La réunion

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La réunion commence à quinze heures.

La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

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L'examen du texte en séance publique débutera le 27 mai ; les amendements devront être déposés au plus tard le 23 mai. Si nous n'avons pas terminé nos travaux vendredi, nous nous réunirons ce week-end.

Article 6 (suite) : Conditions d'accès de l'aide à mourir

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Ce matin ont été défendus l'amendement CS814, les amendements identiques CS1036 et CS1251, les amendements identiques CS659 et CS1158 et l'amendement CS374, en discussion commune. Madame la rapporteure, madame la ministre, quels sont vos avis sur ces amendements ?

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Certains amendements sont relatifs au terme, dont nous débattrons très précisément par la suite ; d'autres concernent la condition d'une atteinte par une affection grave et incurable. La rédaction est issue de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti » ; celle-ci exige, pour pratiquer une sédation profonde et continue jusqu'au décès, que le patient soit atteint d'une maladie qui engage son pronostic vital – donc « grave » – et qui ne peut être guérie – donc « incurable ». Les deux adjectifs sont indispensables : la gravité de la maladie ne présume pas des chances de guérison – c'est le cas du cancer –, tandis que l'incurabilité n'engage pas le pronostic vital – l'arthrose en offre un exemple.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Il est essentiel de conserver les deux adjectifs, « grave » et « incurable ». La maladie incurable n'engage pas le pronostic vital, au contraire de la maladie grave.

Avis défavorable sur tous les amendements de la discussion commune.

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J'avais déposé un amendement identique aux amendements CS659 et CS1558, que je n'ai pas pu défendre. Afin de supprimer le critère de temporalité pour bénéficier de l'aide à mourir, je plaide pour l'expression : « en phase avancée ou terminale ». Il s'agit d'un critère beaucoup plus précis médicalement que le pronostic vital engagé, qu'aucun médecin ne peut définir. Il faut laisser le patient apprécier la temporalité : c'est lui qui souffre, or chacun vit et accepte la douleur différemment. Nous devons choisir le moment de notre fin en fonction de ce que nous vivons.

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La condition de l'affection « grave et incurable » constitue un aspect capital. La discussion commune réunit des amendements de deux types : les uns visent à supprimer cette condition, quand d'autres, notamment ceux déposés par mes collègues Patrick Hetzel et Philippe Juvin, tendent à la renforcer. Je m'étonne que la commission ait ainsi réuni des amendements contraires.

Évidemment, je soutiens les amendements de la seconde catégorie, et je m'oppose de front à toute proposition de faire sauter ce verrou indispensable qu'est la condition d'être atteint d'une affection grave et incurable. Depuis le début, nous mettons en garde contre un élargissement ; dès l'examen du texte, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer qu'on supprime, un à un, toutes les conditions au suicide assisté et à l'euthanasie. C'est très grave. Jean-Marc Sauvé, qui fut vice-président du Conseil d'État, a estimé qu'il ne faudrait pas trois ans pour que le critère de l'affection grave et incurable soit supprimé. Certains cherchent déjà à l'éliminer : c'est très préjudiciable.

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Les amendements ont été placés en discussion commune parce qu'ils concernent le même alinéa, et le même sujet, même si leurs auteurs défendent des idées différentes. Le cas est très fréquent.

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Plusieurs amendements remettent en cause non la nécessité d'être atteint d'une affection grave et incurable, mais le fait que celle-ci doive engager le pronostic vital à court ou à moyen terme. Des médecins ont souligné que cela était très difficile à mesurer, en particulier s'agissant du moyen terme. Aussi proposons-nous d'écrire « en phase avancée ou terminale », en utilisant une notion parfaitement définie sur le plan juridique. Cela permettra également aux patients atteints d'une pathologie évolutive d'être éligibles.

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Je m'exprime en mon nom propre. Il faut substituer aux mots « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » les mots « qu'elle qu'en soit la cause » – je défendrai un amendement en ce sens lors de l'examen en séance. En effet, à la suite d'un accident, on peut souffrir d'une affection très grave, sans que le pronostic vital soit engagé.

Vous affirmez régulièrement que vous voulez placer le patient au cœur de la décision. Or c'est le médecin qui se prononce sur le pronostic vital – qu'ils ont par ailleurs beaucoup de mal à évaluer à moyen terme. Je ne suis pas spécialiste, mais selon moi la rédaction « en phase avancée ou terminale » correspond davantage à l'idée que le patient peut se faire de sa situation, lorsqu'il estime que sa vie est devenue une survie.

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Nous sommes attachés à la condition d'une « affection grave et incurable ». En revanche, substituer à la formule « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme », qui n'a pas de sens, les mots « en phase avancée ou terminale » permettrait de solliciter l'appréciation du corps médical, or il est essentiel que les soignants soient en position privilégiée pour évaluer la situation du patient.

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Je soutiens les amendements identiques CS659 et CS1558, qui visent à écrire « en phase avancée ou terminale ». Le court et le moyen terme et l'engagement du pronostic vital n'apparaissent dans aucune des autres législations. Le corps médical a confirmé que cela n'avait pas de sens, car il ne sait pas dire quand un pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme.

Par ailleurs, madame Genevard, aucun des pays ayant légalisé l'euthanasie n'a enlevé la condition d'être atteint d'une maladie grave ou incurable de sa législation. Il s'agit d'une condition sine qua non du droit à mourir. Il n'y a eu aucune dérive et il n'y en aura aucune. Arrêtons de faire peur en avançant des arguments que les faits démentent.

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En défendant l'amendement CS659, qui vise à écrire « en phase avancée ou terminale », nous proposons un moindre mal. Il revient au demandeur de l'aide à mourir de juger les effets de son affection et sa capacité à supporter la douleur. Nous l'avons bien compris lors des auditions : les médecins ne sauront pas définir le court ou le moyen terme. Nous défendons un amendement de repli. À titre personnel, j'estime que la condition de la maladie grave et incurable est suffisante. Il est trop cruel de dire à quelqu'un atteint de la maladie de Charcot qu'il devra attendre d'être en phase terminale, c'est-à-dire de n'avoir plus de jambes, plus de mains, peut-être de ne plus pouvoir respirer, pour avoir, peut-être, le droit de demander l'aide active à mourir.

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Les auditions ont montré que le moyen terme était une notion floue et qu'on ne pouvait pas vraiment apprécier cette dimension. Toutefois, les mots « phase avancée » ajoutent du flou au flou. On comprend que la phase terminale correspond à la fin de la vie du patient, à ses derniers jours, mais la phase avancée ne désigne rien de clair : le malade a encore un certain temps à vivre et sa situation peut encore évoluer. Cela soulève le même problème que le moyen terme. Nous devons être beaucoup plus précis.

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Une fois de plus, nos discussions montrent l'impréparation du Gouvernement. On a bien compris que vous vouliez faire passer ce texte pendant la campagne des élections européennes afin de pourrir le débat, mais force est de constater que rien n'est finalisé. Or il n'est pas sérieux de voter dans ces conditions un texte sur un sujet aussi important.

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Je partage les réserves exprimées sur la notion de moyen terme : il faudrait supprimer cette référence. Néanmoins, nous avons noté que la ministre avait sollicité le président de la Haute Autorité de santé (HAS) pour la préciser. Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer comment la HAS pourrait lever l'énorme ambiguïté que tous les personnels soignants ont pointée ?

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L'élément fondamental, qui doit nous guider, est la souffrance réfractaire et insupportable. Si nous gardons en tête, à chaque amendement que nous examinons, qu'il s'agit de mettre fin à une souffrance insupportable et réfractaire, le débat serait plus clair et nous penserions, enfin, au patient.

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Je suis attaché à la temporalité, et je ne suis pas le seul. Les philosophes que nous avons auditionnés – il est bon d'en fréquenter de temps en temps – ont souligné son importance. M. Frédéric Worms a dit : « L'aide à mourir n'est légitime qu'en fin de vie. » Tous, nous disons que nous siégeons dans la « commission fin de vie ».

La notion de moyen terme me pose un problème, comme à de nombreux commissaires. C'est aussi votre cas, madame la ministre, puisque vous avez interrogé la HAS pour la définir. En tant que médecin, je pense que nous n'y arriverons pas précisément. Les amendements visant à écrire « en phase avancée ou terminale » délimitent très bien le champ dans lequel l'aide à mourir doit s'inscrire. Elle ne peut intervenir dans aucun autre délai – certainement pas dans le long terme.

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Les auditions ont montré combien il était difficile d'évaluer que le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Mais si vous votez ces amendements au nom de l'applicabilité de la loi, vous la rendrez inapplicable. Vous partez du présupposé qu'une définition à long terme serait plus claire, mais c'est clairement non ! En trente ans, les progrès de la médecine ont offert un espoir immense pour le pronostic de maladies que l'on pensait incurables à long terme. Pierre a 60 ans. Médecin, il a reçu il y a trois ans le diagnostic d'un cancer du pancréas métastatique résistant à la chimiothérapie : son pronostic vital était engagé au-delà du moyen terme. Il aurait donc été éligible au dispositif que vous proposez. Grâce aux thérapies innovantes qui n'existaient pas il y a peu, il a retrouvé sa qualité de vie, il vit, il profite.

Beaucoup des juristes que nous avons auditionnés ont proposé de retirer le critère de pronostic vital engagé à court ou à moyen terme, mais il faut favoriser l'approche médicale et rester humbles devant la maladie et les évolutions thérapeutiques. Dans de très nombreux cas, le médecin saura dire si le pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme, s'il n'y a plus d'espoir. C'est un horizon peut-être imparfait, critiquable, mais protecteur pour les patients et rassurant pour les soignants. Comprenez que le vote des amendements concernés anéantirait le sens du texte.

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Pourquoi est-il essentiel de poser une borne temporelle ? Pour rendre le texte effectif. La loi Claeys-Leonetti prévoit que le pronostic vital doit être engagé à court terme pour autoriser la sédation profonde et continue. Cela cadre l'exercice des soignants. La notion de moyen terme peut être floue, notamment parce que la situation varie d'un patient à l'autre, mais il faut en laisser l'appréciation au médecin. En l'absence de référence à un terme, certains médecins pourront ne pas se sentir en sécurité, ce qui risque de les empêcher d'autoriser l'aide à mourir. Voter les amendements qui tendent à supprimer cette référence irait donc à l'encontre de l'objectif visé.

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Une affection peut être en phase avancée sans engager le pronostic vital. C'est le cas si votre médecin vous diagnostique un cancer avec des métastases généralisées, mais curable. La rédaction « en phase avancée » ouvre donc très largement le champ d'application.

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Bien sûr, cette étape est fondamentale. Nous avons tous beaucoup réfléchi à la notion de moyen terme. Nous avons organisé une soixantaine d'heures d'auditions, au cours desquelles j'ai posé la question à de nombreuses reprises. Nous avons bien vu que quelle que soit la position des intervenants, la notion soulevait des interrogations.

Pour l'objectiver, trois préoccupations ont guidé mes réflexions, comme l'élaboration et la modération du texte, relatif à un sujet de bioéthique particulièrement sensible : l'autonomie et la liberté de choix du patient ; le respect de la compétence du médecin ; le risque d'exclure certaines pathologies du droit à l'aide à mourir. Pour ouvrir le débat, j'ai déposé un amendement tendant à supprimer les mots « à court ou moyen terme », mais il a été déclaré irrecevable. Grâce à nos collègues du groupe Écologiste, qui ont trouvé la parade pour ne pas enfreindre l'article 40 de la Constitution, j'ai déposé un autre amendement dans ce sens. Mes réflexions et mes discussions avec le rapporteur général m'amènent à approuver la rédaction de la proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, qu'il avait défendue en 2021 et que j'avais votée : « en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable », qui suscite moins de doutes.

En mon âme et conscience, j'émets un avis favorable aux amendements identiques CS659 et CS1558, qui tendent à substituer aux mots : « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » les mots : « en phase avancée ou terminale ».

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Nous en venons au point le plus problématique : le « moyen terme ». Je pourrais citer cinquante extraits des auditions, d'intervenants diversement disposés à l'égard du texte, pour expliquer à quel point la notion est difficile à définir. J'ai, arbitrairement, choisi l'intervention du président du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) : « La notion de pronostic vital engagé à court ou moyen terme est difficile à établir. Déterminée par le médecin, pouvant être endossée par lui, elle ne sera pas adossée à une définition juridique. Si, pour certaines pathologies, on dispose de données concernant le terme éventuel, pour d'autres affections cela sera véritablement complexe. Il y a également des maladies, comme la maladie de Charcot, où on ne peut prédire avec précision le terme de vie et de mort. Pour le patient, ce n'est pas tant le moment de la mort qui importe, mais celui à partir duquel la vie lui sera insupportable, et en cela on ne voit pas comment on pourrait fixer un terme. » Je ne peux pas dire mieux.

Par ailleurs, je m'efforce d'être cohérent dans mon travail parlementaire. Nous parlons d'une des conditions qui doivent être réunies pour autoriser l'aide à mourir ; la maladie, grave et incurable, doit provoquer des souffrances réfractaires et insupportables. Comme lors de l'examen de la proposition de loi que j'ai défendue en 2021, je soutiens que l'affection doit être « en phase avancée ou terminale ». J'émets donc un avis favorable aux amendements CS659 et CS1158.

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Catherine Vautrin, ministre

Une fois de plus, je commence par citer l'avis du Conseil d'État. Il considère qu'en retenant les trois dernières conditions énumérées à l'article 6, « le projet de loi ne méconnaît pas les principes constitutionnels et conventionnels » – qu'il a précédemment évoqués : « Pour l'appréciation de la troisième condition relative à l'échéance du “moyen terme”, le Conseil d'État estime que cette expression ne peut être entendue que dans le sens employé par la pratique médicale, pour laquelle elle correspond à un horizon temporel qui n'excède pas douze mois. Il considère qu'elle n'est dès lors pas entachée d'incompétence négative. Il observe que les modalités d'appréciation de l'horizon de “moyen terme” pourront être utilement éclairées, selon les pathologies en cause, par des recommandations formulées par la Haute Autorité de santé. »

Suivant l'avis à la lettre, j'ai interrogé le président de la HAS, le professeur Collet. Il m'a répondu par un courrier en date du 29 avril 2024, que je vous lis :

« Madame la ministre,

« J'ai bien pris connaissance de votre saisine de la Haute Autorité de santé, en date du 22 avril, relative à l'évaluation du pronostic médical engagé à moyen terme par le médecin dans le cadre d'une demande d'accès à l'aide à mourir telle que mentionné dans le titre II du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie prochainement examiné au Parlement.

« Tout d'abord je souhaitais vous remercier pour la confiance portée [à] la HAS pour mener ces travaux aux multiples enjeux que nous ne manquerons pas de réaliser.

« Je tenais également à vous indiquer que l'élaboration d'une recommandation de bonnes pratiques professionnelles de la HAS s'étale de manière générale sur dix-huit mois.

« Ce délai intègre certaines étapes propres à nos travaux et à leur qualité et notamment l'élaboration d'une note de cadrage, la constitution du groupe de travail, l'analyse de la littérature, la préparation d'un avis et la mise en place d'un groupe de lecture ainsi que d'éventuelles auditions de représentants de pays étrangers ayant déjà mis en place des dispositifs liés à la fin de vie et une consultation publique qui apparaît pertinente a priori compte tenu de la nature du sujet traité.

« Compte tenu de ces éléments, de l'enjeu central que représente l'évaluation de la notion de moyen terme dans le projet de loi et afin de garantir la qualité de notre recommandation, le délai fixé au dernier trimestre 2024 apparaît extrêmement contraint.

« Nous mesurons pleinement les attentes concernant ce sujet. En conséquence, nous proposons de publier en juin 2024 une note de cadrage de notre recommandation de bonne pratique puis une note d'avancement de son élaboration au dernier trimestre 2024, avant de vous communiquer la version finale de notre recommandation dès leur adoption par le collège et d'ici le deuxième trimestre 2025.

« Une telle démarche permettrait d'assurer pleinement la qualité des recommandations produites, qualité à laquelle nous sommes tous attachés, et le consensus nécessaire, tout particulièrement sur un sujet dont la sensibilité n'est plus à démontrer. »

Par ailleurs, la référence au moyen terme constitue un des apports importants du texte ; elle le distingue de la loi Claeys-Leonetti, précisément parce qu'il caractérise la fin de vie. Tous les médecins vous le diront, le pronostic vital est engagé à court terme quand a débuté l'agonie, la phase ultime de l'existence, quand l'organisme paraît lutter pour échapper à un glissement inévitable vers la mort – les dernières heures ou les derniers jours. Étymologiquement, « agonie » signifie « lutte », « combat ». Évidemment, il est beaucoup plus compliqué de définir le pronostic engagé à moyen terme. Il s'agit d'une notion médicale. En médecine, malgré les protocoles, il n'est pas toujours aisé de choisir la conduite à tenir ; chaque patient est unique. La liberté du patient est fondamentale, et son corollaire est l'examen médical, qui décidera de l'éligibilité – nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 7.

Comme vous, j'ai évidemment discuté avec des médecins, entendu les avis de l'Académie nationale de médecine et du Comité consultatif national d'éthique : personne, il est vrai, ne borne le moyen terme. Toutes les instances médicales, scientifiques et éthiques considèrent qu'il s'agit d'un horizon de quelques mois. Cela dépend de la pathologie, de l'état général de santé du patient, de l'observance du traitement. Toutefois, la réalité de la pratique médicale quotidienne connaît cette évaluation, nécessaire pour choisir les traitements : on parle de « survie à six mois » ou « à un an » – je n'invente pas ces termes, présents dans la littérature scientifique. La HAS rendra son avis et donnera des repères en fonction des pathologies, pour guider les médecins, mais elle ne normera pas, parce que ce n'est pas possible.

Les auteurs des amendements tendant à supprimer la référence au moyen terme ont des intentions très différentes. Les uns veulent restreindre l'aide à mourir aux affections engageant le pronostic vital à court terme ; ce n'est pas le sens du texte, et j'y suis défavorable. Les autres estiment qu'il est inutile de préciser cette condition dans la loi, que la pratique médicale se suffira. Mais la loi ainsi rédigée serait-elle applicable ? Quel médecin se sentira protégé si la loi n'éclaire pas un minimum son action ? Nous formulons une notion, la pratique se l'appropriera. La pratique est à la médecine ce que la doctrine est au droit. Incontestablement, pour que la pratique soit possible, les médecins ont besoin d'un cadre protecteur, aussi avons-nous inscrit dans le texte la double référence au court et au moyen terme.

J'émets donc un avis défavorable à ces amendements en discussion commune.

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Nous examinons la partie du texte portant sur les conditions de l'accès à l'aide à mourir, plus précisément sur la troisième condition, la première de nature médicale et non administrative. Les craintes que j'ai exposées hier sur la disparition des verrous se matérialisent. En effet, les deux amendements identiques CS659 et CS1558 visent à remplacer la notion de « pronostic vital à court ou moyen terme » par celle de « phase avancée ou terminale ». Or le critère de l'engagement du pronostic vital est à mes yeux fondamental : le supprimer conduira à éliminer d'autres protections, perspective à laquelle je me refuse. Je voterai donc contre ces amendements.

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Le moyen terme est une notion imprécise, pouvant correspondre à quelques semaines ou mois, mais également à plusieurs années pour la maladie de Charcot. Pour celle-ci, les débats semblent glisser vers la défense de l'euthanasie, les amendements ayant pour objet de faire évoluer la loi vers une aide à mourir. Les malades, eux, n'ont qu'une seule priorité : savoir comment ils vont vivre et non comment ils vont mourir.

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Je suis l'avis du rapporteur général et retire mon amendement au profit des amendements identiques CS659 et CS1558, que je soutiendrai avec plaisir.

Les amendements CS814, CS1036 et CS1251 sont retirés.

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Madame Vidal, le caractère incurable d'une pathologie implique nécessairement l'engagement du pronostic vital.

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Madame la ministre, vous pensez que la suppression de la référence à l'horizon de court ou de moyen terme alourdirait la responsabilité pesant sur le médecin, mais on nous a expliqué que celui-ci ne pouvait pas définir ce qu'était le moyen terme : conserver cette référence donnerait au praticien l'entière responsabilité de déterminer si le patient peut accéder ou non à l'aide à mourir. Le maintien de la rédaction actuelle ferait donc peser une charge beaucoup plus lourde sur le soignant.

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Qui est dupe de ce qu'il se passe actuellement dans cette salle ? Nous partageons les craintes de Mme Vidal, membre de la majorité présidentielle, qui a raison de s'inquiéter : les garde-fous et les verrous sont en effet en train de sauter les uns après les autres. Je vous alerte à nouveau : les conditions strictes que vous prétendez poser dans l'accès au suicide assisté sont non seulement tout sauf impérieuses, mais sont appelées à disparaître au fur et à mesure de l'adoption d'amendements comme les CS659 et CS1558. En effet, ces derniers suppriment – excusez du peu ! – la référence au pronostic vital, qui constituait l'un des cinq petits critères restrictifs. Nous voterons contre l'adoption de ces deux amendements très dangereux.

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Les débats sont extrêmement intéressants. L'ensemble des personnes auditionnées, quelles que soient leurs convictions sur le texte, ont interrogé la notion de moyen terme. J'avais déposé, avec d'autres membres du groupe Démocrate, un amendement visant à supprimer la référence au court et au moyen terme, non par opposition à la fixation d'une limite mais par besoin de débattre de celle proposée par le texte.

Alain Claeys m'a dit que les mêmes questionnements avaient émergé autour de la notion de court terme lors de l'examen du texte de loi qui porte son nom avec celui de Jean Leonetti : s'agit-il de quelques heures, de quelques jours, de quelques semaines ? Aujourd'hui, cette notion est intégrée par les praticiens. La notion de « phase avancée ou terminale » me paraît intéressante, mais je ne suis pas sûr de savoir tout ce qu'elle recouvre. Par conséquent, je m'abstiendrai lors du vote sur les amendements identiques, d'autant que l'idée de pronostic vital me semble également importante.

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Comme d'habitude, madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention, mais si la notion de moyen terme peut effectivement rassurer le médecin, le malade aura la possibilité de remettre en cause la décision médicale, l'interprétation pouvant faire l'objet d'un contentieux judiciaire. Cette perspective fera peser une menace sur le médecin. Il faut reconnaître que, sur cette question, la HAS, en qui j'ai confiance, s'est défilée.

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Les amendements CS659 et CS1558 franchissent une ligne rouge en sortant du cadre fixé à l'article 6 par le Gouvernement. Le remplacement du pronostic vital à court et moyen terme par la notion de phase avancée ou terminale ouvre en grand les voies d'accès à l'aide à mourir. Il n'y a aucune étude d'impact sur la question, puisque cette évolution serait consacrée par l'adoption d'un amendement d'origine parlementaire : accepter cette proposition nous ferait courir un risque considérable.

Nous sommes opposés à l'autorisation du suicide assisté et évidemment à la suppression de conditions encadrant son recours. Nous vous avions alertés sur la volonté de certains d'aller plus loin que le texte du Gouvernement ; vous pouvez constater que nous avions raison. Faisons attention et apportons des garanties aux patients, car nous parlons de leur vie.

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L'emploi des mots « court ou moyen terme » a alimenté des interrogations chez les médecins, que ceux-ci soient favorables ou opposés à l'aide à mourir. Comme Nicolas Turquois, j'éprouve une certaine difficulté à percevoir tout ce que recouvre la notion de phase avancée ou terminale. La phase terminale, ou processus du mourir, ne me semble pas susciter de débat car les termes sont suffisamment clairs ; selon le code de la santé publique, la fin de vie désigne les moments qui précèdent le décès d'une personne « en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ». Cette notion figure déjà dans le droit.

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Le dispositif n'est pas adapté à la mission quotidienne des soignants ; ceux-ci peuvent redouter que la notion temporelle de moyen terme n'incite certains patients à demander très précocement une aide à mourir, ce qui induirait un biais dans la dispense des soins par une rupture dans l'alliance thérapeutique et un déséquilibre dans le positionnement des patients par rapport à leurs soignants.

Les médecins relèvent qu'il est impossible d'apporter une aide à mourir en l'absence d'un avis libre et éclairé, mais qu'ils peuvent appliquer la loi Claeys-Leonetti. L'ouverture de l'accès à l'aide à mourir à un stade plus précoce de la maladie pourra limiter la dispense de soins adaptés.

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Mme Bergantz m'a devancée en évoquant le code de la santé publique ; la première phrase de son article L. 1111-12 est très claire : « Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin a l'obligation de s'enquérir de l'expression de la volonté exprimée par le patient. » L'article ne comporte aucune mention au court ou au moyen terme, il emploie l'expression « phase avancée ou terminale ». Les amendements ne font ainsi que reprendre une notion déjà présente dans le code de la santé publique : leur adoption garantirait donc davantage la sécurité juridique du texte que la rédaction actuelle, car le moyen terme ne sera pas défini avant plusieurs mois.

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Les amendements m'interpellent : le court, le moyen et le long termes sont des critères de nature temporelle. Les maladies graves progressent : une fois le diagnostic posé, elles avancent, donc l'expression « phase avancée » pourrait concerner les premiers stades d'une maladie diagnostiquée. L'adoption de ces amendements sèmerait de la confusion pour les soignants, car toute pathologie évolutive pourrait entrer dans le champ de la loi : nous pénétrerions là sur un terrain dangereux.

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Ce n'est pas parce qu'une maladie progresse qu'elle se situe à un stade avancé. Il ne faut pas oublier que la condition définie à l'alinéa 4 n'est que l'une des cinq posées par l'article 6 : ces conditions sont cumulatives, en remplir une seule ne suffit pas. Il convient de déterminer s'il est possible d'alléger les douleurs aiguës dont une personne malade peut souffrir. Tous les éléments entrent dans la décision collégiale. L'accès à l'aide à mourir ne concernera que les personnes atteintes d'une maladie incurable dont la progression a atteint une phase avancée ou terminale, indépendamment du moment où a été posé le diagnostic, car certaines personnes attendent très longtemps avant de consulter, même si elles souffrent énormément. Une fois ces conditions remplies, encore faudra-t-il que le patient demande à bénéficier du dispositif : si tel est le cas, les médecins disposeront de nombreux éléments pour prendre une décision.

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Le texte concerne des situations très particulières dans lesquelles un malade dépourvu de solution demande qu'on l'aide à mourir. Pour que la loi soit applicable, il faut qu'elle soit claire et compréhensible pour que les médecins puissent s'y retrouver. Personne ne peut définir ce qu'est le moyen terme, sauf à s'appuyer sur des études statistiques, qui, intégrant de larges échantillons, peuvent évaluer l'espérance de vie du patient selon son état clinique ; néanmoins, une telle approche n'a qu'un intérêt statistique et non médical.

Les médecins prendront leur décision d'aider un patient à mourir sur le fondement d'un faisceau d'arguments, notamment l'histoire récente du malade, l'examen clinique et les paramètres biologiques. À l'issue de cette réflexion, les praticiens détermineront si le patient est en phase terminale ou avancée – vous pouvez choisir les mots qui vous conviennent ; ils pourront agir si la mort naturelle est proche pour un patient dont la fin de vie est intolérable : c'est là qu'une loi facilement applicable doit intervenir. Dans ce cadre, la notion de terme n'a que peu d'intérêt et n'offre aucune protection au médecin attrait devant un tribunal, car les experts reprendront sa démarche et évalueront les éléments qui ont motivé sa décision.

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Supprimer le pronostic vital des critères ouvrant droit à l'aide à mourir serait très grave. Ne confondons pas celui-ci avec la phase de la maladie, laquelle peut être avancée sans que le pronostic vital soit engagé ; des maladies avancées sont curables, comme la pathologie dont je souffre, l'insuffisance cardiaque, qui n'entre pas en phase terminale en cas de greffe. Il faut faire preuve de beaucoup de prudence dans le choix des termes et conserver la notion de « pronostic vital à court ou moyen terme ». Il convient également d'avoir l'honnêteté de ne pas confier à la HAS le soin de définir ce critère.

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Je ne suis pas médecin, mais j'entends bien que les mots « à court ou moyen terme » posent une condition de nature temporelle. On voit ce qu'est le court terme et la HAS pourrait préciser ce que recouvre le moyen terme. Après avoir échangé avec des professionnels qui prodiguent des soins palliatifs et qui s'occupent de la fin de vie, il me semble qu'on ne peut pas dire à une personne âgée de 45 ans à qui on diagnostique un cancer au pancréas – maladie pour laquelle l'espérance de vie est de cinq ans – et qui pense que son pronostic vital est engagé à court terme, qu'il a tort. La dimension temporelle n'est pas audible dans un tel cas.

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Je défends le projet de loi et souhaite que, une fois adopté, ses dispositions soient effectives, c'est-à-dire qu'une personne qui demande une aide à mourir la reçoive. Les soignants pourront-ils suivre les patients dans leur démarche ? J'ai rappelé quelques personnes auditionnées pour connaître leur position sur la notion de court ou moyen terme : elles souhaitent la conserver depuis qu'elles savent que ce sera à la HAS de l'expliciter et elles estiment que les termes « phase avancée ou terminale » sont plus flous.

