La réunion

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Jeudi 30 mars 2023

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Raphaël Schellenberger, président de la commission)

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Nous arrivons au terme de nos travaux. Pendant ces six mois, nous avons procédé à 88 auditions et travaillé 150 heures en commission ; ce sont plus de 5 000 pages de contributions qui ont été analysées par le rapporteur.

Je remercie ce dernier et l'ensemble des membres de la commission d'enquête pour la qualité de nos échanges et l'ambiance dans laquelle nous avons travaillé. Je vous sais gré de votre assiduité alors que l'agenda parlementaire est fait d'injonctions contradictoires. Dans une période où le Parlement est regardé de façon critique, cette façon de procéder peut redorer le blason de notre maison.

Je remercie également les fonctionnaires de l'Assemblée nationale qui ont accompagné nos travaux. Nous pouvons nous réjouir de disposer d'une fonction publique parlementaire de cette qualité.

Je remercie aussi les personnalités qui ont répondu à notre invitation, qu'ils viennent du monde industriel, scientifique ou administratif, ainsi, évidemment, que les deux anciens Présidents de la République qui se sont présentés devant nous alors que ce n'est pas l'usage sous la Ve République. Leurs auditions ne sont pas les plus techniques que nous ayons menées, mais elles ont permis de contextualiser le cadre des décisions relatives à l'énergie et de montrer que ce sujet stratégique est traité au plus haut niveau de l'État.

Le contexte dans lequel nous avons travaillé était particulier : une situation très tendue en Europe à la suite de la guerre en Ukraine ; la réactivité des acteurs français face à elle, en dépit des difficultés de notre parc électronucléaire ; les mouvements sociaux principalement liés à la réforme des retraites, qui n'ont cependant pas perturbé nos auditions ; les travaux parlementaires concomitants sur les questions d'énergie, avec deux projets de loi et la déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique.

Nos travaux étaient ainsi au cœur de l'actualité, et ils ont été particulièrement suivis. Je suis convaincu qu'ils ont déjà permis de faire bouger certaines lignes. J'espère que ce dont nous nous apprêtons à débattre laissera une trace et servira de guide pour les décisions à venir.

Moi qui n'ai pas toujours été un fervent partisan du renforcement de la transparence, qui risque d'inciter à faire du théâtre plus qu'à travailler, je constate que la publicité de nos travaux et leur diffusion en direct ne nous ont pas fait tomber dans ce piège. Ce sérieux leur a permis d'être particulièrement remarqués, dans le milieu tant politique qu'énergétique.

Je remercie à nouveau le rapporteur de la qualité de son travail, mais aussi des bonnes relations que nous avons entretenues.

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Je salue l'initiative du groupe Les Républicains, qui a demandé la création de cette commission d'enquête. Elle a en effet eu un écho particulier en raison du contexte. Si l'on ne peut se féliciter d'une crise potentielle, nous pouvons nous réjouir du fait que l'actualité ait ainsi permis de mettre en lumière un sujet aussi crucial, qui est souvent passé sous les radars.

Je remercie le président de la manière dont il a animé nos débats, parfois très tard le soir ou des heures durant. Chacun, notamment le rapporteur, a pu poser toutes ses questions et il nous a été possible d'avoir des interactions avec les personnes auditionnées – ce qui est assez rare – pour leur demander une confirmation ou la réponse à une question oubliée.

Je remercie à mon tour l'ensemble des services de l'Assemblée. Cela ne m'empêche pas d'endosser la responsabilité de chaque ligne du rapport. Certains des responsables politiques que nous avons auditionnés renvoyaient vers leurs anciens directeurs de cabinet, des hauts fonctionnaires ou des administrateurs pour tenter de justifier telle ou telle décision, mais c'est tout à l'honneur du politique que de prendre ses responsabilités, si essentiels que soient les appuis dont il bénéficie.

Le rapport reflète autant que possible les auditions, en y intégrant les sujets évoqués spontanément par les membres de la commission d'enquête. Il se fonde aussi sur les près de 5 000 pages de documents qui m'ont été transmises. Nous avons également intégré des thèmes très peu abordés au cours de nos travaux du fait des personnes auditionnées et de l'objet initial de la commission d'enquête : la dépendance aux énergies fossiles, la sobriété énergétique, l'efficacité. Le fait que certains thèmes, comme les énergies renouvelables non électriques, apparaissent très peu dans les auditions et dans les documents transmis est en soi symptomatique de la manière dont on a construit les politiques énergétiques pendant des décennies : en se focalisant sur un mix électrique, par ailleurs très décarboné.

Parmi les documents qui nous ont été envoyés, nous avons reçu en début de semaine les deux rapports déclassifiés que nous avions demandés : le « rapport Roussely » de 2010 – qui n'apporte aucune nouveauté par rapport à la synthèse publique dont nous disposions déjà – et le « rapport d'Escatha-Collet-Billon » de 2018 – qui était classé confidentiel-défense, m'a été transmis dans une version très caviardée du fait de l'imbrication du civil et du militaire et est difficile à exploiter, sachant que les conclusions qui en ressortent correspondent exactement à ce qui avait fuité dans la presse sur l'idée de construire une nouvelle paire de réacteurs et sur l'importance de prendre en compte l'état du parc.

Nous avons collecté toutes les auditions et les documents reçus pour dresser un état des lieux qui s'appuie autant que possible sur des données. Il s'agit d'abord de définir les termes d'indépendance et de souveraineté énergétiques pour éviter tout mythe à ce sujet : si l'on peut et doit viser la souveraineté énergétique entendue comme la réduction des dépendances, des vulnérabilités et la capacité à insérer le modèle français dans un cadre européen et international, il n'est pas question de rêver à une autosuffisance magique. Nous prenons l'exemple de la Norvège, de l'Estonie et des États-Unis pour montrer que les pays où le taux d'indépendance énergétique est très élevé n'ont pas un modèle souhaitable ou réplicable en France.

Cela n'empêche pas qu'il faut travailler sur la question de la souveraineté. C'est donc selon ce prisme que nous nous efforçons ensuite de décrire les différents types de production énergétique – et non simplement électrique – en France, en indiquant pour chacun les volumes de production, les sources de vulnérabilité, les progrès et l'historique, mais aussi les aspects industriels, car toute production d'énergie appelle un soubassement industriel pour que le modèle perdure et atteigne ses objectifs – c'est l'une de nos grandes conclusions.

Voilà aussi pourquoi j'ai choisi de parler du retard pris en matière de souveraineté énergétique, plutôt que de la perte d'une souveraineté que nous aurions détenue et qui n'aurait fait que se dégrader au fil des décennies, ce qu'aucun chiffre ni fait n'attestent. Ce que l'on constate, c'est qu'année après année, à chaque jalon, chaque point de passage, on prend un peu de retard en matière de sobriété et d'efficacité énergétiques, de décarbonation vis-à-vis des énergies fossiles, d'énergies renouvelables thermiques, puis d'énergies renouvelables électriques, et également s'agissant du parc nucléaire. C'est cet ensemble qui crée le retard accumulé.

La deuxième partie du rapport fait le récit, le plus fidèle possible aux auditions, de ce à quoi nous avons assisté. Les quinze premières années considérées apparaissent comme une période de latence pendant laquelle beaucoup de choses auraient pu et dû être faites, ce qui nous aurait évité d'être ensuite dans l'urgence. Il s'agit de la décennie post-Fukushima, où se posent les questions des énergies renouvelables électriques et de l'énergie nucléaire. La loi de 2015, dont on a beaucoup parlé, n'en est qu'un épisode. Le gros retard que nous prenons alors concerne moins le nucléaire que les renouvelables électriques. Les politiques publiques indiquent que l'on va sortir progressivement du nucléaire et développer ces énergies, mais on n'est pas en mesure de les déployer. C'est un vrai problème pour la souveraineté et pour la sécurité d'approvisionnement.

En ce qui concerne la décennie suivante, j'ai apporté à la version du rapport que vous avez pu consulter trois modifications formelles mais qui ont une importance quant au fond. Il s'agit de « durcir » le constat sur trois points : pour regretter la décision de fermeture de Fessenheim et sa méthode ; pour signaler que l'abandon, après Astrid, de toute forme de recherche sur la quatrième génération – d'après les documents reçus du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) –, au profit d'un multirecyclage qui n'a pas les mêmes propriétés, me paraît problématique ; pour souligner l'urgence de réformer le marché européen, depuis les années 2016-2018 et plus encore dans la période récente – c'est quand les prix s'élèvent qu'on voit les dysfonctionnements de ce marché et que des entreprises comme EDF sont le plus touchées.

Si nous présentons ces erreurs, ce n'est pas pour pointer des responsabilités individuelles, ce qui nous distrairait de l'essentiel : c'est dans le temps long que le processus s'opère ; les erreurs sont cumulées, combinées et multiples et émanent des entreprises, des pouvoirs publics et de la filière.

Nous formulons une trentaine de propositions, qui reposent sur une idée centrale : remettre le Parlement au centre de la décision politique en matière d'énergie, car c'est par une décision parlementaire que l'on a le plus de chances de construire du consensus à long terme, ce qui est indispensable pour ne pas remettre nos grandes orientations en cause tous les cinq ou sept ans. À cet égard, des propositions institutionnelles sont faites, mais il est de notre responsabilité à chacun de nous emparer du sujet pour faire vivre ce débat au Parlement.

Suivent des propositions plus sectorielles, par secteur énergétique, avant que soient abordées les compétences. Nous avons eu ces derniers mois des débats animés sur la rénovation énergétique, les énergies renouvelables et le nucléaire ; chaque fois, cette question revient comme une litanie. Comment former, comment attirer des jeunes vers ces métiers, comment permettre aux personnes qui travaillent dans ces filières de progresser dans leur carrière ? C'est indispensable à une politique industrielle.

Nous avons procédé avec beaucoup de prudence. Dans le rapport, toutes les prises de position sont étayées et sourcées ; quand elles ne le sont pas, c'est qu'elles émanent d'un document qui m'a été transmis – sans quoi je le précise, non pour mettre en défaut qui que ce soit mais pour établir cette absence de données. Par exemple, il n'y a jusqu'aux années 2016 à 2018 aucune trace visible année par année de l'impact de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) dans les comptes d'EDF. Cela ne veut pas dire que cet impact n'existe pas, simplement qu'EDF n'a pas été capable de transmettre un document en ce sens. Ma responsabilité de rapporteur était non pas d'écrire que l'Arenh – dispositif que je critique par ailleurs abondamment – a de tout temps été un coût pour EDF, mais d'indiquer que les déclarations en ce sens n'ont pas été étayées par des documents.

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Merci au président, au rapporteur et à tous ceux qui ont participé à ces travaux de longue haleine, lesquels ont permis de mettre en relation différents points, de restituer un contexte et d'éclairer des zones d'ombre. Certaines orientations qui n'ont pas été prises dans le passé méritent d'être remises au goût du jour. Les propositions formulées sont tournées vers l'avenir.

Le rapport constitue un document qui fera référence pour les décisions futures et pour la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie. La couverture médiatique de nos travaux en témoigne.

