La branche a été créée dans un contexte crucial de développement des politiques publiques en matière de grand âge et de handicap. Les annonces qui ont suivi la Conférence nationale du handicap marquent ainsi une rupture importante, y compris sur l'idée que l'on peut se faire de l'accessibilité et de l'inclusion dans notre pays.
S'agissant du grand âge, les dynamiques sont plus structurelles : la décennie 2020-2030 sera celle d'une forte croissance du nombre de personnes âgées, qui se poursuivra dans les années suivantes. Plusieurs centaines de milliers de personnes en situation de grand âge ou en perte d'autonomie devront être accompagnées en établissement, en Ehpad ou à domicile. Bien entendu, les aspirations des Français très claires : 80 à 90 % déclarent vouloir vieillir chez eux, ou « comme chez eux » – d'où le développement de solutions intermédiaires, comme l'habitat inclusif. L'enjeu de développement est à la fois qualitatif et quantitatif ; il concerne également les ressources et l'offre proposée aux personnes âgées.
C'est le sens des mesures que nous avons prises depuis plusieurs années. Outre celles que vous avez décrites, on peut évoquer les centres de ressources territoriaux, la tarification des services de soins infirmiers à domicile ou la création des services autonomie à domicile. Ces innovations doivent permettre de gérer cette double évolution de l'offre au service de personnes en perte d'autonomie.
Vous nous avez interrogés sur les conditions de mise en œuvre les deux heures dites de convivialité – sans reprendre cette terminologie, que je trouve également peu heureuse. Cette mesure importante une double exigence, dans la logique du virage domiciliaire : elle améliore la prise en charge des personnes à domicile, et propose un cadre d'intervention plus propice et favorable aux professionnels qui exercent ce métier, afin d'en restaurer la vocation et l'attractivité. En effet, les professionnelles – qui sont souvent des femmes – se plaignent souvent de voir leur rôle réduit en raison des limites des plans d'aide proposés par les départements, en dépit des concours qui les solvabilisent : leurs interventions se résument à des gestes techniques, et ne permettent pas de tisser un lien pourtant consubstantiel à l'exercice de leur activité – et qui contribue à la qualité de la prise en charge. De surcroît, l'isolement des personnes âgées est un grave fléau responsable d'une accélération des signes du vieillissement.
La mise en œuvre de la mesure s'opérera progressivement, à compter du 1er janvier 2024. Deux heures par semaine seront proposées systématiquement à l'ensemble des primodemandeurs ; dans les cinq années suivantes, nous réviserons progressivement les plans d'aide des personnes bénéficiant de l'APA. Il sera possible de refuser cette aide, puisque l'APA est soumise à reste à charge. Cependant, un concours au titre de l'APA de la CNSA solvabilisera partiellement les départements.
Nous devrons rester vigilants : il n'est pas question que ces deux heures servent à autre chose qu'à leur objectif initial. Or, dans un contexte de resserrement des plans d'aide tant en nombre d'heures qu'en plafond monétaire, nous devons craindre des effets de substitution qui seraient préjudiciables à l'effectivité de ce dispositif.
Nous avons prévu de lancer des groupes de travail en lien avec les départements et la CNSA à la fin du mois de mai afin de concevoir le texte d'ici l'automne. À terme, cette mesure doit coûter 230 millions d'euros à la branche : c'est un investissement important, qui s'inscrit dans une stratégie globale destinée à améliorer la prise en charge à domicile ; s'y ajouteront des mesures pour les services d'aide et de soins, et les centres de ressources territoriaux.
S'agissant de la trajectoire des effectifs au sein de la branche, le besoin, comme chacun le sait, est criant : les taux d'encadrement en Ehpad restent insuffisants, a fortiori dans une situation où la structuration de la population admise dans ces établissements se transformerait pour compter de plus en plus de personnes présentant des troubles neurodégénératifs ou cognitifs. Là encore, l'enjeu est quantitatif et qualitatif à la fois.
Une première marche sera franchie dès cette année, avec le recrutement de 3 000 personnes. Plusieurs lignes concourent à cet objectif : des mesures de recrutement direct, mais aussi l'accélération des coupes Pathos, la mise en place de pôles d'activités et de soins adaptés ainsi qu'une augmentation du temps médical des médecins coordonnateurs : ces différents éléments permettront de respecter la trajectoire de recrutement de 50 000 personnes à horizon 2030 qui a fait l'objet d'une communication importante.
La stratégie suivant le virage domiciliaire, peu de places seront au total créées en Ehpad. Cependant, des crédits seront dédiés à l'ouverture de places dans les territoires sous-dotés, notamment en outre-mer. Votre préoccupation – et la nôtre – est de renforcer le taux d'encadrement dans les Ehpad existants : les 50 000 postes y contribueront.
Ces mesures sont solidaires de celles mentionnées dans le Ségur : nous n'attirerons des personnes vers ces métiers qu'à condition d'en améliorer les conditions de travail et de rémunération. L'impact du Ségur et des accords subséquents pour la branche en 2022 s'élève à 3,2 milliards d'euros. Cet effort était indispensable. Par ailleurs, les travaux ne sont pas terminés : des négociations sont en cours pour parvenir à des accords salariaux dynamiques.
Par ailleurs, nos services et nos établissements se caractérisent par des taux de sinistralité très importants. Or, nous ne pourrons durablement restaurer les conditions d'attractivité des métiers sans répondre à ces questions.
Enfin, si le conseil de la caisse est spécifique, est-il si éloigné de ce qu'imaginaient les pères fondateurs de la sécurité sociale ? L'un des piliers en était en effet sa gestion par les intéressés. L'histoire des politiques publiques, en particulier dans le secteur du handicap, s'est construite par la mobilisation du champ associatif. Nous fêtons cette année les quatre-vingt-dix ans d'APF France Handicap. La gouvernance attribue un rôle important aux personnes prises en charge et à leurs familles.