La séance est ouverte à seize heures cinq.
Le groupe de travail sur le développement durable de l'Assemblée nationale a entendu M. Bruno Lancestremère, directeur des affaires immobilières et du patrimoine.
Mes chers collègues, nous avons souhaité, dans notre rapport intermédiaire, que des diagnostics soient établis avant de formuler des propositions permettant à l'Assemblée de mener une politique volontariste en matière de développement durable. Dans ce cadre, un bilan des émissions de gaz à effet de serre de notre institution a été réalisé en 2022 : il en ressort que l'énergie représente 15 % de nos émissions et que les immobilisations en représentent 26 %. Au sein de ce dernier poste, les travaux de rénovation occupent une part prépondérante, la plupart des autres composantes – les véhicules du parc ou le matériel informatique, par exemple – étant amorties.
Monsieur Lancestremère, quelles actions votre direction a-t-elle entreprises pour améliorer notre empreinte écologique ? Quelles propositions notre groupe de travail pourrait-il défendre pour encourager cette ambition ? Je précise que nous auditionnerons prochainement l'architecte des bâtiments de France compétent pour le 7è arrondissement, qui nous expliquera les contraintes auxquelles nous sommes soumis dans ce domaine.
Je me présente devant vous accompagné de M. Eddy Borne, chef de la cellule « énergie », dont il est pour le moment le seul membre permanent puisque cette structure travaille en réseau avec un certain nombre d'intervenants. M. Borne travaille à plein temps sur les questions d'économies d'énergie.
Nous tenons évidemment à votre disposition l'ensemble des documents et chiffres en notre possession permettant d'analyser notre consommation d'énergie. La difficulté principale est de faire le tri entre tous ces documents pour ne sélectionner que ce qui est susceptible de vous intéresser.
J'ai pris mes fonctions, il y a un peu moins de trois ans, au cours d'un épisode qui m'a beaucoup marqué et que j'ai appelé la « guerre des convecteurs ». Il avait été décidé de retirer, de manière sauvage et parfois sans prévenir, les convecteurs présents dans les bureaux, de préférence en l'absence de leurs occupants. L'intention du service était d'en rendre le moins possible pour faire des économies d'énergie. Or, une semaine après le retrait de ces convecteurs, alors que je venais d'arriver à mon poste, on nous a demandé de rendre les appareils et de ne plus jamais prendre aucune mesure de pilotage ou de restriction des températures. Ainsi, à cause d'une opération mal préparée, nous avions gâché pour le restant de la législature toute chance de faire des économies d'énergie.
Si je puis me permettre, ce qui s'applique aux Français doit aussi s'appliquer aux députés.
Vous avez raison, mais nous devons agir plus intelligemment. Depuis deux ans, nous avons réussi à faire beaucoup de choses, avec une résilience très forte de la part des occupants. Quand on accompagne la mise en œuvre de mesures de sobriété, cela fonctionne. Certes, nous avons régulièrement besoin de faire des piqûres de rappel, et nous avons tout aussi régulièrement besoin d'être soutenus par nos autorités politiques. Dans une maison comme la nôtre, prétendre appliquer des mesures d'économie d'énergie sans s'être assuré qu'elles étaient assumées par les autorités politiques est une hérésie absolue.
Le précédent collège des Questeurs a été confronté à des députés se plaignant d'avoir été privés de convecteurs achetés avec leurs deniers personnels – ce qui était vrai pour deux d'entre eux : nous avions, en quelque sorte, volé leur matériel privé, même si ces appareils n'avaient normalement rien à faire dans les locaux de l'Assemblée nationale. Je comprends donc que vos prédécesseurs aient froncé les sourcils et considéré que nous étions allés trop loin.
Il est difficile de faire un bilan de consommation électrique sur quinze jours, d'autant que les factures sont établies pour des durées plus longues. Ce qui est certain, c'est que cet épisode malheureux nous a coûté beaucoup plus cher qu'il ne nous a rapporté, compte tenu du relâchement survenu ensuite quant aux consignes de température. Nous avons constaté une montée en flèche du montant des factures pendant l'hiver 2021-2022.
