La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen de la CEPP relative à la mission Enseignement scolaire. Après ce temps consacré à l'exécution, nous consacrerons un second temps à une thématique d'évaluation retenue par le rapporteur spécial, à savoir la médecine scolaire.
Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous présenter l'exécution 2022 du budget de l'éducation nationale. Le printemps de l'évaluation est un moment important de dialogue, qui permet de parler de ce qui a été fait et non seulement de ce que nous allons faire. Cette culture du bilan et de l'évaluation est indispensable pour construire des réformes responsables. En particulier, regarder dans le rétroviseur la manière dont notre budget a été exécuté l'année dernière en matière de masse salariale et d'ETP est le meilleur argument à l'appui de la revalorisation des enseignants que nous sommes en train d'engager. Vous avez également choisi de mettre à l'ordre du jour la thématique de la médecine scolaire et je sais que ce sujet vous préoccupe, comme il nous mobilise fortement à l'éducation nationale. Nous avons fait beaucoup pour revaloriser les personnels de santé – d'autres mesures sont d'ailleurs prévues –, mais il faut reconnaître que nous rencontrons des difficultés récurrentes dans ce secteur. Nous devons construire une meilleure coordination ainsi que des circuits efficaces pour repérer les problèmes et orienter au mieux les élèves.
En ce qui concerne l'exécution budgétaire 2022, la consommation globale de la mission Enseignement scolaire, en dehors de l'enseignement agricole, s'élève à un peu plus de 77 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 76,9 milliards d'euros en crédits de paiement, en incluant les pensions de retraite, ce qui représente +835 millions en autorisations d'engagement et +693 millions en crédits de paiement, au-dessus donc de la loi de finances initiale.
J'aimerais d'abord me pencher sur la sous-exécution de notre masse salariale. Sur le seul périmètre de la loi de finances initiale, c'est-à-dire en ne prenant pas en compte les mesures décidées en cours d'année au niveau interministériel, une sous-consommation de 339 millions est constatée, soit 0,7 % des crédits ouverts. Cette sous-consommation s'explique pour moitié par l'effet de la sous-consommation en 2021 – ce qui fait baisser le point de départ 2022 – et pour l'autre moitié par les difficultés propres à l'année 2022. En 2022, le schéma d'emplois constaté au 31 décembre s'établit à -4 474 ETP par rapport à la loi de finances initiale qui prévoyait +50 ETP. Nous avons mis en place un report de cette sous-exécution en 2023. Les emplois reportés ont été notifiés aux académies à la mi-février et nous espérons réussir à compenser une partie de la sous-exécution cette année.
Les raisons de cette sous-exécution, vous les connaissez. Le métier d'enseignant fait face à une baisse d'attractivité importante qui affecte notre capacité à recruter à la hauteur du nombre de postes ouverts. D'autres métiers du ministère sont aussi en tension : les métiers de santé et les métiers administratifs. Nous vivons aussi les conséquences de départs plus importants, à hauteur de +3,9 % par rapport à l'année scolaire précédente. Cette crise des recrutements est une raison majeure de la revalorisation qui va se déployer à partir de la rentrée prochaine. Elle représentera près d'un milliard d'euros en 2023 et trois milliards d'euros en année pleine, hors réforme du lycée professionnel. C'est un effort important du budget de l'État pour mieux reconnaître le travail réalisé par les professeurs et donner envie aux jeunes de rejoindre l'éducation nationale. Nous lançons d'ailleurs en mai une campagne de communication pour le recrutement. La lutte contre la crise des recrutements passe également par un travail sur les carrières afin d'offrir des parcours plus riches et de tenir compte des profils différents de celles et ceux qui nous rejoignent, tels que les néo-titulaires qui entrent en milieu de carrière.
Le deuxième point qui vous a certainement frappé dans l'exécution budgétaire correspond aux surcoûts non anticipés, qui ont conduit finalement à un dépassement des crédits de la LFI malgré la sous-consommation des emplois. Les explications sont claires sur le sujet et la plus importante d'entre elles réside dans les mesures RH interministérielles : 908 millions d'euros de dépenses sont la conséquence directe de ces mesures, au premier rang desquelles la revalorisation du point d'indice au 1er juillet 2022. La revalorisation s'élève à 3,5 %, ce qui a une traduction forte et immédiate sur le budget d'un ministère d'un million d'agents, c'est-à-dire 785 millions d'euros. Nous avons également répercuté d'autres mesures de revalorisation, ce qui était d'ailleurs légitime et bienvenu pour reconnaître le travail de nos agents dans toutes les filières.
On constate également en 2022 une forme de retour progressif à la normale après la crise sanitaire, puisque le rythme de consommation est revenu au niveau d'avant la crise. On constate des sous-consommations sur certaines lignes que nous avons d'ailleurs du mal à exécuter pleinement de manière classique, comme pour la formation continue des enseignants. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2024, nous travaillons sur cette question pour identifier les raisons de cette sous-consommation et permettre une rationalisation de l'offre ainsi qu'une meilleure réponse aux besoins évidents de formation de nos professeurs.
Un autre motif important de sous-consommation relève d'un phénomène un peu conjoncturel, c'est-à-dire la mise en place du fonds d'innovation pédagogique. Il a conduit à un transfert de crédits de 60 millions d'euros à la toute fin de l'année 2022 pour un déploiement qui s'est opéré à partir de 2023. Il est d'ailleurs complètement opérationnel. Ce calendrier à cheval sur les années 2022 et 2023 a créé, en 2022, une non-consommation, qui a été intégralement reportée en 2023.
Le budget de l'enseignement scolaire est un budget bien calibré et bien exécuté. 77,76 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 77,8 milliards en crédits de paiement étaient prévus dans la loi de finances initiale pour 2022. Un décret d'avance, deux lois de finances rectificatives votées par le Parlement ainsi que des reports de crédit ont porté l'exécution budgétaire finale à 78,6 milliards en autorisations d'engagement et à 78,5 milliards en crédits de paiement.
Dans le détail de ces mouvements, c'est en particulier la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, intervenue le 1er juillet 2022, qui a contribué à l'aggravation des besoins budgétaires à hauteur de 785 millions d'euros pour l'ensemble des programmes de la mission. Évidemment, cette décision était attendue, car c'est la première brique de la revalorisation socle de nos enseignants, que notre Président de la République a appelé de ses vœux et que la majorité soutient naturellement pour renforcer l'attractivité de la profession d'enseignant.
Les besoins financiers de la mission Enseignement scolaire supplémentaires et nécessaires ont concerné dans la grande majorité les crédits de titre 2. Ces besoins supplémentaires n'ont pas été directement abondés par les lois de finances rectificatives (LFR), mais par deux arrêtés de répartition des crédits pour mesures générales provenant du programme 551 Provisions relatives aux rémunérations publiques, lui-même abondé par la LFR 1 à hauteur de 2 milliards d'euros. 707,1 millions d'euros ont été transférés à la mission Enseignement scolaire afin de couvrir la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
Concernant les dépenses de personnels, qui représentent 92 % des crédits inscrits en LFI 2022, on remarque une sous-exécution du plafond d'emplois, mais aussi une baisse, non prévue et subie par le ministère, de 4 424 ETP sur les 1 024 107 ETP financés par le schéma d'emploi. La moitié de cette baisse est une conséquence de la diminution sur le programme 141 qui finance les enseignants du second degré. La sous-exécution du schéma d'emploi s'explique par un nombre plus important de départs définitifs, à savoir près de 61 900 contre une prévision de 52 600 départs en loi de finances initiale. Ces départs n'ont été que partiellement compensés en raison des différentes difficultés de recrutement que connait le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Ainsi, les données d'exécution du budget 2022 confirment la crise d'attractivité du métier d'enseignant, qui sera, je le crois, résolue par les différentes mesures qui ont été prises en LFI pour 2023.
Il n'empêche que la masse salariale a progressé de 2,27 milliards entre 2021 et 2022 alors même que le schéma d'emploi est négatif. Cette importante augmentation est synonyme de hausse du niveau de rémunération de l'emploi moyen. L'augmentation de cette masse salariale a deux causes : les efforts consentis par le Gouvernement en faveur des enseignants, mais aussi des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dans le cadre du développement de l'école inclusive avec des mesures générales et catégorielles pérennes revalorisant de manière inédite nos enseignants ; certains mouvements structurels comme le glissement vieillesse-technicité, qui a cependant été moindre qu'envisagé du fait des départs définitifs plus nombreux que prévu.
Aussi, monsieur le ministre, j'aurai deux interrogations à la lecture de l'exécution budgétaire. La première porte sur les opérateurs de l'État qui sont directement reliés à la mission Enseignement scolaire. Je pense au réseau Canopé. Comment pouvons-nous mieux contrôler le budget de ces organismes et mieux les faire travailler en coopération avec la formation initiale des enseignants ? La deuxième est liée à la budgétisation du fonds d'innovation pédagogique, qui est aujourd'hui portée par la mission budgétaire Investir pour la France de 2030. Je pense qu'il serait souhaitable, si nous voulons pérenniser la notion d'innovation scolaire, de progressivement la transférer de manière plus pérenne dans le budget de l'enseignement scolaire.
