La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Chers collègues, nous reprenons les CEPP de la journée avec la discussion relative aux missions Action extérieure de l'État ainsi qu' Aide publique au développement et au compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.
Je suis ravie et honorée d'être la première ministre de l'Europe et des affaires étrangères à participer au printemps d'évaluation. En effet, Jean-Baptiste Lemoyne avait représenté le Quai d'Orsay lors des éditions 2020 et 2021. Le sujet de notre rencontre, qui est l'exécution budgétaire 2022, est certes assez aride, mais je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée de répondre à vos questions et de revenir sur certains faits marquants de l'année écoulée.
La mission Action extérieure de l'État se décompose en trois programmes, à savoir le 105, le 151 et 185.
Le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde a fait l'objet, au 31 décembre 2022, d'une consommation de 94 % en autorisations d'engagement et de 97 % en crédits de paiement, l'exercice 2022 ayant été compliqué par plusieurs facteurs. D'abord, la forte inflation a entraîné une hausse importante de nos dépenses d'énergie et de transport, et ceci au sein du ministère où les missions des agents sont intrinsèques à leur métier. Ensuite, la dépréciation de l'euro par rapport au dollar a entraîné une perte de change, que nous avons réussi à réduire grâce au paiement anticipé de certaines contributions, comme les contributions obligatoires, opérées dès février. Enfin, la guerre en Ukraine a aussi engendré, pour le programme 105, une hausse des dépenses du centre de crise et de soutien du ministère.
Le programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires a vu, pour sa part, son taux de consommation se situer, au 31 décembre 2022, à 98,5 % en autorisations d'engagement et à 97,5 % en crédits de paiement. L'année 2022 aura été marquée par deux faits principaux pour ce programme. D'abord, il y a eu l'organisation des élections présidentielles et législatives, avec le succès notable du vote par Internet pour les élections législatives avant la présidentielle. Le vote par Internet représente 76 % des votants au second tour, ce qui a permis une augmentation de la participation, qui est passé de 16,6 % au second tour des législatives 2017 à 24,8 % au second tour de 2022. Ensuite, la poursuite de nos projets de modernisation a constitué un deuxième fait marquant avec, en particulier, le déploiement du registre de l'état civil électronique et l'extension du service France Consulaire. Ces deux chantiers font l'objet d'une attention de nos plus hautes autorités dans le cadre des politiques prioritaires du Gouvernement.
Le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence fait état d'un taux de consommation record égal à 99,8 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement. L'année dernière a été marquée par la forte reprise des mobilités étudiantes, avec pour conséquence une gestion dynamique de l'enveloppe des bourses en faveur des étudiants étrangers. 400 000 étudiants étrangers ont été comptabilisés à la rentrée 2022, dont 11 100 boursiers, contre 9 900 l'année précédente. L'année 2022 a par ailleurs été marquée par le renforcement de notre réseau l'Institut français avec, pour la première fois, la création d'un Institut français en Arménie ainsi que l'ouverture de nouveaux locaux pour l'Institut franco-allemand de Ramallah. Vous constatez donc que la mission Action extérieure de l'État fait l'objet d'une exécution satisfaisante, et cela en dépit des nombreux aléas liés à un contexte international de plus en plus instable et malgré la rigidité d'une part significative de nos dépenses. C'est d'ailleurs ce que remarque la Cour des comptes dans son relevé d'observations provisoires.
La mission Aide publique au développement est quant à elle composée du programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, qui relève du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et du programme 110 Aide économique et financière au développement, qui relève de Bercy.
Au 31 décembre 2022, la consommation des crédits du programme 209 s'élevait à 99,6 % en autorisations d'engagement et à 99,8 % en crédits de paiement. L'agression de l'Ukraine par la Russie a fortement influencé l'exécution budgétaire 2022, avec plusieurs effets. D'abord, il y a eu le financement de deux engagements présidentiels au titre de l'aide humanitaire à l'Ukraine, soit 100 millions d'euros puis 100 millions de dollars lors de la dernière conférence internationale. Ensuite, il y a eu la mobilisation de 75 millions d'euros au profit de la sécurité alimentaire dans le monde afin de contribuer à l'atténuation de l'effet de la hausse des coûts des produits alimentaires pour les pays en développement et d'accompagner la livraison de céréales à des pays qui en avaient besoin.
Outre l'Ukraine, il faut avoir à l'esprit les différentes crises : en Syrie, au Sahel, en Irak, en Afghanistan et dans la Corne de l'Afrique. Ces crises se sont traduites par des dépenses croissantes au titre de l'aide humanitaire, s'élevant à 23 millions d'euros en 2022. La provision dite pour crises majeures inscrite dans la loi de finances pour 2022 s'est révélée aussi utile qu'insuffisante, justifiant sa forte augmentation votée dans le cadre de la loi de finances pour 2023. Vous vous souvenez sûrement que nous avons réalisé un saut qualitatif autant que quantitatif en 2023. C'est le programme 209 qui a financé les 973 millions d'euros de contributions multilatérales, incluant les contributions volontaires aux Nations unies et à d'autres organisations internationales ou fonds multilatéraux, comme les fonds mondiaux contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Comme pour l'action extérieure de l'État, je me réjouis que la Cour des comptes ait relevé une exécution conforme en dépit des très nombreux aléas qui caractérisent par essence l'action diplomatique.
Le premier enseignement que nous tirons de l'exercice budgétaire 2022 est que le Quai d'Orsay a su faire preuve d'adaptabilité et de réactivité pour faire face aux nombreuses crises survenues en 2022. C'est ce qui nous a incités à reconduire la provision pour crises majeures, dont 120 millions d'euros sur les 270 millions d'euros budgétés pour l'année 2023 sont dépensés à ce jour : 52 millions d'euros pour l'Ukraine, 28,5 millions d'euros pour la Syrie et la Turquie à la suite des séismes qui ont frappé ces pays, 20 millions d'euros pour la République démocratique du Congo, 17,25 millions d'euros pour le Soudan – cette crise est toute récente et ce montant est peut-être amené à croître –, un million d'euros pour le Chili et un million d'euros pour Haïti. Cette provision pour crises majeures a fait ses preuves pour gérer notre aide humanitaire avec souplesse et célérité. Son rythme de consommation est notable.
Le deuxième enseignement est que pour continuer à progresser dans la gestion des crédits qui nous sont confiés, il nous faut poursuivre et renforcer notre transformation dans le contexte de déficit budgétaire et d'augmentation de notre dette publique. Des transformations sont déjà engagées en matière d'aide humanitaire ainsi que concernant la politique culturelle et l'administration consulaire afin de nous rapprocher des Français et de leur apporter un meilleur service. Après la pandémie, la reprise des déplacements s'est souvent traduite par un relatif engorgement de nombre de nos services consulaires.
Les États généraux de la diplomatie ont consisté en une large consultation des agents et des partenaires de ce ministère. Cette consultation a été menée tambour battant entre la fin octobre et la fin du mois de janvier. Elle a montré qu'il fallait aller plus loin dans les réformes. C'est une aspiration de la majorité de nos agents, qui ont été très nombreux à participer à cette consultation inédite, ouverte et transparente. Au-delà de la situation des agents, il s'agit d'une demande de nos principaux partenaires, qu'il s'agisse des élus, de la société civile, des entreprises ou de la presse. Annoncés par le Président de la République et la Première ministre lors de la dernière conférence des ambassadrices et des ambassadeurs le 1er septembre, les États généraux ont été suivis de près par nos plus hautes autorités et le Président de la République s'est, à leur suite et sur la base des conclusions, rendu au Quai d'Orsay le 16 mars dernier, pour parler des diplomates – geste inédit – et annoncer sa décision de nous demander de mener à bien quatre principales transformations : nous adapter plus rapidement encore aux changements du monde en renforçant nos capacités d'anticipation et d'analyse politique ;
investir pleinement le champ de l'influence en développant la communication stratégique et en musclant nos réseaux d'Instituts français ;
prendre plus encore le tournant des enjeux globaux, qui se multiplient, pour pouvoir davantage créer et entraîner des coalitions sur des enjeux majeurs – climat, biodiversité, alimentation, éducation, santé, cyber ;
rapprocher la diplomatie des Français en modernisant notre action consulaire et en travaillant davantage avec les élus et les représentants sur place des Français dans les conseils consultatifs.
Pour mener à bien ces transformations, le Président de la République a souhaité que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères soit doté de moyens supplémentaires avec un budget qui atteindrait, à l'horizon 2027, 7,913 milliards d'euros et avec la création de 700 équivalents temps plein. Vous vous souviendrez qu'en termes d'emplois, l'année 2023 a été la première année caractérisée par des créations d'emplois dans le ministère en trente ans, avec 106 emplois si on tient compte du retour de la compétence tourisme à Bercy. La transformation du Quai d'Orsay passera également par une profonde adaptation de la gestion de nos ressources humaines. Un certain nombre de réformes internes sont d'ailleurs lancées avec le nouveau directeur général de l'administration et de la modernisation. Nous avons un vaste chantier devant nous et je compte sur la motivation et l'engagement de nos diplomates pour le mener à bien, comme je compte sur les encouragements et le soutien des parlementaires, qui connaissent bien ce ministère et suivent son action ainsi que l'exécution de son budget de près.
La mission Action extérieure de l'État correspond environ à la moitié des crédits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et a représenté 0,52 % du budget général de l'État en 2022. L'exécution des crédits de la mission s'est effectivement élevée à 3,04 milliards d'euros, soit un montant de dépenses assez proche de la prévision de la loi de finances initiale.
Le vote électronique offre une meilleure participation de nos compatriotes, mais vous me permettrez d'être plus nuancé quant au succès de son organisation en 2022. Tout d'abord, l'année 2022 a été marquée, le 2 juin, par une grève inédite depuis une vingtaine d'années. Elle a eu lieu en réaction à la décision de mettre en extinction les deux corps de diplomates. J'estime que ce mouvement social d'ampleur a aussi été un révélateur du mal-être important qui règne chez les agents du ministère, très éprouvés par des années de réduction d'effectifs. Je rappelle que 2 850 emplois ont été supprimés entre 2007 et 2021 et que, sur une trentaine d'années, les effectifs ont été réduits de moitié. C'est aussi en 2022 qu'ont été lancés les États généraux de la diplomatie, dont les conclusions ont été remises en mars dernier et considèrent qu'après des décennies d'attrition le statu quo n'est plus possible.
Vous avez parlé, madame la ministre, des annonces du Président. Pourriez-vous indiquer devant notre commission comment se traduira, d'un point de vue budgétaire, cette augmentation pour la mission budgétaire Action extérieure de l'État et quelle serait la clé de répartition des 700 ETP annoncés ?
Je souhaite également que nous puissions porter une attention toute particulière à nos Instituts français. La question de leur financement se pose aujourd'hui. Si le fonctionnement est généralement assuré grâce aux moyens alloués par l'État, la programmation culturelle qui en est leur cœur de métier dépend essentiellement de leur capacité à générer des recettes localement. Comment déployer, dès lors, une politique culturelle autonome répondant à des objectifs d'influence, si celle-ci dépend pour son financement de facteurs externes locaux ? À un moment où nous avons besoin de vecteurs d'influence pour lutter contre les tentatives de désinformation d'États étrangers, le financement de nos Instituts, et notamment de leur programmation, me paraît être un impératif.
Concernant l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), je m'interroge sur la soutenabilité de ce vecteur indispensable à notre influence. En mars 2020, le Président de la République a présenté un plan pour la francophonie qui ambitionne de doubler le nombre d'élèves accueillis d'ici 2030. Madame la ministre, pensez-vous que cet objectif est encore envisageable ? La subvention de l'AEFE s'est élevée à 424 millions d'euros en 2021 et à 420 millions d'euros en 2022 ; elle s'élèvera à 417 millions d'euros en 2023 si on retraite les 30 millions d'euros supplémentaires ponctuellement alloués. Au vu de l'absence d'augmentation du budget, vous comprendrez que je demeure sceptique.
Je rappelle également que notre réseau d'enseignement à l'étranger souffre d'une impasse face à la difficulté d'investir dans l'immobilier en raison de ses limitations d'emprunt. In fine les charges d'investissement, le coût de l'inflation – 8 % sur les EGD en 2022 et 6 % sur les établissements partenaires – et l'effet de change reposeront sur les droits de scolarité acquittés par les familles. Je rappelle que ces derniers ont déjà augmenté de 42 % en dix ans : jusqu'où irons-nous ?
À ce propos, j'attire votre attention, madame la ministre, sur la situation des élèves boursiers au sein du réseau de l'AEFE. J'observe une légère baisse du nombre de ces élèves en 2022, soit moins 54, alors que le nombre d'enfants scolarisés a augmenté entre 2021 et 2022. Comme les années précédentes, la soulte a été mise à contribution pour compléter la dotation aux bourses. Il nous faut urgemment rassurer les familles pour les ramener vers le système de bourse. Aujourd'hui, des élèves sont sortis du réseau, car les familles ne peuvent payer le reste à charge. En outre, le développement du réseau sans augmentation du plafond d'emploi mènera nécessairement à une explosion des frais de scolarité dans les années à venir. Ce n'est ni souhaitable ni tenable. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour les familles qui n'ont plus les moyens de payer les restes à charge des frais de scolarité et qui sont donc contraintes de retirer leurs enfants du système scolaire français à l'étranger ?
Enfin, dans un contexte de forte augmentation des budgets des ministères régaliens – justice, défense, intérieur – et en plein examen d'une nouvelle LPM 2024-2030 à 413 milliards d'euros, n'est-il pas le moment pour le MEAE d'obtenir de Bercy une augmentation sensible de son budget afin de pouvoir réellement parler de réarmement de notre diplomatie et de mettre en place une loi de programmation de la diplomatie au niveau de notre ambition ?
La politique d'aide publique au développement en France confirme en 2022 la tendance haussière qui est la sienne depuis 2017. À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission Aide publique au développement ont crû de 96 % depuis 2017. La croissance continue des moyens alloués à cette politique nous permet de consacrer en 2022 0,56 % de notre RNB à l'aide publique, soit 15 milliards d'euros au total, dépassant l'objectif de 0,55 % fixé par le Président de la République pour cette même année. La mission budgétaire Aide publique au développement constitue une partie de cet ensemble : elle assure 58 % de l'effort national en faveur de l'aide. Elle comprend quatre programmes, dont les deux principaux sont le programme 110, qui relève de la direction générale du Trésor, et le programme 209, qui relève directement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Les dépenses de la mission dans son ensemble atteignent 6,07 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse d'un peu plus de 8 % par rapport à 2021, et 5,08 milliards d'euros en crédits de paiement à l'échelle des programmes historiques de la mission. Les programmes 110 et 209 augmentent, en crédits de paiement, de 17,9 % par rapport à 2021.. Ces bons résultats sont dus à une politique volontariste très explicite et que j'approuve, mais ils s'expliquent également par le fait qu'il faut tirer les conséquences de l'instabilité du monde. Je constate d'ailleurs qu'une majorité de pays continue à augmenter leurs aides, en particulier les États-Unis. Au contraire, deux types de pays suivent une trajectoire différente, à savoir le monde scandinave, dont les aides stagnent, et le Royaume-Uni, dont les aides baissent sensiblement. Paradoxalement, et malgré l'importance de notre aide et la baisse de l'aide britannique, des pays africains francophones comme le Gabon et le Togo aspirent à rejoindre le Commonwealth.
La croissance des crédits de la mission ainsi que la surexécution des crédits de paiement est portée en partie par notre aide humanitaire – j'ai d'ailleurs toujours insisté sur la nécessité de les augmenter en ma qualité de rapporteur. Je constate la nette augmentation, qui est due aux crises et à une volonté très explicite. 200 millions d'euros d'aide humanitaire supplémentaires ont été dépensés au bénéfice de l'Ukraine. D'après mon calcul, le total de l'aide apportée à l'Ukraine atteint environ 1,9 milliard d'euros, dont 1,7 milliard d'euros d'aide financière en sus de l'aide humanitaire que je viens de mentionner. Je signale également la montée de notre contribution au programme alimentaire mondial (PAM), ce qui est très positif. Nous étions parmi les tout derniers il y a quatre ou cinq ans et nous sommes désormais dans les cinq ou six premiers donateurs, ce qui nous redonne de la crédibilité. Ces dépenses supplémentaires ont été en partie financées par le dégel de la réserve de précaution, mais aussi par des crédits supplémentaires alloués à l'occasion des lois de finances rectificatives, cellede décembre 2022 en particulier.
Madame la ministre, j'appelle votre attention sur la nécessité d'accompagner les grandes organisations humanitaires, telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui est souvent la dernière organisation présente au plus près du front. En outre, la diplomatie et la géopolitique ont des effets très concrets sur notre aide publique au développement. Je signale que notre activité a désormais complètement cessé au Mali. Même nos ONG ne sont plus autorisées par le gouvernement malien à ce jour. C'était pourtant un des pays les plus prioritaires de la bande sahélienne. Nous avons une tout autre attitude au Burkina Faso, où aucune décision n'a encore été prise quant à une potentielle interruption notre aide, aussi bien directe que par le biais de nos ONG.
S'agissant du programme 110, la hausse des taux d'intérêt complique la situation, notamment vis-à-vis de la dette accordée à des États étrangers. Les sujets qui nous attendent, comme celui du Soudan, seront très lourds dans les années à venir et il a fallu encore plus augmenter le compte de réserve de l'AFD, qui constitue une forme de matelas de sécurité de l'AFD lui permettant d'être plus active en matière d'aide publique au développement. La hausse des taux d'intérêt entraîne également des conséquences pour la mission budgétaire, car il faut davantage de crédits de bonification versés par l'État pour produire la même quantité d'aide publique au développement par l'octroi de prêts. Si cette hausse se poursuivait, elle entraînerait des conséquences très visibles sur les montants et l'efficacité de notre aide.
