Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 16 mai 2023 à 21h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à vingt-et-une heures cinq

Dans le cadre du Printemps social de l'évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à la branche autonomie ainsi qu'à la branche accidents du travail et maladies professionnelles réunissant :

– Direction de la sécurité sociale : M. Franck Von Lennep, directeur ;

– Direction générale de la cohésion sociale : M. Jean-Benoît Dujol, directeur général ;

– Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : Mme Virginie Magnant, directrice ;

– Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole : Mme Magali Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales.

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Nous poursuivons ce soir nos travaux sur le Printemps social de l'évaluation, en abordant les branches autonomie et accidents du travail. Les rapporteurs de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) nous présenteront deux évaluations de dispositions adoptées dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), concernant les nouveaux rôles de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la réalité de sa transformation en branche de la sécurité sociale, au service des personnes âgées, ainsi que le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP).

Je remercie les responsables des administrations et caisses pour leur présence.

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S'agissant, d'abord, des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), les débats que nous aurons dans les mois prochains sur les textes relatifs au travail seront l'occasion de nous pencher sur les actions de prévention. Par ailleurs, le rapporteur de la Mecss, Paul Christophe, a souhaité évaluer l'application de l'article 70 de la LFSS 2020, relatif à la mise en œuvre du FIVP, adossé à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA). Ce fonds soulève de nombreuses questions en métropole, mais surtout aux Antilles, confrontées aux conséquences de l'exposition au chlordécone. Cette table ronde sera l'occasion d'aborder en profondeur les modalités de fonctionnement du FIVP, ou encore de l'information des personnes susceptibles d'avoir été exposées à ces pesticides.

S'agissant de la branche autonomie, nous avons souhaité faire un premier bilan de la structuration de la cinquième branche, dont le principe avait été voté dans le cadre de la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie du 7 août 2020, dont Paul Christophe était l'un des rapporteurs.

Les modalités de financement, de périmètre et de pilotage de cette nouvelle branche avaient été fixées par l'article 32 de la LFSS 2021, que Monique Iborra, Farida Amrani et Paul Christophe ont évalué. La cinquième branche présente des spécificités, comme l'absence d'un réseau de caisses locales, une interaction forte avec les départementaux ou encore un périmètre difficile à saisir en LFSS. Elle nous interroge sur la place que peut tenir la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à cet égard, alors que nous avons récemment commencé à discuter de la proposition de la loi pour bâtir la société du bien vieillir en France. Dans ce contexte, vos réponses nous intéresseront particulièrement.

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S'agissant d'abord des personnes en perte d'autonomie, la création de la cinquième branche constitue une importante avancée. L'article 32 de la LFSS 2021 a clarifié les missions de la CNSA et a précisé la gouvernance ainsi que le cadre de fonctionnement de cette branche, dont le budget atteint aujourd'hui environ 37 milliards d'euros. Il s'agit naturellement de renforcer l'accès de nos aînés et de nos concitoyens en situation de handicap à l'ensemble de leurs droits, en les rendant plus effectifs et plus équitables sur le territoire national. Nous nous y efforçons en consacrant de nouvelles ressources pérennes – la branche bénéficiera ainsi d'une fraction de 0,15 point de CSG supplémentaire à partir de 2024, soit 2,3 milliards d'euros de plus par an – et des moyens financiers importants.

La LFSS 2023 s'est traduite par plusieurs avancées notables, comme le renforcement de la transparence financière dans les établissements et services médico-sociaux, la poursuite de la réforme du financement des services à domicile ou encore la mise en place du temps dédié à l'accompagnement et au lien social auprès de nos aînés. Cette mesure pourra-t-elle bien être mise en œuvre au 1er janvier 2024 ? Quelles en seront les modalités précises ?

À compter de 2024, la montée en puissance de l'adaptation des logements au grand âge se traduira par le déploiement du dispositif « MaPrimAdapt' » par l'Agence nationale de l'habitat qui permettra notamment de simplifier et d'unifier les aides et dépenses fiscales existantes. Comment ce dispositif sera-t-il déployé ?

La dernière LFSS a amorcé une trajectoire de recrutement de 50 000 personnels soignants en Ehpad. Combien en avons-nous recruté à ce jour et quelles sont les perspectives pour les mois et années à venir ? Pourriez-vous nous présenter les principales orientations de la convention d'objectifs et de gestion (COG) signée entre l'État et la CNSA ?

S'agissant de la branche AT-MP, je voudrais vous interroger sur les évolutions prévues par la dernière loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS). Le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu), qui doit être doté de 1 milliard d'euros sur la durée du quinquennat, a vocation à financer des actions de sensibilisation, de prévention et de reconversion pour les travailleurs les plus exposés aux risques ergonomiques. Un fonds spécifique sera aussi créé auprès de l'assurance maladie pour les professionnels de santé des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Où en sont les travaux préparatoires à la création de ces fonds ?

Par ailleurs, davantage de salariés devraient bénéficier du compte professionnel de prévention (C2P) qui permet d'accumuler des droits pour chaque année d'exposition à des facteurs de risque, afin de financer des formations, un passage à temps partiel payé temps plein ou de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite. Quel est le bilan de la réforme du C2P et quels sont les enjeux de son évolution ? Quel sera l'impact de ces mesures pour les travailleurs concernés ? Savez-vous combien le seront ?

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Nous commençons par l'évaluation des nouveaux rôles de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et de la réalité de sa transformation en branche de la sécurité sociale, au service des personnes âgées.

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Dans le cadre de notre mission sur les nouveaux rôles de la CNSA depuis sa création en caisse de la sécurité sociale, nous avons auditionné de nombreux acteurs : en voici les principales conclusions.

Précisons d'abord que la création de cette nouvelle branche a suscité une grande attente. Certes, avant 2021, la perte d'autonomie faisait déjà l'objet de mesures d'action sociale : dès 2004, la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a acté la création d'un prélèvement obligatoire visant à financer une partie des actions de solidarité en faveur des personnes âgées et handicapées. La contribution de solidarité pour l'autonomie l'a rassemblé avec d'autres sources de financement, sous la gestion de la CNSA, créée à cet effet. À partir de 2005, cette dernière a été chargée de flécher aux collectivités territoriales et aux autres organismes financeurs les ressources nécessaires au financement des prestations et services de soutien à l'autonomie, de communiquer des informations et de fournir un appui technique aux acteurs de ce domaine. Néanmoins, la mise en place d'une branche de la sécurité sociale dédiée à cette politique de l'autonomie constituait un véritable changement : loin de ne renvoyer qu'à un débat sémantique, la consécration d'une nouvelle branche – et non un simple risque – témoigne d'une ambition nouvelle pour le soutien à l'autonomie.

Le rapport de Laurent Vachey précisait que la création de la branche devrait répondre à trois principaux objectifs : garantir l'égalité des droits en renforçant l'équité dans l'accès aux services et aux prestations sur l'ensemble du territoire national ; réduire la complexité de la politique de l'autonomie caractérisée par la diversité des financeurs – État, sécurité sociale, CNSA, conseils départementaux, personnes elles-mêmes via leurs organismes complémentaires et associés – et des ressources et prestations proposées ; enfin, mettre en place une organisation plus efficiente, visant à préserver l'équilibre budgétaire de la branche, tout en permettant d'améliorer la qualité des accompagnements et des parcours.

Cette nouvelle branche consacre enfin, comme nous l'a rappelé Dominique Libault, la reconnaissance de véritables droits objectifs, universels et opposables sur l'ensemble du territoire national.

La création de la branche s'est accompagnée d'importants changements. Outre l'instauration d'un débat annuel au Parlement sur les moyens consacrés à l'autonomie lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), des ressources propres et pérennes, essentiellement financées par les cotisations sociales, lui ont été affectées. Elles sont désormais centralisées et associées à des dépenses clairement identifiées au sein d'une caisse nationale dont les comptes sont certifiés annuellement par la Cour des comptes.

De plus, l'ordonnance du 1er décembre 2021, prise en application de la LFSS 2021, a inscrit dans le code de la sécurité sociale la plupart des directives et dispositions relatives à la CNSA, qui figuraient jusqu'alors au sein du code de l'action sociale et des familles – faisant dès lors de ce champ une branche de la sécurité sociale, au même titre que les autres.

Enfin, la CNSA, en sa qualité de caisse nationale de sécurité sociale, a renforcé son lien avec l'État. La signature de la COG de 2022-2026 témoigne de l'engagement d'une démarche de planification et de coordination plus systématique des politiques de l'autonomie, en anticipant la création du service public territorial de l'autonomie (SPTA) et d'un système d'information intégré pour le recouvrement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). La COG entérine par ailleurs un changement d'échelle pour la CNSA : désormais intégrée dans le cadre juridique de la sécurité sociale, elle bénéficie d'effectifs et de moyens renforcés pour mettre en œuvre les missions qui lui ont été attribuées.

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Nous avons souhaité évaluer l'évolution de la CNSA et en tirer un bilan, bien que la création de la branche soit récente. Au cours de nos auditions, nous avons reçu M. Libault, M. Lecerf, président de la CNSA, Mme Magnant, directrice, l'Association des départements de France, représentée par M. Olivier Richefou, des associations représentant les personnes âgées et handicapées et des organisations syndicales et patronales du siège de la caisse. Je souhaitais vous faire part des constats soulevés lors de ces auditions.

Comme l'a indiqué le coprésident de la Meccs, la CNSA est singulière : contrairement aux caisses bénéficiant d'un réseau propre, elle peine à adopter une vision claire et précise de la déclinaison locale de son action. En effet, elle n'a aucun lien direct avec ses assurés, et doit compter sur le relai d'acteurs territoriaux pour le financement et la mise en œuvre des actions de soutien à l'autonomie.

Par ailleurs, la CNSA se distingue des caisses historiques par la structure de sa gouvernance. Les partenaires sociaux jouent un rôle limité au sein du conseil, qui préexistait déjà sous sa forme actuelle, constitué pour une large part de représentants de l'État et des départements – alors que les financements proviennent en grande partie des cotisations sociales.

Enfin, la politique de l'autonomie dépasse largement le champ de la seule sécurité sociale. Lorsque nous nous prononçons sur le budget dédié à la CNSA, nous n'avons qu'une vision partielle de l'effort national consacré à cette politique, qui ne bénéficie pas d'un projet politique clairement défini – ce dont nous ne pouvons vous rendre responsables.

Or, ces différences ne sont pas sans poser quelques difficultés. La diversité des acteurs impliqués – agences régionales de santé (ARS), conseils départementaux, maisons médicales des personnes handicapées (MDPH) et maisons de l'autonomie, par ailleurs peu nombreuses – se traduit par une application parfois différenciée de la loi selon les territoires et rend difficile le contrôle de l'utilisation des fonds publics.

La CNSA a notamment pour objectif de garantir l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Elle ne le satisfait cependant pas pleinement : en témoigne l'application différenciée de l'avenant 43 sur l'ensemble du territoire. Quid de l'équité territoriale, de la qualité et de l'efficience de l'accompagnement – missions qui vous ont été confiées par l'article 32 de la loi de 2021 ? Madame la directrice, quelles ressources la CNSA met-elle en œuvre pour s'assurer de l'égalité des droits sur les territoires ? De quels moyens dispose-t-elle pour contrôler l'usage des ressources qu'elle flèche aux départements et aux ARS ? Dispose-t-elle, par ailleurs, d'un pouvoir de contrainte ?

Par ailleurs, les bénéficiaires manquent de lisibilité sur leurs droits, certains percevant la branche autonomie comme un véritable millefeuille. Le conseil de la CNSA travaille actuellement sur une préfiguration du nouveau SPTA : quelle est votre vision de ce nouveau service public ? Quels acteurs participent à la rédaction d'un cahier des charges national ? Le conseil de la CNSA rendra-t-il un avis sur le sujet ?

Par ailleurs, les règles de gouvernance du conseil de la CNSA font craindre le risque d'acteurs juges et parties, puisque que ces derniers votent sur les budgets qui leur sont ensuite octroyés. Comment se justifie ce mode d'organisation et de décision ? Serait-il envisageable de le réformer, notamment pour donner aux partenaires sociaux la place qu'ils occupent au sein des caisses de la sécurité sociale ?

Nous voudrions enfin vous présenter quelques pistes modestes d'évolution que nous avons pu identifier au cours de nos travaux.

S'agissant de l'égalité de traitement entre les départements, que pensez-vous de la perspective d'instaurer une contractualisation les liant à la caisse et aux ARS ? Certains évoquent le modèle de la politique de la petite enfance. Cela vous paraît-il opportun, et, surtout, faisable ?

Environ 2,5 milliards d'euros supplémentaires ont été dégagés pour financer la branche autonomie. Selon le rapport Libault, 9 milliards d'euros de plus seraient nécessaires à l'horizon 2030. La piste d'un financement privé assurantiel a été évoquée en audition : que penser de cette proposition ? Quelles autres ressources pourrions-nous affecter à cette branche ?

Enfin, s'agissant du périmètre financier, une large part des dépenses constitutives de l'effort national consacré à l'autonomie échappe à la cinquième branche. Financé par la sécurité sociale, l'État et les conseils départementaux, ce dispositif est spécifiquement destiné aux personnes âgées en perte d'autonomie et en situation de handicap ou d'invalidité. Son montant est de 80 milliards d'euros en 2021 sur le périmètre identifié, contre 32 milliards pour la branche autonomie.

Par ailleurs, la cinquième branche ne prend en charge que les deux tiers des dépenses de sécurité sociale sur le champ de l'autonomie, tandis que la branche maladie couvre 24 % de ces dépenses, au titre notamment des pensions d'invalidité, des soins de villes, des unités de soins de longue durée, et que la branche AT-MP en couvre environ 11 % au titre des rentes d'incapacité permanente. La diversité des financeurs – et des financements – est incompréhensible pour les citoyens – et pourtant, on dépense !

Ne serait-il pas envisageable de regrouper toutes ces dépenses au sein de la branche autonomie afin de lui donner toute sa portée, et d'améliorer la lisibilité de l'usage des finances publiques pour nos concitoyens ?

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Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale

Bien que parfois méconnue, la branche AT-MP mène des actions de prévention et verse des prestations importantes pour les salariés concernés. 2023 est une année cruciale pour la branche : elle sera marquée par l'application des dispositions de la LFRSS 2023 – avec la création du Fipu –, par la négociation en cours de la COG – qui soulève des questions de dépenses de prévention et de renforcement de l'investissement dans la prévention des AT-MP –, et, enfin, par les négociations des partenaires sociaux qui ont débouché, la nuit dernière, sur un projet d'accord national interprofessionnel. Ce dernier alimentera largement les travaux de la COG et fera évoluer la gouvernance de la branche.

Le Fipu sera doté de 1 milliard d'euros d'ici 2027. Son calendrier est particulièrement resserré, car nous souhaiterions que le texte réglementaire soit publié avant l'entrée en vigueur de la réforme en septembre, ce qui suppose que la concertation avec les partenaires sociaux débute au mois de juin.

Par ailleurs, les actions du fonds spécifique pour l'hôpital devront être arrêtées à la rentrée.

S'agissant du bilan du C2P, environ 1 600 000 salariés possèdent des points, et 500 000 salariés en acquièrent chaque année. Les différentes mesures de la réforme augmenteront le nombre de salariés bénéficiaires : je pense notamment à la baisse des seuils pour le travail de nuit et les équipes alternantes de 120 à 100 nuits, qui permettra de toucher ainsi 55 000 salariés supplémentaires chaque année – en particulier dans les secteurs sanitaires, les cliniques privées ou les Ehpad. La réforme induit également une meilleure prise en compte de la polyexposition, qui se traduira par une augmentation du nombre de points cumulés par chacun des 8 000 salariés concernés. La modification de la valeur du point améliorera le recours à la formation et au temps partiel pour 70 000 salariés.

L'ensemble de ces mesures représente environ 80 millions d'euros à l'horizon 2030. Il est important que les textes paraissent dès cette année pour rendre ces droits effectifs au plus vite.

La cinquième branche présente en effet des spécificités. Cependant, nous essayons de construire des outils qui, tout en s'inscrivant dans un droit et une gouvernance différents, permettent de mettre en place un pilotage effectif des acteurs de terrain. Il est toutefois vrai que les progrès de la CNSA en la matière ont été un peu lents. Il s'agit par exemple de systèmes d'information visant à améliorer la remontée des données et le partage de bonnes pratiques. Les COG de la sécurité sociale promeuvent en effet cette habitude, qui garantit un suivi rapproché de ces indicateurs afin d'évaluer toute divergence et de la corriger rapidement. La COG de la CNSA a alloué des moyens supplémentaires à la caisse dans cet objectif.

La création de cette cinquième branche a été l'occasion d'améliorer l'information du Parlement et des Français par une annexe au PLFSS dédiée à l'effort national, précisément chiffrée. En outre, il existe de nombreux autres exemples dans lesquels l'effort national dépasse une simple branche : je pense notamment à la politique familiale.

Le rapport Vachey s'interrogeait sur la définition du périmètre. Pour le Gouvernement, il paraissait naturel que ce dernier puisse évoluer dans la durée. Aujourd'hui, nous évaluons le choix initial et les outils déployés pour piloter la branche : les questions que vous soulevez vont ainsi dans ce sens.

Vous m'avez également interrogé sur le financement. Les 9 à 10 milliards d'euros de dépenses mentionnés par Dominique Libault excédaient en réalité la trajectoire tendancielle : une partie d'entre elles seront couvertes par la dynamique des recettes d'ici 2030, telles qu'elles ont été affectées initialement à la caisse, et auxquelles s'en ajouteront de nouvelles – comme les 2,5 milliards d'euros de CSG dès l'année prochaine. Cela ne veut pas dire que la branche sera équilibrée en 2030, sans recettes nouvelles ; mais la trajectoire pluriannuelle 2026 qui figure dans la LFSS et la LFRSS pour 2023 prévoit une forme d'équilibre dans les années à venir, malgré les mesures nouvelles financées.

Le renforcement du pilotage et l'entrée dans le droit commun de la CNSA s'accompagnent aussi d'un important développement des politiques publiques, pour un total de 5 milliards d'euros de dépenses nouvelles depuis la création de la branche. Au-delà du Ségur, qui en représente une partie importante, des mesures nouvelles seront prochainement déployées sur le renforcement du temps d'encadrement dans les Ehpad, avec les deux heures de convivialité que vous avez mentionnées. S'il n'a pas été chiffré précisément, on peut toutefois estimer qu'à horizon 2030, le montant total de ces mesures nouvelles atteindra près de 10 milliards d'euros. Cette trajectoire reprend donc en bonne partie les préconisations de Dominique Libault.

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Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale

La branche a été créée dans un contexte crucial de développement des politiques publiques en matière de grand âge et de handicap. Les annonces qui ont suivi la Conférence nationale du handicap marquent ainsi une rupture importante, y compris sur l'idée que l'on peut se faire de l'accessibilité et de l'inclusion dans notre pays.

S'agissant du grand âge, les dynamiques sont plus structurelles : la décennie 2020-2030 sera celle d'une forte croissance du nombre de personnes âgées, qui se poursuivra dans les années suivantes. Plusieurs centaines de milliers de personnes en situation de grand âge ou en perte d'autonomie devront être accompagnées en établissement, en Ehpad ou à domicile. Bien entendu, les aspirations des Français très claires : 80 à 90 % déclarent vouloir vieillir chez eux, ou « comme chez eux » – d'où le développement de solutions intermédiaires, comme l'habitat inclusif. L'enjeu de développement est à la fois qualitatif et quantitatif ; il concerne également les ressources et l'offre proposée aux personnes âgées.

C'est le sens des mesures que nous avons prises depuis plusieurs années. Outre celles que vous avez décrites, on peut évoquer les centres de ressources territoriaux, la tarification des services de soins infirmiers à domicile ou la création des services autonomie à domicile. Ces innovations doivent permettre de gérer cette double évolution de l'offre au service de personnes en perte d'autonomie.

Vous nous avez interrogés sur les conditions de mise en œuvre les deux heures dites de convivialité – sans reprendre cette terminologie, que je trouve également peu heureuse. Cette mesure importante une double exigence, dans la logique du virage domiciliaire : elle améliore la prise en charge des personnes à domicile, et propose un cadre d'intervention plus propice et favorable aux professionnels qui exercent ce métier, afin d'en restaurer la vocation et l'attractivité. En effet, les professionnelles – qui sont souvent des femmes – se plaignent souvent de voir leur rôle réduit en raison des limites des plans d'aide proposés par les départements, en dépit des concours qui les solvabilisent : leurs interventions se résument à des gestes techniques, et ne permettent pas de tisser un lien pourtant consubstantiel à l'exercice de leur activité – et qui contribue à la qualité de la prise en charge. De surcroît, l'isolement des personnes âgées est un grave fléau responsable d'une accélération des signes du vieillissement.

La mise en œuvre de la mesure s'opérera progressivement, à compter du 1er janvier 2024. Deux heures par semaine seront proposées systématiquement à l'ensemble des primodemandeurs ; dans les cinq années suivantes, nous réviserons progressivement les plans d'aide des personnes bénéficiant de l'APA. Il sera possible de refuser cette aide, puisque l'APA est soumise à reste à charge. Cependant, un concours au titre de l'APA de la CNSA solvabilisera partiellement les départements.

Nous devrons rester vigilants : il n'est pas question que ces deux heures servent à autre chose qu'à leur objectif initial. Or, dans un contexte de resserrement des plans d'aide tant en nombre d'heures qu'en plafond monétaire, nous devons craindre des effets de substitution qui seraient préjudiciables à l'effectivité de ce dispositif.

Nous avons prévu de lancer des groupes de travail en lien avec les départements et la CNSA à la fin du mois de mai afin de concevoir le texte d'ici l'automne. À terme, cette mesure doit coûter 230 millions d'euros à la branche : c'est un investissement important, qui s'inscrit dans une stratégie globale destinée à améliorer la prise en charge à domicile ; s'y ajouteront des mesures pour les services d'aide et de soins, et les centres de ressources territoriaux.

S'agissant de la trajectoire des effectifs au sein de la branche, le besoin, comme chacun le sait, est criant : les taux d'encadrement en Ehpad restent insuffisants, a fortiori dans une situation où la structuration de la population admise dans ces établissements se transformerait pour compter de plus en plus de personnes présentant des troubles neurodégénératifs ou cognitifs. Là encore, l'enjeu est quantitatif et qualitatif à la fois.

Une première marche sera franchie dès cette année, avec le recrutement de 3 000 personnes. Plusieurs lignes concourent à cet objectif : des mesures de recrutement direct, mais aussi l'accélération des coupes Pathos, la mise en place de pôles d'activités et de soins adaptés ainsi qu'une augmentation du temps médical des médecins coordonnateurs : ces différents éléments permettront de respecter la trajectoire de recrutement de 50 000 personnes à horizon 2030 qui a fait l'objet d'une communication importante.

La stratégie suivant le virage domiciliaire, peu de places seront au total créées en Ehpad. Cependant, des crédits seront dédiés à l'ouverture de places dans les territoires sous-dotés, notamment en outre-mer. Votre préoccupation – et la nôtre – est de renforcer le taux d'encadrement dans les Ehpad existants : les 50 000 postes y contribueront.

Ces mesures sont solidaires de celles mentionnées dans le Ségur : nous n'attirerons des personnes vers ces métiers qu'à condition d'en améliorer les conditions de travail et de rémunération. L'impact du Ségur et des accords subséquents pour la branche en 2022 s'élève à 3,2 milliards d'euros. Cet effort était indispensable. Par ailleurs, les travaux ne sont pas terminés : des négociations sont en cours pour parvenir à des accords salariaux dynamiques.

Par ailleurs, nos services et nos établissements se caractérisent par des taux de sinistralité très importants. Or, nous ne pourrons durablement restaurer les conditions d'attractivité des métiers sans répondre à ces questions.

Enfin, si le conseil de la caisse est spécifique, est-il si éloigné de ce qu'imaginaient les pères fondateurs de la sécurité sociale ? L'un des piliers en était en effet sa gestion par les intéressés. L'histoire des politiques publiques, en particulier dans le secteur du handicap, s'est construite par la mobilisation du champ associatif. Nous fêtons cette année les quatre-vingt-dix ans d'APF France Handicap. La gouvernance attribue un rôle important aux personnes prises en charge et à leurs familles.

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Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

La transformation de la CNSA en caisse nationale de sécurité sociale a pour objectif de décliner les outils qui en font la force, afin de renforcer l'équité dans l'accès aux droits des personnes. Cependant, elle vise également à conserver plusieurs des spécificités propres à ce domaine particulier des politiques publiques qui ne conçoivent pas sans les personnes concernées et leurs représentants – en conformité, avec la loi de 2005 sur l'égalité des droits et des chances pour les personnes en situation de handicap et avec les instruments internationaux qu'a ratifiés la France : la convention internationale sur les droits des personnes handicapées, notamment, prescrit cette idée du « rien pour nous sans nous ». Cette participation directe des personnes et de leurs représentants à la gouvernance des politiques publiques s'opère à travers le conseil de la CNSA.

Cette nouvelle caisse s'est profondément transformée depuis sa création, et notamment avec la signature de sa COG. Cet instrument participe en effet pleinement des instruments de pilotage de la sécurité sociale. Approuvée à l'unanimité par le conseil avant d'être signée le 8 avril, la COG a été travaillée avec le ministère et les membres du conseil qui ont pris soin de préciser, dans un long préambule, les objectifs et les promesses de la branche que la feuille de route pluriannuelle de la caisse pour la période 2022 à 2026 vise à concrétiser. Il s'agit de promesses très ambitieuses d'équité de traitement, dans un contexte où les différences de traitement dans ces politiques persistent. Si la plupart d'entre elles sont le plus souvent justifiées – puisqu'elles cherchent à s'adapter le plus possible à la diversité des situations des personnes –, certaines s'expliquent plus difficilement et doivent être corrigées.

Les trois axes de notre COG traitent précisément du renforcement de l'équité dans l'accès aux droits, de l'amélioration d'une offre d'accompagnement individualisée à destination des personnes âgées et en situation de handicap, et le renforcement de notre capacité de pilotage afin de promouvoir une gestion efficiente des moyens importants désormais mobilisés par cette branche.

L'un des objectifs de la création de cette branche était de pouvoir mobiliser, face à l'importante transition démographique que va connaître notre société, une ressource pérenne qui sera renforcée dès l'année prochaine avec une quote-part de CSG. Il est crucial que nous puissions rendre compte de l'emploi de cet effort accru de solidarité de la nation envers les personnes âgées et handicapées.

La signature de la COG s'est accompagnée d'une visibilité sur les moyens que la branche pourra mobiliser dans une trajectoire pluriannuelle, ce qui constitue là aussi une nouveauté. La convention fixe une feuille de route pour l'établissement, en l'assortissant de moyens financiers et humains garantissant l'atteinte de ces objectifs ambitieux.

S'agissant des moyens financiers, notre COG nous garantit de disposer de 2,7 milliards d'euros consacrés à la qualité du service d'information, d'orientation, d'évaluation et d'accompagnement à l'effectivité des droits. Ces moyens massifs nous permettront de déployer des démarches en ligne facilitées pour l'accès au droit et aux aides, une meilleure visibilité des guichets et des parcours mieux coordonnés dans le cadre du SPTA. Ils nous aideront également à généraliser la mesure de satisfaction des personnes et de transparence sur les résultats. Ces instruments sont tout à fait communs aux caisses nationales de sécurité sociale, mais la caisse les déploiera pour la première fois dans le champ de l'autonomie : nous pourrons nous appuyer sur les travaux réalisés en 2021 sur les MDPH, dont un baromètre régulièrement publié mesure désormais le taux de satisfaction.

En outre, la COG prévoit 3,8 milliards d'euros à l'appui de la transformation et de la modernisation de l'offre en dehors du fonds de financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Ces enveloppes sont dédiées à la rénovation de places d'Ehpad, en mobilisant les moyens du Ségur de l'investissement, et, en lien avec le virage domiciliaire, au développement de solutions d'habitat intermédiaire, d'habitat nouveau et d'habitat inclusif. Ces derniers connaissent un remarquable essor sur le territoire. Enfin, des crédits sont prévus pour mettre en place des accompagnements précoces afin d'éviter les surhandicaps.

L'ensemble de la COG prévoit ainsi 80 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour aider la caisse nationale à faire face à ses nouvelles missions ; si ce renforcement semble modeste, il représentera une augmentation de 80 % de nos effectifs. De surcroît, la trajectoire pluriannuelle de la COG nous permet de recruter ces effectifs essentiellement en 2022 et en 2023, pour que nous atteignions le plus rapidement notre cible en matière de ressources humaines. Ainsi, nous serons en mesure de répondre également aux nouvelles missions qui découleront des annonces de la récente Conférence nationale du handicap, de la feuille de route que prépare le ministre Jean-Christophe Combe et des dispositions de la proposition de loi en cours de discussion.

