Intervention de Maxime Laisney

Réunion du jeudi 30 mars 2023 à 9h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Laisney :

Je salue moi aussi la masse de travail abattue. Je regrette que les auditions se soient tenues en même temps que l'examen de deux textes de loi sur l'énergie.

Nos travaux ont montré l'importance de la transparence et de la démocratie, notamment au sujet du nucléaire, qui ne représente toutefois qu'un aspect des questions énergétiques. La souveraineté, c'est d'abord la souveraineté populaire. Il faut faire participer non seulement les représentants de la nation, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, mais l'ensemble de nos concitoyens.

L'indépendance vis-à-vis des énergies fossiles a été abordée, mais peut-être pas suffisamment.

Nous avons travaillé sur les notions d'indépendance et de souveraineté, mais les personnes auditionnées ont plutôt insisté sur la nécessité de réduire la vulnérabilité et sur le fait que la vraie souveraineté résulte dans notre capacité à faire des choix indépendants et éclairés.

Nous sommes d'accord avec le rapport sur plusieurs points : la nécessité de tenir compte du temps long pour faire des prévisions et planifier ; la critique virulente de l'Arenh et de la loi Nome (portant nouvelle organisation du marché de l'électricité) ; la proposition d'une quasi-régie publique pour les barrages ; le constat d'un manque d'anticipation de la part de la filière nucléaire.

Concernant ce dernier point, il y a tout de même un cadavre dans le placard : alors même que le film La Syndicaliste est sorti il y a peu, à aucun moment il n'a été dit que si la filière est en difficulté, ce n'est pas le fait de militants écologistes mais parce qu'à l'époque où M. Oursel dirigeait Areva et M. Proglio EDF, il y aurait eu un accord avec les Chinois, dénoncé par Mme Maureen Kearney – la fameuse syndicaliste, ce qui lui a valu de subir ce que l'on sait – et confirmé aujourd'hui par les faits. Il est dommage que cet élément majeur n'apparaisse nulle part.

Nous sommes également d'accord avec vous à propos du retard en matière d'énergies renouvelables, dû à un manque de volonté politique dont témoigne notamment le moratoire sur le photovoltaïque en 2010, et pour insister sur la sobriété.

Quelques divergences tout de même.

Nous sommes favorables à la suspension de l'Arenh, mais à condition de revenir tout de suite au tarif réglementé de vente, sinon les factures vont exploser.

Confier l'énergie au ministère de l'industrie plutôt qu'à celui de l'écologie, même si on comprend l'idée – on a plusieurs fois entendu que « l'énergie est l'industrie de l'industrie » –, ne serait pas un bon signal.

Concernant les problèmes de corrosion sous contrainte, les difficultés à construire l'EPR (réacteur pressurisé européen) et l'EPR 2, le fait que les SMR (petits réacteurs modulaires) n'existent qu'à l'état de prototype et les difficultés de Flamanville, il est bizarre de demander des rapports alors que nous venons de voter un projet de loi d'accélération. C'est prendre les choses à l'envers – mais le problème est posé par la politique du Gouvernement plutôt que par le présent rapport.

S'agissant de l'approvisionnement en uranium, vous en dites peu sur la Russie alors que, pendant nos travaux, Greenpeace a publié un rapport montrant que nous sommes dépendants à 40 % d'un uranium qui transite par ce pays.

Je m'étonne que la fusion entre IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et ASN (Autorité de sûreté nucléaire) figure dans les préconisations, alors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discussion pendant les auditions.

Enfin, je n'ai rien trouvé dans le rapport sur la difficulté pour le nucléaire de relever le défi du changement climatique compte tenu du délai que suppose la construction éventuelle de nouvelles centrales.

Il importe que le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat – j'espère que nous pourrons en discuter – mette tous les scénarios sur la table, y compris le 100 % renouvelables.

En ce qui concerne le marché européen, il est possible de sortir des mécanismes de marché, d'abord parce que les traités le permettent, ensuite parce que cela ne pose pas de difficulté technique – nous resterons interconnectés avec les pays voisins.

EDF doit être nationalisée et avoir le statut d'Epic (établissement public industriel et commercial), et il faut abandonner le projet Hercule ou ses équivalents.

Nous formulons une proposition innovante, qui n'a pas été repoussée par M. Percebois quand nous l'avons auditionné : la création d'un acheteur unique et public de l'électricité, pour payer celle-ci au coût de production et la revendre à des coûts raisonnables, en mettant en œuvre les tarifs réglementés de vente pour tout le monde – foyers, collectivités et entreprises.

Il faudrait même un grand pôle public de l'énergie, tourné vers l'objectif de transition énergétique, pour faire face à l'électrification des usages, à la réindustrialisation et à la lutte contre le changement climatique – qui suppose la sobriété, à l'opposé des mécanismes de marché et de mise en concurrence.

Nous voterons contre la publication du rapport, non parce qu'il est mauvais, parce que la commission n'aurait pas travaillé ou pour nous positionner conformément à ce que vous attendiez de nous, mais pour cet ensemble de raisons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion