Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • avril
  • confinement
  • couvre-feu
  • février
  • sortie
  • transitoire

La réunion

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La réunion débute à 15 heures 05.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (n° 3464) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur).

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Mes chers collègues, après l'audition, ce matin, du ministre de l'intérieur et du ministre des solidarités et de la santé, nous abordons l'examen du projet de loi proprement dit. 69 amendements ont été déposés, ils sont 68 désormais, un amendement du Gouvernement ayant été déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

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L'audition des ministres, ce matin, fut particulièrement éclairante, et nos discussions lors des quatre précédents textes relatifs à la menace épidémique ont déjà permis d'approfondir les sujets dont nous sommes appelés à débattre à nouveau. Vous me permettrez donc d'entrer directement dans le vif du sujet.

Je n'oublie pas que la situation sanitaire est très dégradée – ce sont les mots du Conseil scientifique. Des services de réanimation sont désormais au bord de la saturation, ainsi que nous le craignions. Les soignants, qui redoutent légitimement l'aggravation de la situation, ont besoin de notre soutien total.

Dans ce contexte, le Président de la République n'a eu d'autre choix que de décréter, à nouveau, l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national le samedi 17 octobre. Nécessaire, cette décision fut également courageuse. Le retour de l'état d'urgence sanitaire est un mauvais signe, c'est incontestable. Cette mesure incontournable ne fait plaisir à personne. Mais, alors que nous avons enregistré 8 754 nouvelles hospitalisations en une semaine, dont 1 493 en réanimation, les mesures fortes qui s'imposaient – en l'occurrence, le couvre-feu pour une partie de la population – ne pouvaient être prises que dans le cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire, comme l'a rappelé le Conseil d'État citant la jurisprudence constitutionnelle.

En application de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, le Parlement est saisi d'un projet de loi visant à proroger cet état d'urgence au-delà de quatre semaines : tel est l'objet de l'article 1er.

Le Gouvernement sollicite une prorogation de ce régime pour trois mois, à savoir jusqu'au 16 février 2021. Cette durée est tout à fait adaptée et proportionnée à l'état de la situation sanitaire. Je vous renvoie à ce sujet à l'avis du Conseil d'État, mais aussi à celui du Conseil scientifique, qui nous explique malheureusement que « les mois d'hiver seront difficiles vis-à-vis de la circulation » du coronavirus.

Le rétablissement de l'état d'urgence sanitaire a automatiquement mis fin au régime transitoire qui s'appliquait depuis le 11 juillet dernier. Instauré pour organiser la sortie de l'état d'urgence sanitaire, ce dispositif aura vocation à servir de nouveau à l'avenir. C'est pourquoi l'article 2 rend applicable, jusqu'au 1er avril 2021, le régime transitoire dans les territoires où l'état d'urgence sanitaire ne sera plus en vigueur. Ce régime aura donc vocation à s'appliquer au 17 février prochain, voire auparavant dans les territoires où l'état d'urgence serait levé par anticipation. Cette disposition a, elle aussi, fait l'objet d'une double validation du Conseil d'État et du Conseil scientifique.

La date du 1er avril correspond à l'échéance fixée par la loi du 23 mars 2020 pour l'instauration d'un cadre législatif durable de l'état d'urgence sanitaire. À ce sujet, je remercie la présidente de notre commission d'avoir créé une mission d'information sur le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire. Le Parlement sera également saisi, début 2021, d'un projet de loi qui aura pour but de pérenniser les dispositifs de gestion des urgences sanitaires. Entre-temps, il continuera d'exercer ses missions de contrôle, au moyen notamment des commissions d'enquête qui ont été constituées à l'Assemblée nationale et au Sénat.

L'article 3 permet, quant à lui, de mettre en œuvre la stratégie « tester, tracer, isoler » et de poursuivre la recherche sur le virus. Sans cette capacité de suivre les personnes contaminées et leurs cas contacts, nous ne pouvons rompre les chaînes de transmission et lutter efficacement contre l'épidémie. C'est la raison pour laquelle il est proposé de proroger l'existence des systèmes d'information Si‑DEP et Contact Covid jusqu'au 1er avril 2021. Par ailleurs, la liste des personnels de santé qui pourront inscrire dans ces systèmes les informations relatives aux personnes contaminées est enrichie, notamment pour s'étendre aux pharmaciens. Je rappelle que des garanties importantes sont prévues à cet égard, dont la transmission au Parlement, tous les trois mois, d'un rapport du Gouvernement sur le fonctionnement de ces systèmes, complété d'un avis public de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), de l'avis du comité de contrôle et de liaison, dont le rôle est notamment de veiller au secret médical et à la protection des données personnelles, et de possibles sanctions pénales en cas de non-respect des règles relatives au traitement des données. Là encore, tous les acteurs soutiennent la prolongation de l'utilisation de ces outils.

Enfin, l'article 4 habilite le Gouvernement à prolonger ou à rétablir des dispositions prises par voie d'ordonnance au printemps et à l'été dernier, notamment en matière de droit du travail, de fonctionnement des administrations et des collectivités territoriales ou de garde d'enfants. Toutes ces mesures pourraient se révéler utiles si la situation se dégradait brusquement, si des services publics devaient devenir indisponibles pour un temps, s'il fallait agir rapidement pour soutenir nos entreprises et nos concitoyens.

Le texte permet ainsi une réponse adaptée et rapide des pouvoirs publics en fonction de l'évolution de la situation, malheureusement difficile à prévoir. Par ailleurs, chacun est à sa place : le Parlement autorise et contrôle les actions menées par le Gouvernement ; le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, quant à eux, garantissent nos droits et libertés fondamentaux, pendant que le Conseil scientifique éclaire les décideurs publics.

L'État de droit est là. Respecter l'État de droit, c'est aussi garder en mémoire que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit à chaque citoyen le droit à la protection de sa santé. Ce droit, il nous revient à nous, législateurs, de le protéger et de le réaffirmer. Cette tâche, je l'assume et je continuerai de l'assumer, comme médecin, comme député, comme rapporteur.

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Le ministre de la santé nous l'a rappelé ce matin en toute transparence et avec gravité : nous sommes encore au cœur de la crise sanitaire qui a frappé notre pays au début de l'année. Depuis février dernier, plus de 34 000 de nos concitoyens ont péri du fait de l'épidémie de covid-19 ; en neuf mois, près d'un million de Français ont été testés positifs. Depuis la fin de l'été, la situation sanitaire s'est dégradée ; des mesures graduelles ont été prises afin de ralentir la progression du virus, mais celui-ci circule encore trop et trop vite. Hier encore, plus de 27 000 nouveaux cas ont été dépistés ; le taux de positivité a atteint 13,7 %, contre 1 % fin juin, et on ne compte pas moins de 139 nouveaux clusters en cours d'investigation. Depuis début octobre, plus de 300 000 personnes ont été testées positives.

Nos services de réanimation sont au bord de la saturation. En une seule journée, hier, 1 584 personnes ont été hospitalisées pour des soins lourds en réanimation. La situation, déjà inquiétante, devient jour après jour dramatique.

Le Gouvernement a su agir rapidement. Dès la fin de l'été, sur le fondement de textes votés par le Parlement, des mesures de protection et de restriction ont été prises dans l'ensemble du territoire. Le 14 octobre, le Gouvernement a annoncé le rétablissement de l'état d'urgence sanitaire au niveau national jusqu'au 16 novembre, et neuf métropoles, celles où la circulation du virus est la plus active, ont été placées sous le régime du couvre-feu de vingt et une heures à six heures du matin.

Ces mesures sont dures, contraignantes, elles affectent notre vie sociale, mais la majorité de nos concitoyens les comprennent et les respectent parce qu'ils les savent indispensables. Ils ont intégré les gestes barrières à leur quotidien, tâchent de porter le masque et d'appliquer la distanciation physique, ainsi que le couvre-feu pour ceux qui sont concernés. Il faut leur rendre hommage ; pensons à toutes celles et ceux dont l'activité quotidienne – personnelle, professionnelle, économique – est affectée mais qui, au nom du bien collectif, font preuve d'une rigueur qui les honore.

Cette situation nous appelle à faire preuve de responsabilité en votant de nouveau la mise en œuvre de l'état d'urgence sanitaire. Le présent projet de loi est le cinquième qui nous est soumis à ce sujet. La loi du 23 mars 2020 a institué le régime de l'état d'urgence sanitaire, prononcé le report des élections municipales, autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances, notamment en matière économique et sociale. La loi du 11 mai a prorogé l'état d'urgence jusqu'au 11 juillet et instauré le dispositif « protéger, tester, isoler » ainsi qu'un mécanisme de suivi des malades et de traçage des contacts. La loi du 9 juillet a créé un régime transitoire dans l'espoir d'un retour progressif à la normale, permettant au Premier ministre de prendre par décret des mesures adaptées localement par les préfets. Le 1er octobre, nous votions la prorogation de ce régime transitoire jusqu'au 1er avril 2021. La dégradation de la situation sanitaire nous oblige à reconsidérer le dispositif et à voter l'application de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 au plus tard, avant de basculer dans le régime transitoire que nous avons construit et voté ici même.

Lors de l'audition des ministres, beaucoup se sont interrogés sur l'articulation entre les deux régimes et sur leur cohabitation. Je salue la démarche du Gouvernement, qui propose au Parlement de voter des mesures d'exception, venant à échéance au 16 février, tout en anticipant sur la sortie de l'état d'urgence et en se préparant à accompagner la reprise progressive du cours normal de nos vies.

Le texte étend également le domaine d'utilisation des outils de traçage des personnes contacts, toujours afin de mieux détecter pour mieux tester, isoler et protéger.

Enfin, l'article 4 comporte diverses habilitations à légiférer par ordonnances. Certes, la liste est longue, mais il s'agit principalement d'assurer la continuité des droits de nos concitoyens – chômage partiel, délais administratifs, procédures d'expulsion, etc. À l'instar de Sacha Houlié ce matin, je me réjouis que le Gouvernement n'envisage pas de nouvelles dispositions en matière de procédure pénale, notamment une nouvelle prorogation des délais de détention. Notre rapporteur défendra des amendements à cet article afin de renforcer le rôle du Parlement ; ils bénéficieront du soutien sans réserve du groupe La République en marche.

Notre groupe votera le texte, non de gaieté de cœur, mais en responsabilité, parce que l'état d'urgence sanitaire est nécessaire.

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Le groupe Les Républicains regrette l'état d'urgence parlementaire dans lequel nous nous trouvons s'agissant d'un texte aussi grave : présentation en conseil des ministres hier, nécessité de l'étudier jusque dans la nuit pour pouvoir déposer nos amendements avant ce matin, audition des ministres concernés dans la matinée, obligation de terminer nos travaux en fin de journée – vous n'y êtes pour rien, madame la présidente – pour que le rapport parvienne à nos collègues, afin qu'ils exercent à leur tour leur droit d'amendement avant la séance publique prévue samedi !

Nous ne contestons pas que la situation sanitaire soit critique : les chiffres sont là ; il serait déraisonnable de ne pas en tirer les conséquences. L'épidémie flambe, le nombre de personnes atteintes s'envole, celui des morts et des familles touchées augmente hélas de jour en jour. Il faut donc évidemment réagir. Nul ne conteste au Gouvernement le droit de le faire, y compris par des mesures de couvre-feu et, si elles sont proportionnées, justifiées et temporaires, de fermeture de certains établissements pour raisons sanitaires. Il faut protéger la santé de nos concitoyens : un principe à valeur constitutionnelle l'exige.

Mais nous divergeons quant aux moyens d'action et à leur fondement juridique : à nos yeux, il n'est pas besoin pour agir de l'état d'urgence sanitaire, moyen de droit extraordinaire, période d'exception qui porte atteinte à la hiérarchie des normes et, d'une certaine façon – je le dis avec solennité – à l'État de droit. Le recours à l'état d'urgence ne doit pas être banalisé, il ne doit pas être une fatalité ; or, petit à petit, tout est fait pour que nous nous y habituions : on nous prétend que pour agir, en particulier pour appliquer la mesure-phare qu'est le couvre-feu, le Gouvernement aurait besoin de cette arme atomique. Ce n'est pas vrai : ni le Conseil d'État ni le Conseil constitutionnel, que vous invoquez, n'interdisent le couvre-feu ou les confinements locaux ; ils les subordonnent simplement à la condition de circulation active du virus, qui est présente aujourd'hui. La loi du 9 juillet 2020 permet donc de prendre ces mesures.

À moins d'envisager une éventualité beaucoup plus grave, que le Gouvernement ne met pas sur la table : un confinement généralisé. Si l'objectif est d'y parvenir dans quelques semaines, nous aurons besoin de l'état d'urgence sanitaire, puisqu'il ne sera alors plus question de circonstances de temps ou de lieu. Si la stratégie du Gouvernement est celle-là, il doit le dire ; c'est une question de transparence, d'honnêteté vis-à-vis du Parlement, de responsabilité à l'égard de la représentation nationale et de nos concitoyens. Il nous faut savoir exactement ce qui est prévu.

Ce qui est en jeu, c'est, pendant plusieurs mois, la suspension de nos libertés, aggravée par un recours accru aux ordonnances, dont certaines vis-à-vis desquelles le Conseil d'État s'est montré circonspect. On nous dit que les données de santé seront protégées sans aucune difficulté ; or plusieurs rappels et injonctions de la CNIL permettent d'en douter. Pour couronner le tout, aux termes du IV de l'article 4, les projets d'ordonnance ne feront pas l'objet des consultations obligatoires habituelles des autorités administratives : en plus de se passer du contrôle du Parlement, on écarte ces contrepouvoirs.

En résumé, favorables à des mesures fermes puisque la deuxième vague est là, nous en contestons le fondement juridique : un État de droit à secousses, un régime d'exception qui devient trop souvent la règle.

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Chaque fois que la situation sanitaire de notre pays l'a exigé, la représentation nationale a été au rendez-vous pour légiférer de manière strictement nécessaire et proportionnée. Aujourd'hui encore – les chiffres nous y invitent malheureusement chaque jour –, nous sommes mobilisés, comme nous le serons ce week-end pour examiner le projet de loi en séance publique. Une fois de plus, le Parlement prouve ainsi qu'il sait travailler rapidement et efficacement, même quand son ordre du jour est particulièrement dense. De ce point de vue, notre rythme de travail des jours et des semaines – voire des mois – à venir achèvera de convaincre nos détracteurs de notre capacité de mobilisation, de réaction et de travail.

Que les choses soient claires : le groupe Démocrates est favorable au projet de loi, mais il ne s'agit pas de délivrer un blanc-seing. Nous connaissons le cadre du régime juridique de l'état d'urgence sanitaire, puisque nous avons œuvré à sa création et à son adaptation à la lutte contre l'épidémie. Nous savons qu'il prendra fin le 16 février, ou de manière anticipée si la pandémie régresse significativement. C'est dans ces limites que nous approuvons sa prorogation.

S'agissant des ordonnances, le Conseil d'État a souligné dans son avis qu'il serait particulièrement attentif au principe et à l'étendue de la rétroactivité proposée par le Gouvernement. Nous le serons aussi. Car si nous faisons confiance au Gouvernement s'agissant de l'urgence sanitaire, nous restons pleinement responsables, donc vigilants, concernant ces habilitations à légiférer par ordonnances.

Ces précisions sont importantes pour rassurer nos concitoyens en leur montrant que nous avons à cœur de protéger leurs libertés et que nous ne sacrifierons pas le débat démocratique et l'État de droit sur l'autel de l'urgence sanitaire.

Notre groupe reste opposé à l'inscription dans le droit commun des dispositions de l'état d'urgence sanitaire, que semble envisager le Gouvernement. Je l'ai dit lors de l'examen du projet de loi relatif à la prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire.

Je le répète, il n'est pas question pour nous de céder quant au principe fondamental de protection des libertés individuelles. Mais l'état sanitaire du pays et la protection que nous devons à nos concitoyens nous conduisent à assumer nos responsabilités.

