Mon rapport concerne l'évaluation du FIVP, créé par la LFSS 2020. Ce dispositif existe ainsi depuis près de trois ans, même si la crise du covid en a perturbé la mise en œuvre.
Je tiens d'abord à remercier les équipes du FIVP, de la MSA, des ministères de l'agriculture et de la santé, ainsi que les associations que j'ai auditionnées et que je sais pleinement investies dans le déploiement de ce dispositif.
Je rappelle que le FIVP est à l'origine une initiative parlementaire, puisque la sénatrice Nicole Bonnefoy avait déposé une proposition de loi sur le sujet, reprise par notre collègue Dominique Potier. Cependant, son examen n'avait pu être mené à terme. La ministre de l'époque, Agnès Buzyn, s'était alors engagée à intégrer le dispositif dans le PLFSS 2020. Celui qui a été retenu différait en réalité du projet porté par nos collègues et l'association Phyto-Victimes, qui joue depuis longtemps un rôle actif pour défendre cette cause.
Je rappelle que le fonds n'a vocation en aucune manière à se substituer aux demandes de réparation des préjudices subis devant la justice. En effet, il a pour objectif de faciliter les démarches de reconnaissance des maladies professionnelles. La création du FIVP vise en premier lieu à simplifier les demandes d'indemnisation en les centralisant, et à harmoniser au niveau national les décisions rendues – que ce soit la reconnaissance des maladies professionnelles, la détermination du taux d'incapacité permanente et le niveau d'indemnisation. Le fonds vise aussi à mieux indemniser les exploitants agricoles : sa création a permis d'aligner les indemnisations sur celles, plus favorables, des salariés agricoles, grâce au versement d'un complément. Il prend également en charge les retraités agricoles exposés aux pesticides et qui ont pris leur retraite avant la création du régime AT-MP obligatoire le 1er avril 2002. Ces personnes ne pouvaient prétendre à une indemnisation, même si leur pathologie était bien liée à une exposition professionnelle. Enfin, le fonds propose une indemnisation pour les enfants exposés aux pesticides pendant la période prénatale, du fait de l'exposition professionnelle de l'un ou des deux parents, et qui a provoqué une pathologie chez l'enfant. Ceux-ci peuvent bénéficier d'une réparation forfaitaire sur la base d'un barème ad hoc.
Le fonctionnement, l'organisation et les modalités d'indemnisation des victimes de pesticides ont été définis par le décret du 27 novembre 2020. L'instruction des demandes et la gestion du fonds nt été confiées à la MSA, pour le compte du régime général du régime agricole, salarié et non-salarié, et du régime local d'Alsace-Moselle. La caisse MSA Mayenne Orne Sarthe a quant à elle été mandatée par le fonds pour étudier les demandes d'indemnisation des maladies.
La création du FIVP a entraîné une hausse très nette du nombre de demandes d'indemnisation : en effet, ce dernier a été multiplié par trois en trois ans. Le FIVP a ainsi reçu 650 dossiers en 2022, contre 326 en 2021 et 226 en 2020. Ces demandes émanent majoritairement des exploitants agricoles. À l'inverse, les demandes pour le compte des enfants – une dizaine – demeurent très marginales à ce stade.
Pourriez-vous nous présenter plus en détail le bilan chiffré de l'activité du fonds, en nous indiquant combien de personnes ont pu être indemnisées à ce jour et à hauteur de quel montant en moyenne ? Quelle part des dossiers a reçu une réponse positive et quelles sont les principales pathologies concernées ?
La création des tableaux relatifs au cancer de la prostate, dont le lien avec l'exposition aux pesticides a été établi, a facilité la reconnaissance de cette maladie et l'accord d'indemnisations. Des changements législatifs, comme l'extension de la définition de pesticides aux antiparasitaires vétérinaires, ou la possibilité pour les travailleurs agricoles ultramarins qui relèvent du régime général de bénéficier des tableaux du régime agricole – c'est l'article 104 de la LFSS 2022 – ont également permis d'assouplir l'accès au fonds.
Je voudrais également vous interroger sur les actions mises en œuvre pour poursuivre le déploiement du FIVP, qui semble avoir rencontré des difficultés parfois importantes. La montée en charge du fonds est facilement observable dans plusieurs régions comme en Bretagne, dans les Pays de la Loire, les Hauts-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine. Toutefois, le démarrage a été plus lent aux Antilles, où le sujet, on le sait, est particulièrement sensible. Je tiens d'ailleurs à saluer les actions menées par les équipes du FIVP en lien avec le plan Chlordécone IV au titre de la formation des agents des caisses générales de sécurité sociale de Martinique et de Guadeloupe : je pense à l'organisation de réunions et de campagnes d'information et d'accompagnement des demandeurs dans la préparation des dossiers par l'association Phyto-Victimes en Martinique.
Le dispositif reste encore largement méconnu de ses potentiels bénéficiaires. Or, il apparaît indispensable de communiquer davantage sur le fonds, que ce soit auprès des travailleurs agricoles, afin qu'ils aient connaissance de leurs droits, mais aussi auprès des professionnels de santé pour leur permettre de repérer rapidement des maladies pouvant avoir un lien avec l'exercice professionnel, ainsi que les possibles conséquences chez l'enfant d'une exposition aux pesticides pendant la période prénatale.
Pourriez-vous présenter les actions qui seront conduites dans les prochains mois dans cette optique ? Il m'a été indiqué en audition qu'il sera sans doute nécessaire de renforcer les moyens du fonds pour informer plus largement les potentiels bénéficiaires. Quels moyens supplémentaires seraient alors alloués au FIVP à cet effet ?
Enfin, je voudrais revenir sur la question du périmètre et du financement du fonds. De nombreuses personnes qui ont pu être exposées aux pesticides dans le cadre de leur activité professionnelle, comme des agents de la fonction publique ou de la SNCF, ou dans le cadre de leur lieu de vie, ne sont pas couvertes par le fonds. Une évolution de son périmètre vous paraît-elle envisageable et souhaitable ?
S'agissant du financement, le fonds est aujourd'hui alimenté par des cotisations AT-MP et le produit d'une taxe sur les produits phytosanitaires. Pensez-vous que ce financement est viable au regard de la montée en charge du FIVP et de la possibilité que les ventes de produits phytosanitaires diminuent ? Ne faudrait-il pas envisager, à terme, une participation de l'État que certains tiennent pour partie responsable de la situation au financement du fonds ?