On est frappé du contraste entre la rapidité d'exécution des politiques énergétiques à leur tout début, au XXe siècle, et les doutes et obstacles auxquels leur déploiement s'est de plus en plus heurté ; il faut y remédier dès que possible.

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Je salue un travail colossal et remarquable. Les auditions ont passionné tous les Français qui s'intéressent aux questions d'énergie et qui attendent le rapport avec impatience.

Que direz-vous du mix électrique dans la synthèse du rapport ? Le résultat est un énorme gâchis. Est-ce sur le processus de décision que vous allez insister ?

Je note des propositions très fermes, comme l'arrêt immédiat de l'Arenh.

Concernant Astrid, il me semble qu'il manque un élément : si l'on voulait continuer sur cette voie, il fallait créer une filière complète, amont et aval, du combustible, incluant le traitement des déchets. Il ne s'agissait pas seulement de faire tourner un réacteur, mais de garantir tout un cycle, à un moment où l'on voulait stabiliser d'autres aspects de la filière.

Un point qui m'a beaucoup intéressée lorsque nous avons entendu les représentants du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) est la raréfaction de certains matériaux et la nécessité de sécuriser les approvisionnements stratégiques au niveau européen. Je ne l'ai pas retrouvé dans vos propositions, mais peut-être figurera-t-il dans la synthèse.

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Je salue moi aussi la masse de travail abattue. Je regrette que les auditions se soient tenues en même temps que l'examen de deux textes de loi sur l'énergie.

Nos travaux ont montré l'importance de la transparence et de la démocratie, notamment au sujet du nucléaire, qui ne représente toutefois qu'un aspect des questions énergétiques. La souveraineté, c'est d'abord la souveraineté populaire. Il faut faire participer non seulement les représentants de la nation, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, mais l'ensemble de nos concitoyens.

L'indépendance vis-à-vis des énergies fossiles a été abordée, mais peut-être pas suffisamment.

Nous avons travaillé sur les notions d'indépendance et de souveraineté, mais les personnes auditionnées ont plutôt insisté sur la nécessité de réduire la vulnérabilité et sur le fait que la vraie souveraineté résulte dans notre capacité à faire des choix indépendants et éclairés.

Nous sommes d'accord avec le rapport sur plusieurs points : la nécessité de tenir compte du temps long pour faire des prévisions et planifier ; la critique virulente de l'Arenh et de la loi Nome (portant nouvelle organisation du marché de l'électricité) ; la proposition d'une quasi-régie publique pour les barrages ; le constat d'un manque d'anticipation de la part de la filière nucléaire.

Concernant ce dernier point, il y a tout de même un cadavre dans le placard : alors même que le film La Syndicaliste est sorti il y a peu, à aucun moment il n'a été dit que si la filière est en difficulté, ce n'est pas le fait de militants écologistes mais parce qu'à l'époque où M. Oursel dirigeait Areva et M. Proglio EDF, il y aurait eu un accord avec les Chinois, dénoncé par Mme Maureen Kearney – la fameuse syndicaliste, ce qui lui a valu de subir ce que l'on sait – et confirmé aujourd'hui par les faits. Il est dommage que cet élément majeur n'apparaisse nulle part.

Nous sommes également d'accord avec vous à propos du retard en matière d'énergies renouvelables, dû à un manque de volonté politique dont témoigne notamment le moratoire sur le photovoltaïque en 2010, et pour insister sur la sobriété.

Quelques divergences tout de même.

Nous sommes favorables à la suspension de l'Arenh, mais à condition de revenir tout de suite au tarif réglementé de vente, sinon les factures vont exploser.

Confier l'énergie au ministère de l'industrie plutôt qu'à celui de l'écologie, même si on comprend l'idée – on a plusieurs fois entendu que « l'énergie est l'industrie de l'industrie » –, ne serait pas un bon signal.

Concernant les problèmes de corrosion sous contrainte, les difficultés à construire l'EPR (réacteur pressurisé européen) et l'EPR 2, le fait que les SMR (petits réacteurs modulaires) n'existent qu'à l'état de prototype et les difficultés de Flamanville, il est bizarre de demander des rapports alors que nous venons de voter un projet de loi d'accélération. C'est prendre les choses à l'envers – mais le problème est posé par la politique du Gouvernement plutôt que par le présent rapport.

S'agissant de l'approvisionnement en uranium, vous en dites peu sur la Russie alors que, pendant nos travaux, Greenpeace a publié un rapport montrant que nous sommes dépendants à 40 % d'un uranium qui transite par ce pays.

Je m'étonne que la fusion entre IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et ASN (Autorité de sûreté nucléaire) figure dans les préconisations, alors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discussion pendant les auditions.

Enfin, je n'ai rien trouvé dans le rapport sur la difficulté pour le nucléaire de relever le défi du changement climatique compte tenu du délai que suppose la construction éventuelle de nouvelles centrales.

Il importe que le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat – j'espère que nous pourrons en discuter – mette tous les scénarios sur la table, y compris le 100 % renouvelables.

En ce qui concerne le marché européen, il est possible de sortir des mécanismes de marché, d'abord parce que les traités le permettent, ensuite parce que cela ne pose pas de difficulté technique – nous resterons interconnectés avec les pays voisins.

EDF doit être nationalisée et avoir le statut d'Epic (établissement public industriel et commercial), et il faut abandonner le projet Hercule ou ses équivalents.

Nous formulons une proposition innovante, qui n'a pas été repoussée par M. Percebois quand nous l'avons auditionné : la création d'un acheteur unique et public de l'électricité, pour payer celle-ci au coût de production et la revendre à des coûts raisonnables, en mettant en œuvre les tarifs réglementés de vente pour tout le monde – foyers, collectivités et entreprises.

