La séance est ouverte à 17 heures 30.
Présidence de Mme Perrine Goulet, présidente de la délégation
La Délégation aux droits des enfants auditionne M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mes chers collègues, nous recevons cet après-midi M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, que je remercie d'avoir accepté notre invitation. Vos attributions sont vastes, monsieur le ministre, et couvrent plusieurs thèmes en lien avec l'enfance.
En septembre dernier, vous avez annoncé la mise en place d'un service public de la petite enfance, dont l'objectif est d'assurer à chaque parent une solution d'accueil de son jeune enfant. Quels sont l'objectif final de ce service, son porteur et ses contours ?
Vos attributions vous donnent autorité sur la délégation interministérielle à l'autisme (DIA) et sur la ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Quelles évolutions envisagez-vous dans la prise en charge des enfants, dans les établissements spécialisés comme à l'école ?
Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – le plan « pauvreté » –, pouvez-vous nous expliquer la fin des petits déjeuners gratuits à l'école en métropole ? Où en est le dispositif de la cantine à 1 euro ? Quels sont les obstacles à une amélioration de son déploiement ?
Au sein du comité interministériel à l'enfance (CIE), votre ministère participe à l'action de contrôle des antécédents de l'ensemble des intervenants auprès des enfants. Comment comptez-vous mettre en œuvre ces contrôles pour les professionnels de l'enfance ? Votre ministère est également cité pour le soutien à la parentalité : qu'envisagez-vous pour assurer ce soutien, dont nous avons plus que besoin à l'heure actuelle ?
Enfin, nous avons toutes et tous constaté une baisse d'attractivité des métiers de la petite enfance, de la protection de l'enfance et de la prise en charge des enfants en situation de handicap : quelles pistes envisagez-vous pour améliorer l'attractivité de ces métiers de l'humain si indispensables ?
Je pourrais vous interroger sur de nombreux autres sujets, mais mes collègues vous poseront d'autres questions après votre première intervention.
Je suis ravi d'être avec vous cet après-midi et d'être auditionné par votre délégation, qui, malgré son installation récente, a déjà beaucoup travaillé, signe de l'importance qu'accorde l'Assemblée nationale aux sujets relatifs à l'enfance ; vous vous doutez qu'en tant que ministre des solidarités chargé de la petite enfance et des familles, je ne peux que m'en réjouir.
Les travaux de la délégation aux droits des enfants mettent un coup de projecteur systématique sur l'enfance et portent sur des domaines qui relèvent en grande partie de mon portefeuille ministériel. Je pense à l'accueil du jeune enfant et à ses répercussions sur les questions du plein emploi, de l'égalité entre les femmes et les hommes, de l'accroissement du soutien aux familles monoparentales et de la lutte contre les inégalités de destin. Autre politique au croisement de mon ministère et de votre délégation, celle des 1 000 premiers jours de l'enfant, engagée par Adrien Taquet, alors secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, lors de la précédente législature, sera poursuivie – j'y reviendrai. Je répondrai également à votre question sur les métiers de la petite enfance, si importants pour l'emploi comme pour les services qu'ils assurent. Enfin, j'aborderai le sujet de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, lesquelles touchent encore trop d'enfants, ce qui appelle des actions spécifiques de la part des pouvoirs publics.
La création d'un service public de la petite enfance constitue une priorité de la feuille de route que m'ont confiée le Président de la République et la Première ministre. L'accueil du jeune enfant représente en effet la première préoccupation des parents. Ce sujet se situe au carrefour du soutien à la natalité, du retour au travail et de la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Le constat est connu, il manquerait actuellement 200 000 places d'accueil dans notre pays pour répondre aux demandes et aux besoins exprimés par les familles. Ce sont 160 000 personnes, essentiellement des femmes, qui renoncent à un emploi faute de pouvoir trouver un mode de garde de leur enfant.
Des mesures ont déjà été prises, notamment à la sortie de la crise sanitaire, avec la mobilisation de plus de 200 millions d'euros pour un plan visant à augmenter le nombre de places en crèche ; plus récemment, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 réforme le complément de libre choix du mode de garde (CMG), dans le but de rendre le recours à un assistant maternel aussi accessible qu'une place en crèche. Cette évolution est indispensable car des familles, surtout modestes, sont actuellement privées de tout mode d'accueil de leur enfant. Il faut savoir que seuls 5 % des enfants des familles les plus modestes sont accueillis par un assistant maternel contre 46 % des enfants des familles aisées, sans que l'accès à l'accueil collectif soit toujours assuré. Le CMG sera étendu aux enfants âgés de 6 à 12 ans et vivant dans une famille monoparentale. Enfin, le partage du CMG dans les cas de garde alternée sera facilité.
Cette réforme en appelle d'autres pour atteindre l'objectif d'assurer une offre d'accueil du jeune enfant sécurisée, accessible à tous financièrement, suffisante quantitativement et de qualité. Telle est l'ambition du service public de la petite enfance. À l'occasion du CIE du 21 novembre dernier, j'ai annoncé le lancement d'une grande concertation, qui se tiendra dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) et dont le but sera de recueillir, de façon très ouverte et très large, les observations et les idées de l'ensemble des parties prenantes – parents, professionnels et collectivités territoriales. Je conduis moi-même cette concertation nationale, qui s'est ouverte dès le mercredi 23 novembre, qui se poursuivra demain matin avec un CNR « Petite enfance » et qui se conclura avec un autre CNR au printemps 2023. Ensuite, nous instaurerons un nouveau fonds d'innovation pour la petite enfance, doté de 10 millions d'euros, qui visera à financer des initiatives locales exemplaires, préfigurant ainsi le service public de la petite enfance. L'ensemble des acteurs fixeront les modalités de déploiement du dispositif. Les Françaises et les Français pourront contribuer directement à cette concertation en remplissant le questionnaire dédié, accessible sur le site du CNR.
