des agents du privé ?
En second lieu, l'objet de cet accord est-il uniquement de lutter contre le terrorisme ? Dans la mesure où il fait office de laboratoire juridique, n'existe-t-il pas un risque de le voir s'étendre aux questions migratoires ?
Il était de tradition, autrefois, de remercier le rapporteur pour la qualité de ses travaux. Je pense qu'il s'agit, de la part de nos collègues, d'un simple oubli.
Il ne nous a pas échappé que des actes de terrorisme pourraient être commis sur des navires à passagers ; mais ces bateaux peuvent aussi transférer des personnes mal intentionnées d'un pays à l'autre. J'imagine que ces dernières ne prennent pas forcément les lignes régulières pour aller accomplir leurs basses besognes dans le pays situé en face. Qu'en est-il des navires transportant moins de douze passagers ? Des contrôles peuvent-ils y être effectués ?
Alors que nous ne connaissons que trop bien les conséquences du manque d'échange d'informations et de collaboration entre les pays, nous devons nous féliciter de la signature d'un tel accord.
La coopération avec le Royaume-Uni prend d'autant plus de sens que nos pays ont été les cibles du terrorisme par le passé et qu'ils continuent d'être régulièrement menacés. Cet accord est essentiel car 14 millions de personnes environ empruntent chaque année les ferries transmanche.
Nos deux pays ayant connu ces dernières années une relation plutôt instable, je tiens à saluer la volonté de nos gouvernements de continuer à faire avancer ces dossiers essentiels, marqueurs d'une confiance imperméable aux aléas.
L'arrangement technique conclu en 2016 comportait plusieurs flous juridiques, ce qui ne garantissait pas parfaitement la sécurité des passagers et des agents. La définition d'un cadre clair pour l'exécution des missions de police mais surtout la définition précise des situations d'urgence dans lesquelles ces agents sont amenés à intervenir en dehors de leur juridiction représentent autant de minuties juridiques qui permettent aux agents français et britanniques de garantir la sécurité des passagers en toute sérénité. Cet accord permettra au Royaume-Uni d'assurer lui aussi la sécurité des navires battant son pavillon, ce qui est une avancée très concrète.
Espérons que nos voisins prendront toute la mesure de la charge qui leur incombe, afin de garantir la sécurité de tous et de faire de cet accord un modèle. Comme vous le rappelez dans votre rapport, il n'existe pas de traité comparable, dans lequel deux pays auraient poussé aussi loin la précision technique concernant leur coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Conclure d'autres accords de ce type, avec l'Italie par exemple, serait une avancée. Nous pourrions aussi envisager la définition d'un cadre précis au niveau européen, dans le même domaine.
Je salue à mon tour l'implication du rapporteur. L'objet de cet accord est d'apporter une meilleure sécurité juridique que l'accord de 2016. Vous insistez, à juste titre, sur la menace terroriste présente de part et d'autre de la Manche. Je rappelle qu'au Royaume-Uni, seize attentats ont été commis et huit attaques déjouées depuis 2015 ; les attentats en France ont été largement plus meurtriers et 70 autres attaques ont été déjouées depuis 2012.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés partagent l'analyse du rapporteur sur la nécessité d'accompagner le cadre juridique de vrais moyens d'action – cela ne sera pas simple, tant les finances du Royaume-Uni sont l'objet de vives tensions – et ils voteront ce texte.
De nombreux dispositifs font désormais partie de notre vie quotidienne, à l'instar du plan Vigipirate qui illustre l'engagement constant des femmes et des hommes qui composent nos forces armées. Vivre en sécurité demeure l'une des priorités de nos concitoyens. Parmi les réponses que nous pouvons apporter, celles qui ont trait à la sécurité des espaces transfrontaliers, dont la très dynamique zone maritime de la Manche, sont fondamentales.
Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cet accord, qui permet d'assurer au mieux la protection des personnes transportées sur les navires. Il serait en effet inadmissible de limiter l'action des agents de sécurité privée ou d'État en pleine mer, au gré de la situation géographique du navire. Comme l'a indiqué le Conseil d'État, l'accord assure un juste équilibre : l'intervention des autorités britanniques est bien encadrée, limitée dans l'espace et dans le temps ; les autorités maritimes et portuaires françaises peuvent intervenir rapidement en cas d'acte illicite.
