La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente-cinq.
(Mme Isabelle Rauch, Présidente)
La commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances 2023 (n° 273 - seconde partie), Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture.
Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver pour l'examen du premier budget de votre ministère pour cette législature, et de vous entendre plus précisément sur les crédits des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles ainsi que sur les crédits du compte spécial Avances à l'audiovisuel public.
Le budget que nous vous proposons pour 2023 est historiquement haut pour le ministère de la culture. Il progresse de près de 7 % par rapport à 2022, avec 4,2 milliards d'euros de crédits budgétaires hors audiovisuel public. Nous consacrons à ce dernier 3,8 milliards d'euros, soit une hausse de 114 millions d'euros.
S'ajoute à ce budget une somme assez conséquente, d'environ 770 millions d'euros, de taxes et ressources affectées au financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé, par le biais de l'Association pour le soutien du théâtre privé. Abondent également les crédits socles du ministère, le loto du patrimoine pour près de 20 millions d'euros chaque année, ainsi que divers crédits d'impôt représentant 2 milliards d'euros. Au total, 11 milliards d'euros sont consacrés à la culture, sans compter les apports de ministères comme le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ou le ministère des armées, qui gère plusieurs musées.
La politique culturelle peut se déployer grâce à l'engagement total et passionné des 29 000 agents du ministère de la culture – un peu plus de 9 100 dans l'administration centrale et l'administration déconcentrée, au sein des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et des services à compétence nationale –, et presque 20 000 chez les opérateurs.
Le ministère de la culture forme près de 37 000 étudiants dans une centaine d'établissements d'enseignement supérieur. Cette année, j'ai une attention particulière pour les écoles d'architecture, qui représentent un vivier d'environ 20 000 étudiants répartis dans toute la France. Ils sont les bâtisseurs et les penseurs de l'architecture de demain, ce qui est crucial à un moment où la transition écologique doit s'accélérer.
Le présent projet de budget se veut à la fois de résilience et d'action. Malgré les deux dernières années marquées par les soubresauts de la pandémie, l'ensemble des filières de la culture n'ont cessé d'innover. Elles ont maintenu le lien avec les publics et préservé le renouvellement de la création. Pour 2023, nous avons défini sept grandes priorités, de manière à rendre plus visible la répartition des 271 millions d'euros de crédits supplémentaires.
La première priorité est de pousser plus loin l'accès à la culture pour tous, notamment pour les enfants, les adolescents et les jeunes. Cela passe par une politique ambitieuse d'éducation artistique et culturelle aux côtés du ministère de l'éducation nationale, avec des crédits en hausse de 4 millions d'euros ; le déploiement encore plus ambitieux du pass culture dès le collège, grâce à 9,5 millions d'euros supplémentaires, sans compter la participation du ministère de l'éducation nationale ; le maintien de la dynamique de la lecture comme grande cause nationale, avec plus de 100 millions d'euros pour soutenir les bibliothèques, le réseau des librairies et les manifestations littéraires, et pour lancer une nouvelle plateforme accessible à toutes les personnes en situation de handicap et référençant les livres adaptés à chacun des handicaps. Des budgets spécifiques seront versés au Centre national du livre pour inciter les éditeurs à adapter davantage de livres. Des aides seront également mises en place pour faciliter le transport des livres, à hauteur de plus de 1 million d'euros – nous avons en effet relevé des difficultés d'acheminement vers les territoires d'outre-mer et, à l'international, vers les librairies francophones.
La deuxième priorité est la souveraineté culturelle, qui relie les enjeux de la création dans le monde physique et dans le monde numérique – pour moi, ils doivent aller de pair. Continuer à développer notre innovation et à porter la voix de la France dans tous les espaces virtuels, immersifs, de réalité augmentée et du métavers est crucial. Le plan France 2030 nous donnera les leviers pour le faire. Affirmer parallèlement la force de la création et son lien avec les publics dans le monde réel est tout aussi important. Nous allons donc poursuivre le programme inédit de commandes publiques inventé en pleine crise pour repenser sous d'autres formats le soutien aux artistes. Grâce à Mondes nouveaux – c'est son nom –, des projets ont été créés dans les territoires, dans du patrimoine bâti, dans des sites du patrimoine naturel ou dans des lieux proposés par les artistes. Une saison 2 s'ouvrira à partir de 2023, dotée d'une enveloppe de 30 millions d'euros sur trois ans, dont 10 millions d'euros disponibles dès l'année prochaine.
Je souhaite également lancer un plan en faveur des métiers d'art et du renforcement des manufactures. Tous les territoires ont des savoir-faire et des traditions qui se transmettent de génération en génération. Ils ont besoin de lieux pour s'épanouir et de formations.
La souveraineté culturelle recouvre aussi l'enjeu de la langue française et de son développement à travers le monde. Au printemps 2023, ouvrira la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Vous aurez probablement des questions à ce sujet, ce qui me permettra d'y revenir de manière plus détaillée.
Troisième priorité, le patrimoine : à protéger, à valoriser ou à réinventer quand des usages nouveaux permettent de faire revivre des bâtiments. Les travaux de restauration et de mise en sécurité des cathédrales, qui figurent parmi les priorités du Gouvernement depuis plusieurs années, se verront affecter 22 millions d'euros supplémentaires. Les collectivités territoriales font l'objet d'un vrai effort d'accompagnement à travers le fonds incitatif et partenarial, créé sous le précédent quinquennat et qui permet de grouper nos forces et celles des régions pour préserver le patrimoine local.
Le soutien à l'archéologie sera renforcé par l'augmentation des aides aux collectivités habilitées à réaliser des diagnostics et celle du budget des fouilles programmées. L'archéologie préventive est indispensable pour lancer de nombreux chantiers. Avec le plan de relance, les demandes ont augmenté et nous devons revoir nos subventions.
Bénéficieront également de 20 millions d'euros supplémentaires pour leur rénovation et leur modernisation des établissements culturels dépendant du Centre des monuments nationaux, comme la cité de Carcassonne ou les tours de La Rochelle, ainsi que des grands musées, comme Orsay ou le théâtre national de la danse à Chaillot, qui ont besoin de travaux pour améliorer leurs performances énergétiques.
Notre quatrième priorité se porte sur les médias, leur pluralisme et leur indépendance, car l'accès de nos concitoyens à une information fiable est un enjeu majeur pour l'avenir de notre démocratie. Après tous les débats que nous avons eus cet été au sujet de la suppression de la redevance et de son remplacement par un nouveau canal de financement, nous avons tenu nos engagements : le budget apporte une compensation à l'euro près, à la fois de la redevance et des effets fiscaux liés au changement de financement. Il prend également en compte une large part de l'inflation. L'audiovisuel public bénéficie donc de 114,4 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit un total de 3,8 milliards d'euros.
Le budget dédié à la presse et à la radio est également en hausse de plus de 20 millions d'euros. Du fait de la réforme de la distribution de la presse que nous avons engagée pour encourager le développement du portage de préférence au postage, la filière a besoin d'un accompagnement – il s'élève à 17 millions d'euros. Le ministère de la culture est, en outre, très attaché à l'expression radiophonique locale et au pluralisme. Le soutien aux radios associatives, qui existent un peu partout en France, sera augmenté de pratiquement 2 millions d'euros.
Notre cinquième priorité est l'emploi, car notre politique culturelle, pour accompagner les futurs talents, s'appuie sur des compétences. Le ministère de la culture dispose d'un réseau exceptionnel d'établissements d'enseignement supérieur aux enjeux très prioritaires à mes yeux. C'est pourquoi leur budget est augmenté de 32 millions d'euros et une attention particulière est apportée aux étudiants qui se trouvent en difficulté sociale, notamment dans les écoles d'architecture et les écoles d'art. L'enveloppe destinée aux bourses sur critères sociaux augmentera de 7,5 millions d'euros. Le budget prévoit, en outre, 9 millions d'euros pour accompagner le fonctionnement des établissements, par exemple dans la mise en œuvre de réformes organisationnelles, et 15 millions d'euros pour financer des travaux de mise aux normes et d'amélioration des performances énergétiques.
Les moyens humains du ministère seront aussi confortés : la masse salariale augmentera de 38 millions d'euros pour atteindre 532 millions d'euros – la trajectoire des emplois est stable. La transformation numérique du ministère sera poursuivie, avec plus de 4 millions d'euros, de même que notre plan de soutien aux artistes auteurs.
J'ai intitulé la sixième priorité : renforcer l'ancrage territorial du ministère et ses coopérations internationales. Le ministère de la culture doit devenir encore plus agile, rester en lien constant avec les élus locaux et les collectivités, sans perdre de vue la force culturelle de la France dans le monde et la nécessité de développer des projets de coopérations nouvelles pour renouveler le dialogue avec les autres pays et les autres cultures.
Lors de mon audition par votre commission, j'avais évoqué la création d'un fonds d'innovation territoriale pour offrir un nouveau cadre partenarial d'expérimentation avec les collectivités. Destiné à accompagner les projets qui ne remplissent pas les conditions d'attribution des aides habituelles, ce fonds sera doté de 5 millions d'euros en 2023.
Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous avons décidé, avec Amélie Oudéa-Castéra et le comité d'organisation des Jeux, de créer l'Olympiade culturelle. L'objectif est de faire monter une ferveur culturelle et sportive dans le pays au cours des prochains mois. Des projets seront menés un peu partout en France, notamment dans les villes qui accueilleront le passage de la flamme. Le budget sera de 3 millions d'euros en 2023 et au moins autant en 2024. Je pourrai aborder notre politique internationale si vous avez des questions.
Notre dernière priorité – dans mon propos mais pas du tout dans l'ordre de nos préoccupations – est la transition écologique. J'ai, dès mon discours de passation avec Roselyne Bachelot, insisté très fortement sur ce point. Au sein de mon équipe, ma directrice adjointe de cabinet a été désignée pour suivre cet enjeu transversal et des groupes de travail ont très rapidement été mis en place au sein du ministère, notamment pour obtenir des remontées d'informations de la part des établissements culturels.
Dans le budget pour 2023, nous avons pu obtenir 56 millions d'euros pour faire face à l'explosion des coûts de l'énergie dans les établissements publics qui dépendent du ministère de la culture. Nous accompagnerons aussi ceux qui, malgré tous leurs efforts de sobriété, sont de telles passoires thermiques qu'ils se retrouveront dans des situations critiques.
Au-delà de cette enveloppe de 56 millions d'euros, l'accélération de la transition écologique se traduit dans l'ensemble de nos budgets d'investissement. Au total, ceux-ci s'élèvent à 663 millions d'euros en 2023, soit une augmentation de 66 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Dans la mesure du possible, les crédits seront fléchés vers des travaux contribuant à l'isolation thermique et à l'amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Le Centre national de la musique bénéficiera de 900 000 euros supplémentaires pour aider la filière à investir dans la transition écologique.
En conclusion, notre budget est ambitieux, en hausse et axé sur quelques priorités qui me tiennent très à cœur.
Après deux années budgétaires 2020 et 2021 marquées par des mesures exceptionnelles, le projet de budget de la culture pour 2023 ne s'inscrit pas encore dans un retour à la normale. Si la réouverture des lieux culturels nous a réjouis et a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des théâtres et des salles de concert, beaucoup d'acteurs du secteur ont le sentiment qu'une crise a chassé l'autre.
En 2022, la fréquentation touristique n'a pas retrouvé son niveau d'avant la crise, ni pour les grands opérateurs comme Versailles ou le Louvre, ni pour les établissements culturels patrimoniaux de taille plus modeste. Les résultats sont toutefois meilleurs qu'espérés. Les touristes étrangers, particulièrement américains, ont commencé à revenir mais ce retour n'est pas encore d'actualité pour les visiteurs chinois et a fortiori russes.