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Nous l'avons dit ce matin, le groupe Socialistes est tout à fait conscient du fait que l'évolution de la situation sanitaire impose au Gouvernement de réagir, et est prêt à l'accompagner dans sa démarche. Toutefois, le projet de loi nous pose plusieurs problèmes. D'abord, la durée d'un régime d'exception qui implique la privation de libertés fondamentales : trois mois d'emblée, plus la durée de sortie de l'état d'urgence, c'est trop long ; le Parlement devrait se prononcer à nouveau dans un délai plus court, deux mois par exemple. Ensuite, nous sommes réservés vis-à-vis de la nouvelle mouture de StopCovid. Enfin, nous sommes préoccupés par le nombre d'ordonnances auxquelles le texte renvoie : il n'est pas bon pour la démocratie que le Parlement reste l'arme au pied pendant plusieurs mois.

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Nous examinons la prolongation jusqu'au 16 février 2021 de l'état d'urgence sanitaire et jusqu'au 1er avril 2021 d'un régime transitoire permettant au Premier ministre et aux préfets de prendre des mesures restrictives, voire de recourir à des interdictions afin de limiter la circulation de l'épidémie de covid-19 sur notre sol.

Le groupe Agir ensemble s'interroge sur notre capacité à préserver l'acceptabilité sociale de ces mesures et reste attentif au maintien des libertés fondamentales, mais il se règle sur la boussole scientifique, comme il le fait toujours en cas de doute. Or le Conseil scientifique a confirmé dans sa note du 12 septembre la pertinence des orientations gouvernementales qui doivent permettre de concilier la poursuite des activités et la protection de la santé des populations au cours des prochains mois.

Notre groupe rappelle à celles et ceux qui voudraient discréditer cette instance qu'elle a souligné dans la même note que ses compétences et avis se limitent à des considérations d'ordre strictement sanitaire et ne portent nullement – y compris s'agissant du projet de loi qui nous est soumis – sur la pertinence juridique ou politique des mesures. Rappelons également que le Conseil scientifique n'a jamais prétendu à une quelconque omnipotence ni voulu imposer au Gouvernement la moindre pression d'ordre sanitaire pour obtenir un sacrifice global au nom de la santé. Dans la même note, il répète ainsi que le « recours à un confinement strict généralisé à l'échelle nationale ne serait ni souhaitable ni acceptable considérant les enjeux sanitaires, sociaux et économiques ».

Il souligne également l'extrême importance de « systèmes d'information dédiés et de la prorogation de la conservation de données pseudonymisées », ajoutant que la durée de conservation prévue est trop courte pour assurer la conduite des recherches scientifiques.

Pour déterminer sa position quant au projet de loi, notre groupe s'est appuyé d'abord sur l'évolution actuelle et prévisible de l'épidémie ; ensuite sur la proportionnalité des mesures prises aux risques sanitaires encourus compte tenu des circonstances de temps et de lieu ; enfin sur la possibilité d'un recours en référé devant le juge administratif, la fin sans délai des mesures lorsqu'elles ne sont plus nécessaires, l'information immédiate du procureur de la République en cas de mesures individuelles et la possibilité offerte au Parlement de demander toute information complémentaire au Gouvernement sur ses décisions.

Par conséquent, en responsabilité, nous voterons pour le projet de loi.

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La situation sanitaire est-elle préoccupante ? Nous ne pouvons nier la détresse des malades et de leurs familles. Le rétablissement de l'état d'urgence sanitaire était-il pour autant une nécessité ? Les institutions de la République n'étaient-elles pas capables d'affronter une crise sanitaire dont nous ne minimisons pas l'ampleur sans passer par cet attirail qui abîme tant notre démocratie ?

Elles l'étaient au vu des possibilités, déjà énoncées par le groupe Libertés et territoires, dont dispose le droit commun, notamment le code de la santé publique. Les multiples questions de parlementaires, de juristes, d'universitaires ou de simples citoyens sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à passer outre le droit commun sont restées sans réponse.

La situation de notre droit est, elle, très préoccupante. Nous sommes à nouveau confrontés à une méthode déplorable de la part de l'exécutif. Le Président de la République, dans sa majesté jupitérienne, décide ; le Gouvernement exécute ; le Parlement et les élus locaux sont priés d'acquiescer – mais rapidement : il ne faudrait quand même pas questionner la méthode ou, pire, en comprendre le fond.

La politique du fait accompli a assez duré. Il n'est plus acceptable que les maires des grandes métropoles apprennent une demi-heure avant l'annonce publique de l'exécutif que leur collectivité va vivre sous contrainte renforcée. Il n'est plus acceptable que l'annonce du rétablissement de l'état d'urgence sanitaire par l'exécutif ne soit pas suivie d'une explication devant le Parlement – il est vrai que le chemin de l'hémicycle est long à trouver pour le Gouvernement… Il n'est plus possible que les citoyens soient soumis à des décisions contradictoires et fondées sur des informations sanitaires et politiques insuffisamment explicitées, quand elles ne sont pas fausses. L'adhésion nécessite de fédérer. On en est loin au vu de la précipitation dans laquelle nous légiférons pour déposséder le Parlement de ses prérogatives, souvent par ordonnance, et du peu d'entrain du Gouvernement à venir nous expliquer les décisions de l'exécutif.

Nous en avons eu un exemple flagrant la semaine dernière : le Gouvernement n'a pas daigné organiser un débat dans l'hémicycle sur la décision présidentielle de réinstaurer l'état d'urgence sanitaire et d'ordonner un couvre-feu pour 20 millions de nos concitoyens.

La loi que le Parlement a votée en mars dernier, sous le coup de l'émotion du confinement décrété quelques jours auparavant, dans la précipitation et dans des conditions de travail contraires à la Constitution, face à un virus que nous ne connaissions que très peu, n'exempte pas le Gouvernement de l'obligation de rendre des comptes, surtout quand il s'agit de donner à l'exécutif des pouvoirs si attentatoires aux libertés fondamentales. L'état d'urgence sanitaire que le législateur a assorti d'une date de péremption d'un an, tant il était peu sûr de ce qu'il faisait, permet à l'exécutif, par l'intermédiaire des préfets, d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile – c'est ce que l'on a appelé le confinement, mesure inédite dans l'histoire de France –, d'ordonner des mises en quarantaine, de restreindre les déplacements entre territoires, de faire fermer des lieux accueillant du public ou d'interdire les réunions de toute nature ; en d'autres termes, de piétiner nos libertés sur l'autel du sacro-saint principe d'ultra-précaution.

Pourtant, quand les premiers foyers de contamination ont émergé à l'hiver 2019, ils ont pu être maîtrisés par les autorités locales, grâce à une véritable concertation entre le préfet et le maire, sans l'outil juridique de l'état d'urgence sanitaire, et d'autant plus facilement que les médecins de première ligne avaient alors le droit de traiter leurs patients.

Quant à la menace que la situation sanitaire fait peser sur la tenue des élections départementales et régionales, nous rappelons que la démocratie ne peut être confinée. Personne, ni vous, ni moi, ni le Conseil scientifique, ne sait quelle sera la situation fin mars. Il s'agira donc de faire le point à un moment plus proche de l'échéance.

Sans minimiser, je le répète, la gravité de la situation sanitaire, nous ne voudrions pas que la période actuelle serve de prétexte à l'instauration d'un régime d'exception dans lequel les libertés sont exagérément limitées et le fonctionnement des institutions démocratiques mis sous cloche. Les exemples sont légion dans l'histoire de notre République : les législations d'exception finissent toutes par entrer dans notre droit commun pour ne plus jamais en sortir. Mes chers collègues, ces mesures que le Gouvernement dit provisoires, il vous demandera en janvier de les inscrire définitivement dans notre corpus juridique. L'exception deviendra la règle. C'est notre État de droit qui se meurt, et vous allez laisser faire !

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la prolongation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois.

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Depuis le début de la crise, la France insoumise a souhaité assurer, avant tout, la protection sanitaire, économique et sociale de l'ensemble de la population. Nous avons toujours relayé les consignes émises par le Gouvernement, mais nous avons aussi joué notre rôle de parlementaires, en toute responsabilité, en formulant des propositions pour chaque texte présenté à l'Assemblée nationale, par amendements, et en critiquant la méthode employée par le Gouvernement.

Pour mémoire, nous avons déposé onze propositions de loi depuis mars, pour nationaliser Luxfer et Famar, pour créer un pôle public du médicament, pour réquisitionner l'industrie du textile, pour suspendre les loyers, pour assurer la gratuité des obsèques des victimes mais aussi des masques, pour reconnaître le coronavirus comme catastrophe naturelle et le covid-19 comme maladie professionnelle, pour encadrer les prix alimentaires, pour lutter contre la précarité énergétique et pour annuler la dette, afin d'avoir les marges de manœuvre financières qui nous semblent nécessaires dans la période actuelle et à l'avenir, non dans le but de relancer la machine comme avant, mais de préparer et de construire le monde d'après.

Nous avons également proposé un plan d'urgence pour organiser la protection collective de la population – notamment des étudiants et des étudiantes, qui sont particulièrement précarisés –, ainsi que vingt-cinq propositions au niveau européen et deux plans de déconfinement, l'un général, l'autre économique. Nous avons produit, par ailleurs, des guides sur les violences intrafamiliales liées au confinement et sur la protection des salariés pendant la crise, une analyse des ordonnances du Gouvernement et des préconisations au niveau municipal, pour assurer une intervention au plus près de la population.

Nous continuons à interpeller le Gouvernement, à lui demander des comptes – car c'est notre responsabilité – en ce qui concerne la méthode suivie depuis le début de la crise sanitaire. Il a obtenu des pouvoirs exorbitants qui remettent en cause des libertés et des droits fondamentaux, et il ne nous semble pas que le bilan conduise à avoir confiance en la stratégie qui est appliquée. Le Président Macron a d'ailleurs reconnu, au moins à demi-mot, un certain nombre d'erreurs.

Les procédures judiciaires en cours à l'encontre de plusieurs ministres montrent que la France insoumise n'est pas la seule à interpeller et à poser des questions : les citoyens et les citoyennes souhaitent qu'on leur rende des comptes sur les retards dans la gestion de la crise, que l'ex-ministre Agnès Buzyn a elle-même reconnus et pour lesquels elle est citée dans une procédure judiciaire, sur les problèmes concernant les élections – des mensonges ont été relevés par tous les groupes d'opposition –, sur la pénurie de masques, sur les cafouillages – c'est le moins que l'on puisse dire – qui persistent, alors que nous affrontons une deuxième vague, quant à l'application de la stratégie de dépistage recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Nous restons déterminés à assurer la protection sanitaire de la population. C'est pourquoi nous exigeons du Gouvernement plus de rigueur, de cohésion et d'anticipation.

Le blanc-seing que l'on nous demande de signer, à travers la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, signifie l'octroi de pouvoirs exorbitants du droit commun qui, dans d'autres circonstances, ont ensuite été entérinés et sont devenus la norme. Pour la population, cela signifie non seulement des restrictions de libertés fondamentales, notamment celle de circuler, mais aussi, à défaut d'une politique sanitaire cohérente, une stratégie de répression et des abus, en particulier sur le plan des contrôles et des verbalisations. Nous avons donc proposé des amendements et nous continuerons à exiger des comptes, n'en déplaise aux ministres.

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Il est vrai que nous travaillons dans l'urgence – elle existe.

Sommes-nous confrontés à des circonstances extraordinaires et exceptionnelles ? Franchement, oui.

Il existe deux solutions pour lutter contre ce virus : ou le confinement, ou le vaccin. S'agissant du confinement, nous savons ce que cela représente – cette période a été extrêmement difficile et il faut espérer que nous ne devrons pas la revivre ; quant au vaccin, il va arriver, je l'espère aussi, dans trois ou six mois, mais il faudra quand même un certain temps pour qu'il soit mis au point, distribué et injecté et pour que les anticorps apparaissent. Or c'est du temps gagné pour le virus.

Nous ne le connaissons pas : il nous cause encore des surprises. On s'attendait à une deuxième vague, bien sûr, mais pas aussi forte que celle que nous prenons « en pleine figure ». Il faut donner des armes au Gouvernement, à temps, pour lutter et pour aider le personnel soignant, qui est en première ligne et qui fait tout ce qu'il peut.

La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Prorogation de l'état d'urgence sanitaire

La Commission examine les amendements identiques CL1 de Mme Emmanuelle Ménard, CL47 de Mme Danièle Obono et CL58 de Mme Martine Wonner.

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L'amendement a pour objet de supprimer l'article 1er, qui prorogerait l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 pour faire face aux conséquences de l'épidémie due au coronavirus. Nous suspendrions ainsi, une fois encore, pendant plusieurs mois, nos libertés fondamentales et nous donnerions de nouveau des pouvoirs exorbitants à l'exécutif, dans le cadre d'un recours aggravé aux ordonnances et en se dispensant des consultations habituelles des contre-pouvoirs.

Pourquoi cet état d'urgence ? La situation sanitaire se dégrade effectivement dans certaines métropoles, mais la loi que nous avons adoptée le 9 juillet dernier répond, me semble-t-il, à tous les besoins actuels, sauf peut-être, comme M. Gosselin l'a rappelé, s'il s'agit d'instaurer un confinement généralisé. La question est posée : est-ce le dessein du Gouvernement ? Toute la presse en bruit depuis quelques jours. Pourquoi ce recours généralisé aux ordonnances alors que le Parlement siège jour et nuit, week-end compris ? Nous pourrions tout à fait assumer notre rôle. Ces questions n'ont pas eu de réponses satisfaisantes. D'où notre amendement de suppression.

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Les éléments fournis par le Gouvernement ne nous convainquent pas en ce qui concerne les modalités d'exercice des pouvoirs, très importants, qui lui seraient donnés pour faire face à une situation dont nous ne sous-estimons pas la gravité mais au sujet de laquelle, comme d'autres – des scientifiques, des citoyens et des membres du personnel soignant qui se trouve en première ligne –, nous demandons une plus grande rigueur et une plus grande cohérence. Nous ne souhaitons pas la prolongation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'en février 2021, car cela donnerait des pouvoirs trop larges à l'exécutif au détriment de la représentation nationale, qui est sans cesse mise devant un état de fait que l'urgence de la situation ne justifie pas entièrement, selon nous.

À l'heure où la crise accentue la précarité économique et sociale d'un grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes et où les propositions faites par La France insoumise, mais pas seulement, pour répondre à cette situation sont balayées d'un revers de main ou tout bonnement ignorées par le Gouvernement, la stratégie suivie nous interpelle. Nous savons que la majorité gouvernementale a tendance à faire un mésusage des pouvoirs qui lui sont accordés.

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Le groupe Libertés et Territoires souhaite également la suppression de cet article qui prolongerait jusqu'au 16 février 2021 l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire national, sans la moindre justification. Le Gouvernement dispose déjà, depuis 2007, au sein du code de la santé publique, de l'arsenal juridique nécessaire pour gérer ce type de crise. Oui, des dispositifs efficaces doivent exister pour lutter contre les risques liés à un virus, mais ils doivent être proportionnés et ne pas mettre en danger notre État de droit.

Le Gouvernement trahit sa parole, puisqu'il avait évoqué des mesures territorialisées. Il vient à nouveau défier les élus locaux en prenant des mesures générales. Il affirme que les outils dont il dispose dans le cadre de la loi du 9 juillet 2020 ne suffiraient plus, mais jamais il n'a été capable de nous donner les raisons objectives qui le poussent à ne pas faire confiance au Parlement. Jamais il n'a été capable de nous expliquer en quoi le droit commun ne suffirait plus pour gérer la crise.

Le Gouvernement cite l'avis du Conseil scientifique rendu le 19 octobre 2020, mais cette instance a expressément rappelé que ses compétences et ses avis se limitaient à des considérations d'ordre sanitaire et ne portaient en aucun cas, y compris à propos du projet de loi qui lui était soumis, sur la pertinence juridique des mesures envisagées. Par ailleurs, la note d'alerte du 22 septembre privilégiait une autre option que celle du couvre-feu, à savoir une « addition de mesures “modérées”, faisant appel à l'adhésion volontaire et, en cas de besoin, à des mesures contraignantes », telles qu'une « protection renforcée des personnes à risque de formes graves ».

Ne nous laissons pas tromper : rien ne justifie de confiner la démocratie et nos libertés fondamentales.