Par ailleurs, le conseil présidentiel pour le développement du vendredi 5 mai préfigure le prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) : pourriez-vous nous préciser les orientations qui se préparent pour cette prochaine échéance ? En outre, la Chine n'est plus un pays en voie de développement, mais relève d'une autre nature. Elle continue à être aidée par notre aide publique au développement et elle bénéficie indirectement de nos aides dans un certain nombre de pays. En effet, l'AFD soutient des projets de pays qui peuvent les confier à un certain nombre d'entreprises pouvant être turques, marocaines ou chinoises. Cette situation me semble relever, le mot de naïveté est peut-être un peu fort, mais d'une époque où le doux commerce était la règle. Or, ce n'est plus le cas. Il me semble que nous situons maintenant dans une situation plus compliquée à l'égard de ces pays. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce sujet ?
Je partage en partie les remarques des deux rapporteurs spéciaux. Selon moi, 2022 a surtout été l'année de la suppression du corps diplomatique, qui a fait depuis longtemps de la France le deuxième réseau au monde en termes diplomatique avec une qualité reconnue internationalement et qui donne la garantie d'avoir des serviteurs de l'État impartiaux. Je regrette profondément cette situation. Elle peut avoir des conséquences en termes de qualité du service rendu, même si je ne pense pas que cela se traduise directement en 2022. J'observe que les différentes crises, notamment en Ukraine, ont tout de même révélé des manques d'effectifs pour le réseau diplomatique.
Tout en disant cela, je reconnais bien volontiers, madame la ministre, votre action à la tête du ministère.
Je vous remercie pour votre travail, madame la ministre, et je salue l'augmentation très significative de la mission Action extérieure de l'État.
Le service France Consulaire a été lancé en 2021 pour faciliter la vie de nos concitoyens à l'étranger et il a été expérimenté dans un certain nombre de pays européens. Il doit être généralisé en 2022 et 2023. Quel bilan dressez-vous de ce service, qui permet – si j'ai bien compris – d'allouer un certain nombre de ressources au sein des consulats ?
En outre, nous savons qu'un certain nombre de compatriotes se trouvent dans une situation difficile, en particulier ceux qui souhaitent abandonner la nationalité américaine. Ils ont besoin de soutien et d'aide financière pour le faire, même si le coût pour renoncer à la nationalité américaine a baissé significativement ces derniers temps. Des fonds ont-ils été prévus pour aider ces Français ?
Monsieur Ben Cheikh, au sujet du vote électronique, je maintiens que, dans l'ensemble, le dispositif a bien fonctionné et a permis une augmentation de la participation. Les quelques absences d'envoi de SMS relevés par le Conseil constitutionnel ne sont pas imputables au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, mais aux opérateurs télécoms. Aucun électeur n'a heureusement été empêché de voter et, lors des récentes élections partielles, le processus a bien fonctionné. Nous espérons que cette difficulté est derrière nous, mais là aussi, l'essentiel du suffrage exprimé est venu du vote électronique. Je pense que nous pouvons considérer qu'il s'agit d'une bonne chose pour la démocratie.
Le budget Action extérieure de l'État et les bonnes nouvelles qui ont accompagné les États généraux sont en cours d'examen. Certaines transformations sont déjà engagées par mon administration et nous avons réussi cette année à anticiper considérablement les nominations d'ambassadeurs. Ce matin encore, un nouveau mouvement a été validé par le conseil des ministres. C'est à la fois une bonne chose pour les agents et pour l'État.
En outre, la déconcentration budgétaire s'est accrue cette année au profit des chefs de poste, avec une possibilité pour eux, avec des seuils d'intervention raisonnables et en rendant compte à l'administration centrale, de prendre des décisions pour aider des projets. Le réseau a également vu son animation interne augmenter grâce aux États généraux de la diplomatie et au suivi que j'ai pu en faire. J'ai en effet tenu des réunions plénières avec nos ambassadeurs, notamment sur l'Afrique. Nous avons également renforcé les pilotages transversaux avec un rôle accru pour la secrétaire générale et moi-même. À la fin mars, j'ai par exemple dirigé une réunion associant tous les cadres du Quai d'Orsay, ce qui n'avait jamais été fait.
Nous essayons de mobiliser davantage notre réseau dans les régions, avec les conseils diplomatiques auprès des préfets de région. Il faut en effet rapprocher la diplomatie des territoires. Nous poursuivons cela par le lancement d'une campagne de marque employeur pour faire mieux savoir que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères recrute. Nous obtenons de bons résultats et nous avons pu développer un appel vers les jeunes via le volontariat, que nous allons renouveler et augmenter dans le cadre des décisions prises par le conseil présidentiel du développement.
D'autres décisions seront prises dans le cadre du prochain budget. Nous continuerons le fort investissement sur l'immobilier du ministère, sujet qui avait beaucoup souffert avec les restrictions budgétaires lors des dernières années. Nous en ferons aussi beaucoup plus sur le numérique et la protection contre les cyberattaques. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est en effet la deuxième cible en France des cyberattaques, derrière l'Élysée. Cette situation nécessite donc des dispositifs accrus.
S'agissant des ETP, il faut éviter le saupoudrage et nous sommes en train de travailler à la mise en œuvre des quatre grands chantiers avec une méthode nouvelle. J'ai en effet demandé que l'on me présente, chantier par chantier, en coûts complets, c'est-à-dire ETP et crédits, ce que représentera la poursuite de ce chantier de façon pluriannuelle. Je procéderai ensuite aux arbitrages budgétaires nécessaires, même s'ils ne sont jamais faciles et agréables.
L'enseignement des Français à l'étranger est un sujet qui nous réunit souvent, car la pandémie avait conduit à ne plus se situer sur la trajectoire théorique. Depuis, la reprise est désormais bonne et je crois possible d'atteindre la cible. La question des financements et des accès à l'enseignement français à l'étranger induit celle du nombre des bourses. Le dispositif des aides à la scolarité a permis de soutenir près de 25 000 élèves français dans le réseau scolaire de l'AEFE. Il y a pour autant des difficultés avec la forte inflation mondiale de 2022, entraînant une hausse des frais d'écolage. Tout cela pose évidemment la question de la capacité d'emprunt de l'AEFE. Nous étudierons cette question dans le cadre des politiques prioritaires du Gouvernement et des discussions vont débuter à Bercy à ce sujet.