Il faudrait même un grand pôle public de l'énergie, tourné vers l'objectif de transition énergétique, pour faire face à l'électrification des usages, à la réindustrialisation et à la lutte contre le changement climatique – qui suppose la sobriété, à l'opposé des mécanismes de marché et de mise en concurrence.

Nous voterons contre la publication du rapport, non parce qu'il est mauvais, parce que la commission n'aurait pas travaillé ou pour nous positionner conformément à ce que vous attendiez de nous, mais pour cet ensemble de raisons.

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À mon tour de vous remercier, monsieur le président, d'avoir pris avec votre groupe l'initiative de cette commission d'enquête. Elle a permis, même à ceux d'entre nous qui s'intéressaient au secteur de l'énergie depuis longtemps, d'éclaircir plusieurs points et de porter un regard un peu différent sur un certain nombre de choses.

Je suis très heureuse que le périmètre temporel de nos travaux ait été élargi par rapport à ce qui avait été initialement envisagé. Cela nous a permis de scruter trois décennies et de mesurer que les responsabilités – si responsabilités il y a – sont multiples, se cumulent et ne concernent pas seulement une période en particulier.

Le rapport montre globalement que les retards que nous subissons sont le résultat de décisions prises successivement lors des différents mandats présidentiels.

On a tout d'abord affaire à un manque d'anticipation en ce qui concerne le renouvellement ou la prolongation des centrales nucléaires – dont chaque gouvernement savait pourtant qu'elles ne sont pas éternelles.

On constate ensuite l'inertie en matière de développement des énergies renouvelables. Par-delà les différents virages qui ont été pris, c'est l'absence de volonté collective de développer des filières industrielles dans ce domaine qui ressort.

La transposition par la loi Nome des directives européennes relatives à l'ouverture du marché à la concurrence et l'Arenh ont affaibli notre modèle et obéré les capacités d'investissement d'EDF.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que personne n'avait été en mesure de vous fournir des informations précises sur les conséquences de l'Arenh pour EDF. On peut néanmoins considérer qu'elles ont été extrêmement défavorables à partir de 2019.

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Auparavant, ses conséquences étaient limitées du fait du niveau des prix de l'électricité.

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Le rapport évoque sans trop insister la guéguerre entre EDF et Areva – peut-être parce qu'elle n'a pas été beaucoup mentionnée lors des auditions et que nous n'avons guère posé de questions sur ce point. Elle a provoqué un désordre interne qui a affaibli la confiance dans la filière.

En ce qui concerne les propositions, il faut tirer de manière collective les leçons de l'exercice que nous avons mené pour prendre à l'avenir les décisions de politique énergétique plus éclairées. C'est le cas par exemple pour la question de l'eau, trop peu abordée de manière générale dans le débat alors qu'elle va affecter directement le nucléaire et la production hydroélectrique.

Il faut aussi proposer de diversifier autant que possible l'approvisionnement en énergie, afin de ne pas être fragilisés par les conséquences d'une défaillance dans un secteur – ce que nous avons vécu dernièrement.

Je trouve que les propositions sortent assez peu des cadres habituels, hormis celle qui prévoit de suspendre l'Arenh dans l'attente de la réforme du marché européen de l'électricité. Beaucoup de propositions sont liées aux textes en cours de discussion et à venir. De ce point de vue, je suis un peu rassurée que vous parliez du projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat comme d'un projet encore réel.

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Je voterai contre ce rapport parce que je le trouve très orienté et de parti pris. Il ne reflète pas la richesse des travaux et des débats.

Il n'est pas illogique de tirer des conclusions différentes des auditions, mais il semble que nous n'ayons pas toujours entendu les mêmes arguments. C'est particulièrement frappant dans la deuxième partie du rapport et dans les propositions. Certaines phrases donnent l'impression d'avoir pour fonction de justifier la politique énergétique de M. Emmanuel Macron et du Gouvernement, ce qui n'était pas l'objectif initial de la résolution qui est à l'origine de la création de cette commission d'enquête.

Certaines propositions ne sont pas étayées. Le projet de réacteur nucléaire de recherche Jules-Horowitz figure parmi les propositions, mais il n'a, me semble-t-il, pas été évoqué lors des auditions. Par ailleurs, le CEA a expliqué pourquoi il avait abandonné la recherche sur la quatrième génération au profit du multirecyclage ; il est étonnant que le rapport propose l'inverse.

Si la période que nous avons étudiée a pu être étendue, en revanche il n'a pas été possible d'ouvrir la réflexion sur les raisons de la perte de souveraineté énergétique. Le rapport en parle à demi-mot. La volonté systématique de discréditer le scénario d'un passage à 100 % d'énergies renouvelables n'est pas appropriée – en tout cas, elle ne reflète ni les recherches effectuées à ce sujet ni, à mon sens, les auditions, lesquelles ont d'ailleurs pour la plupart été consacrées au nucléaire. La sobriété et l'efficacité énergétiques n'ont été que très peu abordées lors de nos travaux. Il a fallu beaucoup insister lors des réunions du bureau pour que l'on y consacre plus de temps, notamment en auditionnant M. Yves Marignac.

Le rapport contient un certain nombre de contrevérités et de contradictions.

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Il confond clairement le champ de la commission d'enquête et celui des discussions sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. C'est par exemple le cas en ce qui concerne la fusion de l'ASN et de l'IRSN. Ce sujet a certes été abordé lors des auditions, mais il a surtout donné lieu à une passe d'armes entre le rapporteur et Mme Barbara Pompili. Nous étions alors en train d'examiner le projet de loi sur l'accélération des procédures applicables aux installations nucléaires. Il est d'ailleurs dommage de ne pas avoir attendu les conclusions de cette commission d'enquête pour en débattre.