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Vous aurez remarqué qu'il existe deux commissions d'enquête et une mission d'information, qui exercent leur rôle de contrôle. Le Gouvernement informe le Parlement chaque semaine des mesures qu'il prend dans le cadre du régime transitoire et de l'état d'urgence sanitaire, et nous étudions un cinquième projet de loi, en huit mois, sur cette question – le Parlement sera ensuite appelé à examiner, en janvier prochain, un sixième texte, relatif à la pérennisation des dispositifs de réponse à l'urgence sanitaire. Les ministres viennent tout le temps devant les commissions – ils l'ont encore fait ce matin – et en séance publique pour rendre compte de leur action. La question du contrôle de l'action du Gouvernement étant susceptible de revenir à de nombreuses reprises au cours de nos échanges, cette mise au point préalable me paraissait nécessaire.

La prorogation de l'état d'urgence sanitaire pour une durée supplémentaire de trois mois, qui a reçu un avis favorable du Conseil scientifique, est nécessaire, adaptée et proportionnée à la situation. Les oppositions critiquent le régime transitoire depuis le mois de juillet, en affirmant que le Gouvernement devrait assumer ses responsabilités et déclarer l'état d'urgence sanitaire si la situation le nécessite. La majorité a tout fait pour repousser ce moment fatidique, conscient des bouleversements que cela impliquerait. Aujourd'hui, plus personne ne conteste la gravité de la situation et la nécessité d'agir en utilisant des instruments juridiques adaptés, c'est-à-dire l'état d'urgence sanitaire qui a permis d'instaurer le couvre-feu. Par conséquent, mon avis est défavorable.

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Je ne suis absolument pas d'accord avec le rapporteur. Nous ne nions pas que les conditions sanitaires sont extrêmes, mais il n'en demeure pas moins que le Gouvernement avait les outils juridiques pour faire face à la situation, notamment pour instaurer le couvre-feu.

Le ministre de la santé a dit ce matin qu'il n'est pas juriste. Je lis, pour ma part, ce que les juristes du Gouvernement ont écrit lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, à la fin du mois de juillet. Les sénateurs l'ont fait parce qu'ils étaient inquiets que le Gouvernement puisse adopter certaines mesures restreignant les libertés, notamment celle d'aller et de venir, dont un nouveau confinement. Le Gouvernement, dans le mémoire qu'il a déposé au Conseil constitutionnel, a écrit ceci : « il importe de préciser d'emblée qu'à la différence des règles applicables pendant l'état d'urgence sanitaire (...), aucune mesure générale de confinement strict, c'est-à-dire aucune interdiction de sortie du domicile ou de sortie à plus d'un kilomètre du domicile, ne pourra être prise sur le fondement des dispositions contestées de la loi déférée ». Dans le commentaire de sa propre décision, le Conseil constitutionnel a écarté la possibilité d'un nouveau confinement dans ce cadre, mais toute autre mesure restrictive des libertés peut être prise en considération de la propagation du virus en des lieux déterminés, en fonction des circonstances. Tout le reste est contraire à ce qu'a dit le Conseil constitutionnel.

Nous sommes en train de donner au Gouvernement un blanc-seing, et nous allons rester l'arme au pied. Il n'y avait aucune raison de mettre un terme, la semaine dernière, au débat parlementaire qui était engagé sur l'autre texte, au moment même où le Sénat était sur le point d'en terminer l'examen. Une réunion de commission mixte paritaire ou une seconde lecture aurait pu avoir lieu avant la date butoir du 30 octobre.

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Je ne souscris pas du tout à l'analyse selon laquelle, ayant déjà beaucoup travaillé sur la question de la restriction des libertés des Français, nous pourrions laisser au Gouvernement une marge de manœuvre telle que nous n'aurions plus à nous réunir avant le 1er avril sur ce sujet. Nous touchons là au cœur de notre mission : nous sommes les seuls garants de la liberté des Français, les seuls à même de juger, au quotidien, quelles restrictions aux libertés peuvent être adoptées.

A-t-on moins travaillé dans d'autres Parlements d'Europe ? Nous l'avons entendu dire ce matin. Ailleurs en Europe, par exemple en Allemagne, le Parlement se réunit peut-être moins mais les décisions du Gouvernement ne sont pas prises avant qu'il en soit informé : elles sont coconstruites avec la représentation du peuple, ce qui est très différent. La logique suivie chez nous est de donner un blanc-seing au Gouvernement, et nous sommes contents quand il nous informe de ce qu'il a fait des pouvoirs que nous lui avons donnés… Dans des périodes telles que celle que nous traversons, il ne faut pas négliger le travail qui nous revient : nous devons nous réunir régulièrement.

La réinstauration de l'état d'urgence que nous avions imaginée dès le mois de mars, et qui vient d'avoir lieu, repose sur un décret en conseil des ministres, pour une durée d'un mois, puis il nous appartient d'examiner sa prolongation. On sent bien que le décret a été adopté pour autoriser le couvre-feu, alors qu'il y avait d'autres bases légales, mais ce dont nous discutons n'est plus le couvre-feu : ce sont d'autres mesures, et c'est ce qui pose problème car nous ne savons pas de quoi il s'agit.

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Il faut marteler les choses, car on ne peut pas laisser dire n'importe quoi.

Les Républicains ont parfaitement assumé leurs responsabilités au mois de mars, par leur vote. Nous avons tous en mémoire ces instants solennels, dans un hémicycle quasiment désert, où nous nous demandions si l'avenir de la Nation, et de nos proches, était assuré. Nous avons estimé, en conscience, que l'état d'urgence sanitaire était une nécessité – et c'était le cas.

À l'heure actuelle, il ne s'agit pas de refuser au Gouvernement des moyens d'action. Je le redis avec force : si des mesures de confinement nocturne, c'est-à-dire des couvre-feux, sont nécessaires ici et là, si certains établissements doivent fermer, il faut agir. Personne ne conteste les difficultés rencontrées, ni l'augmentation des cas de covid-19. Mais nous discutons du fondement de telles mesures : on peut très bien s'appuyer sur la loi du 9 juillet 2020 et sur sa prorogation, dont l'examen au Sénat a été suspendu la semaine dernière. Cela permet tout à fait des confinements localisés : le Gouvernement peut recourir, sans difficulté, à des moyens d'action dans un cadre plus restreint et plus respectueux des libertés publiques et individuelles que l'état d'urgence.

Celui-ci, je l'ai dit tout à l'heure, est une arme atomique. Nous voulons, pour notre part, utiliser des armes conventionnelles, à savoir le code de la santé publique et la loi du 9 juillet dernier, selon la lecture faite par le Gouvernement dans les observations qu'il a produites devant le Conseil constitutionnel – et le Conseil d'État n'a pas dit autre chose.

Il ne faudrait pas que le Gouvernement se contredise à quelques semaines d'intervalle, ou alors cela voudrait dire qu'il prépare, en réalité – je lui demande de jouer cartes sur table –, un deuxième confinement général, parce qu'il estimerait que la situation est soit catastrophique soit qu'elle pourrait le devenir. Si c'est le cas, nous demandons à le savoir ; nous l'exigeons, au nom de la représentation nationale. Que le Gouvernement ait cette idée en tête n'est pas nécessairement catastrophique – si la situation l'exige… –, mais encore faudrait-il savoir ce qu'il en est, et préciser le fondement juridique.

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Le cadre juridique permettant d'adopter des mesures fait l'objet d'un débat. Il est plus sain qu'il ait lieu au sujet de l'état d'urgence sanitaire, et il est plus transparent que nous nous prononcions dès à présent sur celui-ci.

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Le Conseil d'État a considéré, dans son avis sur le projet de loi, que le couvre-feu ne pouvait pas être adopté sur le fondement de la loi du 9 juillet dernier. Si nous vous présentions un premier texte, puis un deuxième, puis un troisième, vous seriez les premiers à nous en faire le reproche.

À partir du moment où on estime que la prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, en juillet dernier, ne suffit plus, il faut de nouvelles mesures. Leur adoption aura le mérite, sinon de nous satisfaire – car personne n'a plaisir à restreindre les libertés fondamentales, ni vous, ni nous –, du moins de permettre de faire preuve de transparence et de lucidité.

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Je remercie nos collègues d'avoir rappelé le contexte juridique : il nous semble manquer totalement de transparence.

J'aimerais interroger le rapporteur sur la proportionnalité. L'avis du Conseil scientifique, hormis son paragraphe introductif, est composé de trois pages complètement vides, qui n'établissent absolument pas la proportionnalité de ce qui est proposé au Parlement. Or à qui revient la charge de la preuve ?

Quand on regarde ce qui se passe sur le plan sanitaire depuis six, sept ou huit ans, on voit bien que les services médicaux, en particulier de réanimation, sont saturés chaque hiver et que des patients doivent être transférés vers d'autres hôpitaux. Le scénario est-il très différent des autres années ? Je ne le crois absolument pas. On peut se réjouir que le nombre de décès mensuels soit inférieur à ce que l'on constatait les années antérieures.

Où est la proportionnalité lorsqu'on impose un état d'urgence d'une certaine façon sécuritaire – il y a notamment une incohérence en ce qui concerne les heures – et privatif de tout ce qui pourrait apporter un tout petit peu de bien-être ? Je redoute vraiment les répercussions économiques et sociales, y compris pour la survie des personnes – ce sera dramatique en 2021.

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Lorsque nous avons examiné le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, nous avons interrogé le Gouvernement sur la plus-value de ce texte, dans la mesure où l'état d'urgence pouvait être réactivé et où, comme l'ont dit plusieurs collègues, il existe déjà des dispositions de droit commun qui permettent de réagir en cas de besoin.

Malgré toutes les critiques que nous formulons à l'égard des modalités de l'état d'urgence et des pouvoirs accordés au Gouvernement, sa réinstauration ne pose pas, en soi, une question de principe, mais nous nous interrogeons sur la méthode et sur les intentions du Gouvernement. Le refus de confirmer à l'Assemblée nationale, pendant plusieurs jours, que le décret avait été signé et de préciser les raisons ayant conduit à rétablir l'état d'urgence ne crée pas le climat de confiance et de transparence que notre collègue de la majorité a évoqué.

Le cadre dans lequel tout cela se déroule devrait nous importer, en tant que législateurs. Nous pourrions citer des exemples prouvant qu'on n'a pas besoin de l'état d'urgence sanitaire pour instaurer un couvre-feu – on l'a vu en Guyane, même si on pourrait aussi avancer que c'était problématique et que le couvre-feu était illégal.

Si le Gouvernement a l'intention de décréter, à un moment donné, un confinement généralisé qui serait justifié par les projections scientifiques et les données sur la propagation du virus, qu'il le dise, et nous pourrons alors en débattre. Je crois qu'il serait beaucoup plus sain de le savoir, pas seulement pour nous mais aussi pour la population, afin que l'on puisse se préparer et qu'il y ait une véritable adhésion à cette mesure.

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Nous sommes, je le répète, dans un état d'urgence médicale du fait de ce virus. Il faut avoir toutes les armes. Je ne sais pas ce que sera la situation demain, après-demain et encore moins dans quinze jours.

Devant ce virus que nous ne connaissons pas, qui nous a causé des surprises, je l'ai dit, il faut – et le Conseil constitutionnel s'est prononcé favorablement – se donner toutes les armes. Le confinement en fait partie. Nous ne le désirons pas, mais il est possible qu'on en arrive là.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine en discussion commune les amendements CL14 de Mme Emmanuelle Ménard et CL16 de Mme George Pau-Langevin.

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J'ai déposé l'amendement CL14 en guise de repli. L'état d'urgence ne serait pas prorogé jusqu'au 16 février 2021 mais jusqu'au 1er novembre prochain.

C'est aussi l'occasion de dénoncer la méthode utilisée à l'égard du Parlement : ce projet de loi relève d'une urgence, par définition, mais un délai aussi court est un peu compliqué pour nous, alors que nous examinons en même temps le projet de loi de finances, le plan de relance et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Quand il est question de droits et de libertés individuelles, il faudrait au minimum laisser un peu de temps au débat. Puisque vous avez déjà tous les outils en main, grâce à la loi du 9 juillet dernier, sauf le confinement généralisé – mais vous avez du mal à nous répondre sur ce point –, nous aurions pu avoir un tout petit peu plus de temps.

Je voudrais aussi poser une question au rapporteur, en toute bonne foi – je n'ai pas la réponse : combien d'ordonnances prises par le Gouvernement pendant la période de l'état d'urgence sanitaire ont été soumises à notre ratification ?

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Dans la continuité de nos précédents amendements, il s'agit de limiter la prorogation du régime de l'état d'urgence sanitaire à deux mois, jusqu'au 1er janvier 2021. Il serait regrettable que de telles atteintes aux libertés fondamentales se prolongent sans que le Parlement n'en soit saisi et ne puisse les contrôler.

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Madame Ménard, votre amendement n'est pas opérant puisque l'état d'urgence sanitaire en vigueur l'est jusqu'au 17 novembre. Madame Pau-Langevin, la prorogation d'un mois et demi que vous nous proposez est trop courte pour permettre au Gouvernement d'agir efficacement. Je suis donc défavorable aux deux amendements.

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Si l'on supprime nos prérogatives sans raison valable, pourquoi le faire pour une durée trop longue ? Mmes Ménard et Pau-Langevin l'ont rappelé en présentant leurs amendements : le Gouvernement dispose déjà des outils lui permettant de gérer la crise. Notre collègue Gosselin a cité la page 2 du mémoire du Gouvernement devant le Conseil constitutionnel en date du 7 juillet 2020. Je ne peux pas croire que le Gouvernement ait menti au Conseil constitutionnel !

Page 3 de ce même mémoire, le Gouvernement indique que, concernant les mesures restrictives de liberté dans la loi prorogeant la sortie de l'état d'urgence jusqu'au 30 octobre, des mesures d'interdiction pourront également être prises, mais dans les seules parties du territoire dans lesquelles une circulation active du virus aura été préalablement constatée. C'est ce qu'a fait le Gouvernement pour les seize départements touchés par le couvre-feu. Il n'y a donc aucune raison de revenir à l'état d'urgence.

Nous sommes responsables de la rédaction de la loi et nous ne pouvons nous contenter des déclarations fantaisistes des uns ou des autres. Ce matin, le ministre de la santé – à qui je laisse l'appréciation de la gravité de la crise car il est plus compétent que moi – a avoué qu'il n'était pas juriste. Mais je me contente de lire les propos des services du ministère et ils ont écrit exactement l'inverse de ce que le ministre nous a dit ! Nous ne pouvons pas nous contenter de telles explications.

Monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous dois, vous nous avez indiqué que nous avions reçu un avis favorable du Conseil constitutionnel sur le projet de loi. Non, le Gouvernement n'a pas rédigé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et aucun avis favorable n'a été émis ! Stop aux certitudes et aux déclarations ! Tenons-nous au texte ; nous pourrons alors légiférer dans le juste.

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L'état d'urgence sanitaire vise à permettre au Gouvernement de prendre des mesures pour ralentir la propagation du virus. Nous savons que nous approchons de périodes qui vont être particulièrement difficiles à gérer – ne nous voilons pas la face. Lors des fêtes de fin d'année, nos concitoyens veulent retrouver leurs proches. Il nous faut trouver les moyens de nous organiser pour que cela puisse se faire dans les meilleures conditions. Voter la fin de l'état d'urgence sanitaire au lendemain de la Saint Sylvestre ne serait pas raisonnable.

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Monsieur le rapporteur, quels sont les arguments en faveur de la prolongation de l'état d'urgence ? Dans sa note du 19 octobre, le Conseil scientifique se réfère à celle du 22 septembre et souligne qu'il n'est pas favorable à des formes contraignantes généralisées de gestion de la crise. Mais avez-vous déjà, oui ou non, la date du prochain reconfinement ?

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Quelle est la durée nécessaire de l'état d'urgence ? Lors de la première vague, nous avons voté quatre mois. Certains collègues semblent remettre en cause le niveau de gravité de la situation.

(Protestations des députés du groupe Les Républicains)

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Si ce n'est pas le cas, je m'en réjouis ! D'ailleurs, il y a deux semaines, lorsque nous débattions du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, vous étiez les premiers à affirmer que, si la situation était grave, il faudrait débattre rapidement. C'est ce que nous faisons aujourd'hui !