Pour les grands établissements se pose d'ailleurs la question du niveau de fréquentation acceptable. Faut-il vraiment espérer retrouver devant La Joconde une cohue digne du métro parisien aux heures de pointe ? Des réflexions sont en cours pour continuer à lisser les entrées et étendre les plages d'ouverture afin d'améliorer le confort de visite. Cette reprise encore fragile s'accompagnera sans doute de l'apparition de nouveaux usages.
La reprise est aussi relativement lente, et très inégale, pour le spectacle vivant. Les comportements ont été profondément modifiés. Certains publics, plus vulnérables, hésitent à revenir dans des lieux jugés trop densément fréquentés, tandis que d'autres ont simplement perdu l'habitude de quitter leur domicile et privilégient désormais des loisirs plus casaniers, qui avantagent d'autres acteurs. Le rôle des réseaux sociaux, qui peuvent contribuer à remplir rapidement les salles, constitue également un phénomène nouveau. Dans l'ensemble, les professionnels du spectacle observent une forte augmentation des réservations de dernière minute, ce qui complique les prévisions de fréquentation.
Pour faire face à ces nouveaux défis et à de nombreux autres, les crédits de la mission Culture sont en hausse de 7,36 %, à 3,72 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Cette augmentation affichée sera toutefois amputée significativement par les effets de l'inflation.
Le programme Patrimoines s'élève à plus de 1 milliard d'euros, en hausse de 7,5 % par rapport à 2022. Il permet de soutenir les musées, les monuments historiques, l'architecture et le patrimoine des villes et villages.
Le patrimoine monumental bénéficie d'une hausse de crédits de 7,8 % par rapport à 2022. Afin d'investir dans la rénovation et la modernisation des établissements culturels, sont notamment prévus la revalorisation de la subvention d'investissement du Centre des monuments nationaux à hauteur de 3 millions d'euros et le renforcement des capacités d'investissement du musée d'Orsay à hauteur de 1,5 million d'euros.
S'agissant des grands chantiers, la restauration et l'aménagement du château de Villers-Cotterêts se poursuivent pour une ouverture au public prévue au printemps 2023. Ce calendrier pourra-t-il être tenu ? Où en est la définition du projet culturel de ce futur établissement dédié à la promotion de la langue française ?
L'État entend également valoriser le volet territorial de l'action patrimoniale par de grands projets, comme la restauration de la cathédrale de Nantes, de l'abbaye de Clairvaux ou du château de Gaillon.
Ce volet territorial comporte aussi de nouveaux crédits pour le plan Sécurité cathédrales et une augmentation de 2 millions d'euros pour le fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faible potentiel financier, portant ce dernier à 18 millions d'euros. Le patrimoine archéologique bénéficierait de 12 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2022, avec un soutien renforcé à la politique d'archéologie préventive, à travers une hausse des subventions allouées aux soixante-deux collectivités territoriales habilitées à réaliser des diagnostics archéologiques et une réévaluation importante du budget consacré aux fouilles programmées et à la valorisation scientifique du patrimoine archéologique dans les directions régionales des affaires culturelles. Nous ne pouvons qu'être favorables à ces revalorisations, que nous appelions de nos vœux dès 2018, dans le cadre de la mission flash sur le soutien au patrimoine immobilier protégé menée avec M. Raphaël Gérard.
Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d'urgence et de soutien ont été mis en place pendant la crise par les opérateurs sectoriels, grâce auxquels aucune faillite n'a été à déplorer. Le jeune Centre national de la musique a été extrêmement réactif et, depuis 2020, a largement fait ses preuves. Se pose désormais la question de la pérennité de ses moyens financiers. Qu'en est-il de l'attribution de ressources suffisantes et stables à cet organisme ?
Pour soutenir la création, les artistes et les auteurs, le programme Mondes nouveaux sera reconduit pour une deuxième phase – le premier appel à projets avait donné lieu au dépôt de près de 3 200 dossiers. Avant de prendre une telle décision, il aurait été intéressant de disposer de premiers éléments de bilan. Quels critères ont été privilégiés par le comité artistique ayant sélectionné les projets ? Quelle a été la répartition territoriale des réalisations ?
S'agissant des opérateurs, le projet de déménagement du Centre national des arts plastiques à Pantin semble rencontrer des difficultés. Quelles sont perspectives concernant le calendrier des travaux ? À combien sont estimés les surcoûts occasionnés par le retard ?
Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture augmentent également, ce qu'on ne peut qu'approuver. Je m'interroge sur la pertinence de consacrer autant de moyens au pass culture. Celui-ci représente désormais 208,5 millions d'euros, soit un montant deux fois supérieur à celui consacré à la politique d'éducation artistique et culturelle (EAC), et on pourrait craindre qu'il ne prenne une place hégémonique, au détriment de celle-ci. Quelles garanties pouvez-vous apporter que l'EAC restera un pilier de la politique de transmission des savoirs et de démocratisation de la culture en faveur de notre jeunesse ?
Dans le volet thématique de l'avis budgétaire sur les crédits de la mission Culture pour 2023, j'ai choisi d'interroger les disparités territoriales pouvant exister dans la politique de conservation du patrimoine.
La matière est jugée complexe par les acteurs territoriaux, qui ne sont pas toujours en mesure de mobiliser l'expertise ou les financements nécessaires à sa bonne appréhension. Les interlocuteurs sont nombreux et les instruments juridiques parfois mal maîtrisés.
En 2018, l'État a tenté de proposer une stratégie pluriannuelle destinée à mieux valoriser le patrimoine territorial. En pratique, les acteurs interrogés ont eu du mal à en percevoir directement les effets.
Le loto du patrimoine et le fonds incitatif et partenarial devaient fournir des financements nouveaux aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés de monuments, protégés ou non, et permettre de mieux les accompagner. Malgré des moyens mobilisés relativement modestes, ces deux instruments ont donné satisfaction.
Malheureusement, cette stratégie n'a pas suffi à rétablir un véritable équilibre entre les sommes engagées en Île-de-France et dans les autres régions. La politique de conservation du patrimoine continue de profiter d'abord aux très grands opérateurs proches de Paris. Certes, leur taille et leur rayonnement international sont indéniables, mais il nous revient, en tant qu'élus de la nation, de veiller à ce que tous les territoires soient jugés également éligibles au soutien de l'État.
Ce soutien peut d'ailleurs ne pas être exclusivement financier. Il pourrait notamment passer par de plus amples moyens humains dans les services déconcentrés de l'État. Le ministère défend le principe d'une politique patrimoniale partenariale avec les collectivités territoriales mais celle-ci ne peut être mise en œuvre que si des interlocuteurs existent et sont disponibles sur le terrain. Or, si les représentants des collectivités territoriales louent les qualités des équipes des Drac, des conservations régionales des monuments historiques (CRMH) ou des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), ils déplorent unanimement leur trop faible présence et leur surcharge de travail. Nombre de ces services manquent structurellement de moyens et sont en situation de sous-effectif chronique. Je déposerai d'ailleurs un amendement visant à évaluer les moyens supplémentaires qui seraient nécessaires pour la création de nouveaux postes d'architectes des Bâtiments de France.
Je termine en rappelant que les dépenses de restauration du patrimoine les moins onéreuses sont celles qu'un entretien régulier aura prévenues. Or l'entretien du patrimoine, à toutes les échelles, reste le parent pauvre de la politique du patrimoine. Dans ce domaine, nous avons besoin d'opérer un changement de culture, grâce à une approche pluriannuelle des crédits consacrés au patrimoine et à des schémas directeurs pour les opérateurs.
En conclusion, ce budget comporte indéniablement des avancées mais présente également certaines faiblesses. Pour cette raison, je m'abstiendrai lors du vote des crédits de la mission Culture.
Les crédits de la mission Culture forment un budget de transition, qui continue d'atténuer les effets de la crise sanitaire pour les acteurs culturels. Il les accompagne également face à l'inflation et notamment face à la hausse des coûts de l'énergie.
En 2023, le budget de la culture augmentera de 7,4 % par rapport à 2022. Ces moyens supplémentaires permettront de répondre aux priorités que vous avez largement rappelées. Parmi celles-ci, je souhaiterais insister sur quatre points qui nous tiennent à cœur.
En premier lieu, les écoles nationales d'architecture. Nous manquons d'architectes en France. Le système est sélectif et de nombreux étudiants sont obligés de partir en Belgique pour être diplômés. Face aux enjeux actuels et aux besoins liés à la transition énergétique, nous devons nous inquiéter de cette concurrence, lever les numerus clausus et renforcer les moyens de nos établissements.
En second lieu, une attention particulière doit être accordée aux acteurs situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Plus que jamais, nos jeunes et leurs familles ont besoin d'ouverture culturelle, de mixité des regards et de lien social.
En troisième lieu, l'évaluation de l'impact de la dépense culturelle, quels que soient les grands événements, doit faire l'objet d'une vigilance accrue.
En quatrième lieu, enfin, l'éducation aux médias nous tient à cœur, car nos jeunes sont chahutés par des informations et des réseaux sociaux qui les abîment.
Pour que la France soit toujours aussi inspirante et rayonnante, le groupe Renaissance votera les crédits de ce budget.
Le Rassemblement national regrette les nombreux manquements aux intérêts de la culture française qui affectent la mission Culture. Certes, les crédits inscrits au programme Patrimoines traduisent un effort, mais ils restent bien trop faibles. La culture française, sa pérennité, exige l'engagement d'efforts importants.
La répartition des crédits entre les différentes missions manque de cohérence. S'il est primordial de financer les établissements d'enseignement supérieur, il n'est pas normal que les programmes d'échanges mobilisent une part si importante des budgets, alors même que le niveau des études en France baisse. Quand tout le patrimoine français se sera écroulé, qu'apprendrons-nous à nos étudiants ? Il ne nous restera plus qu'à les envoyer à l'étranger, en Erasmus.
L'exemple du patrimoine religieux catholique est frappant. Dans un rapport, le Sénat avait alerté sur la situation, indiquant que 11 % des édifices étaient en souffrance et 4 % en grand péril. Les problèmes de financement par l'État de l'entretien de notre patrimoine sont connus de tous et ne sont pas récents. Les régions, départements ou communautés de communes ne trouvent pas de solutions. Les nombreuses interventions de Stéphane Bern avec la mission patrimoine ne suffisent pas.
Le mécénat privé a servi à pallier un manquement de l'État mais nous devons revenir à la réalité : les églises des petits villages s'effondrent et l'identité de nos citoyens avec elles. Mobilisons les moyens de l'État pour sortir de cette situation ubuesque !
Que nos amendements soient votés est une nécessité pour que nous puissions voter pour le budget de la mission Culture. À défaut, nous serons obligés de voter contre.
Quand je regarde ce budget, je me demande où est la politique culturelle. Une politique culturelle ambitieuse supposerait tellement plus !
Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la culture, remarquait que la richesse créée par les secteurs culturels représentait 58 milliards d'euros, soit 3,2 % du PIB français. Leur poids dans l'économie est donc comparable à celui de l'agriculture et de l'agroalimentaire et sept fois supérieur à celui de l'automobile. Serait-ce impensable de leur consacrer 1 % du PIB, comme nous le proposons dans notre programme « L'Avenir en commun » ?
Le budget que vous nous présentez est certes en hausse, mais une hausse en trompe-l'œil. En tenant compte de l'inflation et en analysant la répartition des augmentations, on ne peut que déplorer l'absence d'ambition en matière de service public des arts et de la culture.
Où est la politique de démocratisation culturelle quand 54 % des moyens qui lui sont alloués sont dédiés à un pass culture régi par des algorithmes et devenu une manne pour les grands groupes privés ? Celui-ci ne saurait se substituer à une vraie politique de médiation et d'éducation artistique et culturelle.