La création du service public de la petite enfance nécessite un travail important sur l'attractivité des métiers de la petite enfance, secteur qui ne fait malheureusement pas figure d'exception dans le paysage social et médico-social : la pénurie de professionnels, criante, est estimée, selon un rapport que m'a remis la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) cet été, à 10 000 personnes dans les crèches. Répondre à ce problème est devenu urgent, et j'ai d'ailleurs réuni le 11 juillet, une semaine à peine après ma nomination, le comité de filière « petite enfance » pour valider plusieurs propositions et débloquer 2,5 millions d'euros, en vue d'améliorer la qualité de vie au travail et d'organiser une campagne de valorisation et de promotion de ces métiers. Le 22 septembre, à l'occasion d'un nouveau comité de filière, j'ai annoncé que le Gouvernement était prêt à accompagner financièrement les revalorisations salariales dans le secteur, pour autant que les partenaires sociaux se réunissent, négocient et respectent le cahier des charges que je leur ai transmis. Les représentants des professionnels m'ont répondu, le 27 octobre, qu'ils acceptaient d'engager une discussion sur la base que je leur ai fixée. L'État facilitera ces discussions après avoir déjà accompagné par deux fois cette année les employeurs pour faire face aux effets de l'inflation, en débloquant près de 100 millions d'euros. Il reste évidemment beaucoup à faire, et vous aurez un rôle important à jouer, vous qui êtes interpellés dans vos circonscriptions par les parents et par les professionnels du secteur sur les difficultés qu'ils peuvent rencontrer.
Je tiens à revenir sur deux sujets qui vous ont sans doute beaucoup occupé depuis cet été. Le premier a trait à la polémique ayant entouré un arrêté que j'ai signé au mois de juillet et qui vise à préciser le cadre du recours à des professionnels non qualifiés dans les crèches. Cet arrêté ne tend pas à faciliter leur embauche, mais, au contraire, à encadrer l'utilisation, qui pourrait être excessive en ces temps de pénurie de candidats, d'une dérogation vieille d'une vingtaine d'années permettant d'embaucher des personnels non qualifiés. Il pose ainsi deux conditions supplémentaires à l'activation de cette dérogation : justifier de l'urgence de la situation et assurer la formation des personnes retenues, à raison de 120 heures au moment de leur intégration et d'un autre cycle obligatoire dans l'année qui suit l'embauche. Le second concerne le contrôle des antécédents judiciaires, question à laquelle vous êtes sensibles. L'arrêté qui a supprimé l'agrément des assistants maternels a suscité des interrogations, mais, dans les faits, rien ne change, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants ayant même renforcé l'obligation de contrôle des antécédents judiciaires. Il n'y a donc aucun vide juridique : pour travailler dans le secteur de la petite enfance, il faut soumettre son fichier judiciaire à une vérification. La formulation de l'arrêté supprimé contrevenait au code de procédure pénale, donc le pouvoir réglementaire se devait d'agir. Je prendrai, dans les prochains jours, un nouvel arrêté, sans que, bien évidemment, la loi cesse de s'appliquer dans l'intervalle.
La création du service public de la petite enfance s'inscrit dans les pas de la politique des 1 000 premiers jours ; nous avons rappelé à de multiples reprises notre attachement à cette dernière, lancée par le précédent gouvernement, dont la finalité est double : encourager la natalité et améliorer l'accueil des enfants en aidant davantage tous les parents. La politique des 1 000 premiers jours s'articule autour de trois priorités : accompagnement de la naissance, congés de naissance et modes d'accueil des enfants. Des jalons extrêmement forts ont déjà été posés avec le doublement du congé paternité assorti de l'introduction d'une partie obligatoire, le renforcement des examens prénataux et postnataux, et la lutte contre la dépression postpartum. Le service public de la petite enfance fait partie intégrante de la politique des 1 000 premiers jours et vise à la parachever.
Je suis par ailleurs chargé de l'élaboration d'un pacte des solidarités, qui approfondira la dynamique des 1 000 premiers jours, avec notamment le déploiement d'un dispositif de distribution de produits alimentaires pour les plus jeunes enfants dans le cadre de l'opération « urgence premiers pas », elle-même engagée par mon prédécesseur.
Nous portons une attention constante à la situation des familles monoparentales, dont le nombre n'a cessé d'augmenter au cours des trente dernières années jusqu'à représenter aujourd'hui un quart des familles. Ces dernières sont particulièrement exposées à la précarité puisque 41 % des enfants qui y vivent sont pauvres, contre 21 % pour l'ensemble des enfants. Le parent isolé étant dans 80 % des cas une femme, l'enjeu en matière d'égalité entre les femmes et les hommes est considérable. Là aussi, beaucoup a été fait. Comme plus d'un tiers des pensions alimentaires étaient partiellement ou irrégulièrement payées, nous avons instauré, depuis janvier 2021, un service public des pensions alimentaires pour prévenir les impayés. Les pensions, à la demande des parents séparés, sont désormais versées aux caisses d'allocations familiales (CAF) qui les reversent au parent bénéficiaire ; à partir du 1er janvier 2023, ce dispositif sera automatique pour toutes les séparations, sauf opposition des deux parents. Nous avons également augmenté de 30 % les aides à la garde individuelle d'enfant et encouragé le développement des crèches à vocation d'insertion professionnelle. D'autres actions ont été récemment mises en œuvre, je pense à la hausse de 50 % de l'allocation de soutien familial (ASF), annoncée cet automne ; l'ASF, qui représente 20 % du revenu des parents isolés qui la perçoivent, passe ainsi de 123 euros par mois et par enfant à 185 euros. Cette augmentation fera reculer de plus de deux points le taux de pauvreté des familles monoparentales.
Nous sommes pleinement engagés dans la lutte contre la pauvreté des enfants. Le Président de la République avait choisi, lors de son premier quinquennat, de faire de cette lutte l'axe principal de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin de combattre les inégalités de destin et la reproduction sociale de la pauvreté. Plusieurs mesures ont décliné cette orientation : dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones d'éducation prioritaire, bonus favorisant la mixité sociale dans les établissements d'accueil du jeune enfant – dispositif géré par la Cnaf –, déploiement des cités éducatives, tarification sociale des cantines et petit déjeuner gratuit. Dans le nouveau pacte des solidarités, actuellement en phase de concertation avec les acteurs du secteur, nous souhaitons conserver cette priorité afin de prévenir notamment les inégalités sociales de santé qui se forment dès l'enfance et dont les conséquences sont très lourdes tout au long de la vie. Nous pourrions élaborer des actions dans les domaines de la santé mentale, de la santé nutritionnelle, du repérage des troubles du neurodéveloppement (TND) et de l'accès à l'offre de consultations. Il faut également prévenir le décrochage scolaire pour que l'école assure pleinement son rôle de levier en faveur de l'égalité des chances. Mon collègue Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, accorde une attention particulière à ce sujet. Il convient d'agir de façon coordonnée tout au long du parcours des enfants et des jeunes, et de garantir l'accès à des temps libres favorisant l'épanouissement des enfants. Toutes ces mesures feront partie du premier axe du pacte des solidarités, qui reprendra les orientations de la précédente stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Trois autres axes compléteront le plan : l'inclusion dans l'emploi, qui reste une priorité ; la prévention du basculement dans la pauvreté et dans la grande exclusion ; la dimension solidaire de la transition écologique.
La phase nationale de la consultation sur le service public de la petite enfance s'achèvera demain ; lui succédera une phase territoriale, placée sous la responsabilité de la présidente du comité de filière « petite enfance », Élisabeth Laithier, qui se rendra dans une dizaine de départements pour écouter l'ensemble des parties prenantes.
Le PLFSS pour 2023 consacre des moyens importants à la prise en charge des enfants en situation de handicap et des enfants autistes : l'objectif global de dépenses (OGD) de la branche autonomie augmente de 5,2 %, ce qui nous permettra de respecter les engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap (CNH). La préparation de la future CNH, qui se tiendra au début de l'année 2023, est l'occasion de remettre ces questions sur la table. La Première ministre a annoncé un second acte de l'école inclusive pour les enfants en situation de handicap, dans lequel nous favoriserons le rapprochement entre le secteur médico-social et l'éducation nationale. Nous souhaitons prolonger l'ambition de la première stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement : le PLFSS pour 2023 alloue 65 millions d'euros au maintien de cette stratégie, le temps de la renouveler. Nous souhaitons par ailleurs poursuivre l'implantation d'unités d'enseignement externalisées polyhandicap (UEEP), après la création de douze nouvelles unités à la dernière rentrée scolaire.
Nous avons réduit, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances affectés aux petits déjeuners gratuits, car toutes les communes ne souhaitaient pas s'en emparer, pour des raisons très variées. Néanmoins, là où le dispositif fonctionne, notamment dans des zones d'éducation prioritaire ou dans les territoires d'outre-mer où il est très répandu, nous continuerons à le financer, mais je n'ai pas l'intention de relancer une dynamique pour les petits déjeuners gratuits à l'école.
En revanche, nous souhaitons fortement développer la cantine à 1 euro, en incitant les communes à pratiquer des tarifications sociales pour que les enfants issus des familles les plus modestes aient largement accès à la cantine. Le PLFSS pour 2023 consacre 7 millions d'euros à ce dispositif ; nous verrons, dans le cadre du pacte des solidarités, s'il convient d'aller plus loin à l'avenir. Nous tenons à cette mesure car le repas à la cantine est pour beaucoup de ces enfants le seul de la journée qui soit équilibré et de qualité. Certaines communes ayant dévoyé la mesure en l'ouvrant à toutes les familles, nous avons demandé que seuls les foyers dont le quotient familial est inférieur à 1 000 euros y soient éligibles à partir du 1er août 2022, afin de garantir l'esprit social du dispositif.
En avril 2022, Adrien Taquet, alors secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, avait saisi Élisabeth Laithier sur la question du soutien à la parentalité. La présidente du comité de filière « petite enfance » a auditionné plus de trente acteurs de ce domaine et remettra son travail dans les semaines qui viennent. Il en va de même du rapport confié à Anne Raynaud, psychiatre et fondatrice de l'Institut de la parentalité, et à Charles Ingles, psychologue clinicien et responsable de la politique de la parentalité de la CAF de Gironde, portant sur la définition, fondée sur des données quantitatives et qualitatives, du socle de compétences en matière de soutien à la parentalité. Éclairés par ces rapports, nous statuerons sur l'opportunité de créer un comité de filière dédié au soutien à la parentalité, et nous redéfinirons notre ambition et notre stratégie dans ce domaine.
Le comité de filière « petite enfance » poursuit l'objectif d'augmenter l'attractivité du secteur. J'ai rappelé les mesures déjà prises sur la qualité de vie au travail et sur la valorisation des métiers – le regard que l'on porte sur eux est, à ce titre, extrêmement important. Des négociations sont conduites pour revaloriser les salaires des professionnels, et le comité élabore des actions en matière de formation et de parcours professionnels qui contribuent à l'attractivité des métiers. Plus largement, nous menons un travail interministériel, à la demande de la Première ministre, visant à élaborer un plan global pour les métiers du soin, du lien et de l'accompagnement, dans l'objectif de répondre rapidement aux problèmes actuels. Nous nous inscrivons dans la continuité du Ségur de la santé et nous souhaitons insuffler une dynamique positive pour rendre attractifs ces métiers qui, aujourd'hui, ne le sont pas.
Au nom du groupe Renaissance, je tiens à vous remercier d'avoir répondu à l'invitation de la délégation aux droits des enfants. Le droit à l'éducation est un droit fondamental dans notre pays. Il est donc de notre devoir d'en assurer l'égal accès pour tous les enfants. C'est le sens de l'action menée par le Président de la République, qui a fait de l'école inclusive une priorité nationale du quinquennat. Je tiens à saluer les progrès considérables qui ont été accomplis depuis cinq ans en matière d'inclusion des élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ouvert.