Ainsi, hormis ce petit point d'alerte évoqué précédemment sur la prévision des départs définitifs, mais qui sont très difficilement quantifiables, nous voyons que le budget de l'enseignement scolaire a été très bien exécuté, à plus de 99,5 %, à la suite des ajustements effectués en raison de la prise en compte des différentes promesses faites par le Président de la République en 2022.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire un état des lieux de l'insertion des élèves handicapés dans les établissements scolaires ? Quelles ont été les évolutions éventuelles en 2022 ? De nouvelles orientations ont-elles été prises pour 2023 et les années à venir ?
Par ailleurs, des élèves se retrouvent parfois sans enseignant en raison de la vacance de nombreux postes. J'ai bien entendu que des modifications étaient envisagées pour la nouvelle rentrée scolaire, mais pouvez-vous nous donner des indications sur le nombre de jours de vacance sur ces postes pour l'année scolaire ?
La sous-exécution des crédits consacrés à la masse salariale est liée pour moitié aux effectifs. Vous avez cependant évoqué des départs plus importants, à hauteur de 3,9 %. Pouvez-vous nous faire un point sur ces départs et les circonstances de ceux-ci ? Sont-ils ciblés sur certains territoires ? Avez-vous une répartition par ancienneté des personnels ?
Je comprends qu'une enquête a été ouverte pour comprendre les raisons de la sous-exécution liée à la formation continue. Par ailleurs, les moyens relatifs aux AESH ont été considérablement augmentés ces dernières années et tout le monde s'en félicite évidemment. Au niveau de l'académie de Toulouse, nous avons multiplié par trois le nombre d'AESH entre 2017 et 2022. Dans le département du Gers, 23 ETP supplémentaires ont été recrutés pour porter le total à 306 ETP. J'ai le sentiment que le taux d'accompagnement des élèves en situation de handicap est satisfaisant et des mouvements de crédits très importants ont eu lieu sur ces postes en 2022. Quelle est la part de l'augmentation de la rémunération des AESH liée à la revalorisation générale et celle liée à la revalorisation spécifique des AESH ? Certains d'entre eux sont peut-être passés en CDI et ont vu leur nombre d'heures augmenter. Par ailleurs, quelle est la part liée à l'augmentation significative du nombre d'AESH ? Y a-t-il une sous-exécution par rapport aux objectifs que vous vous étiez fixés en nombre d'AESH ? Quelles sont vos perspectives sur ce sujet pour 2023 et 2024 ?
Nous sommes en train de réorganiser un certain nombre d'opérateurs de l'État, dont Canopé, dans le cadre des écoles académiques de la formation qui se mettent en place et qui permettent de fédérer différents acteurs, notamment avec des perspectives de rationalisation des coûts.
S'agissant du fonds d'innovation pédagogique, l'objectif consiste bien à faire glisser France 2030 vers la mission Enseignement scolaire. Ce mouvement sera opéré pour 2025 et, pour l'instant, les 60 millions d'euros que j'ai évoqués sont bien au titre de France 2030.
Madame la présidente, vous avez mentionné la question essentielle de l'école inclusive et les 3,8 milliards d'euros. Ce poste est important et la croissance des élèves en situation de handicap est très importante : elle a triplé par rapport à 2005 et la hausse annuelle est comprise entre 6 % et 8 %. Des moyens afférents sont dédiés notamment au recrutement d'AESH. En effet, nous en avons recruté 4 000 l'année dernière et il y en aura 4 000 supplémentaires à la rentrée. Ce poste est important et les résultats ne sont pas tout à fait satisfaisants à l'heure actuelle. Cette pluie de notifications de la part des MDPH qui nous arrive et la difficulté à y répondre ainsi que les frustrations des familles et les difficultés des enseignants nous poussent à mettre à plat l'école inclusive pour viser une meilleure efficacité, sans compromettre notre engagement financier.
Dans son discours du 26 avril dernier, le Président de la République a eu l'occasion d'avancer un certain nombre de points relatifs aux AESH. Il faut tendre vers les 35 heures, soit par le périscolaire, soit par une association plus étroite avec la vie scolaire. Nous prévoyons également une réorganisation de nos relations avec les MDPH, en faisant des Pial une instance non plus seulement administrative, mais d'accueil des familles et de première évaluation des besoins pédagogiques des élèves réclamant une notification. Nous estimons qu'il revient à l'éducation nationale de fournir une réponse pédagogique même si la MDPH notifie après évaluation médicale. Une remise à plat doit donc permettre d'être plus efficace et de répondre aux besoins des enfants en situation de handicap. Nous insistons sur le fait que l'AESH n'est pas la seule réponse possible. D'autres réponses sont en effet aussi très satisfaisantes d'un point de vue pédagogique, même si l'accompagnement humain est essentiel. Je confirme donc notre engagement dans l'école inclusive et dans les réformes que nous allons mettre progressivement en place à partir de la rentrée 2023.
Vous avez mentionné la question des remplacements, qui nous occupe beaucoup. Nous estimons qu'environ 15 millions d'heures sont perdues annuellement. Nous avons pour objectif de réduire très fortement les absences de courte durée, c'est-à-dire de moins de quinze jours, par de nouvelles missions que nous allons proposer aux enseignants volontaires afin de mettre fin à ces emplois du temps à trous, qui sont trop souvent le lot des élèves et des familles. À propos de la sous-exécution de la masse salariale, il existe plusieurs explications. Outre les difficultés de recrutement, les départs en retraite ont été plus nombreux que prévu. Nous pouvons estimer ce nombre, mais pas le déterminer avec certitude, car les enseignants peuvent choisir de retarder leur départ ou de faire valoir leurs droits dès que possible. Nous avons tout de même une légère croissance du nombre de démissions. Celui-ci s'élève à 0,25 %.
La question des AESH nous occupe beaucoup et je ne suis pas sûr que nous ayons une idée de la sous-exécution, au 31 décembre, par rapport aux 4 000 emplois d'AESH créés en 2022. Il reste que nous rencontrons des difficultés de recrutement des AESH dans certaines régions en lien avec des emplois du temps ou des volumes horaires de travail qui ne permettent pas des rémunérations suffisantes. Nous avons donc la volonté d'aller vers les 35 heures. Par ailleurs, les AESH vont bénéficier, grâce aux parlementaires, d'une hausse de 10 % de leur rémunération à la rentrée 2023, à laquelle s'ajoute l'obtention de la prime d'éducation prioritaire en REP et REP+, valide depuis le 1er janvier. Concrètement, les primes ont été versées avec un peu de retard pour des raisons techniques, mais elles ont fait l'objet d'une rétroactivité à compter du 1er janvier. C'est un effort important que nous consentons.
L'exécution du budget de la mission a, cette année encore, été satisfaisante et la principale des augmentations prise par décret ou arrêté de répartition concerne le salaire de nos enseignants. Cette hausse des salaires trouve sa source dans la revalorisation du point d'indice, qui est intervenue en juillet. Assez normalement, le budget initial pour 2022 ne prévoyait pas cette dépense. Il apparaît, dans l'exécution de ce budget, que le schéma d'emploi est à la baisse par rapport aux prévisions, avec une diminution de plus de 4 000 ETP. En revanche, la hausse d'un milliard prouve bien que la rémunération moyenne des professionnels de l'éducation nationale a été accrue pendant l'année 2022. On observe un différentiel de 10 000 départs définitifs par rapport à la LFI, ce qui interroge sur la possibilité de mieux calibrer les prévisions lors des prochaines lois de finances afin d'avoir un horizon budgétaire plus précis. Je me réjouis de l'intégration du FIP à la mission Enseignement scolaire. Pour autant, quels enseignements tirez-vous de la première campagne du FIP ? Dans le Val-d'Oise, il apparaît que ces crédits sont sous-consommés parce qu'il n'y a pas de projet.
Monsieur le ministre, vous souvenez-vous de la date du 16 octobre 2020 ? C'est la date à laquelle Samuel Paty a été assassiné par un terroriste islamique à la sortie de son établissement. Nous examinons aujourd'hui l'exécution du budget 2022 et force est de constater qu'en 2021 le budget pour assurer la sécurité des enseignants n'était pas à la hauteur et qu'il ne l'était toujours pas en 2022. Lorsque je vous ai interrogé lors des questions au Gouvernement le 22 novembre, vous m'avez répondu qu'une date de commémoration avait été définie pour la mémoire de Samuel Paty et qu'un numéro vert avait été mis en place pour répondre aux interrogations ainsi qu'aux appels au secours des enseignants : force est de constater, une fois de plus, que ce n'est pas suffisant. Force est de constater également, lorsque l'on voit que Mme Bergeaud-Blackler ne peut pas, le 12 mai 2023, entrer à la Sorbonne pour défendre un ouvrage qu'elle a écrit, que la menace islamogauchiste est bien présente aujourd'hui dans nos établissements. On constate que rien n'est fait, que rien n'est à la hauteur. Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous êtes l'homme de la situation et j'avoue que j'ai des doutes. Je me demande si le costume de ministre n'est pas un peu trop grand pour vous.