Vous vous interrogiez sur la possibilité d'avoir une loi de programmation pluriannuelle. Le dispositif retenu par le Président de la République et la Première ministre n'est pas celui d'une programmation, mais d'une trajectoire pluriannuelle, tant pour le budget que pour les emplois, après des années d'attrition, ce qui rendait la charge de travail insupportable au sens propre pour beaucoup d'agents de ce ministère.
Monsieur Le Fur, vous avez relevé la hausse des crédits d'aide humanitaire : la France a désormais pu entrer dans les dix premiers pays en matière d'aide humanitaire dans le monde. Nous étions en retard vis-à-vis de nos aspirations et du rôle qui doit être celui de notre pays. Il est positif que nous ayons pu progresser et nous continuons bien sûr à accompagner les grandes organisations humanitaires. Je ne manque d'ailleurs jamais de rendre visite, lorsque je me déplace, aux responsables de l'Unicef, du CICR, du PAM, etc.
Concernant le Mali, si la décision avait été prise par le gouvernement français de suspendre l'aide au développement de ce pays qui a connu un double coup d'État et qui n'a plus souhaité notre présence – nous sommes partis et nous en avons tiré les conséquences –, l'aide humanitaire était poursuivie par la France et ce sont les autorités de transition – je suis diplomate – qui ont malheureusement pris la décision de l'entraver. La situation est un peu différente au Burkina Faso et nous espérons ne pas en arriver à un tel stade, même si les derniers évènements nous préoccupent et sont une source d'inquiétude au vu de l'insécurité croissante et des tueries concernant des civils.
Le conseil présidentiel du développement, qui s'est réuni il y a quelques jours, a relevé que la politique extrêmement volontariste qui avait suivi l'élection du Président de la République en 2017 avait été couronnée de succès. Nous avions pu en effet fortement augmenter l'aide publique au développement, à hauteur de 50 % entre 2017 et 2022. La France est devenue le quatrième bailleur d'aide publique au développement du monde. Ce bon résultat contribue aux intérêts de notre pays.
La principale nouveauté porte sur le fait qu'on opère une bascule entre des indicateurs géographiques – avec les 19 pays prioritaires qui, selon la loi d'orientation d'août 2021, devaient rassembler à peu près la moitié de l'aide publique au développement et les deux tiers de l'aide passant via l'AFD – et dix objectifs, tels que la lutte contre le changement climatique ou la progression espérée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Tous ces objectifs sont publics et tout ceci est destiné à préparer les décisions qui seront prises sous l'égide de la Première ministre dans le CICID qui devrait se réunir en juin.
La politique de l'AFD, qui n'est pas le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a fait l'objet de beaucoup de questionnements dans le passé concernant la Chine. J'ai bien entendu vos interrogations et, dans le contexte actuel, je les partage.
Monsieur le président, je ne reviens pas sur la grève du 2 juin 2022, dont je pense qu'elle était décidée avant ma nomination au Gouvernement. Je préfère me concentrer sur ce qui a pu suivre, c'est-à-dire peut-être un travail de fond nécessaire pour ajuster les moyens et missions du ministère et de bons résultats à la suite des États généraux de la diplomatie.
La réforme de la haute fonction publique a été effectuée et elle n'affecte pas la nécessité d'avoir des professionnels compétents ni le pouvoir de nomination qui demeure celui du ministre.
Monsieur le rapporteur général, beaucoup de choses ont été faites relativement à France Consulaire. Nous avons mis en place une plateforme de réponse aux appels des Français de l'étranger, car il y avait des difficultés pour répondre aux besoins de nos compatriotes. Elle est accessible depuis 24 pays de l'Union européenne et nous ambitionnons que tous les pays de l'Union européenne puissent y avoir accès à la fin de l'année, ce qui permettrait d'atteindre une couverture de 47 % des Français de l'étranger. Le plan de déploiement se poursuivra en 2024 avec les pays situés sur le même fuseau horaire. Le taux de satisfaction s'élève d'ailleurs à plus de 90 % pour les réponses apportées.
La question des Américains « accidentels » est technique et bien documentée : je vous propose donc de vous faire une réponse manuscrite, car le sujet n'est pas assez connu de moi.
Ce budget démontre la bonne exécution de vos crédits ainsi que l'a montré la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes, tout en faisant preuve de souplesse pour faire face aux crises auxquelles les aléas diplomatiques sont liés, tels que l'Ukraine, les crises alimentaires et les catastrophes naturelles. Globalement, le groupe Renaissance salue un budget qui permet de lutter contre les forces de déstabilisation étrangères ainsi que l'a utilement rappelé la proposition de résolution adoptée hier à l'unanimité visant à considérer le groupe Wagner comme une organisation terroriste. Je salue également la mise en œuvre des États généraux de notre diplomatie qui a enrichi la réforme de la haute fonction publique. De ce point de vue, j'ai constaté dans la note d'exécution de M. le rapporteur des éléments de critique sur le soutien accordé aux Ukrainiens. En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission sur l'asile et l'intégration, j'ai plutôt tendance à considérer que l'accueil de nos compatriotes ukrainiens s'est déroulé dans de bonnes conditions.
Je salue également le volontarisme du Gouvernement depuis 2017 en matière d'aide publique au développement, avec une augmentation de presque 100 % des crédits de paiement. Sans remettre en cause le niveau budgétaire affecté à cette politique, madame la ministre, pourrait-on envisager de rebudgétiser les ressources extrabudgétaires qui lui sont allouées à travers la taxe de solidarité sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières ? Comment comptez-vous lutter mieux encore, au travers des crédits et ETP qui vous sont alloués, contre la désinformation au détriment de nos compatriotes et certains groupes qui exacerbent le sentiment anti-français, singulièrement en Afrique ?
La France a toujours tenu un rôle important dans les relations internationales, mais au fil des années et de la politique menée par Emmanuel Macron, la diplomatie française est devenue peu lisible, voire brouillonne. La France ne se dotant pas de moyens suffisants pour rayonner à l'étranger, elle a perdu en crédibilité et en influence, ce que je déplore. C'est en temps de crise qu'on met à l'épreuve un système et la guerre en Ukraine a mis en exergue les limites de notre représentation à l'étranger. En effet, le manque d'effectifs du réseau diplomatique et consulaire a rendu chaotique la gestion de nos compatriotes expatriés et des réfugiés ukrainiens.