À la rentrée 2022, le budget consacré à l'école inclusive s'élevait à 3,5 milliards d'euros, en hausse de 66 % par rapport à 2017. Ainsi, 430 000 élèves en situation de handicap ont pu être scolarisés en milieu ordinaire, ce qui représente une progression de 34 % par rapport à 2017. Afin de soutenir ces enfants, le Gouvernement a prévu la création de 4 000 postes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). L'actualité récente appelle notre attention sur les difficultés que peuvent encore rencontrer certains enfants, notamment dans le cadre du temps périscolaire. En effet, en application de la décision du 20 novembre 2020 du Conseil d'État, les AESH sont désormais financés par l'État pour le temps scolaire et par les collectivités territoriales pour le temps périscolaire. Cette nouvelle charge est répartie entre la commune, le département et la région selon leurs compétences. Plusieurs collectivités s'inquiètent des conséquences financières de cette décision, notamment les maires de petites communes qui n'auraient pas les moyens de faire face à cette nouvelle charge dans un contexte de hausse sans précédent du coût de l'énergie.
Par ailleurs, aucune prise en charge n'est prévue pour les élèves de l'enseignement privé pour le temps périscolaire : le financement de l'AESH revient alors aux familles, ce qui représente un poids financier considérable. Certains élèves en situation de handicap se retrouvent alors exclus de leur cantine, considérée comme du temps périscolaire.
Monsieur le ministre, où en sont les discussions engagées avec les collectivités pour trouver une solution durable et faire disparaître ces situations dans les écoles ? Envisagez-vous de déployer un dispositif spécifique pour les enfants scolarisés dans l'enseignement privé ?
« Nous ne devons jamais nous habituer à ce que des enfants en situation de handicap soient privés de la chance d'aller à l'école » : ces mots sont ceux d'Emmanuel Macron qui les a prononcés lors de la CNH de 2020. L'année suivante, 20 % des saisines de la Défenseure des droits relatives aux droits de l'enfant concernaient des difficultés d'accès à l'éducation d'enfants en situation de handicap. Véritable parcours du combattant pour les familles, l'accès à l'éducation des enfants handicapés conduit parfois à des situations injustes et particulièrement contraignantes pour les parents. C'est d'autant plus vrai pour les enfants souffrant d'un handicap intellectuel ou cognitif et ne pouvant fréquenter un établissement scolaire ordinaire. Ces handicaps invisibles nécessitent des apprentissages très longs et un encadrement spécialisé. Certaines familles se retrouvent contraintes de faire redoubler leur enfant ayant dépassé la limite d'âge de scolarisation en unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis).
Le 19 juillet dernier, le Conseil d'État a reconnu une carence fautive de l'État de nature à engager sa responsabilité dans le cas d'une déscolarisation de plus d'un an d'un enfant atteint de troubles cognitifs et psychomoteurs quand la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a prescrit son orientation vers plusieurs établissements sociaux et médico-sociaux. Ces situations sont loin d'être rares et durent parfois plusieurs années ; elles revêtent un caractère violent pour les enfants et les familles, soumis, tous les trois à quatre ans, au stress de l'attente de la notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) – pour l'avoir vécu, je peux vous assurer que l'on prend dix ans à chaque fois. Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, a néanmoins affirmé qu'il y aurait désormais une notification unique de l'Ulis et de l'institut médico-éducatif (IME), ce qui me semble une très bonne chose – vous voyez que nous ne faisons preuve d'aucun dogmatisme et que nous saluons les décisions positives.
Désireux de pallier le manque d'implication de l'État dans la scolarisation effective de leurs enfants, des parents tentent parfois d'embaucher des AESH privés, mais cette solution leur est refusée dans les écoles classiques ; leurs enfants subissent alors des changements incessants de classe, inadaptés à leur condition : ils ne sont en effet scolarisés qu'une matinée ou une après-midi dans la semaine. Monsieur le ministre, pour reprendre le terme de la Défenseure des droits, que comptez-vous faire pour que l'accueil des enfants en situation de handicap à l'école ne soit plus « bricolé » ?
En 2021, près de 20 % des saisines de la Défenseure des droits relatives aux droits de l'enfant concernaient des difficultés d'accès à l'éducation d'enfants en situation de handicap. Notre pays connaît un véritable scandale de déscolarisation assumée de milliers d'enfants souffrant de troubles cognitifs ou comportementaux. La vitrine de l'école inclusive cache les milliers d'enfants partiellement ou totalement déscolarisés chaque année à cause du manque d'AESH. Les rapports se succèdent mais rien ne change : les rémunérations sont trop faibles, les conditions de travail sont dégradées et les cadres contractuels restent précaires, si bien que la profession est dévalorisée alors que les besoins grandissent.
Le 8 novembre, au Sénat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a annoncé le lancement du deuxième acte de l'inclusion scolaire aux contours encore flous. Face à la croissance constante du coût de l'inclusion, il a souligné que « tous les enfants ne pouvaient pas être en milieu ordinaire » et a rappelé l'existence des structures médico-éducatives, notamment les IME. Or, si l'on connaît la réalité dramatique de l'inclusion scolaire, on occulte la situation des jeunes qui ont reçu une notification d'orientation vers le médico-social mais qui se heurtent à l'absence de places en IME. Dans ma circonscription, le délai d'admission y est de trois à quatre ans ; en conséquence, des milliers d'enfants ne sont pas scolarisés et sont privés d'éducation et de socialisation, avec tous les effets qu'une telle situation entraîne : régression, perte de repères et de chances, destruction des familles. Autre scandale, il n'y a aucune statistique publique nationale sur ce phénomène ; la MDPH du Val-de-Marne, sollicitée par un collectif de parents, reconnaît au moins 1 000 enfants concernés dans ce seul département.
Enfin, comble du mépris institutionnel, un décret du 15 février 2022 oblige les parents de ces enfants à demander une autorisation d'instruction à domicile, alors qu'aucun accompagnement pédagogique adapté n'est prévu. L'État se défausse ainsi de son obligation d'assurer le droit à l'instruction que votre gouvernement est incapable de garantir à l'école comme en dehors.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que le handicap ne soit plus un motif d'exclusion dès l'enfance ?
Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre. Nous tenons à vous parler de la grande précarité de milliers de familles en France dont les enfants sont sans domicile fixe. Les chiffres sont très élevés : 42 000 enfants se trouvent dans cette situation ; des dizaines de milliers d'entre eux logent dans des hôtels ou des foyers, et plus de 1 500 dorment dans la rue. À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre dernier, l'Unicef et le Samu social de Paris ont rendu un rapport traitant des conséquences de la précarité en matière de logement sur la santé mentale des enfants. Les répercussions sont dramatiques : l'enfant ne peut pas se construire dans de bonnes conditions, notamment à cause de l'altération du lien familial causé par la situation ; par ailleurs, le développement psychique de l'enfant est entravé, et celui-ci rencontre des obstacles pour suivre une scolarité normale. Le manque de professionnels étant considérable, les enfants et les adolescents vivant dans la précarité éprouvent des difficultés à obtenir une aide psychologique, pourtant indispensable à leur bien-être.
Que compte inscrire le Gouvernement dans le pacte des solidarités pour aider et encadrer ces enfants dans le besoin ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir éclairés sur votre vision du service public de la petite enfance. Sans grande surprise, je vais revenir sur un sujet sur lequel j'ai travaillé lors de la législature précédente, à savoir l'accompagnement des parents d'enfants gravement malades. J'ai remis un rapport au Premier ministre en avril dernier proposant des pistes d'amélioration de l'accompagnement de ces familles. L'une d'entre elles concerne l'allégement des procédures administratives, et je vous remercie de votre implication pour faire figurer dans le PLFSS pour 2023 l'accélération du renouvellement du congé de présence parentale (CPP).
Nous proposons d'étendre les mesures visant à accompagner financièrement et pour la logistique les familles, afin qu'elles puissent se consacrer à leur enfant recevant des soins. Certaines dispositions portent sur l'indemnisation du transport des parents même en l'absence de l'enfant dans le véhicule, sur la prise en charge du coût d'un logement à proximité du lieu de soins ou sur les modes de garde de la fratrie lorsque les parents doivent se loger près de la structure accueillant l'enfant malade. La scolarisation constitue un autre problème d'importance car rien ne contribue davantage à ce qu'un enfant grandement malade se sente aussi normal que les autres que d'aller à l'école : des dispositifs existent, mais il est nécessaire de les renforcer, notamment ceux contribuant à l'anticipation et à la formation des enseignants ; il n'est pas toujours évident pour les adultes d'être confrontés à la maladie d'un enfant, surtout lorsqu'on a eu celui-ci en classe avant sa maladie.
Nous avons exploré le sujet de l'accompagnement des jeunes aidants, mais il reste des réponses à apporter. Ceux-ci vivent avec la maladie d'un parent, d'un frère ou d'une sœur : ils peuvent éprouver de la culpabilité et ressentir le besoin d'un soutien psychologique. Repérer ces cas reste toutefois difficile.
Enfin, entendez-vous ouvrir le comité de suivi de la stratégie nationale de mobilisation et de soutien des proches aidants aux fédérations comme Grandir sans cancer ou l'Union des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie (Unapecle), tout à fait concernées par l'accompagnement des jeunes enfants ?
À La Réunion, un enfant porteur de handicap sur cinq attendrait à la maison qu'un AESH lui soit proposé, et la moitié de ceux qui sont scolarisés suivraient moins de douze heures de cours par semaine. Certains enfants sont placés dans des classes ordinaires avec une liste d'adaptations pédagogiques longue comme le bras et impossible à appliquer. Promouvoir l'école inclusive sans moyens, c'est mettre les enfants en difficulté. Il y a eu des recrutements supplémentaires, mais ils sont encore loin d'être suffisants.
Dans une école de ma circonscription, l'enseignante et l'AESH de l'Ulis TFM – destinée aux enfants atteints de troubles des fonctions motrices – accueillent cette année une seule élève, alors qu'elles pourraient en accompagner onze de plus. Si l'enfant est fléché TFC – troubles des fonctions cognitives – quand bien même il souffre aussi de TFM, il ne peut prétendre à la scolarisation dans une classe TFM. C'est une absurdité, car les enseignants TFM sont aussi formés aux TFC. Surtout, les classes TFC sont bondées, de nombreux enfants étant sur liste d'attente.
En réalité, les parents sont mal informés sur ces dispositifs et mal accompagnés. Le parcours du combattant débute au moment de la constitution du dossier pour la MDPH. Certes, la MDPH dépend du département, mais, pour fonctionner correctement, il faut des moyens. Or, si l'on tient compte de l'inflation, les dotations des collectivités baissent chaque année. Pour fonctionner, il faut aussi une volonté de coordination. Or, si j'en crois les professionnels de l'enseignement, celle-ci n'existe pas. À cela s'ajoute une importante carence en psychologues scolaires, alors qu'ils contribuent à l'orientation et à l'accompagnement des familles d'enfants porteurs de handicap.
Comment allez-vous structurer et améliorer la prise en charge à l'école des enfants porteurs de handicap ? Il est nécessaire de créer une passerelle entre les MDPH et l'éducation nationale. Que comptez-vous faire à cette fin ? Quand l'intérêt de l'enfant deviendra-t-il véritablement le moteur de la politique de l'école inclusive ? Quand les enfants en situation de handicap auront-ils pleinement leur place à l'école ?
Nombre de vos questions ont porté sur l'école inclusive, qui demeure une priorité pour le Gouvernement. Je vous remercie d'avoir rappelé tout ce qui a été fait au cours des cinq dernières années, notamment l'accroissement considérable des budgets alloués à l'école inclusive et l'augmentation spectaculaire du nombre d'AESH. Néanmoins, nous constatons malheureusement que de nombreuses familles et enfants restent sans solution. Chacune de ces situations est un drame pour la famille et pour l'enfant ; on ne peut évidemment pas s'en satisfaire.
Compte tenu de ce qui s'est passé en cette rentrée, le ministère de l'éducation nationale, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées Geneviève Darrieussecq et moi-même menons une concertation sur l'évolution des dispositifs pour préparer la CNH. Il s'agit d'apporter des réponses structurelles, dans le cadre de l'acte II de l'école inclusive.
Vous avez relevé la plupart des problèmes qui se posent : la difficulté à recruter des AESH – nous n'avons pas réussi à pourvoir tous les postes créés – mais aussi les questions relatives à leur statut, à leur organisation et à leur temps de travail. Nous discutons aussi avec les collectivités territoriales en vue d'éviter aux enfants les ruptures entre le temps scolaire et le temps périscolaire. L'actualité récente nous l'a montré, il faut aussi aborder la question de l'enseignement privé, afin qu'aucun enfant ne soit exclu ni de l'école ni de la cantine scolaire.