Depuis deux ans, nous travaillons sur quatre points : l'élaboration d'une stratégie ; l'établissement d'un diagnostic permettant d'appuyer cette stratégie sur un constat objectif ; une modification de notre approche du développement durable, consistant à passer d'une conception trop punitive fondée sur une politique de rationnement à une démarche structurelle, de long terme, reposant sur l'adhésion des occupants ; l'inscription de nos actions dans la durée, puisque le collège des Questeurs a exceptionnellement accepté que notre programmation s'étende jusqu'en 2043. Dès juillet 2022, en effet, le collège a approuvé une stratégie énergétique visant une réduction de 60 % des consommations d'ici à 2043. J'ai l'habitude de préciser que cet objectif n'implique pas une diminution de 60 % de la température dans les bureaux !
Si nous devons tous respecter certaines règles, votées par le Parlement, l'essentiel n'est pas de décider si l'on chauffe un bureau à 20 ou 20,5 degrés. Il existe en effet un « talon énergétique », une dépense énergétique constante quelles que soient l'activité et l'occupation des locaux de l'Assemblée nationale. Dans la salle informatique, par exemple, on ne peut pas permettre que la température s'élève jusqu'à 40 degrés si l'on ne veut pas perdre les équipements. La part de notre consommation énergétique contrainte, constante, représente pas moins de 40 % de notre consommation totale, ce qui est considérable. Il s'agit pour nous d'un axe de travail essentiel, par lequel nous ferons bien plus d'économies qu'en faisant varier la température d'un demi-degré dans un bureau.
Le deuxième objectif de notre stratégie énergétique est l'amélioration de l'ambiance et de la qualité de l'air. Cela implique la mise en place de systèmes de ventilation mécanique, donc l'utilisation d'équipements consommateurs d'énergie, ce qui peut paraître antinomique avec l'objectif précédent. Les arbitrages sont parfois compliqués.
Le troisième objectif, que nous visons depuis 2012, concerne le recours aux énergies renouvelables. J'y reviendrai.
Nous avons mené deux audits.
Le premier portait sur la qualité de l'air intérieur. Ses résultats sont assez mitigés : ils laissent apparaître de fortes disparités entre les bâtiments. Le premier indicateur, celui du taux de CO2, est plutôt correct dans l'ensemble du parc immobilier. Le deuxième, celui du taux de particules, n'est pas très bon et même parfois franchement mauvais dans les bâtiments dépourvus de ventilation mécanique. La situation s'améliore cependant, ce qui ne va pas sans poser d'autres problèmes : alors que nos façades avaient tendance à noircir, elles verdissent désormais, du fait de la présence d'algues rendue possible par l'amélioration de la qualité de l'air. Le troisième indicateur de l'audit est celui du taux d'humidité, qui a une incidence sur le confort des occupants et est particulièrement important dans certains lieux comme la bibliothèque. L'audit a montré que l'hygrométrie n'était pas bonne dans les bâtiments utilisant une ventilation mécanique, car ce procédé assèche l'air.
Les résultats de ce premier audit ne sont donc pas formidables. En réalité, ils ne pourront jamais l'être, car les mesures adoptées auront toujours pour effet de dégrader tel ou tel facteur. Notre objectif est donc de parvenir à l'équilibre le plus correct possible entre ces trois paramètres, en tenant compte des spécificités de chaque bâtiment.
S'agissant toujours de l'amélioration de la qualité de l'air, le prestataire chargé de l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) a rendu un très bon rapport. Il a formulé de nombreuses préconisations, dont beaucoup touchent au nettoyage et, surtout, à la maintenance des installations. Nous parvenons à les intégrer sans trop de difficultés dans les cahiers des charges des entreprises chargées de cette maintenance. La qualité de l'air devrait donc encore s'améliorer progressivement.
J'en viens au deuxième audit, qui portait sur la performance énergétique. J'aurais aimé vous dire que ses résultats sont mitigés ; je dois cependant admettre qu'ils sont très mauvais. L'hôtel de la questure et le petit hôtel sont classés D ; la zone Colbert, l'hémicycle et l'hôtel de Lassay sont classés E ; le bâtiment du 110 rue de l'Université, celui du 233-235 boulevard Saint-Germain et l'immeuble Chaban-Delmas sont classés F ; le pavillon accueillant le cantonnement de la garde républicaine, au 35 quai d'Orsay, dans les jardins de l'hôtel de Lassay, est même classé G. Autant vous dire que certains de nos immeubles peuvent être considérés, à juste titre, comme des passoires énergétiques !