Outre la transformation interne de la caisse à laquelle nous nous sommes attelés en 2021 et en 2022, dont l'organisation était restée quasiment inchangée depuis sa création en 2004, nous avons reconfiguré tout au long de l'année 2022 avec les ARS et les conseils départementaux les modalités du travail de la caisse avec ces acteurs centraux. Nous avons ainsi convenu d'un nouveau cadre de coopération qui repose sur une animation multilatérale de nos relations, qui remplacera l'ancien fonctionnement en silo.

Cette réflexion s'est inspirée des exemples européens, notre démarche de transformation étant soutenue par la direction générale de l'appui à la réforme structurelle de la Commission européenne : la création d'une cinquième branche apparaissait à cette dernière comme un modèle exemplaire pour répondre à la transition démographique et original à la fois. Nous nous sommes donc penchés sur les modèles allemand et suédois, pour identifier de bonnes pratiques en matière de pilotage par indicateur, renforcer la mesure d'impact et travailler sur des conventionnements pluriannuels et donc tripartites. Je rejoins pleinement votre proposition, madame la députée, de développer ce type de conventionnement, qui sera déployé dès 2024. En amont de ce travail, nous engageons dès cette année un nouveau format de dialogue avec les ARS et les conseils départementaux sous la forme de rencontres territoriales afin d'échanger sur la préparation de ces feuilles de route et ces objectifs communs, qui ont vocation à être déclinés de manière très opérationnelle.

Enfin, je voudrais illustrer par trois exemples les chantiers nous avons entamés pour renforcer l'équité territoriale.

Le premier est un déploiement des systèmes d'information sans commune mesure avec les autres caisses nationales. Les systèmes d'information nationaux forment une ossature qui permet de s'assurer que les droits soient déclinés de la même manière sur l'ensemble du territoire, et de disposer d'informations en temps réel : ils vous sont d'ailleurs utiles pour élaborer un pilotage territoire et national.

Lorsque vous avez voté notre transformation en caisse nationale de sécurité sociale, vous nous avez en effet autorisés à développer un système d'information national pour la gestion de l'APA. Ce projet inédit équipera des services des conseils départementaux pour la gestion d'une prestation relevant de leur compétence et partiellement financée par les crédits de la branche autonomie. Entamé l'année dernière, ce projet devrait être déployé au second semestre 2024. Il représentera une avancée importante pour outiller les professionnels, avec, par exemple, un système d'information intégrant des référentiels communs, dans une logique de facilitation des démarches des personnes.

Le deuxième outil important pour conforter l'équité de traitement et l'amélioration des services est une mission d'appui opérationnel aux MDPH qui rencontrent des difficultés, préfigurée dès l'année 2021. Elle continue d'intervenir auprès d'une vingtaine de MDPH, dont les délais de réponse, notamment, étaient trop longs. Nous avons d'ores et déjà contractualisé avec treize d'entre elles des plans d'amélioration.

Enfin, je tiens à souligner la mise en œuvre, à compter de cette année, d'une mission de contrôle interne et de conformité, qui pourra étendre son action aux MDPH et aux maisons départementales de l'autonomie. Nous souhaiterions qu'elle puisse réaliser des audits, en particulier si la proposition de loi en cours de discussion prospère, car elle comporte des dispositions en ce sens.

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Magali Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole

La Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) représente la caisse qui gère la sécurité sociale agricole en tant que guichet unique. Dans ce cadre, elle contribue à la branche autonomie de plusieurs façons : elle participe pleinement aux décisions en tant que membre du conseil de la CNSA, ainsi qu'en tant que caisse de retraite. En effet, de longue date, les caisses de retraite du régime général du régime agricole, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et depuis peu l'Agirc-Arrco agissent ensemble dans le cadre de l'interrégime du bien vieillir. Nous œuvrons à destination de la part de la population qui ne relève pas de l'APA, grâce à des dispositifs d'accompagnement de l'action sociale et de la retraite.

Au-delà des actions collectives de prévention de la perte d'autonomie et du bien-vieillir, et dans le cadre d'un accompagnement individuel, nous avons travaillé en lien avec la CNSA. Nous avons ainsi créé un formulaire unique de demande d'aide à l'autonomie qui permet au bénéficiaire d'envoyer une demande qui est traitée par les différents acteurs. Ce dispositif simplifie grandement la vie de nos concitoyens.

De nombreuses actions restent encore à mener dans le cadre du SPTA, dans lequel la MSA, comme les autres caisses de retraite, entend pleinement jouer son rôle.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.

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Nombre de particuliers et d'associations œuvrant auprès de personnes âgées ou handicapées me font part du manque de lisibilité des dispositifs et des politiques publiques. La complexité des démarches entraîne des difficultés pour les usagers et les acteurs, mais aussi pour les législateurs, puisque nous peinons à évaluer l'efficacité des mesures que nous votons – alors même que nous avons engagé des sommes inégalées par le passé dans ce domaine.

La question de la gouvernance revient également fréquemment. Le Ségur, la démarche conduite par M. Laforcade et les avenants 43 et 44 dans le secteur du domicile nous ont permis de revaloriser – et c'était bien légitime – les rémunérations des salariés qui interviennent dans les Ehpad et dans les structures d'aide à domicile. Néanmoins, comme l'ont souligné les syndicats et les fédérations de ce secteur, la manière dont ces revalorisations ont été menées a donné lieu à un certain nombre d'iniquités : le secteur du domicile est une fois de plus le parent pauvre de ces mesures, notamment en comparaison des établissements. En fonction de l'autorité de tarif et de contrôle, qu'il s'agisse des ARS ou des départements, la manière de collecter les informations, de traiter et d'acter ces revalorisations diffère. Je plaide donc à titre personnel pour une nouvelle répartition de ces compétences, appuyée sur la conception d'arrêtés de tarifications pour les ARS et la définition d'une stratégie de l'accompagnement pour les départements – comme le proposait notamment Luc Broussy.

Enfin, plusieurs de structures du secteur du handicap ont témoigné leurs regrets sur leurs liens avec les ARS et leurs délégations territoriales, au niveau départemental, dans un contexte de régionalisation de la montée en compétence de ces structures. Le directeur général de l'ARS Centre-Val de Loire m'a précisé que la reterritorialisation de l'organisation fait partie de sa stratégie : j'y vois une nécessité, ne serait-ce que pour épargner les ARS d'un procès de rigidité, alors qu'elles me paraissent jouer un rôle tout à fait pertinent.

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Comme le préconise le rapport que nous avons reçu, il faut rapidement repenser le mode de gouvernance et de financement de la branche autonomie, afin de l'adapter aux besoins exponentiels des années à venir.

Nous devons aussi modifier le paysage institutionnel, source d'une grande complexité pour les usagers : en plus d'avoir une mauvaise, voire, une très mauvaise connaissance de leurs droits, ils doivent faire face à des interlocuteurs bien trop nombreux. Ils restent en outre sans nouvelles sur la loi sur le grand âge.

J'aimerais relever une hypocrisie insupportable de la macronie. Je cite Mme Caroline Janvier : « Au lendemain des révélations de l'affaire Orpea et face à l'émoi qu'elles ont légitimement suscité, la politique de soutien à l'autonomie doit plus que jamais être élevée au rang de nos priorités. Il nous faut garantir aux personnes un accompagnement et une prise en charge à la hauteur des valeurs que nous portons au sein de notre société. »

Je m'adresse à mes collègues : pourquoi avoir refusé nos amendements et nos propositions de loi visant à renforcer le contrôle en Ehpad grâce à des visites inopinées de parlementaires ? Les évolutions apportées consisteront simplement en un élargissement des compétences de contrôle des autorités administratives ; je doute fort que cela crée un changement.

Mesdames et messieurs les directeurs, que pensez-vous de cette mesure ? À mes yeux, c'est une réaction ridicule, face à l'ampleur du scandale Orpea. Lors du prochain PLFSS, nous déposerons des amendements visant à accroître la présence de personnel médical au sein des Ehpad. Chaque établissement doit être doté d'un médecin coordonnateur et une infirmière doit être présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c'est essentiel. Or, la LFSS 2023 prévoit seulement de doter les Ehpad de 3 000 infirmiers et aides-soignants supplémentaires. Ce n'est pas assez ! En outre, il ne crée aucune revalorisation salariale notable. C'est donc une mesure encore très insuffisante au vu des besoins immenses de ce secteur et des problèmes de recrutement.

Nous devons faire évoluer les dispositions existantes, en favorisant le domicile à l'Ehpad grâce à des mesures fortes de sens et de symbolisme. Peu nombreux sont en effet les Français qui souhaitent y finir leurs jours – et encore moins depuis le scandale Orpea !

Pour cela, nous devons aller à la rencontre de tous les acteurs. Une association m'a ainsi contacté au sujet de viagers solidaires, qui permettraient à des personnes âgées isolées de vieillir chez elles avec des soins quotidiens à domicile en échange du legs de leur domicile à leur décès. Il existe de nombreuses mesures de ce type à étudier : peu coûteuses, elles privilégient la piste du bien-vieillir chez soi.

Or, le Gouvernement nous a seulement proposé, lors du dernier PLFSS, d'offrir dix-sept minutes supplémentaires par jour d'aide à domicile. Franchement, nous nous attendions à mieux, d'autant plus que c'est l'unique mesure en la matière. Selon l'exécutif, cette mesure améliorera le travail des soignants en leur donnant un temps supplémentaire pour se consacrer au lien social : elle leur permettra surtout de rattraper du retard sur certaines tâches ou de mieux les exécuter ! Que pensez-vous de l'efficacité de cette mesure vis-à-vis des usagers et des soignants ? Il me semble que chacun méritait mieux.

