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Intervention de Bruno Lancestremère

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 16h00
Groupe de travail sur le développement durable de l'assemblée nationale

Bruno Lancestremère, directeur des affaires immobilières et du patrimoine de l'Assemblée nationale :

Il est difficile de faire un bilan de consommation électrique sur quinze jours, d'autant que les factures sont établies pour des durées plus longues. Ce qui est certain, c'est que cet épisode malheureux nous a coûté beaucoup plus cher qu'il ne nous a rapporté, compte tenu du relâchement survenu ensuite quant aux consignes de température. Nous avons constaté une montée en flèche du montant des factures pendant l'hiver 2021-2022.

Depuis deux ans, nous travaillons sur quatre points : l'élaboration d'une stratégie ; l'établissement d'un diagnostic permettant d'appuyer cette stratégie sur un constat objectif ; une modification de notre approche du développement durable, consistant à passer d'une conception trop punitive fondée sur une politique de rationnement à une démarche structurelle, de long terme, reposant sur l'adhésion des occupants ; l'inscription de nos actions dans la durée, puisque le collège des Questeurs a exceptionnellement accepté que notre programmation s'étende jusqu'en 2043. Dès juillet 2022, en effet, le collège a approuvé une stratégie énergétique visant une réduction de 60 % des consommations d'ici à 2043. J'ai l'habitude de préciser que cet objectif n'implique pas une diminution de 60 % de la température dans les bureaux !

Si nous devons tous respecter certaines règles, votées par le Parlement, l'essentiel n'est pas de décider si l'on chauffe un bureau à 20 ou 20,5 degrés. Il existe en effet un « talon énergétique », une dépense énergétique constante quelles que soient l'activité et l'occupation des locaux de l'Assemblée nationale. Dans la salle informatique, par exemple, on ne peut pas permettre que la température s'élève jusqu'à 40 degrés si l'on ne veut pas perdre les équipements. La part de notre consommation énergétique contrainte, constante, représente pas moins de 40 % de notre consommation totale, ce qui est considérable. Il s'agit pour nous d'un axe de travail essentiel, par lequel nous ferons bien plus d'économies qu'en faisant varier la température d'un demi-degré dans un bureau.

Le deuxième objectif de notre stratégie énergétique est l'amélioration de l'ambiance et de la qualité de l'air. Cela implique la mise en place de systèmes de ventilation mécanique, donc l'utilisation d'équipements consommateurs d'énergie, ce qui peut paraître antinomique avec l'objectif précédent. Les arbitrages sont parfois compliqués.

Le troisième objectif, que nous visons depuis 2012, concerne le recours aux énergies renouvelables. J'y reviendrai.

Nous avons mené deux audits.

Le premier portait sur la qualité de l'air intérieur. Ses résultats sont assez mitigés : ils laissent apparaître de fortes disparités entre les bâtiments. Le premier indicateur, celui du taux de CO2, est plutôt correct dans l'ensemble du parc immobilier. Le deuxième, celui du taux de particules, n'est pas très bon et même parfois franchement mauvais dans les bâtiments dépourvus de ventilation mécanique. La situation s'améliore cependant, ce qui ne va pas sans poser d'autres problèmes : alors que nos façades avaient tendance à noircir, elles verdissent désormais, du fait de la présence d'algues rendue possible par l'amélioration de la qualité de l'air. Le troisième indicateur de l'audit est celui du taux d'humidité, qui a une incidence sur le confort des occupants et est particulièrement important dans certains lieux comme la bibliothèque. L'audit a montré que l'hygrométrie n'était pas bonne dans les bâtiments utilisant une ventilation mécanique, car ce procédé assèche l'air.

Les résultats de ce premier audit ne sont donc pas formidables. En réalité, ils ne pourront jamais l'être, car les mesures adoptées auront toujours pour effet de dégrader tel ou tel facteur. Notre objectif est donc de parvenir à l'équilibre le plus correct possible entre ces trois paramètres, en tenant compte des spécificités de chaque bâtiment.

S'agissant toujours de l'amélioration de la qualité de l'air, le prestataire chargé de l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) a rendu un très bon rapport. Il a formulé de nombreuses préconisations, dont beaucoup touchent au nettoyage et, surtout, à la maintenance des installations. Nous parvenons à les intégrer sans trop de difficultés dans les cahiers des charges des entreprises chargées de cette maintenance. La qualité de l'air devrait donc encore s'améliorer progressivement.

J'en viens au deuxième audit, qui portait sur la performance énergétique. J'aurais aimé vous dire que ses résultats sont mitigés ; je dois cependant admettre qu'ils sont très mauvais. L'hôtel de la questure et le petit hôtel sont classés D ; la zone Colbert, l'hémicycle et l'hôtel de Lassay sont classés E ; le bâtiment du 110 rue de l'Université, celui du 233-235 boulevard Saint-Germain et l'immeuble Chaban-Delmas sont classés F ; le pavillon accueillant le cantonnement de la garde républicaine, au 35 quai d'Orsay, dans les jardins de l'hôtel de Lassay, est même classé G. Autant vous dire que certains de nos immeubles peuvent être considérés, à juste titre, comme des passoires énergétiques !

Que faire face à cette situation ? Quoi qu'il en soit, nous essaierons de faire mieux que ce que nous a proposé notre AMO dans ce domaine. Nous avons été obligés de demander au collège des Questeurs d'interrompre les prestations de cette entreprise, compte tenu de leur qualité contestable et d'une méthodologie pas toujours satisfaisante. C'est donc aux personnels placés sous mon autorité qu'il revient d'imaginer les changements nécessaires.

La première mesure à prendre est un changement de gouvernance. Nous devons rechercher l'implication de nos autorités politiques. Aussi le collège des Questeurs et la présidente de l'Assemblée nationale ont-ils envoyé à vos collègues un certain nombre de courriers rappelant l'objectif de sobriété énergétique. Cela fonctionne très bien pendant quelques semaines, mais on observe un relâchement des comportements et une évaporation des réflexes à mesure que la saison avance. Nous avons donc besoin de votre soutien permanent sur ce sujet. Le bureau de notre assemblée a été informé de la définition de ces orientations, et votre groupe de travail joue bien sûr aussi un rôle important.

Il nous a semblé qu'il fallait une impulsion, qui ne peut reposer sur l'engagement d'une seule personne, mais qui doit au contraire réunir l'ensemble des acteurs, y compris ceux qui ne sont pas particulièrement engagés en matière de développement durable. C'est le travail de la cellule « énergie » que de faire valoir cette dimension dans l'ensemble de nos dossiers.

Quand le naturel revient au galop, nous savons rattraper les choses. Ainsi, avec l'accord du collège des Questeurs, nous avions lancé la rénovation du pavillon du 35 quai d'Orsay ; or, au bout d'un moment, M. Borne m'a alerté sur le fait que les travaux prévus n'allaient pas réellement améliorer l'efficacité énergétique de ce bâtiment classé G. Nous sommes alors revenus devant le collège des Questeurs, en faisant notre mea culpa, pour intégrer à l'opération de rénovation des travaux d'efficience énergétique qui permettront au bâtiment d'être classé B.

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