Où est la politique de création culturelle quand nos artistes auteurs sont toujours privés de protection sociale, de congé maladie, de congé parental ou de représentation syndicale ? Qu'est-il advenu de la création d'un centre national des artistes auteurs, préconisé par le rapport Racine, enterré sans cérémonie ?
Où est la politique patrimoniale, lorsque seuls quatre des quatorze opérateurs ayant une ligne de crédit bénéficient d'une réelle augmentation de leurs ressources ? Si quelques châteaux sortent gagnants, des institutions comme la Cité de l'architecture et du patrimoine, le musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem), le musée du quai Branly ou le centre Georges Pompidou devront faire face à des pertes du fait de l'inflation. Je n'ose mentionner l'état d'asphyxie de toutes les petites structures. Dans les auditions que j'ai pu mener, leur seule question est de savoir comment, alors qu'elles peinent déjà à se remettre de la crise du covid, elles pourront surmonter la crise énergétique de cet hiver.
Avec le groupe LFI, nous avons néanmoins joué le jeu et proposé des amendements. Devant le passage en force auquel nous avons assisté avec l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, sur la partie du budget consacrée aux recettes, je vous demande, madame la ministre, si la même méthode sera appliquée pour la partie consacrée aux dépenses. Le jeu démocratique auquel nous nous prêtons ce soir a-t-il une quelconque valeur pour le Gouvernement ?
Le PLF pour 2023 confirme le soutien apporté au secteur de la culture, grâce à une augmentation des crédits de 7,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2022.
Toutefois, le programme Patrimoines concentre les aides sur Paris, alors que les petites communes peinent, malgré leurs efforts et celui des associations, à préserver leur patrimoine. Selon la Cour des comptes, dans un contexte d'inflation et de pénurie de main-d'œuvre, il est dommageable que le patrimoine rural et communal soit délaissé par le plan de relance qui a suivi la crise sanitaire.
Nous sommes satisfaits de l'augmentation du budget consacré à la mise en sécurité des cathédrales mais qu'en est-il de la sauvegarde de notre patrimoine religieux ?
Tout en se réjouissant de l'élargissement du pass culture aux collégiens des classes de sixième et de cinquième, le groupe Les Républicains tient à alerter le Gouvernement sur son utilisation dans les territoires. Disposez-vous de chiffres sur l'usage qui en est fait dans les zones rurales ? Ce dispositif s'ajoute aux actions financées par les départements pour favoriser la découverte de la culture locale et accélérer la fréquentation des sites de proximité, comme le contrat départemental de développement culturel (CDDC) mis en place par le département de l'Oise, en partenariat avec l'académie d'Amiens et la Drac Hauts-de-France. Quelle coordination envisagez-vous ?
Nous déplorons également le manque de moyens alloués au développement de la mobilité dans les communes rurales. Pourquoi les subventions attribuées par l'État aux établissements scolaires ne permettraient-elles pas de financer le transport des élèves jusqu'à des lieux culturels relevant notamment du spectacle vivant ? Cette impossibilité limite l'utilisation du pass culture. Comptez-vous y remédier d'ici à la fin de l'année scolaire ?
Le développement de la culture numérique s'intensifie. Il conviendrait de réfléchir à un élargissement du pass culture à ce domaine, afin de lutter contre l'illectronisme.
Le groupe Les Républicains s'abstiendra sur ces crédits.
Le groupe Démocrate et apparentés ne peut que se féliciter de la progression des crédits de la mission Culture – en augmentation de 7,4 %, ils atteignent 3,715 milliards d'euros –, car la culture est un vecteur essentiel de cohésion sociale. Elle est « ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de la nature », pour citer André Malraux.
Nous saluons particulièrement les 208,5 millions d'euros consacrés au pass culture. Ce dispositif a déjà profité à deux millions de jeunes en France. Les 9,5 millions d'euros de crédits supplémentaires permettront de l'ancrer davantage dans les habitudes et de l'étendre aux collégiens. Avec le renforcement des crédits de l'éducation artistique et culturelle dans le budget de l'éducation nationale se confirme ainsi la volonté de faciliter encore l'accès à la culture pour tous, dès le plus jeune âge.
Le programme Patrimoines reste une priorité, avec une hausse substantielle des crédits de 77 millions d'euros. Cet effort profitera notamment aux territoires avec 2 millions d'euros alloués au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faible potentiel financier. L'on peut aussi se réjouir de la prolongation du loto du patrimoine, vecteur de financement important pour de nombreux monuments. Le groupe Démocrate salue également la hausse de 3 millions d'euros du budget alloué au Centre des monuments nationaux pour la rénovation et la modernisation des établissements culturels, essentiel pour la préservation des monuments qui font le charme de nos territoires.
Le projet de loi de finances prend en compte la conjoncture économique inflationniste, en prévoyant une hausse des crédits de 8 millions d'euros pour faire face à l'augmentation des coûts dans la rénovation des monuments historiques. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les crédits de la mission Culture.
J'aurais toutefois une question sur les monuments historiques non classés : quelles actions le Gouvernement prévoit de mettre en œuvre dans ce domaine, particulièrement important dans les territoires ?
Le budget qui nous est présenté consacre des moyens en augmentation de 7 % par rapport à 2022. Toutefois, le contexte reste très fragile pour le secteur de la culture, qui a été durement impacté par la crise sanitaire et qui peine à retrouver son public, alors que l'inflation et la crise énergétique annoncent des surcoûts importants. À titre d'exemple, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) annonce l'un des pires mois de septembre pour le cinéma depuis 1980.
Nous nous inquiétons de la fin de nombreux plans de soutien qui avaient été mis en place dans le cadre du plan de relance. Ils avaient permis aux acteurs de résister ces deux dernières années, mais leur arrêt pourrait les fragiliser. Le plan de soutien à la filière musicale a permis d'aider les ensembles, orchestres et festivals de musique classique et lyrique, et d'accompagner la montée en puissance du Centre national de la musique (CNM), dont le financement reste trop compliqué. Nous regrettons que les moyens supplémentaires apportés pendant la crise aient été considérés comme temporaires. Il faudrait, au contraire, les pérenniser pour accompagner chaque secteur dans la transformation de notre modèle culturel. Prévoyez-vous un soutien particulier ?
Nous constatons que votre priorité est toujours le pass culture, avec 9,5 millions d'euros de crédits supplémentaires. Pourquoi, dès lors, les indicateurs du bleu budgétaire sont-ils à la baisse, tant au regard de la fréquentation des lieux culturels par les jeunes que du recours à ce dispositif ? Les chiffres semblent traduire l'échec du pass culture.
Permettez-moi tout d'abord de saluer la mémoire de Jean Teulé, qui était un auteur de bandes dessinées, un romancier de grand talent et un cinéaste, et d'avoir une pensée pour sa femme, l'actrice Miou-Miou.
Avec 255 millions d'euros supplémentaires, les crédits de la mission Culture augmentent de 7,4 %, c'est-à-dire autant que ceux des ministères dits régaliens. De fait, je n'en ai pas tout à fait la même perception que nos collègues de La France insoumise.
Cette évolution exceptionnelle témoigne de l'importance accordée à la création, ainsi qu'à la transmission des savoirs, au patrimoine et à la démocratisation. Je salue, en particulier, la progression de 24 % du soutien aux arts visuels, qui s'inscrit dans la lignée d'un plan inédit destiné aux artistes émergents : le programme Mondes nouveaux.
Ayant supervisé la mise en valeur des métiers du chantier de Notre-Dame de Paris, je me réjouis de l'engagement de votre ministère en faveur des métiers d'art. Alliant traditions ancestrales et technologies modernes, ces métiers sont au cœur de notre patrimoine et doivent être préservés, transmis et valorisés.
Je relève également l'attention portée à la protection du patrimoine dans les territoires. Nos cathédrales bénéficieront de plusieurs millions d'euros supplémentaires. Les collectivités seront aidées pour effectuer leurs diagnostics archéologiques et le fonds incitatif et partenarial destiné aux petites communes augmentera de 2 millions d'euros. Enfin, des efforts importants sont consentis en faveur de la transition écologique dans le secteur culturel.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Horizons voteront les crédits accordés pour ce budget.
J'aurais cependant quelques questions. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le plan gouvernemental destiné aux métiers d'art ? Le patrimoine de proximité ne reçoit qu'une très petite fraction du budget, alors que ses besoins sont immenses. Comment comptez-vous aider les collectivités locales et les propriétaires privés à mettre en valeur ce patrimoine local et à trouver un modèle économique viable ?
Ce budget est historiquement haut, mais l'inflation l'est tout autant, comme l'inquiétude dans les milieux culturels, notamment le cinéma et le spectacle vivant. Pour nous, le budget présenté n'est pas à la hauteur de cette inquiétude.
Le pass culture ne correspond pas du tout à la logique que nous souhaitons privilégier, car il repose sur une politique de l'offre, sans médiation. Il est certes étendu aux collèges mais cette mesure est insuffisante, alors que le budget de l'éducation nationale réduit par ailleurs les heures dévolues à des projets artistiques. Pour éviter que ce pass culture ne devienne un bon d'achat profitant à des industries culturelles moins soumises que d'autres à l'inquiétude, voire déjà florissantes, ne faudrait-il pas flécher son utilisation, notamment vers le spectacle vivant ?
Je partage l'interrogation de plusieurs de mes collègues sur la question du soutien aux territoires. Les budgets des collectivités territoriales sont particulièrement difficiles à boucler et, on le sait, les budgets de la culture sont les premiers à être amputés. Le fonds d'innovation est insuffisant mais ne devrait-il pas être cogéré avec le Conseil national des territoires pour la culture CTC ? Ne serait-il pas temps que le fonds de relance soit davantage ancré dans les territoires, moins parisien ? Ne serait-il pas temps que notre politique culturelle marque une nouvelle étape de la décentralisation ?
Je veux placer mon intervention sous le signe de l'espoir. Espoir que les espaces de prise de décisions pour le monde de la culture dans les territoires d'outre-mer soient décolonisés, ce qui passe par plus de représentativité et de considération pour les acteurs culturels autochtones. Espoir également que tous les acteurs et actrices du monde de la culture puissent enfin sortir de la crise, dont ils continuent de souffrir.
La culture n'est pas un accessoire des politiques publiques, ni un supplément d'âme. C'est l'interaction de l'homme et de son pays. Elle doit irriguer nos vies au quotidien. Démocratiser l'accès à l'art et à la pratique artistique et culturelle est une première étape, qui demande des moyens importants. Faire tomber la barrière des coûts est indispensable, mais faciliter simplement l'accès à l'offre ne saurait suffire ; il faut qu'en face, la création s'exprime sur tous les territoires.
Les politiques culturelles doivent être adaptées aux spécificités des territoires. À La Réunion, nous n'avons pas les mêmes contraintes que dans l'Hexagone. L'exportation de la musique et d'autres types d'art y est plus difficile, car les coûts sont plus élevés, pénalisant ainsi le développement de notre industrie créative et culturelle.
Le Centre national de la musique doit pouvoir œuvrer depuis une antenne locale au rayonnement de la musique réunionnaise dans la zone indopacifique et dans les bassins des Antilles-Guyane et Pacifique. Le fort besoin de représentativité et d'émancipation culturelle doit trouver à se réaliser dans les conseils d'administration du CNM, de France Télévisions et de toutes les autres institutions nationales présentes dans nos territoires ultramarins : des personnalités qualifiées, titulaires et originaires des outre-mer doivent y siéger. Souvent, les populations et les opérateurs culturels locaux ne comprennent pas les choix qui sont faits, qui pénalisent la promotion de notre identité par les acteurs autochtones. Tout ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous.
