Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mercredi 15 mars 2023 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Sébastien Lecornu, ministre :

La diplomatie française a clairement exprimé sa position en indiquant que la Chine ne devait pas aider la Russie. Aider un État agresseur, ce n'est pas la même chose qu'aider un État agressé. La visite du Président de la République en Chine s'inscrit dans un contexte tout à fait particulier, qui va nous permettre d'évaluer les efforts que la Chine veut ou peut faire en faveur de la résolution du conflit. Un plan de paix a été présenté. Il va sans dire qu'il suppose l'accord des Ukrainiens. Il y a un dialogue stratégique à mener et je pense que le rôle de la France est de s'y atteler, car c'est elle qui a le plus d'atouts pour le mener à bien – étant précisé que je ne me place pas dans l'hypothèse où la Chine apporterait son aide à la Russie.

La traçabilité des armes est un enjeu majeur, dont nous parlons entre alliés, notamment dans le cadre du groupe de Ramstein. Cela soulève la question de la corruption, mais il y a aussi la possibilité que les Russes en récupèrent et en réinjectent dans d'autres théâtres d'opérations, par l'intermédiaire par exemple du groupe Wagner ; on pourrait ainsi retrouver ces armes en Afrique. Sans entrer dans le détail, je peux vous dire que le risque est identifié et que des efforts importants sont déployés pour l'éviter.

Quant à la relation avec l'Otan, gardons-nous de verser dans l'antiaméricanisme primaire – mais je sais que ce n'est pas votre cas, Monsieur Giletti.

En matière de formation, notre nouvel objectif est d'assurer celle de 6 000 soldats ukrainiens, à raison de 2 000 dans des unités françaises stationnées sur le sol national et de 4 000 dans le cadre de missions de formation européennes ou franco-polonaises déployées en Pologne. Je tiens à rendre hommage à nos partenaires polonais et à saluer la qualité de la relation entre Paris et Varsovie – qui est importante pour l'avenir.

Les dernières formations ont porté sur l'utilisation ou la maintenance du matériel fourni. Les AMX-10 RC ont ainsi donné lieu à un catalogue de formation. Nous développons aussi la formation au maintien en condition opérationnelle (MCO) : un combattant sur un matériel, c'est bien, mais s'il y a le mécano en plus, c'est mieux, et si le combattant peut lui-même être mécano, c'est encore plus intéressant, notamment pour le combat terrestre. Quant au système sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T), technologie extrêmement complexe qui requiert normalement presque dix mois de formation, on essaie d'y former les soldats ukrainiens en quelques semaines seulement : c'est un vrai défi pédagogique, voire une gageure !

Cette formation étant dispensée par des militaires d'active ou, le cas échéant, de réserve, elle ne coûte que le temps qu'ils y passent : elle ne fait donc pas l'objet d'une enveloppe budgétaire spécifique.

Je ne suis pas sûr qu'il revienne au ministre français des armées d'évaluer la qualité des soldats ukrainiens, que ce soit sur le terrain ou en formation. Cela étant, le retour de nos soldats est extrêmement positif. Tous saluent la capacité de compréhension, de résilience et d'imagination des Ukrainiens. Les formations se passent très bien.

Les drones constitueront un gros morceau de la loi de programmation militaire. Le terme recouvre toutefois des réalités très différentes : un EuroMale, un Reaper ou un Patroller, qui sont des sortes d'avion sans pilote coûtant plusieurs millions d'euros pièce, ce n'est pas la même chose que des munitions téléopérées ou des essaims de petits drones. Utiliser un missile ou un drone imposant et onéreux pour répondre à une menace de l'ordre de quelques dizaines de milliers d'euros, cela n'a aucun sens. D'où l'importance de fixer un principe de proportionnalité, non seulement militaire, mais aussi économique.

Je vous proposerai de consacrer aux drones quelque 5 milliards d'euros, pour l'ensemble de la LPM, l'objectif étant, non pas de chercher à rattraper le retard que nous avons pris, mais d'opérer un saut technologique. Pour les munitions teléopérées, par exemple, au lieu de recourir à de l'existant, nous pourrions développer un produit made in France qui corresponde à nos théâtres et nos besoins opérationnels. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Les usages militaires de l'espace trouvent une application concrète avec le conflit en Ukraine. De surcroît, l'observation spatiale ne pose pas de problème de cobelligérance. On peut en outre utiliser des objets spatiaux civils, comme le GPS.

Parmi les exercices récents, il y a aussi Orion. Il faudra prendre en considération le retour d'expérience de ces grands entraînements dans la LPM. Nous aurons là aussi l'occasion d'en reparler.

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