La situation est grave – je ne vais pas revenir sur les propos du ministre de la santé. Dans les prochaines semaines, des hôpitaux seront saturés. C'est pourquoi nous devons anticiper afin de réduire dès maintenant le nombre de nouvelles contaminations.

D'ailleurs, que se passe-t-il ailleurs en Europe, dans d'autres grandes démocraties ? J'entends qu'on piétine les libertés ou la démocratie, mais est-ce aussi le cas en Irlande ? Est-ce le cas en Belgique ?

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Non ! Ils prennent simplement des dispositions pour protéger leur population face à leur retour de cette épidémie.

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Si la pédagogie est l'art de la répétition, je vais, comme mes collègues, le répéter pour que cela soit bien clair : il n'est pas question de contester la gravité de la situation. Ne nous faites donc pas de mauvais procès d'intention ! Il n'est pas non plus question de contester la possibilité pour le Gouvernement d'agir, y compris par des couvre-feux localisés ou par des fermetures administratives, localisées, de certains types d'établissements.

En revanche, nous contestons le fondement sur lequel vous voulez prendre ces mesures car nous considérons que la loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, dont les débats ont été suspendus la semaine dernière au Sénat, suffisait. Le Conseil constitutionnel le dit, le Conseil d'État ne dit pas le contraire, dans son mémoire en observation du 7 juillet devant le Conseil constitutionnel, le Gouvernement ne dit absolument pas le contraire non plus. Nous ne récusons donc pas l'action du Gouvernement, mais nous nous interrogeons sur le bon fondement car l'état d'urgence, ce n'est pas rien…

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C'est un état d'exception durant lequel le Parlement se tire une balle dans le pied et au cours duquel le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est, en quelque sorte, interrompu. C'est pourquoi nous plaidons pour le droit commun s'il est suffisant ! Mais peut-être le Gouvernement prévoit-il que la situation nécessitera un deuxième confinement ? Dans ce cas, nous demandons à ce que cela soit mis sur la table !

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Il ne faut infantiliser ni les Français, ni la représentation nationale. Vous évoquez les exemples étrangers, mais l'Allemagne étant un État fédéral, tous les Länder n'ont pas imposé de confinement. C'est la même chose en Irlande.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l'article 1er sans modification.

Après l'article premier

La Commission examine l'amendement CL23 de Mme George Pau-Langevin.

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Cet amendement vise à prévoir que les autorités administratives transmettent sans délai copie de tous les actes qu'elles prennent en application de l'article L. 3131‑13 du code de la santé publique.

Madame la présidente, vous nous avez indiqué recevoir certaines informations du Gouvernement, mais il serait préférable de l'inscrire dans la loi.

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Lorsqu'elle mentionne les autorités administratives, la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence fait référence au ministère de l'intérieur et aux préfets. Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, votre amendement est satisfait puisque le ministère de l'intérieur centralise déjà l'ensemble des actes préfectoraux. Une synthèse, sous la forme d'un rapport d'étape hebdomadaire, est également publiée sur le site internet de l'Assemblée nationale. Mon avis est donc défavorable.

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Nous avions déjà évoqué ce sujet au cours des débats sur le premier projet de loi d'urgence. L'analogie avec la loi de 1955 trouve rapidement ses limites puisque les actes alors transmis étaient essentiellement des actes individuels – perquisitions, visites domiciliaires, etc. À l'inverse, il s'agit actuellement de milliers d'actes généraux. C'est pourquoi nous avions privilégié une information, et non la transmission de chaque acte pris en vertu de l'état d'urgence sanitaire.

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Monsieur le rapporteur, j'entends que les documents apparaissent sur le site, mais au vu de la quantité de décisions, en plus des textes normatifs, il semble complexe d'analyser tous ces éléments. J'aurais une préférence pour la proposition que vous faisiez ce matin : réunir la commission une fois par mois, ou toutes les six semaines, afin d'assurer un véritable contrôle qualitatif. Certes, c'est un gros travail, pour vous et pour les services. Ces derniers auraient peut-être besoin de renforts car nous les sollicitons énormément – j'en profite pour saluer leur travail.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL24 de Mme George Pau-Langevin.

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Cet amendement vise à ce qu'en cas de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement présente au Parlement un rapport exposant la nécessité d'une telle mesure.

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Il faut laisser un peu de souplesse au dispositif, d'autant qu'il est strictement encadré. Quant à l'impérieuse nécessité d'une telle prorogation, je vous renvoie à l'avis du Conseil scientifique, qui est parfaitement clair.

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La question est importante et cet amendement est intéressant : la commission des Lois est saisie d'un projet de loi émanant du ministère de la santé, ministère « technique » ; c'est quand même peu commun… N'est-ce pas une erreur que d'avoir confié au ministère de la santé des prérogatives de restriction des libertés publiques ? Cela n'a rien à voir avec la loi du 17 mai 1958 déclarant l'état d'urgence sur le territoire métropolitain, subtil équilibre entre le Président de la République et le ministère de l'intérieur, ministère des libertés publiques.

Cela devrait nous interroger sur la façon dont le Parlement exerce son contrôle…

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L'amendement est particulièrement intéressant car nous pourrions avoir à faire face à d'autres prorogations. Nous disposons de l'avis du Conseil scientifique. Des justifications éclairantes et extrêmement précises seraient utiles.

Le groupe Libertés et Territoires est persuadé que la situation sanitaire est extrêmement préoccupante. Pour autant, nous ne disposons toujours pas d'éléments qui démontrent que la situation est plus préoccupante que ce que nous vivons chaque hiver depuis plusieurs années. Nous manquons de données sanitaires.

Étant donné que je devrais être en train de débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale en séance publique, j'aimerais remercier le ministre de la santé, qui a prévu par amendement du Gouvernement une rallonge de 2,4 milliards d'euros finançant la réinstallation de 4 000 lits, qui viendront simplement annuler les 3 980 lits supprimés en 2019… L'équilibre est minimaliste. Si nous passons un hiver plus serein avec 4 000 lits supplémentaires, n'oublions pas les soignants, qui restent en première ligne et qui doivent absolument disposer de moyens supplémentaires. Sauvons l'hôpital public, mais ne disons pas n'importe quoi sur la gravité de la situation.

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Madame Wonner, nous connaissons vos combats mais, vous venez de le dire, ne disons pas n'importe quoi ! Soyons responsables car nous ne pouvons pas nous permettre de minorer la gravité de la situation… .

(Protestations)

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Madame Wonner compare l'épidémie que nous vivons à une grippe hivernale ; ce n'est pas possible ! C'est à cause de ce type de propos que beaucoup de nos concitoyens ont mis trop de temps à réaliser la gravité de la situation.

Il est impératif que la parole des représentants de la Nation soit responsable et unanime. Vous parlez de « trahison », de « défi » alors que nous devons, tous ensemble, essayer de sortir par le haut de la crise. Continuons à débattre de manière apaisée, avec respect et en ayant conscience de nos responsabilités.

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Je rappelle que nous avons auditionné le ministre de la santé ce matin pendant près d'une heure et demie, qu'un rapport hebdomadaire est fourni au Parlement sur les données de santé et sur les actions du Gouvernement, que chaque prorogation fait l'objet d'un projet de loi, soumis au Conseil d'État et accompagné d'un avis public du Conseil scientifique, transmis au Parlement. Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne disposons pas d'information. Nous pouvons exprimer des désaccords, mais la procédure législative est parfaitement respectée jusqu'à présent.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL48 de Mme Danièle Obono.

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Il s'agit d'effacer du casier judiciaire la mention des contraventions et délits de non-respect des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Ces mentions peuvent avoir de lourdes conséquences sur la trajectoire personnelle et professionnelle des mis en cause. En outre, le confinement a donné lieu à beaucoup de contrôles dont la régularité a été contestée par les personnes concernées et par certaines organisations de défense des droits humains. À l'occasion de sa réponse à l'une de mes questions écrites, posée à la demande de plusieurs associations de défense des droits humains, le ministère de l'intérieur a lui-même reconnu que les consignes données aux forces de l'ordre étaient floues et pouvaient mener à des erreurs.

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De quelles condamnations parle-t-on ? Il s'agit tout de même de violations des prescriptions de l'état d'urgence sanitaire ou du régime transitoire verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, qui peuvent être punies de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général. Il s'agit de récidives et violations répétées, et donc délibérées, bien loin de la situation que vous décrivez.

En outre, en dépit des protestations habituelles de certains, toutes les juridictions ont validé le principe de cette infraction et de son fonctionnement, qui respecte pleinement les droits de la défense et le principe du contradictoire. Mon avis est donc défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Article 2 (art. 1er et 2 de la loi n° 2020‑856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire) : Régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire

La Commission examine les amendements identiques CL2 de Mme Emmanuelle Ménard, CL29 de M. Antoine Savignat, CL51 de Mme Danièle Obono et CL59 de Mme Martine Wonner.

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Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article. Nous l'avons déjà démontré, donner des pouvoirs exorbitants au Gouvernement fait absolument fi de l'obligation de contrôle du Parlement, alors que les parlementaires sont présents dans l'hémicycle, en commission, le jour, la nuit, le week-end – même si nous ne sommes pas tous là en raison des contraintes sanitaires. Donner les pleins pouvoirs au Gouvernement n'est donc pas la bonne solution, d'autant qu'il a tout loisir d'agir sans disposer à nouveau de prérogatives exorbitantes de droit commun – il a entre ses mains une liste déjà longue de pouvoirs.

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L'amendement CL29 vise à clarifier la situation car le projet de loi confond dans un même texte le régime d'état d'urgence sanitaire et le régime transitoire que nous avions imaginé à l'issue du précédent déclenchement de l'état d'urgence sanitaire.

Il ne serait pas raisonnable de légiférer pour les six prochains mois, en confiant d'importantes prérogatives au Gouvernement. J'entends qu'on peut espérer que l'état d'urgence sanitaire ne dure pas jusqu'au 16 février et que, dans ce cas de figure, il faut prévoir un régime juridique transitoire. Il me semble gênant de signer dès aujourd'hui un blanc-seing au Gouvernement jusqu'au 1er avril, sans possibilité de discussion. Je rappelle que les débats sur le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire étaient avancés jusqu'au stade de la commission mixte paritaire. Dans le texte adopté par le Sénat, la date butoir de sortie de l'état d'urgence était fixée au 31 janvier. C'est désormais le 16 février – soit deux semaines de plus. Mais nous aurions tout à fait le temps de nous retrouver d'ici là pour légiférer sur les suites à donner !

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L'article 2, dont nous demandons la suppression, pose problème à plusieurs égards : fusion de deux dispositifs critiquables, car octroyant des pouvoirs étendus au Gouvernement ; faiblesse du contrôle parlementaire et de la garantie des droits et libertés ; manque de planification et de transparence du Gouvernement concernant les différentes options pour faire face à la situation sanitaire.

Au regard du bilan de la dernière période, cette prorogation ne se justifie pas.

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Nous souhaitons également la suppression de cet article.

Je vais une fois de plus me répéter : nous avons l'impression que le Gouvernement en profite pour faire d'une pierre deux coups, en demandant l'extension jusqu'au 1er avril 2021 d'un demi-état d'urgence sanitaire. Nous contestions déjà, à l'époque, la nécessité de passer par le biais d'un régime transitoire analogue à un état d'urgence sanitaire qui ne portait pas véritablement son nom. En outre, le régime prévu à l'article L. 3131-1 du code de la santé publique permet de prendre des mesures proportionnées et suffisantes à la situation.

Nous ne pouvons que nous inquiéter et nous émouvoir des raisons ayant motivé le Gouvernement à mettre en place ce régime transitoire après le 16 février 2021. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il précise que « cette échéance permettrait de consacrer la future réforme à la mise en place d'un dispositif pérenne de gestion de l'urgence sanitaire, sans que ce débat de fond ne soit affecté par la nécessité d'une nouvelle prorogation des mesures sanitaires ». À un régime transitoire se substituera un régime définitif, inscrivant l'état d'urgence sanitaire dans le droit commun.

Allons-nous accepter de signer ce chèque en blanc au Gouvernement jusqu'au 1er avril 2021, alors que ce dernier nous indique clairement que le but de cette manœuvre est de nous faire patienter jusqu'à la mise en abyme définitive de notre État de droit ? Nous observons tous cette réalité et ne pouvons la nier : c'est la destruction froide et inexorable de notre État de droit, sous couvert de la protection de la population.

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Je vous rappelle que, même si le Sénat avait voté en faveur du 31 janvier, l'Assemblée nationale avait quant à elle plaidé, tant en commission que dans l'hémicycle, pour le 1er avril. L'examen de ce projet de loi est suspendu du fait des circonstances sanitaires dramatiques, mais les dispositions qui nous sont désormais soumises sont un aménagement de ce que nous avions voté.

Le régime d'état d'urgence sanitaire a été instauré par décret pour un mois. On nous demande de le prolonger de trois mois et de prévoir un régime de sortie, sur le modèle de ce que nous avions fait cet été. En outre, les contrôles et garanties nécessaires sont prévus.

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Je pense a contrario qu'il faut limiter la durée d'effet de ce texte. Nous avons armé le Gouvernement pour affronter cette crise : or il refuse aujourd'hui de le voir et part dans des digressions, des interprétations et des tergiversations alors qu'il pouvait parfaitement décider ce couvre-feu dans le cadre actuel.

Je rappelle une seule phrase du Conseil constitutionnel : « L'interdiction de circulation des personnes ne peut conduire à leur interdire de sortir de leur domicile ou de ses alentours. » Le Gouvernement en a tiré argument pour dire : nous n'étions pas armés pour ledit couvre-feu. Mais le commentaire de la décision du Conseil explique qu'il faut « […] bien marquer la différence entre ces mesures [c'est-à-dire toutes celles restrictives de liberté] qui pouvaient être prises dans le cadre de la loi et celles qui avaient conduit au confinement de la population durant la période d'application de l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national […] ». Alors que le Gouvernement en tire argument pour affirmer qu'il ne pouvait décider du couvre-feu, le Conseil n'avait apporté cette précision que pour marquer la différence avec le confinement.

Ce texte n'aurait-il donc pour vocation que d'armer le Gouvernement pour décider d'un nouveau confinement – il faudrait seulement qu'il le dise – qui constituerait cependant peut-être une bonne solution ? Or nous savons faire puisque seules vingt-quatre heures se sont écoulées entre le dépôt du texte, celui de nombreux amendements et notre réunion. Nous légiférerons donc si nécessaire, en fonction de l'évolution de la situation, car nous restons un État démocratique : le Parlement ne peut pas être désarmé.

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Nous avons depuis le début de la réunion entendu parler d'état d'urgence parlementaire et de législation d'urgence : or je salue l'application de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 au plus tard car elle nous offre, pour une fois, une anticipation de moyen terme.

S'appliquera ensuite, car nous ne passerons pas de cet état à rien, un régime transitoire dont nous avons débattu ici-même ainsi que dans l'Hémicycle. Anticipation, transparence et responsabilité sont donc les maîtres-mots de cet article.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CL3 de Mme Emmanuelle Ménard et CL68 de Mme Frédérique Dumas.

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L'article 2 mélange les deux régimes : l'état d'urgence et la sortie de celui-ci. Pourquoi organiser un régime transitoire qui ne débutera que le 16 février prochain, sans compter qu'adopter cette mesure va, à l'évidence, gravement obérer le déroulement des élections départementales et régionales, auquel cas, les conclusions de la commission qui travaille sur le report ou non de ces échéances électorales seraient courues d'avance ?

L'amendement vise donc à supprimer l'alinéa 2.

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La suppression de l'alinéa 2 répond à une préoccupation très claire : faire vivre notre démocratie, puisque la prorogation du régime transitoire jusqu'au 1er avril 2021 couvrira cette période d'élections départementales et régionales.

J'en profite en outre pour répondre à Mme Avia, qui s'est adressée à moi de façon très personnelle : si nous avons tous conscience de la gravité de la situation, nous savons également que ce virus se comporte comme un virus saisonnier.