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Pour la première fois de la semaine, je me permets d'intervenir sur le fond du sujet dont nous débattons.

Le projet de loi repose sur un équilibre et une priorité, celle du choix du patient. Néanmoins, cette liberté s'inscrit dans un cadre dans lequel les professionnels de santé accompagnent le malade tout au long du processus. Seul un médecin peut déterminer si le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Le texte fixe des critères, qui assurent l'équilibre du dispositif. La suppression de la notion de court ou moyen terme modifierait en profondeur la nature du projet de loi et romprait son équilibre, car elle autoriserait des personnes dont le pronostic vital est engagé à long terme et qui endurent des souffrances physiques réfractaires à solliciter une aide à mourir.

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La notion de court ou moyen terme n'apparaît nulle part dans le droit actuel. Lors de son audition, le président de la HAS a répondu, lorsqu'il lui a été demandé s'il estimait nécessaire d'inscrire un délai dans le projet de loi, qu'il n'y était pas favorable, estimant qu'il revenait aux professionnels de santé de l'apprécier au cas par cas. Il a ajouté que fixer un délai mènerait à des imprécisions, voire des contentieux. Il a évoqué très rapidement le moyen terme, simplement pour rappeler que sa définition n'existait pas dans le droit comparé à l'échelle internationale. Voilà ce qu'a déclaré le président de l'instance chargée de définir le moyen terme après la promulgation de la loi !

En revanche, la HAS a défini la notion de phase avancée ou terminale avec beaucoup de clarté : celle-ci ne sort donc pas de nulle part. La maladie doit être grave et incurable et sa progression doit avoir atteint une phase avancée ou terminale pour que le patient ait accès à l'aide à mourir : toutes ces conditions sont cumulatives. Un patient atteint d'une maladie grave et incurable ne guérira pas et son pronostic vital se trouve très sérieusement engagé. Le critère du caractère avancé ou terminal de la phase de la maladie renforce le dispositif. L'article 40 de la Constitution a pollué le débat, mais nous sommes parvenus à reprendre des amendements qui avaient été déclarés irrecevables dans un premier temps. Néanmoins, si ces amendements identiques avaient pour objet d'élargir autant qu'on le dit l'accès à l'aide à mourir, ils auraient été jugés irrecevables comme le mien l'a été.

Pour résumer, le président du CNOM et celui de la HAS ne considèrent pas – c'est le moins que l'on puisse dire – que le critère du moyen terme soit opportun ; dans ce contexte, le constat d'une maladie grave et incurable ayant atteint une phase avancée ou terminale et associée à des souffrances insupportables et réfractaires, me semble suffisant pour encadrer l'accès à l'aide à mourir et aboutir à un texte équilibré.

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À la demande de M. René Pilato, je suspends la réunion cinq minutes.

La réunion est suspendue de seize heures cinq à seize heures dix.

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Je veux insister sur le caractère cumulatif des conditions posées par l'article 6 pour avoir accès à l'aide à mourir. Il ne faut pas oublier l'alinéa 5, qui dispose que les personnes concernées, en plus d'être atteintes d'une affection grave et incurable ayant atteint une phase avancée ou terminale, doivent endurer des souffrances insurmontables, difficiles à vivre, réfractaires aux traitements et insupportables lorsqu'elles ne reçoivent pas ou ont choisi d'arrêter de recevoir des traitements. Il faut intégrer cette dimension dans notre réflexion et notre décision.

Le consentement des patients est également nécessaire, ceux-ci devant être aptes, au titre de l'alinéa 6, à manifester leur volonté de façon libre et éclairée par l'expertise médicale.

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Catherine Vautrin, ministre

Chacun a compris que les amendements visaient à modifier la rédaction de l'alinéa 4 en remplaçant l'engagement du pronostic vital à court ou moyen terme par la progression à une phase avancée ou terminale de la maladie. On retrouve en effet la notion de phase avancée ou terminale à l'article L. 1111-12 du code de la santé publique, lequel porte sur l'arrêt de l'administration des traitements et la sédation profonde, c'est-à-dire la phase d'agonie. Par conséquent, les amendements n'élargissent pas l'accès à l'aide à mourir, ils le restreignent ; leur adoption conduirait à un retour à la loi Claeys-Leonetti. Le rapporteur général a cité le président de la HAS, mais je pourrais m'appuyer sur les positions prises par Alain Claeys, le professeur Régis Aubry, le Conseil d'État ou l'Académie nationale de médecine : ces personnes et ces institutions reconnaissent la difficulté de définir la notion de moyen terme, mais elles précisent que celle-ci concerne une période comprise entre six et douze mois et englobe donc des pathologies qui n'entrent pas dans le champ de l'article L. 1111-12. Enfin, si les critères sont bien cumulatifs, l'appréciation finale relève du médecin après examen du patient.

Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à l'adoption de ces deux amendements identiques.

La commission adopte les amendements CS659 et CS1558.

En conséquence, l'amendement CS374 tombe, de même que les amendements CS725 de M. Charles de Courson, CS29 de M. Thibault Bazin, CS133 de Mme Marie-France Lorho, CS191 de M. Philippe Juvin, CS295 de M. Fabien Di Filippo, CS375 de M. Patrick Hetzel, CS552 de Mme Annie Genevard, CS595 de Mme Justine Gruet, CS630 de Mme Christine Loir, CS972 de Mme Véronique Besse, CS1966 de M. Olivier Falorni CS1967 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, CS1345 de Mme Julie Laernoes, le sous-amendement CS1991 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements CS45 de Mme Emmanuelle Ménard, CS858 de M. Julien Odoul, CS1640 de Mme Annie Vidal, CS783 de M. Paul-André Colombani et CS1765 de M. François Gernigon.

Amendement CS132 de Mme Marie-France Lorho

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L'affection grave et incurable dont souffre la personne qui a demandé le suicide assisté ne peut être d'ordre psychologique. Si tel était le cas, de trop nombreuses affections psychiques seraient éligibles à cette demande puisque certaines d'entre elles, comme la dépression chronique ou l'anorexie, sont incurables. Je rappelle l'exemple de Shanti de Corte en Belgique, une jeune femme qui a souhaité avoir recours à l'euthanasie car elle jugeait sa souffrance psychologique insupportable. Faut-il pour autant renoncer à soigner les personnes qui souffrent psychologiquement au prétexte que la guérison ne peut être pleine et entière ?

Cet amendement propose de circonscrire les demandes de suicide assisté ou d'euthanasie aux seules affections physiques incurables. Institutionnaliser le suicide assisté et l'euthanasie pour les maladies psychiques serait une défaite du corps médical.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.

Amendement CS661 de M. Stéphane Delautrette

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Cet amendement vise à préciser que l'affection grave et incurable dont doit être atteinte la personne pour avoir accès à l'aide à mourir peut avoir des causes pathologiques, mais aussi accidentelles. Le cas de Vincent Lambert est à cet égard emblématique

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Catherine Vautrin, ministre

Cet amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.

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Il est important de lever toute ambiguïté afin de garantir de l'accès à l'aide à mourir également aux personnes atteintes d'une affection grave et incurable d'origine accidentelle. Nous avons tous en tête des cas terribles de personnes qui, à la suite d'un accident, se trouvent dépourvues de leurs capacités

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Mme la ministre nous dit que l'amendement est déjà satisfait, mais nous devons être certains que les causes accidentelles sont inscrites dans le projet de loi.

Le texte utilise alternativement les termes d'« affection » et de « maladie », qui sont souvent considérés comme des synonymes, mais la loi belge n'utilise aucun des deux puisque c'est l'expression de « situation médicale » qui a été retenue.

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Je soutiens cet amendement, car le texte n'est pas explicite sur la possibilité de recourir à l'aide à mourir pour une personne dont la situation est d'origine accidentelle et car le terme « affection » rapproché des termes « phase avancée ou terminale » peut être interprété comme étant synonyme de maladie. La responsabilité du législateur est d'indiquer clairement ses intentions dans la loi. Ce n'est pas celle du juge.

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Catherine Vautrin, ministre

L'amendement est satisfait car, à ce stade, rien dans le texte n'exclut la cause accidentelle.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS728 de M. Charles de Courson

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Les longs débats que nous venons d'avoir sur l'amendement CS659 ont montré la difficulté, face à la diversité des situations, de définir les critères d'accès à l'aide à mourir. Pourquoi dès lors ne pas renvoyer le soin de le faire à la HAS ? Cela permettrait de donner plus de sécurité au médecin qui doit donner son avis – et qui doit le donner seul, puisque tous les amendements visant à instaurer la collégialité ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 – comme aux patients.

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Je suis surprise que vous, qui êtes un adepte de la clarté de la loi, proposiez de déléguer à une autorité extérieure la responsabilité d'expliciter la loi. C'est notre rôle de députés de le faire.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Je ne partage pas totalement l'avis de Mme la rapporteure, car je pense qu'il est important que, sur des sujets comme celui-ci, nous travaillions avec les autorités.

La HAS est déjà saisie. Votre amendement est donc satisfait.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1676 de M. Christophe Bentz

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Le vote de l'amendement supprimant la mention du pronostic vital est très grave. D'ailleurs, madame la ministre, vous qui êtes l'auteur de ce projet de loi avez dit qu'après ce vote, il ne s'agissait plus du même texte. Je constate que tous les garde-fous sont en train de sauter dès l'examen en commission : celui du pronostic vital, qui était le seul critère de sécurisation, mais également celui de l'âge, menacé par un amendement écologiste, ou encore de la nationalité.

Je prends acte qu'il ne s'agit plus du même texte et vous comprendrez donc que notre comportement sera différent afin de restaurer, notamment lors des débats en séance, un minimum de garde-fous.

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Catherine Vautrin, ministre

Je précise que l'amendement auquel vous faites référence est plus restrictif que la rédaction initiale. Avis défavorable.

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Cet amendement doit être rejeté car il retire le droit de mourir dans la dignité à des personnes qui ne supportent pas le traitement lié à leur affection, soit que ce traitement provoque de l'inconfort, soit qu'il mette le patient dans une situation de dépendance qu'il juge incompatible avec sa dignité.

La commission rejette l'amendement.

L'amendement CS48 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

Amendements identiques CS46 de Mme Emmanuelle Ménard, CS134 de Mme Marie-France Lorho, CS296 de M. Fabien Di Filippo, CS376 de M. Patrick Hetzel, CS553 de Mme Annie Genevard et CS830 de Mme Lisette Pollet

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Il s'agit de supprimer la référence à la souffrance psychologique parmi les critères d'accès à l'aide à mourir. Une telle souffrance ne peut bien sûr être niée, mais elle est extrêmement difficile à évaluer par un tiers et son incurabilité ne peut être affirmée avec une certitude absolue. J'ajoute que les capacités de discernement et de prise de décision d'un patient atteint de souffrances psychologiques sont souvent altérées. Il n'est pas non plus rare qu'une personne âgée soit atteinte de troubles cognitifs qui compliquent encore davantage l'évaluation de la détresse dans laquelle elle se trouve.

Accepter que la souffrance psychologique soit un critère déterminant pour recevoir une injection létale présente un risque de dérive pour les personnes atteintes de dépression chronique ou d'autres maladies psychiques.

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Je défends l'amendement CS296. La souffrance psychologique est en effet particulièrement difficile à évaluer. J'ajoute que, avec la suppression du critère du pronostic vital, toute maladie incurable pourrait ouvrir l'accès à l'aide à mourir. Or la schizophrénie, par exemple, est une maladie incurable, même si elle peut être traitée.

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La loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes punit l'incitation à l'abandon de traitements médicaux. Or le texte dont nous débattons permet à une personne atteinte d'une douleur insupportable, en l'occurrence parce qu'elle aurait abandonné son traitement médical, d'accéder à l'euthanasie. C'est totalement contradictoire !

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Je voudrais redire notre sidération après le vote supprimant le verrou essentiel du pronostic vital engagé. Cette décision est lourde de conséquences et nous n'allons pas tarder à voir combien elle est dangereuse.

L'amendement propose de supprimer la condition de souffrance psychologique pour accéder à l'euthanasie et au suicide assisté car elle me semble entrer en contradiction avec celle de l'aptitude « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».

Nos débats m'ont rappelé une chanson de Barbara, « Le Mal de vivre » , qui débute par l'expression d'une profonde dépression mais s'achève par un retour à la joie de vivre. Il ne faut jamais renoncer à l'espoir de voir une personne même gravement dépressive retrouver la joie de vivre. C'est le pari que je fais.

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Ces amendements, s'ils étaient adoptés, conduiraient à exclure de nombreuses personnes du dispositif, puisque les souffrances psychologiques sont communes en fin de vie. Il est faux de dire que celles-ci sont plus difficiles à évaluer et qu'il existerait donc un risque. D'ailleurs, je rappelle que ces souffrances doivent être liées à l'affection en cause.

Monsieur Juvin, contrairement ce que vous avez dit, les malades schizophrènes ne pourront bénéficier de l'aide à mourir, puisque celle-ci n'est accessible qu'au patient apte « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». L'alinéa 2 de l'article 8 est explicite à ce sujet : « Les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d'aide à mourir ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. »

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Certains propos, qui nous reprochent d'avoir commis l'irréparable, sont étonnants. Permettez-moi de vous lire l'exposé des motifs du Gouvernement – j'ai des bonnes références – à ce projet de loi : « Pour accéder à l'aide à mourir, la personne doit être atteinte d'une maladie grave et incurable. Cette condition s'inscrit dans la continuité de celles exigées pour la mise en œuvre d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès prévue par la loi Claeys-Leonetti en 2016. » Or, par définition, une maladie grave et incurable engage le pronostic vital.

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Catherine Vautrin, ministre

Je le redis : le Gouvernement était attaché à la notion de pronostic vital, car elle me semble être un élément de clarté.

Concernant les amendements, j'insiste sur le fait que la souffrance psychologique doit être liée à l'affection en cause. Ainsi, une souffrance psychologique préexistante au diagnostic de la maladie ne serait pas suffisante pour avoir accès à l'aide à mourir. Nous restons donc dans la logique du texte. Par ailleurs, le médecin, avant de donner un avis à la demande d'aide à mourir, doit d'abord proposer à la personne de bénéficier de soins palliatifs, qui comprennent un soutien psychologique.

Avis défavorable.

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Quel que soit notre avis sur ce texte, en fonction de nos couleurs politiques, sa force était dans son équilibre, mais, en touchant au critère fondamental du pronostic vital, nous avons ouvert une boîte de Pandore.

Il faut prendre garde à ne pas mélanger les termes. La souffrance psychologique et la dépression sont qualifiées en médecine de troubles de l'humeur. Ceux-ci connaissent différentes phases. Le médecin ne pourra donc donner un retour identique à la même personne souffrant d'un trouble de l'humeur selon qu'elle en phase on ou en phase off. La notion de pronostic vital est donc fondamentale. Nous devons être très prudents.