Le secteur de la culture est sans nul doute l'un des plus fragilisés par la crise sanitaire. Il connaît des pertes d'activité considérables, dont il souffrira malheureusement longtemps. Alors que la fréquentation dans les grands établissements publics et les lieux de spectacle vivant peine à se redresser, l'inflation risque d'en éloigner encore les publics les plus modestes. Elle pourrait aussi affecter les dons et le mécénat à destination du patrimoine. C'est pourquoi, avec une inflation estimée à 4,3 % pour l'an prochain, l'augmentation du budget qui nous est présentée doit être relativisée.
Nous saluons la hausse de près de 255 millions d'euros des crédits du programme Patrimoines, non sans rappeler qu'elle vise essentiellement à compenser les coûts de l'énergie et que ce montant risque même d'être insuffisant. Finalement, les hausses de crédits sont en grande partie destinées à atténuer les effets de la crise sanitaire, de l'inflation et de la crise énergétique. À quelques exceptions près, elles n'iront pas au financement de projets culturels d'ampleur.
Au reste, ces derniers restent trop concentrés en Île-de-France. Les efforts consentis pour orienter davantage les crédits de la mission Culture vers les territoires, en particulier ruraux isolés ou ultramarins, restent insuffisants : dans ce domaine, nous partons de loin.
Notre groupe ne s'oppose pas à l'extension du pass culture mais considère que celui-ci ne peut constituer à lui seul une politique culturelle et éducative. L'accent doit être mis sur la découverte des arts et de la culture dès le plus jeune âge, en particulier dans les territoires les moins dotés.
Madame la rapporteure, je vous remercie pour la précision de votre analyse du budget et pour votre engagement en faveur de la culture dans toutes ses composantes.
Dans la confection de notre budget, nous avons retenu pour l'inflation l'estimation de la Banque de France : 4,7 % pour 2023. Avec une hausse de plus de 7 %, il lui est donc significativement supérieur. Par ailleurs, dès cet été et parfois plus tôt, nous avons procédé au remplacement de certains équipements de sorte à anticiper l'augmentation du coût de l'énergie. Le musée d'Orsay a remplacé ses lampes par des LED, économisant ainsi un tiers de sa facture énergétique. Au château de Versailles, le remplacement des chaudières par des pompes à chaleur entraînera une réduction drastique des dépenses. Des travaux sont également prévus au Louvre, et je pourrais vous citer de nombreux autres exemples.
Une analyse fine des besoins sera conduite dans chaque établissement relevant de l'État, mais les Drac le feront aussi avec tous les partenaires que soutient le ministère de la culture. Pour les bâtiments identifiés comme passoires thermiques, dont la situation est critique, une enveloppe spécifique est prévue. Elle sera probablement insuffisante mais leur permettra néanmoins d'aborder l'année 2023 avec un peu plus de sérénité.
Ce projet de budget fait donc bien mieux que de retrouver le niveau 2019, puisqu'il est supérieur au budget de l'époque. Cela, sans compter les mesures prises pendant la crise en 2020, suivies de celles du plan de relance dédiées à la restructuration et au redémarrage de l'ensemble des filières en 2021 et 2022.
Le confort de visite dans les musées est une préoccupation que nous partageons avec l'ensemble des directeurs. Pour que les visiteurs français et internationaux découvrent les collections dans de meilleures conditions, il faudra revoir légèrement à la baisse certaines prévisions de fréquentation. Les modèles économiques pour les prochaines années doivent prendre en compte cette volonté d'éviter la saturation.
Le château de Villers-Cotterêts devrait ouvrir au public au printemps 2023. Je suis confiante quant au respect de ce calendrier. La définition du projet culturel est en cours, avec un groupe de quatre commissaires scientifiques, composé de l'académicienne Barbara Cassin, de Xavier North, ancien responsable de la délégation à la langue française et aux langues de France au ministère de la culture, de Zeev Gourarier, ancien directeur des collections du Mucem et d'Hassan Kouyaté, directeur du festival des francophonies de Limoges. Ils travaillent sur le parcours permanent de visite et sur un programme d'expositions, de concerts et de films qui viendra l'enrichir. Le site sera doté d'un auditorium et de résidences d'auteurs et d'artistes, avec une douzaine de lieux qui seront mis à leur disposition. Nous espérons également accueillir des entreprises de pointe dans les technologies de la langue, l'apprentissage du français ou la traduction.
Concernant le financement du Centre national de la musique, plusieurs hypothèses, que j'avais évoquées lors de ma précédente audition, restent envisageables mais nécessitent une expertise plus approfondie. La Première ministre a confié au sénateur Julien Bargeton une mission parlementaire sur le financement de la filière musicale et son avenir. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur le sujet. Pour l'année 2023, le CNM pourra disposer, outre d'un budget du ministère de la culture en hausse et d'une enveloppe spécifique de 900 000 euros pour accompagner la transition écologique, de reliquats du plan de relance. Ceux-ci, en cours d'évaluation, devraient atteindre 10 à 12 millions d'euros, ce qui laissera au secteur le temps de mûrir sa réflexion et la concertation – sur cette question du financement, la filière reste divisée et le consensus n'est pas simple.
Le programme Mondes nouveaux a suscité beaucoup d'engouement. Plus de 3 000 dossiers ont été déposés et 264 projets ont été retenus. Le comité chargé de cette sélection était composé de personnalités très diverses, dont – je le précise pour répondre à la question de la représentativité en outre-mer – Julien Creuzet. Cet artiste de Martinique a des contacts avec l'ensemble des territoires ultramarins.
Parmi les 264 projets sélectionnés, certains étaient portés par des collectifs d'artistes, ce qui rendait les catégories que nous avions essayé de définir inadaptées à cette nouvelle réalité. Les artistes aujourd'hui travaillent en lien : architectes, danseurs, musiciens, compositeurs ou designers dépassent le cadre des disciplines traditionnelles, créant ainsi une véritable dynamique.
Le comité de sélection a pris en considération à la fois l'originalité des projets mais aussi leur ancrage dans le lieu qui était choisi – site patrimonial ou naturel, ou même Ehpad, université, école ou place publique –, et a cherché à établir un équilibre dans la répartition géographique ainsi qu'entre les champs artistiques et les âges. Certains lauréats ont une vingtaine d'années et sortent à peine des écoles d'art, tandis que d'autres ont plus de 70 ans. Une cartographie des projets est théoriquement en ligne sur le site du ministère de la culture – si elle n'y figure pas, je vous la transmettrai.
Tous les projets ne sont pas complètement aboutis parce qu'ils s'inscrivent dans des temporalités différentes. Il est difficile de comparer le projet d'Hélène Frappat à la basilique de Saint-Denis avec des projets nécessitant des constructions d'architectes ou des chorégraphies avec quarante danseurs, qui ont besoin de plus de temps pour se mettre en place. Nous devons continuer à les accompagner, tout en lançant une nouvelle génération de projets, probablement à la rentrée 2023.
Le déménagement à Pantin du Centre national des arts plastiques (Cnap), qui était prévu en 2024, disposait d'une enveloppe de 68 millions d'euros. Celle-ci devrait être dépassée. Une étude est en cours pour évaluer les potentiels surcoûts et les conséquences sur le calendrier.
S'agissant du pass culture, il n'a jamais été question qu'il soit l'unique politique de l'éducation artistique. D'autres dispositifs existent, comme École au cinéma, Collège au cinéma ou Lycéens et apprentis au cinéma. Nous menons aussi une politique d'éducation artistique à l'école primaire, qui n'est pas concernée par le pass culture. Beaucoup d'actions sont proposées par des structures sociales ou associatives en dehors du temps scolaire.
Nous avons précisément souhaité faire évoluer le pass culture pour créer une meilleure jonction avec notre politique d'éducation artistique, et le déployer au collège et au lycée, en lien avec les enseignants pour soutenir les projets que ceux-ci souhaitent développer pour leurs classes. De la quatrième à la terminale, 25 euros par élève sont consacrés à soutenir des projets collectifs. Cette mesure sera étendue aux classes de sixième et cinquième dès la rentrée.
Les sorties collectives organisées par les enseignants s'orientent prioritairement vers le spectacle vivant, théâtre et cinéma en tête. Il y a là de quoi se réjouir eu égard à la baisse de fréquentation que plusieurs d'entre vous ont mentionnée.
S'agissant du patrimoine, l'État n'a jamais engagé des moyens aussi importants pour sa rénovation, sa restauration et sa valorisation – 1,1 milliard d'euros dans le PLF2023. Le loto du patrimoine apporte également des moyens complémentaires, mais crée en plus une mobilisation citoyenne. Plus de 750 sites ont été sauvés en cinq ans, dont plus de la moitié n'étaient ni classés ni inscrits – pour ceux-là, en application d'une loi de 2004, l'État n'est pas tenu d'intervenir. Grâce au loto du patrimoine, la nécessité d'inscrire ou de classer un monument est parfois mise en évidence, et c'est arrivé à plusieurs reprises.
Des conventions pluriannuelles existent pour le patrimoine. Nous avons, heureusement, une telle vision, notamment avec le « plan cathédrales », mais également dans le cadre du fonds incitatif et partenarial, et de l'ensemble de notre politique de contractualisation.
La baisse de la fréquentation atteint environ 25 % pour l'ensemble des secteurs culturels. La comparaison avec d'autres pays montre toutefois que notre écosystème est plus résilient et que les Français restent avides de culture. En Italie, qui est un grand pays de cinéma, la fréquentation des salles a baissé de 60 % ; elle a reculé de 40 % en Espagne et de 30 % à 40 % aux États-Unis. Certes, le fléchissement peut sembler inquiétant mais notre réseau de salles, de distributeurs et de producteurs de films a permis de maintenir une dynamique.
Ne tirons pas de conclusions à partir des seuls chiffres du mois de septembre, qui est structurellement mauvais pour le cinéma. Je suis certaine que les vacances de la Toussaint vont relancer la fréquentation. Nous lancerons d'ailleurs, le 26 octobre, une campagne de communication pour inciter les Français à retrouver l'émotion du cinéma sur grand écran. Nous la finançons à hauteur de 1 million d'euros, avec la Fédération nationale des cinémas français.
Au passage, le pass culture, encore lui, a permis de financer 2,5 millions de places et d'attirer un public jeune dans les salles. Le public qu'il faut inciter à revenir est principalement celui des plus âgés. Celui-ci va moins au cinéma, peut-être par peur du covid ou à cause des tarifs ou de problèmes de transport.
Notre mobilisation est forte, avec cette campagne de communication, le pass culture ou les dispositifs d'éducation à l'image pour construire les publics de demain. Lors du festival de Deauville, j'ai également annoncé une aide supplémentaire de 4 millions d'euros pour les distributeurs. Avec le CNC, nous maintenons notre soutien à tous les maillons de cette filière cruciale pour nos industries créatives.
Madame Spillebout, vous souhaitez que les écoles d'architectures soient plus nombreuses ou offrent plus de places. Pour 2023, mon action visera d'abord à améliorer le bien-être des étudiants et à venir en aide à ceux qui se trouvent en difficulté, à revaloriser les professeurs et à investir dans les écoles qui ont besoin de travaux. Le budget est en hausse notamment pour répondre à ces enjeux.
Je suis également convaincue de la nécessité de développer l'éducation aux médias, un sujet que nous évoquons régulièrement avec mon collègue Pap Ndiaye. Celui-ci sera abordé dans le cadre des états généraux du droit à l'information. C'est effectivement dès le plus jeune âge que nous devons aider les jeunes générations à trouver les informations et à les décrypter, pour distinguer le vrai du faux.
Je ne partage pas le constat très alarmiste de Mme Loir sur l'état de notre patrimoine, qui serait en train de s'écrouler. Nous avons été très ambitieux dans ce domaine, y compris dans le plan de relance.