Que faire face à cette situation ? Quoi qu'il en soit, nous essaierons de faire mieux que ce que nous a proposé notre AMO dans ce domaine. Nous avons été obligés de demander au collège des Questeurs d'interrompre les prestations de cette entreprise, compte tenu de leur qualité contestable et d'une méthodologie pas toujours satisfaisante. C'est donc aux personnels placés sous mon autorité qu'il revient d'imaginer les changements nécessaires.
La première mesure à prendre est un changement de gouvernance. Nous devons rechercher l'implication de nos autorités politiques. Aussi le collège des Questeurs et la présidente de l'Assemblée nationale ont-ils envoyé à vos collègues un certain nombre de courriers rappelant l'objectif de sobriété énergétique. Cela fonctionne très bien pendant quelques semaines, mais on observe un relâchement des comportements et une évaporation des réflexes à mesure que la saison avance. Nous avons donc besoin de votre soutien permanent sur ce sujet. Le bureau de notre assemblée a été informé de la définition de ces orientations, et votre groupe de travail joue bien sûr aussi un rôle important.
Il nous a semblé qu'il fallait une impulsion, qui ne peut reposer sur l'engagement d'une seule personne, mais qui doit au contraire réunir l'ensemble des acteurs, y compris ceux qui ne sont pas particulièrement engagés en matière de développement durable. C'est le travail de la cellule « énergie » que de faire valoir cette dimension dans l'ensemble de nos dossiers.
Quand le naturel revient au galop, nous savons rattraper les choses. Ainsi, avec l'accord du collège des Questeurs, nous avions lancé la rénovation du pavillon du 35 quai d'Orsay ; or, au bout d'un moment, M. Borne m'a alerté sur le fait que les travaux prévus n'allaient pas réellement améliorer l'efficacité énergétique de ce bâtiment classé G. Nous sommes alors revenus devant le collège des Questeurs, en faisant notre mea culpa, pour intégrer à l'opération de rénovation des travaux d'efficience énergétique qui permettront au bâtiment d'être classé B.
Avec un temps de retour sur investissement inférieur à quinze ans, et pour un coût de 65 000 euros. Cela en vaut la peine !
En tant que questeure, je vous apporte tout mon soutien dans ces démarches. La cellule « énergie » doit être dans la boucle des nombreux chantiers en cours dans nos bâtiments.
Contrairement aux départements techniques, la cellule a une position transversale. Elle est désormais associée aux projets dès leur phase de programmation afin d'accompagner nos collègues en matière d'efficience énergétique, mais aussi environnementale. Ainsi, dans le cadre de l'opération de rénovation de la zone Colbert, nous avons prévu l'utilisation de matériaux biosourcés : certains isolants ne seront pas issus de la laine de verre ou de roche, mais de la laine de bois. Cela permettra de limiter l'impact carbone des travaux.
La cellule « énergie » a été positionnée au niveau de la direction et intégrée à la cellule « maîtrise d'ouvrage » afin de lui donner une forme d'autorité et de nous assurer qu'elle est associée en amont à tous les projets.
S'agissant de l'opération Colbert, nous n'avons pas reproduit la même erreur que pour le pavillon du 35 quai d'Orsay : les travaux d'efficacité énergétique ont été intégrés dès le début.
Quels sont les travaux qui ont permis de faire passer la performance énergétique du pavillon de G à B ?
C'est d'abord le traitement du clos et du couvert : nous faisons installer 40 centimètres d'isolant sous les combles, là où il n'y avait rien, et 20 centimètres sur les parois des murs verticaux donnant sur l'extérieur. Nous utilisons une structure T15 dans les infrastructures, au niveau des sous-sols.
Toutes les anciennes huisseries seront remplacées par d'autres, plus performantes.
Le système de chauffage actuel, qui fonctionne avec des convecteurs électriques communément qualifiés de « grille-pains », fera place à une pompe à chaleur eau-air : les radiateurs à eau seront reliés à cette pompe à chaleur, ce qui permettra de diviser la consommation d'électricité par trois.
Nous installerons également une ventilation mécanique contrôlée (VMC) à double flux, avec un échangeur de récupération d'énergie.
Enfin, la consommation sera pilotée à distance puisque nous allons relier le bâtiment à la supervision. Nous prévoirons des programmes horaires spécifiques, notamment la nuit et le week-end, lorsque l'occupation du pavillon sera moindre : nous pourrons alors baisser les consignes de température, le système de chauffage et couper la ventilation. Cette dernière opération est primordiale : on ne peut plus rénover un bâtiment aujourd'hui sans prévoir un pilotage ou une supervision de la consommation énergétique.