Le rapport donne l'impression de servir a posteriori de caution à la politique énergétique menée par M. Emmanuel Macron depuis 2017 – sachant qu'elle a fait l'objet d'un revirement assez net à la fin du précédent quinquennat.

Tout n'est pas à jeter. J'ai beaucoup appris à l'occasion des auditions, qui ont donné lieu à des débats riches. Ils ne sont pas reflétés par le rapport, qui s'inscrit malheureusement dans une perspective politique de justification. Il aurait été possible de faire autrement grâce à la matière fournie par les auditions.

Leur diffusion était souhaitable et elle a permis à cette commission d'enquête d'être utile, même si je n'approuve pas les conclusions du rapport.

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J'ai participé à un très grand nombre d'auditions. Si l'on fait abstraction de ses préférences politiques et que l'on considère l'intérêt général et celui de la nation, le rapport reflète très bien les auditions. Il est d'une grande qualité ; je l'ai consulté deux fois.

La proposition relative à la suspension de l'Arenh est extrêmement importante, notamment pour obtenir une réforme du marché européen qui permette de découpler le prix de l'électricité du cours du gaz.

Le rapport comprend également des propositions très intéressantes en matière de renouvellement des concessions hydroélectriques.

Je regrette de ne pas avoir pu poser toutes les questions que je souhaitais au Président François Hollande – que je connais bien car je suis député de la Corrèze. Mais son audition a eu lieu lors de l'annonce de l'engagement de responsabilité du Gouvernement.

Si l'on souhaite restaurer notre souveraineté énergétique, il faudrait insister davantage dans les propositions sur la nécessité de graver le mix énergétique dans le marbre. La loi de 2015 nous a ralenti – mais chacun peut avoir sa propre opinion sur ses conséquences. Pour se projeter dans l'avenir, il faut proposer quelque chose qui se tienne. Et ce d'autant plus que l'industrie nucléaire s'inscrit dans un temps particulièrement long. Le rapport montre bien qu'à l'horizon de 2050 la consommation d'électricité sera beaucoup plus importante.

Je regrette aussi qu'aucun président d'EDF n'ait été en mesure de nous indiquer précisément le coût de l'Arenh pour cette entreprise. Le rapport évoque un montant de 9 milliards pour la seule année 2022. Lorsque j'ai posé la question à M. Luc Rémont, il a répondu que les calculs n'avaient pas encore été effectués. Il est certes en poste depuis peu, mais je trouve désespérant qu'EDF n'ait pas pu nous donner le coût annuel de l'Arenh depuis sa mise en place.

Il aurait été préférable de voter une loi relative à l'énergie de manière générale plutôt que celle relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Et je suis d'accord sur le fait qu'on aurait dû attendre les conclusions de cette commission d'enquête pour définir le mix énergétique associant le nucléaire et les énergies renouvelables – dont l'énergie hydroélectrique.

S'agissant des concessions hydroélectriques, les conditions d'application du dispositif de quasi-régie méritent d'être précisées.

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J'ai présidé la mission d'information sur la rénovation thermique des bâtiments, dont Mme Marjolaine Meynier-Millefert était la rapporteure. Je suis heureux que la proposition n° 12 pose la question de l'efficacité des dispositifs en faveur de cette rénovation. Le rapport s'interroge sur les moyens qui y sont consacrés au vu des résultats décevants, et il rappelle à juste titre que les gains énergétiques font l'objet d'évaluations mais pas de mesures.

À titre personnel, j'accueille avec grand plaisir la proposition n° 9 qui prévoit de maintenir les concessions hydroélectriques dans le domaine public. C'est selon moi primordial et j'apprécie que le rapport réaffirme leur caractère stratégique en évoquant le dispositif de quasi-régie.

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Ce rapport va constituer une référence, notamment parce qu'il met fin à l'illusion d'une indépendance énergétique dont la définition se rapprocherait en fait davantage de celle de l'autarcie. Cette idée planait un peu au début de nos travaux. Elle a été rapidement évacuée et c'est très bien ainsi.

Si je n'ai malheureusement pas pu assister à beaucoup d'auditions, je les ai en revanche suivies avec beaucoup d'assiduité en différé – comme beaucoup de Français. Leur diffusion a été vraiment appréciée et nombreux sont ceux qui m'en ont parlé dans ma circonscription. Cette commission d'enquête était donc bienvenue.

Je vous remercie particulièrement d'avoir bien voulu étendre nos travaux, même modestement, à la question des énergies renouvelables thermiques ainsi qu'aux enjeux de sobriété et d'efficacité énergétiques.

L'objectif de cette commission était de retracer l'histoire heureuse et malheureuse du nucléaire ces dernières années. Mais il faudrait une autre commission d'enquête pour écrire celle de l'isolation thermique des bâtiments en France depuis les années soixante-dix.

Les bâtiments consomment la moitié de l'énergie finale dans notre pays. Le rapporteur a indiqué que l'habitat représente 486 térawattheures. Mais si l'on prend en compte le secteur tertiaire, cela fait 700 térawattheures, soit deux fois la production du parc nucléaire lorsqu'il fonctionne bien.

On aurait dû se fixer des objectifs de sobriété énergétique ambitieux dès les années 1970, en mettant en place une véritable réglementation thermique – ce qui a été fait dans d'autres pays. Comme le relève un rapport du Haut Conseil pour le climat, notre réglementation en la matière n'a atteint qu'en 2012 le niveau de performance requis en Suède dans les années 1970.