Je trouve que les propos qui sont tenus sur les AESH sont un peu trop enthousiastes, et c'est un euphémisme. Lorsque vous avez été nommé, vous êtes venu rencontrer l'ensemble des parlementaires de Seine-Saint-Denis pour parler des conditions de la rentrée et des difficultés particulières qui s'accumulent selon nous. Nous avions alors attiré votre attention sur la situation des AESH et il me semble que j'avais trouvé une écoute de votre part. Je sais que vous êtes sensible à cette question, mais qui peut dire ici que la situation est satisfaisante pour l'année écoulée et l'année future ? Le fait qu'il y ait une augmentation de postes, généralement non pourvus, n'est en rien à la hauteur de ce qui est demandé. Nous nous maintenons encore dans une situation de précarité, qui est inacceptable, surtout pour un sujet aussi sensible. Il est même question d'ubérisation de gens qui sont en souffrance et qui travaillent dans des conditions difficiles.
J'ai en outre été choqué par vos propos, monsieur le ministre, lorsque vous avez dit que nous faisions face à une pluie de notifications. Ce terme est généralement péjoratif, alors que nous devrions nous féliciter que les maisons du handicap augmentent les notifications. Cela veut dire que nos enfants sont mieux suivis. Nous allons parler plus tard de la médecine scolaire et de la souffrance dans ce domaine. Dans ma ville de Montreuil, nous n'avons pas de médecin scolaire et, si les notifications augmentent, les AESH ne suivent pas. Nous n'arrivons pas à recruter, car nous les maintenons en situation de précarité. Comment se fait-il que nous n'ayons toujours pas réussi, l'année dernière, à être à la hauteur d'un plan qui donne un véritable statut à cette profession indispensable ?
Le budget de l'éducation nationale est le premier budget de l'État et le seul au-dessus de 60 milliards d'euros. Une statistique assez incroyable nous montre qu'entre le début des années 1980 et aujourd'hui, le salaire des enseignants débutants est passé de 2,4 fois le Smic à 1,2 ou 1,3 fois le Smic. On comprend donc bien la baisse d'attractivité de cette profession. Vous parlez aujourd'hui d'une hausse de la rémunération de 10 % comme si elle concernait tous les enseignants alors qu'on lit un peu partout qu'en fonction des situations, il s'agirait plutôt de 5,5 %. Il faut faire attention avec les arguments en trompe-l'œil et nous avons vu, avec la réforme des retraites, le problème que pourrait poser une hausse qui ne serait pas uniforme. En outre, vous parlez de prime dans les REP alors que les surcoûts sont dans les métropoles, où un enseignant débutant peine à assumer le coût de la vie, et dans la ruralité, où les déplacements sont coûteux. Comment projetez-vous l'évolution salariale et comment la financez-vous à long terme ?
Concernant les réformes de votre prédécesseur, on note de plus en plus les incohérences de Parcoursup et l'échec pédagogique unanimement dénoncé que représente la réforme du bac. Pourquoi vous obstinez-vous dans cette voie ? Est-ce un problème de recrutement des enseignants qui pousse à maintenir ce système déséquilibré et inefficace des options ?
Malheureusement, la filière professionnelle, dont notre pays a tant besoin et qui offre des voies très épanouissantes, est celle qui assiste au plus grand nombre de décrochages scolaires et de difficultés sociales. Au-delà de la réforme cosmétique qui a été annoncée, quels moyens prévoyez-vous pour prioriser l'encadrement de ces jeunes des filières professionnelles ?
Enfin, il manque 150 naissances par jour depuis le 1er janvier 2023, après le record déjà historiquement bas de l'année dernière. Quelles conséquences cela aura-t-il à l'avenir sur la répartition des moyens et l'organisation de l'éducation nationale ?
Pour l'année 2022, les dépenses de la mission Enseignement scolaire s'élèvent à 78,5 milliards d'euros, contre 75,9 milliards en 2021. Entre la loi de finances initiale et ce projet de loi de règlement, j'ai observé un excédent de 57 millions d'euros. Cette hausse couverte par des ouvertures de crédits en cours d'année est principalement due aux dépenses de personnel et à la gestion de la masse salariale. On constate un schéma d'emploi de la mission sous-estimé de plus de 4 000 ETP. Nous connaissons les difficultés de recrutement du ministère et le manque d'enseignants dans les établissements. Malgré une progression de la masse salariale de plus de 2 milliards d'euros entre 2021 et 2022, en partie due à des mesures bienvenues comme les revalorisations du point d'indice de la fonction publique, de la grille indiciaire des agents de catégorie C, de l'IFSE des agents administratifs de catégorie A et B, ainsi que l'augmentation de la rémunération des assistants d'éducation et des AESH, que compte faire le ministère pour remplir son objectif d'emploi en 2023 ?
Parmi les départs, pouvez-vous préciser ceux qui relèvent des départs à la retraite et ceux qui correspondent à des démissions ?
Il est vrai que le recours aux agents contractuels sur des postes d'enseignants a été intensifié. Toutefois, ces postes sont des contrats à durée déterminée. Ils ne sont donc pas pérennes et il revient au ministère de financer l'allocation de retour à l'emploi (ARE) sur l'ensemble des programmes. Les dépenses relatives à l'ARE ont connu une variation à la hausse de 17,6 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Par ailleurs, on observe que les dépenses de l'ARE ont augmenté de 5,9 millions d'euros dans l'enseignement public du premier degré par rapport à 2021 et ont diminué de 33,5 millions d'euros dans l'enseignement public du second degré. Comment pouvez-vous expliquer ces tendances ?
Enfin, plutôt que de recourir aux contractuels, la réforme des études des enseignants ne devrait-elle pas ouvrir davantage de places d'apprentissage en master 2 ? Pouvez-vous également nous indiquer quel est l'impact de la réforme de la formation des enseignants, qui les oblige désormais à passer toutes leurs épreuves en master 2 – validation de l'année universitaire, soutenance du mémoire, concours –, sur le nombre de postulants au concours ?
Chaque jour, 11 600 CPE et 60 300 AED sont des pivots dans la vie des établissements scolaires et leur fonctionnement. Ils ont en effet des fonctions essentielles au bon déroulement de la scolarité des élèves, dans l'accompagnement des enseignants et dans le conseil aux chefs d'établissement. Pourtant, ils apparaissent comme une priorité de second rang au sein de l'éducation nationale. Depuis 2017, on compte ainsi 1 300 AED et 400 CPE de moins alors que, sous le gouvernement socialiste, ces effectifs avaient augmenté de plus de 2 500 unités. Si vous avez prévu le recrutement de 100 CPE pour 2023, c'est encore 179 AED qu'on compte en moins cette année. J'ai été CPE en REP : nous étions deux pour 600 élèves et payés 1 950 euros, primes comprises. En REP, il y a souvent un seul CPE pour 500 élèves : comment assurer correctement ces missions essentielles, qui se multiplient d'ailleurs, dans ce cadre-là et avec un contexte général qui se dégrade ? Au-delà même du manque criant de postes et de reconnaissance de notre institution, c'est bien la répartition de cette pénurie qui est problématique. En effet, les rectorats ont des critères de répartition opaques, qui échappent souvent à toute logique et génèrent de nombreuses incompréhensions au sein des établissements. Monsieur le ministre, quelle politique portez-vous pour la vie scolaire ? Je ne vois pas de politique forte à travers cette exécution budgétaire. Comment comptez-vous combler cette pénurie ? À l'heure où vous annoncez des hausses de rémunération pour les enseignants contre des missions supplémentaires, que prévoyez-vous pour les personnels de l'éducation qui en débordent déjà ? Comment comptez-vous éclaircir la nébuleuse de leur répartition et améliorer enfin le taux d'encadrement ?
En complément de vos réponses, pouvons-nous obtenir un rapport détaillé sur l'état des lieux de la vie scolaire et des personnels d'éducation, grands oubliés de notre système scolaire alors qu'ils en sont les piliers trop souvent invisibles ?
Le groupe Horizons et apparentés souhaiterait aborder deux thématiques, dont la première est la gestion prévisionnelle des effectifs. En effet, votre ministère devait avoir, d'après la loi de finances pour 2022, 34 ETP supplémentaires . Finalement, 4 424 ETP ont disparu. On n'aurait donc pas pu recruter ces enseignants sur une période de six mois. J'aimerais savoir comment travaille votre ministère sur la gestion prévisionnelle des effectifs, à court, moyen et long terme.
La deuxième thématique correspond à la réserve citoyenne de l'éducation nationale. Votre ministère a lancé, il y a deux ans et demi – vous n'étiez pas encore ministre –, un grand programme sur ce sujet. Beaucoup de gens se sont inscrits, notamment dans mon département. Par exemple, il y avait de nombreux jeunes retraités qui voulaient s'engager dans les activités périscolaires et travailler au plus proche des enseignants, notamment en REP. Ils n'ont aucune nouvelle et je pensais que cela ne concernait que l'Indre, mais la situation est identique dans la Vienne, l'Indre-et-Loire et le Loiret. Je voudrais savoir où en est cette stratégie de réserve citoyenne de l'éducation nationale qui, si elle était mobilisée, ne pourrait que s'attacher le service de personnes sur les activités périscolaires. Si elle évoluait un peu, peut-être que ces enseignants retraités accepteraient de revenir au travail.