Trop peu de mesures ambitieuses ont été proposées aux aidants familiaux. Marine Le Pen a un grand programme à ce sujet, qui offre notamment une indemnité spécifique de 300 euros mensuels à toute personne faisant le choix de vivre au domicile d'un proche dépendant ou de l'accueillir chez elle : nous devrions en faire la pièce maîtresse de l'autonomie.

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Avec la création de la cinquième branche, vos missions ont été actualisées. Ce positionnement au cœur des dispositifs de prise en charge du handicap et de la perte d'autonomie manque de visibilité et apparaît complexe. Les usagers s'y perdent. N'y a-t-il pas trop d'acteurs impliqués, entraînant une application parfois différenciée de la loi selon les territoires ?

Au niveau de la gouvernance, ne craignez-vous pas un risque d'acteurs juges et parties, puisque les acteurs du conseil du CNSA votent sur les budgets qui lui sont octroyés ?

Quelle est la place du citoyen et de l'usager dans cette cinquième branche ?

Dans les outre-mer et notamment à La Réunion, où la population vieillit beaucoup plus vite qu'ailleurs, se posent avec urgence les questions du maintien à domicile et de l'amélioration des conditions de travail des aides à la personne. Quelle est votre vision pour les outre-mer ?

Enfin, comment comptez-vous répondre aux défis de la CNSA avec une trajectoire financière loin de répondre aux besoins ?

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Vous avez chacun commenté les nouveaux rôles de la CNSA et votre part dans la transformation en branche de la sécurité sociale au service des personnes âgées. Deux ans et demi après la LFSS 2021, nous semblons être à mi-chemin dans l'atteinte des objectifs fixés – plus d'équité, une réduction de la complexité des prestations avec une organisation plus efficiente, plus de contractualisation.

Sur le sujet de l'équité, il reste beaucoup à faire : certains départements avaient déjà des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens ou des tarifs bien au-delà des planchers. Pour autant, il y a un enjeu d'homogénéisation à l'échelle nationale. On constate un manque de données globalisées, des pratiques et des accompagnements différenciés qui ne sont pas toujours vécus de manière juste. Il nous faut davantage de lisibilité dans les dispositifs de soutien et de visibilité dans les mesures préconisées et adoptées. Les rapporteurs recommandent davantage de contractualisation. Or, pour cela, nous devons aller plus loin encore dans la révision du mode de financement.

Une clarification du rôle des centres de ressources territoriaux et des SPTA vis-à-vis de l'évolution des Ehpad est nécessaire. Elle doit nous interroger tant sur les acteurs que sur les bénéficiaires. S'agissant des premiers, le défi concerne la répartition des ressources – notamment humaines – et leur bonne utilisation pour atteindre les objectifs fixés. Or, depuis le Ségur et les autres mesures adoptées, nous nous retrouvons face à de nombreux imprévus, comme l'inflation, les abandons en cours de formation ou encore les demandes d'évolution. Concernant les bénéficiaires, nous n'avons toujours pas résolu l'équation du reste à charge. Nous sommes pris en étau entre des bénéficiaires qui ont peu de moyens – dont la moitié nécessite aujourd'hui le support public à différents niveaux – et des ressources humaines dont les rémunérations ne sont pas suffisamment attractives. Comment la branche peut-elle répondre à cette problématique ?

Si nous partageons les objectifs, la question des moyens – qui n'est pas seulement financière – est fondamentale. Il est terrible que des personnes qui ont monté des résidences pour personnes âgées se voient aujourd'hui attribuer les mêmes missions que celles d'un Ehpad. La durée de vie en maison de retraite a diminué de manière très importante. Le besoin en accompagnement des personnes accueillies n'est pas le même. Aussi, comment articuler l'actualisation des besoins et les moyens à y consacrer ?

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Certaines des mesures du PLFSS devaient être renvoyées à des discussions ultérieures. Monsieur Dujol, vous avez évoqué les heures de lien social – comme vous, je ne suis pas très favorable à l'appellation « heures de convivialité ». Pendant les débats autour du PLFSS, il nous a été indiqué que cette mesure serait co-construite avec les départements. En mai 2023, où en est cet accord ? Le budget s'élève à 230 millions d'euros à l'horizon 2026. Or, les départements peuvent avoir la tentation de lorgner ces financements pour autre chose que la mise en œuvre de ces actions.

La LFSS prévoit 3 000 postes supplémentaires en Ehpad. Si la communication du Gouvernement sur ce sujet est bien légitime, il est difficile d'assurer la traçabilité de ces mesures. Ma question ne porte pas tant sur l'atteinte de la cible – bien que j'aie noté, monsieur Dujol, que vous évoquiez l'horizon 2030, alors que le Président de la République visait quant à lui le terme de son quinquennat, mais sur l'affectation des postes, ARS par ARS. Où précisément sont-ils créés ?

Monsieur Von Lennep, à quoi seront alloués les 2,5 milliards d'euros tirés de la CSG ?

Vous avez évoqué 80 postes supplémentaires au titre de la COG. Avez-vous enfin obtenu les postes de missions de pilotage des politiques de lutte et de coordination sur l'isolement que Bercy refusait de vous octroyer ?

Par ailleurs, nous avons réalisé de belles avancées dans cette commission et dans la proposition de loi sur la société du bien-vieillir ; mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous ne révisez pas le formulaire de demande d'APA pour le flux à venir et non plus pour le stock, ce qui permettrait de recueillir le consentement de la personne au moment où elle émet sa demande.

Vous avez d'ailleurs fait référence à cette proposition de loi : vous êtes-vous livré à un chiffrage indicatif de son impact sur vos trajectoires ?

Cette proposition de loi vise à créer un Conseil national de l'autonomie : madame Magnant, qu'attendez-vous de cette instance, et comment s'articulera-t-il avec les missions de la CNSA et son conseil ?

Au moment où la tarification à l'activité pour l'hôpital va être remise en cause, l'application de l'outil Serafin - PH – qui y ressemble fortement – est-elle pertinente ?

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Le travail des trois rapporteurs sur l'article 32 de la LFSS 2021 a mis en lumière ce que nous avons également pu aborder au cours de la discussion sur la proposition de loi sur la société du bien-vieillir : la création de cette cinquième branche en 2020 avec la CNSA, malgré son importance cruciale, n'a pas tout résolu. Le besoin de clarifier une gouvernance trop complexe est devenu évident pour le bénéfice aussi bien des professionnels que des personnes âgées elles-mêmes. Il est notamment primordial que le SPTA élaboré et proposé par le Gouvernement soit établi de manière à offrir une véritable solution de simplification pour tous les usagers.

On voit bien sur le terrain que le manque de clarté et d'accessibilité des services publics représente l'un des principaux freins à l'accès des personnes aux prestations auxquelles elles ont droit. De plus, le financement de ces progrès sans précédent doit être clarifié pour compléter la disposition déjà proposée et votée, et pour garantir une meilleure visibilité sur les futurs financements qui devront être prévus dans la LFSS 2024.

Enfin, les progrès réalisés lors du dernier mandat ont été particulièrement importants. Cependant, il est nécessaire de les compléter aujourd'hui, en consacrant à la CNSA des moyens plus importants pour qu'elle effectue correctement ses missions et qu'elle apporte plus d'égalité d'accès dans les territoires.

L'enveloppe supplémentaire évaluée à 10 milliards par an d'ici 2030 sera-t-elle suffisante ? Avez-vous une vision prospective des ressources nécessaires, au regard des besoins correspondant au cahier des charges imposé au SPTA et du nombre croissant des bénéficiaires et des personnes en situation de handicap qui deviennent âgées ? Ces ressources et ces besoins viendront nourrir le plan pluriannuel piloté par la Conférence nationale de l'autonomie.

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Vous expliquez que la cinquième branche est une branche de la sécurité sociale au même titre que les autres ; or, ce n'est pas tout à fait le cas – et c'est d'ailleurs une partie du problème auquel nous sommes confrontés depuis sa création. En effet, elle diffère par son mode de gouvernance, mais aussi de financement – assuré à 90 % par l'impôt via la CSG. Cette particularité, qui alimente la confusion entre ce qui doit relever de la politique publique et de la sécurité sociale, tend cependant à être clarifiée au profit d'une étatisation plus poussée de la sécurité sociale. Nous en avons d'ailleurs le témoignage aujourd'hui.

Cette cinquième branche a été créée alors même qu'était entériné le transfert de la dette sociale à la Cades, caisse à l'origine provisoire, dont la fonction était d'apurer les dettes de la sécurité sociale. Elle a finalement été prolongée jusqu'en 2033, en raison du transfert de la dette covid, alors que ses résultats devaient permettre de financer l'autonomie.

Ces conjonctions me semblent révélatrices de nombreux problèmes. Depuis la création de la cinquième branche, nous attendons un projet politique, qui, comme l'évoquait Monique Iborra, fait défaut, pour lui donner une impulsion véritable. C'est avant tout un haut niveau de protection sociale pour tous qui doit être garanti ; vient ensuite le service – public – rendu, à la fois pour l'accompagnement à domicile et les établissements. Aussi, combien de places seront-elles créées, et combien de personnes pourront-elles être accompagnées ? Qui prendra ces services en charge ? Après le scandale Orpea, il est légitime de se poser ces questions.

S'agissant des personnes en situation de handicap, enfants ou personnes vieillissantes, le déficit de places en institution est criant. Comment relever ce défi ?