J'entends régulièrement que les crédits sont concentrés à Paris – mais j'entends aussi que nous n'aidons pas assez le musée du quai Branly, le Centre Pompidou ou d'autres établissements de la capitale. Dans le « plan cathédrales », l'Île-de-France n'a bénéficié que de 4,4 % des crédits, ce qui signifie que 95,6 % du budget était destiné aux régions. Pour les monuments historiques, la proportion est semblable, avec 11 % pour la première et 88 % pour les autres. Notre politique du patrimoine est donc pleinement tournée vers les territoires. Le loto du patrimoine sélectionne un site par département tous les ans, ainsi qu'un site par région. Aucun département n'est oublié, y compris en outre-mer.
Environ un tiers de nos monuments historiques relèvent du patrimoine religieux. Le plan de sécurisation des cathédrales constitue, pour moi, une priorité. Nous ne voulons pas revivre le drame de la cathédrale de Nantes ou celui, qui est évidemment dans toutes les mémoires, de Notre-Dame de Paris. Des travaux sont engagés dans quatre-vingt-sept cathédrales. Depuis la loi de 1905, celles-ci relèvent de la responsabilité de l'État alors que la plupart des églises sont la propriété des communes. Nous aidons toutefois ces dernières au travers des Drac, qui consacrent plus de 100 millions d'euros par an au patrimoine religieux. Parmi les 576 projets soutenus entre 2018 et 2021 par le fonds incitatif et partenarial, dans lequel nous intervenons avec les régions, 82 % concernaient des édifices religieux protégés au titre des monuments historiques. Et environ un quart des projets financés par le loto du patrimoine appartiennent au patrimoine religieux.
Précisons que le patrimoine religieux s'entend pour l'ensemble des cultes, qu'il s'agisse des temples protestants, des synagogues ou des mosquées. La mosquée de Tsingoni à Mayotte, qui date du XVIe siècle et est la plus ancienne de France, a ainsi bénéficié du loto du patrimoine.
Madame Legrain, vous avez cité Aurélie Filippetti et moi-même, pour comparer le budget pour 2023 avec les chiffres d'il y a dix ans, j'ai pris son premier budget en tant que ministre de la culture, en 2013. Celui-ci était de 3,1 milliards d'euros, en baisse de 138 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Je vous laisse mesurer le chemin parcouru et l'ambition dont nous avons fait preuve, avec des crédits en augmentation constante depuis 2017.
En ce qui concerne les coûts de l'énergie, nous apporterons notre soutien aux institutions les plus en difficulté, mais notre priorité est de les accompagner dans la réduction de leurs dépenses. Nous devons apporter des solutions de court terme, pour passer l'automne et l'hiver, mais nos engagements en faveur de la décarbonation de la culture s'inscrivent dans le long terme, avec un phasage des travaux. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités, qui sont également soucieuses de mener cette transition écologique.
Monsieur Habert-Dassault, vous sembliez assez nuancé sur le pass culture. J'aimerais un jour vous inviter rue de Valois pour rencontrer des jeunes qui en bénéficient et qui en sont devenus les meilleurs ambassadeurs, en particulier sur les réseaux sociaux. Certains d'entre eux n'étaient jamais allés au cinéma ou à un concert. D'autres ont pu apprendre à jouer de la musique, car le pass culture permet aussi de financer des cours, d'acheter un instrument ou de louer un studio pour répéter. Il est un outil au service du développement des pratiques artistiques.
Le pass culture profite principalement à la lecture et aux livres, et pas uniquement aux mangas, contrairement à un cliché qui circule trop souvent. Les jeunes achètent certes beaucoup de mangas, mais ceux-ci ne représentent pas la majorité des dépenses. Ils plébiscitent aussi les romans, les ouvrages sur le féminisme ou le climat, voire sur la cuisine. Plus de 60 % des jeunes qui entrent dans une librairie pour acheter un manga en ressortent également avec un autre livre, car la magie du libraire est de les ouvrir à d'autres horizons.
Contrairement à l'algorithme, dont le principe est de toujours proposer des expériences similaires, le pass culture agit comme un antialgorithme en orientant les jeunes vers des découvertes artistiques qu'ils ne feraient pas spontanément. Beaucoup d'acteurs culturels se sont engagés pour proposer des expériences singulières, participatives et originales aux jeunes du pass culture. Pour les attirer au musée, pour lesquels la barrière n'est pas tarifaire puisque la plupart leur offrent la gratuité, il faut une programmation un peu atypique, comme la visite nocturne à la lampe torche organisée par le musée des beaux-arts de Caen. Dans le registre du spectacle vivant, l'année dernière, l'Opéra de Paris avait mis en ligne 1 500 ou 2 500 places à destination de ce public : elles ont été écoulées en deux heures.
L'attrait est donc réel pour l'ensemble des champs artistiques concernés par le pass culture, qui est principalement utilisé, dans l'ordre, pour les livres, la musique et le cinéma. Le spectacle vivant est un peu en retrait pour la partie individuelle mais il est majoritaire pour le volet collectif, ce qui permet un rééquilibrage et assure le lien avec notre politique d'éducation artistique.
Je vous rejoins en ce qui concerne la problématique des transports. Pour le pass culture collectif, les collectivités les prennent théoriquement en charge. C'est le cas dans beaucoup de départements, notamment en Bretagne, mais on sent des disparités territoriales. Des réflexions sont donc en cours pour améliorer la mobilité, notamment en zone rurale – forfaits pour les groupes, systèmes de navettes ou encouragement au covoiturage pour les jeunes de 18 ans.
Madame Bannier, j'ai déjà répondu au sujet des monuments non protégés. Le loto du patrimoine constitue notre principal levier de mobilisation et de financement. Depuis la loi de 2004, le budget du ministère de la culture est destiné aux monuments protégés, donc inscrits et classés.
Monsieur Echaniz, vous semblez contester les chiffres du pass culture. Nous disposons de toutes les données et sommes prêts à les partager avec vous en toute transparence. Deux millions de jeunes profitent du pass culture et de plus en plus de structures entrent dans le dispositif.
Monsieur Patrier-Leitus, les métiers d'art concernent également ma collègue Olivia Grégoire, qui est en charge de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises et des lycées professionnels. Il y a un enjeu à susciter des vocations assez tôt, car les métiers du patrimoine sont des métiers d'avenir pour notre jeunesse, qui offrent d'importants débouchés. Nous allons travailler sur la formation et l'ancrage territorial de manufactures, comme nous avons commencé à le faire dans le plan de relance. L'innovation est un autre axe à mobiliser, notamment avec le plan France 2030, comme moyen de préserver des savoir-faire. Un projet, dans la région Grand Est, consiste ainsi à numériser les gestes des artisans pour que leur savoir-faire ne disparaisse pas. Nous souhaitons par ailleurs travailler au rayonnement international de ces métiers, y compris dans les domaines du design et de la mode.
S'agissant du patrimoine local et des monuments privés non protégés, le nombre de dossiers déposés chaque année auprès de la mission Bern atteste du succès du loto du patrimoine. Avec 40 000 monuments historiques, le ministère de la culture a déjà de quoi faire, mais nous pouvons ponctuellement être amenés à classer et inscrire des sites qui ont un intérêt patrimonial. Le label Architecture contemporaine remarquable est également un moyen de soutenir des lieux plus récents.
Madame Taillé-Polian, je redis que le pass culture ne résume pas la politique du ministère de la culture en matière d'éducation artistique. Il n'est pas qu'un bon d'achat. Il permet de soutenir les pratiques artistiques et s'inscrit désormais dans une logique collective. Avec sa classe, un professeur peut inviter un auteur en résidence, aller au cinéma ou au théâtre ou mener un projet avec un artiste tout au long de l'année. Un budget de 25 euros par élève, c'est tout de même un apport significatif.
Le pass culture collectif est majoritairement orienté vers le spectacle vivant, ce qui est beaucoup moins vrai pour le pass culture individuel. Je reconnais que des efforts d'incitation restent nécessaires, en particulier pour le théâtre. Des propositions inédites, comme celles du festival d'Avignon qui a organisé des rencontres avec des artistes, la visite des coulisses ou la découverte des répétitions dans la cour d'honneur du Palais des Papes, ont ainsi soulevé un engouement énorme. Il revient donc aussi aux structures du spectacle de diversifier leur offre.
Les crédits de la culture sont en grande majorité déconcentrés. Depuis très longtemps, la politique culturelle de la France repose sur un partenariat entre l'État et les collectivités territoriales, qui apportent environ les deux tiers des ressources. Sans leur engagement, rien ne serait possible. D'ailleurs, en visite hier à Strasbourg, j'ai fait part à la maire de la ville de mon incompréhension face à sa décision de fermer les musées à l'heure du déjeuner et une journée supplémentaire par semaine. Peut-on, au nom de l'écologie, et alors que l'on prône l'accès à la culture de tous les publics, fermer les musées aux heures où les étudiants et les actifs peuvent s'y rendre ? Cela me semble tout à fait en contradiction avec l'engagement que votre couleur politique est censée manifester.
Monsieur Maillot, l'outre-mer est très présent dans l'ensemble de nos actions. Le programme Mondes nouveaux a porté une attention particulière aux artistes de ces territoires et aux projets qui s'y déploient. Nous poursuivons, en outre, le pacte pour la visibilité, lancé par ma prédécesseure, Roselyne Bachelot. Notre attention se porte également, en matière de patrimoine, sur les monuments dans toute leur diversité, y compris sur les sites présentant une dimension mémorielle. Comme vous nous y invitez, nous sommes pleinement mobilisés pour faire tomber les barrières.
Enfin, monsieur Lenormand, je pense avoir apporté des réponses à toutes vos questions sur l'inflation, l'augmentation des coûts de l'énergie et le pass culture.
Votre ambition de développer les métiers d'art se traduit dans le PLF 2023 par un renforcement de 5,5 millions d'euros des moyens alloués aux manufactures nationales et par le financement d'appels à projets dans le cadre du plan France 2030.
Vous avez annoncé récemment vouloir poursuivre ces investissements dans le cadre d'un plan d'action en faveur du développement économique territorial et professionnel de ces filières d'excellence. Le sujet m'intéresse particulièrement, puisque le Vendômois bénéficie de la présence de multiples artisans d'art, rassemblés chaque année au Salon du château de Fretay, et entend mettre en valeur ses talents locaux de renommée internationale, voire développer des filières de formation. Ce plan de soutien vise à renforcer l'attractivité de ces métiers, notamment auprès des jeunes. S'appuiera-t-il sur l'éducation artistique et culturelle, sur l'information fournie par les conseillers d'orientation, sur le renforcement des relations entre les écoles et les entreprises, sur le pass culture ou encore sur la politique de rénovation du patrimoine ?
Votre ministère porte la responsabilité, à travers l'application de la loi Toubon, de la protection du patrimoine linguistique français. Ainsi, des obligations restrictives s'appliquent afin d'indiquer les abus de langage, comme les anglicismes, mais également toute autre forme de déviance du vocabulaire, de la grammaire et de la conjugaison. Ces dernières sont fragilisées depuis des dizaines d'années par le niveau de pauvreté grandissant de l'apprentissage du français, mais également par l'ouverture d'esprit excessive de la société et du Gouvernement. À force de dire oui à tout, sous prétexte de liberté, on se retrouve à lire des livres ou des rapports entièrement raturés et détruits par des idéologies extrêmes telles que l'écriture inclusive.
Quelle est la position exacte du Gouvernement à ce sujet ? Que comptez-vous faire pour rétablir la légitimité et le respect de notre langue, internationalement reconnue ?