Comme d'autres, le groupe écologiste affiche depuis le début de ce quinquennat sa volonté d'améliorer la situation de l'éducation nationale, qui représente le premier poste budgétaire du pays et doit se développer pour faire face à la situation critique que nous constatons. Ayant bien regardé votre rapport annuel de performances, j'ai relevé un sujet structurellement inquiétant. Les budgets des actions concernant l'ensemble des enseignements sont bien dépensés. En revanche, la voie professionnelle sous statut scolaire souffre quant à elle d'une sous-exécution durable. Je me pose alors la question du bon calibrage. Il ne vous est pas totalement imputable, mais il semble bien avoir été perpétué depuis votre entrée en fonction. En effet, l'action enseignement professionnel n'est consommée qu'à 85 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement, tant en 2021 qu'en 2022, mais je pourrais remonter plus loin.
Nous finançons donc l'enseignement général avec la sous-exécution durable des budgets de la voie professionnelle. À Pithiviers, comment expliquer aux élèves et aux parents d'élèves de lycée professionnel qu'ils se contentent d'emblée de 8,5 sur 10 quand les autres classes partent avec 10 sur 10 : c'est une injustice sociale et territoriale criante. Certes le Président de la République, dans le cadre de sa nouvelle grande cause nationale, annonce un milliard de plus pour l'enseignement professionnel, mais nous sommes nombreux à nous montrer très attentifs sur la déclinaison concrète de cette réforme. Quand la sous-exécution de 15 % aboutit, sur plusieurs années, à 700 millions d'euros d'économie, de façon programmatique, que pensez-vous du déploiement concret des moyens vers l'enseignement professionnel ? Vous comprendrez que ce non-recours structurel pour des élèves relevant de familles plus modestes et qui ont des besoins d'émancipation et d'accompagnement plus forts pose un grave problème d'équité.
J'aimerais vous parler d'une question ponctuelle, qui revêt cependant pour moi une très grande importance. La langue corse est en situation très difficile et, pour en assurer la pérennité, l'association Scola Corsa a décidé de créer des écoles immersives sur le modèle de ce qui se fait dans diverses régions. Trois écoles fonctionnent à l'heure actuelle et la demande est très forte pour l'avenir. Ces écoles fonctionnent sur une base exclusivement militante, ce qui en limite forcément le rayonnement potentiel. Elles ne tiennent que par l'engagement permanent des personnes qui en assument l'ensemble de la charge matérielle. Je vous avais adressé un courrier pour vous demander que l'État contractualise avec Scola Corsa selon les conditions que je détaille dans mon courrier et qui relèvent du décret du 14 mars 2008. Je précise que cette contractualisation a un coût nul puisque lorsque l'État paie du personnel dans le cadre de l'action associative, il n'a pas à le faire par ailleurs. Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir vous pencher sur cette question. Il existe en effet une forte demande et un grand besoin en Corse. Je vous avais demandé, au travers de mon courrier, de bien vouloir me recevoir et je me tiens à votre disposition pour avancer.
Effectivement, la masse salariale de la mission Enseignement scolaire augmente de 2,270 milliards d'euros pour 2022. Dans cette augmentation, quelle est la part qui correspond à une revalorisation du point d'indice et celle qui correspond à une revalorisation du glissement vieillesse-technicité ? Il est trop simple de donner une moyenne d'augmentation en divisant le nombre de personnels par rapport à cela.
Par ailleurs, l'exercice est nouveau cette année pour les épreuves du baccalauréat, avec deux épreuves écrites. On rencontre quelques difficultés dans les barèmes de notation. Comment allez-vous réorienter le dispositif ?
Enfin, quand allez-vous simplifier la vie de nos étudiants à la sortie du baccalauréat pour qu'ils puissent s'orienter ? Parcoursup pose en effet une grande difficulté d'orientation.
Avec le Président de la République, vous vous êtes rendus dans un collège QPV de ma circonscription récemment. Le Président de la République avait lancé son plan Marseille en grand lors de son discours au palais du Pharo. Concernant l'éducation, le Président avait annoncé des mesures, dont un vaste plan de rénovation des écoles soutenu financièrement par l'État, et surtout des 59 écoles qui constituent le réseau des écoles innovantes. Quelle est la nature des innovations de ces écoles ? J'ai échangé récemment avec un directeur d'école à Marseille qui apprécie cette expérimentation, mais êtes-vous en mesure de la généraliser ?
Monsieur Da Silva, nos anticipations ne sont pas simples à réaliser. Nous ne pouvons effectuer que des évaluations des départs à la retraite puisque nous ne pouvons jamais être sûrs du nombre de personnes qui choisiront de faire valoir leurs droits à la retraite. Nous avons donc eu affaire à un nombre plus élevé de professeurs qui ont fait valoir ces droits que ce que nous avions anticipé, soit 15 000 personnes. Les mises en disponibilité s'y ajoutent, de même que les démissions qui, même si elles restent modestes, augmentent en 2022.
S'agissant des CNR, nous avons 1 437 projets validés, 3 876 projets sont en cours et nous avons entre 15 000 et 17 000 concertations. Le CNR Éducation fonctionne donc et se diffuse dans les établissements du pays. Je me renseignerai sur l'établissement que vous avez mentionné, mais le rythme des projets et du financement de ceux-ci va au-delà de ce que nous estimions initialement. Les projets sont d'ailleurs intéressants, remarquablement construits et ils montrent bien que les communautés éducatives, quand on leur donne la parole, s'en saisissent et se voient financer, et ne sont pas dans une logique concurrentielle. En outre, nous accompagnons les projets grâce à des équipes administratives dans les rectorats.
Monsieur Corbière, vous avez posé la question des AESH, à l'instar d'autres de vos collègues. Lorsque je parlais de notifications, je faisais état du fait qu'elles survenaient tout au long de l'année. Nous créons 4 000 postes d'AESH par an et nous avons ensuite des notifications qui peuvent être très variables selon les départements. Des MDPH notifient beaucoup, d'autres moins, même pour des départements qui ont des structures sociales globalement comparables. C'est pour cela que la conférence nationale sur le handicap s'est penchée sur la question : nous souhaitons un dialogue plus étroit avec les MDPH et que les Pial puissent recevoir les familles et réaliser une évaluation pédagogique des besoins des élèves avant la notification, de manière à anticiper les délais qui sont parfois très importants.
Cette question est essentielle pour nous et nous souhaitons également améliorer les rémunérations des AESH en allant vers les 35 heures soit par l'incorporation du périscolaire, grâce à un accord avec des collectivités – cela se développe fortement depuis une circulaire du 4 janvier dernier –, soit par un rapprochement des AESH avec la vie scolaire. Par ailleurs, nous augmentons de 10 % les AESH et ils bénéficient de primes. De plus, nous les CDIsons au bout de trois ans et le mouvement est tout à fait intéressant. Nous sommes sur une pente favorable. C'est le deuxième métier de l'éducation nationale et je ne suis pas celui qui peint les murs en rose et qui vous expliquera que les AESH sont dans des situations idoines et convenables, mais nous sommes passés d'une situation d'emplois aidés aux CDD, puis aux CDI. Nous passons également des 24 heures aux 35 heures. Il existe donc un effet d'installation et d'institutionnalisation, qui me semble nécessaire et favorable.
Monsieur Di Filippo, vous avez raison sur le glissement relatif relevé sur les rémunérations des enseignants depuis les années 1980. L'effort très important que nous consentons à partir de la rentrée 2023 est un effort que nous n'avons pas connu depuis trente ans pour les enseignants, c'est-à-dire depuis l'époque de Lionel Jospin. Néanmoins, ce glissement relatif de la rémunération des enseignants depuis presque quarante ans ne peut pas être compensé de façon complètement égale pour tous les enseignants.
Nous avons concentré les hausses de rémunération sur le premier tiers de la carrière, y compris pour les stagiaires, car c'est à cet endroit que le retard est le plus important, y compris en comparaison internationale. Ces hausses sont comprises entre 7,8 % et 11,3 %. Nous n'envisagions pas initialement de hausses pour la seconde moitié de carrière, mais nous l'avons fait en concertation avec les organisations syndicales. Elles sont cependant moins importantes, car elles oscillent entre 3 % et 4 %, avec toutefois un passage facilité à la hors classe et à la classe exceptionnelle pour les fins de carrière. Enfin, les missions que nous faisons entrer dans le pacte enseignant peuvent représenter 3 750 euros de primes annuels. Les missions intégrées dans le pacte enseignant et la revalorisation du socle représentent une évolution salariale tout à fait importante pour l'ensemble des professeurs, mais aussi pour les CPE. Nous engageons d'ailleurs également une concertation sociale pour les autres personnels, c'est-à-dire pour les personnels administratifs et de santé de l'éducation nationale.