Le Président Emmanuel Macron a beau affirmer vouloir renforcer notre influence internationale, nous constatons que le budget destiné à l'action extérieure de l'État est insuffisant pour répondre aux grandes ambitions présidentielles. Entre réduction des effectifs consulaires et réforme du corps diplomatique, le malaise au ministère de l'Europe et des affaires étrangères est perceptible et se ressent dans la politique extérieure de la France. Ce malaise fragilise notre influence à tel point que le président comorien a affirmé à l'ONU que Mayotte appartenait aux Comores. Cette revendication territoriale s'est faite juste après que la France, dans sa grande largesse, leur ait fait un chèque de 150 millions d'euros. Pire, cette subvention s'est faite alors que le président comorien déclarait déjà en 2019 qu'il ne reconnaissait pas l'autorité du préfet de Mayotte. Malgré ces affronts successifs, la France n'a ni convoqué l'ambassadeur ni réagi officiellement. La France ouvre son portefeuille pour soutenir des États qui remettent son autorité territoriale en cause, mais elle se montre pingre envers nos compatriotes mahorais qui auraient – j'en suis sûr – bien aimé bénéficier de ces 150 millions d'euros. L'ingérence comorienne ne connaît pas de limite et interfère dans les affaires françaises en réclamant l'annulation de l'opération Wuambushu et en affirmant que les Comoriens sont chez eux à Mayotte.
Mes questions sont simples. La France apparaît aux yeux du monde comme un État faible et peu respecté. Quelle est donc notre crédibilité sur la scène internationale quand nous nous montrons si faibles par rapport à une petite nation comme les Comores ? Madame la ministre, quand allez-vous réellement prendre des sanctions contre les Comores ? La France compte-t-elle continuer à donner des millions d'euros à cet archipel qui n'a de cesse de provoquer la France ? Quand allez-vous lancer un plan de réarmement des effectifs consulaires pour asseoir notre influence ? Quelles sont les répercussions concrètes de la réforme du corps diplomatique voulue par le Président Macron ?
En tant que corapporteur de la mission d'information sur la suppression des corps diplomatiques, je ne répéterai pas ici mon avis. J'ai toutefois noté que vous considériez que la crise de votre ministère déclenchée par la réforme des corps diplomatiques n'était pas vraiment de votre ressort. Vous êtes en effet arrivée pendant la crise.
En attendant, si les États généraux de la diplomatie ont marqué quelques avancées, ils ne semblent pas de nature à résoudre une crise grave et qui a secoué le ministère comme rarement auparavant dans son histoire. Si ces États généraux ont pu représenter des avancées à certains égards, ils ne rassurent pas sur un certain nombre de points. S'agissant des offres de reclassement, les syndicats et les diplomates les plus concernés parlent notamment d'offres qui vont d'intéressantes à indécentes. Pouvez-vous donner plus d'éléments sur ces reclassements ?
Ces États généraux ont également représenté une tentative d'atténuation de la colère en annonçant des augmentations de dotations du ministère. Il s'agit en effet du ministère qui a subi le plus l'austérité depuis trente ans et qui a fourni le plus d'efforts pour répondre à des enjeux austéritaires – que je ne partage pas. Quelles garanties allons-nous avoir pour que les 700 équivalents temps plein annoncés par le Président à horizon 2027 soient des équivalents temps plein de qualité, pérennes ? Les 106 ETP du budget 2022 ou 2023 étaient-ils principalement des contrats d'apprentis. ? Je n'ai cependant rien contre les apprentis. Par ailleurs, les 20 % de hausse du budget qui ont été annoncés tiennent-ils compte de l'inflation ?
Madame la ministre, comme vous le savez, l'objectif en commission des finances est double : s'intéresser à la question de l'exécution budgétaire sur l'exercice passé et mettre la focale, à travers le printemps de l'évaluation, sur un certain nombre de points de politique publique qui peuvent nous intéresser. C'est à cette occasion que je me concentre sur la question franco-allemande. Le point névralgique a été le traité de l'Élysée, qui a été complété avec une volonté de coopération renforcée avec le traité d'Aix-la-Chapelle. Je voudrais me concentrer sur deux points précis de ce traité.
Celui-ci prévoit la mise en place de neuf instituts culturels franco-allemands intégrés. Pourquoi cette mise en place patine-t-elle ? Comment envisagez-vous l'évolution sur ce point à l'avenir ?
Par ailleurs, l'enseignement de nos deux langues me semble important, de même que la manière dont notre langue est enseignée en Allemagne. Entre ce que dit le traité et la mise en œuvre, l'écart est assez important, car le nombre de locuteurs baisse du côté allemand comme du côté français. Que compte faire le ministère pour faire évoluer la situation dans le bon sens ?
L'année 2022 a été marquée, pour votre ministère, par la guerre en Ukraine et je salue l'engagement exemplaire de vos agents qui ont su une nouvelle fois être au rendez-vous de l'urgence. Je pense notamment, de manière non exhaustive, aux personnels locaux expatriés des ambassades ukrainiennes, polonaises, roumaines, moldaves ainsi qu'à tous ceux du centre de crise et de soutien. Sans surprise, cette situation a bouleversé le budget de la mission Aide publique au développement pour l'année 2022. La conjoncture économique qui en découle a également pesé sur l'exécution budgétaire de celle-ci ainsi que sur la mission Action extérieure de l'État. Le coût de la bonification des prêts a augmenté de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement, les portant ainsi à 1,05 milliard d'euros. Quelle est la perspective pour cet outil fort de politique publique que sont les prêts bonifiés de l'AFD aux états étrangers ?
Nous nous interrogeons également sur les risques de change auxquels sont exposés 2 milliards de crédits d'action extérieure de l'État. La Cour des comptes souligne ainsi que la baisse des contributions obligatoires aux opérations de maintien de la paix a généré des économies moindres du fait de la dégradation du change euro-dollar. Des mesures ont été prises pour les budgétiser depuis la lettre plafond du Premier ministre en 2019. Quel bilan en tirez-vous ?