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L'amendement supprimant la condition du pronostic vital pour la remplacer par la phase avancée ou terminale de l'affection me laisse très interrogatif car l'expression « phase avancée » est subjective alors que, en tant que législateur, nous nous devons d'être précis.

Monsieur le rapporteur général, je me permets de vous demander si vous estimez vous trouver à un âge avancé. Votre réponse ne pourra être que subjective.

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Notre débat sur les critères de l'accès à l'aide à mourir doit reposer sur ce qui est écrit dans le texte. Or celui-ci précise que la souffrance psychologique en elle-même n'y donne pas accès : elle doit être liée à une affection réfractaire ou insupportable. Ces amendements ne sont donc pas les bienvenus.

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La version initiale du texte obligeait le médecin à se livrer à un exercice du type « Mme Irma » pour déterminer si le pronostic vital était engagé à court ou moyen terme. L'amendement que nous avons voté lui demande de poser un diagnostic sur le caractère avancé de la maladie, ce qui est très différent.

Monsieur Neuder, vous avez traité la question des maladies psychiques et psychiatriques avec beaucoup de légèreté. Elles ne sont pas des troubles de l'humeur, mais des maladies graves pouvant entraîner des souffrances. Les termes que vous avez utilisés sont indignes de votre profession.

La commission rejette les amendements.

La réunion est suspendue de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures.

Amendements CS2025 de Mme Agnès Firmin Le Bodo

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À la suite de nos discussions pendant la suspension, je viens de déposer un amendement proposant – en accord avec l'avis du Conseil d'État qui estime que c'est la souffrance physique qui doit d'abord être prise en compte – de rédiger l'alinéa 5 de la façon suivante : « Présenter une souffrance physique accompagnée d'une souffrance psychologique liée à cette affection ».

La rédaction initiale de l'alinéa 5 mentionne les souffrances psychologiques afin que la loi ne soit pas moins-disante par rapport à la loi Claeys-Leonetti, qui mentionnait déjà la souffrance psychologique. Le mot « ou » avait été introduit pour signaler que la souffrance physique est prioritaire.

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Cet amendement très judicieux apporte une précision utile. Avis favorable également.

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Catherine Vautrin, ministre

Il faut préciser que la souffrance physique peut « éventuellement » s'accompagner d'une souffrance psychologique, car il ne doit pas être nécessaire d'éprouver une souffrance psychologique pour accéder au dispositif.

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Je viens en effet d'ajouter le mot « éventuellement » après le mot « accompagnée ».

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Si c'est la seule souffrance physique qui donne accès à l'aide à mourir, je ne vois pas l'intérêt de mentionner la souffrance psychologique. Pour ma part j'étais favorable à l'équilibre initial entre ces deux types de souffrance.

En outre, je regrette que, tout à l'heure, dans des propos à l'emporte-pièce, certains aient minoré l'importance de la souffrance psychologique ou psychique, alors qu'elle peut être extrêmement grave.

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Nous ne sous-estimons pas les souffrances psychologiques.

Madame la présidente, votre amendement améliore le texte, mais n'oubliez pas que, si la loi Claeys-Leonetti faisait déjà référence à la souffrance psychologique, c'était selon une finalité très différente de la vôtre : il s'agissait de donner accès à un soin et non de provoquer la mort.

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Chers collègues, si je vous ai heurtés, je le regrette. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux précise que, en l'absence de traitement, certains troubles mentaux tels que les troubles de l'humeur, les troubles bipolaires ou les psychoses maniaco-dépressives affectent le discernement. Les patients maniaco-dépressifs peuvent ainsi mener une vie équilibrée et même occuper des postes importants s'ils prennent leur traitement – le lithium –, mais, du jour même où ils l'arrêtent, leur discernement est altéré.

N'en restons donc pas à des discussions philosophiques et garantissons qu'un patient qui serait examiné au cours d'une phase maniaque ou dépressive ne puisse pas accéder à l'aide à mourir, malgré la présence d'une maladie chronique en phase avancée. La vigilance s'impose car la décision d'accéder ou non aux demandes en la matière ne sera pas collégiale et que nous ne connaissons pas encore les modalités de l'examen médical du demandeur.

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Pour reprendre une expression quelque peu triviale, « c'est moins grave que si c'était pire ». L'amendement CS2025 lèvera une partie des difficultés, en restreignant l'accès au dispositif aux cas de souffrance physique, la souffrance psychique n'ayant qu'une valeur secondaire.

Nous restons toutefois foncièrement hostiles au projet de donner accès à l'euthanasie ou au suicide assisté à un patient souffrant de douleurs physiques, qu'elles soient accompagnées ou non de douleurs psychologiques.

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Monsieur Neuder, les personnes qui souffrent d'une maladie psychiatrique sont exclues du champ de ce projet de loi. C'est d'ailleurs un problème : pourquoi une personne schizophrène n'aurait-elle pas accès à l'aide à mourir si elle souffre d'un cancer en phase terminale ? En outre, les troubles de l'humeur ne sont que les symptômes d'une maladie psychiatrique sous-jacente, non une maladie en soi.

Madame la présidente, aux termes de votre amendement, seules les personnes qui souffrent physiquement pourront bénéficier du dispositif. Y incluez-vous celles qui échappent à la souffrance physique uniquement grâce à des antalgiques, la morphine, par exemple ? L'aide à mourir ne peut être réservée à ceux qui souffrent au moment exact où ils demandent à bénéficier du dispositif. Faute d'une telle précision, je ne suis pas d'accord avec votre proposition.

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Mon amendement vise simplement à clarifier le sens du premier « ou » de l'alinéa 5, sans modifier le reste du texte.

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Il faut savoir que la douleur physique se mesure sur une échelle allant de un à dix, et qu'elle peut engendrer des douleurs psychiques, parfois encore plus difficiles à tolérer que la douleur physique elle-même. Selon que la douleur dure depuis trois jours ou depuis huit mois, elle n'a pas le même effet psychologique.

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L'amendement de Mme la présidente va dans le bon sens, car il lève une ambiguïté. J'ai d'ailleurs déposé un amendement similaire.

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Notre désaccord porte sur le fond : alors que la loi Claeys-Leonetti visait les personnes qui vont mourir, votre projet de loi vise celles qui veulent mourir, au nom de la liberté de l'individu.

Selon moi, une tierce personne ne doit pas accéder à la demande de mourir d'une personne dont le pronostic vital n'est pas engagé. Vous proposez une rupture éthique.

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Tout à l'heure, le débat était mal parti, chacun saucissonnant les phrases au lieu de s'intéresser à leur assemblage. Nous aurions dû faire comme les locuteurs de la langue des signes, qui traduisent les phrases non mot à mot, mais d'après leur signification d'ensemble.

J'ai déposé un amendement visant à subordonner l'accès à l'aide à mourir à une souffrance « physique et psychologique », mais je lui préfère finalement celui de Mme la présidente, qui est moins restrictif. En ajoutant à ce critère celui de la présence d'une maladie incurable, nous parviendrons à ouvrir le dispositif à la majorité des personnes qui pourraient en avoir besoin.

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Souhaitons-nous accorder l'aide à mourir à des personnes souffrant d'une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, mais dont les souffrances sont uniquement psychologiques ?

L'amendement de Mme la présidente tend à instaurer une hiérarchie des souffrances, celles d'ordre physique étant supposément plus importantes que les souffrances psychologiques. De fait, si nous connaissons tous les premières, ce n'est pas forcément le cas des secondes.

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Madame la présidente, votre amendement tend à exclure les patients souffrant de douleurs d'ordre strictement psychologique, y compris quand elles sont insupportables ou réfractaires à tout traitement. Vous instaurez ainsi une échelle de la douleur inacceptable.

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Madame Pires Beaune, c'est déjà ce que prévoit la version actuelle du projet de loi, dont mon amendement vise simplement à clarifier la rédaction. J'explique depuis des semaines que le premier « ou » de l'alinéa 5 a valeur de « et », aux termes de la jurisprudence.

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Plusieurs propositions de loi sur l'aide à mourir, fruits de nombreuses années de travail au sein des groupes d'études, ont déjà été déposées – dont une par vous, madame la présidente. Toutes visent à inclure dans le dispositif les cas de douleur physique « ou » psychologique.

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Dans l'usage courant, par exemple dans l'expression « fromage ou dessert », le « ou » a une valeur exclusive, car une possibilité exclut l'autre. C'est le contraire dans le domaine mathématique, où le « ou » a une valeur inclusive, qu'on traduit parfois par l'expression « et/ou ». Lu ainsi, le « ou » de la version initiale du texte ouvrirait l'accès à l'aide à mourir tant aux patients affectés uniquement d'un type de souffrance, qu'à ceux affectés des deux types à la fois.

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Je ne cherche pas à minimiser les souffrances psychologiques. Je reprends simplement le propos d'une experte, Anne Bazan, professeure de psychologie clinique et de psychopathologie à l'université de Lorraine. Elle s'oppose à l'euthanasie pour souffrance psychique, au motif que le corps médical n'est pas en mesure de mesurer ce type de souffrances, donc de déterminer si elles sont effectivement insupportables. Or le patient ne doit pas pouvoir déterminer seul si ce critère est rempli.

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Catherine Vautrin, ministre

Madame Gruet, vous opposez la loi Claeys-Leonetti, qui s'adresserait aux personnes « qui vont mourir », au présent texte, qui serait destiné aux personnes « qui veulent mourir ». L'amendement que vous venez d'adopter à l'alinéa 4 vous contredit : ce projet de loi reprend désormais exactement la formule inscrite à l'article L. 1111-14 du code de la santé publique, issu de la loi Claeys-Leonetti. Il est ainsi destiné aux personnes atteintes d'« une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale » et qui mourront donc dans un futur extrêmement proche.

Je suis favorable à l'amendement de Mme la présidente. Le Gouvernement veut réserver l'aide à mourir aux patients dont la souffrance physique génère une souffrance psychologique à l'approche de la mort. C'est bien ce que prévoit l'article 6, de manière encore plus nette depuis que nous avons amendé son quatrième alinéa.

Le Conseil d'État, au point 24 de son avis sur le présent projet de loi, interprétait déjà le texte ainsi : « S'agissant de la condition tenant aux souffrances physiques ou psychologiques subies par la personne qui demande l'aide à mourir, le Conseil d'État relève que le projet de loi prévoit que les souffrances doivent être liées à l'affection qui engage le pronostic vital, ce qui constitue une garantie dans le cas de personnes susceptibles d'être atteintes, par ailleurs, de maladies psychiatriques altérant ou abolissant, le cas échéant, leur discernement. »

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Madame Gruet, ce projet de loi s'adresse uniquement aux personnes qui veulent mourir parce qu'elles vont mourir à court terme, à cause d'« une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ». La manière dont vous l'opposez à la loi Claeys-Leonetti n'est donc pas exacte.

La commission adopte l'amendement CS2025.

En conséquence, les amendements CS1790 de M. François Gernigon ainsi que les amendements identiques CS710 de Mme Justine Gruet, CS729 de M. Charles de Courson, CS1440 de Mme Delphine Lingemann et CS1740 de M. Philippe Vigier tombent.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS1542 de M. Thomas Ménagé.

Amendements CS377 de M. Patrick Hetzel et CS1809 de M. Christophe Bentz, amendements identiques CS297 de M. Fabien Di Filippo et CS1104 de M. Cyrille Isaac-Sibille, amendements CS47 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1789 de M. François Gernigon (discussion commune)

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Le critère retenu dans votre texte pour accéder à l'aide à mourir, celui d'une douleur physique « soit réfractaire aux traitements soit insupportable », est plus permissif que celui inscrit dans le droit belge. Il faudrait plutôt restreindre le champ aux seuls cas de souffrance à la fois réfractaire aux traitements « et » insupportable.

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Il convient de préciser que les douleurs concernées sont « complètement » réfractaires aux traitements.

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Le texte prévoit d'accorder l'aide à mourir à la personne souffrant d'une douleur qui est « soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d'arrêter de recevoir des traitements ». Par l'amendement CS297, il nous paraît plus logique de réserver cette aide aux seuls cas de douleur « complètement réfractaire aux traitements ».

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Je considère également qu'il faut réserver l'aide aux cas de souffrance « complètement réfractaire aux traitements ».

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Mon amendement vise à exclure du texte le mot « insupportable », trop subjectif.

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Il faudrait réserver l'aide à mourir aux cas de souffrance « soit insupportable et réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d'arrêter de recevoir des traitements », étant entendu qu'une douleur n'est insupportable que quand elle atteint au moins huit sur dix sur l'échelle de la douleur reconnue par la HAS.

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Avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune.

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Catherine Vautrin, ministre

Avis défavorable également. Les termes de l'alternative inscrite à cet alinéa sont importants.

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Je pourrais être favorable à l'amendement de M. Gernigon mais je suis profondément défavorable aux autres, pour deux raisons.

Premièrement, le projet d'interdire l'aide à mourir aux patients qui ont choisi d'arrêter leur traitement est contraire à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner ». Vous ne pouvez priver ainsi les patients de leur droit à arrêter leur traitement quand ils le décident.

Deuxièmement, selon moi, la souffrance devrait être le premier critère de l'accès à l'aide à mourir.

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C'est vrai, monsieur le rapporteur général, tant que nous maintiendrons les garde-fous de ce projet de loi, il ne concernera que les personnes qui vont bientôt mourir.

Le paradigme va changer, en matière de liberté individuelle. Les individus disposeront plus librement de leur corps et de leur vie et j'en crains les conséquences. Les garde-fous pourraient tomber et ce texte pourrait permettre à des individus qui ne sont nullement condamnés à mourir bientôt mais le souhaitent d'accéder à l'aide à mourir.

Je m'interroge encore : une tierce personne doit-elle accéder à la demande de mourir d'un patient dont le pronostic vital n'est pas engagé ?

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Nous ne contestons pas le droit du patient d'arrêter un traitement, consacré par la loi dite « Kouchner ». En revanche, nous contestons avec ces amendements, qu'un tel choix du patient, s'il débouchait sur des douleurs insupportables, puisse lui donner accès au suicide assisté ou à l'euthanasie.

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Le débat est surréaliste. Vous rendez-vous compte ? Vous avez balayé d'une main l'idée qu'une souffrance d'ordre strictement psychologique puisse être suffisamment intolérable. Vous demandez désormais de réserver l'aide à mourir à ceux qui subissent les douleurs physiques les plus insupportables, au point que l'on se demande qui arrivera à bénéficier de cette aide. Je ne comprends plus ce débat.