Parcoursup est à cheval entre l'enseignement supérieur et l'éducation nationale. D'une part, la réforme du bac a été impactée par la crise sanitaire et c'est la première fois que les épreuves du bac réformées se déroulent selon les conditions qui étaient prévues et, d'autre part, j'ai prolongé le comité de suivi de la réforme du baccalauréat afin qu'il puisse se pencher sur des aménagements possibles à cette réforme du bac et du lycée. Nous avons d'ailleurs commencé par l'introduction de cours de mathématiques dans le tronc commun des élèves de première. Il n'est pas impossible que nous ayons à retoucher un certain nombre d'éléments de cette réforme du baccalauréat, mais nous devons faire le point avant de réfléchir posément à cette question.
Parcoursup est un système très perfectible et il s'améliore chaque année. Le site de Parcoursup est objectivement très bien conçu et contient de très nombreuses informations, notamment sur les diplômes, les débouchés ou l'emploi. On peut aussi zoomer sur les différentes régions pour visualiser l'ensemble de l'offre universitaire. Contrairement à ce que j'entends parfois, Parcoursup ne décide pas de l'avenir de nos jeunes, mais met en relation les jeunes avec des établissements d'enseignement supérieur. Du reste, ces établissements seraient opposés à un système qui viendrait leur dire quels étudiants les rejoindraient à la rentrée. Ils tiennent en effet à pouvoir choisir leurs étudiants. Parcoursup met en relation et un système de bonus existe pour certaines situations.
Monsieur Di Filippo, vous avez évoqué le lycée professionnel. Je souligne que près d'un milliard d'euros supplémentaires vont être consacrés à la voie professionnelle, ce qui est tout à fait exceptionnel. Je répondrai par écrit à la question sur la sous-exécution relative, mais je note que la réforme des lycées professionnels qui a été présentée la semaine dernière vise à répondre à des difficultés objectives que nous avons, c'est-à-dire un tiers de décrocheurs, 40 % qui ne trouvent pas d'emploi après l'obtention du bac et la moitié qui échoue dans l'enseignement supérieur. Nous saisissons le taureau par les cornes et je mentionne d'ailleurs les gratifications pour les lycéens professionnels en stage : 50, 75 et 100 euros par semaine. Par ailleurs, il existe également une claire volonté de fermer des sections et des formations qui ne mènent pas vers l'emploi et d'ouvrir celles qui correspondent à des besoins structurels de notre économie, notamment dans le cadre de la réindustrialisation. Nous avons besoin de jeunes bien formés. D'ailleurs, sur les dix métiers les plus en tension, neuf sont issus de la voie professionnelle. Cette voie professionnelle doit donc mener à l'emploi. Nous le devons à nos jeunes.
Mes capacités d'action sont en outre limitées sur le sujet de la baisse démographique. Elle est évidente depuis 2014 et elle est particulièrement manifeste pour l'école primaire. Dans les années à venir, elle va se déplacer progressivement vers le collège puis le lycée et, enfin, vers les études supérieures et le marché du travail. Il est évident que la carte scolaire s'adapte à cette baisse démographique.
Monsieur Echaniz, nous revalorisons les CPE dans les mêmes conditions que les professeurs. Nous en engageons 100 en 2023 et nous en avons compté 300 de plus en 2022. Nous avons maintenant atteint une stabilité des effectifs d'assistants d'éducation. Je vous répondrai par écrit sur les critères de répartition. Ceux-ci n'ont toutefois rien de mystérieux, mais ils peuvent appeler des éclaircissements.
Madame Mette, s'agissant des objectifs d'emploi pour 2023, il est certain que nous aurons recours à un volume significatif de professeurs contractuels, malgré une légère amélioration du point de vue des inscriptions au concours et une bonne proportion, parmi ces inscrits, de celles et ceux qui ont effectivement participé. Les professeurs contractuels représentent environ 1,5 % des effectifs dans le primaire, contre 6,5 % à 8 % dans le secondaire. Nous avons deux trajectoires différentes, à la fois une hausse des enseignants contractuels dans le primaire et une stabilité de l'emploi des enseignants contractuels dans le secondaire. Dès lors, le secondaire assiste à une baisse des ARE (activité à responsabilité établissement).
L'apprentissage en M2 date de 2021. Environ 12 000 élèves – je réserve cependant ma réponse – bénéficient de l'apprentissage et cela représente près de 900 euros bruts par mois pour un service à un tiers. Cette pente est favorable, mais elle pose tout de même la question du M2. En effet, celui-ci est particulièrement dense avec à la fois le stage, la préparation du concours et le mémoire. Ce sujet pose la question de la réforme du concours des professeurs des écoles.
Monsieur Jolivet, vous avez relevé un point assez juste sur la réserve citoyenne. Elle a été créée en 2015 dans la foulée des horreurs que nous avons vécues et elle n'a peut-être pas été valorisée autant qu'elle aurait pu pour diverses raisons. Aujourd'hui, nous avons convenu de la réveiller en effectuant une revue de celles et ceux qui sont encore disponibles. Nous envisagerons ensuite la manière dont nous pouvons revaloriser cette réserve citoyenne.
Madame Dalloz, la revalorisation du point d'indice au 1er juillet représente un peu moins de 800 millions d'euros et je vous transmettrai ultérieurement le coût du GVT. Le montant de 800 millions d'euros explique d'ailleurs la surconsommation de nos crédits.
Monsieur Castellani, en ce qui concerne l'école immersive, une contractualisation n'est possible qu'après cinq années d'exercice des écoles ou établissements scolaires. À ma connaissance, ce n'est pas le cas des établissements pour lesquels vous m'avez sollicité. Je suis attaché au bilinguisme et j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises. La question des écoles immersives se pose en Corse, mais également du côté de la Bretagne et du Pays basque. Un certain nombre d'aménagements sont parfois assez complexes du point de vue juridique, mais je me tiens prêt à échanger avec vous sur cette question.
Monsieur Laqhila, le plan Marseille en grand a plusieurs dimensions pour les écoles. La première est relative aux bâtiments, avec des reconstructions d'écoles qui sont dans un état général très dégradées, pour 179 d'entre elles.
Ensuite, 59 écoles ont été pionnières dans la démarche étendue avec le CNR Éducation en offrant la possibilité aux communautés éducatives d'élaborer les projets. Il est tout à fait intéressant de voir ce qu'il se passe, notamment dans le cadre des projets qui peuvent aussi bien concerner l'éducation artistique et culturelle qu'un laboratoire de mathématiques. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une forme de libéralisme ou d'une mise en concurrence des écoles les unes contre les autres. On peut aussi inscrire ce mouvement dans une histoire intéressante, qui s'est développée après 1968 avec des équipes qui voulaient disposer de marges d'autonomie et remettre en cause la verticalité de l'éducation nationale. Il est trop tôt pour dresser un bilan de ce qui est en train de fleurir à Marseille et au-delà, mais nous sommes très confiants à la fois sur les objectifs de ces projets et sur le fait d'avoir remis en route des communautés éducatives qui avaient pu s'assoupir durant la crise sanitaire.
Nous nous sommes remis à nous parler au sujet de l'école du quartier et à imaginer ce qu'il était possible de faire, guidés par la question, qui pourrait paraître naïve, mais qui est en réalité d'une grande puissance, « quelle est l'école dont vous rêvez ? ». Les gens ont alors commencé à réfléchir et à élaborer des projets qui ont pris forme et commencent à donner des résultats tout à fait intéressants.
Nous arrivons maintenant au second temps de la discussion de notre CEPP, qui porte sur la médecine scolaire.
Dans le cadre du printemps de l'évaluation de la mission Enseignement scolaire dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur spécial, j'ai pris le parti de m'intéresser à la question de la médecine scolaire et de la santé à l'école. Ce thème revient régulièrement dans le débat scolaire. Durant les quinze dernières années, il a fait l'objet d'une attention soutenue du ministère de l'éducation nationale, interpellé par différents rapports plus ou moins alarmants.
Le dernier rapport en date est celui de la Cour des comptes, publié en avril 2020 et dont j'ai auditionné longuement les auteurs. De toute évidence, les observations et recommandations de ce rapport exhaustif sur la situation de la santé à l'école sont encore valables aujourd'hui et il est inutile de préciser qu'il a été publié dans la période de la crise sanitaire et de ses interminables développements, qui ne se prêtait pas à la remise à plat des organisations, notamment en matière de santé scolaire.
À ce stade, je veux saluer le travail des professionnels de santé à l'école, médecins scolaires, infirmiers, assistants sociaux et psychologues, dont l'activité a été particulièrement orientée vers la gestion des conséquences de la crise Covid ces trois dernières années. Si le temps des protocoles sanitaires et des lignes de vaccination est derrière nous, chacun a pu en mesurer les conséquences psychologiques sur la bonne santé mentale des élèves. Beaucoup des professionnels de santé que j'ai rencontrés dans le cadre de mes auditions me l'ont dit : les enfants ne vont pas bien, évidemment pas partout ni dans les mêmes proportions, mais nous ne pouvons pas nier les difficultés psychiques qui se font jour chez les élèves. Ils ont grandi dans un monde qui n'a cessé de jouer avec leurs émotions.