Je souhaite évoquer l'accès aux grandes œuvres nationales, voire internationales, dans les musées et établissements culturels non parisiens. C'est à la fois un enjeu de culture pour nos concitoyens, un enjeu d'égalité, un enjeu d'attractivité pour ces établissements, voire, dans certains projets, un enjeu pour la transition énergétique.
Les musées nationaux ont passé des conventions avec les musées situés dans nos territoires. Toutefois, deux importants blocages empêchent nos musées d'accueillir ces œuvres, même temporairement : les frais de transport et les frais d'assurance. Plusieurs dispositifs ont été proposés, notamment par Yves Nicolin, maire de Roanne et ancien député. Comment lever ces deux blocages ? Comment mieux faire circuler ces œuvres ?
Je vous remercie, madame la ministre, de partager avec nous ce moment kafkaïen, puisque nous ne savons pas trop ce qui restera de nos débats après le troisième recours à l'article 49, alinéa 3, et que nous ignorons même à quel moment il interviendra.
La culture est une condition essentielle de l'émancipation de toutes et tous ; ce n'est en aucun cas un supplément d'âme. J'aimerais vous interroger non pas sur ce qui figure dans le projet de loi de finances pour 2023, mais précisément sur ce qui n'y figure pas. Les collectivités territoriales contribuent pour 70 % à la dépense culturelle publique. Or elles connaissent une flambée des factures énergétiques, que le Gouvernement a refusé de compenser. À Marseille, par exemple, la facture énergétique est passée de 20 millions d'euros à 45 millions d'euros.
En conséquence, depuis quelques mois, les collectivités annoncent les unes après les autres une baisse de leur budget dédié à la culture. L'inquiétude est grande dans le monde culturel : seront-elles en mesure de continuer à soutenir les arts et la culture à un niveau suffisant ? Elles sont soumises à un régime drastique d'économies imposé depuis plusieurs années. Que comptez-vous faire pour que les acteurs culturels ne payent pas la facture de la spéculation sur les marchés de l'énergie et du désengagement des collectivités territoriales ?
Le cinéma, fleuron de la culture française, est le grand absent de ce budget. On connaît les particularités de son mode de financement, à travers le CNC. D'après celui-ci, la fréquentation des cinémas français a chuté de 20 % en un an et de 33 % en deux ans. En septembre 2022, elle était à un niveau historiquement bas, le plus bas depuis 1980, année où l'on a commencé à faire des statistiques. Entre la concurrence des plateformes de streaming et la crise sanitaire, la santé économique des salles de cinéma est en plein effondrement. À la frilosité des spectateurs s'ajoute l'envolée de la facture énergétique, qui représente jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires de certaines salles, et le coût de la modernisation des projecteurs, jusqu'à 50 000 euros par salle. Il faut donc promouvoir une vraie politique d'investissements.
Comment ce budget peut-il rester muet sur la grave crise que connaissent les cinémas français ? Ne devrait-il pas être assorti d'un plan d'ampleur en leur faveur ?
En ma qualité de présidente du Conseil national de l'économie circulaire, je suis ravie d'entendre votre engagement sur la transition écologique dans le monde de la culture. Je suis une fervente défenseuse à la fois de la culture et de la transition écologique. Toutefois, dans le budget, il existe un sujet qui oppose ces deux mondes : la question de la rémunération pour copie privée. Depuis un certain temps, celle-ci fait l'objet de contentieux, dont l'enjeu s'élève à plusieurs millions d'euros. Les reconditionneurs, notamment, estiment ne pas avoir à inclure cette redevance dans leur prix de vente, puisqu'elle a déjà été payée lors du premier achat. À la grande différence de Back Market, que l'on agite parfois comme un épouvantail, les reconditionneurs sont des TPE et des PME qui réalisent une marge assez faible, notamment si l'on tient compte de la TVA.
Pouvons-nous compter sur vous pour que Copie France abandonne ces contentieux ? Êtes-vous disposée à trouver un autre système qui réconcilie l'économie circulaire et la culture ?
Parce que la culture est un formidable levier d'émancipation, elle est profondément liée à la jeunesse, qui aspire à la connaissance, à la création, à l'ouverture au monde et aux autres, à la confrontation. Lorsque les enfants participent à la création artistique, nous savons combien ils prennent confiance en eux, aiguisent leur regard, développent leur esprit critique et deviennent des citoyens mieux aguerris.
La jeunesse est au cœur de vos priorités. Vous poursuivez et renforcez les nombreuses actions engagées sous le précédent quinquennat : le pass culture, les politiques d'éducation artistique et culturelle, le plan Lecture, le cinéma, l'accès aux musées, l'éducation aux médias. La culture pour la jeunesse vit aussi grâce aux collectivités territoriales et aux associations culturelles ancrées dans nos villes et nos villages. Avoir une politique culturelle en faveur de la jeunesse, c'est aussi soutenir leur avenir professionnel, les industries créatives et culturelles étant celles qui emploient le plus de jeunes.
Le budget de la culture que vous nous présentez pour 2023 est en augmentation de 7 % par rapport à 2022. Quelle part de ce budget ira à la démocratisation de l'accès à la culture en faveur de la jeunesse ? Quelles politiques culturelles vis-à-vis de la jeunesse souhaitez-vous renforcer ?
Ce budget pour 2023, une nouvelle fois en hausse, permettra de poursuivre les actions destinées à favoriser l'accès à la culture pour tous, partout sur notre territoire. Vous nous avez dit à plusieurs reprises avoir pour ambition que les projets culturels irriguent les territoires.
Les Micro-Folies sont des musées numériques modulables, que l'on peut installer partout en France dans un espace existant et qui permettent de rapprocher la culture de nos concitoyens. Je tiens à saluer l'investissement de l'État, qui a implanté trois Micro-Folies dans ma circonscription du Val-d'Oise – à Bessancourt, à Montigny-lès-Cormeilles et à Taverny. Si les Micro-Folies visent à toucher un large public, force est de constater qu'il existe encore des inégalités de répartition, dont souffrent particulièrement les QPV et les zones rurales.
Le ministère de la culture s'est lancé dans un plan ambitieux visant à déployer 1 000 Micro-Folies sur l'ensemble du territoire national d'ici à la fin de l'année 2022. Quelles sont les dispositions budgétaires prévues pour poursuivre ce déploiement ? Il s'agit de démocratiser l'accès à la culture, notamment dans les territoires qui comptent peu d'équipements culturels.
Je relève avec satisfaction une hausse tant du budget consacré aux diagnostics archéologiques que des crédits destinés aux Drac pour les fouilles programmées. Élue lyonnaise, je sais l'importance patrimoniale des fouilles et les surcoûts que celles-ci entraînent pour les travaux. À titre d'exemple, le projet Fourvière, qui consiste à réaménager l'esplanade et à rénover les bâtiments classés qui entourent la basilique, a été engagé avec beaucoup de précautions et de nombreuses fouilles se rapportant à Lugdunum. Le projet a bien évidemment bénéficié du soutien de la Drac, et je m'en réjouis. Par contre, les collectivités territoriales – la ville et la métropole – s'en sont retirées, plongeant le projet dans de grandes difficultés financières. Hélas, le cas de Lyon n'est pas unique : la vie culturelle, ses institutions et ses acteurs sont pris dans un ping-pong politique entre région et villes, qui se retirent ou diminuent leurs subventions. Bien sûr, le ministère n'a pas vocation à se substituer aux collectivités territoriales, mais comment peut-il aider nos artistes et nos institutions culturelles ?
Lors de la crise sanitaire de la covid-19, les fanfares et harmonies ont été, elles aussi, lourdement affectées par les restrictions administratives. Or ces formations musicales sont essentielles pour la dynamisation de notre territoire, car elles font partie des pratiques artistiques et culturelles qui permettent de fédérer des personnes de tous âges et de tous horizons, notamment en ruralité. Votre prédécesseure, en lien avec le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, avait élaboré le plan Fanfare pour cette année 2022. L'État a fait le choix de soutenir ce plan sur deux ans, avec 2 millions d'euros de crédits de fonctionnement.
Près d'un an après son lancement, pouvez-vous faire un bilan d'étape de ce plan et un point sur la consommation des crédits pour l'année 2022 ? Les modalités demeureront-elles inchangées en 2023 ou sont-elles appelées à évoluer ? Entendez-vous poursuivre ce soutien, une fois les crédits consommés ?
Merci d'avoir souligné l'importance des Micro-Folies, que j'aurais dû évoquer lorsque j'ai décrit notre action territoriale. Le plan de déploiement est assez intensif. À ce jour, 294 Micro-Folies ont été ouvertes – 135 dans des QPV, 66 dans des territoires Action cœur de ville, 118 dans des territoires ruraux, 92 dans des Petites villes de demain – et 450 sont en cours de déploiement. Le budget pour 2023 s'établit à 3 millions d'euros.
Merci également d'avoir mentionné les fanfares et harmonies. J'étais récemment dans le Nord, à Avesnes-sur-Helpe et à Gommegnies, pour annoncer la reconduction du plan Fanfare, à hauteur de 1 million d'euros par an. Le budget a été intégralement consommé en 2021 et 2022. Nous avons soutenu 514 projets, dont 48 % dans les zones rurales. J'ai pu me rendre compte de l'importance de ces formations, qui fédèrent les générations, qui ont pour certaines une histoire de 150 ou 200 ans et perpétuent des traditions liées, notamment dans le Nord, à l'industrie minière. Les fanfares d'aujourd'hui font preuve d'une réelle vitalité. Les modalités de soutien semblent avoir donné satisfaction, mais je suis à votre écoute concernant d'éventuels ajustements ou améliorations.
Un rapport sera remis très prochainement sur la rémunération pour copie privée. Nous pourrons échanger sur ce fondement.
Bien évidemment, nous n'avons pas oublié le cinéma. Le budget du CNC s'élève à 711 millions d'euros. Connaissez-vous un autre pays dans le monde qui consacre une telle somme au soutien du cinéma ? S'y ajoutent 350 millions d'euros dans le cadre du plan France 2030, affectés au développement des formations pour les talents aussi bien techniques que créatifs – citons entre autres le nouveau site de l'école CinéFabrique à Marseille et un campus de l'école Gobelins – et à la modernisation des infrastructures de production, c'est-à-dire des studios de tournage et de postproduction. Enfin, la campagne que j'ai annoncée sera financée par un budget de 1 million d'euros.
Nous soutenons ainsi, en lien avec les collectivités territoriales, l'ensemble des maillons de la filière : producteurs, distributeurs, exploitants, auteurs, réalisateurs, organisateurs de festivals, infrastructures de production. Je précise que les mécanismes d'aide du CNC ont été assouplis : les salles de cinéma pourront utiliser leur compte de soutien, en principe réservé aux investissements, pour payer leurs factures d'énergie lorsqu'elles flambent.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit sur les métiers d'art et sur la circulation des œuvres et des expositions.
Après deux ans de ralentissement, nous comptons bien déployer de nouveau des œuvres et des expositions à l'international, en lien avec le réseau culturel français à l'étranger, notamment les résidences d'artistes. C'est parfois par ces résidences que les projets d'expositions se montent. Pour leur part, les musées internationaux préfèrent souvent construire un nouveau projet avec des artistes qu'ils invitent, plutôt que d'accueillir une exposition existante « clés en main ».
S'agissant de la langue française, je préfère évoquer les actions concrètes que nous finançons pour soutenir la traduction, l'édition et la diffusion du livre en français, en particulier dans les pays francophones. Je suis très attachée aux librairies francophones, ayant découvert mon amour pour le français dans l'une d'entre elles, au Liban. Je sais à quel point elles jouent un rôle crucial pour diffuser la culture et la diversité culturelle dans de nombreux pays. Le ministère met en œuvre, avec le Centre national du livre (CNL), un plan de soutien des librairies francophones. Nous avons débloqué un budget de 500 000 euros pour soutenir des librairies en grande difficulté – deux au Liban, une au Mali, une au Brésil. En outre, dans la continuité du Forum des mondes méditerranéens qui s'est tenu à Marseille, nous avons créé le dispositif Livres des deux rives, pour soutenir l'édition francophone, les projets littéraires et la lecture en langue française en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
Nous allons maintenant débattre des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l'audiovisuel public.