D'ici le 1er avril 2021, la situation sera donc rétablie parce le Gouvernement aura mis tous les moyens nécessaires à l'augmentation sensible du nombre de lits dans les établissements hospitaliers : une prorogation jusqu'à cette date est tout à fait inadaptée.

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Nous avions voté un texte allant jusqu'au 1er avril : je me tiens donc à cette date, qui me paraît la meilleure. Avis défavorable.

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Nous déposerons un amendement semblable en séance. J'avais contesté le projet sur le dispositif transitoire car il me semblait que le Gouvernement avait largement de quoi faire face à une reprise épidémique avec ce que nous avions voté ces derniers mois : l'état d'urgence sanitaire et certaines dispositions du code de la santé publique.

Si la reprise actuelle justifie l'état d'urgence, je suis en désaccord avec la durée proposée comme avec le dispositif transitoire, car nous ne savons pas aujourd'hui, et le Gouvernement pas plus que personne, ce qu'il en sera au mois de février. Peut-être faudra-t-il le proroger à ce moment-là parce que la reprise épidémique se sera aggravée ?

Dans cette crise, il ne faut pas légiférer au long cours surtout lorsque l'on touche aux libertés individuelles. Enfin, le dispositif transitoire a été malmené au Sénat : il y a donc une petite habileté politique, autant qu'une mauvaise manière, à le court-circuiter en le réinsérant dans ce projet de loi et en mêlant les deux sujets.

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L'article 2, avec la date du 1er avril 2021, complète fort habilement l'article 1er, qui prévoit celle du 16 février : l'état d'urgence va donc se prolonger pendant six mois jusqu'à cette dernière échéance avant que l'on ne bascule sur une sortie de l'état d'urgence.

Or la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2020 nous a appris qu'il s'agissait d'un état d'urgence qui ne dit pas son nom : il serait donc plus honnête d'annoncer à nos concitoyens et à la représentation nationale que l'état d'urgence sanitaire durera au moins jusqu'au 1er avril. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt.

Accessoirement, je souscris aux propos de Stéphane Peu : le projet de loi constitue également une façon de contourner, et de façon grossière, le Sénat.

La Commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CL13 de Mme Emmanuelle Ménard, CL28 de M. Antoine Savignat et CL17 de Mme George Pau-Langevin.

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Il s'agit d'un amendement de repli qui vise, à l'alinéa 2, à substituer à la date du 1er avril 2021 celle du 31 décembre 2020, ce qui raccourcira cette période d'exception, compte tenu de ce qu'elle entraîne pour nos droits et libertés et pour notre économie. Il faut autant que faire se peut réduire la durée de l'état d'urgence sanitaire.

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Je suis assez surpris par l'argument de notre collègue Laetitia Avia sur la prévisibilité, dans la mesure où la gestion de cette crise n'est absolument pas prévisible : nous l'avons encore vu avec le déclenchement du couvre-feu, mesure qui semblait inimaginable deux jours avant, et nous le verrons encore avec les nouvelles décisions qui seront annoncées dans quelques minutes.

Ce que nous nous apprêtons à voter est un cadre juridique particulièrement large qui laissera au Gouvernement la possibilité de faire pendant six mois à peu près tout ce qu'il veut – même si, nous ne le contestons pas, il en a peut-être besoin – : c'est bien ce qui nous dérange.

C'est également la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas que les deux questions de l'état d'urgence sanitaire et de sa sortie soient mêlées, car cela revient à créer un dispositif totalement dérogatoire du droit commun et à confier au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels pendant une période particulièrement longue.

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Dans la même logique, l'amendement vise à limiter la prorogation du régime transitoire de sortie de l'état d'urgence à trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er février 2021.

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Mon avis reste défavorable, notamment parce qu'il faut suivre l'évolution de la pandémie.

La Commission rejette successivement les amendements.

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Madame la présidente, dans dix minutes, le Gouvernement va annoncer des mesures importantes, en lien avec le texte : comment allons-nous organiser nos travaux, sachant que le ministre a ce matin expressément renvoyé à cette conférence de presse ?

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Je n'ai pas pour habitude de suspendre les travaux de la commission pour suivre une conférence de presse d'un ministre que nous avons en outre reçu ce matin. Votre groupe compte suffisamment de membres pour que certains d'entre eux puissent regarder la télévision pendant que nous poursuivons nos travaux...

La Commission adopte l'amendement de coordination CL43 du rapporteur.

Elle examine les amendements CL49, CL50, CL52, CL54, CL11, CL4 et CL5 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Même si le nombre de non-inscrits a subitement augmenté depuis quelques jours, ils ne représentent toujours qu'eux-mêmes.

(Sourires.)

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Cette série d'amendements vise à remettre en cause le principe de proportionnalité : l'état d'urgence sanitaire va permettre à l'exécutif de prendre de nombreuses mesures restrictives de nos libertés, notamment celle d'aller et venir, objet de l'amendement CL49, de se rendre dans un établissement recevant du public, objet de l'amendement CL50, de manifester, objet de l'amendement CL52, et de prendre les transports publics aériens, objet de l'amendement CL54.

L'amendement CL11 traite des agences régionales de santé, qui ne se sont pas toutes montrées à la hauteur lors de la première application de l'état d'urgence sanitaire : doit-on dès lors leur confier les pleins pouvoirs ?

Enfin, les amendements CL4 et CL5 visent à revenir sur les dispositions figurant aux alinéas 4, 5 et 6.

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Je suis défavorable à tous ces amendements. S'agissant de l'amendement CL49, supprimer la possibilité de prendre des mesures relatives à la circulation des personnes aurait des conséquences graves sur des mesures très concrètes et indispensables pour freiner la circulation du virus. C'est d'ailleurs sur le fondement de l'alinéa que vous souhaitez supprimer que le port du masque est obligatoire dans les transports en commun.

S'agissant de l'amendement CL50, les mesures relatives à la réglementation des établissements recevant du public (ERP) restent absolument nécessaires dans le contexte sanitaire afin de limiter la propagation du virus. Ce n'est pas en baissant la garde qu'il faut répondre aux critiques émises, même si elles sont compréhensibles, mais en amplifiant les mesures d'accompagnent et de soutien : à l'initiative du Président de la République et du Gouvernement, celles-ci vont s'amplifier dans les prochaines semaines.

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Il n'est pas du tout dans mon intention de supprimer le port du masque : je souhaite revenir au principe de proportionnalité, car toutes les mesures en question sont rendues possibles par la loi du 9 juillet 2020 et il n'est pas du tout nécessaire de franchir le cap supplémentaire de l'état d'urgence pour continuer à les appliquer.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l'amendement CL62 de M. Sacha Houlié.

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Nous avons déjà débattu de l'amendement dans le cadre de la prorogation des mesures de sortie de l'état d'urgence sanitaire : il vise à revoir l'appréciation des jauges d'occupation des ERP en ne les exprimant plus de manière forfaitaire mais proportionnelle, c'est-à-dire en pourcentage.

Il ne s'appliquerait pas pendant l'état d'urgence lui-même, mais à partir du 17 février 2021, et jusqu'au 1er avril.

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L'adoption de l'amendement, dont la rédaction ne correspond pas à celle qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale lors de la discussion du texte précédent, poserait deux problèmes importants.

Tout d'abord, la stricte adaptation de la réglementation à la situation sanitaire locale empêcherait de prendre des mesures nécessaires au niveau national, par exemple la jauge des 5 000 personnes.

Si une approche territorialisée de la gestion de la crise est bien sûr souhaitable, celle-ci ne doit pas faire obstacle à l'édiction de mesures utiles dans tout le pays : n'oublions pas que ce virus circule activement sur l'ensemble du territoire national.

Dans ce cas, à quelle échelle s'apprécie la situation locale ? À celle de la ville, de la métropole, du département ou à celle de la région ? Je vous rappelle que s'agissant des ERP à grandes capacités d'accueil, le brassage des populations se fait à une échelle territoriale très large.

Par ailleurs, la stricte adaptation de la réglementation aux caractéristiques des ERP est elle aussi trop restrictive. Il n'y a pas que les caractéristiques propres des grands ERP qui doivent être prises en compte, il faut là aussi pouvoir prendre des mesures générales s'appliquant à tous les ERP, quel que soit leur type ou leurs particularités : par exemple rendre obligatoire le port du masque.

Je suis par conséquent défavorable à l'amendement.

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Cette argumentation montre que mêler dans le même texte le statut de l'état d'urgence sanitaire et celui de la sortie de cet état est parfaitement incompréhensible, y compris pour le rapporteur lui-même. En effet, sa réponse s'inscrit dans le cadre de l'application de cet état d'urgence alors que l'amendement nous invite à nous projeter dans la période de sortie de celui-ci, qui implique de restreindre les prérogatives du Gouvernement s'agissant de l'encadrement des ERP, l'ouverture devant alors constituer la règle et la fermeture l'exception.

L'amendement nous semble donc adapté.

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Première précision : la rédaction de l'amendement, qui n'évoque plus la capacité d'accueil mais leurs caractéristiques, ce qui intègre les issues, a évolué compte tenu de la position du Gouvernement.

Deuxième précision concernant les flux : la situation sanitaire locale peut être appréciée soit à l'échelle des métropoles, où des couvre-feux sont en vigueur, et où se justifie le rétablissement de l'état d'urgence sanitaire, soit à celle de départements entiers, conformément aux annonces faites ce soir.

Troisième précision : il faut effectivement bien distinguer la période courant jusqu'au 16 février, c'est-à-dire celle de l'application de l'état d'urgence sanitaire, au cours de laquelle l'amendement ne s'applique pas puisqu'il n'est pas question de réunions dans des salles ou dans des stades, et celle de sortie progressive de celui-ci, au cours de laquelle on peut reprendre une vie beaucoup plus normale. D'où les jauges proportionnelles que je propose.

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L'amendement, qui est de bon sens, avait retenu l'attention de différents groupes, en ce qu'il fait appel aux notions importantes de proportionnalité et d'adaptation. Une fois encore, l'approche du Gouvernement est par trop jacobine et en contradiction tant avec la République décentralisée qu'avec la diversité des ERP.

Comment pouvez-vous balayer cette question d'un revers de main alors que majorité et opposition avaient avancé en bonne intelligence, grâce au travail mené par notre collègue Sacha Houlié ? J'espère que nous trouverons d'ici la séance publique un terrain d'entente sans attendre la commission mixte paritaire.

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Si nous avions effectivement déjà eu le débat lors de l'examen du précédent projet de loi, la rédaction votée en séance diffère beaucoup de celle que propose notre collègue Sacha Houlié.

L'adverbe « strictement » pose problème au groupe La République en marche en ce qu'il priverait le Gouvernement d'une certaine souplesse dans la mise en application de règles différentes en fonction des ERP. C'est pourquoi nous suivrons l'avis défavorable du rapporteur.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 2 modifié.

Article 3 (art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions) : Prorogation des systèmes d'information mis en œuvre aux fins de lutter contre l'épidémie de Covid-19

La Commission est d'abord saisie de trois amendements de suppression CL6 de Mme Emmanuelle Ménard, CL53 de Mme Danièle Obono et CL60 de Mme Martine Wonner.

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En dehors des dérogations expressément prévues par la loi, le secret médical couvre l'ensemble des informations concernant la personne portées à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel des établissements, des services ou organismes de santé et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ceux-ci. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

On ne peut donc que s'interroger sur la pertinence de renouveler le système dérogatoire à l'article L. 1110‑4 du code de la santé publique.

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Nous demandons la suppression de l'article 3, qui tend à prolonger les dispositifs collectant les données de santé, suppression qui nous semble justifiée notamment par les couacs qu'ont connus jusqu'à présent les outils de suivi des personnes contaminées ou à risque du Gouvernement, lequel n'a d'ailleurs pas répondu aux alertes de la CNIL. De fait, l'échec de la désormais fameuse application StopCovid – dont la nouvelle version, déployée aujourd'hui, est très proche de la précédente – est patent. Il s'agit pourtant, selon le Gouvernement, de l'un des éléments majeurs de sa stratégie de suivi des cas contact. Ce matin, le ministre de la santé, s'il s'est abstenu de répondre à la question qui lui était posée sur les éléments dont dispose Santé publique France concernant les principaux foyers de contamination, a lui-même indiqué qu'il n'était pas possible d'intensifier davantage le suivi sans remettre en cause des libertés fondamentales. La prorogation de dispositifs à l'efficacité douteuse et qui présentent des risques pour la protection des données ne nous semble donc pas justifiée.

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Je demande, moi aussi, la suppression de l'article 3, qui permet la mise en œuvre, jusqu'au 1er avril 2021, des systèmes dédiés au suivi de l'épidémie de covid-19 et, par conséquent, la prolongation, sur la même durée, de la conservation de certaines données pseudonymisées collectées par ces systèmes à des fins de surveillance et de recherche sur l'épidémie. Nous avons déjà souligné le risque que présente ce type de fichiers. Or, le système pourrait désormais recueillir de nouvelles catégories de données, notamment celles issues de tests autres que ceux de biologie médicale.

En outre, l'article 3 prévoit un accompagnement social des personnes infectées et des personnes susceptibles de l'être pendant et après la fin des prescriptions médicales d'isolement prophylactique. Or, cet accompagnement social n'est pas du tout suffisant : il doit être également médical, comme nous l'avons souligné à de multiples reprises. Hélas, dans ce domaine, rien n'est prévu dans le projet de loi.

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Nous avons déjà eu ce débat lors de la création du SI-DEP (système d'information de dépistage) et de Contact Covid et lors de l'examen des différents textes visant à en prolonger l'application. Ces systèmes d'information sont, je le rappelle, des éléments déterminants de la stratégie « Tester, tracer et isoler ». Tous les tests réalisés ainsi que leurs résultats sont renseignés dans le SI-DEP, et chaque personne contaminée ou cas contact fait l'objet, dans Contact Covid, d'une fiche individuelle qui permet d'assurer son accompagnement dans le parcours de soins. Ces éléments nous permettent également de mener des recherches sur le virus, de mieux le comprendre et d'adapter en conséquence nos politiques publiques. Le Conseil scientifique considère ainsi que ces outils sont d'une extrême importance pour la lutte et la connaissance de l'épidémie.

Par ailleurs, la durée de conservation des données est limitée dans le temps : elle est de trois mois pour toutes les données identifiantes et s'étend jusqu'au 1er avril pour les données pseudonymisées collectées avec le consentement des personnes à des fins de recherche. Cela me paraît tout fait à raisonnable.

Enfin, nous avons créé un comité de contrôle et de liaison indépendant, chargé notamment de contrôler le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données pseudonymisées personnelles, qui a publié un rapport très complet le 15 janvier. Toutes les garanties nécessaires sont donc prévues.

Je rappelle, s'agissant des alertes de la CNIL, que nous avons déposé avec Mme Thourot un amendement CL57 qui doit nous permettre de disposer d'indicateurs d'efficacité concernant ces systèmes d'information.

Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL37 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL18 de Mme George Pau-Langevin et CL30 de M. Philippe Gosselin.

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Il s'agit de limiter la période d'utilisation du système d'information de lutte contre le covid-19 à trois mois ; cette période prendrait donc fin au 1er février 2021. En effet, les risques d'atteinte au respect de la vie privée induits par ce dispositif sont tels qu'il convient d'en limiter l'exploitation au strict nécessaire.

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Dans le même état d'esprit, nous partons du principe que les dysfonctionnements et les atteintes portées à la protection des données personnelles sont avérés. Certes, le rapporteur me répondra que le projet de loi ne concerne que le SI-DEP et Contact Covid, et aucunement StopCovid ni la plateforme des données de santé, qui vient de se faire épingler pour ses relations particulières avec Microsoft. Néanmoins, nous devons être prudents et précautionneux. Je ne prétends pas que le Gouvernement manipule ces données – je ne suis pas adepte des thèses complotistes. Mais puisqu'il propose que l'état d'urgence sanitaire prenne fin le 16 février, nous vous proposons, par cohérence, que ces dispositifs expirent à la même date.

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Par cohérence avec nos débats précédents, nous préférons maintenir la date du 1er avril. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CL7 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il s'agit de rappeler que les données à caractère personnel concernant la santé ne doivent en aucun cas être transmises sans l'accord des personnes intéressées.