La réflexion porte notamment sur le développement des classes spécialisées, la possibilité de mutualiser des AESH et l'évolution du rôle des MDPH. Nous avons effectivement constaté des décalages entre les prescriptions et les réalisations. Il faut améliorer la fluidité entre les MDPH et l'éducation nationale.
La concertation étant en cours, je ne peux pas vous apporter à ce stade de réponses plus précises. Les équipes y travaillent, dans un double objectif temporel : continuer à proposer des solutions immédiates pour accompagner chaque famille ou enfant qui n'aurait pas de solution dans son territoire – dès cette rentrée, nous avions mis en place des lignes téléphoniques départementales et nationales à cette fin – et apporter des réponses plus structurelles, je l'ai dit, dans le cadre de l'acte II de l'école inclusive.
Le manque de places en IME fait partie des questions sur lesquelles nous réfléchissons. Il conviendrait notamment de renforcer les passerelles entre les écoles et les établissements médico-sociaux. Nous pourrions profiter de la baisse de la démographie scolaire pour créer de nouvelles places dans les écoles en y implantant le médico-social. Pour l'année prochaine, nous avons inscrit dans le PLFSS 25 millions d'euros pour favoriser le développement de coopérations opérationnelles entre les écoles et les établissements sociaux et médico-sociaux, et 6 millions pour poursuivre le déploiement des unités de scolarisation, notamment en faveur des élèves polyhandicapés.
Nous préciserons les choses au début de l'année prochaine, à l'occasion de la CNH. L'objectif est notamment d'assurer, à la rentrée 2024, la continuité entre le temps scolaire et le temps périscolaire.
La précarité des familles et des enfants accueillis dans les structures d'urgence – soit à l'hôtel, soit dans un centre d'hébergement d'urgence – est un problème que nous avons bien identifié ; c'est là aussi une préoccupation majeure pour nous. Nous travaillons avec Charlotte Caubel et Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, pour inclure des réponses dans le pacte des solidarités. D'ici là, nous pourrions confier à une inspection une mission de courte durée à ce sujet.
De façon plus structurelle, on continue ici à traiter les symptômes d'un système qui ne fonctionne pas bien. Le ministère du logement entend relancer la politique du logement dans un sens beaucoup plus offensif. Il faut accélérer la dynamique du « logement d'abord », pour offrir à toutes ces familles des conditions d'hébergement plus dignes et mieux-disantes, notamment pour accompagner les enfants.
Vous connaissez, Monsieur Paul Christophe, mon engagement sur la question des aidants, notamment des jeunes aidants. Le renouvellement de la stratégie « Agir pour les aidants » nous donne l'occasion d'y inclure, le cas échéant, les acteurs auxquels vous avez fait référence ; nous y serons en tout cas attentifs. Il s'agit de réitérer notre ambition : continuer à faciliter la vie de tous les parents qui accompagnent des enfants gravement malades.
Vous avez raison, il existe déjà des dispositifs en ce sens. L'association que je dirigeais auparavant gérait un établissement de soins de suite et de rééducation qui prenait en charge des enfants atteints de cancer. Nous avions intégré dans l'établissement une offre de scolarisation ainsi qu'un hébergement pour les parents, qui venaient souvent de loin. Ces enfants ont effectivement besoin à la fois d'être scolarisés et d'avoir leurs parents à leurs côtés pour affronter la maladie.
S'agissant de l'acte II de l'école inclusive, l'inclusion dans les classes ordinaires n'est pas nécessairement adaptée dans tous les cas, ni pour les uns ni pour les autres. Il faut disposer d'un éventail de dispositifs. J'ai pu constater que l'implantation des IME dans les écoles était une très bonne solution ; il conviendrait de la développer.
Nous en venons aux questions des autres députés.
La loi « handicap » du 11 février 2005 a introduit l'obligation d'accessibilité, en complément de la nécessaire compensation du handicap. En tant que maire – fonction que j'occupais encore il y a encore quelques mois –, je n'ai certainement pas fait tous les efforts nécessaires pour rendre accessibles les espaces publics.
Le chanteur et chroniqueur Frédéric Zeitoun, qui est handicapé, m'a exprimé sa profonde déception quant à la mise en accessibilité des espaces publics. Dans ma circonscription, les jeunes de l'établissement régional d'enseignement adapté (Erea) Saint-Exupéry de Berck-sur-Mer, que j'ai rencontrés il y a quelques jours, ont eux aussi beaucoup à dire à ce sujet, notamment en ce qui concerne l'accès aux trains. Vous le savez, c'est souvent l'existence d'une petite séparation entre le train et le quai qui empêche les personnes handicapées d'être autonomes.
Quels sont les points d'étape de la mise en œuvre de la loi de 2005 en matière de mise en accessibilité de l'ensemble des espaces publics ? Quels moyens entendez-vous mobiliser pour la relancer ?
D'après le Haut Conseil de la santé publique, les outre-mer sont caractérisés par un sous-équipement en établissements médico-sociaux, alors qu'ils sont confrontés, dans toute leur diversité, à des situations économiques et sociales difficiles. Selon les réponses à une enquête menée en 2019 dans tous les outre-mer par le Défenseur des droits, l'accès aux soins et à la santé est la deuxième priorité à traiter, derrière le chômage. Or il reste beaucoup de chemin à parcourir en matière de prise en charge des enfants en situation de handicap en milieu ouvert ou ordinaire : dans nos territoires, qui comptent plus de 8 millions d'habitants, il existe seulement vingt-sept services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) et services associés. Que comptez-vous faire pour ouvrir davantage de places en Sessad dans nos territoires et rattraper ainsi le retard structurel ? Nos enfants en situation de handicap ont le droit d'être pris en charge dans leur milieu de vie et dans le respect de leur environnement familial, social, culturel et linguistique.