Bien sûr, je ne suis pas venu vous rapporter une situation facile. Les résultats pour le moins contrastés de la politique de santé à l'école sont objectivés tant par les statistiques ministérielles que par les remontées de terrain. Mais la situation dont nous débattons aujourd'hui n'est pas imputable à telle ou telle gestion. Elle a été évoquée par tous les candidats aux élections présidentielles des vingt dernières années, de tous les bords politiques.
Si j'ai choisi d'évoquer la médecine scolaire dans ce printemps de l'évaluation, c'est aussi parce que j'ai été sensible au débat que plusieurs d'entre vous avaient ouvert par voie d'amendement lors de nos échanges en commission sur le PLF 2023. Comme je l'avais alors dit dans mes réponses en tant que rapporteur spécial, la situation ne se réglera pas qu'à coup de transferts de crédits. Car, même s'il existe bien des enjeux de revalorisation budgétaire, la médecine scolaire ne souffre pas tant d'un manque de moyens financiers que d'un manque d'organisation. Sur l'ensemble des programmes de la mission Enseignement scolaire, elle est dotée de plus de 1,3 milliard d'euros, un budget en augmentation constante, de l'ordre de 5 % sur les cinq dernières années.
Ce budget se décompose en deux grands ensembles : la rémunération et les actions adossées à l'activité des médecins, infirmières et assistants de services sociaux pour 820 millions d'euros ; celles des psychologues du 1er et du 2e degré pour 490 millions d'euros.
Avec autant de moyens, je le dis clairement : un autre monde de la santé scolaire est possible. Et je voudrais partager avec vous trois convictions pour venir aux préconisations opérationnelles de ce rapport.
Premièrement, l'école et la santé vont de pair : il n'y a pas de réussite scolaire possible pour un enfant qui ne va pas bien.
Les troubles qui entravent concrètement les apprentissages peuvent relever des troubles de la vue, de l'ouïe, de la parole, des troubles du comportement, pathologies chroniques, handicaps, violences morales ou physiques, grossesses précoces – notamment dans le cadre familial. Les personnels de l'éducation nationale m'ont fait part de la diversité croissante des problématiques et du sentiment qu'elles s'accroissent parce qu'on les confesse plus facilement – ce qui est bien entendu une bonne chose. Méconnaître et ne pas traiter ces problèmes de santé, c'est accroître le risque d'échec scolaire.
Les personnels médico-sociaux de l'éducation nationale travaillent dans une approche globale de la santé des élèves. Autrement dit, l'école n'est pas formellement le lieu du soin, mais le lieu idéal de la prévention. Les orientations du MENJ se déclinent autour de trois grands axes : la prévention et le repérage des troubles, l'accompagnement des élèves à besoins particuliers et les actions collectives d'éducation à la santé. Ces priorités recouvrent des objectifs ambitieux au quotidien, d'autant plus dans un contexte de montée en puissance de l'école inclusive et au sortir de la crise sanitaire qui a accru les difficultés psychiques.
Deuxièmement, la performance de la santé scolaire – sur la base des indicateurs actuels – est de toute évidence une source d'insatisfaction pour tout le monde, à commencer par les professionnels de santé eux-mêmes.
La santé scolaire bénéficie de moyens non négligeables, soit 1,3 milliard d'euros – dont je précise toutefois à titre strictement budgétaire qu'il est difficile d'identifier les contours précis tant les données sont dispersées dans les documents budgétaires. Ce budget représente avant tout la masse salariale des quelque 900 médecins, 8 000 infirmières, 3 000 assistants sociaux et 7 000 psychologues rémunérés par l'éducation nationale.
Sur le fondement des moyens actuels, la médecine scolaire ne répond pas aux objectifs qui lui sont fixés. Huit enfants sur dix n'ont jamais vu un médecin scolaire à l'école primaire et quatre enfants sur dix n'ont pas de bilan de santé à l'entrée au collège. La non-réalisation des bilans médicaux et infirmiers pourtant obligatoires est le marqueur le plus significatif de cette performance dégradée. Pour le reste, même si on ne doute pas de l'implication quotidienne des professionnels de santé à l'école avec des missions qui sont, dans les établissements scolaires plus qu'ailleurs, intimement liées au profil des élèves, au climat scolaire et à la situation particulière des territoires, on ne peut que regretter l'absence d'indicateurs et de statistiques sur cette politique publique.
Troisièmement, le principal frein au bon fonctionnement de la santé à l'école réside dans le pilotage défaillant et la distribution inégale des forces à l'échelle des établissements.
Vous l'avez compris, quatre professions relèvent du domaine de la santé scolaire. Celles-ci n'ont pas les mêmes rattachements hiérarchiques ni la même culture administrative. En pratique, le médecin répond du directeur départemental des services de l'éducation nationale tout comme l'assistant social, tandis que l'infirmière dépend du ou des chefs d'établissement du second degré dans lesquels elle intervient, et que le psychologue dépend quant à lui du rectorat. Personne n'a le même chef. En toute connaissance de cause de l'émoi que peuvent susciter des évolutions dans les rattachements hiérarchiques et les conséquences statutaires que cela entraîne, je préconise à tout le moins qu'un pilotage opérationnel des forces en présence soit unifié autour du Dasen. La collaboration entre ces métiers existe, mais elle repose sur la bonne volonté des personnes et elle existe quand celles-ci peuvent effectivement se croiser. Or une infirmière ne peut pas croiser un médecin qui n'existe pas et un psychologue ne peut pas croiser une infirmière s'il occupe son bureau quand elle n'est pas là.
Cela va de pair avec une sensibilisation accrue des Dasen aux problématiques de santé à l'école afin qu'ils la prennent mieux en compte dans leurs politiques éducatives.
Un meilleur pilotage ne nous exemptera pas de régler les problèmes d'attractivité des métiers de la médecine scolaire. Un médecin scolaire commence sa carrière avec une rémunération socle autour de 2 000 ou 2 500 euros par mois et atteint difficilement les 4 000 euros après quinze ans de carrière. De plus, un tiers des postes ouverts dédiés aux médecins scolaires ne sont toujours pas pourvus. Je recommande donc d'aligner les médecins sur leurs homologues de la fonction publique, pourquoi pas en allant jusqu'à l'unification du corps des médecins de santé publique. D'autre part, il faut reconnaître que les infirmières scolaires sont aujourd'hui les clés de voûte de la santé à l'école. Elles sont les plus présentes, les plus sollicitées et les mieux identifiées par les élèves ainsi que par la communauté éducative. Ne nous leurrons pas, les médecins continueront à manquer au moins à court terme. Il faut donc reconnaître leur rôle, qui est de plus en plus important dans le second degré. Une discussion pourrait être engagée sur leurs missions, leur implication pour atteindre les objectifs de santé publique et leur rémunération.
Enfin, à la croisée des chemins entre le CNR Santé et le CNR Éducation, il faut mettre autour de la table les acteurs des quatre professions de la santé à l'école pour redéfinir leurs besoins et leurs rôles. L'objectif tient, in fine, tant à un recentrage des missions pour répondre aux besoins des élèves qu'à la possibilité de faire tomber les barrières entre médecine scolaire et médecine de ville. Et la santé scolaire s'inscrit dans le contexte plus vaste de la démographie médicale déclinante dans certains territoires, avec des difficultés de prises en charge des soins, notamment pour les consultations de spécialistes. En cela je préconise d'expérimenter là où cela est possible des complémentarités entre l'école et les communautés pluriprofessionnelles de santé.
La médecine scolaire est au carrefour des priorités de nos concitoyens : école et santé. Il s'agit également d'une priorité de la feuille de route du Gouvernement et de la Première ministre ainsi que du ministre de l'éducation nationale. Ce sujet concentre les difficultés de ces deux pans de l'action publique : problèmes d'attractivité à l'éducation nationale et problèmes de pilotage pour la santé. Or la médecine scolaire est essentielle. Les enjeux du repérage de ce qui va mal chez un enfant, dans sa famille, la capacité à donner l'alerte et à trouver la bonne prise en charge au bon moment doit devenir une priorité politique, mais aussi un réflexe sur le terrain, en l'occurrence au sein de la communauté scolaire. Donner de l'importance à la santé à l'école aujourd'hui, c'est s'assurer de la réussite des enfants, mais c'est aussi éviter les drames de demain.
Le rapport défend la thèse qu'une augmentation assez modeste des moyens alloués à la médecine scolaire accompagnée d'une volonté politique forte de simplification et de redéfinition des missions peut réellement changer les choses. Médecine scolaire et santé à l'école touchent chacune des familles des 12 millions d'élèves français. C'est une question de bien-être à l'école, et plus généralement de bien-être dans la société.
Je vous remercie pour cette présentation synthétique ainsi que pour le rapport d'information très riche sur lequel je me penche avec beaucoup d'intérêt. En effet, cette question de la médecine scolaire est évidemment essentielle et je ne serai pas celui qui vous dira que la situation actuelle est parfaitement satisfaisante.