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Je partage les propos de Mme Rilhac. Quant à l'amendement de M. Gernigon, je ne suis pas certain de la place qu'il accorde à l'adjectif « insupportable ».

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Après avoir exclu de l'aide à mourir les personnes dont les douleurs sont d'ordre strictement psychologique, vous prétendez exclure celles qui ont cessé de prendre un traitement contre leurs douleurs physiques et réserver le dispositif à ceux qui endurent des souffrances insupportables malgré leur traitement. C'est vider la loi de sa substance.

Outre que ces amendements tendent à modifier la loi en profondeur pour ôter toute liberté au patient, qui sera en mesure de juger ce qui est réellement insupportable ?

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L'accès aux soins devrait être réservé aux personnes présentant à la fois une souffrance réfractaire aux traitements « et » insupportable. Les deux conditions doivent être remplies, sinon ce dispositif conduira à contourner les soins palliatifs, alors que le recours à l'euthanasie ne doit être qu'une exception, dans l'esprit du texte.

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Quand un patient considère qu'un traitement curatif constitue une obstination déraisonnable et décide de l'arrêter, il poursuit en général le traitement antidouleur, mais celui-ci, hélas, empêche rarement la douleur de perdurer.

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Madame K/Bidi, l'amendement CS2025, que nous venons d'adopter, est d'ordre rédactionnel. Il ne change rien au dispositif initial.

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L'aide à mourir devrait être réservée aux patients dont le traitement a atteint ses limites et dont la douleur est intolérable. Or certains souhaitent décorréler droit à mourir et traitement de la maladie. Ils demandent en outre à ouvrir le dispositif à ceux qui considèrent simplement que la vie ne vaut plus la peine d'être vécue, à cause d'un trouble psychologique. Ce sont autant de lignes rouges que nous sommes nombreux à refuser de franchir.

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La question est celle de l'acharnement thérapeutique et de l'obstination déraisonnable. Lors des auditions, des médecins ont par exemple présenté le cas de patients qui refusent de poursuivre leur traitement après la troisième ou la quatrième chimiothérapie, parce qu'il leur est devenu insupportable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS662 de Mme Christine Pires Beaune et CS1326 de M. Christophe Marion (discussion commune)

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Le caractère insupportable de la douleur doit être apprécié par le malade et non par le médecin. De fait, comme l'a rappelé le professeur Delfraissy lors des auditions, c'est au patient et non au médecin que la maladie appartient.

La perception par un patient de sa propre capacité à supporter la douleur doit donc être reconnue par notre assemblée. Je rappelle que deux patients affectés de la même maladie peuvent éprouver des niveaux de douleur très différents.

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Mon amendement vise à préciser que le caractère insupportable de la souffrance est apprécié par le patient lui-même. S'il est établi, notamment par la HAS, qu'une douleur est qualifiée de réfractaire lorsqu'aucun traitement antalgique n'est efficace ou utilisable, il est plus difficile de définir le caractère insupportable de la souffrance. Celle-ci étant personnelle et subjective, le fait qu'elle puisse ou non être supportée peut varier d'un patient à l'autre et ne peut être correctement appréhendé par les professionnels de santé. Cet amendement est dans la ligne du projet de loi, qui se veut à l'écoute du patient.

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Bien que la souffrance soit un sentiment subjectif, elle peut être jugée objectivement au vu des symptômes et au moyen d'une évaluation du corps médical. Il est toutefois essentiel, évidemment, de prendre en compte l'appréciation de la personne malade. La souffrance constatée doit être le résultat d'une appréciation partagée reposant à la fois sur la vision subjective du patient et sur l'analyse du corps médical. Ce dernier dispose d'outils pour situer la souffrance sur des échelles objectives. La notion de souffrance réfractaire aux traitements énoncée à l'alinéa 5 entre dans ce cadre.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

L'appréciation de la souffrance sera le fruit d'un échange entre le médecin et le patient, qui n'est pas seul juge. La souffrance se manifeste par des symptômes et des manifestations dont il peut être fait état subjectivement. Le médecin est habitué à l'évaluer, en s'appuyant au besoin sur des outils comme des échelles quantitatives et des grilles d'observation.

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Le traitement de la douleur s'inscrit dans un échange permanent entre le patient et son médecin. Le patient exprime l'intensité de la douleur ressentie, le médecin apporte un conseil avisé. En outre, le jugement du patient évolue régulièrement, en fonction du traitement, de sa pathologie et d'autres paramètres comme la visite d'un proche, une bonne nouvelle, tout ce qui peut procurer de la joie dans le quotidien. L'appréciation du patient doit être en permanence accompagnée de l'avis objectif des soignants qui le prennent en charge.

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Nous voterons contre ces amendements, comme nous serions opposés à ce que le médecin apprécie seul la douleur. L'évaluation doit être faite par le professionnel de santé avec le patient, selon des protocoles qui tiennent compte du degré d'autonomie et de la capacité de participation de ce dernier. Se limiter à l'appréciation du patient reviendrait à faire fi des protocoles et serait trop restrictif puisqu'il est des hypothèses où le malade ne peut s'exprimer.

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Cette disposition entraînerait une dérive très dangereuse, alors que l'on a déjà supprimé la référence au pronostic vital. Si chacun s'accorde à reconnaître que la douleur comporte une dimension subjective, on ne peut pas simplement enjoindre au médecin d'être l'exécutant d'un suicide assisté en faisant fi de son expertise, qui lui permet d'essayer d'objectiver les choses. Notre rôle, en tant que législateur, est de trouver un équilibre.

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Valeria Martinez, présidente de la Société française d'étude et de traitement de la douleur, a plaidé, lors de son audition, pour un dépistage précoce de la douleur et pour que la prise en charge de la douleur devienne une spécialité médicale. Elle affirme qu'il n'y a quasiment pas de douleurs réfractaires au traitement, l'une des exceptions étant l'algie de la face. Notre pays ne prend pas suffisamment en compte la douleur, qui est la première crainte d'un malade atteint d'une maladie grave et incurable. Si l'on arrive à traiter la douleur, le désir de mort, souvent, s'efface.

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La douleur est qualifiée de réfractaire lorsque l'ensemble des traitements antalgiques disponibles sont inefficaces ou inutilisables. Elle constitue un symptôme très fréquent en fin de vie, souvent source d'angoisse. En 1999 puis en 2002, la loi a reconnu le droit du patient d'être soulagé de toute douleur et affirmé que le médecin a le devoir de tout mettre en œuvre pour ce faire. Depuis, rien.

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L'amendement de Mme Pires Beaune vise simplement à ce que la première personne à exprimer le fait de la douleur soit le patient – qui mieux que lui est en mesure d'en parler ? Il n'exclut rien de la procédure prévue par les articles suivants. Mme la ministre n'a cessé de rappeler que ce qui comptait, c'était le libre choix et l'expression du patient : c'est ce que cet amendement se borne à dire.

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Alors qu'auparavant, l'aspect curatif des soins était toujours privilégié, les soignants sont formés depuis une quinzaine d'années à traiter d'abord la douleur. C'est une évolution vraiment importante.

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Il existe un diplôme en algologie, qui s'obtient généralement en un an et est souvent couplé avec une formation en soins palliatifs.

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Catherine Vautrin, ministre

La loi Claeys-Leonetti envisage bien les deux notions de souffrances réfractaires ou insupportables. Elle prévoit le cas dans lequel « le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements », et celui dans lequel « la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable ». Alors que l'appréciation du caractère réfractaire de la douleur résulte d'un diagnostic médical, l'expression de son caractère insupportable ne peut relever que du patient, avec le concours du médecin, qui l'aide à le verbaliser.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS579 de Mme Christine Loir, CS518 de M. Nicolas Ray, CS323 de Mme Cécile Rilhac et CS784 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

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L'amendement CS784 vise à préciser le critère de la souffrance insupportable en l'absence de traitement. En prévoyant le cas d'une souffrance insupportable « lorsque la personne ne reçoit pas » de traitement, l'alinéa 5 entretient un certain flou quant à la raison pour laquelle le patient ne recevrait pas ces soins. Il ne faudrait pas donner l'impression que cette souffrance est insupportable parce que le patient n'a pas accès à un traitement, pour une raison ou pour une autre.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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Le groupe La France insoumise votera en faveur de l'amendement CS784 car il prend en compte le cas de la limitation du traitement et couvre ainsi l'ensemble des hypothèses justifiant l'application de la loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l'amendement CS1929 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Amendement CS192 de M. Philippe Juvin

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Nous proposons de rédiger l'alinéa 6 comme suit : « Manifester sa volonté de façon libre et éclairée au moment de l'administration de la substance létale. » En effet, la rédaction actuelle – « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée » – est imprécise et n'implique pas nécessairement que la personne manifeste sa volonté. Il faut réaffirmer que cette dernière doit le faire à nouveau au moment de l'injection de la substance létale, alors que nous avons adopté, à l'article 4, un amendement de Frédérique Meunier qui envisage le cas où elle ne pourrait plus réitérer sa volonté.

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Avis défavorable.

Les dispositions du texte garantissent le bon déroulement de la procédure et le respect de la volonté de la personne.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis. L'article 11 dispose, en son alinéa 2, que le médecin ou l'infirmier chargé d'accompagner la personne vérifie que celle-ci confirme qu'elle veut procéder à l'administration de la substance létale.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS193 de M. Philippe Juvin

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS193.

Amendement CS43 de Mme Emmanuelle Ménard

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Je rejoins Mme Genevard : les termes « apte à » manquent de précision. Je propose de leur substituer les mots « en capacité de ». L'aptitude est une situation de fait, tandis que la capacité revêt une acception juridique. Il me semble préférable de recourir à une notion juridique lorsqu'on rédige la loi.

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Avis défavorable car votre amendement me paraît satisfait.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

La capacité juridique à laquelle vous faites allusion est habituellement utilisée par la législation sur les majeurs protégés, lesquels entrent dans le champ d'application du projet de loi. Mais on ne peut pas exclure par principe qu'une personne bénéficiant d'une mesure de protection puisse exprimer sa volonté de façon libre et éclairée pour demander une aide à mourir. Le Conseil d'État, afin de souligner l'indépendance des dispositions du projet de loi vis-à-vis de la législation civile sur les majeurs protégés, a proposé de modifier le texte afin de prévoir que le médecin contrôle l'aptitude de la personne, et non pas sa capacité, à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1276 de Mme Bérangère Couillard

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Afin de s'assurer que les personnes qui ont perdu leur capacité de parole ou de communication seront éligibles à l'aide à mourir, l'amendement prévoit que la formulation de la demande pourra se faire « sous quelque forme et de quelque manière que ce soit ».

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Dans l'hypothèse où un malade aurait perdu l'usage de la parole, il est évident que le médecin pourra trouver une voie alternative de communication adaptée. Toutefois, votre amendement semble également viser les personnes qui ne sont plus en état de communiquer de quelque manière que ce soit. Cela va à l'encontre de l'esprit du projet de loi qui, je le rappelle, a opté pour l'expression itérative de la volonté libre et éclairée.

Avis défavorable

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1678 de M. Christophe Bentz

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Cet amendement a pour objet de préciser que le patient doit être apte à manifester sa volonté de manière non seulement libre et éclairée, mais également non équivoque. Le terme « libre » renvoie au choix et le mot « éclairée » à la conscience de ce choix, mais celui-ci ne doit pas être interprété de manière erronée.

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Avis défavorable. Compte tenu des garde-fous institués par le projet de loi, la précision que vous proposez est inutile.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis, pour les mêmes raisons.

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Cet amendement est très important. Une personne en fin de vie peut être entourée de beaucoup d'amour, de bienveillance et d'altruisme. Mais si les familles peuvent apporter le meilleur, le pire peut aussi se produire : les pressions, l'usurpation, l'abus de faiblesse. Cela existe, on le sait, et il faut absolument prévenir ces dérives.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CS382 de M. Patrick Hetzel, CS475 de M. Yannick Neuder et CS815 de M. Charles de Courson et amendement CS327 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

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Mon amendement vise à protéger nos concitoyens les plus vulnérables. Je rappelle que, depuis quelques années, on compte plus de 500 condamnations par an pour abus de faiblesse. Je propose donc de compléter l'alinéa 6 par les mots « sans pression extérieure susceptible d'être poursuivie au titre de » l'article du code pénal correspondant.

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Un certain nombre de nos concitoyens peuvent se trouver sous emprise. L'abus de faiblesse n'est pas une vue de l'esprit : il donne lieu à 500 condamnations par an. Il convient donc d'être très prudent dans la formulation des critères.

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Il convient de conforter le caractère libre et éclairé de la volonté exprimée en introduisant une référence à l'article 223-15-2 du code pénal, qui réprime l'abus de faiblesse. Ceux qui auraient la tentation de pousser la personne à demander l'aide à mourir pourraient ainsi être sanctionnés pénalement.

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Mon amendement vise à protéger le patient qui demande à recevoir la substance létale en le prémunissant contre un abus de faiblesse, notamment de la part de son entourage.

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Avis défavorable.

L'encadrement prévu permet d'assurer la protection de la personne qui demande l'aide à mourir, notamment par la vérification continue de sa volonté libre et éclairée. Vos amendements sont donc satisfaits. Ils ne feraient qu'alourdir la rédaction alors que nous avons besoin d'une grande clarté sur ce sujet.

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Catherine Vautrin, ministre

Nous partageons votre préoccupation : c'est l'une des lignes directrices des critères d'éligibilité posés, qui sont cumulatifs. Le patient doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée non seulement au moment de la demande initiale d'aide à mourir, mais aussi lors des étapes ultérieures, jusqu'à l'administration de la substance létale. Une volonté libre et éclairée est une volonté sans pression extérieure.

Avis défavorable.

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Il incombe au législateur de fixer un cap précis pour rassurer et protéger les personnes les plus vulnérables contre d'éventuelles dérives, même si elles peuvent paraître improbables.

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Dans le processus de la maladie, la souffrance physique et psychologique s'aggravant, le caractère libre et éclairé du discernement, de la volonté, s'atténue mécaniquement. La notion de volonté libre et éclairée sera au cœur des débats judiciaires à la moindre suspicion d'abus de faiblesse ou de détournement de patrimoine. Il serait utile aux malades en fin de vie de bénéficier de cette garantie supplémentaire.

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Ces amendements sont fondamentaux pour préserver l'indépendance du patient en fin de vie. Les pressions ne sont pas seulement motivées par des motifs crapuleux : lorsque je me suis rendu avec Christophe Bentz et Thomas Ménagé dans l'unité de soins palliatifs de Sens, le médecin coordinateur nous a expliqué que les familles pressaient parfois les choses parce que la déchéance de leur proche constitue une souffrance qui leur est insupportable.