Le rapport d'évaluation montre l'intérêt de la création du FIVP, ce qui ouvre deux champs d'investigation. Le premier est celui de la reconnaissance et de la prise en charge de la santé environnementale, sujet majeur qui ne relève pas entièrement de la branche AT-MP. Par ailleurs, que compte-t-on faire de la branche AT-MP, conquête sociale décisive, mais maintenue dans une situation de sous-emploi ? Le phénomène de sous-déclaration est massif. La commission dédiée de la Cour des comptes remet un rapport sur le sujet tous les trois ans : en 2021, elle a estimé que le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles qui aurait dû être déclaré représentait une fourchette allant de 1,2 à 2,1 milliards d'euros. Les derniers chiffres rendus publics sur les morts au travail ne peuvent que nous inviter à agir de manière vigoureuse. En outre, l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles demeure faible au regard des préjudices subis. D'un point de vue budgétaire, la branche AT-MP se trouve excédentaire : c'est ainsi que l'on vient y piocher des fonds pour alimenter d'autres actions, alors qu'il faudrait développer les réponses que la branche peut apporter aux salariés en matière de santé au travail. J'en veux pour preuves les dernières décisions prises dans la LFRSS, qui, une nouvelle fois, mettent à disposition les fonds de la branche des entreprises, alors qu'ils devraient relever d'actions qui ne sont pas de même nature.

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Je passe maintenant la parole aux autres orateurs.

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La création de la cinquième branche en 2020 était le fruit d'un travail important et d'une volonté politique forte de soutien à l'autonomie. Cette nouvelle branche vise à garantir plus d'équité, moins de complexité et plus d'efficience : nous pouvons féliciter la CNSA d'avoir accepté de relever le défi à l'époque. Notre volonté reste prégnante : nous avons encore du chemin à parcourir. C'est la raison pour laquelle nous avons créé le service public territorial de l'autonomie dans le projet de loi sur la société du bien-vieillir.

Je souhaitais revenir sur deux points saillants du rapport : le premier concerne les difficultés rencontrées par la CNSA eu égard au fonctionnement singulier de la caisse. Le second porte sur la nécessité de réformes pour que la CNSA puisse jouer pleinement son rôle. Partagez-vous ces points de vue ? Quelles actions entendez-vous mener pour faire face à ces difficultés ?

Comme Jérôme Guedj, je m'étonne de la trajectoire de recrutement à horizon 2030 des 50 000 postes : l'échéance 2027, que nous avons votée, doit être tenue ; par ailleurs, les deux heures doivent bien s'ajouter au plan d'aide. Je ne suis pas certaine de l'avoir compris de cette manière dans vos réponses.

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L'un des objectifs de la création de la cinquième branche et des nouveaux rôles de la CNSA est bien une organisation plus efficiente de la politique de l'autonomie. Pour y concourir, l'Assemblée nationale a adopté à une très large majorité le SPTA, qui doit entrer en vigueur au plus tard au 1er janvier 2025. Sa mise en œuvre est à la fois une grande promesse pour les usagers, puisque l'un de ses objectifs, à terme, est la simplification du parcours, mais aussi un immense défi auquel nous devons nous préparer à répondre tant en matière de structuration que de formation et d'acculturation des professionnels.

C'est pourquoi la structuration et la mise en œuvre du SPTA figuraient déjà dans les engagements de la COG 2022-2026 de la CNSA. Y apparaît notamment le principe de territoire préfigurateur d'un cahier des charges national. Dans quel calendrier cette phase de préfiguration – qui me paraît indispensable – sera-t-elle déployée ? La CNSA dispose-t-elle des moyens et des leviers nécessaires pour accompagner la création du SPTA d'ici son entrée en vigueur ?

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Nous en venons à la présentation de l'évaluation sur le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP).

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Mon rapport concerne l'évaluation du FIVP, créé par la LFSS 2020. Ce dispositif existe ainsi depuis près de trois ans, même si la crise du covid en a perturbé la mise en œuvre.

Je tiens d'abord à remercier les équipes du FIVP, de la MSA, des ministères de l'agriculture et de la santé, ainsi que les associations que j'ai auditionnées et que je sais pleinement investies dans le déploiement de ce dispositif.

Je rappelle que le FIVP est à l'origine une initiative parlementaire, puisque la sénatrice Nicole Bonnefoy avait déposé une proposition de loi sur le sujet, reprise par notre collègue Dominique Potier. Cependant, son examen n'avait pu être mené à terme. La ministre de l'époque, Agnès Buzyn, s'était alors engagée à intégrer le dispositif dans le PLFSS 2020. Celui qui a été retenu différait en réalité du projet porté par nos collègues et l'association Phyto-Victimes, qui joue depuis longtemps un rôle actif pour défendre cette cause.

Je rappelle que le fonds n'a vocation en aucune manière à se substituer aux demandes de réparation des préjudices subis devant la justice. En effet, il a pour objectif de faciliter les démarches de reconnaissance des maladies professionnelles. La création du FIVP vise en premier lieu à simplifier les demandes d'indemnisation en les centralisant, et à harmoniser au niveau national les décisions rendues – que ce soit la reconnaissance des maladies professionnelles, la détermination du taux d'incapacité permanente et le niveau d'indemnisation. Le fonds vise aussi à mieux indemniser les exploitants agricoles : sa création a permis d'aligner les indemnisations sur celles, plus favorables, des salariés agricoles, grâce au versement d'un complément. Il prend également en charge les retraités agricoles exposés aux pesticides et qui ont pris leur retraite avant la création du régime AT-MP obligatoire le 1er avril 2002. Ces personnes ne pouvaient prétendre à une indemnisation, même si leur pathologie était bien liée à une exposition professionnelle. Enfin, le fonds propose une indemnisation pour les enfants exposés aux pesticides pendant la période prénatale, du fait de l'exposition professionnelle de l'un ou des deux parents, et qui a provoqué une pathologie chez l'enfant. Ceux-ci peuvent bénéficier d'une réparation forfaitaire sur la base d'un barème ad hoc.

Le fonctionnement, l'organisation et les modalités d'indemnisation des victimes de pesticides ont été définis par le décret du 27 novembre 2020. L'instruction des demandes et la gestion du fonds nt été confiées à la MSA, pour le compte du régime général du régime agricole, salarié et non-salarié, et du régime local d'Alsace-Moselle. La caisse MSA Mayenne Orne Sarthe a quant à elle été mandatée par le fonds pour étudier les demandes d'indemnisation des maladies.

La création du FIVP a entraîné une hausse très nette du nombre de demandes d'indemnisation : en effet, ce dernier a été multiplié par trois en trois ans. Le FIVP a ainsi reçu 650 dossiers en 2022, contre 326 en 2021 et 226 en 2020. Ces demandes émanent majoritairement des exploitants agricoles. À l'inverse, les demandes pour le compte des enfants – une dizaine – demeurent très marginales à ce stade.

Pourriez-vous nous présenter plus en détail le bilan chiffré de l'activité du fonds, en nous indiquant combien de personnes ont pu être indemnisées à ce jour et à hauteur de quel montant en moyenne ? Quelle part des dossiers a reçu une réponse positive et quelles sont les principales pathologies concernées ?

La création des tableaux relatifs au cancer de la prostate, dont le lien avec l'exposition aux pesticides a été établi, a facilité la reconnaissance de cette maladie et l'accord d'indemnisations. Des changements législatifs, comme l'extension de la définition de pesticides aux antiparasitaires vétérinaires, ou la possibilité pour les travailleurs agricoles ultramarins qui relèvent du régime général de bénéficier des tableaux du régime agricole – c'est l'article 104 de la LFSS 2022 – ont également permis d'assouplir l'accès au fonds.

Je voudrais également vous interroger sur les actions mises en œuvre pour poursuivre le déploiement du FIVP, qui semble avoir rencontré des difficultés parfois importantes. La montée en charge du fonds est facilement observable dans plusieurs régions comme en Bretagne, dans les Pays de la Loire, les Hauts-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine. Toutefois, le démarrage a été plus lent aux Antilles, où le sujet, on le sait, est particulièrement sensible. Je tiens d'ailleurs à saluer les actions menées par les équipes du FIVP en lien avec le plan Chlordécone IV au titre de la formation des agents des caisses générales de sécurité sociale de Martinique et de Guadeloupe : je pense à l'organisation de réunions et de campagnes d'information et d'accompagnement des demandeurs dans la préparation des dossiers par l'association Phyto-Victimes en Martinique.

Le dispositif reste encore largement méconnu de ses potentiels bénéficiaires. Or, il apparaît indispensable de communiquer davantage sur le fonds, que ce soit auprès des travailleurs agricoles, afin qu'ils aient connaissance de leurs droits, mais aussi auprès des professionnels de santé pour leur permettre de repérer rapidement des maladies pouvant avoir un lien avec l'exercice professionnel, ainsi que les possibles conséquences chez l'enfant d'une exposition aux pesticides pendant la période prénatale.

Pourriez-vous présenter les actions qui seront conduites dans les prochains mois dans cette optique ? Il m'a été indiqué en audition qu'il sera sans doute nécessaire de renforcer les moyens du fonds pour informer plus largement les potentiels bénéficiaires. Quels moyens supplémentaires seraient alors alloués au FIVP à cet effet ?

Enfin, je voudrais revenir sur la question du périmètre et du financement du fonds. De nombreuses personnes qui ont pu être exposées aux pesticides dans le cadre de leur activité professionnelle, comme des agents de la fonction publique ou de la SNCF, ou dans le cadre de leur lieu de vie, ne sont pas couvertes par le fonds. Une évolution de son périmètre vous paraît-elle envisageable et souhaitable ?

S'agissant du financement, le fonds est aujourd'hui alimenté par des cotisations AT-MP et le produit d'une taxe sur les produits phytosanitaires. Pensez-vous que ce financement est viable au regard de la montée en charge du FIVP et de la possibilité que les ventes de produits phytosanitaires diminuent ? Ne faudrait-il pas envisager, à terme, une participation de l'État que certains tiennent pour partie responsable de la situation au financement du fonds ?

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Je voudrais vous remercier pour ce travail d'évaluation, toujours utile aux législateurs que nous sommes pour contrôler la bonne application des lois et, surtout, pour corriger les dispositifs qui se révéleraient inopérants.