On ne peut pas atteindre la souveraineté énergétique si l'on gaspille, notamment dans les bâtiments, l'énergie dont nous avons besoin. La moitié des besoins en énergie est liée à la nécessité de se chauffer. On ratera la cible si l'on essaie de répondre à ce besoin seulement par la production d'électricité. L'un des enjeux du mix énergétique est d'exiger une grande sobriété énergétique des bâtiments et d'augmenter l'utilisation des énergies renouvelables thermiques.

Je vous remercie donc pour les propositions destinées à augmenter le Fonds chaleur et à travailler à l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments.

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Je ne ferai pas durer inutilement le suspense : nous voterons pour ce rapport.

Au nom de mon groupe, je tiens tout d'abord à remercier le président, le rapporteur, l'administration ainsi que l'ensemble des forces politiques qui ont participé à nos travaux.

Je salue la très grande qualité de ce rapport, y compris dans sa rédaction : ses plus de 400 pages sont bien écrites, accessibles à tous, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. La grande qualité des illustrations contribue également à la bonne compréhension du rapport par tous : c'est d'autant plus important que nos travaux ne sont pas destinés à nous-mêmes, mais à l'extérieur.

Je salue également la méthode de travail choisie par le président. Je le dis d'autant plus volontiers que j'ai d'abord été inquiet, le groupe Rassemblement national n'ayant pas été associé au bureau de la commission d'enquête. Je reconnais que cela n'a pas nui au bon déroulement des auditions et que les orientations prises ont été les bonnes. Vous avez écouté tous les groupes, y compris ceux qui n'étaient pas représentés au sein du bureau. Vous avez sans doute vous-même pu apprécier que l'ensemble des forces politiques aient participé à cette commission avec la volonté de bien travailler, et non de faire du cinéma. La qualité de nos travaux tient aussi à la liberté de parole que vous nous avez laissée et au temps qui nous a été accordé, en particulier à moi-même ainsi qu'aux députés du Rassemblement national qui ont parfois été bavards – ce sont des sujets qui nous intéressent. Chacun a pu exprimer le vrai fond de sa pensée, de ses réflexions, sans postures ni caricatures. Cela nous a permis d'avancer. Mon groupe politique considère que la vérité vient toujours du débat. Je ne partage évidemment pas toutes les analyses ni toutes les conclusions du rapport ; cela n'empêche pas ce document d'être fondé en fait et en raison.

Cette méthode méritera d'être employée à nouveau sur les sujets de fond qui couvrent plusieurs décennies et concernent forcément, du fait de l'alternance démocratique, plusieurs majorités différentes. Les polémiques politiciennes et les postures partisanes n'ont aucun intérêt, en particulier sur des sujets scientifiques. Je salue à ce titre la valorisation de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Si on avait lu les travaux de cette instance parlementaire, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

Je me félicite que vous soyez remonté au milieu des années 1990, ce qui vous a non seulement permis d'analyser le cycle nucléaire dans la durée, comme nous l'avions préconisé, mais aussi évité d'être accusé de produire un rapport partisan ou de régler des comptes, ce qui n'aurait eu aucun intérêt.

Permettez-moi de vous alerter, monsieur le rapporteur, sur les deux pages de propos introductifs du titre III que vous avez ainsi nommé : « Depuis 2017, la priorité donnée à la neutralité carbone et, récemment, une relance du nucléaire qui restent toutes les deux à concrétiser. » Votre écriture est libre, mais je crains que ces deux pages ne soient pas de la même qualité et ne témoignent pas de la même neutralité que le reste du rapport. C'est dommage car vous connaissez comme moi le phénomène médiatique : je redoute que certains se servent de ce passage pour vous accuser d'avoir voulu sauver le bilan de M. Macron.

Un autre regret de notre groupe, peut-être lié à la séparation des pouvoirs et aux limites des commissions d'enquête, est que M. Macron ne soit pas mentionné en qualité d'ancien ministre de l'Économie – je peux cependant me tromper car j'ai dû lire les 400 pages du rapport en quatre heures. M. Emmanuel Macron a joué, pendant le quinquennat de M. François Hollande, un rôle qu'il ne faut pas passer sous silence.

Comme Mme Battistel, j'estime que nous n'avons pas assez mis en avant les guéguerres internes à l'oligarchie, aux grands corps, aux élites qui se connaissent toutes et restent très concentrées en France – cela a certes des avantages, mais également des inconvénients. Ce regret rejoint l'un des désaccords que j'ai avec la commission : à mon sens, la notion de responsabilité doit être davantage affirmée, que ce soit celle des politiques ou celle de certains experts et hauts fonctionnaires. Lors de son audition, M. Montebourg a souligné la nécessité de mettre en place un spoil system. C'est même une nécessité ardente : les responsables politiques doivent avoir la possibilité d'écarter, sans que cela soit perçu comme un abus de droit, des hauts fonctionnaires, des membres des grands corps ou des personnalités qui exercent une influence structurelle susceptible de devenir toxique pour l'État qu'ils sont pourtant censés servir. Nul n'est parfait, nul n'est inattaquable, pas même les grands corps. C'est la base de notre démocratie.

Un autre de nos désaccords porte sur les traités européens et le rôle joué par l'Allemagne. Si cette dernière est évidemment une puissance alliée et un partenaire stratégique, il n'en demeure pas moins que plusieurs personnalités auditionnées très différentes l'ont décrite comme une puissance hostile, ou en tout cas agressive dans le domaine de la politique énergétique. Ce n'est pas parce que l'Allemagne est une amie que nous ne pouvons pas avoir avec elle des désaccords profonds. Un ami peut vous vouloir du bien, mais parfois aussi, de manière inconsciente, du mal.