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Si vous souhaitez que la volonté soit libre et éclairée, il faut des procédures pour s'en assurer. Cela doit être inscrit dans la loi. J'avais proposé que le médecin soit chargé de vérifier que le patient n'est pas sous emprise. On pourrait aussi s'inspirer de la loi belge, qui exige que la volonté de la personne ne résulte pas d'une pression extérieure.

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Ces amendements sont essentiels. Une étude montre que, dans l'Oregon, un peu moins de 50 % des patients ayant recours à l'euthanasie font ce choix pour ne pas être une charge pour leurs proches. Il faut avoir cet ordre de grandeur à l'esprit. Il ne faut pas négliger les pressions morales.

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Nous sommes fermement opposés à ces amendements, dont les auteurs évoquent des crimes crapuleux et des pressions alors que nous parlons de personnes atteintes d'une maladie grave en fin de vie. Nous parlons de personnes condamnées qui veulent abréger leurs souffrances, vous dites que leurs proches voudraient les tuer pour des histoires d'héritage. C'est absolument choquant et indigne du débat que nous devons avoir. Si tel est le regard de la droite et de l'extrême droite sur les proches et les aidants des personnes en fin de vie, je peux admettre que nous n'ayons pas la même vision de la société.

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Ayant exercé en tant qu'aide-soignante auprès de personnes en fin de vie, je dois vous dire que les familles nous demandent plus souvent de prolonger la vie de leur proche que de l'abréger. Et nous repérons très bien ce que nous appelons les familles toxiques. Dans le cadre collégial prévu par le texte, l'aide-soignant sera le premier à alerter sur le fait que la personne est entourée d'une telle famille. Je voterai contre ces amendements, qui sont satisfaits.

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Madame Ménard, il ne faut pas oublier que, dans l'Oregon, on met à disposition une substance létale sans aucun accompagnement, alors que le projet de loi institue des garde-fous très solides. Dans les établissements, les soignants sont vigilants et ils accompagneront les malades. On ne peut pas comparer la procédure existant dans l'Oregon et le cadre législatif que nous entendons voter.

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Catherine Vautrin, ministre

Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée. J'ai rencontré des professionnels de services de soins palliatifs ou de centres de lutte contre le cancer, je sais que certains proches peuvent exprimer leur lassitude face à une situation qui dure. Le dire n'est pas porter un jugement de valeur sur des familles qui traversent une épreuve très lourde – fort heureusement, la grande majorité d'entre elles n'ont que faire d'un quelconque héritage. Mais les précautions que nous prenons et surtout la traçabilité qui fonde la procédure permettent de se prémunir contre les cas qui pourraient se présenter : le patient sera interrogé à tous les stades de la procédure et sa réponse sera tracée, en s'assurant systématiquement qu'il est capable d'exprimer sa volonté de manière libre et éclairée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS379 de M. Patrick Hetzel

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Dans certains pays, la demande de suicide assisté doit être formulée par écrit. C'est l'objet de cet amendement.

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Catherine Vautrin, ministre

La demande d'aide à mourir, telle qu'elle est conçue dans ce projet de loi, devra faire l'objet d'un échange entre le médecin et son patient, au cours d'une rencontre qui marquera le début d'un parcours encadré et accompagné. L'oralité y tient une place très importante. La traçabilité de l'ensemble des échanges sera assurée, puisque la demande sera conservée dans un système d'information – en cela, elle sera bien formalisée de façon écrite.

Votre amendement est donc satisfait.

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À nos collègues qui s'émeuvent qu'on soulève ce type de situations, je rappelle qu'au cours des auditions, la présidente du Conseil national de l'Ordre des infirmiers, Mme Mazière-Tauran, a expliqué que les pressions de l'entourage ne sont pas rares et font même l'objet de témoignages quotidiens de la part des soignants. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui invitent à la prudence. Il est ici question de personnes en situation de grande vulnérabilité, que nous avons le devoir de protéger contre toute exploitation de leur faiblesse. En quoi est-ce indigne ?

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Le fait de formaliser la demande par écrit n'empêche nullement que la relation de confiance s'instaure entre le patient et son médecin. Lorsqu'un malade est admis dans un hôpital, il doit signer un certain nombre de documents, ce qui ne pose aucune difficulté. Il me paraît essentiel de conserver une trace écrite de la demande d'accès à l'aide à mourir, ne serait-ce qu'en vue des recours auxquels elle pourrait donner lieu, même s'il est par ailleurs prévu qu'une mention soit conservée dans le système d'information.

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Cet acte écrit constituerait une protection supplémentaire pour les patients et les soignants. L'écrit manifeste la maturation de la pensée et permet l'expression apaisée de la volonté alors qu'une demande orale peut varier, à cause d'une douleur aiguë ou d'une phase particulièrement difficile par exemple.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS44 de Mme Emmanuelle Ménard

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Il est essentiel de préciser que la personne doit être consciente de ce qu'elle fait « à chaque étape de la procédure » visant à injecter une dose létale de produit, pour s'assurer qu'elle ne change pas d'avis, y compris à la dernière minute. La rédaction actuelle de l'alinéa 6, imprécise, rend possibles certains abus.

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Votre amendement est satisfait : il est prévu que la volonté du patient soit réitérée tout au long de la procédure d'aide à mourir, jusqu'à l'administration de la substance létale.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

Il est effectivement précisé, dans chacun des articles décrivant la procédure, que le patient doit être en mesure d'exprimer sa volonté, laquelle sera consignée par écrit à chaque étape dans le système d'information.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS1644 de Mme Annie Vidal, CS1762 de M. Christophe Bentz, CS825 de M. Charles de Courson, CS611 de Mme Sandrine Dogor-Such, CS1579 de Mme Danielle Simonnet et CS474 de M. Yannick Neuder (discussion commune)

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Mon amendement vise à faire de la capacité du patient à exprimer sa volonté de manière libre et éclairée un prérequis absolu pour accéder à l'aide à mourir, afin d'éviter toute ambiguïté ou influence extérieure dans la prise de décision. L'expérience montre que les directives anticipées et les témoignages des proches ont des limites et ne doivent pas remplacer l'expression directe du patient. Je préconise donc de faire preuve de vigilance, en excluant explicitement de l'aide à mourir les patients incapables d'exprimer leur volonté.

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Au-delà de mon opposition à l'euthanasie et au suicide assisté, j'estime qu'il ne faut pas les inclure dans les directives anticipées pour une raison simple : dans la plupart des cas, ces directives sont rédigées par des personnes en bonne santé, dont la vision des choses peut changer si elles apprennent que leur pronostic vital est engagé. Il faut donc s'assurer que leur choix, libre et éclairé, reste le même.

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Le 5° de l'article 6 réserve l'aide à mourir aux personnes capables de manifester leur volonté de façon libre et éclairée au moment de l'acte. Cette volonté ne peut donc être exprimée dans les directives anticipées, qui peuvent avoir été rédigées plusieurs années auparavant.

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L'expression libre et éclairée de la volonté du patient au moment de l'acte est une condition essentielle pour s'assurer qu'il assume son choix en toute conscience et pour le protéger de tout abus de faiblesse. Pardon de le rappeler, mais toutes les familles ne sont pas animées de bons sentiments : il est des familles toxiques, dysfonctionnelles, ou tout simplement épuisées.

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Les auteurs des amendements précédents s'opposent à la prise en compte des directives anticipées pour accorder l'accès à l'aide à mourir. Je pense au contraire que les directives anticipées permettent au patient, avant que son discernement soit défaillant, de désigner une personne qui défendra sa volonté. Il est essentiel que nous appliquions à l'aide à mourir les mêmes préconisations que celles qui prévalent pour le laisser mourir prévu dans la loi Claeys-Leonetti.

Lorsque j'avais présenté un amendement similaire à l'article 5, Mme la ministre m'avait répondu que le patient devait réitérer sa volonté à chaque étape. C'est précisément le rôle de la personne de confiance : exprimer à chaque étape la volonté du patient, telle qu'il l'a formulée lorsqu'il était en pleine conscience. Il importe donc de prévoir, à l'article 6, la possibilité de manifester sa volonté par l'intermédiaire des directives anticipées ou de la personne de confiance.

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Pour ma part, je retire mon amendement, d'abord parce que l'engagement du pronostic vital à court ou moyen terme ne fait plus partie des conditions d'accès à l'aide à mourir, ce que je regrette. Par ailleurs, mon objectif était d'éviter la judiciarisation observée en milieu hospitalier, quand les familles contestent les directives anticipées. Voyant comment mon amendement pourrait être interprété, je crains toutefois d'ouvrir une boîte de Pandore.

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Catherine Vautrin, ministre

Partageant le souhait de Mme Vidal de protéger les personnes vulnérables, je suis tentée de donner un avis de sagesse à son amendement précisant que les directives anticipées ne peuvent pas suffire à exprimer la demande d'aide à mourir, car cet ajout me semble utile et concret. Comme l'a souligné M. Neuder, il s'agit d'éviter les contentieux qui naîtraient de directives anticipées rédigées dans des conditions peu claires.

La même logique prévaut dans l'amendement de M. de Courson, qui, dans son exposé sommaire, souligne que l'aide à mourir exige « une volonté libre et éclairée au moment de l'acte pour prévenir toutes dérives et tout abus de faiblesse » et rappelle que cinq cents condamnations sont prononcées chaque année pour abus de faiblesse. J'y suis néanmoins défavorable en raison de l'usage des termes « suicide assisté » et « euthanasie », ainsi qu'à tous les autres amendements.

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L'intégration de l'aide à mourir dans les directives anticipées est un point très sensible, qui soulève de profondes interrogations. J'avais déposé des amendements entrouvrant la porte à cette possibilité, en prévoyant des verrous très solides, notamment le fait que les directives anticipées ne pourraient être valables qu'après l'annonce d'un diagnostic grave et incurable. Ils ont été retoqués pour les raisons que l'on sait. Je réfléchirai à la manière de les intégrer au texte en séance. En attendant, je ne peux m'associer aux amendements visant à abandonner cette piste.

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Une fois de plus, je rejoins Gilles Le Gendre. Je tiens également à exprimer mon soutien à l'amendement de Mme Simonnet. J'en avais déposé un similaire, dans lequel je précisais que la volonté pouvait être prise en compte quel que soit son mode d'expression. Au moment où il réitère sa volonté, la capacité d'expression du patient peut en effet se trouver altérée. Le monde médical doit être sensibilisé et formé au recueil d'expressions non verbales ou non écrites.

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Nous voterons contre les amendements proposés, à l'exception de celui de Mme Simonnet, que nous soutenons. Nous sommes nombreux à regretter que les directives anticipées soient si peu utilisées en France. Ces amendements ne feraient qu'aggraver la situation. Si une personne n'est pas en mesure d'y faire connaître sa volonté de bénéficier de l'aide à mourir une fois atteint un stade qu'elle décrira très précisément, et de demander à un proche de faire respecter cette volonté le cas échéant, quel est l'intérêt de ces directives ? Je regrette d'ailleurs que M. Neuder ait retiré son amendement, qui allait en ce sens.

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Nous avions nous aussi déposé des amendements sur cette question. Il est des situations dans lesquelles la personne malade n'est plus capable de confirmer son choix le jour où elle en a le plus besoin, quand bien même elle en aurait exprimé le souhait auparavant. Les directives anticipées peuvent constituer un élément de réponse. Nous y reviendrons en séance.

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Certains estiment que l'aide à mourir doit pouvoir figurer dans les directives anticipées, d'autres que la pulsion de vie qui nous traverse tous doit pouvoir s'exprimer jusqu'au dernier moment. Aux Pays-Bas, il faut être capable de donner son consentement au moment de l'euthanasie. De ce fait, une personne dont la demande a été acceptée et qui subit un accident vasculaire cérébral juste avant l'acte ne peut pas en bénéficier. Cela signifie aussi que les personnes atteintes de maladies neurodégénératives doivent, paradoxalement, demander l'euthanasie de façon précoce pour pouvoir en bénéficier, ce qui peut être violent pour les soignants comme pour les proches qui ne perçoivent pas encore la dégradation du malade. Je suis donc partagée sur cette question. Un compromis pourrait consister à prévoir qu'en cas d'altération permanente de la conscience, les directives anticipées puissent être prises en compte, à titre exceptionnel.

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Catherine Vautrin, ministre

La difficulté est bien résumée, mais notre texte se fonde sur l'expression de la volonté du patient, jusqu'au bout. Ce dernier doit être capable de réitérer sa demande à tous les stades de la procédure, y compris au moment de l'administration du produit létal. Les directives anticipées, par définition, auront été rédigées avant. Y inscrire la volonté de bénéficier de l'aide à mourir affaiblirait donc considérablement l'équilibre que nous avons recherché. C'est vrai, madame Laernoes, dans certains cas il sera trop tard pour bénéficier de l'aide à mourir. C'est le principe que nous avons retenu qui le veut.

L'amendement CS474 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement CS731 de M. Charles de Courson

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Cet amendement vise à préciser que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. Cette précision figure déjà à l'article 8, qui traite de la procédure d'évaluation de la demande. Pour plus de clarté, elle devrait plutôt être inscrite à l'article 6, relatif aux critères d'accès.

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Avis défavorable.

Nous n'avons pas à stigmatiser les personnes souffrant d'une pathologie psychiatrique, qui peuvent tout à fait manifester une volonté. En outre, l'évaluation du caractère libre et éclairé de la volonté du patient, qui conditionne l'accès à l'aide à mourir, prendra bien en compte les altérations du discernement qui peuvent résulter d'une maladie psychiatrique. L'exclusion générale des personnes atteintes d'une maladie psychiatrique est injustifiée au vu de la diversité des troubles concernés.

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Catherine Vautrin, ministre

L'article 8 concerne la vérification du respect des conditions d'éligibilité à l'aide à mourir. La phrase précisant au médecin chargé de cette vérification qu'il doit prendre en compte une éventuelle maladie psychiatrique y a donc bien toute sa place.

Avis défavorable.

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Cet amendement est essentiel : dès lors qu'on inclut l'aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée parmi les critères cumulatifs conditionnant l'accès à l'aide à mourir, la question du discernement est essentielle. Une personne atteinte d'une pathologie psychiatrique abolissant ou altérant son discernement ne peut plus exprimer sa volonté de manière libre et éclairée. Il est très important de le préciser.

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L'alinéa 2 de l'article 8 dispose que « les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d'aide à mourir ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée ». Il n'y a donc aucune ambiguïté, nul besoin de le préciser ailleurs.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS569 de Mme Annie Genevard, CS907 de M. Philippe Juvin et CS383 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

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J'avais demandé au rapporteur général s'il était sensible à la situation des personnes concernées par une mesure de protection juridique, question qui a d'ailleurs été abordée lors des auditions. Par cet amendement, je propose de compléter l'article 6 en précisant qu'un patient ne doit pas être concerné par une mesure de tutelle ou de curatelle pour accéder au suicide assisté ou à l'euthanasie. Les personnes sous sauvegarde de justice ne seraient pas concernées.