Après trois années de crise, l'année 2023 aurait dû être celle du retour à la normale économique et budgétaire pour les principaux opérateurs et entreprises financés ou soutenus par les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles. Mais à présent, elles sont face à un nouveau défi : l'inflation qui touche les coûts de production des œuvres et des biens. Le retour à la normale n'est pas pour demain et l'État devra poursuivre durablement son soutien aux industries culturelles françaises, par ailleurs bousculées par l'arrivée sur le marché national de plateformes étrangères, à la croissance exponentielle.
Dans le secteur de la production d'information comme dans la création cinématographique et audiovisuelle, les entreprises françaises ont besoin d'une régulation nationale forte pour les accompagner dans les transitions à venir et leur permettre de se battre à armes égales avec ces opérateurs étrangers peu soucieux du droit d'auteur et de l'exception culturelle française. De plus, je constate que les entreprises aidées pendant la crise sont aujourd'hui confrontées à des difficultés pour rembourser les prêts garantis par l'État (PGE). Un renforcement de leurs fonds propres aurait constitué une solution plus pérenne.
Je commence par le programme Presse et médias.
La progression des charges de l'Agence France-Presse est contenue, le plan d'économies ayant répondu aux objectifs fixés. Les marchés historiques – le texte et la photo – sont en recul, mais les nouveaux produits – l'investigation numérique et la vidéo – portent la croissance du chiffre d'affaires.
La réforme du portage et du postage n'est pas neutre pour les finances publiques. Il conviendra de s'interroger sur le partage des coûts entre les pouvoirs publics et les entreprises de presse. Il apparaît en outre que le postage a vocation à être abandonné au profit du portage. Le coût de l'aide est estimé à 72 millions d'euros, soit une hausse de 10 millions d'euros. La pérennité du système de distribution de la presse reste en question. Les deux opérateurs, France Messagerie et les Messageries lyonnaises de presse, bien que concurrents, devront réfléchir à un renforcement de leur synergie.
Les aides à la presse comprennent notamment l'aide aux éditeurs de presse et l'aide au pluralisme.
S'agissant de la première, les éditeurs de presse cherchent encore leur modèle économique dans un contexte de baisse de la diffusion, d'amoindrissement de leurs ressources publicitaires et de développement des plateformes numériques. S'ils ont pris le virage de la numérisation, ils ne doivent pas cesser de se moderniser. Pour eux aussi, les coûts explosent. À titre d'exemple, le prix du papier a été multiplié par deux.
S'agissant de la seconde, les aides directes se montent à plus de 14 millions d'euros, soit une hausse de près de 10 %. Les aides indirectes, substantielles, prennent la forme de plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires, qui constituent une partie significative des aides à la presse. On peut évoquer, par exemple, le taux de TVA à 2,1 %.
Concernant le soutien à l'expression radiophonique, l'aide aux radios associatives est accordée aux radios locales dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires. Chaque année, environ 700 radios associatives bénéficient de ce soutien, qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources. Ces crédits devraient connaître une nouvelle revalorisation.
Je souhaite que le contrôle de l'utilisation de ces fonds soit renforcé et que nous disposions de davantage de données sur les critères d'éligibilité et sur l'utilisation de l'argent public ainsi distribué. De l'aveu même du président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), ces contrôles sont aléatoires.
La dotation en faveur de Médi1, radio franco-marocaine détenue à 86 % par des capitaux marocains, serait maintenue au même niveau que les années précédentes, à savoir 1,6 million d'euros. Pourtant, les récentes études d'audience montrent que la radio est passée de la deuxième à la septième place. Je souhaiterais donc que l'on étudie avec attention les performances de ce média et le contrôle du bon usage des fonds publics français.
J'en viens au programme Livre et industries culturelles. L'action 01 Livre et lecture, qui recouvre 91 % des crédits du programme, vise deux objectifs : d'une part, favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture ; d'autre part, soutenir la création et la diffusion du livre. N'oublions pas que nos librairies de centre-ville doivent affronter la concurrence des commandes sur internet.
Avec 228 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 232 millions de crédits de paiement, la Bibliothèque nationale de France (BNF) est, du point de vue budgétaire, le plus important des établissements culturels.
Dans le secteur de la musique enregistrée, le CNM a dû gérer plusieurs aides exceptionnelles en raison de la pandémie, ce qui a triplé son budget de fonctionnement, qui devait être initialement de 55 millions d'euros annuels.
Le spectacle vivant a été parmi les premiers secteurs touchés par la pandémie et le dernier à reprendre son activité après la crise. Il en est résulté en 2021 un chiffre d'affaires inférieur de 80 % à celui de 2019. Il vit sa troisième année de crise, avec des entreprises endettées qui subissent non seulement l'inflation des prix de l'énergie et des matières premières, mais aussi celle des cachets des artistes, qui ont augmenté de 25 %. Par ailleurs, des tensions se font jour quant à la disponibilité des techniciens.
S'agissant de la musique enregistrée, le contexte est très différent : les plateformes de streaming ont continué à se développer et disposent de marges de progression supplémentaires pour l'avenir. Des facteurs d'inquiétude existent néanmoins du fait de phénomènes de concentration de la valeur sur certaines esthétiques musicales, notamment le rap.
Dans ce contexte, la recherche d'un nouveau financement pour le CNM est en débat. Je souhaite qu'aucune piste crédible ne soit exclue. Je pense en particulier à une taxation plus importante des ventes d'objets connectés ou à l'extension de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV). En revanche, il ne faudrait pas que la taxation des services de streaming musical, autre piste envisagée, freine l'expansion des plateformes européennes, qui jouent le jeu de la transparence.
Concernant le CNC, le secteur du cinéma continue de souffrir : les Français n'ont pas encore complètement repris le chemin des salles et la filière de la création voit ses coûts de production et d'exploitation considérablement renchéris. La baisse de la fréquentation a un impact direct sur les recettes de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA). Quant au produit de la TSV, il est en progression constante grâce aux abonnements aux plateformes de vidéo à la demande.
Néanmoins, le secteur connaît plusieurs bouleversements de ses marchés avec le succès des plateformes de vidéos à la demande étrangères. La transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad) ont permis de préserver l'exploitation des œuvres en salle et de réformer les obligations de contribution à la production pour tenir compte de l'assujettissement des plateformes étrangères aux règles de contribution. La succession des fenêtres d'exploitation semble équilibrée, même si la position des chaînes en clair, en particulier la clause d'étanchéité dont elles bénéficient, est remise en cause par certaines plateformes.
Je veillerai à ce que l'intérêt des opérateurs français soit conservé dans la chronologie des médias comme dans toute mesure de régulation du secteur, afin de défendre l'exception culturelle française à laquelle nous tenons tant. Un suivi des investissements des plateformes devra être établi, au-delà de leurs déclarations, en lien avec l'Arcom. Plus largement, je serai particulièrement attentif à l'indépendance des sociétés de production afin que les bénéficiaires des mesures de soutien public ne soient pas contrôlés par des sociétés de production extra-européennes.
Au-delà des aspects strictement budgétaires, j'ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport à un état des lieux du droit voisin des éditeurs et agences de presse. Ceux-ci ont ainsi le droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction de leurs publications par les plateformes numériques. Lesdites plateformes, notamment Google et Facebook, pratiquent une forme de prédation : elles exploitent les contenus des entreprises de presse en référençant les informations produites et en les mettant gratuitement à disposition des internautes. Si ce référencement génère du trafic sur les sites des éditeurs de presse, ce bénéfice est sans commune mesure avec les revenus publicitaires et indirects qu'en tirent les plateformes. Ces dernières années, les revenus des éditeurs ont été asséchés par le détournement des annonceurs publicitaires vers les plateformes numériques, au profit de celles-ci.
En 2019, pour mémoire, a été transposée la législation européenne relative au droit voisin. Le texte transposé étant une directive et non un règlement, il est demeuré des failles, dans lesquelles se sont engouffrées les plateformes. La nouvelle réglementation a été très mal reçue par les opérateurs non européens. Pendant pratiquement deux ans, ils ont contourné volontairement la loi. Je parle bien évidemment des Gafam, Google en tête. Ils ont mobilisé des moyens inimaginables à Bruxelles, exercé des pressions, voire brandi des menaces, les lobbys étant à la manœuvre.
Les entreprises de presse françaises font face à une opacité totale. De tels mastodontes gélatineux sont difficiles à saisir : ils s'entourent d'avocats et de juristes qui minimisent leurs chiffres et les recettes réelles dues à la presse française. Il faut savoir que, sur les dix dernières années, la presse a perdu 50 % de ses revenus publicitaires, lesquels ont été captés à 90 % par les Gafam.
Dans ces conditions, la tentation pourrait être grande de vouloir préciser la loi, mais il ressort des auditions que cela mettrait en péril les accords de rémunération obtenus après de longues négociations. Il convient de surveiller la situation de près.
J'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Nous avons à examiner les crédits des six entités de l'audiovisuel public : cinq entreprises – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, TV5 Monde – et un établissement public – l'Institut national de l'audiovisuel (INA).
Chacune de ces entités a des spécificités budgétaires, avec des missions aux périmètres très divers et des statuts qui témoignent de l'ouverture de la France à l'international par la diffusion des chaînes à l'étranger, en français et dans une vingtaine de langues. Les audiences de ces chaînes restent élevées, car elles ne cessent de se transformer pour répondre aux attentes des publics et à la concurrence des plateformes. Cependant, la création et l'information fiable et indépendante ont un coût, et le financement de l'audiovisuel public pour ces prochaines années reste un véritable sujet, qui sera au cœur du travail de notre commission.
Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022, les dirigeants de l'audiovisuel public ont salué le choix de l'affectation directe du produit d'une ressource fiscale, bien que partagée avec d'autres affectataires. Budgétairement, la réforme a conduit à placer les entités de l'audiovisuel public au même niveau que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, jusqu'alors seuls bénéficiaires, en dehors de l'État lui-même, d'une fraction du produit de la TVA. C'est une façon de garantir leur indépendance.
La réforme n'a pas encore apporté toute la prévisibilité nécessaire à la conduite des activités de l'audiovisuel public. Elle s'accompagnera, dans les prochains mois, d'une réflexion plus large sur ce qu'attendent les Français du secteur public audiovisuel, sur les missions que le législateur lui assignera et sur les moyens qui y seront associés. Nous comptons pour cela sur les travaux de nos collègues Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon, dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public.
Concernant le projet de budget pour 2023, les recettes du compte de concours financiers s'élèveraient à environ 3,8 milliards d'euros, soit une augmentation des dotations attribuées aux six entités de l'audiovisuel public de 190,4 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Sans qu'il y ait de lien direct, la hausse des dotations prévue pour 2023 correspond précisément à la baisse des crédits figurant dans la trajectoire décidée par le Gouvernement en 2018 et mise en œuvre jusqu'en 2022.
La dotation tient compte de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) à hauteur de 78,6 millions d'euros. La perception de la CAP était soumise à la TVA, afin notamment d'exonérer ses bénéficiaires du paiement de la taxe sur les salaires. Depuis la réforme, les entités de l'audiovisuel public doivent s'acquitter de cette taxe, dont le coût est estimé, pour 2023, à 42,6 millions d'euros.
Arte France, l'INA et France Médias Monde ont perdu le droit à déduction de TVA sur leurs achats, notamment de matériels et de programmes audiovisuels. En 2023, ces trois entités devraient voir leurs dépenses s'accroître de 36 millions d'euros.