Le rapport souligne que notre pays s'est trop focalisé sur le débat autour du nucléaire, au détriment de la sortie des énergies fossiles. Cela me fait plaisir car c'est ce que je dis depuis vingt ans sans intéresser personne ! À mon sens, il convient de mieux réfléchir aux différentes perspectives permettant de sortir vraiment des énergies fossiles. Cela rejoint la question de la difficulté de prendre des paris technologiques. Alors que nous avons déjà perdu trente ans, nous ne pouvons plus nous permettre de faire des paris technologiques remettant en cause la réindustrialisation de la France et la capacité de notre pays et des grandes puissances industrielles à réussir la transition énergétique. Dans le cas contraire, nous courrons à la catastrophe : le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) est alarmant, et personne ici ne veut laisser à ses enfants ou à ses neveux et nièces un monde où la température moyenne aurait augmenté de quatre degrés. Les paris technologiques sur la sobriété, sur l'efficacité énergétique ou sur les 16 % d'énergies d'appoint évoqués dans le rapport de RTE (Réseau de transport d'électricité), dont nous ne savons toujours pas à quoi ils correspondent, sont dangereux, et nous ne pouvons pas nous permettre de les perdre. C'est pourtant ce qui est arrivé ces trente dernières années, en particulier du côté allemand. Seul le pari du nucléaire fait dans le cadre du plan Messmer a été réussi.

Les auditions que nous avons menées ont mis en avant les difficultés rencontrées en termes de maîtrise de compétences et de maîtrise de filière, qui sont très bien décrites dans le rapport et correspondent à des questions vitales. Or les plans de charge et de formation adoptés aujourd'hui laissent présager un risque de nouveau creux nucléaire, qui serait d'autant plus préjudiciable que le niveau de coopération européenne, occidentale ou avec des pays comme l'Inde est faible. Il est peut-être paradoxal que ce soit nous qui évoquions cette question, mais je veux ici lancer une bouteille à la mer : le Rassemblement national ne s'opposera pas à une coopération européenne ou internationale en matière de nucléaire car ce sujet est trop important pour faire du nationalisme ou du chauvinisme « à deux balles ». Je regrette que la main que j'ai déjà tendue plusieurs fois n'ait pas été saisie.

Il reste deux grands sujets sur lesquels nous sommes en désaccord ou nous nous posons des questions.

Le premier concerne la fermeture de Fessenheim. Contrairement à ce que vous pouvez croire, je suis arrivé dans cette commission d'enquête en pensant que c'était trop tard. Les auditions ont plutôt contredit mon intuition : il est certes trop tard pour rouvrir la centrale pour cinquante ans, mais il est possible de s'en servir pour autre chose – d'en faire un laboratoire ou une centrale à hydrogène ou à chaleur, par exemple. J'en reviens au spoil system : l'affaire de Fessenheim laisse à voir une caricature de l'orgueil des grands corps et des décideurs publics qui refusent de reconnaître qu'ils se sont trompés, car l'État ne peut jamais se tromper ! Nous avons deux outils industriels de grande qualité, qui valent plusieurs milliards d'euros : les mettre à la poubelle alors que nous sommes dans le pétrin en matière de transition énergétique, c'est une responsabilité que je ne prendrais jamais et que personne ne devrait prendre.

S'agissant enfin de la cogénération, je ne comprends pas que cette technologie qui ouvre des perspectives considérables, notamment dans le tertiaire et le logement, ne soit pas davantage encouragée alors que les auditions sont plutôt allées dans ce sens. Le rapporteur lui-même a dit plusieurs fois publiquement, y compris dans l'hémicycle, qu'il ne s'agissait pas d'une impasse technologique. Il y a là une énorme filière à lancer, mais cela demande une fois de plus d'agir de manière transpartisane, en se fondant sur les faits et la raison.

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J'ai peut-être lu le rapport trop rapidement, mais je n'y ai pas vu évoqué le sujet de la sous-traitance, ni dans la description des difficultés de la filière, ni dans les préconisations. Or cette question a été largement abordée lors des auditions.

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Monsieur Tanguy, je réexaminerai la formulation des deux pages que vous avez évoquées.

Vous avez soulevé la question de la responsabilité des hauts fonctionnaires. Comme je le disais en introduction, je suis assez convaincu qu'il est important de laisser la responsabilité pleine et entière des décisions aux politiques. Cela implique de permettre à ces derniers de remplacer les fonctionnaires s'ils considèrent qu'ils ne sont pas en mesure de répondre à la commande politique. Il ne faut pas donner l'impression qu'il y aurait une sorte d'État qui gérerait les choses à la place du politique ; si tel est le cas, c'est une faute des responsables politiques que de ne pas prendre les rênes.

J'ai bien pris note de vos remarques relatives à la cogénération.

Il est vrai qu'un certain nombre de personnes auditionnées ont parlé de l'Allemagne de manière assez virulente. Elles ont exprimé des procès d'intention qui sont peut-être justes, mais que je n'ai pas été en mesure d'étayer. J'ai donc appliqué un principe de prudence.

Messieurs Descoeur et Dubois, le débat sur l'hydroélectricité a été nourri. Mes recommandations n'épuisent pas le sujet. Une proposition de loi a été adoptée par le Sénat. Il convient de réfléchir non seulement sur le statut de cette énergie, mais également sur les capacités de production.

Mesdames Givernet, Meynier-Millefert, Pouzyreff, et Battistel, il est important de s'accorder sur le fait que ce sont des décisions successives qui ont entraîné la situation actuelle. C'est un impératif politique : nous nous en sortirions vraiment à peu de frais si nous faisions peser la culpabilité sur l'une ou l'autre majorité. Du reste, cela pourrait donner l'impression que nous dédouanons tous les autres responsables politiques, alors qu'en matière de sobriété, de nucléaire et d'énergies renouvelables, il est clair que chacun a malheureusement contribué à la situation actuelle – même s'il faut se garder des anachronismes. Je retiens l'idée d'un mix électrique et énergétique. Je mettrai les énergies renouvelables thermiques en avant dans la présentation du rapport.

