La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation pour parler de l'aide militaire de la France à l'Ukraine. Ce sujet important fait l'objet d'une forte couverture médiatique. Il est nécessaire de ne pas laisser libre cours aux nombreuses contre-vérités que nous avons pu lire dans la presse. C'est la raison pour laquelle notre commission a lancé une mission flash sur le soutien militaire à l'Ukraine, dont les rapporteurs seront MM. Lionel Royer-Perreaut et Christophe Naegelen.

Une délégation de notre commission revient d'un déplacement dans les pays baltes, et c'est peu dire qu'ils regardent très attentivement l'aide apportée par chaque pays à l'Ukraine.

Une forme de rivalité médiatique a pu s'installer entre les pays contributeurs, ce qui conduit parfois certains à privilégier les effets d'annonce sans que les promesses soient toujours suivies d'effet.

Notre pays a choisi dans un premier temps une relative discrétion – ce qui a donné lieu à des batailles de chiffres, mais aussi à certaines critiques. Il joue pourtant un rôle extrêmement important dans l'aide à l'Ukraine. La cession d'AMX 10 RC a conduit d'autres pays à livrer des chars lourds de conception occidentale. L'Ukraine a fait part à plusieurs reprises de sa reconnaissance envers la France – très récemment, le ministre de la défense ukrainien l'a encore fait en insistant sur la fiabilité et la pertinence de notre aide, qu'elle soit de nature matérielle ou immatérielle.

Voilà maintenant plus d'un an que la guerre a éclaté et aucune perspective de règlement pacifique de ce conflit n'apparaît.

Pouvez-vous dresser un bilan global de l'aide militaire apportée par la France à l'Ukraine ? Comment est-elle organisée pour être complémentaire de l'aide apportée par l'Union européenne (UE) – qui comprend aussi bien des actions de formation que des cessions d'équipements ? Des précisions sur les mécanismes financiers mis en œuvre par l'UE seraient les bienvenus – notamment en ce qui concerne la Facilité européenne pour la paix (FEP), nos contributions et les remboursements dont nous avons pu bénéficier.

Quels sont les effets de l'aide militaire française pour les Ukrainiens, mais aussi pour nos armées ? Cette aide s'est en effet traduite, au moins dans un premier temps, par des prélèvements sur les stocks et matériels en service de ces dernières.

Jusqu'où sommes-nous prêts à aller en matière d'aide si le conflit venait à perdurer ?

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Sébastien Lecornu, ministre des Armées

Je suis heureux de vous retrouver pour cette séance de contrôle, qui est la bienvenue. L'endurance face à ce qui se passe en Ukraine nécessite autant de transparence que possible. Rendre compte de notre action à la représentation nationale contribue à la solidité de la position de la France, telle qu'elle a été déterminée par le Président de la République.

Il convient premièrement de rappeler les principes dans lesquels s'inscrit notre aide à l'Ukraine, car on lit parfois des commentaires étonnants dans la presse. Il est évident qu'il s'agit d'une aide de légitime défense en faveur d'un pays qui est agressé. Par définition, elle est destinée à permettre à l'Ukraine de retrouver la plénitude de sa souveraineté et de ses frontières, selon les critères que les Ukrainiens voudront bien définir. Si l'on veut que notre propre souveraineté soit respectée, il faut évidemment aussi aider les autres à faire respecter la leur. Ce n'est pas à géométrie variable. Cette aide ne nous expose pas à ce que certains appelleraient le risque de co-belligérance. Ces principes clairs n'ont pas changé depuis un an.

Deuxièmement, l'aide militaire ne doit pas abîmer notre propre outil de défense – ce qui nous amène aux conditions de soutenabilité de l'aide, sur lesquelles je reviendrai. La soutenabilité de l'aide est une ligne rouge que nous nous sommes fixée dès le début. Fort heureusement, notre pays dispose des capacités nécessaires.

Troisièmement, vous m'avez interrogé au sujet des fameux classements, qui ont fait l'objet d'une petite mode médiatique. Nous considérons que l'honneur de la France est d'être utile et fiable. Lors de réunions ministérielles au sein de l'UE, de l'Otan ou à Ramstein, j'ai été parfois stupéfait de constater que certains de mes homologues jugeaient l'efficacité de leur aide militaire en fonction de son tonnage. Nous avons choisi de coller au plus près des besoins de notre allié ukrainien. Nous livrons vraiment ce que nous avons promis. Cela peut expliquer certains décalages observés dans les classements. Ce n'est pas une critique, c'est un fait. Cette fiabilité vaut mieux que tous les classements du monde. Le président Zelensky m'en a parlé quand je l'ai rencontré à Kiev et lorsque je l'ai accueilli à Orly. Nous en discutons aussi régulièrement avec mon homologue ukrainien. Cette fiabilité est notre marque de fabrique.

Nous sommes attendus dans certains domaines, au premier rang desquels figure la défense antiaérienne. Les Russes utilisent beaucoup les airs pour frapper des cibles tant militaires que civiles, comme cela fut le cas cet hiver avec le bombardement d'infrastructures énergétiques dans les grands centres urbains – dont Kiev tout particulièrement. Pour être efficace, la défense sol-air doit être multicouches. C'est la raison pour laquelle nous avons d'abord livré des missiles Mistral à très courte portée, puis des Crotale pour protéger la zone intermédiaire. Cette aide sera complétée par la livraison de systèmes sol-air moyenne portée terrestres (Samp/T) et par les missiles Patriot américains. Il s'agit de préserver des vies, notamment celles des civils.

Le deuxième domaine dans lequel notre aide est attendue concerne les équipements terrestres, pour mener des contre-offensives ou stabiliser la ligne de front. Ils permettent actuellement d'avoir une situation relativement équilibrée. Les Russes ont certes l'initiative, mais on voit bien que le front ne varie pas de manière spectaculaire. Nous avons donc livré de l'artillerie – un secteur dans lequel la France est une référence – avec d'anciens canons tractés TRF1 et les désormais bien connus camions équipés d'un système d'artillerie (Caesar). Nous avons livré dix-huit Caesar dans les premiers mois de la guerre et douze pièces supplémentaires ont été financées grâce au fonds de soutien à l'Ukraine. Nous avons aussi livré des lance-roquettes unitaire (LRU) pour réaliser des frappes dans la profondeur. Curieusement, l'annonce de cette livraison n'a pas été très reprise par les médias, qui débattaient en janvier pour savoir si les blindés que nous envoyons par ailleurs à l'Ukraine constituent ou non des armes lourdes. Cela a stupéfait nos artilleurs, qui savent ce que représente un Caesar ou un LRU. C'est la doctrine d'emploi qui compte et qui fait qu'un armement est défensif ou offensif. Tel est le cas pour l'artillerie, mais aussi pour les AMX 10 RC – qui viennent d'arriver en Ukraine – ou pour les véhicules de l'avant blindés (VAB) qui servent au transport de troupes.

Livrer un système ou une arme est une chose. C'en est une autre de fournir aussi tout ce qui va avec, comme les pièces détachées, les munitions et le carburant. Une autre particularité française réside dans le fait que nous avons toujours essayé de procurer en quelque sorte un kit qui permet plusieurs mois d'utilisation d'un matériel. C'est une des raisons de notre popularité chez les Ukrainiens, car recevoir une carcasse en ferraille qui ne fonctionnera que quelques jours n'a pas d'intérêt. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) est l'éléphant dans la pièce et il va beaucoup s'inviter dans les débats à venir – comme le carburant, dont on parle trop peu.

La soutenabilité de l'aide à moyen terme constitue un enjeu essentiel. On voit bien que cette guerre pourrait durer et il faut s'y préparer. Cela suppose de privilégier l'achat direct de matériel aux industriels par les Ukrainiens chaque fois que c'est possible. Tel est l'objet du fonds de soutien. Il a aussi pour vertu d'obliger les industriels à réduire les délais de livraison. Lorsque l'on prélève des matériels dans nos armées, il faut être capable de les remplacer le plus vite possible grâce aux fameux dispositifs d'économie de guerre. Ce que nous avons fait avec le Caesar est l'exemple de ce que je souhaite réaliser pour d'autres équipements. Si dix-huit de ces canons ont été pris sur nos stocks, je peux vous annoncer qu'une trentaine de canons neufs seront livrés entre novembre 2023 et mars 2024. Il fallait pratiquement trois ans pour produire un Caesar ; cette durée va être ramenée à dix-huit mois. Cette amélioration significative de la production par les industriels nous permet de regarder de manière un peu différente les cessions à venir.

Le MCO est évidemment un élément essentiel de la soutenabilité. Les matériels subissent une usure au combat, mais nous pouvons faire mieux en ce qui concerne leur usure courante. Nous menons beaucoup d'actions en matière de formation au MCO avec nos amis polonais.

La France souhaite être aux avant-postes pour offrir des formations qui correspondent aux besoins des Ukrainiens. Nous avons choisi des spécialités rares que d'autres partenaires occidentaux n'ont pas proposées et qui concernent par définition des personnels moins nombreux. De ce fait, nous avons pu paraître en retrait.