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Nous avons déjà longuement débattu de cette question lors de l'examen des textes précédents. Seule l'exhaustivité des données collectées permet aux systèmes d'information d'être efficaces. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il revenait au législateur de définir les garanties encadrant leur création, ce que nous avons fait en soumettant les personnels concernés au respect du secret professionnel, en créant le comité de contrôle et de liaison et en prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport complété par l'avis de la CNIL.

Cet ensemble de mesures nous permet non seulement de nous prononcer de manière éclairée, mais aussi de solliciter de la part du Gouvernement des précisions, voire des explications, comme nous l'avons fait ce matin en commission et comme nous le ferons en séance publique et tout au long de l'examen de ce texte. C'est aussi un gage de transparence vis-à-vis des citoyens et, plus généralement, de toutes les personnes concernées. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CL9 de Mme Emmanuelle Ménard et CL19 de Mme George Pau-Langevin.

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Il s'agit de supprimer l'alinéa 9 de l'article 3. S'en remettre à un décret pour dresser la liste des personnes habilitées à réaliser les examens de dépistage est une nouvelle fois un moyen de contourner le contrôle du Parlement, à moins que le Gouvernement ne soit dans l'incapacité de dresser la liste des personnes compétentes. En tout état de cause, ce n'est pas acceptable.

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Nous ne jugeons pas souhaitable l'extension du champ des professionnels habilités à renseigner le fichier Covid-19. Allonger la liste, déjà très longue, des professionnels ayant accès à ce système d'information augmenterait les risques de fuite des données personnelles.

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Vous ne souhaitez pas que la liste des personnels de santé pouvant renseigner les résultats des tests soit renvoyée à un décret en Conseil d'État. Pourtant, une telle liste semble bien relever d'un décret et non du domaine de la loi. En outre, l'étude d'impact précise bien que l'extension de cette liste est rendue nécessaire par l'introduction de nouveaux tests, notamment les tests rapides antigéniques, que pourront réaliser notamment les pharmaciens et les infirmiers, lesquels doivent pouvoir renseigner les résultats obtenus dans les systèmes d'information. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL38 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l'amendement CL20 de Mme George Pau-Langevin.

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Par cet amendement, nous proposons de supprimer le dispositif d'accompagnement social des personnes infectées ou susceptibles de l'être. Cette disposition part sans doute d'un bon sentiment, mais elle est trop floue : nous ne savons pas ce qu'impliquerait cet accompagnement ni quelles sont les données personnelles susceptibles d'être partagées avec les personnes qui en sont chargées.

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Vous souhaitez supprimer la finalité d'utilisation des données collectées à des fins d'accompagnement social. Je rappelle que nous avions adopté cette disposition dans le cadre de la loi du 11 mai dernier. Le Conseil constitutionnel l'avait toutefois censurée au motif que nous n'avions pas conditionné l'utilisation de ces données au consentement des personnes concernées alors même que cette finalité n'était pas directement liée à la lutte contre l'épidémie. La rédaction proposée remédie à cette difficulté, puisque les personnes concernées devront désormais avoir consenti préalablement à l'utilisation de leurs données à cette fin.

Par ailleurs, l'accompagnement social concerne les personnes vulnérables, comme nos débats avaient déjà permis de le préciser. Les organismes concernés peuvent être les services des collectivités territoriales, de l'État dans les territoires ou des associations. Il ne s'agit que des organismes chargés spécifiquement du suivi des intéressés dans le cadre de la crise sanitaire. Demande de retrait.

L'amendement est retiré.

La Commission est saisie de l'amendement CL27 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement a pour objet de protéger les données personnelles des personnes infectées afin qu'elles ne puissent être communiquées qu'avec leur accord exprès, que ce soit aux personnes ayant été en contact avec elles ou à n'importe quelle autre tierce personne.

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Cet amendement aurait pour effet de conditionner l'utilisation de leurs données au consentement des personnes concernées. Nous avons déjà eu ce débat sur l'amendement CL9. Par cohérence, avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL39 et CL40, du rapporteur.

Elle en vient à l'amendement CL21 de Mme George Pau-Langevin.

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Nous avons eu ce débat sur l'amendement CL20. Par cohérence, avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL69 de Mme Frédérique Dumas.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CL10 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement tend à supprimer le dispositif de transmission obligatoire des données individuelles à l'autorité sanitaire. En effet, ce dispositif a été lourdement critiqué lors de sa création, en raison de problèmes qui ne sont toujours pas résolus : l'atteinte au principe du secret médical, le temps nécessaire à la prise d'information et à sa transmission, et la compensation financière insuffisante.

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Cet amendement a le même objectif que vos amendements CL9 et CL27. Par cohérence, avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL41 du rapporteur.

Elle examine ensuite l'amendement CL57 du rapporteur.

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Avec ma collègue Alice Thourot, nous vous proposons de reprendre une disposition adoptée par notre assemblée visant à compléter le contenu du rapport du Gouvernement remis au Parlement tous les trois mois sur le fonctionnement des systèmes d'information. Comme la CNIL dans son dernier avis, nous estimons nécessaire de définir des indicateurs pour mieux apprécier l'efficacité de ces systèmes d'information et la nécessité de les conserver. Nous proposons donc que le rapport du Gouvernement comporte des indicateurs d'activité, de performance et de résultats permettant d'en améliorer l'évaluation.

La Commission adopte l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL56 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Si l'on souhaite ne pas réitérer le fiasco de l'application StopCovid, il convient de renforcer le contrôle exercé sur la nouvelle application, Tous Anti-Covid, créée pour lutter contre la propagation du virus dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Je souhaite donc que le Gouvernement adresse au Parlement un rapport chiffré sur l'efficacité de ladite application.

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Votre demande est satisfaite puisque nous recevons régulièrement des rapports qui abordent la question des systèmes d'information, y compris StopCovid, et comprennent des éléments chiffrés, qu'il s'agisse du rapport du Gouvernement au Parlement du 9 septembre, de l'avis public de la CNIL du 10 septembre, de la note du Conseil scientifique du 12 septembre ou du rapport du comité de contrôle et de liaison du 15 septembre. Il en ira naturellement de même avec la nouvelle application Tous Anti-Covid. Demande de retrait.

L'amendement est retiré.

La Commission adopte l'article 3 modifié.

Article 4 : Habilitation du Gouvernement à prendre diverses mesures par voie d'ordonnances

La Commission est saisie des amendements identiques CL8 de Mme Emmanuelle Ménard, CL22 de Mme George Pau-Langevin et CL61 de Mme Martine Wonner.

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Nous proposons de supprimer l'article 4, relatif aux ordonnances. En effet, nous ne pouvons pas donner au Gouvernement un blanc-seing qui l'autorise à prendre des mesures toujours plus restrictives. Depuis le début de la crise, nous avons été habitués, hélas ! à l'alternance des ordres et des contrordres. Dans ces conditions, il paraît difficile au Parlement d'accorder sa confiance au Gouvernement pour la gestion d'une telle crise.

À ce propos, je réitère ma question, puisque le rapporteur n'y a pas répondu tout à l'heure : quel est le nombre des ordonnances prises par le Gouvernement depuis le début de la crise qui ont été soumises au Parlement pour ratification ? Il me semble qu'il n'y en a aucune.

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Nous proposons également de supprimer l'article 4, qui tend en effet à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises sur le fondement des lois du 23 mars et du 17 juin 2020.

Nous ne nions pas la nécessité de procéder à des adaptations dans les territoires, mais nous n'acceptons pas la logique qui consiste à déléguer au Gouvernement la gestion de la crise sanitaire. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, celui-ci indique qu'il « pourrait […] apparaître nécessaire de poursuivre dans les prochaines semaines l'application de certaines de ces mesures temporaires », sans que soient établies des raisons valablement développées. Pouvez-vous nous expliquer en quoi le Parlement serait devenu incapable de voter les mesures nécessaires que le Gouvernement entend prendre et nous dire de quelles mesures celui-ci a réellement besoin ?

En outre, le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d'adapter le champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports aux fins d'homologuer les tarifs des redevances, sans que soient exposées, là encore, les raisons pour lesquelles cette redevance doit être adaptée.

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Ces habilitations ont pour objet de permettre au Gouvernement de prolonger, rétablir ou adapter, notamment en fonction des situations locales, des dispositions adoptées au printemps et à l'été derniers. Ces dispositions visent essentiellement à organiser la vie économique et sociale en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique. Les objectifs sont simples : préserver l'emploi, faire face aux difficultés des acteurs économiques, accorder des délais supplémentaires pour certaines formalités, faciliter certaines démarches de la vie quotidienne. Ces dispositions sont connues puisqu'elles ont déjà été appliquées en faveur de nombreux publics. L'état d'avancement des travaux, réalisé dans des délais très courts, retrace l'ensemble de ces dispositions pour que nous soyons suffisamment éclairés.

Il ne s'agit donc pas de donner un blanc-seing au Gouvernement, mais bien de lui permettre de prendre des mesures qui pourraient être utiles si la situation se dégradait brusquement. La rédaction proposée me semble adaptée en ce qu'elle permet une réponse rapide des pouvoirs publics en fonction de l'évolution de la situation, difficilement prévisible à ce stade. Avis défavorable.

Madame Ménard, le Gouvernement a pris 64 ordonnances qui, toutes, ont fait l'objet d'un projet de loi de ratification.

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La discussion est intéressante. Le Conseil d'État estime, dans son avis, que les habilitations à légiférer par ordonnances prévues à l'article 4 sont très larges : d'une part, très peu de celles qui avaient été accordées dans les textes précédents relatifs à l'état d'urgence ont été retirées et, d'autre part, la rédaction de l'article est très floue. Le Conseil d'État l'accepte et, ce faisant, il rend inintelligible la réalité des pouvoirs délégués au Gouvernement.

Par ailleurs, ce matin, alors que Mme Pau-Langevin et moi-même détaillions la quantité colossale des habilitations accordées au Gouvernement, le ministre nous a répondu en dressant la liste des 64 ordonnances qu'il a prises. Or, il faut être bien conscient que le domaine de l'habilitation est plus large que ces ordonnances. Il ne s'agit pas uniquement de permettre au Gouvernement de poursuivre l'application de ces dernières, mais de l'autoriser à en prendre de nouvelles, plus larges encore.

Enfin, madame Avia, pourquoi ne pas débattre de ces questions au moment de la ratification, qui devrait intervenir, plutôt que de poursuivre dans la logique des pleins pouvoirs accordés au Gouvernement ? On ne connaît pas, du reste, le calendrier de la ratification des ordonnances qui ont été prises : il serait bon qu'elle intervienne avant la fin de l'état d'urgence…

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À chaque fois que le Gouvernement demande aux parlementaires de l'habiliter à légiférer par ordonnances, il est légitime qu'ils s'interrogent. Mais je veux rassurer nos collègues : il s'agit, en l'espèce, de rappeler des ordonnances qui ont déjà été prises et qui ont été très utiles, opérationnelles, lors du premier état d'urgence sanitaire. Les habilitations supplémentaires sont très restreintes puisqu'elles ne concernent que l'autorité de régulation de transports.

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Je me demande si nous parlons du même texte, monsieur Rupin. En l'espèce, le champ des habilitations demandées par le Gouvernement est très large : il inclut même la possibilité de modifier la durée des congés payés, dans la limite de cinq jours ouvrables. Cela demande tout de même réflexion. Comment pourrions-nous ne pas donner notre avis sur ces questions ?

La Commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l'amendement CL12 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Monsieur le rapporteur, vous nous indiquez que le Gouvernement a pris 64 ordonnances dont la ratification est en projet. Celles-ci seraient, nous dit-on, très utiles et opérationnelles. En vérité, nous n'en savons rien : nous n'avons aucun élément pour en juger. A-t-on une idée du délai dans lequel nous allons pouvoir examiner leur ratification ? Si c'est après la fin de l'état d'urgence sanitaire, cela n'a guère de sens. On se moque un peu du Parlement, me semble-t-il.

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La plupart des ordonnances sont arrivées à échéance. Je les ai présentées, ainsi que cet article, dans le pré-rapport qui vous a été communiqué.

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Madame Ménard, vous pouvez consulter sur le site de la commission des Lois le suivi des ordonnances relevant de ses compétences. Ce suivi existe donc, il est accessible aux parlementaires et au public et nous allons d'ailleurs le mettre à jour avant la séance.

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Je m'étonne de votre réponse, monsieur le rapporteur. Il s'agit d'une question sérieuse. Vous nous renvoyez à votre pré-rapport, mais nous n'avons pu prendre connaissance du texte qu'hier. Or, l'article 4 est le cœur du projet de loi : l'essentiel, c'est bien l'habilitation que nous donnons au Gouvernement de légiférer par ordonnances. S'il vous plaît, prenez la peine de nous répondre sérieusement !

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Vous avez eu peu de temps pour travailler le texte, moi aussi. Il me reste encore la nuit et la journée de demain, avant l'examen en séance publique.

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De fait, la liste des habilitations est longue, et pour cause : depuis le mois de mars, nous avons autorisé le Gouvernement à légiférer dans un certain nombre de domaines. Mais le projet de loi n'en prévoit qu'une de plus, celle qui concerne les transports. Surtout, certaines de ces habilitations sont caduques ; je pense notamment à celles qui étaient utiles pendant la période du confinement et qui ne sont plus nécessaires aujourd'hui.

Par ailleurs, l'ensemble des textes figurent dans l'étude d'impact. Certes, il faut faire l'effort de la consulter mais, je tiens à le rappeler, ces textes portent sur le fonds de solidarité, le chômage partiel, la prime exceptionnelle, le versement de l'intéressement, les délais de paiement pour celles de nos entreprises qui ont des difficultés de trésorerie, le sursis applicable aux expulsions locatives… Autant de mesures dont nos concitoyens ont besoin ! Il faut donc que nous habilitions le Gouvernement afin qu'il puisse mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour que nous nous adaptions à la situation actuelle.

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Sur le site de l'Assemblée nationale, la page de la commission des Lois indique le nom de l'ordonnance, son contenu, sa date de publication et, chaque fois, la date du dépôt du projet de loi de ratification y figure. C'est le cas par exemple de l'ordonnance portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics, avec la date de sa publication – le 26 mars – et la date du projet de loi de ratification – le 13 mai 2020.

Nous avons listé les modifications intervenues, l'objet, le contenu, article par article. Je vous invite à vous référer à ce travail considérable, précis et complet, qui a été accompli par notre Commission.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL31 de M. Antoine Savignat.

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Je pense que cet amendement peut faire l'objet d'un consensus.

Il convient de préciser que les habilitations à légiférer par ordonnances sont calées sur la durée de l'état d'urgence sanitaire, jusqu'au 16 février, et pas jusqu'au 1er avril. Les deux dates doivent coïncider, sinon, cela signifierait que la date effective de sortie de l'état d'urgence sanitaire correspondrait à celle de la sortie du régime transitoire.

Je rappelle également que sur les quarante-trois habilitations à légiférer par ordonnances qui ont été prises dans les textes successifs constituant le corpus législatif de l'état d'urgence sanitaire, seules six ne sont pas reprises dans cet article, deux l'ayant été dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de finances rectificative. Reste donc trente-neuf habilitations à légiférer par ordonnances, ce qui est énorme.

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Vous souhaitez que les ordonnances ne puissent être prises après le 16 février 2021, terme de l'état d'urgence sanitaire.

Toutefois, ces ordonnances pourront comporter des mesures ayant vocation à s'appliquer à certaines parties du territoire les plus touchées par l'épidémie. Il est donc important de laisser la possibilité de réactiver rapidement des mesures qui s'avèreraient nécessaires sur l'ensemble du territoire ou sur un territoire donné dans lequel des mesures plus restrictives seraient nécessaires.

Avis défavorable.

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Démonstration est faite, une fois de plus, que l'état d'urgence ne s'arrêtera pas le 16 février, date qui nous est martelée depuis la sortie du conseil des ministres d'hier : l'état d'urgence se poursuivra en fait jusqu'au 1er avril 2021. Hors un confinement général, impossible en raison de la fin de l'état d'urgence sanitaire, il sera possible de traiter tout le reste par ordonnances, en s'asseyant sur la possibilité d'expliquer les choses devant la représentation nationale et en écartant les contrepouvoirs qui doivent être consultés sur un certain nombre de textes. Pendant six mois, une chape de plomb s'abattra sur le pays.