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Je défends mon amendement ainsi que l'amendement CS383. Les personnes sous tutelle ou sous curatelle ne sont pas considérées comme douées d'un discernement suffisant pour accomplir certains actes importants, comme la vente ou l'achat d'un bien immobilier. Dès lors, il paraîtrait assez illogique qu'elles puissent décider de bénéficier de l'aide à mourir. J'exclus moi aussi du champ de l'amendement les personnes sous sauvegarde de justice, un régime souvent transitoire qui concerne des faits mineurs.

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Catherine Vautrin, ministre

L'article 7 apporte des garanties spécifiques concernant les personnes majeures protégées, qui devront faire connaître leur statut au médecin au moment de demander l'aide à mourir. Le médecin devra ensuite faire part de la demande à la personne chargée de la mesure de protection, recueillir ses observations et en tenir compte, puis l'informer de sa décision.

L'exclusion que vous proposez serait contraire aux engagements pris par la France dans le cadre de la convention des Nations unies relatives aux droits des personnes handicapées, alors même que l'évolution du droit tend à renforcer l'autonomie des personnes protégées, particulièrement dans la sphère personnelle et en matière de santé. Elle porterait en outre atteinte au principe d'égalité devant la loi. Les personnes protégées doivent, comme les autres, pouvoir exprimer un consentement libre et éclairé. Si elles ne sont pas en mesure de le faire, les conditions d'accès à l'aide à mourir ne seront pas remplies.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

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Dans de nombreux pays étrangers, les personnes soumises au régime de la tutelle saisissent le juge pour qu'il les autorise à bénéficier de l'aide à mourir. Ne faudrait-il pas, d'ici l'examen du texte en séance, prévoir une démarche similaire ?

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Il serait surprenant qu'il soit plus facile pour une personne sous tutelle de demander une aide active à mourir que d'acheter un bien immobilier. Or c'est bien la situation que le texte risque de créer.

Pour en revenir à l'amendement précédent, je m'étonne que la maladie psychiatrique soit mentionnée à l'alinéa 2 de l'article 8, qui décrit la procédure, plutôt que parmi les conditions d'accès décrites à l'article 6.

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Si l'argument de l'égalité stricte des droits devait s'appliquer, l'existence même des régimes de tutelle et de curatelle serait impossible ! Les mesures de protection juridique sont fondées sur des raisons bien précises, qui doivent être prises en compte.

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Je comprends votre souci de protéger les personnes vulnérables sous tutelle ou curatelle. Cependant, empêcher une catégorie de personnes d'accéder à l'aide à mourir constituerait une rupture d'égalité. Le critère est le fait d'« être apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée ». Vous supposez qu'elles sont incapables de penser par elles-mêmes, mais les personnes sous tutelle ont par exemple le droit de vote : si elles répondent aux conditions inscrites dans la loi, pourquoi ne pourraient-elles pas bénéficier de l'aide à mourir ?

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Je suis toujours gêné par le concept de maladie psychiatrique. Puisque Mme la ministre a insisté sur le critère du discernement, je propose de supprimer, à l'article 8, l'adjectif « psychiatrique ». Il suffit de considérer que toute maladie qui altère le discernement place la personne hors du cadre de la loi.

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Il faut bien entendu s'interroger sur le cas des majeurs protégés, mais ceux-ci peuvent être dans des situations extrêmement différentes : tutelle ne vaut pas curatelle, sans oublier l'habilitation familiale. Si certains ne sont pas capables de décider pour eux-mêmes, d'autres peuvent voter et choisir leur domicile – les personnes sous tutelle, par exemple, ne vivent pas nécessairement en Ehpad. Il est important de préserver une certaine proportionnalité.

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Catherine Vautrin, ministre

Selon l'article 8, le médecin vérifie que la personne remplit les conditions cumulatives prévues à l'article 6. C'est donc lui qui apprécie la volonté libre et éclairée de la personne majeure protégée, définie comme une « personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté ». Sauf mention expresse contraire, une mesure de protection porte sur deux aspects de la vie d'une personne vulnérable : la protection de ses intérêts patrimoniaux et la protection de sa personne. Toutefois, les majeurs protégés sont dans des situations variées et l'on ne peut pas exclure qu'ils puissent être en mesure d'exprimer leur volonté de façon libre et éclairée.

Les réformes de la législation des majeurs protégés intervenues depuis 2007 ont eu pour objet de renforcer leur autonomie, particulièrement dans la sphère personnelle et en matière de santé, afin de se conformer à nos engagements internationaux, dont l'article 12 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Les dispositifs actuels relatifs à l'arrêt des traitements et à la sédation profonde et continue sont ouverts aux majeurs protégés aux mêmes conditions que pour toutes les autres personnes. L'inclusion des majeurs protégés dans le champ d'application du texte est cohérente avec ces évolutions.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS473 de M. Yannick Neuder

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Il faut absolument affirmer que le suicide assisté et, a fortiori, l'euthanasie ne pourront en aucun cas s'appliquer aux patients souffrant d'une pathologie psychiatrique diagnostiquée par un médecin psychiatre.

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Les critères de l'article 6 et les conditions définies à l'article 8 sont suffisamment précis pour pouvoir vous rassurer.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

De même que pour les majeurs protégés, il n'y a pas de justification à une exclusion générale, compte tenu de la grande diversité clinique des troubles psychiques. Ainsi, un antécédent d'hospitalisation en établissement psychiatrique ou de traitement médicamenteux pour une pathologie psychiatrique ne constituera pas, en soi, un motif de rejet de la demande. En revanche, il est évident que l'évaluation médicale de la volonté libre et éclairée prendra en compte l'altération du discernement due à un épisode aigu d'une pathologie psychiatrique. La souffrance considérée par le médecin dans son évaluation sera celle liée à la pathologie qui entraîne l'engagement du pronostic vital.

Avis défavorable.

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Je suis farouchement opposée à cet amendement. Nous ne pouvons pas exclure de cette loi des personnes souffrant de douleurs physiques et psychiques insupportables sous prétexte qu'elles souffrent d'une maladie psychiatrique ou que leur discernement a été altéré à cause d'une affection évolutive. Si ces personnes sont malades d'un cancer, elles doivent pouvoir bénéficier, elles aussi, de l'aide active à mourir.

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Le texte indique déjà que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. Cet amendement priverait les 13 millions de personnes qui souffriraient de troubles psychiatriques en France de leur capacité de discernement et de choix. Il révèle une méconnaissance des troubles psychiques, qui sont particulièrement divers et peuvent affecter à des degrés variés, voire pas du tout, le discernement de la personne.

Néanmoins, nous souscrivons au constat du manque de personnel en psychiatrie. Je vous invite donc à adopter les amendements que nous déposerons sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour donner à la psychiatrie publique les moyens de mener à bien sa mission.

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Cet amendement présente l'intérêt de préciser que le diagnostic devra être fait par un médecin psychiatre, alors que l'article 8 prévoit qu'il le sera par le médecin référent, lequel pourra demander un avis à un collègue psychologue ou psychiatre. Cela nous ramène à l'intérêt de la collégialité de la décision, que la majorité de la commission semblait souhaiter, à l'instar de ce qui est prévu dans le texte sur les soins palliatifs. Étrangement, tous nos amendements sur la collégalité ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Pourtant, sans vouloir ergoter, il me semble qu'interrompre la vie d'une personne ferait plutôt économiser des prestations sociales.

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Si cet amendement a été déposé à l'article 6, c'est que l'article 8 n'exclut les personnes atteintes d'une maladie psychiatrique qu'en cas d'altération grave du discernement. Nous craignons que le texte ne protège pas suffisamment des personnes en situation de vulnérabilité. Le rôle du législateur est de protéger ; ne pas le faire pose un problème d'éthique.

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En cas d'altération du discernement, le critère relatif à la volonté libre et éclairée ne sera pas rempli. Je suis étonné que certains refusent les garde-fous que nous voulons poser et réclament toujours plus d'euthanasie et d'aide active à mourir au lieu de privilégier la protection de la personne en état de vulnérabilité.

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Il faut vraiment exclure de notre langage des termes comme « garde-fous », « verrou » et « maladie psychiatrique ». C'était au XIXe siècle de Pinel qu'on enfermait les fous dans des asiles !

Nous devons cesser de stigmatiser ces malades. Les maladies psychiatriques n'existent pas dans la nosologie. Jamais un psychiatre ne vous dira : « Ce patient souffre d'une maladie psychiatrique » ; il vous dira seulement s'il a son discernement ou non. Des maladies somatiques, comme le bas débit cardiaque, altèrent les fonctions cognitives : ce n'est pas pour autant que vous citez les maladies cardiologiques dans le texte ! Je pense qu'il faut écrire que toute maladie qui altère le discernement doit exclure la personne du cadre de la loi.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS1829 et CS1679 de M. Christophe Bentz, CS197 de M. Philippe Juvin et CS985 de M. Raphaël Gérard (discussion commune)

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Mes deux amendements visent à exclure la possibilité de l'euthanasie et du suicide assisté pour les prisonniers. Je me réjouis de vivre dans un pays où la peine de mort a été abolie et je ne voudrais pas que le texte la réintroduise de manière détournée, en permettant à un prisonnier de demander la mort plutôt que de purger sa peine.

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Peut-on considérer qu'une personne incarcérée exerce librement sa capacité de jugement ? Par définition, non ; en prison, le libre arbitre est obéré. Le suicide assisté ou l'euthanasie ne peuvent pas être compatibles avec le respect de la liberté de ces personnes, surtout quand elles sont condamnées à une peine longue. Quand on est privé de liberté, on n'a pas la capacité de jugement d'un homme ou d'une femme libre.

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L'égalité devant les soins impose de garantir aux détenus la possibilité de bénéficier de l'aide médicale à mourir. C'est l'objet de l'amendement CS985. C'est un principe fondamental qui est dû à tout le monde.

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Les personnes détenues ne sont en rien exclues du dispositif. Elles auront accès à l'aide à mourir si elles remplissent les conditions fixées par le projet de loi, comme le reste de la population française. Comme toute autre procédure médicale, celle-ci sera adaptée au milieu carcéral par les professionnels de santé compétents. L'amendement de M. Gérard est donc satisfait.

Les amendements visant à exclure les personnes détenues de l'aide à mourir me semblent discriminatoires. Les personnes incarcérées doivent avoir accès à une offre médicale équivalente à celle de la population générale en vertu du principe de dignité humaine, de même que, sauf exception, elles disposent du droit de vote.

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Catherine Vautrin, ministre

Le fait générateur de l'aide à mourir est la pathologie de la personne, qui doit être atteinte d'une maladie grave et incurable en phase avancée ou terminale au sens de l'article L. 1111-12 du code de la santé publique. Il est peu probable que les détenus concernés soient encore en prison, à moins que celle-ci ne soit dotée d'un service hospitalier. L'argument selon lequel l'aide à mourir deviendrait une alternative à la prison n'est donc pas recevable. En outre, l'incarcération ne justifie pas une rupture d'égalité devant la loi. Les critères d'éligibilité sont strictement les mêmes pour tous les malades, qu'ils soient incarcérés ou à leur domicile. De là à dire que la prison est un domicile, il y a un pas que je ne franchirai pas.

L'amendement de M. Gérard est satisfait, pour les mêmes raisons.

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Je veux dire aux collègues du Rassemblement National, qui font des leçons de sémantique, qu'il y a des mots qu'il vaut mieux éviter. Parler de peine de mort, c'est d'un mépris total pour les gens qui veulent mettre fin à leurs souffrances. La peine de mort s'applique à des gens qui ne demandent pas à mourir.

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Il est des propos qu'on ne peut pas entendre. Jusqu'à preuve du contraire, un détenu est un citoyen. Il peut être malade, physiquement ou psychiquement, il peut avoir son discernement ou non, mais il a le droit d'être soigné et de demander une fin de vie digne.

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C'est une double peine que proposent nos collègues : non seulement vous êtes condamné à la prison mais, même si vous souffrez, votre qualité de personne incarcérée exclut par principe un soulagement ouvert à d'autres. C'est une proposition scandaleuse et attentatoire à la dignité humaine. J'ajoute que l'idée selon laquelle la qualité de prisonnier ferait perdre le discernement est quasiment un plaidoyer contre la prison, ce qui ne correspond certainement pas à la pensée réelle de M. Juvin.

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Les détenus doivent pouvoir bénéficier d'une offre de soins, mais l'euthanasie n'est pas un soin. De plus, un détenu n'est pas libre – c'est une lapalissade – d'exercer pleinement sa volonté. Cela fait hurler la gauche et l'extrême gauche, et même l'extrême centre, mais ce que nous proposons ici est une mesure de protection pour les détenus, à l'heure où les politiques comptables indiquent que nous manquons de places de prison.

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Des travaux de psychologie comportementale établissent que le contexte carcéral influe sur le comportement des individus. Faut-il ignorer les questions que cela soulève ? C'est assez choquant. Si vous voulez éviter les pressions sur la personne, il faut prendre aussi en considération la pression institutionnelle.

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Je crois que la question soulevée par M. Juvin était de savoir si un avis libre et éclairé est possible dans des conditions de privation de liberté.

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Vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez, puisque nous sommes dans le pays des droits de l'homme, et parler de peine de mort et de souci de vider les prisons. Mais ces amendements, qui visent à exclure de l'aide à mourir des détenus en phase terminale et qui souffrent, sont abjects. Ils traitent de manière différenciée des êtres humains, puisque les détenus seraient privés du recours au droit commun.

Le parallèle avec la peine de mort nous met sur une pente glissante : ce que vous dites, c'est que l'on euthanasierait de force des détenus !

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Si un tel amendement était adopté, ce qui ne sera pas le cas je l'espère, il serait censuré pour son caractère discriminatoire. Un détenu reste un homme ou une femme ; en cas de maladie grave et incurable, il doit pouvoir accéder aux soins palliatifs ou à l'aide active à mourir. Dans les unités hospitalières spécialement aménagées pour les détenus qui souffrent de maladies graves et incurables, ceux-ci ont accès aux soins palliatifs, et c'est heureux. Ils auront demain accès à l'aide à mourir, si elle est votée.

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Je suis surpris de ces discussions. L'aide à mourir se conçoit de manière exceptionnelle et compassionnelle. Tout homme, toute femme a droit à la compassion.