L'analyse de la mise en œuvre du FIVP, créé en 2020, est instructive : elle en dit long sur les efforts qu'il nous reste à faire pour certaines victimes des pesticides. Je voudrais parler de celles qui, par milliers, ont été empoisonnées par le chlordécone. Le rapporteur note dans son évaluation que les potentiels bénéficiaires de ce fonds aux Antilles rencontrent de nombreuses difficultés pour prouver que leur maladie a un lien avec leur activité professionnelle. C'est un véritable drame.

Le rapporteur formule par ailleurs des recommandations sur un élargissement du périmètre et du financement de ce fonds. Que pensez-vous de la création d'un fonds spécifique aux victimes du chlordécone, à la mesure du drame vécu, indemnisant toutes les personnes malades exposées, ainsi que les acteurs économiques – et notamment les pêcheurs – qui souffrent des mesures de restriction ? Cette voie, à mon sens, est la seule capable de répondre à la catastrophe sanitaire, environnementale et économique à laquelle nous faisons face en Guadeloupe et en Martinique.

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Ce fonds, créé en 2020, a connu une hausse très nette du nombre de demandes d'indemnisations. 87 % des demandes concernent des travailleurs de l'agriculture et 64 %, des exploitants agricoles.

Alors que le plan Chlordécone IV a été lancé en 2021, le nombre de dossiers instruits issus des outre-mer reste infime : en 2021, le fonds a reçu deux dossiers de Guadeloupe et neuf de Martinique. Pourtant, l'étude Matphyto DOM a estimé qu'en 1989, 77 % des 12 700 travailleurs de la banane aux Antilles avaient été exposés au chlordécone. En cause : le retard pris par le Gouvernement pour publier le décret, paru seulement en décembre 2021. Par ailleurs, jusqu'au 30 décembre 2022, les demandes déposées ont été prises en compte, quelle que soit la date d'apparition de la maladie. Or, depuis le 1er janvier 2023, ce sont les règles de prescription du droit commun qui s'appliquent. Il faut désormais présenter sa demande dans les deux ans qui suivent le premier certificat médical attestant de symptômes liés à l'exposition. Combien de victimes resteront-elles non déclarées et non indemnisées ? Il est certainement possible, sur le plan juridique, d'appliquer une exemption au droit commun dans ce domaine spécifique.

Enfin, le FIVP reste largement méconnu de ses éventuels bénéficiaires. N'y aurait-il pas lieu de mettre en place des campagnes de communication, tant à destination des travailleurs agricoles que des professionnels de santé, pour un diagnostic rapide des maladies liées aux activités professionnelles ?

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Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale

Vous soulignez l'augmentation forte des demandes, en 2022, largement liée à la création du tableau dédié aux cancers de la prostate provoqués par les pesticides. Pour les personnes qui en sont exclues, une voie complémentaire existe : elle passe par une commission d'évaluation. Le cancer de la prostate concernant la moitié des dossiers reçus en 2022, cette avancée était importante.

S'agissant du périmètre et du financement, les régimes spéciaux bénéficient de leur propre dispositif d'indemnisation. À ce jour, nous avons échangé avec de grandes entreprises nationales où un risque d'exposition a été identifié. Elles nous ont indiqué préférer en rester à leur propre dispositif. Si elles demandaient toutefois à s'inscrire dans le FIVP, leur souhait serait examiné.

Le financement nous paraît viable à court terme. Si, à moyen terme, l'assiette de financements assurés par la vente de produits phytosanitaires diminue, de nouvelles sources de financement devront cependant être recherchées en loi de financement.

Nos actions de communication, en métropole et spécifiquement aux Antilles, sont déjà lancées. Elles restent sans doute insuffisantes : un effort particulier, reposant notamment sur une démarche d'« aller vers », doit être mené aux Antilles – le Gouvernement y réfléchit. Par ailleurs, les enjeux de l'exposition au chlordécone dépassent largement le seul fonds.

Madame Janvier, vous soulignez une attente de lisibilité des politiques publiques. Dans le champ de la protection sociale, la complexité est omniprésente : l'enjeu de simplification est réel, mais il doit se doubler d'une démarche d'« aller vers », afin d'accompagner la bonne application des politiques publiques.

Les revalorisations salariales dans le secteur ont bien été mises en œuvre : le Ségur, notamment, a dédié plus de 3 milliards d'euros à cette politique.

Monsieur Ratenon, notre défi est en effet de réussir à structurer cette branche dont les acteurs sont très nombreux.

Messieurs Bazin et Dharréville, l'amélioration du plan d'aide et le crédit d'impôt ont permis une réduction du reste à charge à domicile. Cependant, en établissement, la question se pose depuis quinze ans : tous les gouvernements ont fait le choix d'investir dans l'offre davantage que d'agir sur le reste à charge, afin qu'il y ait davantage de professionnels – et récemment, qu'ils soient mieux payés grâce au Ségur. Ce choix est partagé, y compris par le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et les parties prenantes : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) personnes âgées est beaucoup plus dynamique que l'Ondam moyen depuis quinze ans.

Monsieur Guedj, la branche est en léger excédent entre 2024 et 2026, parce qu'elle finance les mesures attendues par le secteur.

Enfin, monsieur Dharréville, vous m'interrogez sur la branche AT-MP. La sous-déclaration est évaluée par une commission. Nous devons en effet réduire ce phénomène. Il est par ailleurs révélateur d'une problématique de financement. En effet, le transfert des AT-MP vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration a été augmenté à 1,2 milliard d'euros. Il reste au bas de la fourchette évaluée par la commission. Plutôt que d'augmenter ce transfert, en réalité, nous souhaiterions constater une meilleure déclaration dans les entreprises. C'est l'un des objectifs de la future COG. Il me semble cependant que l'utilisation d'excédents de la branche pour augmenter les financements au titre de la prévention de la future COG ou du Fipu est conforme à nos objectifs. Lorsque l'accord national interprofessionnel des partenaires sociaux sera rendu public, vous pourrez constater notre volonté de redoubler les efforts de la branche en matière de prévention.

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Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale

Pour bien prendre en charge des personnes âgées ou handicapées, il faut coordonner des interventions à la fois multiples et techniques. La complexité que vous soulignez est donc irréductible ; mais l'enjeu des politiques publiques est de l'internaliser, pour que l'usager accède aussi facilement que possible aux services. C'est par exemple le cas du formulaire MDPH. Saisir dans sa singularité la situation de ces personnes est un exercice multidimensionnel : cependant, nous devons développer les démarches de l'« aller vers » et d'accompagnement des personnes pour masquer la complexité auprès des usagers et faciliter l'accès à leurs droits.

La mesure de lien social pour les bénéficiaires de l'APA consiste bien en deux heures supplémentaires. Dans un contexte où les plans sont contraints, il pourrait en effet être tentant d'utiliser ces deux heures à une autre fin : nous serons donc vigilants. Nous engagerons à la fin de ce mois avec les départements un travail de définition des conditions qui nous permettront de nous assurer que ces deux heures seront bien dédiées à des actions de lien social.

L'horizon de création des 50 000 postes est bien l'année 2027. Pour garantir sa réalisation, nous pourrons suivre le recrutement effectif des ETP et l'augmentation du temps d'encadrement en Ehpad, car un tableau des emplois est prévu en annexe des états réalisés de recettes et de dépenses. Nous avons bien les moyens, l'ambition et la volonté d'exécuter la décision que vous avez votée.

Vous vous inquiétez de voir en Serafin-PH un retour à la tarification à l'activité, alors que ce modèle est remis en cause dans le secteur sanitaire. Il s'agit d'une réforme de la tarification, qui vise à personnaliser et à faciliter les parcours de vie, en cassant la logique de places en établissement au bénéfice d'une prise en charge continue du projet de la personne. Ce n'est donc pas, selon moi, une tarification à l'activité, bien qu'elle soit modulée en fonction des caractéristiques et des besoins de la personne. Cette réforme a pour ambition d'accompagner les personnes et de déclencher une véritable transformation de l'offre. Ce travail complexe, engagé il y a dix ans, doit désormais produire des effets assez rapidement.

Vous avez évoqué les contrôles dans les établissements. Nous avons pris toute la mesure des conséquences du scandale Orpea et de la publication des Fossoyeurs. Le Gouvernement a engagé une série de mesures de transformation et de moralisation du secteur. Les LFSS successives, et notamment la dernière, comportent un volet important de renforcement de ces mesures de transparence, vis-à-vis des autorités de tarification comme des usagers. Nous avons également engagé un plan de contrôle exhaustif et systématique des 7 500 Ehpad. Il est en cours de déploiement. Dans ce cadre, des effectifs complémentaires ont été recrutés pour les ARS. La première salve de contrôles a été déployée au premier semestre de l'année dernière, afin de calibrer notre méthode. Depuis, nous exécutons ces contrôles, sur pièce ou sur place. Le taux de réalisation est variable selon les régions. Nous aurons l'occasion de faire un point détaillé d'ici la fin du semestre. En tout cas, nous n'avons pas découvert de dysfonctionnements aussi prononcés que ceux liés au groupe Orpea.

Les aidants représentent une contribution indispensable à la prise en charge des personnes. Le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de leur concours : c'est la raison d'être de la stratégie nationale pour les aidants, qui courait jusqu'en 2022. Un bilan en a récemment été tiré. D'ici l'automne, une nouvelle stratégie sera publiée. Elle mettra sans doute l'accent sur les enjeux du répit, car nous devons accompagner les aidants dans l'exercice de leurs responsabilités. Un travail important a été mené par l'Inspection générale des affaires sociales ces derniers mois afin de recenser différentes solutions. Des financements ont permis de développer des expérimentations originales en ce sens.

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Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Notre système de protection sociale est en effet complexe, parce qu'il est riche de prestations et d'offres de service. Les réformes de politiques publiques consistant à développer de nouveaux droits et de nouvelles solutions, que vous avez votées, ont en effet enrichi la palette des réponses possibles à la diversité des situations.

Dans le cas du handicap et des prestations individuelles en soutien aux personnes, les droits ont été profondément transformés avec la possibilité de mobiliser, pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évolution favorable, ces droits à vie. Les équipes doivent s'approprier ces nouvelles démarches.

De même, la prestation de compensation du handicap (PCH) a été élargie au soutien aux familles, avec la création du volet parentalité, qui permet de mobiliser des aides techniques pour soutenir les parents de personnes en situation de handicap. Cette réforme, réclamée de longue date, a été actée en 2020. Elle a rapidement trouvé son public.

On peut encore citer l'élargissement de la PCH aux heures de ménages : alors que les personnes de plus de 75 ans ne pouvaient pas faire ces démarches, elles en ont désormais la possibilité.

Enfin, l'élargissement au 1er janvier 2023 de la PCH aux publics souffrant de troubles psychiques ou du spectre autistique représente une avancée considérable.

Notre système est complexe ; lors de son intervention devant les membres du conseil de la CNSA au moment de la création de la cinquième branche, Antoine Durrleman avait rappelé que ces élargissements constituaient un moteur fort de la protection sociale : la couverture maladie universelle ne s'est pas faite en un jour. Or, l'expansion du périmètre de protection se traduit en effet par une complexité accrue. La seule manière de la gérer repose sur des professionnels bien formés : il nous reste encore des efforts très importants à faire dans ce domaine. La CNSA a pris sa part en formant plus de 4 000 professionnels des MDPH en 2022 sur les fondamentaux de ces prestations. Par ailleurs, le SPTA contribuera à rendre les guichets plus accessibles. À ce titre, je souligne l'importance de rendre ces guichets facilement identifiables pour les usagers, grâce à l'apposition d'un logo reconnaissable ; surtout, parce que les acteurs sont nombreux, nous devrons garantir aux personnes une prise en charge par un interlocuteur unique.

Les progrès dans cet accompagnement peuvent être jugés modestes, deux ans après la création de la CNSA et un an après la signature de sa COG ; l'atteinte du dernier kilomètre prend un peu de temps. La COG 2022-2026 était perçue par les membres du conseil eux-mêmes comme une première étape vers 2030, horizon du pic de la transition démographique. Notre feuille de route vise à nous faire progresser à horizon 2026, afin qu'à partir de ce jalon intermédiaire, forts d'un guichet intégré à cette date et d'une offre transformée et modernisée, nous disposions d'un socle solide avant la prochaine COG.

Nous avons des objectifs de développement et de diversification des solutions d'accompagnement dans les champs de l'âge et du handicap. Je vous confirme, d'ailleurs, que les ressources plus importantes allouées à la cinquième branche lui ont permis de dégager des moyens pour soutenir un plan de rattrapage de l'offre à destination des personnes âgées dans les territoires ultramarins et insulaires – intégrant la Corse. Ce sont 80 millions d'euros de crédits pour le fonctionnement de nouvelles possibilités d'accompagnement par des établissements ou des services à destination des personnes âgées sur cinq ans, et 75 millions de crédits d'investissement pour soutenir le développement de l'offre. S'agissant de La Réunion, l'ARS et la collectivité ont travaillé conjointement à la programmation de l'offre qui sera ouverte par ces crédits : le but n'est pas de décliner de manière identique des taux d'équipement calqués sur l'organisation métropolitaine – alors que l'offre Ehpad n'est adaptée ni à la culture, ni à la géographie, ni aux besoins de la population réunionnaise –, mais de mailler le territoire avec de plus petites unités de vie, d'une quinzaine à une vingtaine de places.

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Magali Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole

Le FIVP est récent. Il a été créé par l'État en pleine crise sanitaire. Sa montée en charge a toutefois été très rapide. En effet, on compte 226 demandes en 2020, 326 en 2021 et 650 en 2022, soit une augmentation de 300 % en trois ans. Cette augmentation est due à plusieurs facteurs. Le premier est l'évolution du tableau des maladies professionnelles, qui intègre désormais la maladie de Parkinson et le cancer de la prostate pour les régimes agricole et général. Les avancées de la recherche scientifique, soutenue notamment par l'Inserm, ont également contribué à l'augmentation de ces demandes, en améliorant la connaissance sur les liens entre une exposition professionnelle et les pathologies pouvant donner lieu à une demande et à une indemnisation. Les évolutions législatives sont aussi favorables au développement de ces demandes : je pense à l'extension aux produits antiparasitaires vétérinaires ou à la possibilité pour la population française d'outre-mer qui exerce une activité agricole de bénéficier des tableaux du régime agricole depuis la LFSS 2022. Enfin, même si nous devons encore fournir des efforts, l'information et la communication menées ont permis une meilleure connaissance de différents acteurs – victimes potentielles, professionnels de santé, associations de victimes et organismes concernés.

Le dispositif de communication intègre un site internet, une ligne téléphonique dédiée et des liens de contact privilégiés avec les associations de victimes.

Sur ces 650 demandes, 482 dossiers ont été instruits et notifiés ; 168 sont en cours de complément. Le taux de réponse positive est de 85 %, soit 408 réponses, contre 75 % en 2021.

La population concernée par ces demandes est composée à 92 % de travailleurs agricoles, dont 72 % de non-salariés agricoles – chefs d'exploitation ou chefs d'entreprises agricoles. 93 % des dossiers concernent la métropole. La première pathologie est le cancer de la prostate : il correspond à 38 % des accords. Les trois principaux secteurs d'activité concernés par ces demandes sont la polyculture élevage, les cultures céréalières et de légumineuses et la viticulture : ils représentent 62 % des demandes.

Le montant total d'indemnisation s'élève à 6,7 millions d'euros, dont 3,7 millions de compléments pour les non-salariés agricoles.

Les actions menées se sont concentrées sur trois thématiques. La première concerne les enfants : en effet, le démarrage est pour le moins timide au regard du nombre de dossiers déposés concernant les enfants exposés pendant la période prénatale. On compte une douzaine de dossiers pour 2022. Pour aller plus loin, nous avons entamé des travaux avec le ministre de l'agriculture, la direction de la sécurité sociale et le FIVP pour élaborer des outils d'information, notamment une plaquette à destination des professionnels de santé. Nous souhaitons établir des actions d'« aller vers » les professionnels de santé tels que les gynécologues et pédiatres, qui pourraient orienter certains de leurs patients.

Par ailleurs, nombre de non-salariés agricoles pourraient bénéficier du complément. Au-delà de la communication, nous souhaitons établir une action davantage ciblée, d'« aller vers », s'adressant directement aux 500 non-salariés agricoles identifiés comme pouvant potentiellement demander ce complément.

Enfin, des actions très importantes ciblent les Antilles, sachant que le FIVP s'inscrit dans le plan Chlordécone du Gouvernement. Nous menons des actions d'information et de formation pour faciliter le dépôt des dossiers et les actions de terrain. Chaque caisse locale reste en effet le premier interlocuteur des demandes, avant de pouvoir les transmettre pour gestion au FIVP. Nous travaillons avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, dont relèvent les caisses générales de sécurité sociale, pour accélérer cet accompagnement, ainsi qu'avec les associations, comme Phyto-Victimes en Martinique, qui jouent un rôle majeur auprès des populations éprouvées par la crise du chlordécone, et qui peuvent ressentir une forme de méfiance envers les services publics et l'État.

Vous avez évoqué les professionnels de la SNCF ou les agents du service public qui auraient pu être exposés à des pesticides dans le cadre de leur activité. La volonté du législateur étant de viser une harmonisation et une équité de traitement des professionnels concernés en créant le FIVP, je peux comprendre votre argument. Cependant, comme l'a rappelé le directeur de la sécurité sociale, chaque régime a vocation à gérer ses propres risques professionnels. Les victimes potentielles environnementales, en revanche, n'entrent pas dans le cadre du FIVP tel qu'il était prévu.

Sur les moyens et les questions de financement, il faut distinguer deux sujets. Concernant le financement du fonds en lui-même pour indemniser les victimes potentielles, nous sommes encore en phase de montée en charge : il est donc encore trop tôt pour envisager la suite. Si la vocation du FIVP est bien de couvrir un maximum de demandes et de victimes, il faudra bien sûr réinterroger les modalités de financement. Par ailleurs, le deuxième volet de financement est celui de l'organisation et de la gestion du fonds. Nos besoins ont été entendus par la direction de la sécurité sociale : quelques ETP supplémentaires ont permis de répondre à un besoin immédiat face à une forte augmentation du nombre de demandes. Les actions de communication et d'« aller vers » nécessiteront de doter le fonds d'un budget de fonctionnement et de communication, car il n'en dispose pas aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons entendu que vous aviez besoin d'outils et de temps. Il nous faut quant à nous de la clarté et de l'efficacité, car nous sommes obligés d'informer nos concitoyens des résultats de ce que nous votons. Or, nous sommes rarement en mesure de le faire. Ces réunions peuvent nous y aider ; nous demanderons à la commission de poursuivre chaque année l'exercice auquel nous nous sommes prêtés ce soir, pour suivre l'évolution des dispositifs et vous demander, lorsque cela est nécessaire, d'accélérer encore leur mise en œuvre afin de répondre aux demandes de nos concitoyens.

La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Présents. - M. Thibault Bazin, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, Mme Laurence Cristol, M. Pierre Dharréville, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Serge Muller, Mme Maud Petit, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, Mme Annie Vidal

Excusés. - Mme Fanta Berete, Mme Caroline Fiat, Mme Katiana Levavasseur, M. Jean-Philippe Nilor, M. Olivier Serva