Je le dis avec d'autant plus d'inquiétude que, selon le Premier ministre, trente-huit départements supplémentaires seront sous couvre-feu à partir de demain soir, soit plus de 46 millions de nos compatriotes, ce qui n'est pas rien. Nous vivons un confinement qui ne s'avoue pas tel. La date du 16 février me paraît donc bien suffisante, sauf à revenir devant le Parlement si la situation l'exige. Nous ne sommes pas prêts à vous donner les clés de la maison avec un blanc-seing.

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Nos collègues soulèvent un point assez intéressant.

Le calendrier proposé par le Gouvernement suppose une adaptation à travers le régime transitoire alors qu'il serait en effet préférable que la grande majorité de ces habilitations ait lieu dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire stricto sensu.

Je comprends toutefois la position du rapporteur : nous devons être vigilants au cas où des habilitations seraient nécessaires pendant la période de transition. Dans un esprit consensuel, nous proposons donc de voter cet amendement et, d'ici la séance publique, de travailler à l'affiner si nécessaire tout en veillant à pouvoir maintenir un certain nombre de dispositions jusqu'au 1er avril.

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Ce calendrier « ceinture et bretelle » un peu abscons montre à quel point ce Gouvernement tient toujours à agir sans le Parlement. Répétons donc à quel point les parlementaires souhaitent être éclairés à chaque étape le plus précisément possible et se réunir pour faire simplement leur travail en contrôlant l'action du Gouvernement !

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Je salue la sagesse de Mme Avia.

Nous sommes responsables devant les Français : que le Gouvernement gère cette crise dans le cadre d'un état d'urgence, soit, mais nous devons pouvoir garder un œil sur son action et décider d'une clause de revoyure. Il y a l'état d'urgence et la sortie de l'état d'urgence. Nous laissons au Gouvernement les prérogatives qui sont les siennes jusqu'à la date qu'il a fixée et nous nous reverrons tous pour discuter de la sortie.

N'oublions pas que le 18 mai, le 13 juin, le 6 juillet, le Conseil d'État a suspendu des décrets gouvernementaux ou ordonné au Gouvernement de mettre un terme à des mesures privatives de liberté. Nous respectons la date choisie par le Gouvernement mais pas de confusion : elle s'applique aux mesures dont nous parlons. Dans le cas contraire, l'intelligibilité de la loi, qui a valeur constitutionnelle, ne serait pas tenable : l'état d'urgence se terminerait le 16 février et des ordonnances pourraient être prises jusqu'au 1er avril ? C'est illisible. Je ne doute pas que nous nous retrouverons tous après le 16 février et que nous pourrons discuter sereinement.

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Hier soir, dix-neuf départements supplémentaires étaient sous couvre-feu, ce matin, vingt, à midi, trente, ce soir trente-huit. En moins de vingt-quatre heures ! C'est dire l'importance de cette crise.

Je me rallie à la position de Mme Avia et je propose que, d'ici la séance publique, nous travaillions avec le Gouvernement à une solution consensuelle.

La Commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement CL15 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il convient de supprimer l'alinéa 2, qui passe l'entendement.

On nous demande de débattre d'un texte qui non seulement vise à donner les pleins pouvoirs au Gouvernement pour gérer la situation sanitaire mais de le faire en nous référant à des ordonnances qui elles-mêmes renvoient à d'autres ordonnances, sur des questions aussi essentielles que celle de nos libertés fondamentales !

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Ces mesures sont favorables à l'emploi et à l'activité économique. Par ailleurs, nous en connaissons le contenu et nous en avons suivi l'application, elles ne seront pas prises systématiquement mais en fonction des besoins et, le cas échéant, dans le cadre d'une territorialisation fine de leur application. Enfin, le recours à une ordonnance permet de s'assurer de leur application rapide si cela était nécessaire.

Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL55 de Mme Danièle Obono, CL32 de M. Philippe Gosselin et CL33 de M. Antoine Savignat.

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Nous nous opposons à la prolongation de dispositions qui auraient pour conséquence de perpétuer des textes comme l'ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail, et de jours de repos.

Le Gouvernement assume son mauvais choix de faire payer aux salariés, notamment aux plus précaires, les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire en réduisant les huit heures de temps libre et en mettant à mal les modalités journalières et hebdomadaires de travail. Nous ne pensons pas que de telles mesures favorisent l'adhésion de la population à votre projet ni que la situation économique s'améliorera en pressurant toujours plus les salariés déjà durement exploités.

Pour les secteurs d'activité « particulièrement nécessaires » et qui sont déjà en tension, le texte propose de relever les dérogations de durée maximale d'heures de travail et de repos, la durée hebdomadaire maximale pouvant être portée jusqu'à soixante heures au lieu de quarante-huit. L'ordonnance permet également de faciliter le travail dominical, de réduire le temps de repos quotidien à neuf heures consécutives au lieu de douze et de porter la durée quotidienne de travail à douze heures au lieu de dix.

Enfin, en termes de repos, l'employeur peut imposer aux salariés la prise de congés ou les déplacer sans avoir à respecter le délai de préavis normal d'un mois, remplacé par un jour franc.

Sur un plan sanitaire, économique et social, tout cela nous semble très problématique.

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Cet article habilite finalement le Gouvernement à prolonger une loi d'habilitation générale. L'article 38 de la Constitution n'étant déjà pas le plus favorable qui soit au contrôle parlementaire, ajouter du « 38 au 38 » ne peut que nous inquiéter.

Une limitation des mesures au 16 février atténuera certes un peu les choses même si un certain nombre de prolongations nous paraissent aller de soi – je pense notamment à tout ce qui concerne les conséquences économiques du couvre-feu et, peut-être, d'un reconfinement général puisque d'ici samedi ou les débats qui auront lieu mercredi au Sénat, la situation peut considérablement évoluer.

Personne ne conteste la gravité de la situation, donc, oui au prolongement de certaines mesures mais nous souhaitons que la justice puisse continuer à travailler le moins mal possible.

Par ailleurs, sans vouloir faire d'amalgame mais en lien avec l'actualité de ces derniers jours, il y a lieu d'éviter des prolongations trop importantes, sans aucun contrôle, des titres de séjour, des autorisations provisoires de séjour et des récépissés de demande de titres.

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Madame Obono, je vous rappelle que ces ordonnances ont aussi permis l'activité à temps partiel, l'indemnisation des personnes mises au chômage partiel, la continuité de la représentation des salariés ou du fonctionnement des prud'hommes.

Monsieur Gosselin, ces dispositions sur le fonctionnement de la justice ne s'appliqueraient qu'en cas de reconfinement et non dans la situation présente, qui ne le nécessite pas. Vous pourrez en demander confirmation au ministre en séance publique.

À nouveau, il s'agit de disposer d'outils utiles en cas de dégradation rapide de la situation sanitaire et non d'appliquer toutes ces dispositions sans discrimination. Nous essayons d'anticiper pour répondre au mieux aux besoins de nos services publics, des acteurs économiques et de nos concitoyens.

Comme je l'ai indiqué pour les dispositions sur le fonctionnement des juridictions, celles sur la validité des titres de séjour ne s'appliqueraient qu'en cas de difficulté de fonctionnement de nos préfectures, notamment dans le cadre d'un reconfinement général.

Avis défavorable sur ces amendements.

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Le Bas-Rhin compte ce soir parmi les départements soumis au couvre-feu. J'en suis surprise car depuis six semaines, seulement neuf personnes sont en réanimation contre onze auparavant. Nous avons appris, de surcroît, que le marché de Noël de Strasbourg n'aurait pas lieu. Je vous rappelle qu'un attentat y a été perpétré voilà deux ans, que cinq personnes ont été tuées et onze blessées, et que le marché de Noël a tenu. Pour la ville, les retombées économiques s'élèvent à 250 millions.

Ces mesures sont parfaitement disproportionnées eu égard à la réalité de l'urgence sanitaire et de ce qu'est ce tout petit virus, manifestement plus puissant que le terrorisme.

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Lorsqu'un état d'urgence est appelé à durer bon an mal an une année, l'État doit s'adapter pour assurer en particulier ses fonctions régaliennes. Nous considérons donc que la justice doit fonctionner normalement, qu'il n'y pas lieu d'entraver son fonctionnement, même si les libertés de nos concitoyens devraient l'être à travers par exemple un reconfinement général.

Les échanges internationaux se sont effondrés, de même que les arrivées sur notre territoire. L'administration qui traite les titres de séjours, a priori, devrait donc pouvoir fonctionner normalement.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine les amendements CL25 et CL26 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Les ordonnances que Mme Ménard souhaite supprimer portent sur le fonctionnement des collectivités territoriales, l'activité partielle, la situation des français expatriés et d'autres dispositions que je présente dans mon rapport.

Ces dispositions peuvent être très utiles aux publics concernés et au bon fonctionnement de nos institutions, notamment locales, si la situation continuait à se dégrader.

Encore une fois, il ne s'agit pas de prendre des mesures qui ne seraient pas utiles, mais, au contraire, de pouvoir réagir rapidement et de manière territorialisée si cela était nécessaire.

Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

La Commission examine les amendements identiques CL34 de M. Philippe Gosselin et CL35 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Avec une loi d'habilitation qui lui retire ses pouvoirs et habilite à nouveau le Gouvernement à prendre des ordonnances sur les ordonnances précédentes, non seulement le Parlement est privé de son pouvoir d'action mais tout est fait pour écarter la consultation pourtant obligatoire, en vertu de la loi ou du règlement, de contre-pouvoirs comme les autorités administratives indépendantes – je songe par exemple à la CNIL, qui a sans doute eu le tort de se prononcer de façon circonstanciée sur un certain nombre de dispositifs en mai, en juillet et en septembre. Le Parlement est donc doublement écarté !

Qu'il soit au moins possible de consulter les organismes, les institutions, les autorités administratives indépendantes qui doivent l'être ! Si vous craignez à ce point les contrepouvoirs, il doit y avoir quelque raison. Des délais impératifs plus courts, de huit ou quinze jours, pourraient être définis. La CNIL a su travailler rapidement dans des conditions compliquées et rendre ses avis. Faites donc confiance aux contrepouvoirs !

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Non seulement le Gouvernement veut évincer le Parlement en recourant à l'état d'urgence sanitaire et aux ordonnances mais, avec cet alinéa, il se dispense de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.

Même s'il est très sûr de lui, nous l'avons tous remarqué, il est regrettable qu'il se prive d'avis qui lui auraient permis de prendre de sages décisions.

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C'est en effet une question. J'ai interrogé le Gouvernent sur le maintien de cette obligation de consultation, peut être en raccourcissant les délais laissés aux organismes consultés pour répondre, de manière à ne pas retarder des mesures qui seraient urgentes.

Je vous propose donc de retirer cet amendement compte tenu de la discussion en cours, laquelle pourrait déboucher sur le dépôt d'un amendement en séance publique.

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J'en rediscuterai avec grand plaisir en séance publique mais je maintiens mon amendement, quoique votre parole, monsieur le rapporteur, pourrait presque me suffire.

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Je retire le mien mais je le redéposerai en séance publique pour être sûre d'avoir cette discussion.

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La question de l'équilibre des pouvoirs est importante. La proposition de M. le rapporteur est tout à fait audible et nous la soutiendrons en séance publique si elle est raisonnable et dispose que les consultations obligatoires doivent être rendues sous huit ou quinze jours après leur saisine – nous restons ouverts sur le délai.

Nous sommes en commission des Lois constitutionnelles, nous sommes chargés de veiller à cette question de l'équilibre des pouvoirs : la suppression de toute consultation obligatoire n'est ni équilibrée, ni acceptable.

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Le principal est que nous avancions. Le rapporteur a identifié ce problème et a déjà engagé le dialogue avec le Gouvernement. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement, monsieur Gosselin ?

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Fort des engagements de M. le rapporteur et par respect de la parole donnée, je retire l'amendement mais je le redéposerai en séance publique afin que le débat ait lieu, sans doute à travers des amendements d'appel proposant quinze ou huit jours, peut-être un peu moins.

Toutefois, monsieur le rapporteur, prenez garde car malgré l'état d'urgence, on ne peut pas demander à des contrepouvoirs, à des organismes de contrôle, de rendre un avis en quarante-huit heures. Si ce devait être un marché de dupes – mais je ne crois pas que ce soit votre intention – nous ne pourrions pas nous retrouver.

Les amendements CL34 et CL35 sont retirés.

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Pourquoi pas si ce sont cinq jours ouvrés ! Cela dit, pour la petite histoire, la CNIL a siégé un jour férié, le 8 mai.

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Il n'y a pas de raison que seul le Parlement siège le samedi, le dimanche et les jours fériés, matin, midi, soir et nuit !

La Commission adopte l'article 4 modifié.

Après l'article 4

La Commission examine les amendements CL64, CL65, CL66 et CL63 de M. Pierre Person.

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Ces amendements concernent les OPA hostiles en période de crise sanitaire, sujet qui pourrait vous paraître anecdotique mais qui ne l'est pas. À mon sens, il a toute sa place dans ce projet de loi.

Des entreprises profitent en effet d'un contexte économique dégradé, où des pans entiers de notre économie sont déstabilisés par la crise sanitaire, pour mener des opérations de restructuration qui ne sont pas sans incidences. Des entreprises qui, jusqu'alors, étaient florissantes comme Airbus, dont la valorisation a été divisée par deux en quelques mois, se retrouvent vulnérables, à la merci d'OPA étrangères hostiles mettant en cause notre souveraineté économique.

Plus encore, c'est l'intégralité de nos services publics qui, parfois, peut-être affaiblie par ce type d'opérations.

Alors que nous avons assisté au retour de l'État stratège et que l'État, plus globalement, est plus présent suite aux engagements du Gouvernement, ce projet ne prévoit pas de dispositif pour se prémunir de telles situations. Or, nous ne pouvons pas laisser sans protection nos entreprises et, plus particulièrement, celles qui sont délégataires de service public. La crise a montré la nécessité de protéger et de renforcer notre souveraineté industrielle. La Chine et les États-Unis ne peuvent pas être les seuls à protéger leurs industries nationales ! Il est donc urgent de réarmer l'État, de prémunir les collectivités et les entreprises contre des opérations boursières hostiles.

C'est pourquoi je vous propose aujourd'hui quatre amendements visant à défendre la souveraineté industrielle de l'État actionnaire et à protéger nos entreprises délégataires de service public. Les CL63 et CL66 ont pour objectif d'empêcher la réalisation d'OPA hostiles durant l'état d'urgence sanitaire ; le CL64, qui trouve son fondement dans les principes généraux du droit administratif, tend à redonner du pouvoir aux collectivités territoriales en leur permettant de résilier une convention de délégation de service public en cas de changement de gouvernance remettant en cause l'équilibre de ladite convention ; le CL65 vise quant à lui à soumettre à une autorisation préalable du Gouvernement toute OPA hostile sur une entreprise délégataire de service public.

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Ces amendements portent sur un sujet relativement éloigné de l'urgence sanitaire, puisqu'il s'agit des concentrations d'entreprises et de leurs conséquences sur les concessions de service public – nous voyons tous à quel cas particulier il est fait référence. Je n'ai pas d'opinion particulière sur les procédures préconisées, qu'il s'agisse de soumettre l'opération à certaines conditions ou de donner la possibilité à l'autorité publique d'en tirer des conséquences sur le choix du délégataire. En revanche, il me semble assez manifeste que ces considérations ne sont pas directement liées à l'épidémie en cours. Certes, je note que les amendements limitent leurs effets à l'état d'urgence sanitaire, mais c'est une rédaction de pure opportunité permettant de les insérer dans ce projet de loi. J'en demande donc le retrait, à défaut de quoi mon avis serait défavorable.

Le virus trouble déjà bien assez la vie des Français et je n'ai lu nulle part qu'il avait un effet tel sur le service public qu'il nous faille légiférer en urgence sur la question. Du reste, je pense que votre objectif est d'interpeller le Gouvernement plutôt que de soumettre des dispositions juridiques à la discussion de la commission des Lois.