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J'ai hésité à intervenir, pour ne pas donner davantage de lumière à ces propos, mais nous atteignons là un sommet d'indignité. Votre proposition contrevient à la Déclaration des Droits de l'Homme. Vous entendez priver de leurs droits des citoyens qui ont le droit de vote, des personnes en fin de vie dont la peine est souvent déjà suspendue, car elles sont prises en charge dans des services de soins. Par ailleurs, que sous-entend l'argument de l'exécution intégrale de la peine ? Si un détenu incarcéré pour vingt ans est atteint d'un cancer en phase terminale, que fait-on, on le place en coma artificiel jusqu'à la fin de sa peine ? En fait, vous voulez réintroduire la souffrance parmi les peines de prison.

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Cette séance donne à voir le vrai visage, indigne, du Rassemblement National. J'inviterai chacun à en visionner l'enregistrement.

Pour répondre à M. Juvin, il est vrai que 30 à 40 % des prisonniers ont des troubles psychiques et peuvent être considérés comme n'ayant pas un avis libre et éclairé. Néanmoins, si un prisonnier est très malade, il doit avoir accès à tous les moyens de se soigner, et à l'aide à mourir si les médecins jugent collégialement qu'il a l'esprit libre et éclairé. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut proposer une telle discrimination.

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Certains n'ont manifestement pas compris le sens de ces amendements. On essaye même de nous empêcher d'utiliser certains mots ! Ceux qui sont allés régulièrement dans des maisons d'arrêt et des centres de détention savent la désespérance qui y règne. Quand la perspective de la journée se résume à trois promenades d'un quart d'heure et une cellule surpeuplée où l'on subit parfois les sévices de ses codétenus, le discernement est altéré. Certains détenus souhaitent en finir rapidement ; c'est d'ailleurs cette préoccupation qui a dicté l'ergonomie des nouvelles prisons.

L'amendement CS985 étant retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements CS1284 de M. Benoit Mournet, CS490 de M. Yannick Neuder et CS1677 de M. Christophe Bentz (discussion commune)

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L'article 7 précise que le médecin propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs et s'assure qu'elle puisse y accéder. En cohérence avec l'esprit du texte, je propose d'ajouter une condition pour accéder à l'aide à mourir : celle d'avoir bénéficié des soins palliatifs pendant trois semaines – durée qui peut se discuter. Personnellement, j'ai vécu les moments les plus forts de ma vie professionnelle en soins palliatifs, avec des gens extraordinaires qui font un travail d'accompagnement incroyable. Je serais très embêté que l'on puisse choisir l'aide à mourir sans avoir eu la chance d'en bénéficier préalablement.

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Une étude portant sur 2 600 patients de la maison de soins palliatifs Jeanne Garnier a révélé que 3 % d'entre eux demandaient à mourir au moment de leur arrivée, mais que ce taux chutait à 0,3 % une semaine plus tard. C'est dire l'effet bénéfique de ces soins. Par l'amendement CS490, nous proposons de poser comme condition supplémentaire pour accéder à l'aide active à mourir d'avoir bénéficié d'une offre de soins palliatifs.

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Chaque jour, cinq cents Français en fin de vie meurent sans avoir eu accès aux soins palliatifs. L'aide à mourir, le suicide assisté, l'euthanasie ne sauraient être la seule solution proposée à ces personnes qui endurent de grandes souffrances. Je souhaite qu'elles ne puissent y accéder qu'après avoir eu effectivement accès aux soins palliatifs.

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Je suis défavorable à ces amendements qui ne suivent aucune logique. Cette condition constitue un obstacle à l'aide à mourir. Aussi formidables soient-ils, les soins palliatifs ne sont pas la panacée. Certains patients peuvent ne pas souhaiter en bénéficier : c'est leur liberté.

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Catherine Vautrin, ministre

Comme vous, monsieur Juvin, je me suis rendue dans des services de soins palliatifs et à la maison Jeanne Garnier ; comme vous, j'ai rencontré différents acteurs de ce domaine, dont la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs. Certains patients se satisfont de cet accompagnement. Précisons par ailleurs que ces services ne proposent pas l'aide à mourir.

L'article 7 du projet de loi précise bien que le médecin « propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs définis à l'article L. 1110-10 du code de la santé publique et s'assure, le cas échéant, qu'elle puisse y accéder ». Mais le patient a la liberté de refuser ces soins, droit fondamental que lui reconnaît l'article L. 1111-4 du code de la santé publique.

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Cette réponse me convainc, je retire l'amendement CS490.

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Nous voterons contre ces amendements. Les soins palliatifs ne peuvent pas être obligatoires. J'entends qu'ils sont bénéfiques et que certains patients concernés renoncent à demander l'aide à mourir, mais d'autres la sollicitent néanmoins : il faut en tenir compte. La philosophie du texte est bien d'offrir un choix aux malades. À mon sens, il faudrait même leur proposer directement les deux options, sans donner la prééminence aux soins palliatifs.

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Nous avons tous de l'admiration et de la reconnaissance pour ceux qui œuvrent dans les services de soins palliatifs et nous partageons tous l'ambition d'en ouvrir l'accès à l'ensemble des Français – certains départements, comme le mien, ne comptent malheureusement pas d'équipe fixe. Cependant, imposer des soins palliatifs contreviendrait à la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Juridiquement, cela ne tient pas la route.

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Le texte devrait préciser dès l'article 6 que le patient ne peut accéder à l'aide à mourir qu'après s'être vu proposer des soins palliatifs – proposition qu'il a le choix de refuser. Cette mention doit figurer avant l'article 7 relatif à la procédure. Dans les territoires ruraux, en effet, certains patients pourraient solliciter l'aide à mourir parce que ce serait plus facile que d'avoir accès aux soins palliatifs.

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Mme la rapporteure tient des propos choquants sur les soins palliatifs et méprisants pour le personnel qui les dispense, considérant avec légèreté qu'ils ne sont « pas la panacée » – comme s'ils étaient accessoires plutôt que de constituer une avancée considérable, un progrès de civilisation. Elle ajoute que nos amendements ne suivent aucune logique : c'est délirant, dès lors que les personnes qui entrent en unité de soins palliatifs renoncent à en finir tout de suite ! Notre logique, c'est le traitement de la douleur. Il est parfaitement logique de conditionner l'accès à l'euthanasie ou au suicide assisté par un passage en unité de soins palliatifs, où la fin de vie se déroule dans la dignité et sans souffrance.

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Nous voterons contre ces amendements aberrants. On ne peut pas obliger un patient à recevoir des soins, à moins de revenir sur la loi Kouchner. La volonté et la liberté du malade doivent être respectées. Le projet de loi préserve un équilibre entre, d'une part, un dispositif renforcé d'accompagnement et de soins palliatifs, et d'autre part l'aide à mourir, qui complète les modalités existantes que sont le refus de l'acharnement thérapeutique et la sédation profonde et continue.

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À l'occasion de ce projet de loi, j'ai passé beaucoup de temps avec des équipes de soins palliatifs. Ne croyez pas, monsieur Juvin, qu'elles soient prêtes à proposer l'aide à mourir : elles y sont même plutôt opposées.

L'amendement CS490 étant retiré, la commission rejette successivement les amendements CS1284 et CS1677.

Amendement CS580 de Mme Christine Loir

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Nous souhaitons ajouter une condition à l'accès au suicide assisté ou à l'euthanasie : « avoir fait état dans ses directives anticipées, au moins trois mois avant sa demande, de sa volonté de recourir au suicide assisté ou à l'euthanasie ». Il ne faudrait pas qu'un patient y recoure par peur de la pathologie ou de crainte d'être un poids pour sa famille. La médecine fait beaucoup de progrès, faisons-lui confiance et laissons-lui du temps.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.

Amendement CS198 de M. Philippe Juvin

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Quand on envisage un don d'organe intrafamilial, on enregistre la demande auprès du juge, qui vérifie que les conditions légales sont remplies – l'absence de pression sur le donneur et la gratuité, en particulier. Dans le même esprit, sans retirer aucune liberté à personne, nous proposons qu'un juge enregistre la demande d'aide à mourir et en contrôle la légalité. Il ne s'agit pas d'un jugement – il n'y a pas d'appel, par exemple. La demande peut être traitée en quelques jours. Cela permettrait de s'assurer que le patient agit en toute liberté, sans pression familiale, ce qui soulagerait nombre de consciences dans cette salle. De grâce, madame la rapporteure, veuillez me répondre sur le fond, sans vous contenter de dire que vous ne souhaitez pas ajouter de condition supplémentaire au dispositif.

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Le projet de loi subordonne l'accès à l'aide à mourir au recueil du consentement du patient, inhérent à la manifestation d'une volonté libre et éclairée. Il est recueilli au moment de la demande, puis réitéré à chaque étape de la procédure, jusqu'au moment de l'administration de la substance létale. La condition que vous proposez ne constituerait qu'un formalisme supplémentaire, qui n'est ni nécessaire ni souhaitable.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

La personne qui sollicite l'aide à mourir réitère sa demande à chaque étape de la procédure, jusqu'aux derniers instants. Il n'est pas besoin d'un formalisme supplémentaire, puisque ces expressions réitérées du consentement sont tracées dans un système informatique.

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Je soutiens fermement cet amendement, qui pourrait lever tous nos problèmes. Le projet de loi fait peser une pression sur les médecins, en leur donnant la responsabilité de prendre cette décision grave et de l'appliquer. C'est plutôt à nous qu'il revient de l'assumer. Dans une mise sous tutelle, la décision ne revient pas au médecin, mais au juge. S'il en était de même pour l'aide à mourir, le juge lirait l'expertise du médecin, s'assurerait du bon discernement du patient et acterait la décision au nom de la société.

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Nous ne proposons pas de créer un dispositif ex nihilo : le code de la santé publique prévoit déjà une procédure de recueil du consentement pour sécuriser le don d'organe intrafamilial. La même procédure pourrait être appliquée au suicide assisté et à l'euthanasie. La décision serait actée par un juge, au nom de l'État, ce qui aurait le mérite de ne pas faire peser toute la pression sur le corps médical.

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Dans le même esprit, il me paraît souhaitable d'instituer un mandataire, désigné par le président du tribunal judiciaire, chargé d'administrer la substance létale, afin de décharger les soignants de cet acte qui peut heurter la conscience.

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Catherine Vautrin, ministre

Le juge se prononcera en qualité de juge, et non de médecin. Pour prendre une décision éclairée, il devra se référer à une expertise médicale, dans laquelle le médecin aura précisément vérifié que le patient remplit les cinq conditions cumulatives – informations qui auront été consignées dans le système d'information. Il me semble que dans le cas du don d'organe, au contraire, le juge n'a pas à se prononcer sur l'aspect médical du dossier. Les deux situations sont différentes.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS381 de M. Patrick Hetzel

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Il s'agit d'ajouter la condition suivante : « s'assurer que la personne n'est pas dans un état de faiblesse ou de vulnérabilité psychologique susceptible d'altérer son jugement ». En cas de don d'organe, le juge, car tel est bien son rôle, doit s'assurer que la personne exprime librement son consentement. Il pourrait exercer cette compétence aussi pour les demandes d'aide à mourir.

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Votre souci d'empêcher les abus de faiblesse est parfaitement légitime. Le dispositif que nous proposons – définition de l'aide à mourir, conditions d'accès, consentement réitéré, expertise médicale... – place le patient dans l'environnement le moins propice à l'abus de faiblesse. Parallèlement, il faut le noter, personne ne se soucie des décisions qui sont prises dans le huis clos du domicile de gens isolés, très malades, vivant dans des conditions difficiles.

La procédure prévue offre suffisamment de transparence et de traçabilité pour que les médecins et les soignants puissent détecter un abus de faiblesse. Je suis confiante dans les précautions que nous avons prises.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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Les quatre premières conditions prévues à l'article 6 relèvent de l'appréciation médiale, mais je m'interroge sur la capacité du médecin à apprécier la cinquième : « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Cette responsabilité mériterait d'être confiée à des professionnels ayant l'habitude de contrôler la légalité des critères, afin de protéger les personnes les plus vulnérables.

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Vous semblez avoir une vision restrictive du rôle du juge judiciaire, madame la rapporteure. En tant que garant des libertés individuelles, il est apte à apprécier les critères qui nous intéressent, qu'il ait ou non des connaissances médicales. Seul le juge peut sanctuariser le consentement.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS1512 de M. Hervé de Lépinau et CS135 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

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Il s'agit, là encore, de prévoir des garde-fous – des barrières de protection, si vous préférez. Les lois ont toujours des effets de bord et le législateur doit donner au juge les moyens de prévenir au mieux les abus de faiblesse, en l'occurrence de s'assurer du consentement du malade. Je propose donc d'ajouter la condition suivante à l'article 6 : « avoir manifesté un consentement exempt de contrainte, de provocation ou de manœuvre de la part d'un tiers et dépourvu d'erreur sur la gravité de l'affection ou sur les perspectives de traitement ».

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Notre mission est de prévoir toutes les mesures à même de protéger les personnes les plus vulnérables. Il faut éviter les pressions. La volonté libre et éclairée du patient doit faire l'objet d'un examen amplifié, notamment pour les personnes vulnérables ou atteintes d'un handicap.

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L'alinéa 6 prévoit déjà que la personne qui demande l'aide à mourir doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS828 et CS829 de Mme Lisette Pollet

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L'amendement CS828 vise à éviter que les personnes désirant venir en France pour se faire euthanasier ne le fassent aux frais des Français. Un encadrement similaire à celui qui existe au Canada paraît nécessaire.

Par ailleurs, dans un avis publié le 11 septembre 2017, le Comité consultatif de bioéthique de Belgique exprime la crainte que le vieillissement en lui-même soit considéré comme une affection grave et par conséquent comme un motif légitime de demander l'euthanasie. L'amendement CS829 vise à empêcher toute personne de demander la mort pour des raisons de vieillissement. Nous voulons éviter toute dérive.

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L'amendement CS828 est satisfait, puisque l'une des conditions d'accès à l'aide à mourir est d'être de nationalité française ou de résider de façon stable et régulière en France. L'amendement CS829 est également satisfait par le dispositif que nous proposons.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l'article 6 modifié.

La réunion s'achève à dix-neuf heures cinquante-cinq.

Présences en réunion

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Hadrien Clouet, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. François Gernigon, M. Joël Giraud, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Marine Hamelet, M. Patrick Hetzel, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Emeline K/Bidi, Mme Julie Laernoes, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, Mme Lise Magnier, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Christophe Marion, M. Didier Martin, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Frédérique Meunier, M. Yannick Neuder, M. Julien Odoul, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, M. Jean-François Rousset, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. David Valence, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Léo Walter

Assistaient également à la réunion. – M. Benoit Mournet, Mme Sandrine Rousseau