L'économie de guerre est aussi une des conditions de la soutenabilité à long terme.

Je me suis initialement étonné que les fameux classements auxquels vous avez fait référence ne prenaient pas en considération les actions menées dans le cadre de la FEP. C'était absolument invraisemblable. On ne peut pas comptabiliser seulement l'aide bilatérale et faire comme si l'aide multilatérale ne rentrait pas en ligne de compte. D'autre pays apparaissaient comme des donateurs, alors que les armes qu'ils avaient livrées avaient en fait été payées par la France. Je suis heureux que les différents instituts qui réalisent ces classements aient corrigé ce biais méthodologique majeur. La France a contribué de manière importante à la FEP, avec presque 1 milliard d'euros. Cet outil avait au départ été créé pour équiper nos partenaires africains, mais tout le monde comprend qu'il s'agit de l'instrument disponible le plus efficace et le plus réactif pour aider l'Ukraine.

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Un an après le début de la guerre en Ukraine, l'aide internationale est largement disséquée. Tel pays se montrerait particulièrement généreux. L'aide des États-Unis, qui disposent de la première armée du monde, s'élèverait à plus de 44 milliards de dollars. A contrario, tel autre pays ne ferait guère preuve de volontarisme. C'est ce qui est régulièrement reproché à notre pays par les médias et certains think tanks. Le classement de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale place notre pays au neuvième rang des donateurs d'aide militaire à l'Ukraine, avec un total de 700 millions d'euros.

Je souhaite m'inscrire en faux contre cette affirmation qui manque de nuance – c'est le moins qu'on puisse dire. Notre soutien militaire se mesure davantage par la qualité du matériel fourni que par sa quantité. Vous avez mentionné la livraison de dix-huit canons Caesar et de quinze canons tractés Tr F1, prélevés en urgence sur nos propres stocks. Nous savons en outre que l'aide de la France passe très largement par des instruments multilatéraux, notamment dans le cadre de la FEP, et par le fort soutien de l'Otan en matière d'équipement et de formation. Enfin, ce classement fait la part belle aux effets d'annonce et j'ai le défaut de croire que notre pays offre ce qu'il promet – ce qui n'est pas une qualité répandue.

Comment pouvons-nous infléchir la rhétorique ambiante, qui fait de notre pays un allié soi-disant de second-ordre pour les courageux Ukrainiens ? La question de l'influence informationnelle est désormais capitale et je souhaite que le projet de loi de programmation militaire (LPM) renforce nos capacités en la matière.

Soutenir militairement un pays en guerre n'est pas une affaire anodine et nous mesurons pleinement ce qu'il représente du point de vue symbolique et capacitaire. Les millions et les canons ont des conséquences concrètes sur le champ de bataille. Il est tout à fait légitime que des responsables politiques, en fonction de leur appartenance, trouvent que le soutien apporté est timoré, calibré ou insuffisant mais il ne faut pour autant déclencher des polémiques inutiles et inopportunes.

Pourriez-vous préciser comment fonctionne la chaîne de décision politique et administrative en matière de livraisons d'équipements ? Quel rôle le Parlement pourrait-il jouer ? Les réponses que vous nous apporterez nourriront la réflexion de la mission d'information flash dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, avec mon collègue Christophe Naegelen.

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Sébastien Lecornu, ministre

La guerre est une chose grave et j'ai parfois du mal à comprendre des propos trop médiatiques au sujet de classements actualisés tous les quinze jours. En d'autres temps, aurait-on eu recours à un classement pour savoir si Winston Churchill aidait suffisamment la France libre du général de Gaulle ? La gravité de la situation demande un peu de calme.

Je constate que lorsque le président Zelensky se déplace, il va à Washington – pour des raisons qu'on comprend bien –, puis à Londres, et il dîne à Paris avec le Président de la République et le chancelier Scholz. Certaines choses montrent quel est le rôle de la France et l'Histoire le confirmera. Il faut être sérieux et fiable, ce qui en l'occurrence n'a pas de prix.

Conformément aux institutions, il va sans dire que le Président de la République, chef des armées, avalise politiquement l'ensemble des décisions de cession. Je les fais préparer systématiquement par l'état-major des armées. Comme je vous l'ai dit, l'une des lignes rouges consiste ne pas abîmer notre outil de défense. Il revient donc aux armées de formuler un premier avis. Je demande ensuite celui de la direction générale de l'armement pour savoir si l'industriel concerné le cas échéant est en mesure de remplacer rapidement le matériel cédé. Ces deux critères permettent d'éclairer la préparation de la décision. Mon équipe et moi-même discutons aussi avec notre partenaire ukrainien pour que l'aide corresponde à des besoins identifiés, en liaison avec la mission de défense à Kiev et avec la mission de défense ukrainienne à Paris. Ce canal d'échanges fonctionne très bien depuis le début du conflit.

D'un point de vue juridique, il revient au ministre des armées de signer l'acte de cession – comme c'est le cas d'ailleurs pour toutes les cessions d'équipements. Enfin, je rends compte au Parlement, comme c'est le cas à présent.

Il vous revient aussi de prendre des décisions. Le fonds spécial de soutien à l'Ukraine a fait l'objet d'un vote du Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022. Il en sera de même pour le projet de LPM, qui comprendra un tableau déterminant l'ensemble des éléments financiers.

Je profite de cette occasion pour indiquer que les mesures d'aide et de soutien à l'Ukraine ne seront pas comprises dans le périmètre de la LPM, car nous considérons que cette dernière a pour objet de déterminer de manière transparente le format des armées et les conditions d'exécution d'un certain nombre de programmes d'investissement. Les dispositifs d'aide à l'Ukraine seront détaillés dans le cadre des projets de loi de finances, et vous aurez à vous prononcer sur ces mesures. En outre, des informations sur les différentes licences d'exportation accordées à l'Ukraine seront fournies lors de la présentation en juillet du rapport annuel au Parlement sur les exportations d'armement.

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Je vous remercie d'avoir précisé que l'aide militaire à l'Ukraine ne sera pas comprise dans la LPM.

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Depuis le début du conflit, l'Ukraine et la Russie subissent des pertes matérielles et humaines extrêmement élevées.

Selon le site Oryx, qui étudie les renseignements disponibles en sources ouvertes, la Russie a perdu plus de 9 628 véhicules et l'Ukraine environ 3 077. Parmi les matériels détruits, on compte de nombreux chars d'assaut modernes, des pièces d'artillerie, des radars, des avions de chasse et même un croiseur. Ces chiffres sont d'autant plus impressionnants qu'ils sont partiels, car ils ne comprennent que les pertes confirmées. Quant à la consommation de munitions, elle dépasserait les capacités de production de tous les pays de l'Otan – États-Unis compris.

S'agissant des pertes humaines, les estimations américaines font état de 200 000 blessés et tués au combat. Inutile d'en faire un tabou : si nous venions à subir un conflit de cette ampleur, nos armées – pourtant les meilleures d'Europe – ne seraient pas capable de tenir dans la durée – ce qui nous amène au sujet de la future LPM.

Nous n'avions jamais autant eu besoin d'une armée forte, aux capacités décuplées, depuis la fin de la guerre froide. Il faut sortir des logiques d'échantillonnage et se donner les moyens de défendre la France non plus seulement dans le cadre d'une coalition, mais de manière indépendante. Face à des pays comme la Russie et la Chine, qui risquerait un conflit pour aider la France à défendre la Nouvelle-Calédonie ou nos intérêts en Afrique ? Quelle est la force de notre voix par rapport à celle des Américains au sein de l'Otan ?

La politique c'est prévoir – y compris le pire, malheureusement. Pouvez-vous garantir que la future LPM prendra en considération le retour d'expérience du conflit en Ukraine, notamment en ce qui concerne l'ampleur des pertes ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Si l'on veut être rigoureux, on ne peut pas comparer notre situation à celle de l'Ukraine. La France est une puissance dotée, membre de l'Otan. La sensibilité politique que vous représentez conteste cette alliance militaire. C'est votre droit le plus strict.

En tout cas, il est clair que l'appartenance à l'Otan change les choses, de même que le fait d'être situé à l'ouest de l'Europe. Si l'on devait comparer notre modèle d'armée avec celui d'autre pays, ce ne serait ni avec l'Espagne ou même l'Allemagne, mais bien avec la Grande-Bretagne – qui est une puissance dotée, maritime et qui fait partie d'une alliance politique, le Commonwealth. Nous avons encore des territoires outre-mer – vous avez cité la Nouvelle-Calédonie.

Notre modèle est bien français, et il ne faut pas chercher à faire des comparaisons internationales. En revanche, on peut se pencher sur son évolution. Ce modèle d'armée nous permet-il de remporter toutes les batailles ? La réponse est non.

C'est la raison pour laquelle la prochaine LPM vise à s'adapter aux nouveaux champs de conflictualité : l'espace – dont la militarisation progresse à grande vitesse –, les fonds marins, le cyberespace et les objets civils détournés à des fins militaires.