Néanmoins, la mission Action extérieure de l'État a été exécutée de manière stable malgré ce contexte, avec une consommation des crédits de paiement s'élevant à 97,7 % des crédits disponibles. Nous notons tout de même, pour Expertise France, une consommation de seulement 1,324 million sur les 2,3 millions que prévoit la loi de finances initiale en raison des difficultés de recrutement. Enfin, on peut également regretter l'absence d'indicateurs concernant la francophonie, qui doit rester une priorité de la diplomatie d'influence et culturelle.
Quel est le bilan exhaustif de l'aide apportée à l'Ukraine au cours de l'année 2022 ? J'ai entendu parler du chiffre concernant l'aide humanitaire, qui concerne directement votre périmètre, mais j'ai l'espoir que vous pourrez nous donner d'autres chiffres, car la consolidation de toutes les dépenses relatives à la présence française en Ukraine n'apparaît pas de manière très claire. En outre, à l'occasion du programme national de relance et de résilience, l'Union européenne doit verser plus de 40 milliards d'euros à la France. Je crois savoir qu'au moment où je parle, 12,5 milliards d'euros ont été versés. Quand la France encaissera-t-elle le reste ? L'Union européenne y met-elle des conditions nouvelles ?
La gestion des 3 milliards par an qui sont ceux de votre mission est bousculée par les variations du taux de change. Quelle suite comptez-vous donner à la recommandation de la Cour des comptes de mettre systématiquement en œuvre le dispositif avec l'Agence France trésor ?
Par ailleurs, nous savons que toute une série de ventes a été opérée, que le Sénat avait critiqué cette politique et qu'un comité de programmation immobilière a été instauré. Pouvez-vous nous apporter quelques lumières sur l'évolution de cette affaire ?
En outre, quel est l'état de l'enseignement du français en Ukraine et en Russie, puisque 800 000 euros avaient été affectés à cet enseignement ?
Enfin, concernant l'aide publique au développement, nous savons qu'un mécanisme a été créé pour restituer les « biens mal acquis » par les dirigeants de pays lésés. Pourtant, les documents budgétaires indiquent que le programme 370 est toujours inactif. Peut-être serait-il judicieux de lui donner un peu d'activité.
Kosovo, Maroc, Algérie, Côte d'Ivoire, Cameroun, Madagascar et Albanie sont des pays qui bénéficient du soutien financier de la France. Si l'on met en regard les pays parmi lesquels les taux d'exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF) sont les plus bas, on retrouve ces mêmes pays, avec plus de 90 % des obligations de quitter le territoire français pour des personnes qui sont venues illégalement et qui ne peuvent pas bénéficier du statut de réfugié. Dans certains de ces pays, moins de 5 % des OQTF sont exécutées, la plupart du temps faute de pouvoir obtenir les laissez-passer consulaires. C'est à la fois un problème de respect de nos frontières et de respect du droit français, y compris par ces pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants qui ont pourtant violé nos lois. C'est aussi un problème d'efficacité de la dépense publique. Lorsqu'on soutient le développement dans ces pays, la moindre des choses est qu'on puisse avoir, sur le plan de la clandestinité, des collaborations efficaces. Je peux rajouter les Comores, qui font tristement l'actualité ces derniers jours, à liste de ces pays. Pensez-vous qu'on puisse enfin conditionner l'octroi de l'aide publique au développement à l'octroi de laissez-passer consulaires ?
Je vous remercie pour vos mots, monsieur Lefèvre, sur la bonne exécution du budget. Nous essaierons de faire aussi bien l'an prochain. Beaucoup de débats ont déjà eu lieu sur les sujets de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et sur la taxe sur les transactions financières depuis quelques années. Nous ne sommes cependant pas favorables à la budgétisation de ces ressources extrabudgétaires. C'est le principe même des financements innovants que de ne pas être fondus dans le budget général de l'État.
Au sujet de l'influence stratégique et des manipulations de l'information, il faut bien sûr renforcer notre influence, c'est-à-dire muscler notre communication stratégique. Depuis un an et demi, nous avons augmenté les moyens de la direction de la communication et de la presse, avec un nombre d'agents qui a crû et qui va croître l'an prochain. De plus, nous avons créé une sous-direction particulière dédiée aux manipulations de l'information et à la veille. Il faudra recruter encore davantage pour effectuer une veille 24 heures sur 24. Nous ne sommes en effet pas en mesure de l'assurer à l'heure actuelle ; or plus nous détectons tôt un certain nombre de manipulations, plus nous pouvons réagir rapidement. Nous devrons également muscler notre politique culturelle en nous appuyant sur notre réseau d'instituts, et en ouvrir si nous le pouvons, afin de raviver ces structures qui avaient été affaiblies par des décennies de coupes budgétaires. Il faudra également éviter le saupoudrage et privilégier quelques domaines dans le cadre des nouveaux moyens qui nous sont alloués, comme la coopération éducative, la diplomatie scientifique et universitaire ou les industries culturelles et créatives. Nous continuerons également de privilégier certaines zones géographiques, comme celle du continent africain, tout en investissant un peu plus dans l'Indopacifique. L'action de long terme devrait permettre de restaurer progressivement notre image et nous met d'ores et déjà en mesure de mieux détecter et répondre aux attaques informationnelles dont nous sommes l'objet.
Le groupe Rassemblement national a posé des questions sur Mayotte. Monsieur le député, vous savez très bien que Mayotte est française et que les Comores considèrent les choses autrement. La diplomatie française est active et réussit depuis 1994 à éviter que cette question soit présentée par les Comores aux Nations Unies, où je ne suis pas assurée que nous aurions la majorité. Un important travail de fond est en effet réalisé depuis trente ans. Je me dois de préciser ou corriger vos propos, car il ne s'agit pas de 150 millions de dons ou de subventions, mais d'un plan de développement pluriannuel des Comores, conclut en 2019 jusqu'à 2022 inclus. Il suppose des projets, des appels à projets, des appels d'offres et un engagement de l'AFD. Sur les 150 millions, qui n'ont rien à voir avec des subventions, un peu moins de 13 millions ont été décaissés. Le reste a fait l'objet d'études et de projets identifiés et sera amené à se développer au fur et à mesure de la capacité des Comores à réaliser ces projets.