Nous devons diffuser cette culture auprès de l'ensemble de nos partenaires, notamment au sein de la direction des systèmes d'information (DSI). S'il est impossible de couper la climatisation de la salle informatique, on peut quand même envisager de nombreuses mesures permettant de réduire le « talon énergétique » que j'évoquais tout à l'heure.
Ainsi, les équipements audiovisuels, qui exigent à peu près la même climatisation que les appareils informatiques, tournaient en continu au motif que leur redémarrage nécessitait une reprogrammation. Cela peut se concevoir pour une interruption des travaux d'une journée, mais il est absurde de laisser les équipements tourner lorsque l'Assemblée suspend son activité pendant trois semaines !
De même, on maintenait le chauffage de l'hémicycle et des salles de commission à un niveau élevé, considérant qu'il fallait pouvoir ramener ces lieux à la température adéquate en une demi-heure. Cette mesure visant à garantir la continuité de l'activité parlementaire peut se comprendre dans l'absolu, mais nous savons tous qu'elle n'a pas de sens : on ne décide jamais d'ouvrir une séance publique avec un préavis d'une demi-heure ! Nous avons donc mis un terme à cette pratique, mais il a fallu convaincre les uns et les autres que nous serions en mesure d'assurer les mêmes conditions de confort avec un service nécessitant une intervention volontaire.
Nous avons connu quelques loupés, heureusement peu nombreux. Je me souviens d'une réunion du groupe majoritaire, salle Colbert, un mardi matin, qui ne figurait pas à l'agenda officiel et dont personne, dans ma direction, n'avait été informé. Il faisait 14 degrés et on nous a rapidement appelés pour se plaindre du froid…
Nous apprenons, au fil du temps, à mettre en place des routines pour remédier à la surconsommation. Par exemple, nous savons très bien qu'il ne sert à rien d'avoir un immeuble à 15 degrés le matin : nous serons alors confrontés aux plaintes des occupants, dont certains nous demanderont des convecteurs ou achèteront même leur appareil de chauffage personnel ! À leur arrivée dans les lieux, ils pousseront le chauffage au maximum ; s'ils ont la chance d'avoir une chambre à la résidence de la rue Saint-Dominique, ils utiliseront les sèche-serviettes, qui ne sont pas pilotables à distance – l'an dernier, nous en avons perdu une vingtaine qui servaient de chauffage d'appoint. À un moment, les occupants trouveront, de façon tout à fait légitime, que ces conditions ne leur permettent pas de travailler. Lors des périodes de grand froid, nous faisons donc tourner les installations la nuit, lorsque l'effort est moindre, ce qui nous permet d'amener les locaux à une température correcte pour commencer la journée. C'est ainsi que nous avons réussi à réduire non seulement notre consommation d'énergie, mais aussi et surtout le nombre de plaintes, qui a diminué de 80 % en deux ans – et ce n'est pas seulement le résultat d'une forme de résignation des occupants.
Troisième élément de l'approche retenue : donner la priorité aux actions les plus efficaces. Par exemple, chacun peut aisément comprendre que la rénovation du 35 quai d'Orsay a plus d'effet en matière d'économies d'énergie que la réduction de 1 ou 2 degrés Celsius de la température dans les cantonnements de la garde républicaine.
Au bout du compte, nous avons continué à réduire notre consommation d'énergie. Nous sommes à – 30 % depuis 2012, année de référence, sachant que l'objectif est de baisser cette consommation de 60 % d'ici à 2042. Nous avons donc fait la moitié de chemin. Je précise cependant que la facture d'énergie a doublé ces trois dernières années en raison de l'augmentation des tarifs. Si les dépenses au titre de l'énergie représentent à peu près 3 millions d'euros dans le budget 2024, celui pour 2025 prévoit qu'elles atteindront 7,5 millions.
C'est donc une puissante incitation à poursuivre les efforts.
Et quelle a été la baisse de notre consommation d'énergie durant cette même période de trois ans ?
Il est un peu difficile de répondre en raison des changements de périmètre.
La rénovation de l'hôtel de Lassay s'est traduite par une année blanche s'agissant de la consommation d'énergie dans ce bâtiment. A contrario, l'année suivante a été marquée par sa remise en service et par l'ajout du bâtiment Olympe-de-Gouges. Même si ce dernier est vertueux, il consomme tout de même de l'énergie – en particulier parce qu'une entreprise n'a pas complètement achevé ses travaux, ce qui nous prive de l'usage de la gestion technique des installations de climatisation (GTIC), qui permet le pilotage à distance. Si l'on veut couper ou remettre le chauffage dans cet immeuble, il faut pour l'instant le faire manuellement sur toutes les installations. Il y a donc des raisons d'être agacé.