Il faut s'interroger sur les véritables menaces qui pèsent sur la nation et déterminer en fonction de celles-ci le modèle d'armée, les financements, les ressources humaines et la préparation du corps social pour s'assurer d'une résilience globale.

Je peste souvent contre les comparaisons avec la situation de l'Ukraine, car elles reviennent à estimer que tous les efforts consentis par le gaullisme dans les années 1960 pour se doter de la dissuasion nucléaire n'ont servi à rien. Il est nécessaire que les parlementaires, les ministres, les think tanks et les élites expliquent de nouveau ce que représente le fait d'être une puissance nucléaire, par exemple pour défendre ses intérêts vitaux.

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Pour nous, la folie guerrière déclenchée voici un an porte clairement un nom, celui de Vladimir Poutine. Aucune ambiguïté n'est possible : il y a un agresseur, que je viens de citer, et un pays en état de légitime défense, auquel nous devons apporter tout notre soutien. Il sera toujours temps de s'interroger sur le rôle et la responsabilité de l'Otan, des États-Unis et de ceux qui ont poussé leurs bases militaires jusqu'aux frontières de la Russie et provoqué le pouvoir russe, mais la réalité est connue : la Russie a violé l'intégrité territoriale d'un autre pays, l'Ukraine.

Nous devons aider cette dernière à se défendre, à protéger ses civils, à empêcher les bombes russes de tomber sur les maternités, les écoles et les hôpitaux. Mais avant tout, nous devons tout faire pour mettre fin à cette guerre au plus vite et ne pas nous inscrire dans un conflit long, en empruntant la voie politique et diplomatique, celle de la négociation, dans l'objectif de faire respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Tout le monde l'affirme, responsables politiques comme militaires, cette guerre qui met en jeu d'immenses puissances, notamment sur le plan nucléaire, n'aura aucune issue militaire. La seule issue sera la négociation.

Or des tabous ont été levés ces dernières semaines, de la livraison de chars lourds à l'envoi, tout récemment, de systèmes de guidage américains permettant de transformer des bombes en missiles de longue portée. Une telle escalade, si elle devait se poursuivre, irait à l'encontre de notre volonté initiale de ne pas devenir cobelligérants. La France prend-elle donc le risque d'entrer demain en guerre ? Pour pouvoir débattre de cette question, nous avons demandé à la Première ministre l'organisation d'un débat, à l'Assemblée nationale, sur le rôle de la France, sur les livraisons d'armes et sur la stratégie politique et diplomatique à suivre pour aboutir à un cessez-le-feu et à l'ouverture de négociations entre l'Ukraine et la Russie. Pour le groupe GDR, les priorités sont le retour de la paix, le respect des peuples et de leurs territoires, ainsi que la sécurité de tous les peuples d'Europe. Le peuple français doit pouvoir être associé, par son Parlement, aux choix qui sont faits, car la question est grave.

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Sébastien Lecornu, ministre

L'association du Parlement est effectivement essentielle : il faut de la transparence, des explications, et nous n'en ferons jamais assez en la matière, d'autant que ce sont des sujets complexes, qui sont parfois caricaturés sur les réseaux sociaux. Avoir du temps pour déplier sa pensée et débattre va dans le bon sens. C'est pourquoi je remercie le président Gassilloud de m'avoir convoqué cet après-midi. Cela ne vaut pas un débat dans l'hémicycle avec la Première ministre, mais j'essaie, à mon niveau, de répondre à l'ensemble de vos questions. Par ailleurs, un groupe de contact rassemblant les présidents des groupes se réunira bientôt. Cela permettra à nos états-majors et aux services de renseignement de répondre à des questions plus techniques, en particulier sur la situation tactique, ce qu'on ne ferait pas forcément devant un micro. Nous devons répondre, dans la mesure du possible, aux questions de la représentation nationale afin de l'éclairer aussi sur la situation opérationnelle, telle qu'on peut la connaître.

Vous avez raison, un travail diplomatique et politique doit être mené. Il reste à savoir quand et dans quelles conditions. Je le dis d'autant plus facilement que la France a toujours été à la manœuvre dans ce domaine : d'abord dans le format Normandie, avec les Allemands – des efforts importants ont eu lieu –, puis dans le cadre des allers et retours du Président de la République entre Kiev et Moscou avant le début de l'agression. Tout cela correspondait, je le crois, à une forme de consensus dans le pays, entre les différentes sensibilités politiques. La position de la France a toujours été de ne pas céder à l'escalade, mais de permettre, au contraire, à la politique et à la diplomatie de faire leur œuvre. La situation est actuellement tendue, difficile, sur le terrain, et on voit que le jeu de certains acteurs, comme la Chine, évolue. Si le Président de la République doit se rendre bientôt dans ce pays, c'est notamment pour développer un dialogue plus global. Je pense aussi aux autres pays de l'hémisphère Sud, car cette affaire devient parfois trop occidentale : il faut les associer.

Il revient aux Ukrainiens de déterminer les différents paramètres des discussions ou des négociations. Comme vous l'avez dit avec beaucoup de clarté, ce dont je vous remercie, ce sont eux qui ont été agressés, et c'est donc à eux de définir les contours des discussions. Nous le disons aux pays qui peuvent jouer un rôle.

S'agissant des chars lourds, je l'ai dit dans mon propos introductif, une arme est une arme. Il est vrai que certaines sont purement défensives, comme la défense sol-air. Il n'en demeure pas moins que c'est la doctrine d'emploi qui fait qu'une arme est offensive ou défensive. Je n'aime pas beaucoup la notion de char lourd, parce qu'elle sous-entend qu'un char pourrait être plus lourd et létal qu'un Caesar ou un LRU – lance-roquettes unitaire. Tactiquement, ce n'est pas vrai. Dans ce segment d'armement, tout est lourd. Ce qui compte, c'est la manière dont les Ukrainiens se servent de telles armes, pour quelles batailles, quelles manœuvres sur le terrain, quelles contre-offensives. Je le répète, par ailleurs, nous disons aux Ukrainiens que les matériels donnés par la République française sont fournis dans le cadre de l'exercice de leur légitime défense.

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Le groupe de liaison que vous avez évoqué, Monsieur le ministre, se réunira mercredi prochain, de dix-huit heures à vingt et une heure. L'ensemble des présidents de groupes politiques et de commissions auront alors l'occasion d'échanger avec la Première ministre.

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Mes questions portent sur la fourniture d'avions de combat dans le cadre de l'aide française à l'Ukraine. Le 30 janvier, le Président de la République a annoncé que rien n'était exclu par définition, puis nous avons eu, le mois dernier, des échos de plus en plus importants au sujet d'une livraison de Mirage, mais la situation semble inchangée. L'Ukraine a perdu près de 57 aéronefs depuis le début du conflit, et vous avez vous-même indiqué, Monsieur le ministre, qu'il n'y avait pas de tabou. Tout porte à croire que la France s'apprête à briser celui de l'envoi d'avions de combat.

L'aide française à l'Ukraine, nous le savons, doit faire suite à une demande formulée par ce pays et elle ne doit pas présenter de risque escalatoire ni être de nature à toucher le sol russe. Il s'agit, par ailleurs, de soutenir l'effort de résistance des Ukrainiens sans affaiblir les capacités de l'armée française, comme vous l'avez dit dans votre propos introductif. Si la France venait à fournir des avions de combat, il faudrait s'assurer que les critères posés pour les cessions d'armement sont respectés, que l'on répond aux besoins réels des Ukrainiens et que le risque d'escalade est bien pris en considération. De plus, le sacrifice de nos Mirage pourrait ne pas être justifié compte tenu du volume de notre flotte d'avions de combat – je rappelle que nous disposons de 113 Mirage qui peuvent encore profiter à nos armées.

L'envoi d'avions de combat représenterait un grand pas supplémentaire dans l'effort de guerre au profit de l'Ukraine et les risques encourus pourraient conduire à un nouveau paradigme dans le conflit. Le chancelier allemand a ainsi laissé savoir qu'il était opposé à de telles livraisons au moment où le Royaume-Uni donnait son accord à la formation de pilotes ukrainiens. On est, en effet, en droit de se demander s'il ne s'agit pas d'une ligne rouge. Depuis le début du conflit, les alliés de l'Ukraine s'emploient à ne pas lui fournir d'armement capable de frapper les Russes sur leur territoire. Or un avion de combat permettrait de mener des frappes au-delà des frontières de l'Ukraine. Le risque est donc bien réel, comme le souligne la rhétorique menaçante de Moscou, qui annonce des conséquences militaires pour le continent européen dans un tel scénario.

Monsieur le ministre, où en est-on s'agissant de la fourniture de Mirage à l'Ukraine ? Si ces avions de combat étaient livrés, seraient-ils vendus ou donnés ? Enfin, qu'en est-il de la formation des pilotes ukrainiens sur ces avions de chasse ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Il n'y a pas de tabou politique : pourquoi exclurait-on une arme plutôt qu'une autre ? Je le répète, c'est ce qu'on fait d'un avion qui est défensif ou offensif, et on pourrait dire la même chose à propos des missiles. C'est la doctrine d'usage qui compte.