Enfin, le ministre de l'intérieur et moi-même avons réuni hier nos homologues des Comores. Nous avons pu nous mettre d'accord sur un communiqué conjoint qui est public. Je vous en suggère la lecture pour que vous puissiez voir qu'il y a une intention commune d'entretenir une meilleure coopération.
Monsieur Le Gall qualifiait curieusement des reclassements pour lesquels la plupart des agents ont pu émettre des options qu'ils doivent lever avant la fin de l'année. Je pense que ceux qui vous informent le font peut-être inexactement, monsieur le député. Les agents sont appelés à exercer leur droit d'option et ils ont toute l'année pour le faire. Je pense que leur choix indiquera ce qu'ils ont pensé des propositions de reclassements qui leur sont faites.
J'entends les critiques que vous continuez d'adresser sur la réforme de la haute fonction publique. Je répète que celle-ci ne porte atteinte ni aux métiers ni aux besoins d'une fonction publique diplomatique de profession ni au pouvoir de nomination du ministre. De plus, aucun ministre des affaires étrangères n'est parvenu à obtenir les moyens qui étaient nécessaires pour ce ministère depuis trente ans et qui sont en cours de définition. Il vous reviendra de les approuver et de les augmenter si vous le souhaitez. Au sujet des ETP, les recrutements sont en cours et les 40 apprentis que vous évoquiez s'ajoutent aux 106 ETP prévus dans la loi de finances 2023.
La hausse prévue et espérée du budget permet de tenir compte de l'inflation et de financer les créations d'emplois ainsi que les nouvelles actions que nous souhaitons mener.
Monsieur Hetzel, vous vous demandiez pour quelle raison le nombre prévu d'instituts culturels franco-allemands n'avaient pas encore été ouverts. Ce retard tient à la pandémie et à l'absence de moyens. Nous retrouverons davantage de moyens pour procéder à ces ouvertures en 2023 et lors des années suivantes.
Par ailleurs, il y a effectivement une baisse des locuteurs et nous devons en faire davantage pour rendre ces langues plus attractives. Dans le cadre de notre diplomatie culturelle et d'influence renouvelée et accrue grâce à ces nouveaux crédits dont nous espérons que le Parlement voudra bien les voter, j'ai tout à fait l'intention de mettre une action supplémentaire sur l'apprentissage de l'allemand et sur des programmes de coopération à l'apprentissage du français en Allemagne.
Monsieur Laqhila, je vous répondrai par écrit sur les prêts bonifiés et les risques de change afin de ne pas être trop longue, car le sujet est technique.
Monsieur Jolivet, en 2022, le soutien français à l'Ukraine et sa population s'est matérialisé par une aide humanitaire de 200 millions d'euros et une aide économique et financière qui est possible jusqu'à 1,7 milliard d'euros, dont 1,2 milliard de garanties à l'export. Tout n'a pas été décaissé, mais il est possible de s'engager à cette hauteur. Il y a également 400 millions d'euros de prêts budgétaires directs et 100 millions d'octrois de garantie à la Berd. Une aide judiciaire, que nous apportons aux juridictions ukrainiennes et à la cour pénale internationale, s'y ajoute à hauteur de 500 000 euros. L'accueil des réfugiés repose quant à lui souvent sur les collectivités locales et les familles. Je veux d'ailleurs saluer le bon accueil qu'ont trouvé les familles ukrainiennes en France et, en particulier, les très bons résultats en matière de scolarisation des enfants ukrainiens qui sont accueillis dans nos écoles. Par ailleurs, nous accordons une aide à travers l'Union européenne et les banques multilatérales, comme la Berd ou la Banque européenne d'investissement. Nous sommes des actionnaires de premier rang de ces deux banques.
S'agissant du PNRR, nous avons reçu une première tranche de 12,5 milliards d'euros et nous attendons une seconde tranche cette année de 2,7 milliards d'euros, dans le cadre du programme à hauteur de 40 milliards.
Monsieur Castellani, la décision sur les « biens mal acquis » relève de la justice. Les décisions de justice ne sont pas définitives en la matière. Ce sont évidemment des délais qui échappent au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Pour 2023, nous attendons le résultat de la première décision définitive. À l'heure actuelle, nous avons 6 millions d'euros de recette à fin 2022 qui seront inscrits lors de la prochaine loi de finances rectificative 2023.
Monsieur Di Filippo, une aide remplit une fonction de solidarité et elle est assez indépendante de la gestion des flux migratoires. Il n'y a pas lieu de faire un lien entre l'aide au développement avec une fonction de solidarité, qui dépend du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et les OQTF. On pourrait imaginer de faire un lien entre l'aide budgétaire qui ne relève pas de mon ministère et certaines pratiques de certains de nos partenaires.
Aujourd'hui, les crédits de paiement augmentent de 96 % à périmètre constant pour l'aide publique au développement, soit pratiquement 100 % de progression, ce qui est colossal. Le Président de la République s'était engagé à porter l'APD française à 0,55 % du RNB. Elle atteint un taux de 0,56 % : nous nous situons donc plutôt dans les engagements qui avaient été pris. Allons-nous conditionner les aides à certains pays, notamment à tous ceux qui n'acceptent pas le retour de leurs ressortissants illégalement arrivés sur notre territoire ? Je pense que ce sujet préoccupe énormément nos concitoyens.
Je distingue l'aide de solidarité relevant du programme 209, qui relève de mon ministère, de celle du programme 110, qui a trait notamment à l'aide budgétaire, dans laquelle on peut imaginer prendre en compte la politique des pays sous plusieurs angles, dont celui-ci. Nous sommes en effet passés à 0,56 % – je crois que c'est un record pour la France –, avec un volume d'un peu plus de 15 milliards d'euros.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 17 heures 15
Présents. - M. Karim Ben Cheikh, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Mathieu Lefèvre, Mme Véronique Louwagie, M. Kévin Mauvieux, Mme Sophie Mette, M. Alexandre Sabatou
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet
Assistait également à la réunion. - M. Arnaud Le Gall