Pour les professionnels comme pour les parents, l'école inclusive est devenue un véritable parcours du combattant, qui va du traitement administratif par les MDPH jusqu'à l'accueil quotidien dans les établissements scolaires. Vous en connaissez les nombreux symptômes : des enseignants sous pression et parfois amenés à prendre des risques, une pénurie d'AESH, une attente interminable pour obtenir un matériel pédagogique adapté. On peut évidemment s'interroger sur la pérennité d'une telle situation.
Aussi ouverte qu'elle puisse l'être, l'école n'est pas un IME, et un enseignant n'est ni un éducateur spécialisé ni un professionnel de santé – ce sont des métiers différents. Le droit à l'éducation ne doit certainement pas s'exercer au détriment des conditions d'apprentissage ; je crois que nous partageons cette conviction. Mal dimensionnée, l'inclusion peut être vécue comme une souffrance par les enfants comme par les parents.
À l'école, la dépense annuelle moyenne par élève, tous niveaux confondus, est de 8 920 euros précisément. En comparaison, le coût annuel d'un enfant en IME s'élève à 40 000 euros. Dès lors, on peut clairement s'interroger sur l'objectif réel du tout-inclusif : des économies seraient-elles réalisées au détriment des politiques du handicap ? Pensez-vous que le budget accordé au ministère de l'éducation nationale supplée les moyens insuffisants alloués au vôtre ?
Expérimenté à partir de 2021, le programme de lutte contre le harcèlement à l'école (Phare) a été étendu à tous les établissements à la rentrée 2022. Or les enfants en situation de handicap subiraient trois fois plus que les autres élèves le harcèlement scolaire et les violences. Les contenus éducatifs proposés dans le cadre du programme Phare et les outils de suivi du programme prennent-ils suffisamment en considération la situation de ces enfants ?
Dans une école de ma circonscription qui accueille des enfants malvoyants et des enfants autistes, il a été possible de proposer des temps pleins aux AESH à condition qu'ils accompagnent à la fois les deux handicaps. La difficulté est que les AESH sont formés à des handicaps très spécifiques et ne sont pas toujours à l'aise pour accompagner les autres handicaps.
Je suis très heureux de vous retrouver, monsieur le ministre. La dernière fois que nous avons échangé, dans l'hémicycle, vous avez affirmé que le salaire moyen des assistantes maternelles était de 3 SMIC, avant de vous reprendre. Après tout, l'erreur est humaine, mais cette séquence a hélas confirmé le soupçon que nous avions : la rémunération des assistantes maternelles ne fait pas partie des préoccupations de votre gouvernement.
C'est d'autant plus dramatique que, dans les dix prochaines années, la moitié des assistantes maternelles partiront en retraite. Or elles assurent un tiers de places d'accueil des jeunes enfants. Si nous ne nous donnons pas les moyens de rendre leur métier plus attractif pour en recruter davantage, nous allons dans le mur : tous les efforts qui pourront être accomplis pour ouvrir des places en collectif seront balayés par l'effondrement du nombre d'assistantes maternelles. Il faut provoquer un choc d'attractivité, d'abord en faveur des femmes qui exercent ce travail très exigeant pour une faible rémunération, souvent inférieure au SMIC ou proche de celui-ci, mais aussi dans l'intérêt de nos politiques publiques, pour faire fonctionner le service public de la petite enfance que vous avez évoqué.
J'aimerais connaître votre avis sur trois propositions formulées par mon groupe parlementaire.
La première est tout simplement d'augmenter le salaire minimum des assistantes maternelles. Cette augmentation devrait être prise en charge par le relèvement du CMG, afin qu'elle ne repose pas sur les familles.
La deuxième proposition est de créer un fonds national de garantie des salaires des assistantes maternelles. Parfois, vous le savez, le salaire n'est pas payé par les parents particuliers employeurs, ce qui est dévastateur pour les intéressées. Vu la crise sociale qui s'annonce, ces cas de non-paiement risquent de se multiplier.
La troisième proposition est de former davantage et mieux les assistantes maternelles, ce dont elles sont tout à fait demandeuses. Actuellement, la formation se fait sur leur temps libre et n'est pas rémunérée. Nous proposons qu'elle soit désormais rémunérée et que, pendant les heures de formation, les enfants habituellement gardés par les assistantes maternelles soient accueillis dans le service public.
Où en sommes-nous de la révision des deux conventions collectives qui régissent le secteur médico-social ? Il était question d'aller vers une convention unique.
Pouvez-vous faire un point d'étape sur le renouvellement de la convention d'objectifs et de gestion (COG) avec la Cnaf ?
Nous avons tous fait le même constat, sans appel, à propos de l'accessibilité : malgré la dynamique engagée en 2005 et les efforts accomplis, nous n'avons pas réussi à atteindre les objectifs fixés ; alors que nous arrivons au terme des premiers agendas d'accessibilité programmée (Adap), de trop nombreux lieux et transports ne sont pas accessibles.
Le 6 octobre dernier, lors de la réunion du comité interministériel du handicap, la Première ministre a réaffirmé l'engagement du Gouvernement en la matière et en a fait une priorité – ambition qui sera renouvelée à l'occasion de la CNH. Elle a annoncé la nomination d'un délégué interministériel à l'accessibilité pour faire vivre cette politique dans chaque ministère et la relayer dans les territoires en s'appuyant sur les sous-préfets référents handicap. L'objectif est de planifier beaucoup plus fortement la mise en accessibilité des bâtiments et des transports, mais aussi du numérique.
La question de l'accessibilité universelle est mise au premier plan par le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Nous avons bien conscience du chemin qu'il reste à parcourir. Il faut que nous trouvions collectivement les voies et moyens d'aller plus vite et plus loin en la matière.
Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer, et moi-même avons commencé à travailler à la déclinaison de la feuille de route dans les territoires ultramarins, en tenant compte de leurs spécificités, notamment démographiques et sociales, mais aussi de leur fort retard – que vous avez rappelé, monsieur Perceval Gaillard – en matière de services médico-sociaux, notamment pour la prise en charge du handicap et du grand âge. Nous aurons une attention particulière pour ces territoires et y affecterons des moyens supplémentaires pour leur permettre de réaliser ce rattrapage.