La vraie question, vous l'avez suggéré vous-même, est la faisabilité technique, opérationnelle. Il faut plusieurs mois de formation, et la flotte d'avions de chasse de l'armée française n'est pas infinie. Par ailleurs, il n'y a pas seulement un aviateur par avion, mais pratiquement une dizaine, entre les pilotes et les différentes composantes de ce qu'on appelle le plot, en particulier les mécaniciens. Enfin, le MCO – maintien en condition opérationnelle – est redoutablement complexe dans le cas d'un avion.

Je suis transparent à votre égard : les priorités que je me suis assignées et que j'ai assignées au ministère sont la défense sol-air, qui permet de protéger le champ de bataille mais aussi les infrastructures civiles et les civils eux-mêmes – je pense qu'il y a un consensus sur les efforts à mener pour aller plus vite encore dans ce domaine –, et le segment des matériels terrestres. J'ajoute que les contre-offensives sont bel et bien de la légitime défense : je pense qu'il n'y aura pas davantage de débats sur ce point.

Lorsque le ministre Reznikov est venu en France, les discussions ont porté sur la défense sol-air et, je n'ai peut-être pas assez insisté là-dessus dans mon propos liminaire, sur les munitions, notamment les obus de 155 millimètres. Le président Gassilloud peut en témoigner, puisqu'il y a également eu des contacts au niveau parlementaire. Les munitions sur lesquelles nous sommes attendus sont souvent destinées à du matériel que nous avons déjà donné. La fiabilité à la française nous conduit ainsi à nous inscrire dans un temps plus long. Il faut savoir faire preuve d'endurance.

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Le soutien à l'Ukraine est un enjeu majeur qui prend de plus en plus d'importance à mesure que la guerre s'inscrit dans la durée. Alors que les forces ukrainiennes consomment actuellement plus de munitions que l'industrie de défense européenne n'est capable d'en produire, Bruxelles a incité les États membres à passer davantage de commandes communes. Loin des armements très sophistiqués dans lesquels les entreprises françaises tendent à se spécialiser et de l'excellence échantillonnaire de notre pays, on voit que les besoins des Ukrainiens sont plutôt basiques et qu'il est préférable de se concentrer sur quelques types d'armement pour faciliter la formation des soldats et la prise en main des équipements. Quelles leçons les armées et les industries françaises de défense vont-elles en tirer ?

Les ministres européens de la défense ont marqué leur soutien à l'Ukraine lors de la réunion qui vient d'avoir lieu à Stockholm. Je retiens que l'Europe a trouvé un accord pour consacrer 2 milliards d'euros à la question des munitions, dont 1 milliard pour rembourser les États ayant directement fourni du matériel à l'Ukraine, et que les marchés à lancer seront supervisés par l'Agence européenne de défense. Au total, les alliés européens ont promis de donner autour de 35 milliards d'euros. Selon les données reprises par les médias, la France aurait contribué à l'aide européenne à hauteur de 6 milliards. Ce montant est considérable, et ce n'est en outre qu'une évaluation des journalistes, qui n'ont peut-être pas connaissance de l'ensemble des soutiens et de leur coût. S'agissant des aides directes, la France se classerait à la sixième place mondiale, avec un montant de 1,6 milliard d'euros, mais les cessions militaires françaises ne seraient pas comptabilisées, ce qui rend les calculs particulièrement complexes. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous communiquer des éléments plus précis ? A-t-on déterminé le montant exact des engagements français à ce jour ?

Par ailleurs, alors que de multiples acteurs interviennent dans ce type de flux, pensez-vous que la représentation nationale ait toutes les garanties lui permettant d'exercer sa mission de contrôle parlementaire ? Cette mission correspond à une valeur essentielle pour le groupe Démocrate auquel j'appartiens. Les députés de la commission de la défense disposeront-ils un jour d'un niveau d'habilitation de nature à leur permettre d'exercer le niveau de contrôle nécessaire ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Vous avez tous la gentillesse de souligner que je reviens devant vous, et je vous promets de continuer à le faire. La question du contrôle parlementaire pourrait être évoquée dans le cadre de la loi de programmation militaire : vous savez qu'un article lui sera consacré. Par ailleurs, je l'ai dit tout à l'heure, l'audition portant sur les exportations d'armes sera pour moi l'occasion de vous présenter des éléments sur les cessions à l'Ukraine.

Nous avons déjà commencé à parler du retour d'expérience lors de ma précédente audition, qui concernait les travaux préparatoires à la loi de programmation militaire. Le champ du retour d'expérience est très vaste, mais votre question concernait en particulier les industriels. Sans revenir sur l'économie de guerre ou sur notre réactivité, je rappelle que la BITD française est imbriquée dans notre appareil de défense et que la gestion des sous-traitants, des stocks, de notre organisation et de la prévisibilité est un enjeu absolument essentiel, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

Il y a aussi un enjeu de soutenabilité économique : utiliser un missile coûtant 1 million d'euros pour abattre un drone qui coûte 50 000 dollars est évidemment un non-sens sur ce plan. La proportionnalité des instruments et du matériel est un des immenses enjeux de la LPM. Il faut regarder quelles armes nous pourrions trouver en face de nous lors d'éventuels conflits. Les vingt ans de lutte contre le terrorisme que nous avons connus nous ont donné une expérience pour certains types d'armement, mais cela n'a rien à voir avec un éventuel engagement majeur.

Enfin se pose la question de savoir ce que nous devons faire nous-mêmes et ce qui peut être partagé au sein d'une coalition. Même les Américains ne font pas tout eux-mêmes : pourquoi le ferions-nous de notre côté ? Nous n'en aurions d'ailleurs pas les moyens. Je laisse toutefois la discussion ouverte, car elle nourrira probablement l'ensemble des débats sur la LPM au Parlement.

Si on additionne les différents montants, notamment celui prévu dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP), on n'arrive pas très loin de ce que vous avez dit. Nous n'avons pas chiffré les cessions, car cela ne paraît pas indispensable. En outre, si on sait chiffrer un matériel neuf qui va faire l'objet d'une recomplétude, chiffrer un vieux TRF1 qu'on n'aurait jamais remplacé par ailleurs n'aurait pas de sens.

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Pouvez-vous revenir sur la réunion à laquelle vous avez participé à Stockholm ? Selon la presse, il y a été question d'une livraison, dans les plus brefs délais, de 250 000 obus à l'armée ukrainienne, qui avait été évoquée par Josep Borrell, mais aussi de l'Agence européenne de défense, de commandes et de formation en commun. Sans empiéter sur le secret défense, que pouvez-vous nous dire de plus ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Beaucoup de sujets sont dans l'air au niveau européen, et nous continuerons d'ailleurs nos travaux lundi à Bruxelles, lors d'une réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense.

Les discussions se poursuivent au sujet de la FEP, car tout ne se fait pas tout seul. Tout le monde est d'accord pour contribuer, mais il faut aussi veiller à la pérennité du fond.

Il y a également des discussions, engagées durant la présidence française, à propos de l'instrument visant à renforcer l'industrie européenne de la défense au moyen d'acquisitions conjointes (EDIRPA), qui doit permettre de commencer à créer une culture d'achats en commun. C'est un sujet essentiel, en raison de l'effet de levier, mais cela pose aussi la question de l'organisation de la BITD européenne (BITDE) et de la concurrence qui peut exister entre les entreprises en Europe – cette concurrence est saine, mais il faut tout de même s'en soucier.

Un sujet qui est en train de monter, et qui est intéressant pour la souveraineté commune du continent européen, est l'accès à certaines matières premières, comme la poudre pour les munitions. On peut prendre toutes les décisions d'achat en commun d'obus qu'on veut, mais il faut d'abord avoir suffisamment de poudre disponible sur le continent européen pour les entreprises capables de fabriquer des munitions, de quelque calibre que ce soit. C'est un beau sujet pour les Européens : en effet, c'est notre capacité à sanctuariser des stocks pour continuer à exister sur la planète qui est en cause.

Il faut en outre discuter des financements, car ils sont indispensables à toute forme de vie économique. Les questions relatives à la taxonomie, à l'accompagnement bancaire des investissements et à l'autofinancement des entreprises de la BITDE et de la BITD française méritent aussi des échanges entre Européens. Je pense que la Commission peut évoluer en la matière. En tout cas, je tiens à rendre hommage publiquement au commissaire Breton pour les initiatives qui ont été prises, car elles vont dans le bon sens. On commence aussi à l'échelle européenne à tirer des conclusions de ce qui se passe en Ukraine.

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J'ai une pensée, à laquelle j'associe Loïc Kervran, pour les deux salariés grièvement blessés dans une usine de Nexter.