Enfin, à l'heure où le Brexit rend difficiles les relations diplomatiques entre la France et le Royaume-Uni, notamment sur la pêche, cet accord montre qu'un consensus est possible entre nos deux pays. C'est donc un signal positif pour les négociations futures.
Je vous remercie pour votre travail, monsieur le rapporteur, qui va dans le sens d'une coopération beaucoup plus forte avec nos voisins britanniques. Il est primordial d'assurer la sécurité des passagers des navires traversant la Manche et cet accord va dans le bon sens.
Votre rapport contient une courte analyse de l'état de la menace terroriste en France et au Royaume-Uni. Nos services de police et de renseignement font un travail remarquable pour empêcher de nouvelles attaques. Il me semble toutefois nécessaire de mettre en avant, comme le fait le rapport d'Europol sur la situation et les tendances du terrorisme en Europe, paru cette année, l'augmentation du risque d'attentats provenant de l'ultra-droite…
Libre à vous d'en parler, cher collègue. J'ai déposé l'an dernier une proposition de loi relative à l'encadrement du survivalisme et à la lutte contre les dérives et menaces associées. En effet, il existe toute une frange hautement politisée de l'extrême droite qui utilise le prétexte du survivalisme pour organiser des camps d'entraînement paramilitaire et d'embrigadement idéologique. Partout en Europe, l'extrême droite la plus violente s'organise et commet des attaques contre des personnes de confession juive ou musulmane, des mosquées, des synagogues, des lieux de rencontres LGBT. Selon Europol, 45 % des interpellations en lien avec des affaires de terrorisme d'extrême droite réalisées dans l'Union européenne en 2021 l'ont été en France. Chez nos voisins européens, la situation est la même. En Allemagne, en 2015, la candidate CDU pour la mairie de Cologne, Henriette Recker, a été violemment attaquée ; en juin 2019, un préfet, membre du même parti, a été assassiné.
Le groupe Écologiste-NUPES soutiendra cette initiative et tout ce qui va dans le sens d'une coopération accrue avec nos alliés pour lutter contre toutes les formes de terrorisme.
Je remercie Pierre-Henri Dumont pour la qualité de son rapport. Cet accord permettra de mieux structurer la coopération sécuritaire entre la France et le Royaume-Uni, tout en respectant la souveraineté de chaque État.
Cette actualité percute celle de la gestion des migrants dans la Manche. On le sait, la coopération avec le Royaume-Uni n'est pas au beau fixe, ce qui renforce les risques en matière de sécurité maritime. La Manche étant l'une des routes maritimes les plus empruntées au monde, de nombreuses embarcations illégales risquent, si elles ne coulent pas d'elles-mêmes, d'entrer en collision avec d'autres navires. La militarisation grandissante de la Manche répond également aux craintes concernant des activités sous-marines clandestines, comme nous l'avons vu avec les explosions, en mer Baltique, dans les gazoducs Nord Stream. Cela n'est pas une hypothèse puisqu'en janvier de cette année, la marine russe était en manœuvres militaires au Sud-Ouest de l'Irlande. C'était la première fois en vingt ans qu'une armée étrangère manœuvrait dans cette zone. Celle-ci n'a pas été choisie par hasard, puisque le câble sous-marin de fibre optique doté de la plus grande capacité au monde, qui reliera l'Europe à l'Amérique du Nord, y passera bientôt. Le fort trafic, ainsi que la militarisation accrue dans cette zone rendent nécessaire une coopération renforcée entre la France et le Royaume-Uni.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoire soutiendra ce projet de loi.
Merci, monsieur le rapporteur, pour ce travail très complet. Dans l'étude d'impact, il est indiqué que les îles Anglo-Normandes font partie du champ d'application de l'accord puisque leurs eaux sont traversées par certaines liaisons maritimes transmanche. Il est aussi indiqué que la mise en œuvre de l'accord se fera par l'intermédiaire d'arrangements entre le Royaume-Uni et les îles Anglo-Normandes ; la France, qui se verra communiquer le détail de ces arrangements, n'aura pas son mot à dire. Pourquoi une telle décision alors qu'il existe des liaisons entre la France et les îles Anglo-Normandes ?
Je dois faire part d'un léger étonnement, même si j'ai fini par croire ce que disait mon vieil ami Max Gallo, avec qui j'étais souvent en désaccord mais que j'estimais beaucoup : pour lui, la seule loi de l'Histoire, c'était la surprise. Il est un peu étonnant qu'il ait fallu attendre que les Britanniques sortent de l'Union européenne pour qu'on arrive à un arrangement mettant un terme à une relation qui était jusque-là totalement asymétrique entre la France et le Royaume-Uni.
Monsieur Maillard a évoqué les accords qui pourraient suivre celui que nous examinons. J'évoque dans mon rapport, s'agissant de la liaison entre la France continentale et la Corse, qui présente les mêmes risques, la question des navires battant pavillon italien. Le traité du Quirinal pourrait permettre d'avancer sur ce type de sujet. Si l'accord conclu avec le Royaume-Uni fonctionne bien, nous pourrons peut-être arriver à le dupliquer.
J'ai été un peu étonné que Monsieur Hébrard établisse un lien entre la circulation des armes à feu et les risques d'attentats, d'une part, et la libre circulation des personnes dans l'espace Schengen, d'autre part. Permettez-moi de souligner que le Royaume-Uni n'a pas été épargné par les attentats, alors qu'il n'a jamais fait partie de l'espace Schengen. Même à l'époque où ce pays était dans l'Union européenne, il y avait des contrôles juxtaposés à l'entrée du tunnel sous la Manche et de l'ensemble des ports.
Madame Oziol, le déploiement d'agents de sécurité privée n'est qu'une possibilité ouverte par l'accord. Elle existe déjà mais elle n'est pas utilisée. Par ailleurs, l'accord précise que les agents de sécurité privée ne pourront pas être armés. La législation britannique l'interdit. J'ai demandé au directeur général et au responsable de la sécurité de la société DFDS Seaways, que j'ai auditionnés, s'ils avaient déjà fait appel à des sociétés de sécurité privée et s'ils comptaient le faire. Leur réponse a été négative dans les deux cas. Cela coûte cher, alors même que le trafic n'est pas encore revenu au niveau antérieur à la crise du coronavirus. Le recours à la sécurité privée ne fait pas partie des plans des compagnies : ce n'est qu'une possibilité en cas de problème, qui pourra être utilisée sans avoir à conclure en urgence un nouvel accord.
Le déroulement de la coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques en France devrait conduire à des pics de traversées et nous pourrons demander au ministre de l'intérieur s'il compte déployer davantage d'EPNAP dans ce contexte. J'estime, pour ma part, que c'est plutôt un rôle qui doit revenir à la gendarmerie maritime car c'est une solution beaucoup plus simple, beaucoup plus encadrée et aussi beaucoup plus régalienne.
Sur le plan juridique, si un agent de sécurité privée commet une infraction, les poursuites ont lieu suivant le droit applicable dans les eaux où le navire se trouvait. L'article 12 est relatif aux modalités d'enquête en cas d'infraction et l'article 14 traite de la question des dommages causés.
Monsieur Cordier, il n'existe pas de navires à passagers transportant moins de douze personnes pour les liaisons transmanche, notamment parce qu'ils ne seraient pas rentables. L'accord n'en parle donc pas. En réalité, dans certaines compagnies, aucun navire de moins de 300 passagers ne fait la traversée. Depuis Calais, certains ferries transportent 2 500 passagers. S'agissant du risque de sécurité, on voit mal l'intérêt de commettre un attentat sur des navires de moins de douze passagers. Sans chercher à donner de mauvaises idées, on pourrait commettre plus de dommages en attaquant un bus à Paris.
La convention porte sur les navires à passagers. Les navires de pêche, par exemple, ne sont donc pas concernés.
Monsieur Zgainski m'a demandé s'il était possible d'adopter un cadre européen. Chacun sait le temps que peuvent prendre certaines négociations au niveau européen. Il vaut mieux travailler au niveau bilatéral, entre États qui voient l'intérêt d'avancer.
Monsieur Taché, le risque d'attentat provenant de l'ultra-droite a effectivement augmenté selon le dernier rapport d'Interpol sur la situation et les tendances du terrorisme dans l'Union européenne. C'est une réalité et je suis heureux que vous ayez pu présenter votre action parlementaire…
Madame Youssouffa, je partage vos préoccupations concernant certaines provocations d'États tiers. Le détroit du Pas-de-Calais n'est pas épargné. J'ai fait état devant cette commission, lors de la précédente législature, des violations régulières de notre espace aérien et de nos eaux territoriales par des avions et des navires russes. Ce n'est ni récent, ni isolé ; il s'agit, selon moi, de tester les limites et les pays baltes ne sont pas les seuls concernés.
Vous avez posé une question très pertinente, madame Ménard. C'est d'abord les îles Anglo-Normandes et le Royaume-Uni que concernent les arrangements qu'ils passent entre eux pour la mise en œuvre de l'accord, et cela n'a pas d'incidence sur celui-ci, comme le précise l'étude d'impact.
Il existe aussi des flux très importants, et même des trafics, entre les îles Anglo-Normandes et la France.
Les îles Anglo-normandes sont concernées par l'accord pour la liaison avec la France mais la liaison entre les îles Anglo-Normandes et la Grande-Bretagne est une question de droit interne britannique.
Par ailleurs, ce sera aux Britanniques de mettre en place des équipes de protection dans les navires battant leur pavillon, qui partent de France et se rendent dans les îles Anglo-normandes. À l'heure actuelle, nos EPNAP n'ont pas d'équivalent.
J'ajoute que des EPNAP ne sont pas présentes dans l'ensemble des navires effectuant des liaisons transmanche : ces équipes sont déployées en fonction d'un travail de renseignement – l'accord prévoit d'ailleurs un échange de renseignements. Une difficulté est l'existence de délais incompressibles pour le déploiement d'unités de gendarmerie à bord des navires : l'accord des autorités britanniques est nécessaire mais la question de notre réactivité se pose aussi, puisqu'il faut parfois quarante-huit heures. Il serait bon de travailler sur ces délais, notamment dans la perspective des grands événements sportifs que j'ai rappelés. Par ailleurs, les membres des EPNAP sont considérés comme des passagers. S'il ne reste plus de places, le déploiement d'une EPNAP est ainsi impossible. Il me semble qu'il faudrait étudier cette question avec le ministère de l'intérieur et les compagnies, afin de pouvoir assurer au mieux la sécurité des passagers.
Merci pour votre très intéressant rapport sur cette question qui nous donne un peu une image de ce que pourrait être l'amélioration de nos relations avec les Britanniques, au-delà de tous les malentendus et les procès, de part et d'autre, légués par le Brexit.
Article unique (approbation de l'accord relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s'agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche)
La commission adopte l' article unique non modifié.
L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
Informations relatives à la commission
En clôture de sa réunion, la commission désigne :
- Mme Laurence Robert-Dehault, rapporteure sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du Royaume des Pays-Bas (n° 7) ;
- M. Christopher Weissberg, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l'exécution des peines prononcées par la Cour (n° 145) ;
- Mme Estelle Youssouffa, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord portant révision de l'accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l'océan Indien (n° 150) ;
- M. Sylvain Maillard, rapporteur, sur le projet de loi adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, et de la convention d'extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal (n° 213).
La séance est levée à 10 h 45
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Clémentine Autain, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Guillaume Garot, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Joris Hébrard, M. Michel Herbillon, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, M. Sylvain Maillard, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye, M. Christopher Weissberg, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa
Excusés. - M. Moetai Brotherson, M. Sébastien Chenu, M. Meyer Habib, M. Alexis Jolly, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Marcangeli, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot
Assistait également à la réunion. - M. Bruno Fuchs