Madame Battistel, la question de l'Arenh est largement traitée dans les différentes sous-parties de la deuxième partie du rapport. Je pourrai vous réorienter directement vers certains points précis.

Monsieur Laisney, il me semble que nous parlons de manière assez sévère et désagréable, au milieu de la deuxième partie du rapport, des questions de filières concernant EDF et Areva, mais il est vrai que ce sujet n'est pas remonté tout en haut de la liste des préconisations. J'ai cependant appris que vous aviez demandé la création d'une commission d'enquête à ce sujet : vous aurez donc tout loisir de vous pencher sur la question.

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Il faudra appuyer notre demande pour qu'elle puisse aboutir !

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Dans le cas d'espèce, je ne suis pas sûr qu'une affaire d'espionnage industriel ou un problème d'intelligence économique entre la France et la Chine ait un lien direct avec les capacités de production ou d'économies d'énergie de notre pays. La situation actuelle peut s'expliquer par bien d'autres raisons d'ordre industriel. Si j'ai décidé d'écarter ce sujet du rapport, ce n'est pas par idéologie, mais faute d'éléments ou de temps suffisant puisque la question a été abordée un peu tard lors des auditions.

J'ai critiqué l'instauration d'un moratoire sur le photovoltaïque, mais je n'ai pas voulu aller plus loin car aucun élément ne nous permet de dire que la courbe de développement des installations photovoltaïques s'est infléchie après ce moratoire de trois mois.

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J'ai dit que j'étais d'accord avec vous à ce sujet.

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Au temps pour moi.

L'une de nos recommandations consiste à demander à EDF une pleine transparence conciliable avec le secret commercial sur l'approvisionnement en uranium. Les débats à ce sujet ont été assez houleux, mais en réalité quelque peu éthérés car les sources existantes ne sont ni très fiables ni concordantes. Or nous avons besoin de données assez fiables pour débattre en toute transparence. Il en est de même, d'ailleurs, s'agissant de l'eau et de l'impact du dérèglement climatique sur le fonctionnement du parc nucléaire.

Madame Laernoes, la quasi-totalité des responsables du CEA ont été auditionnés sur le projet Jules-Horowitz, lequel est d'ailleurs évoqué dans presque tous les documents qu'ils nous ont transmis.

Seules deux ou trois personnes auditionnées ont parlé favorablement du multirecyclage en réacteurs à eau pressurisée (REP) – un sujet pourtant abordé par nombre de nos invités et dans une grande quantité de documents fournis par les anciens responsables du CEA. Vous pourrez constater que, dans mes conclusions et dans mes préconisations, je m'interroge quant aux arguments exprimés. Le multirecyclage et la quatrième génération ne sont pas du même ordre. On peut préférer l'un ou l'autre, mais il n'est pas exact de dire que le multirecyclage permet de préparer la quatrième génération.

Vous m'avez accusé d'avoir calqué les préconisations de la commission d'enquête sur les textes en cours d'examen. Nous avons pourtant commencé nos travaux trois mois avant l'adoption, en première lecture, du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, tandis que nous les terminons après l'adoption du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Nous avons étudié trente ans de politique énergétique ; le rapport comporte des propositions institutionnelles, des propositions de mix, des propositions industrielles, des propositions sur les compétences… Cette accusation me semble guidée par d'autres préoccupations.

Je ne répondrai pas à votre question relative aux contrevérités contenues dans ce rapport, puisque vous n'en avez mentionné aucune. Je suis évidemment prêt à retirer toute erreur, inexactitude ou mensonge. À ce stade, cependant, nous n'en avons pas détecté de très visibles !

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Mes chers collègues, je tiens à vous préciser quelques points de procédure. Après le vote du rapport, notre rapporteur sera chargé de le déposer sur le bureau de la présidente de l'Assemblée nationale, ce qu'il fera certainement dans les prochaines heures ou demi-journées. Quelques corrections de forme doivent encore être effectuées, mais il n'y aura aucune modification de fond.

Une fois le rapport déposé, au plus tard six mois après la création de la commission d'enquête, le règlement de notre assemblée nous impose cinq jours francs de secret. Bien que le rapport ne comporte aucune information classifiée, il ne pourra donc être publié avant l'expiration de ce délai, qui pourrait intervenir autour du jeudi 6 avril à midi. Puisque tout s'est très bien passé depuis le début de nos travaux, je ne doute pas que nous saurons garder le silence sur ce rapport jusqu'à cette date.

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À quel moment pourrons-nous transmettre des contributions ?

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Dès à présent, et jusqu'au 5 avril. Ces contributions, qui seront annexées au rapport, sont libres et peuvent prendre n'importe quel format.

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La publication du rapport donnera-t-elle lieu à une conférence de presse ?

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Nous essaierons d'en organiser une jeudi prochain, mais tout dépendra bien sûr de la date précise à laquelle le rapporteur déposera son rapport.

La commission adopte le rapport et autorise sa publication.

L'audition s'achève à dix heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Henri Alfandari, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bex, M. Philippe Bolo, Mme Maud Bregeon, Mme Annick Cousin, M. Vincent Descoeur, M. Francis Dubois, Mme Olga Givernet, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Alexandre Loubet, M. Stéphane Mazars, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, Mme Natalia Pouzyreff, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Lionel Vuibert

Excusés. – Mme Véronique Besse, Mme Valérie Rabault