L'armée ukrainienne résiste, mais elle souffre. Elle manque d'hommes et d'équipements, et il faut bien comprendre qu'une contre-offensive victorieuse supposerait des centaines de chars et probablement des dizaines voire des centaines d'avions, ainsi que des centaines de milliers de munitions de tous calibres. Je veux saluer les initiatives qui ont été prises, singulièrement la manœuvre réussie concernant l'AMX 10 RC, qui a eu un effet d'entraînement réel sur nos partenaires européens. J'aurais aimé que l'on réitère cette manœuvre avec les Leclerc, non parce qu'il s'agirait de l'équipement le plus adapté, mais parce que cela aurait pu exercer un effet d'entraînement significatif pour les chars lourds, même si les choses ont avancé du côté des Leopard, qui sont les plus adaptés en Europe, comme le sont les Abrams du côté américain.

Ma première question porte sur le niveau d'ambition que nous nous fixons en matière d'aviation, c'est-à-dire nos objectifs concernant les Mirage que nous pourrions éventuellement céder, l'entraînement des pilotes et les délais envisagés.

S'agissant des questions cyber, souvent évoquées par nos homologues ukrainiens, on pourrait notamment s'appuyer sur la plateforme Ukraine-Otan qui existe déjà, afin d'arrimer encore davantage l'Ukraine à l'Otan et d'aller plus loin dans la coopération en matière de cybersécurité et de cyber-renseignement.

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Sébastien Lecornu, ministre

S'agissant des avions, je pense avoir déjà largement évoqué la position de la France. Je ne sens pas dans mes discussions avec nos partenaires ukrainiens, je l'ai dit, que ce soit sur ce sujet que nous sommes attendus.

Les AMX 10 RC sont arrivés. Je suis en train de regarder comment nous pourrions organiser une deuxième vague de cessions si le Président de la République le décide. Ces chars commencent à être bien pris en main par nos partenaires ukrainiens, et certains d'entre eux sont déjà partis sur la ligne de front. La distinction entre chars légers et chars lourds est un peu lunaire, mais je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà dit.

Je pense que nous n'aurions pas entraîné grand-chose avec des chars Leclerc. Pour cela, il aurait fallu exporter. Une des forces des chars Leopard, c'est que beaucoup de pays européens en disposent. Il existe donc, au-delà des décisions des Allemands, un effet d'entraînement au sein d'une « coalition Leopard », qui comprend notamment des pays du sud de l'Europe, lesquels ont pu donner trois ou quatre chars Leopard, en fonction de ce qu'ils pouvaient faire. L'exportation du char Leclerc, en revanche, a été timide. Par ailleurs, nous n'en produisons plus. Les chars promis par les États-Unis ne seront pas issus de cessions de la part de l'armée américaine, mais des lignes de construction : ce sont des chars neufs qui vont arriver. Si nous avions donné des chars Leclerc, nous n'aurions pas pu faire de recomplétude. La décision qui a été prise n'est pas liée à un tabou politique : elle est, au contraire, très opérationnelle.

Je n'ai pas eu le temps d'évoquer tous les aspects du retour d'expérience lié au conflit en Ukraine, mais le cyber est effectivement une des questions auxquelles il faudra s'atteler à l'occasion de la loi de programmation militaire. Beaucoup d'attaques cyber ont lieu, dans les deux sens et souvent à bas bruit. Le courage ukrainien est, là aussi, à noter, de même que l'existence de coalitions internationales de cybercombattants. Il faudra se poser la question des systèmes de protection et de défense qui doivent être développés dans chaque pays, la menace cyber n'ayant pas de frontières. Vous avez parlé de l'Otan : pour être honnête, je regrette que le cyber ne soit pas davantage traité dans ce cadre. Nous devrons nous rapprocher de partenaires qui ont pris de l'avance dans ce domaine, comme les pays baltes.

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J'adresse à l'Ukraine et au peuple ukrainien, au nom de mon groupe, un message de soutien indéfectible. Notre pays fait preuve, alors que la guerre dure depuis plus d'un an, d'une mobilisation remarquable pour soutenir l'Ukraine tant sur le plan financier qu'en matière de livraisons d'armes et de munitions. Je tiens à rendre hommage à l'action de nos armées mais aussi à la mobilisation citoyenne pour aider les réfugiés. Une question s'impose toutefois à nous et à nos alliés : souhaitons-nous seulement aider l'Ukraine à résister aux forces russes ou bien voulons-nous aller plus loin en lui donnant les moyens de repartir à l'offensive ?

Ma première question porte sur la livraison d'avions de combat : au fil des mois de guerre, nous avons vu les tabous relatifs aux livraisons d'armes tomber les uns après les autres. Notre groupe ne remet pas en cause les doutes qui ont pu exister : ils étaient légitimes, mais le temps n'est plus aux hésitations, il faut adopter avec nos alliés une ligne unie et s'y tenir, sous peine d'envoyer un message chancelant à l'Ukraine. Monsieur le ministre, vous avez dit que rien n'était exclu. Allez-vous franchir un nouveau cap en livrant des avions de combat ? On parle, en effet, d'une cession de Mirage 2000 C, récemment retirés du service. À défaut, quid de la livraison d'hélicoptères ? Ils pourraient être mobilisés pour des frappes ciblées. Le Royaume-Uni a déjà fait un pas en avant, et nous pourrions apporter notre contribution. Je souhaiterais aussi vous entendre sur la question sous-jacente de la formation.

J'en viens à l'Europe de la défense. La politique européenne a longtemps été limitée dans ce domaine : nous nous sommes réveillés brutalement avec le conflit ukrainien et, en dépit des annonces, les processus restent lents. L'Ukraine demande la livraison d'un million d'obus de 155 millimètres afin de tenir entre six et dix mois. Au-delà de la question du coût, on ne peut pas demander aux États européens de puiser indéfiniment dans leurs propres stocks nationaux : nous ne devons pas agir au détriment de notre armée. On parle donc d'un achat en commun, piloté par l'Union. Quel est, concrètement, le plan prévu ? Quel sera le soutien budgétaire européen à l'acquisition de nouveaux obus et comment mobilisera-t-on l'industrie de défense ?

Pour terminer, je remercie le ministère des armées, au nom de la délégation qui s'est rendue sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, pour l'accueil fabuleux qui nous a été réservé et pour les informations que nous avons reçues à propos des missions conduites et de la réactivité française.

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Sébastien Lecornu, ministre

Vous avez eu raison de souligner la nécessité d'une ligne unie ou, en tout cas, d'une doctrine aussi convergente que possible.

Il ne faut pas céder aux effets de mode. Il a été question de la défense sol-air tout au long du mois de décembre, puis on a cessé d'en parler en janvier, alors que c'était l'actualité opérationnelle. Tout le monde parlait alors de chars, en faisant une distinction, on ne sait pas pourquoi, entre des chars qui seraient légers et d'autres lourds. Puis il y a eu le mois des avions. Il faudrait faire preuve de méthode, ne serait-ce que par respect pour l'opinion publique. Ces à-coups sont d'autant plus incompréhensibles que nos efforts s'inscrivent dans le temps long.

S'agissant des avions, je renvoie à ce que j'ai dit précédemment.

La défense sol-air est ce qui me préoccupe le plus à l'heure actuelle. C'est une nécessité sur le champ de bataille, y compris pour les contre-offensives ukrainiennes, et afin d'assurer la protection des infrastructures civiles et des civils eux-mêmes. Nous sommes très mobilisés, avec les Italiens, au sujet du calendrier de livraison du Samp/T : il faut déployer cet équipement le plus vite possible, à l'image de ce que font les Américains avec le Patriot, car il y a urgence.

Pour ce qui est de l'Europe de la défense, la Facilité européenne pour la paix est devenue une réalité, des sanctions ont été prises de manière unanime, l'adhésion de deux pays européens à l'Otan est soutenue… Bref, les choses avancent.

L'enjeu, pour les obus de 155 millimètres, est de disposer d'une capacité de production suffisante pour pouvoir reconstituer régulièrement des stocks afin d'aider l'Ukraine, ce qui pose notamment des problèmes d'accès à la poudre, de chaînes et de cadence de production. J'ai évoqué la question avec Josep Borrell. Des échanges ont eu lieu sur le sujet avec nos partenaires, et nous en discuterons lundi à Bruxelles.

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Au nom du groupe La France insoumise-NUPES, je veux réaffirmer notre total soutien aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens dans leur lutte contre l'agresseur russe et pour l'intégrité territoriale de leur pays. Notre aide est cruciale, et je tiens à saluer l'effort réalisé par la France en la matière. En parallèle, rappelons que tout doit être fait pour revenir à la paix le plus rapidement possible et que le retrait russe des territoires illégalement occupés depuis le début de l'invasion est un préalable.

Vous venez d'évoquer les obus de 155 millimètres. Notre partenariat avec l'Australie est une nécessité, soulignée par tous les observateurs. Pouvez-vous faire un point sur le sujet ? Les premières livraisons devaient avoir lieu au cours du premier trimestre 2023. Qu'en est-il ? Quels sont les objectifs de production et de livraison ?