Je sais que l'exercice est difficile, mais avez-vous évalué la baisse de la consommation à périmètre constant ?
Je peux vous dire que notre consommation est inférieure à celle de 2020, année marquée par la pandémie de covid, mais j'aurais du mal à répondre de manière plus précise à votre question.
L'équation est compliquée par la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le chauffage urbain nous permet de faire des économies sur la facture d'énergie, mais il dégrade notre bilan carbone car il émet beaucoup de GES – notamment parce qu'il repose en grande partie sur l'incinération des ordures.
La production du chauffage urbain est en effet assurée à hauteur de 10 % par des énergies vertes. Les déchets incinérés représentent quant à eux 40 %. Même si les énergies renouvelables participent davantage au chauffage urbain, le coefficient d'émission de GES par ce dernier reste plus élevé que celui du réseau d'énergie électrique ou du réseau de froid urbain.
Oui, mais aussi de centrales au fioul, notamment lorsqu'il s'agit de faire face aux pics de consommation en décembre et en janvier.
Nous remplacerons notre dernière installation fonctionnant au gaz en 2027 – en l'occurrence la cuisine du 101 rue de l'Université.
Il convient de relever que la consommation d'énergie de l'Assemblée nationale est assurée cette année indirectement par les énergies renouvelables à hauteur de 74 %. Nous achetons de l'électricité verte à notre fournisseur depuis 2019 et du gaz vert depuis 2021. Quant au réseau de froid urbain, il repose à 100 % sur les énergies renouvelables, puisque Fraîcheur de Paris est alimenté en électricité par le réseau photovoltaïque qu'il a installé en France. Nous sommes donc plutôt vertueux, même si nous n'avons pas installé des panneaux solaires sur le toit de nos immeubles.
Comment faire pour aller plus loin ?
Nous disposons d'une liste hiérarchisée des travaux à réaliser pour améliorer notre efficacité énergétique d'ici à 2043. Nous savons donc tout ce que nous avons à faire et quel sera l'effet de ces travaux sur la consommation d'énergie.
Cela ne veut pas dire pour autant que les opérations les plus vertueuses seront réalisées en priorité. La rénovation du 233 boulevard Saint-Germain serait à l'évidence utile car elle contribuerait à réduire la consommation d'énergie tout en améliorant les conditions de travail. Mais il s'agit d'une opération dont le coût est compris entre 20 et 25 millions et elle implique de reloger les occupants de l'immeuble pendant les travaux.
Nous utilisons deux critères pour évaluer l'intérêt des opérations : l'efficacité énergétique et le taux de rentabilité interne. Nous essayons d'obtenir un retour sur investissement aussi rapide que possible, car cela permet d'enclencher un cycle vertueux. Les économies réalisées en matière d'énergie font en effet baisser les dépenses de fonctionnement, et ce de manière documentée. Les travaux d'efficacité énergétique que nous avons lancés et le recours à des marchés globaux de performance (MGP) ont permis pour la première fois de proposer au collège des Questeurs une baisse du budget de fonctionnement – même si cette baisse est loin de compenser le coût des travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique.
En 2024, les crédits affectés strictement à l'efficacité énergétique ou au développement durable représentent 500 000 euros. Le projet de budget prévoit qu'ils atteindront 2,23 millions en 2025, soit un passage de 2 % à 6,9 % du budget de la direction. Les travaux d'isolation thermique réalisés par exemple dans le cadre de l'opération Colbert – un projet dont le coût d'ensemble dépasse 20 millions – ne sont pas compris dans les montants précités.
L'ensemble des travaux et réflexions passées – notamment autour des MGP – nous permet d'envisager des économies d'énergie pour les années à venir.
D'autres mesures seront proposées, dont celle consistant à raccorder d'autres immeubles au réseau de froid urbain. C'est particulièrement écologique et cela nous évitera d'utiliser des équipements utilisant des gaz qui vont progressivement être interdits par la réglementation.
Nos réflexions portent essentiellement sur les installations techniques. C'est primordial, car leur modernisation et leur pilotage vont produire les principales économies.