Je n'oublie pas la question technique que vous m'avez posée, madame Karine Lebon. La situation que vous avez décrite est effectivement assez absurde. Le décloisonnement et l'agilité font partie des sujets que nous abordons s'agissant de l'amélioration des dispositifs d'accompagnement des élèves en situation de handicap dans les écoles. Le déblocage de ces situations nous permettrait de proposer des solutions d'accueil.
Madame la présidente, vous exprimez la conviction que certains handicaps nécessitent un accompagnement médico-social. Je peux éventuellement la partager, mais la société et l'école inclusives, de mon point de vue, c'est le sens de l'histoire. Nous devons collectivement faire le maximum pour rendre notre environnement inclusif, en particulier l'école. D'où la proposition que j'ai faite tout à l'heure : si certains élèves ont besoin d'un accompagnement médico-social, implantons le médico-social dans l'école, pour permettre leur inclusion. Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, et moi-même sommes profondément convaincus que l'école inclusive est bénéfique à tous les élèves : elle leur permet d'adopter une approche plus ouverte, de changer leur regard sur les vulnérabilités et sur le handicap, de manifester une attention à l'autre et à la différence, ce qui est important dans leur éducation et leur développement.
Rendre l'école inclusive ne nous empêchera pas de poursuivre les efforts pour développer des places dans les établissements médico-sociaux : pour 2023, nous avons prévu dans les IME 300 places supplémentaires pour les enfants et 1 000 places pour les adultes. Actuellement, vous le savez, un certain nombre de places destinées aux enfants sont en réalité occupées par des adultes.
La lutte contre le harcèlement scolaire des enfants en situation de handicap est une de nos préoccupations. Nous allons vérifier avec le ministère de l'éducation nationale si les outils sont bien adaptés à l'accompagnement de ces enfants, qui risquent effectivement plus que d'autres d'être victimes de harcèlement scolaire.
Monsieur William Martinet, je vous remercie d'avoir rappelé que l'erreur est humaine. Il est d'autant plus dommage que j'aie tenu ces propos dans l'hémicycle que j'accorde en réalité, depuis ma prise de fonctions, une attention toute particulière à la question des assistantes maternelles. Elles assurent 60 % des places d'accueil, et il nous faut développer ces capacités, sachant que nous sommes effectivement confrontés à une démographie défavorable et à une faible attractivité du métier.
Vos trois propositions – augmentation du salaire minimum, création d'un fonds de garantie des salaires, amélioration de la formation – sont abordées par un groupe spécifique dans le cadre du comité de filière « petite enfance ». Nous serons en mesure de vous répondre sur ces trois points. La réforme du CMG avait précisément pour objet de favoriser le recours aux assistantes maternelles en ramenant le reste à charge des familles à un niveau équivalent à ce qu'il est pour les crèches. Elle visait également à améliorer le revenu et les conditions de travail des assistantes maternelles.
Les employeurs et les organisations syndicales du secteur sanitaire, social et médico-social privé non lucratif ont entamé cet été des négociations pour élaborer une convention collective unique et étendue (CCUE), c'est-à-dire un cadre conventionnel commun à l'ensemble de la branche. L'ambition est d'aboutir à un cadre juridique mieux-disant pour les salariés et qui permette d'engager la transformation du secteur en offrant des parcours professionnels transversaux tout en améliorant l'accompagnement des personnes accueillies dans ces établissements.
Les négociations sont actuellement suspendues, certains syndicats posant comme condition à leur poursuite l'extension des mesures du Ségur de la santé à l'ensemble des salariés du secteur. Nous allons tenter de les débloquer dans les semaines qui viennent ; nous en avons le devoir. Je réunirai prochainement les organisations concernées à cette fin. Je rappelle que l'État avait déjà mis 500 millions d'euros sur la table pour accompagner ces négociations.
En la matière, les politiques sont largement décentralisées et relèvent des départements. Nous devons donc aborder ces questions avec eux dans le cadre du comité des financeurs. Je me suis engagé à instituer une gouvernance partagée entre l'État et les départements pour mieux piloter le secteur.
La nouvelle COG est en cours de négociation avec la Cnaf. J'ai rencontré il y a quinze jours l'ensemble des présidents de CAF et reçu ce matin la présidente du conseil d'administration de la Cnaf et son directeur général. Nous avons notamment évoqué les leçons à tirer de l'évaluation de la COG arrivant à son terme à la fin de l'année, et la manière de tirer parti de la période dite inter-COG, puisque nous n'aurons pas achevé l'élaboration de la nouvelle COG avant le 31 décembre, notamment parce que nous n'avons pas encore une visibilité suffisante sur le service public de la petite enfance. Celui-ci tiendra une place importante dans cette COG, sachant que nous devons aussi discuter d'un éventuel renforcement de notre ambition en matière d'accompagnement de la jeunesse.
Cette négociation prend place dans un contexte particulier : les CAF ont été attaquées cette semaine dans certains médias. Je tiens à renouveler tout mon soutien aux 35 000 agents des CAF, qui font un travail remarquable, dans des conditions parfois difficiles. Je rappelle qu'ils mènent à bien des réformes structurelles et gèrent des dossiers importants. Les CAF achèvent actuellement la très lourde réforme des aides personnelles au logement (APL), dont nous devrons tirer les leçons avant d'engager les projets suivants, notamment la solidarité à la source. Elles ont fait preuve d'une grande agilité pour assurer cet été la revalorisation de l'ensemble des prestations sociales. Elles ont mis en place en septembre la prime exceptionnelle de rentrée et s'apprêtent à verser la prime de Noël. Elles fournissent actuellement un gros travail pour mettre en œuvre, au plus tard le 1er octobre prochain, la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Dans la prochaine COG, je me suis engagé à faire prévaloir une approche équilibrée entre les moyens et les nombreuses ambitions que nous avons pour la branche famille.
La séance est levée à 18 heures 40.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 6 décembre 2022 à 17 h 30
Présents. – Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Fait, M. Perceval Gaillard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, Mme Perrine Goulet, Mme Laure Lavalette, Mme Karine Lebon, Mme Alexandra Martin, M. Alexandre Portier, M. Éric Poulliat, Mme Anne Stambach-Terrenoir
Excusée. – Mme Isabelle Santiago
Assistait également à la réunion. – M. William Martinet