J'ai pris note de ce que vous avez reçu l'autorisation du Président de la République et de la Première ministre pour sortir de la LPM les dépenses relatives à l'aide apportée aux Ukrainiens. Toutefois, dans la perspective d'une poursuite de cette aide, les cessions d'armement devraient être programmées, de sorte qu'on n'obère pas nos propres capacités et qu'on planifie l'utilisation des chaînes de production de notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Il serait par conséquent logique que vous nous présentiez prochainement un projet de loi de programmation militaire ou un autre texte budgétaire comportant des lignes budgétaires directement affectées aux cessions d'armement. Qu'en est-il ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Les dépenses sorties de la LPM seront affectées au budget annuel, c'est-à-dire à la loi de finances soit initiale, soit rectificative. On trouvera cependant trace des cessions d'armement dans la LPM à travers les objectifs. Il faudra, par honnêteté intellectuelle, faire la distinction entre la cession d'armes anciennes, dont on a d'une certaine manière accéléré le retrait mais qui auraient quand même fait l'objet d'une recomplétude – le remplacement plus rapide que prévu des Crotale par des VL-Mica en est l'exemple le plus flagrant –, et la cession d'armes neuves, comme les Caesar, qui devront être remplacées par du matériel neuf. L'un des avantages du fonds spécial de soutien à l'Ukraine est qu'il est voté par les parlementaires dans le cadre de la loi de finances, initiale ou rectificative. Les 200 millions d'euros de crédits ayant été d'ores et déjà affectés, va se poser la question d'une éventuelle augmentation de son enveloppe.

La fourniture d'obus de 155 millimètres est, je le répète, un enjeu majeur pour l'Europe. C'est pourquoi nous avons engagé des discussions avec les Australiens. Depuis l'affaire de l'alliance Aukus, nous parlons beaucoup avec le nouveau gouvernement et avec mon homologue. Eux aussi ont à cœur de faire des choses utiles pour l'Ukraine. Nous nous sommes aperçus que si certains fournissaient le corps des obus, d'autres les explosifs et d'autres encore la poudre, cela permettrait de moins prélever sur les stocks et d'accélérer les productions. Les Australiens vont fournir les explosifs – Nexter et Eurenco rencontraient des difficultés d'approvisionnement en la matière. Cet accord va nous permettre d'accélérer et de multiplier par deux les livraisons d'obus à l'Ukraine. Il faudrait concevoir des dispositifs similaires de manière intraeuropéenne, en fonction des stocks, des lignes de production et des sous-traitants. C'est un autre aspect de l'économie de guerre.

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Depuis plusieurs années, la Chine et la Russie renforcent leurs liens diplomatiques, économiques et militaires au service d'une contestation commune de l'ordre international. Les deux pays n'ont toutefois jamais officialisé d'alliance, la Chine semblant soucieuse de ne pas être tenue pour responsable des actions du Kremlin. Elle n'a d'ailleurs jamais condamné l'intervention russe, ni soutenu directement la Russie dans son effort de guerre. Pourtant, Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, a affirmé l'intention de la République populaire de Chine de fournir des armes à la Russie, ce que Pékin réfute. Outre les aspects diplomatiques, quelles seraient selon vous les conséquences sur le champ de bataille d'un tel soutien ? Cela pousserait-il la France à renforcer le sien à l'Ukraine ?

Avec le recul, nos services arrivent-ils à mieux tracer les armes légères livrées à l'Ukraine, qui pourraient alimenter le trafic d'armes au service du terrorisme ?

Je me permets enfin de rappeler qu'il y a une semaine, on célébrait l'anniversaire de la sortie de la France du commandement intégré de l'Otan – mais ce n'est pas au gaulliste que vous êtes, Monsieur le ministre, que je vais l'apprendre.

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Josep Borrell a fixé en février 2023 un objectif précis : former 30 000 soldats ukrainiens. Dix mille l'ont déjà été, ou reçoivent une formation individuelle, collective ou spécialisée en Pologne ou en Allemagne. La France formera dans un premier temps 2 000 soldats. Une partie de ces formations s'effectuera dans notre pays, une autre en Pologne grâce au déploiement de 150 militaires français, l'objectif étant de former 600 soldats ukrainiens par mois. L'idée est d'assurer à terme l'autonomie des Ukrainiens en la matière.

Pourriez-vous nous indiquer sur quel champ disciplinaire portent ces formations, qui sont complémentaires de celles dispensées par nos alliés ? Combien de militaires sont-ils engagés dans ce programme et pendant combien de temps ? Est-il prévu de poursuivre cet accompagnement, tant dans le domaine de la formation que sur les plans opérationnel et stratégique, en intégrant des militaires ukrainiens dans les programmes déployés par nos grandes écoles militaires ou civiles ?

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En octobre dernier, vous annonciez que 2 000 soldats ukrainiens seraient formés en France au maniement des armes et du matériel, parfois sophistiqué, que nous leur livrons. Mais vous indiquiez que ces formations seraient aussi plus générales, et qu'elles pourraient porter sur la posture du combattant et sur la logistique, de manière à répondre aux besoins identifiés par les Ukrainiens. Ainsi en est-il de la formation à l'utilisation du canon Caesar et des systèmes de défense antiaériens Crotale, justifiée par la lutte antidrones et par les bombardements aériens, et éventuellement à celle des missiles sol-sol et au lance-roquettes multiple, si celui-ci leur est livré. En outre, la formation accélérée à l'utilisation des chars Leopard 2 dispensée depuis un mois aux militaires ukrainiens en Allemagne et en Espagne vient de s'achever. Les Allemands semblent plutôt satisfaits du résultat. Qu'en est-il des entraînements dont la France est chargée ? Des lacunes ont-elles été identifiées, qui nécessiteraient une formation prolongée ? Vous aviez prévu quelques semaines d'entraînement pour les soldats ukrainiens accueillis dans nos unités. Sont-ils prêts ? Quel est le retour de nos militaires ? Combien cela coûte-t-il à nos armées ? Combien de soldats ukrainiens avons-nous formés à ce jour ?

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La guerre d'Ukraine confirme le rôle prééminent des drones et l'importance de disposer de munitions télé-opérées de coût modéré considérées comme des équipements consommables. Selon un récent rapport d'information sénatorial, 90 % des petits drones utilisés sont perdus. Les drones de moyenne altitude et de longue endurance (Male) Reaper armés, très utile dans les guerres asymétriques, risquent d'être difficilement exploitables dans un contexte symétrique, du fait de leur vulnérabilité et de leur coût. À la lumière du conflit ukrainien et dans la perspective de la future loi de programmation militaire, pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'équipement de nos unités terrestres en engins non pilotés destinés au renseignement ou à la frappe ?

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Il y a quelques jours a eu lieu l'exercice spatial AsterX, visant à préparer nos armées à la guerre spatiale dans le cadre d'un conflit de haute intensité. On a vu dès le début de la guerre en Ukraine à quel point l'espace était devenu stratégique : le réseau Starlink de SpaceX a permis à l'Ukraine de continuer à avoir accès à internet et de maintenir un large réseau de communication, notamment pour les militaires. En février, les députés européens ont voté à la quasi-unanimité en faveur du lancement de la constellation satellitaire Iris 2, destinée à l'internet à haut débit.

Au sein de l'Union européenne, la France est un acteur important dans le domaine spatial. Je me réjouis que le commandement de l'espace monte en puissance dans la prochaine loi de programmation militaire. Un an après, quel bilan tirer du conflit dans le domaine spatial militaire ? La France et ses partenaires européens ont-ils apporté une aide importante à l'Ukraine dans ce domaine ?

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Sébastien Lecornu, ministre

La diplomatie française a clairement exprimé sa position en indiquant que la Chine ne devait pas aider la Russie. Aider un État agresseur, ce n'est pas la même chose qu'aider un État agressé. La visite du Président de la République en Chine s'inscrit dans un contexte tout à fait particulier, qui va nous permettre d'évaluer les efforts que la Chine veut ou peut faire en faveur de la résolution du conflit. Un plan de paix a été présenté. Il va sans dire qu'il suppose l'accord des Ukrainiens. Il y a un dialogue stratégique à mener et je pense que le rôle de la France est de s'y atteler, car c'est elle qui a le plus d'atouts pour le mener à bien – étant précisé que je ne me place pas dans l'hypothèse où la Chine apporterait son aide à la Russie.

La traçabilité des armes est un enjeu majeur, dont nous parlons entre alliés, notamment dans le cadre du groupe de Ramstein. Cela soulève la question de la corruption, mais il y a aussi la possibilité que les Russes en récupèrent et en réinjectent dans d'autres théâtres d'opérations, par l'intermédiaire par exemple du groupe Wagner ; on pourrait ainsi retrouver ces armes en Afrique. Sans entrer dans le détail, je peux vous dire que le risque est identifié et que des efforts importants sont déployés pour l'éviter.

Quant à la relation avec l'Otan, gardons-nous de verser dans l'antiaméricanisme primaire – mais je sais que ce n'est pas votre cas, Monsieur Giletti.

En matière de formation, notre nouvel objectif est d'assurer celle de 6 000 soldats ukrainiens, à raison de 2 000 dans des unités françaises stationnées sur le sol national et de 4 000 dans le cadre de missions de formation européennes ou franco-polonaises déployées en Pologne. Je tiens à rendre hommage à nos partenaires polonais et à saluer la qualité de la relation entre Paris et Varsovie – qui est importante pour l'avenir.