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Personne ne peut nier que l'urgence est aussi économique ; le Gouvernement y répond d'ailleurs en mettant énormément d'argent sur la table.

Il ne s'agit pas uniquement de régler un cas particulier, monsieur le rapporteur ; je me permets de vous renvoyer à une communication de la Commission européenne datant du mois d'avril, qui invite les entreprises et États européens à prendre garde au risque de prédation par des investisseurs étrangers, vu les fluctuations, parfois importantes, des valeurs boursières – et Dieu sait pourtant qu'il n'est pas dans les habitudes de la Commission d'appeler les États à être vigilants face au marché !

S'y ajoutent des considérations contextuelles ayant trait à la situation de l'emploi dans notre pays : il faut bien admettre que ces OPA et les fusions qui en résultent ont des conséquences terribles sur l'emploi. Vu le nombre de plans sociaux qui s'abattent déjà sur notre pays, autant essayer d'en éviter certains.

On ferme les restaurants : il n'y a aucune raison que les prédateurs soient les seuls à pouvoir continuer à se sustenter. À titre personnel, je voterai pour ces amendements.

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Ces amendements n'étaient peut-être pas attendus, mais ils mettent le doigt là où ça fait mal. Nombre d'entreprises sont aujourd'hui blackboulées, et ce sera sans doute pire demain. Comme vient de le dire mon collègue Marleix, il serait bienvenu de ne pas laisser le champ libre aux prédateurs !

La crise sanitaire que nous traversons est clairement une aubaine pour certains. À quelque chose malheur est bon, dit-on : eh bien oui, certains vont tirer les marrons du feu. Personnellement, cela ne me pose aucun problème que certaines entreprises fonctionnent mieux en ce temps de crise compte tenu de leur secteur d'activité, mais on ne peut pas pour autant verser dans un jeu de Monopoly, chacun essayant de profiter de la crise au détriment de l'autre ! Nous devons avoir le souci de protéger notre économie, non en dressant des barrières artificielles, mais en recourant, dans ces circonstances particulières, à des mesures particulières, donc à un droit particulier.

À titre personnel, je voterai moi aussi ces amendements, qui, s'ils sont adoptés, auront au moins l'avantage d'interpeller le Gouvernement et de l'inciter à réagir – et c'est, je crois, ce qui est attendu. Nous avons un devoir d'alerte à remplir.

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Qu'il convienne d'avoir ce débat, je l'entends – d'ailleurs, les parlementaires se sont saisis à plusieurs reprises de la question. Je salue l'engagement de notre collègue Pierre Person en la matière, que ce soit à travers ses interpellations du Gouvernement ou de la proposition de loi qu'il a déposée. Cependant, nous venons d'avoir une discussion plutôt constructive sur un texte qui comprend quatre articles très circonstanciés portant sur l'état d'urgence sanitaire et anticipant le régime transitoire, et je pense que ces amendements n'y ont pas leur place. Il s'agit là de dispositions d'ordre économique et stratégique qui ne sont pas liées au sujet dont nous débattons aujourd'hui.

Ces amendements portent sur des sociétés particulières, cotées en bourse. N'oublions pas que les difficultés économiques actuelles, les pertes d'emplois, les plans sociaux, touchent aussi les TPE et PME. Je ne voudrais pas que, dans un texte relatif à l'état d'urgence sanitaire, on adopte des dispositions qui concerneraient uniquement certaines sociétés cotées en bourse, sans que le débat soit replacé dans un cadre plus général. Ce sur quoi portent ces amendements, chers collègues, c'est sur le code des marchés financiers. Êtes-vous sûrs que c'est ce message politique que vous voulez envoyer ?

Dans une vie précédente, j'étais spécialisée en droit et contentieux boursiers. Les effets d'aubaine, c'est la réalité des marchés financiers ; c'est ainsi que fonctionnent les OPA, les prises de contrôle rampantes : toutes découlent d'un effet d'aubaine. On peut le déplorer, mais c'est le moteur même de ces mouvements de capitaux. Ce débat ne peut être restreint à l'état d'urgence sanitaire, il doit être mené de manière plus large, en proposant peut-être des dispositifs d'encadrement ou de protection plus poussés. Pour ma part, je suis prête à y travailler, mais pas dans ce cadre-là. Ce serait une occasion gâchée !

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L'article 4 du projet de loi, que nous venons d'adopter, permet de rétablir ou de prolonger, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, des dispositions relevant de matières qui n'ont rien à voir avec la situation sanitaire, puisqu'elles portent sur les conditions d'emploi, de séjour, d'exercice du service public, bref, sur tout ce qui fait que l'état d'urgence sanitaire est un régime exorbitant du droit commun, déstabilisant l'État de droit en vue d'offrir une meilleure protection – puisque c'est aussi une construction juridique visant cet objectif.

Or, en l'espèce, de quoi s'agit-il ? De protéger nos services publics, certains délégataires faisant l'objet d'opérations de déstabilisation ; de protéger nos emplois, puisque lesdites opérations auront pour conséquence des destructions massives d'emplois ; et de protéger nos collectivités territoriales, qui ont confié à certaines sociétés des missions de service public concernant les réseaux, l'électricité, l'eau, les déchets, les transports, et risquent, alors même que nous venons de décider de les soutenir à hauteur de 5,2 milliards d'euros, ce qui est considérable, d'être elles-mêmes déstabilisées par ces opérations. Dire que l'état d'urgence souffre de lacunes ou, au contraire, qu'il permet trop de choses, notamment en matière de justice – certaines dispositions ayant été retirées à la faveur de nos travaux –, relève bien du présent débat, et je pense que ces amendements, qui visent un objectif précis, à savoir empêcher des opérations qui ne devraient pas avoir lieu pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, en réponse à une demande européenne de plus grande protection, ont toute leur place dans ce texte.

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Je salue ces amendements, qui visent à répondre non seulement à une réalité financière, mais aussi au sentiment diffus dans la population, relayé par mon collègue Gosselin, que les grands groupes essaient de tirer illégitimement profit de la crise économique et sociale tandis que les petites entreprises pâtissent de la situation. Un récent rapport d'Oxfam note d'ailleurs une augmentation des inégalités alors que les grandes sociétés engrangent des profits toujours plus importants. Il y a là un enjeu en termes de stratégie industrielle et de protection du tissu économique, et je crois que c'est au contraire bien le moment d'en discuter. On a jugé tout à l'heure légitime de traiter de la restriction des droits des salariés, et ce ne serait pas le lieu de mieux encadrer les opérations de prédation boursière ?

Ce que vous décriviez comme un état de fait, madame Avia, n'est pas une fatalité. Le Gouvernement et la majorité parlementaire pourraient fort bien considérer qu'il n'est pas acceptable que de telles opérations puissent se dérouler, de manière générale et plus encore dans la situation actuelle, et assument que l'État joue son rôle de stratège en protégeant au mieux l'ensemble du tissu économique.

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Je tiens à remercier Mme Avia, dont la remarquable argumentation m'a convaincu de voter les amendements de M. Person ! En effet, si l'effet d'aubaine en général ne me dérange pas – c'est lui qui pousse les entreprises à être performantes, innovantes, efficaces et à éviter les erreurs de gestion –, la crise sanitaire n'est pas un facteur interne à l'entreprise ; c'est un facteur externe, contre lequel nous devons assurer à nos fleurons industriels une protection. Je me refuse par conséquent à considérer que le covid-19 puisse être une aubaine qui susciterait des OPA hostiles.

Je vous concède néanmoins, madame Avia, que ces amendements n'ont pas une portée assez grande ; peut-être faudrait-il inclure aussi les PME. Toutefois, comme il n'y en a pas de meilleurs, nous nous contenterons de ceux-là et les commissaires Les Républicains voteront en leur faveur. L'objectif de ce texte étant d'éviter d'avoir à recourir d'ici au 1er avril à un autre véhicule législatif pour tout ce qui concerne l'état d'urgence, c'est le moment d'adopter ces dispositions !

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Politiquement, je comprends fort bien la volonté de nos collègues de vouloir empêcher une éventuelle déstabilisation de nos entreprises à l'occasion de la crise, notamment durant l'état d'urgence sanitaire. Juridiquement, en revanche, je crois que ces amendements manquent leur cible.

Premièrement, ces dispositions sont attachées à l'état d'urgence sanitaire, ce qui signifie que le 17 février, elles ne seront plus applicables. Or l'événement phare censé illustrer leur nécessité, mentionné dans les exposés sommaires, s'est produit le 5 octobre, c'est-à-dire en dehors de l'état d'urgence sanitaire : cela montre qu'elles ne permettront pas de répondre à ce type de problème.

Deuxièmement, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, leur portée serait en revanche excessive : une collectivité territoriale peut très bien vouloir refuser un changement de délégataire pour une autre raison que celle que nous souhaitons combattre.

S'il importe de regarder le problème en face et d'y apporter des solutions, la rédaction de ces amendements ne me semble donc pas satisfaisante. Il reste une journée pour y travailler d'ici à l'examen du texte en séance. En attendant, j'appelle à voter contre.

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Voilà que je me retrouve à devoir convaincre les membres de mon propre camp. Quel paradoxe !

Ce que je veux leur dire, c'est ceci : « N'ayez pas peur. Soyons politiquement ambitieux ! » Sont-ce des dispositions de circonstance ? Oui, elles le sont, parce que la situation économique est particulière. Comme l'a dit M. Gosselin, elles n'ont pas vocation à s'appliquer en temps ordinaire, dans une situation économique normale, avec des marchés financiers stables, sans risque de déstabilisation pour nos entreprises. Et non, elles ne sont pas destinées à s'appliquer à la seule affaire Veolia-Suez – pour mettre un nom dessus. Il s'agit de s'armer contre d'éventuelles opérations à venir dirigées contre un tissu industriel affaibli, fatigué, dévalorisé en bourse, et cela afin de défendre notre souveraineté industrielle. C'est pourquoi cette proposition fait consensus sur presque tous les bancs : ceux qui veulent préserver la souveraineté économique de notre pays, ceux qui souhaitent une gouvernance plus démocratique, ceux qui défendent l'intervention des corps intermédiaires, tous s'y retrouvent – et ce n'est pas par pur opportunisme. Je ne comprendrais pas qu'alors que M. Gosselin et Mme Obono s'accordent à trouver un intérêt à ces dispositions, la majorité ne partage pas cet avis.

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Si nous avons tous en tête, bien évidemment, cette affaire qui préoccupe les marchés depuis plusieurs mois, et plus particulièrement depuis quelques semaines, on touche en réalité ici au quotidien de nos concitoyens : la fourniture en eau, en gaz, en électricité, la gestion des ordures ménagères. Accessoirement, nos concitoyens sont aussi des contribuables – et non des actionnaires. Il faut le dire avec force : si l'on veut tirer les conclusions de la crise, il ne faut pas se préoccuper seulement de notre souveraineté en matière alimentaire, numérique et agricole, il faut aussi appliquer la notion aux entreprises, pour éviter qu'elles ne soient la proie de prédateurs, que ceux-ci viennent de l'étranger ou de notre propre territoire.

Quant au véhicule législatif, j'aurais tendance à dire que ce qui est entré ne craint pas l'eau… Utilisons celui qui se présente à nous – et quand bien même il ne vous conviendrait pas, vous n'auriez qu'à en changer en prenant la navette parlementaire. Vive le transport multimodal !

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J'admire en effet cette synthèse entre la France et la droite insoumises… C'est tout à fait nouveau et extrêmement intéressant ! Néanmoins, je pense que ces amendements posent quelques problèmes.

D'abord, ils fragilisent le texte dans son ensemble, dans la mesure où celui-ci est centré sur la gestion de l'état d'urgence et de ses conséquences directes. Tant qu'on y est, pourquoi ne pas remettre sur le tapis la question de la taxe générale sur les activités polluantes, voire l'intégralité du contenu de la loi de finances ?

Ensuite, je suis surpris que Mme Obono soit opposée aux OPA hostiles et à la prédation financière uniquement pendant la durée de l'état d'urgence ! Laetitia Avia vient de proposer un débat beaucoup plus général sur la question. Pourquoi ne pas suivre cette suggestion ? Les problèmes risquent de se poser de manière bien plus aiguë après le 16 février !

Je ne comprends pas que l'on réduise un débat aussi important à la question de l'état d'urgence. Ce n'est ni le lieu ni le moment d'en parler.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l'amendement CL42 de M. Mansour Kamardine.

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Mansour Kamardine a une demande particulière à formuler concernant Mayotte, dont le système de soins est en grande difficulté. Il s'agit d'examiner dans quelles conditions on pourrait favoriser la participation des officines de pharmacie à la lutte contre les épidémies, et plus particulièrement contre l'actuelle épidémie de covid-19.

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Vous savez, monsieur Gosselin, que Mayotte et l'outre-mer trouveront toujours dans cette salle une oreille attentive. Néanmoins, il s'agit d'une demande de rapport et vous connaissez notre jurisprudence en la matière. Je vous propose donc de retirer l'amendement et de le présenter en séance publique afin d'interroger le ministre sur le sujet : vous vous doutez bien qu'il vous décrira bien mieux que moi, qui n'ai pas eu l'heur d'aller à Mayotte, la stratégie sanitaire déployée sur place.

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M. Kamardine a interrogé ce matin successivement le ministre de l'Intérieur et celui des Solidarités et de la Santé. Il faut que nous tirions les leçons de ce qui a été dit : le système de santé de Mayotte, structurellement inadapté et trop fragile, se trouve complètement submergé par la crise. Ce n'est pas parce qu'on est en période de crise qu'il faut s'empêcher de réfléchir à des outils susceptibles d'améliorer durablement le système de santé. Je pense que cet amendement a toute sa place dans la loi.

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Je connais en effet la jurisprudence concernant les demandes de rapport, monsieur le rapporteur, mais je voudrais insister sur la singularité de Mayotte – sans stigmatisation aucune. Il s'agit d'un petit territoire de 372 kilomètres carrés, où la densité de population est très forte, avec des bidonvilles, et dont le système de santé est précaire. Tout ce qui contribue à favoriser le travail collectif sur place va dans le bon sens.

Certes, le Premier ministre a dit tout à l'heure qu'il souhaitait impliquer davantage les pharmaciens, mais on ne sait si cela concerne tous les pharmaciens dans tous les départements, dont Mayotte, ou s'il y aura des différences suivant les territoires.

Il s'agit évidemment d'un amendement d'appel et j'ai bien vu la main qui était tendue. Néanmoins, notre collègue Kamardine étant à l'initiative de son dépôt, je ne me sens pas autorisé à le retirer. Quoi qu'il en soit, la question sera posée au ministre dans l'hémicycle, non parce que vous ne seriez pas compétent, mais pour qu'il apporte un autre éclairage.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient aux amendements CL44, CL45 et CL46 de Mme Danièle Obono.

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Ce sont trois demandes de rapport que nous avions déjà déposées – mais nous ne désespérons pas de convaincre la majorité.

Le premier concerne la gratuité des masques, qui est un enjeu sanitaire et économique majeur non seulement pour les plus vulnérables, mais aussi pour l'ensemble de la population, en particulier les familles modestes.

Le deuxième traite de la production des médicaments et de la création d'un pôle public du médicament. Il faut impérativement que nous cessions de dépendre par trop de l'étranger, notamment dans des situations de crise comme celle que nous traversons. Plus largement, c'est un enjeu de stratégie industrielle à moyen et long terme.

Le troisième porte sur la situation de populations déjà particulièrement vulnérables en temps normal, et qui le sont par conséquent encore davantage en situation de crise. Nous demandons au Gouvernement de s'en préoccuper au travers d'un rapport sur les conséquences sociales et sanitaires de la crise du covid-19 sur les personnes migrantes détenues en centre de rétention administrative, les personnes LGBTQI, les femmes et enfants victimes de violences intrafamiliales, les réfugiés et demandeurs d'asile, ainsi que les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires. Il faut savoir quelles réponses apporter à ces publics, qui, certes, ne sont pas les seuls à être touchés, mais se trouvent dans une situation particulière.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les trois amendements.

Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.

La réunion s'achève à 18 heures 40

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.