Le FIVP est récent. Il a été créé par l'État en pleine crise sanitaire. Sa montée en charge a toutefois été très rapide. En effet, on compte 226 demandes en 2020, 326 en 2021 et 650 en 2022, soit une augmentation de 300 % en trois ans. Cette augmentation est due à plusieurs facteurs. Le premier est l'évolution du tableau des maladies professionnelles, qui intègre désormais la maladie de Parkinson et le cancer de la prostate pour les régimes agricole et général. Les avancées de la recherche scientifique, soutenue notamment par l'Inserm, ont également contribué à l'augmentation de ces demandes, en améliorant la connaissance sur les liens entre une exposition professionnelle et les pathologies pouvant donner lieu à une demande et à une indemnisation. Les évolutions législatives sont aussi favorables au développement de ces demandes : je pense à l'extension aux produits antiparasitaires vétérinaires ou à la possibilité pour la population française d'outre-mer qui exerce une activité agricole de bénéficier des tableaux du régime agricole depuis la LFSS 2022. Enfin, même si nous devons encore fournir des efforts, l'information et la communication menées ont permis une meilleure connaissance de différents acteurs – victimes potentielles, professionnels de santé, associations de victimes et organismes concernés.
Le dispositif de communication intègre un site internet, une ligne téléphonique dédiée et des liens de contact privilégiés avec les associations de victimes.
Sur ces 650 demandes, 482 dossiers ont été instruits et notifiés ; 168 sont en cours de complément. Le taux de réponse positive est de 85 %, soit 408 réponses, contre 75 % en 2021.
La population concernée par ces demandes est composée à 92 % de travailleurs agricoles, dont 72 % de non-salariés agricoles – chefs d'exploitation ou chefs d'entreprises agricoles. 93 % des dossiers concernent la métropole. La première pathologie est le cancer de la prostate : il correspond à 38 % des accords. Les trois principaux secteurs d'activité concernés par ces demandes sont la polyculture élevage, les cultures céréalières et de légumineuses et la viticulture : ils représentent 62 % des demandes.
Le montant total d'indemnisation s'élève à 6,7 millions d'euros, dont 3,7 millions de compléments pour les non-salariés agricoles.
Les actions menées se sont concentrées sur trois thématiques. La première concerne les enfants : en effet, le démarrage est pour le moins timide au regard du nombre de dossiers déposés concernant les enfants exposés pendant la période prénatale. On compte une douzaine de dossiers pour 2022. Pour aller plus loin, nous avons entamé des travaux avec le ministre de l'agriculture, la direction de la sécurité sociale et le FIVP pour élaborer des outils d'information, notamment une plaquette à destination des professionnels de santé. Nous souhaitons établir des actions d'« aller vers » les professionnels de santé tels que les gynécologues et pédiatres, qui pourraient orienter certains de leurs patients.
Par ailleurs, nombre de non-salariés agricoles pourraient bénéficier du complément. Au-delà de la communication, nous souhaitons établir une action davantage ciblée, d'« aller vers », s'adressant directement aux 500 non-salariés agricoles identifiés comme pouvant potentiellement demander ce complément.
Enfin, des actions très importantes ciblent les Antilles, sachant que le FIVP s'inscrit dans le plan Chlordécone du Gouvernement. Nous menons des actions d'information et de formation pour faciliter le dépôt des dossiers et les actions de terrain. Chaque caisse locale reste en effet le premier interlocuteur des demandes, avant de pouvoir les transmettre pour gestion au FIVP. Nous travaillons avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, dont relèvent les caisses générales de sécurité sociale, pour accélérer cet accompagnement, ainsi qu'avec les associations, comme Phyto-Victimes en Martinique, qui jouent un rôle majeur auprès des populations éprouvées par la crise du chlordécone, et qui peuvent ressentir une forme de méfiance envers les services publics et l'État.
Vous avez évoqué les professionnels de la SNCF ou les agents du service public qui auraient pu être exposés à des pesticides dans le cadre de leur activité. La volonté du législateur étant de viser une harmonisation et une équité de traitement des professionnels concernés en créant le FIVP, je peux comprendre votre argument. Cependant, comme l'a rappelé le directeur de la sécurité sociale, chaque régime a vocation à gérer ses propres risques professionnels. Les victimes potentielles environnementales, en revanche, n'entrent pas dans le cadre du FIVP tel qu'il était prévu.
Sur les moyens et les questions de financement, il faut distinguer deux sujets. Concernant le financement du fonds en lui-même pour indemniser les victimes potentielles, nous sommes encore en phase de montée en charge : il est donc encore trop tôt pour envisager la suite. Si la vocation du FIVP est bien de couvrir un maximum de demandes et de victimes, il faudra bien sûr réinterroger les modalités de financement. Par ailleurs, le deuxième volet de financement est celui de l'organisation et de la gestion du fonds. Nos besoins ont été entendus par la direction de la sécurité sociale : quelques ETP supplémentaires ont permis de répondre à un besoin immédiat face à une forte augmentation du nombre de demandes. Les actions de communication et d'« aller vers » nécessiteront de doter le fonds d'un budget de fonctionnement et de communication, car il n'en dispose pas aujourd'hui.