Le code de l'éducation nous oblige parce que les actions de promotion de la santé des élèves font partie des missions de l'éducation nationale. Ce sont des actions tant individuelles que collectives de promotion de la santé qui ont des effets sur le travail scolaire, la continuité pédagogique et la réussite scolaire. Cette mission de prévention de la santé scolaire est essentielle : investir dans la prévention, c'est éviter des demandes ultérieures de soin. Les situations doivent donc être prises en charge avant de se dégrader et de nécessiter des soins plus lourds. La mission de repérage est également prégnante, puisque toute la communauté éducative, et les personnels de santé au premier chef, sont les acteurs de cette mission qui permet de détecter un élève qui ne va pas bien physiquement ou mentalement. Les personnels de santé peuvent aussi être conduits à détecter des situations de harcèlement ou des difficultés parfois catastrophiques – je pense en particulier aux violences intrafamiliales. Les personnels de l'éducation nationale sont certes pleinement mobilisés, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation de la santé scolaire aujourd'hui.
Les difficultés sont récurrentes et sont liées soit au recrutement soit à des enjeux d'organisation, de pilotage et d'articulation entre les acteurs. Pour le recrutement, la question se pose davantage en termes d'attractivité des métiers qu'en termes de moyens. Les postes de médecins existent, mais nous rencontrons des difficultés pour trouver les personnels. Nous pourrions doubler les postes de médecin scolaire, mais cela ne changerait rien, car nous aurions seulement plus de postes vacants. À ce jour, un tiers des postes de médecins scolaires sont vacants, et le phénomène est accru en ruralité. Nous avons revalorisé la carrière des médecins de l'éducation nationale de manière assez nette depuis 2017, mais cela ne suffit pas.
S'agissant des infirmières et infirmiers, le ministère a également engagé une revalorisation et une politique volontariste de promotion de ce métier dans les écoles d'infirmières. En 2022, les indices de rémunération ont été revalorisés dans la continuité du Ségur de la santé. De plus, nous avons augmenté de 22 % le nombre de postes offerts au concours infirmier 2023.
Aujourd'hui, au-delà de ces efforts qui doivent évidemment se poursuivre, l'enjeu est de refonder la santé scolaire pour améliorer le système au bénéfice des élèves dans le cadre de la stratégie nationale de la santé. Elle est pilotée par le ministère de la santé et de la prévention et vise à mieux construire et coordonner l'accès à la santé des enfants avant l'âge de six ans, puis au-delà. Elle requiert un travail partagé entre les équipes éducatives, les personnels de santé scolaire, la PMI et les personnels de santé. Les Assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie devraient voir émerger une feuille de route dans laquelle nous devrions nous impliquer.
Nous avons aussi lancé la démarche « École promotrice de santé » afin d'articuler le déploiement d'actions pédagogiques et éducatives en promotion de la santé, de mobiliser la communauté éducative, y compris les parents, et d'engager les élèves, notamment pour partager des messages de prévention. Tous les personnels de l'éducation nationale sont des acteurs de l'« École promotrice de santé », mais je souhaite que cette démarche globale s'inscrive dans une organisation qui permette d'assurer une meilleure coordination des acteurs au bénéfice des élèves au sein de l'éducation nationale et à l'extérieur avec les autres acteurs de santé présents sur le territoire. Vous avez d'ailleurs décrit des situations qui sont objectivement peu compréhensibles lorsqu'on se penche dessus. Elles génèrent, à l'évidence, d'importantes difficultés.
Enfin, nous sommes aussi en attente du rapport sur le devenir de la médecine scolaire, qui a été demandé dans la foulée de la loi 3DS l'année dernière aux inspections générales de l'administration, des affaires sociales et de l'enseignement, du sport et de la recherche. Ce rapport est attendu pour le mois de juin et devrait donner lieu à un débat qui nous permettra d'avancer sur cette question.
Vous avez éévoqué, monsieur le rapporteur spécial, les postes de médecins vacants. Monsieur le ministre, vous avez précisé qu'ils étaient plus nombreux en ruralité. Je voudrais connaître la répartition des taux de réalisation des bilans infirmiers dès la deuxième année. Existe-t-il des disparités très importantes selon les territoires ? Je renouvelle ma question pour la visite médicale obligatoire de sixième année.
Je vous remercie pour cette présentation très complète. Vous avez parlé de rattachement hiérarchique : pouvez-vous préciser votre recommandation en la matière ?
Le constat dressé par le rapporteur spécial nous éclaire sur l'enjeu essentiel qu'est la médecine scolaire et sa situation peu conforme à l'idée que nous nous faisons de l'école pour nos 12 millions d'élèves et leurs familles. Depuis la crise, les problèmes psychologiques se sont aggravés et le besoin de prévention, de repérage et d'orientation vers des professionnels médicaux est plus que jamais au cœur des préoccupations des Français. Même si l'école n'est pas un hôpital, elle est tout de même le service public le plus fréquenté par nos jeunes. Nous devons donc nous appuyer dessus pour améliorer ce pilotage, et ce avec une augmentation modeste des moyens, sachant qu'un médecin scolaire gagne deux fois moins que son collègue hospitalier. Il nous faut éviter une crise des vocations, qui a commencé avec les médecins et pourrait se poursuivre avec les infirmières. La situation n'est certes pas nouvelle, mais elle s'aggrave d'année en année compte tenu des difficultés des autres secteurs de santé. L'attente est évidemment forte et le sujet est au carrefour de nos priorités. Il s'agit aussi d'un sujet de justice pour nos enfants et pour l'égalité des chances.
Je voudrais saluer, monsieur le ministre, votre prise de position claire sur le sujet. Vous avez conscience des problématiques évoquées par le rapporteur spécial et j'espère donc que ce rapport est la première pierre de l'amélioration de la santé à l'école.
Un article du Parisien titrait ce matin « L'école, premier désert médical de France » et je me garderais bien de donner des leçons, car cette problématique est évidemment compliquée. Nous constatons les pénuries de médecins partout, et elles sont statistiquement accentuées là où les rémunérations sont les plus basses. Je pense que le mode de pratique sans garde et sans astreinte peut être adapté à la volonté de certains, mais il faudra bien trouver des solutions créatives dans les années à venir. On constate aujourd'hui que 30 % des postes sont vacants, mais nous ne parvenons qu'à en renouveler un sur deux. À court terme, le déficit peut donc encore s'aggraver. Pourtant, huit enfants sur dix n'ont pas eu la visite médicale au CP et ils sont encore quatre sur dix à ne pas avoir eu de bilan infirmier au collège. Des systèmes croisés avec de la médecine de ville ou hospitalière doivent être trouvés, notamment avec des infirmières en pratique avancée.
Je souhaite souligner que ce manque d'infirmiers en milieu scolaire se fait au détriment des plus modestes. En effet, ils ont l'occasion d'avoir, par ce moyen, un dépistage précoce sur certaines pathologies, comme les problèmes de vue ou les troubles de l'attention, qui peuvent être prises en charge rapidement, avant le drame de l'échec scolaire, voire des processus de désocialisation. Par rapport à cette situation de pénurie qui va s'aggraver – il faut bien être réaliste –, existe-t-il des solutions dégradées ?
Nous tenons à remercier M. le rapporteur spécial d'avoir choisi ce thème d'évaluation. Les missions des personnels de santé et de l'éducation nationale sont essentielles pour nos élèves et les missions des personnels de santé se font en lien avec les équipes pédagogiques, à la fois dans la prévention, le repérage des causes des troubles, la détection des signaux faibles, l'accompagnement des élèves à besoins particuliers et les actions collectives d'éducation à la santé et à la promotion de la santé. Près de 1,3 milliard d'euros seraient consacrés à la politique de santé scolaire selon la Cour des comptes en 2018. Toutefois, un manque de personnels de santé apparaît dans les académies ainsi qu'une fragilité des réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté dans les Rased. Ces manques de personnels ont un impact direct sur les élèves. Les dépistages médicaux et infirmiers obligatoires à l'âge de six et douze ans ne sont pas réalisés pour l'ensemble des élèves. Monsieur le ministre, quelles mesures votre ministère compte-t-il mettre en œuvre sur ce sujet à court et à moyen terme ?
Il est certes nécessaire de renforcer les effectifs, d'une part pour que les personnels de santé scolaire remplissent leurs missions actuelles et, d'autre part, pour accompagner les enseignants sur l'éducation à la sexualité des élèves. Ce sujet représente un enjeu qui n'est pas, à cette heure, réalisé de manière probante et complète. C'est d'ailleurs ce que confirme le rapport du ministère de l'éducation nationale de juillet 2021 sur l'éducation à la sexualité en milieu scolaire. Parmi les recommandations de ce rapport figurent les éléments suivants : attribuer au chef d'établissement la mission d'organiser des séances annuelles en lien avec les comités d'éducation à la santé et la citoyenneté ; renforcer les formations en éducation à la sexualité conjointes entre les personnels de santé, exerçant aussi bien dans le second degré que dans le premier, et les autres personnels de l'éducation nationale ou des associations intervenant sur ce sujet. Monsieur le ministre, comment comptez-vous mettre en place cette éducation à la sexualité dans les établissements scolaires dès le plus jeune âge et, plus généralement, comment le ministère envisage-t-il la prise en compte de ces recommandations ?
