La politique d'aide publique au développement en France confirme en 2022 la tendance haussière qui est la sienne depuis 2017. À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission Aide publique au développement ont crû de 96 % depuis 2017. La croissance continue des moyens alloués à cette politique nous permet de consacrer en 2022 0,56 % de notre RNB à l'aide publique, soit 15 milliards d'euros au total, dépassant l'objectif de 0,55 % fixé par le Président de la République pour cette même année. La mission budgétaire Aide publique au développement constitue une partie de cet ensemble : elle assure 58 % de l'effort national en faveur de l'aide. Elle comprend quatre programmes, dont les deux principaux sont le programme 110, qui relève de la direction générale du Trésor, et le programme 209, qui relève directement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Les dépenses de la mission dans son ensemble atteignent 6,07 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse d'un peu plus de 8 % par rapport à 2021, et 5,08 milliards d'euros en crédits de paiement à l'échelle des programmes historiques de la mission. Les programmes 110 et 209 augmentent, en crédits de paiement, de 17,9 % par rapport à 2021.. Ces bons résultats sont dus à une politique volontariste très explicite et que j'approuve, mais ils s'expliquent également par le fait qu'il faut tirer les conséquences de l'instabilité du monde. Je constate d'ailleurs qu'une majorité de pays continue à augmenter leurs aides, en particulier les États-Unis. Au contraire, deux types de pays suivent une trajectoire différente, à savoir le monde scandinave, dont les aides stagnent, et le Royaume-Uni, dont les aides baissent sensiblement. Paradoxalement, et malgré l'importance de notre aide et la baisse de l'aide britannique, des pays africains francophones comme le Gabon et le Togo aspirent à rejoindre le Commonwealth.
La croissance des crédits de la mission ainsi que la surexécution des crédits de paiement est portée en partie par notre aide humanitaire – j'ai d'ailleurs toujours insisté sur la nécessité de les augmenter en ma qualité de rapporteur. Je constate la nette augmentation, qui est due aux crises et à une volonté très explicite. 200 millions d'euros d'aide humanitaire supplémentaires ont été dépensés au bénéfice de l'Ukraine. D'après mon calcul, le total de l'aide apportée à l'Ukraine atteint environ 1,9 milliard d'euros, dont 1,7 milliard d'euros d'aide financière en sus de l'aide humanitaire que je viens de mentionner. Je signale également la montée de notre contribution au programme alimentaire mondial (PAM), ce qui est très positif. Nous étions parmi les tout derniers il y a quatre ou cinq ans et nous sommes désormais dans les cinq ou six premiers donateurs, ce qui nous redonne de la crédibilité. Ces dépenses supplémentaires ont été en partie financées par le dégel de la réserve de précaution, mais aussi par des crédits supplémentaires alloués à l'occasion des lois de finances rectificatives, cellede décembre 2022 en particulier.
Madame la ministre, j'appelle votre attention sur la nécessité d'accompagner les grandes organisations humanitaires, telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui est souvent la dernière organisation présente au plus près du front. En outre, la diplomatie et la géopolitique ont des effets très concrets sur notre aide publique au développement. Je signale que notre activité a désormais complètement cessé au Mali. Même nos ONG ne sont plus autorisées par le gouvernement malien à ce jour. C'était pourtant un des pays les plus prioritaires de la bande sahélienne. Nous avons une tout autre attitude au Burkina Faso, où aucune décision n'a encore été prise quant à une potentielle interruption notre aide, aussi bien directe que par le biais de nos ONG.
S'agissant du programme 110, la hausse des taux d'intérêt complique la situation, notamment vis-à-vis de la dette accordée à des États étrangers. Les sujets qui nous attendent, comme celui du Soudan, seront très lourds dans les années à venir et il a fallu encore plus augmenter le compte de réserve de l'AFD, qui constitue une forme de matelas de sécurité de l'AFD lui permettant d'être plus active en matière d'aide publique au développement. La hausse des taux d'intérêt entraîne également des conséquences pour la mission budgétaire, car il faut davantage de crédits de bonification versés par l'État pour produire la même quantité d'aide publique au développement par l'octroi de prêts. Si cette hausse se poursuivait, elle entraînerait des conséquences très visibles sur les montants et l'efficacité de notre aide.
Par ailleurs, le conseil présidentiel pour le développement du vendredi 5 mai préfigure le prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) : pourriez-vous nous préciser les orientations qui se préparent pour cette prochaine échéance ? En outre, la Chine n'est plus un pays en voie de développement, mais relève d'une autre nature. Elle continue à être aidée par notre aide publique au développement et elle bénéficie indirectement de nos aides dans un certain nombre de pays. En effet, l'AFD soutient des projets de pays qui peuvent les confier à un certain nombre d'entreprises pouvant être turques, marocaines ou chinoises. Cette situation me semble relever, le mot de naïveté est peut-être un peu fort, mais d'une époque où le doux commerce était la règle. Or, ce n'est plus le cas. Il me semble que nous situons maintenant dans une situation plus compliquée à l'égard de ces pays. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce sujet ?