Il faut aussi travailler sur d'autres aspects liés à l'aménagement. Nous envisageons le raccordement à la Seine pour arroser le jardin de l'hôtel de Lassay. Nous devons aussi réfléchir aux espaces verts, car nous avons peu d'espace et devons bien l'utiliser dans une perspective de développement durable. On doit aussi s'interroger sur la manière de mettre en valeur les toits, qu'il s'agisse d'installer des panneaux solaires, de végétaliser ou de récupérer les eaux pluviales. Nous pouvons faire beaucoup de choses sur les toits, mais nous ne pourrons pas tout faire. Il faudra effectuer des choix.
Selon vous, quelle serait la meilleure manière d'utiliser ces surfaces dans la perspective de la transition écologique et en matière d'émissions de GES ?
Je ne souhaite pas anticiper sur les conclusions de l'AMO, qui est beaucoup plus compétent que nous.
Rassurez-nous : il ne s'agit pas du même AMO que celui que vous avez précédemment évoqué ?
Non. Nous avons choisi un prestataire compétent et à même de dialoguer avec nos autorités.
Nous pouvons avoir des idées sur les espaces verts ou l'utilisation des toits et vous fournir des éléments de décision. Mais il reviendra aux autorités politiques de décider.
À titre personnel, j'estime qu'il faudrait davantage végétaliser les espaces rares et précieux que sont les toits et les cours. Nous devons en effet faire face au phénomène des îlots de chaleur, alors que nos espaces sont très minéraux.
Vous avez indiqué que ce groupe de travail allait entendre l'architecte des bâtiments de France, monsieur le président. Ma direction s'occupe aussi du patrimoine, pour lequel elle a le plus grand respect. Nous restaurons les peintures de Delacroix à la bibliothèque et menons de nombreuses actions dans ce domaine. Cela compte pour nous.
Je veux bien que l'on protège le patrimoine, mais il faut d'abord s'entendre sur sa définition, ensuite savoir jusqu'à quel état de ce patrimoine il faut remonter lorsqu'on le restaure et, enfin, se demander s'il ne doit pas évoluer. Nous avons ainsi réalisé de nombreux travaux destinés à faciliter l'accès au Palais-Bourbon pour les personnes en situation de handicap – ce qui n'est pas facile dans ce bâtiment.
Nous travaillons bien avec l'architecte des bâtiments de France (ABF), mais il est prisonnier du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7e arrondissement. C'est le niveau le plus contraignant en matière de protection du patrimoine.
En caricaturant à peine, si nous demandons de retirer trois pavés dans la cour d'honneur pour y planter des tulipes, l'ABF est censé nous dire que nous n'en avons pas le droit. On ne doit pas modifier les espaces minéraux qui figurent dans le PSMV.
Oui. Il détaille la surface bâtie concernée et précise quel est l'usage des espaces autour des bâtiments – jardin ou cour minérale, par exemple.
Le PSMV est très contraignant en ce qui concerne le bâti. Lorsque nous avons lancé un marché pour la rénovation du pavillon d'accueil du public, nous avons ainsi dû indiquer aux candidats à la maîtrise d'œuvre qu'ils pouvaient le cas échéant détruire ce bâtiment pour en construire un plus adapté à la fonction d'accueil et moins consommateur d'énergie, mais qu'ils devaient impérativement reconstruire dans l'enveloppe initiale, sans empiéter même d'un centimètre sur le jardin de l'hôtel de Lassay. Nous avions initialement envisagé de décaler le bâtiment d'un mètre, ce qui n'aurait en réalité pas affecté les espaces verts. Mais nous ne pouvons pas toucher à cette implantation.
Je ne comprends pas. Tous ceux qui ont traversé la cour d'honneur un jour de grand soleil se rendent compte que les contraintes en ce qui concerne les espaces minéraux n'ont pas de sens.
Cela étant dit, je comprends la position de l'ABF : il fait respecter un plan qui découle de la loi.
Cela prend dix ans et c'est très compliqué, car il faut organiser une enquête publique.
Si les membres du groupe de travail le souhaitent, nous pourrions associer la DAIP en tant qu'observateur à l'audition de l'ABF.
Sous réserve que cela ne mette pas en porte-à-faux nos deux architectes du patrimoine. Comme l'ABF, ils sont tenus de faire respecter le PSMV.