Je me réjouis d'entendre des propos sur la crise actuelle que traverse l'éducation nationale en termes de santé. J'ai parlé tout à l'heure des CPE et de la vie scolaire, mais nous faisons ici face au deuxième parent pauvre de l'éducation nationale, à savoir le secteur du médico-social. Nous alertons, au nom du groupe socialiste et des équipes éducatives, depuis bientôt plus de cinq ans sur cette crise. À titre personnel, en cinq ans et demi d'exercice dans l'éducation nationale, je n'ai jamais vu un médecin scolaire venir dans mon établissement scolaire. Pendant cette période, j'ai fait trois rentrées sans assistante sociale, sans infirmière, sans psychologue de l'éducation nationale dans un REP au cœur de Saint-Denis, qui mériterait a minima d'avoir une infirmière pour traiter toutes les difficultés sanitaires auxquelles font face les élèves. Je viens également d'un milieu rural, où la même problématique est présente. Je me réjouis que nous puissions enfin parler de cette crise, car souvent dans les rectorats, les postes sont présents, mais non pourvus.
Monsieur le ministre, allons taper ensemble à la porte de Bercy pour revaloriser fortement ces postes d'infirmières, de psychologues et d'assistantes sociales. En Seine-Saint-Denis, il est plus attractif pour une psychologue ou une infirmière de l'éducation nationale de travailler pour le conseil départemental, qui est déjà dans une situation de précarité intense plutôt que de venir au sein de l'éducation nationale. Nous pouvons mutualiser autant qu'on veut : tant qu'on ne paie pas suffisamment ces personnes, on ne les trouvera pas. Souvent, ce sont les CPE qui se retrouvent, comme j'ai pu le faire, médecin ou infirmier par procuration.
Le rapporteur spécial nous rappelle que nous portons, ce soir, attention aux formidables énergies qui animent nos communautés éducatives, soit 900 médecins, 8 000 infirmiers, 3 000 assistants sociaux et 7 000 psychologues. Monsieur le ministre, vous nous avez convaincus que vous étiez pleinement conscient des enjeux rencontrés par la santé scolaire dans un contexte de démographie médicale bien connu. Après les actions lancées en 2021 et 2022 pour les enseignants, comment l'effort est-il amené à se poursuivre en matière de rémunération ? De plus, de quelle façon le secrétariat médical et la requalification de la filière administrative pourraient-ils soulager les médecins et leur permettre de se concentrer sur leur mission première ? Faut-il engager une démarche de revue des missions des médecins ?
À l'évidence, nous devrons prolonger ce débat, qui est tout à fait essentiel. Je mentionnais notamment le rapport des inspections générales et nous devons y répondre.
Le taux de réalisation des visites est extrêmement variable : en effet, il varie entre 0 % et des niveaux tout à fait satisfaisants selon les départements. Pour la douzième année, ce taux varie entre 6 % dans le Tarn-et-Garonne et 98 % dans la Creuse. Les chiffres moyens cachent donc des disparités, qui ne sont pas satisfaisantes.
La question des rémunérations est importante ; c'est pourquoi les médecins ont connu des hausses de rémunération tout à fait importantes, c'est-à-dire +3 000 euros bruts annuels en 2022 et +1 700 euros bruts annuels en 2021. Nous devons continuer du côté des infirmiers. Je crois néanmoins que la question ne se résume pas uniquement à des hausses de salaire, bien qu'elles soient nécessaires. Lorsqu'on enquête dans les facultés de médecine, la médecine du travail et la médecine scolaire sont moins choisies, pas seulement en raison des rémunérations qui sont plus basses, mais aussi en raison de considérations plus profondes quant à la nature du métier. Les étudiants ont parfois le sentiment que ce n'est pas un métier de soin, mais davantage un métier de prévention.
Monsieur Di Filippo, vous avez mentionné des alternatives, notamment au moyen du développement des infirmiers et infirmières de pratique avancée qui peuvent réaliser des actes importants. Je ne dirais pas qu'ils peuvent suppléer les médecins, mais nous devons envisager une gamme de réponses possibles.
Nous avons également à réfléchir à l'organisation générale de notre système, car certains métiers travaillent parfois en silo. J'ai été frappé du manque de communication qui existe parfois entre les infirmiers et infirmières, les assistantes sociales et les autres acteurs de l'éducation nationale. Un ensemble de questions méritent d'être mises à plat et ce sujet ne relève pas uniquement d'une hausse mécanique des budgets. Le budget pourrait d'ailleurs être discuté assez longuement. Par exemple, les psychologues EN dans le second degré sont souvent d'anciens conseillers d'orientation. Leurs tâches relèvent donc parfois davantage de l'orientation.
Madame Mette, vous avez raison d'insister sur la question de l'éducation à la sexualité. Nous devons à la fois respecter la loi du 4 juillet 2001 et prendre en compte notre mission relative à ces enjeux de santé publique, mais aussi sociaux et de réduction des formes de violences sexistes et sexuelles. Concrètement, les pays où l'éducation à la sexualité est mieux assurée que dans le nôtre enregistrent des formes de violence moindres.
Nous allons d'ailleurs lancer une nouvelle enquête en juin pour voir si la circulaire de rentrée et les fiches pédagogiques mises en place au mois d'octobre ont quelque efficacité. J'annoncerai des mesures extrêmement fortes au mois de juin, car l'enjeu est essentiel et nous devons respecter la loi. Les infirmières scolaires jouent d'ailleurs un rôle important dans l'éducation à la sexualité, car elles assurent généralement les trois séances en principe prévues chaque année avec les professeurs de SVT.
Il y a tant de raisons qui plaident en faveur d'une réforme de la santé scolaire et je crois que nous en sommes tous persuadés ici. Je serais d'ailleurs très heureux d'échanger devant vous après avoir mené une réflexion autour du rapport remis par le rapporteur spécial. Clairement, la situation n'est pas satisfaisante actuellement.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'intérêt que vous avez porté à ces réflexions ainsi que de ces pistes de réponse et d'actions engagées.
Une amélioration du fonctionnement de la médecine scolaire est nécessaire. La question d'un éventuel service unifié de santé scolaire se pose. Ce terme générique recouvre des réalités organisationnelles et syndicales qui ne sont pas simples. Il est évident qu'il faut mieux faire travailler ensemble les quatre professions de la santé scolaire. L'échelon académique départemental me paraît être l'échelon le plus pertinent pour mettre en coordination ces acteurs, avec ensuite l'échelon des IEN et des chefs d'établissement. C'est également valable dans la coordination avec la médecine de ville et les acteurs en santé qui interviennent dans les établissements scolaires. De nombreux professionnels m'ont indiqué que l'ARS, qui menait des actions tout à fait satisfaisantes, ou des associations missionnées par le ministère, intervenaient dans les écoles à l'initiative de chefs d'établissement ou d'enseignants, sans forcément que l'infirmière ou le médecin scolaire soit au courant et coordonne l'action.
L'autre question porte sur une éventuelle décentralisation. Elle a été largement évoquée par l'ancien Premier ministre Édouard Philippe en 2019 lors des réflexions sur la décentralisation. Elle avait également été évoquée lors des débats sur la loi 3DS. Les interlocuteurs, syndicaux ou ministériels, que j'ai pu rencontrer rejettent plutôt cette idée de décentralisation de la médecine scolaire, car il existe des disparités très importantes entre les territoires. Une crainte porte en effet sur le fait que cette décentralisation accentue cette différenciation négative entre les territoires. Par ailleurs, le pilotage centralisé permet – on l'a vu pendant la crise sanitaire – d'avoir une gestion uniforme et plus efficace des problématiques, notamment en temps de crise. Il existe tout de même des communes qui ont pris la compétence médecine scolaire, comme la ville de Paris. Ce n'est pas le meilleur exemple, car ce territoire dispose de beaucoup de moyens.
Il faut mieux coordonner les PMI des départements avec la médecine scolaire. Je me suis d'ailleurs aperçu que les PMI faisaient des bilans sur les élèves de maternelle, et que ceux-ci étaient édités sur papier avant d'être envoyés dans les DSDEN. Ensuite, ceux-ci et les services des médecins scolaires doivent intégrer ces informations dans un système d'information distinct. Je pense que nous avons des efforts de coordination à fournir entre les bilans réalisés avant l'école et le moment d'entrée à l'école pour réduire la bureaucratie et augmenter l'efficacité au service de la santé de nos élèves.
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Robin Reda, rapporteur spécial.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 21 heures
Présents. - M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. François Jolivet, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, Mme Véronique Louwagie, Mme Sophie Mette, M. Benoit Mournet, M. Robin Reda
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Éric Coquerel, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Louis Margueritte, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet
Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Corbière, M. Inaki Echaniz, M. Jean-Claude Raux