Les dernières formations ont porté sur l'utilisation ou la maintenance du matériel fourni. Les AMX-10 RC ont ainsi donné lieu à un catalogue de formation. Nous développons aussi la formation au maintien en condition opérationnelle (MCO) : un combattant sur un matériel, c'est bien, mais s'il y a le mécano en plus, c'est mieux, et si le combattant peut lui-même être mécano, c'est encore plus intéressant, notamment pour le combat terrestre. Quant au système sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T), technologie extrêmement complexe qui requiert normalement presque dix mois de formation, on essaie d'y former les soldats ukrainiens en quelques semaines seulement : c'est un vrai défi pédagogique, voire une gageure !

Cette formation étant dispensée par des militaires d'active ou, le cas échéant, de réserve, elle ne coûte que le temps qu'ils y passent : elle ne fait donc pas l'objet d'une enveloppe budgétaire spécifique.

Je ne suis pas sûr qu'il revienne au ministre français des armées d'évaluer la qualité des soldats ukrainiens, que ce soit sur le terrain ou en formation. Cela étant, le retour de nos soldats est extrêmement positif. Tous saluent la capacité de compréhension, de résilience et d'imagination des Ukrainiens. Les formations se passent très bien.

Les drones constitueront un gros morceau de la loi de programmation militaire. Le terme recouvre toutefois des réalités très différentes : un EuroMale, un Reaper ou un Patroller, qui sont des sortes d'avion sans pilote coûtant plusieurs millions d'euros pièce, ce n'est pas la même chose que des munitions téléopérées ou des essaims de petits drones. Utiliser un missile ou un drone imposant et onéreux pour répondre à une menace de l'ordre de quelques dizaines de milliers d'euros, cela n'a aucun sens. D'où l'importance de fixer un principe de proportionnalité, non seulement militaire, mais aussi économique.

Je vous proposerai de consacrer aux drones quelque 5 milliards d'euros, pour l'ensemble de la LPM, l'objectif étant, non pas de chercher à rattraper le retard que nous avons pris, mais d'opérer un saut technologique. Pour les munitions teléopérées, par exemple, au lieu de recourir à de l'existant, nous pourrions développer un produit made in France qui corresponde à nos théâtres et nos besoins opérationnels. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Les usages militaires de l'espace trouvent une application concrète avec le conflit en Ukraine. De surcroît, l'observation spatiale ne pose pas de problème de cobelligérance. On peut en outre utiliser des objets spatiaux civils, comme le GPS.

Parmi les exercices récents, il y a aussi Orion. Il faudra prendre en considération le retour d'expérience de ces grands entraînements dans la LPM. Nous aurons là aussi l'occasion d'en reparler.

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Il y a un peu plus d'un an commençait le conflit en Ukraine. Nous avons tous en tête des images marquantes et le lourd tribut payé par les civils ukrainiens. Les pertes militaires sont également très lourdes. S'il est évidemment impossible de dresser un bilan exact, d'autant qu'en temps de guerre la surestimation ou la sous-estimation des morts et des blessés est une arme stratégique, plusieurs sources estiment qu'il y a eu 100 000 morts et blessés dans l'armée ukrainienne. Si l'opinion publique s'inquiète, à juste titre, des pertes civiles, nous devons aussi nous soucier des militaires.

La France a bien sûr un rôle militaire et diplomatique à jouer dans ce conflit, mais nous disposons avec le service de santé des armées (SSA) d'un outil exceptionnel et d'une expertise forte en matière de prise en charge des militaires blessés en opération, avec une chaîne médicale complète au plus près des zones de combat. Le SSA fait-il bénéficier les Ukrainiens de ses compétences précieuses ? Dans l'affirmative, comment pourrait-on caractériser le volet sanitaire de notre soutien médical militaire à l'Ukraine ?

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Depuis le déclenchement de cette guerre, il y a plus d'un an, sur le territoire européen, la France, par la voix du Président de la République, a toujours apporté un soutien fraternel et inconditionnel au peuple ukrainien. Les nombreuses livraisons d'armes de canons, de munitions ou d'équipements légers marquent notre attachement à la défense des Européens et à la liberté des peuples de décider par et pour eux-mêmes. L'Ukraine a régulièrement remercié la France pour son engagement renouvelé, d'autant plus important que le conflit risque malheureusement de durer. Avons-nous, pour maintenir dans le temps cet effort et assurer notre propre protection, recomplété nos stocks de matériel ?

La défense sol-air a toujours été le parent pauvre des LPM. Le conflit en Ukraine montre à quel point elle est essentielle pour la protection du territoire national. Quel budget comptez-vous lui consacrer dans la prochaine loi de programmation militaire ? Quels seront vos investissements prioritaires dans ce domaine ?

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Depuis le début du conflit, la France est aux côtés de l'Ukraine. Mais à quelle hauteur exactement ? Peut-elle aider davantage les forces ukrainiennes ? C'est pour répondre à ces questions que notre commission a créé une mission flash sur le bilan du soutien militaire à l'Ukraine, dont je suis, avec Lionel Royer-Perreaut, le corapporteur.

Cela fait des mois que nos armées œuvrent pour apporter un appui aux Ukrainiens. Si l'on veut être pragmatique, il faut, d'un côté, considérer la nécessité d'assurer une protection efficace à l'Ukraine pour garantir notre sécurité, de l'autre, éviter que notre contribution ne se fasse au détriment de nos armées et affaiblisse notre propre défense. Comment vous assurez-vous que les stocks, fondement de la souveraineté militaire, restent suffisants ?

Si certaines livraisons n'auront pas de conséquences trop lourdes – je pense aux véhicules de l'avant blindés (VAB) dont le remplacement était déjà prévu par le programme Scorpion –, la cession de dix-huit des soixante-seize Caesar que détenait notre armée de terre et de deux lance-roquettes sur les treize que nous avions en stock peut affaiblir notre préparation opérationnelle.

Nous disposons certes d'un atout de taille : notre BITD. Cependant, on peut se demander si toutes les entreprises seront en mesure de suivre la cadence de reconstitution des stocks, vu qu'elles sont par ailleurs confrontées à un manque de main-d'œuvre, à la réticence des banques à accorder des financements et à la lourdeur des procédures imposées par le règlement européen Reach. Notre industrie doit pourtant avoir toutes les cartes en main si nous voulons poursuivre de front le soutien indispensable à l'Ukraine et la remise à niveau de nos armées. Que proposez-vous pour elle ?

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Selon les premiers bilans de la guerre en Ukraine, les pertes humaines sont lourdes. Les armées régulières de chaque camp ont été mises à rude épreuve. La poursuite du conflit repose sur les réserves, la loi martiale et les mobilisations partielles décrétées.

Comment accroître nos réserves militaires en cas de conflit de haute intensité et d'usure prématurée de nos militaires professionnels ? La formation des réservistes opérationnels ne se fait pas en un jour. Le service national universel (SNU) ne semble pas avoir une telle vocation.

Selon un sondage réalisé par Gallup en 2017, seulement 29 % des Français interrogés étaient prêts à aller se battre pour leur pays. Cela en dit long sur la force morale des réserves potentielles.

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L'apport de matériel à l'armée ukrainienne, tout à fait légitime, a néanmoins suscité des interrogations. Les prélèvements opérés sur les stocks ont amené certains à s'inquiéter des risques pour notre défense.

Le ministère s'est engagé à livrer douze canons Caesar venant s'ajouter aux dix-huit déjà donnés alors que le stock s'élevait à 73 en février 2022. Nexter s'est mobilisé pour répondre à la demande adressée par l'État pour le compte de l'Ukraine ainsi que pour reconstituer les stocks français. Ces derniers sont-ils revenus à leur niveau initial ?

Les industriels n'ont pas été en mesure de répondre à la demande. La relocalisation annoncée d'une vingtaine d'industries de défense permettra-t-elle d'accélérer la production ?

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Le soutien à l'Ukraine s'est aussi traduit par la prise en charge médicalisée de blessés de guerre. Le nombre très important de blessés des deux côtés, qui pour la plupart ont été touchés en première ligne, loin des hôpitaux militaires, doit nous inciter à mener une réflexion sur le service de santé des armées. Il semble essentiel de disposer de capacités opérationnelles de médecine d'urgence sur le front en cas de conflit de haute intensité. La formation aux gestes de secours est aussi un enjeu majeur.

Avez-vous des retours d'expérience du conflit ukrainien sur la prise en charge des blessés sur le front ? Quelles leçons en tirez-vous pour adapter notre service de santé des armées ainsi que les techniques sauvetage ?

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Il est une arme de guerre qui n'a pas besoin de poudre : l'information.

L'information est un facteur de mobilisation, ou de démobilisation lorsque la vérité est révélée. L'information reçue aujourd'hui par le peuple russe n'est pas la même que la nôtre. C'est de la désinformation.

De nombreuses guerres se gagnent sur le terrain grâce aux armes et à la stratégie mais souvent aussi grâce à la démobilisation des acteurs. Dans la bataille de l'information, comment pouvons-nous affaiblir le soutien des Russes à leur président ?