Mais nous sommes beaucoup plus libres en ce qui concerne les travaux à l'intérieur du Palais-Bourbon. Le bâtiment n'est pas classé et les travaux à l'intérieur ne nécessitent pas de permis de construire ou de visite de la commission de sécurité incendie. Cependant, nous nous imposons de respecter l'ensemble des contraintes qui seraient normalement appliquées. C'est notamment la raison pour laquelle nous nous appuyons sur l'expertise des architectes du patrimoine.
Ne pourrait-on pas associer ces grands experts à un architecte spécialisé dans le domaine de la santé et de l'environnement ?
Si nous n'avons jusqu'à présent pas eu recours à des experts en matière de santé, nous prenons en compte l'environnement de manière de plus en plus systématique.
Dans le cadre du projet de rénovation du pavillon de l'accueil du public, nous avons imposé aux candidats à la maîtrise d'œuvre d'intégrer dans leur groupement un cabinet spécialisé dans l'environnement et le développement durable.
Nous avons mis en place une démarche de chantier vert pour le très important chantier de rénovation de la zone Colbert. Il s'agit de promouvoir les économies d'énergies mais aussi d'utiliser des matériaux biosourcés et écologiquement responsables. Nous travaillons aussi beaucoup sur la réutilisation des matériaux. Lors du curage du troisième étage, les matériaux pouvant être réutilisés ont fait l'objet d'un tri soigneux. C'est la première fois que je voyais ça sur un de nos chantiers.
Tous les matériaux pouvant être réutilisés devaient en effet être déposés avec soin. Cela représente une contrainte supplémentaire. C'est une première pour la direction et nous avons pu obtenir quelques résultats.
Le déroulement de ce chantier a également été riche en enseignements. Afin de limiter au maximum les nuisances sonores pour les usagers, nous avons imposé des règles draconiennes, avec des méthodes particulières et la réalisation de très nombreux travaux en horaires décalés. Nous en tirons des leçons pour la rédaction de nos futurs marchés.
Pendant longtemps, ces derniers ont comporté une magnifique clause relative au développement durable. Elle représentait 5 % du total de la note et, sauf à être particulièrement inapte, chaque entreprise obtenait la note maximale… Ce n'était pas complètement inutile car cela supposait de respecter un certain nombre d'engagements, mais on ne peut pas en rester là.
Il ne faut pas faire du développement durable un objet spécifique, car la volonté s'émousse et les gens finissent par adopter une stratégie d'habillage. C'est pourquoi, dans nos marchés de travaux, nous chargeons une entreprise de faire en sorte que les autres respectent les clauses environnementales.
En effet.
Lorsque nous avons préparé l'opération Colbert, nous nous sommes demandé si nous ne pourrions pas nous charger de cette tâche. Mais nous avons préféré la confier à une entreprise, car c'est un véritable métier. En outre, c'est pour nous l'occasion d'apprendre, afin de pouvoir exercer cette fonction ultérieurement.
Non. Nous l'assurons dans 95 % des cas.
Nous avons recours à cette solution seulement lorsque la taille du chantier dépasse la capacité de la DAIP ou lorsque la technicité de l'opération est telle qu'il est plus avisé d'en confier la responsabilité à un tiers. C'est par exemple le cas lorsqu'il faut intervenir sur des murs porteurs au sein du Palais-Bourbon.
Lors de votre précédente audition, nous avions déjà abordé la question des aménagements et du verdissement des toits. Quand disposerons-nous des éléments qui permettraient de prendre des décisions ?
Nous avons pris du retard sur ce dossier. Nous aurions dû recruter depuis longtemps un AMO chargé des espaces verts, mais les chantiers se sont accumulés entretemps.
Ce marché d'AMO a été attribué il y a quelques semaines à un titulaire dont nous savons qu'il travaille bien. Il devrait présenter ses conclusions durant le deuxième semestre et présenter clairement les choix possibles.
J'ai bien noté ce que vous avez dit au sujet du travail à mener pour faire accepter certaines mesures aux différents usagers des bâtiments. Nous pouvons vous y aider sur certains points auprès de nos collègues.
Avec grand plaisir, car c'est parfois ce qu'il y a de plus difficile – même si je dois souligner que les mentalités ont changé de manière incroyable depuis le début de cette législature.
La séance est levée à dix-sept heures.
Membres présents ou excusés
Groupe de travail sur le développement durable
Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 16 h 05
Présents. - Mme Lisa Belluco, Mme Brigitte Klinkert, M. Gérard Leseul, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi
Excusé. - Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Marie Pochon