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Nous avons appris avec plaisir la relocalisation à Bergerac de la production de poudre qui avait été transférée en Suède. Je tiens à remercier le ministre pour son intervention.

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Sébastien Lecornu, ministre

À mon tour, je remercie M. Cubertafon d'avoir soutenu ce projet. Que les élus locaux de Dordogne et les acteurs industriels soient également remerciés car la relocalisation suppose un territoire volontaire et résilient pour accueillir, en l'espèce, des activités dangereuses. J'ai une pensée particulière pour la victime de l'explosion dans une usine Nexter à Bourges.

Dans le domaine de la santé, le soutien à l'Ukraine prend plusieurs formes : la prise en charge de blessés – une dizaine sont soignés dans les hôpitaux militaires français pour des pathologies lourdes – ; la formation. Monsieur Rancoule, l'opération Barkhane nous a malheureusement fourni des retours d'expérience dont nous pouvons faire profiter les Ukrainiens.

Je suis préoccupé par les difficultés auxquelles pourrait être confronté le service de santé des armées (SSA) en cas de concomitance de plusieurs crises – un engagement militaire majeur, une pandémie et un attentat de masse. Mais sur chacune d'elles, je salue l'engagement remarquable du SSA.

Enfin, nous avons cédé pour un demi-million d'euros de matériel médical aux Ukrainiens.

En ce qui concerne la défense sol-air, la future loi de programmation militaire devrait y consacrer près de 5 milliards d'euros. Le recomplètement pour les missiles Crotale et VL Mica a été acté ; des réunions du comité ministériel d'investissement doivent encore se tenir et la programmation budgétaire correspondante sera évidemment soumise au Parlement.

Monsieur Naegelen, je suis à votre disposition, tout comme les services du ministère, pour répondre aux questions de la mission. Certaines ont trait à l'économie de guerre. Quelle visibilité donne-t-on aux entreprises pour relever le défi ? Depuis les années soixante, le modèle français repose sur le lien étroit entre la BITD et l'armée. La BITD n'a donc pas d'autre choix que de suivre.

Après vingt ans de lutte contre le terrorisme au cours desquels les mêmes armes ont été utilisées, et à la lumière de guerre en Ukraine, une réflexion s'impose sur l'attrition, sur le ratio entre la rusticité et la technologie ainsi que sur la soutenabilité économique. Il ne faut pas négliger le risque pour l'entreprise, raison pour laquelle l'État lui doit de la visibilité ainsi de l'accompagnement à l'export, lequel assure l'équilibre de notre modèle d'armement.

Nous devons tous faire de la pédagogie sur les conditions de l'autonomie stratégique dont l'Ukraine mais aussi le covid ont révélé la nécessité. Ce sont les difficultés rencontrées pendant la pandémie dans la gestion les stocks stratégiques et dans les chaînes logistiques qui justifient aujourd'hui les efforts de relocalisation que je mène. La sécurisation des chaînes logistiques est un enjeu majeur.

S'agissant des canons Caesar, il faudra bientôt dix-huit mois au lieu de plus de trois ans pour les construire. Hommage doit être rendu aux équipes de Nexter pour cet effort spectaculaire grâce auquel entre novembre 2023 et mars 2024, trente nouveaux Caesar seront livrés à l'armée française. Ce qui est vrai pour un canon Caesar ne le sera pas forcément pour les munitions. Il faut considérer les différentes typologies d'armement et adapter les stratégies pour accélérer la production.

L'agilité et la vitesse sont aussi la clé de notre réussite à l'export. Les clients étrangers feront de plus en plus de la réactivité et de la maîtrise du calendrier ainsi que du prix une des conditions d'achat. Pourquoi les Polonais achètent-ils aux Coréens et non aux Américains ? Parce que l'industrie américaine livre trop lentement. Il faut prendre conscience de cet élément décisif pour la compétitivité de notre pays.

Il n'y aura pas de loi de programmation militaire réussie si l'industrie n'accompagne pas le mouvement des armées. J'aurais besoin de vous pour gagner ce qui est aussi un combat culturel. La culture n'est pas la même dans les grandes entreprises ou les PME, dans les anciens arsenaux ou les entreprises qui ont toujours été à capitaux privés. J'appelle aussi la finance à faire preuve de patriotisme. La plupart des PME peinent aujourd'hui à lever des fonds parce que l'armement, c'est « sale ». Pourtant l'autonomie stratégique pour défendre nos valeurs est tout aussi fondamentale que la transition écologique.

La professionnalisation et l'évolution de la doctrine d'emploi des réserves sont des enjeux clé pas seulement en cas de conflit de haute intensité mais aussi en cas de pandémie ou de crises climatiques, en particulier dans les territoires d'outre-mer où les militaires sont souvent les premiers à intervenir, mais on l'a vu aussi lors des incendies de l'été dernier en métropole. Elles ne sont pas sans lien avec le SNU à terme puisque plus on éveille à l'engagement, plus on a envie d'être utile à son pays.

Monsieur Blanchet, le Parlement doit s'emparer du sujet de l'information. Une démocratie ne l'abordera évidemment pas de la même manière qu'un pays autoritaire. J'enfonce là une porte ouverte mais je suis étonné que l'on n'en parle pas davantage sous cet angle. Dans une démocratie, il existe un droit de la presse et on ne met pas sur le même plan communication et information. Une démocratie peut-elle faire la même chose qu'un pays autoritaire en matière de désinformation ? La réponse est non. Se protéger d'une campagne de désinformation, ce n'est pas la même chose que de la mener soi-même. Autant de questions – certaines d'entre elles se heurteront au secret – qui mériteraient d'être traitées par le Parlement d'autant qu'elles ne le sont guère au niveau européen ou au sein de l'Otan.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a quelques jours, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, alertait une fois de plus la communauté internationale après une frappe russe à proximité de la centrale nucléaire de Zaporijjia dont le fonctionnement repose désormais sur un générateur de secours uniquement. « Chaque fois que nous jouons avec le feu, et si nous laissons cette situation perdurer, un jour notre chance tournera » prévenait-il. Il insiste pour que les nations s'engagent à assurer la sécurité du site, ce qui passe selon lui par la création d'une zone spéciale.

Dès le 4 mars 2022, un certain Jean-Luc Mélenchon se prononçait en faveur d'une démarche de la France auprès des Nations unies pour que soit insaturée une zone tampon autour de la centrale protégée par une force d'interposition.

Voilà maintenant plusieurs mois que le directeur général de l'AIEA mène de très difficiles consultations avec l'Ukraine et la Russie afin d'aboutir à la mise en place d'une telle zone. Pour atteindre cet objectif désormais très éloigné et pourtant indispensable, le directeur somme la communauté internationale, qu'il qualifie de passive, de s'impliquer avec ardeur.

Malgré le temps précieux qui a été perdu, comment la France peut-elle cesser d'être passive comme elle l'a été malheureusement en mars 2022 ?

Permalien
Sébastien Lecornu, ministre

Vous avez tort de politiser la question car s'il y a bien un État qui soutient depuis le début les efforts de M. Grossi, c'est la République française.

Avant de se rendre à Moscou, Kiev et Zaporijjia, M. Grossi est venu à Paris – j'y étais. Je peux aussi témoigner des efforts diplomatiques déployés par le Président de la République auprès des deux parties. Je me suis entretenu avec M. Choïgou, le ministre de la défense russe, sur le dossier de Zaporijjia. Nous avons aidé l'AIEA à mener sa mission en essayant d'éclaircir des informations difficiles à comprendre.

C'est une évidence mais la principale difficulté tient au fait que les Russes occupent la centrale. La prise en otage d'un site nucléaire civil à des fins militaires n'est pas acceptable. Nous soutenons l'élargissement de la mission de l'AIEA à d'autres sites que Zaporijjia. Compte tenu de l'importance du parc nucléaire ukrainien, nous ne sommes pas à l'abri d'un missile touchant une autre centrale du pays.

Nous sommes aussi préoccupés par la sûreté. En raison des nombreux départs de personnels dans les domaines de l'exploitation et de la maintenance – et on peut le comprendre –, l'AIEA doit veiller au respect des procédures et des normes en la matière. L'approvisionnement en électricité des circuits de refroidissement est aussi crucial.

La France est aux avant-postes. La proximité de l'Ukraine nous oblige à être attentifs à ce qui pourrait menacer la sécurité des citoyens européens. Il faut laisser l'AIEA travailler. À chaque fois que M. Grossi demande quelque chose, nous nous efforçons de lui donner satisfaction. Nous sommes pleinement mobilisés. Personne n'a intérêt à un problème à Zaporijjia.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Vincent Bru, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Christelle D'Intorni, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. José Gonzalez, M. David Habib, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Delphine Lingemann, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Lionel Royer-Perreaut, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Julien Bayou, M. Christophe Bex, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Anne Genetet, M. Olivier Marleix, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Valérie Rabault, M. Mikaele Seo, Mme Corinne Vignon