Ainsi, hors compensation de ces effets fiscaux, l'augmentation de la dotation s'élèverait à 111,8 millions d'euros. Elle couvrirait principalement le financement de l'augmentation tendancielle de l'activité des entités pour les projets en cours, l'accroissement mécanique de leur masse salariale et la compensation des effets de l'inflation pour l'année 2023. À cet égard, France Télévisions et l'INA sont inquiets de l'ampleur de l'augmentation des prix, qui a d'ailleurs débuté en 2022, sans être compensée par l'État. Pour l'INA, le solde restant à financer s'établirait à 3 millions d'euros. Pour France Télévisions, il s'établirait à 30 millions d'euros, même si ce chiffre est plus incertain.
À la différence des années précédentes, les projets annuels de performances (PAP) de ces programmes ne comportent pas toujours le détail des prévisions budgétaires des entités pour 2023. Les projets d'avenants aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) devront apporter des précisions à notre commission.
Dans la partie thématique de mon rapport, je présente un état des lieux des collaborations conduites par les entités de l'audiovisuel public, d'une part, en matière de gestion et de moyens, d'autre part, dans le domaine éditorial, conformément aux priorités définies dans les COM pour les années 2020 à 2022.
Beaucoup a été fait, mais je considère que nous pouvons faire davantage. Nous ne devons pas nous contenter d'offres communes qui se juxtaposent aux offres existantes. Nous pouvons aller plus loin dans le rapprochement des réseaux France Bleu et France 3. Du point de vue éditorial, nous avons besoin d'une stratégie commune pluriannuelle et d'une gouvernance dédiée. France Télévisions propose la constitution d'une offre numérique commune à l'audiovisuel public, dotée d'une marque commune. L'INA est volontaire pour engager des coopérations sur de nouveaux usages. France Médias Monde souhaiterait mettre l'accent sur les mutualisations d'infrastructures et de technologies, qui permettent des économies et des partages de savoir-faire. Tous ont de bonnes idées ; ils devront en faire part à la mission d'information, et nous devrons en tirer les conséquences dans les prochains COM.
S'agissant des partenariats, nous devons néanmoins veiller à tenir compte des spécificités de trois des entités de l'audiovisuel public : TV5 Monde est une chaîne multilatérale ; France Médias Monde est constituée de médias internationaux diffusés dans le monde entier ; Arte France est liée statutairement et financièrement par son partenaire allemand.
Pour finir, j'ai souhaité analyser la mobilisation des entités sur le plan de la transition environnementale, plus particulièrement de la sobriété énergétique. Deux types d'actions se dégagent.
D'une part, chaque entité conduit des actions en tant qu'entreprise responsable pour limiter sa propre consommation. Depuis peu, elles formulent également des exigences dans leurs rapports avec les fournisseurs de programmes. Par exemple, la démarche Écoprod permet de calculer l'empreinte carbone de chaque émission.
D'autre part, elles accomplissent des actions de sensibilisation des Français sur leurs antennes, en lien avec leurs missions de service public. Par exemple, le dispositif Écowatt, né d'un partenariat entre France Télévisions et Réseau de transport d'électricité (RTE), permettra aux Français de connaître en temps réel l'état de la tension électrique sur le réseau, ce qui pourra les inciter à réduire leur consommation. Il ne s'agit là que de quelques initiatives ; vous en trouverez le détail dans mon rapport.
J'ai été ravie de travailler sur le sujet de l'audiovisuel public, qui assure des missions essentielles de service public. Je continuerai à m'y intéresser dans le cadre de la mission d'information, qui entamera ses travaux très prochainement.
J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du compte de concours financier Avances à l'audiovisuel public.
Le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles est en nette hausse dans le projet de loi de finances pour 2023 : il atteint 705 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 4,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2022. Pour le programme 180 Presse et médias, la hausse est de 5,8 % et s'explique en partie par la mise en œuvre de la réforme de la distribution de la presse et par l'augmentation des dotations pour l'aide à l'exemplaire posté et l'aide à l'exemplaire porté. D'autres hausses peuvent être mentionnées, notamment l'augmentation de la dotation du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale et la création d'un fonds d'accompagnement de la création radiophonique et du podcast.
Soyons francs, les difficultés de la presse écrite seront importantes l'année prochaine. Aux fragilités structurelles du secteur s'ajoute cette année l'explosion du coût du papier : il a atteint plus de 900 euros la tonne, alors qu'il était inférieur de moitié il y a un an. Évidemment, on peut juger que cette hausse ne fait qu'accélérer un déclin inexorable et le basculement vers le numérique. Toutefois, rappelons-le, le développement de la presse numérique ne s'accompagne pas toujours d'un développement équivalent des recettes publicitaires.
En responsabilité, j'ai déposé deux amendements qui se complètent.
Le premier, qui a reçu en séance le soutien du ministre de l'économie et des finances, vise à supprimer le crédit d'impôt pour un premier abonnement à un titre de presse. Créé par la deuxième loi de finances rectificative de 2020 adoptée à la suite du premier confinement, il visait à permettre au public populaire éloigné de la presse de s'abonner à un titre d'information politique et générale (IPG). Initialement budgété à 60 millions d'euros, il est évalué à 3 millions dans le projet de loi de finances pour 2023. De toute évidence, il s'agit d'une dépense fiscale qui n'atteindra pas son objectif.
Cette suppression doit avoir pour contrepartie un soutien exceptionnel à la presse écrite en 2023, sachant que le plan de relance s'achève. L'augmentation des prix des quotidiens et périodiques ne peut à elle seule absorber celle du prix du papier. Elle risquerait d'accélérer encore la décrue des ventes. C'est pourquoi je présenterai un deuxième amendement – qui recevra, je l'espère, le soutien de chacun d'entre vous – tendant à créer une aide exceptionnelle pour la presse d'IPG.
Les crédits du programme 334 Livre et industries culturelles sont en hausse d'environ 10 millions d'euros. Cette hausse aidera la BNF à faire face à l'inflation des prix de l'énergie. La BNF est implantée sur plusieurs sites. Vous connaissez tous ses magnifiques bâtiments historiques et savez que l'isolation n'était pas la préoccupation première des architectes de l'époque. La BNF devra réaliser de réels efforts d'économie.
On peut noter plusieurs financements nouveaux pour l'économie du livre : un soutien renforcé au Festival du livre, une campagne de communication pour valoriser les bibliothèques de nos territoires et, surtout, la création d'un portail national de l'édition accessible, pour rendre les livres accessibles aux personnes en situation de handicap.
J'en viens aux industries culturelles à proprement parler : le cinéma, l'audiovisuel, la musique et le jeu vidéo. Le public n'est pas entièrement revenu dans les salles et la fréquentation des salles obscures reste inférieure à 30 % de son niveau de 2019. Si les finances du CNC ne sont pas directement affectées, puisque ses dépenses au titre du compte de soutien automatique sont corrélées au montant de la taxe affectée sur la billetterie, le cinéma français doit néanmoins s'interroger, dans un contexte où l'arrivée des plates-formes constitue à la fois un risque pour les acteurs nationaux – on peut, par exemple, penser à l'investissement sur le marché publicitaire ou à la modification de la chronologie des médias – mais aussi une opportunité du fait de nouveaux investissements.
Le financement du Centre national de la musique est aujourd'hui au cœur des débats. Si cet organisme bénéficie d'une dotation de 27,8 millions d'euros dans le PLF2023, on sait que les organismes de gestion collective (OGC) ne pourront pas assurer les financements escomptés. De plus, les recettes de la taxe sur les spectacles de variétés resteront en dessous des montants de 2019. Comme l'a exprimé publiquement le président du CNM, il faut aujourd'hui 50 millions d'euros pour permettre au Centre de jouer pleinement son rôle d'accompagnement de la filière et de promotion de la diversité au titre de ses aides sélectives. On ne sait pas si le compte y sera en 2023, avec le reliquat des aides du plan de relance mais, de toute évidence, il faudra réfléchir à un nouveau financement pour l'avenir. Je salue ainsi la nomination par la ministre du sénateur Julien Bargeton en qualité de parlementaire en mission pour réfléchir aux pistes de financement du centre.
Pour la première fois depuis 2018, les crédits affectés à l'audiovisuel public sont en hausse significative, avec 111,9 millions d'euros de hausse nette de l'enveloppe budgétaire affectée aux sociétés de ce secteur, après neutralisation des effets fiscaux que votre rapporteure Fabienne Colboc a très bien exposés. Cette forte hausse fait toutefois suite à un plan d'économies assez conséquent de 190 millions d'euros entre les années 2018 et 2022.
Les niveaux variables d'évolution des dotations affectées aux différents opérateurs de l'audiovisuel public – les cinq sociétés d'audiovisuel public et l'INA – dépendent à la fois du poids de l'inflation pour chacun des opérateurs, de la prise en compte de certaines dépenses déjà engagées par ces derniers et des partenariats internationaux.
Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que tous les acteurs de l'audiovisuel public ont été équitablement traités dans l'augmentation de leurs dotations respectives ? Quelles assurances pouvons-nous avoir que les résultats financiers équilibrés obtenus ces dernières années par les opérateurs se maintiendront en 2023 ? Enfin, le niveau d'ambition dont témoignent les contrats d'objectifs et de moyens se retrouvera-t-il dans les avenants à ces contrats qui seront prochainement présentés à la représentation nationale ?
Lors des rencontres nationales de la librairie, à Marseille, le 1er juillet 2019, le ministre de la culture, Franck Riester, déclarait aux libraires : « Vous devez faire face à une concurrence vigoureuse, une concurrence qui ne partage pas toujours vos valeurs, qui ne joue pas toujours selon les mêmes règles ni sur le même terrain, et qui vous nuit néanmoins. » Depuis vingt ans, le nombre de nouveautés a progressé de 80 %, alors que, dans le même temps, le chiffre d'affaires du secteur du livre n'augmentait que de 6 %, en euros constants.
Nous sommes tous ici d'accord pour défendre le livre. Lire, même si c'est devenu rare, permet de construire une réflexion et une pensée, de nourrir des idées, d'apprendre, de transmettre ou de débattre, et permet d'être un citoyen critique et éveillé. « Les femmes qui lisent sont dangereuses », a écrit une écrivaine. Continuons d'être dangereuses, mesdames !
Le livre fait face, depuis deux décennies, à une mutation d'ampleur : le numérique. Comment expliquer que la présentation stratégique de la mission affirme la volonté de développer la création littéraire et de promouvoir la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture, alors même que le programme 334 Livre et industries culturelles voit le montant de ses autorisations d'engagement baisser de près de 5 %, cette baisse étant même de 6 % pour l'action Livre et lecture entre 2022 et 2023 ? Dans le même temps, le programme 180 Presse et médias est augmenté de 6 %, et même de 10 % pour le programme Aide à la presse. Qu'est-ce qui justifie ces diminutions et ces augmentations, à l'heure où la presse, de manière générale, ne devrait plus dépendre aussi largement des financements publics, mais vivre de ses lecteurs, tandis que le livre, qui fait face à un défi historique, voit ses crédits fortement diminuer ?
Les députés du groupe Rassemblement national ne peuvent donc accepter la mission Médias, livre et industries culturelles en l'état. Nous attendons toutefois de voir où mèneront les discussions en commission.
Quant au compte de concours financiers Avance à l'audiovisuel public, j'ai déjà dit en séance publique qu'une grande démocratie comme la nôtre n'avait plus besoin d'un tel service public. Les députés du groupe RN voteront donc contre ces crédits.
Dans la mission Médias, livre et industries culturelles et le compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, le Gouvernement met en avant une augmentation de 4,4 % du budget global. Il ne s'agit, bien sûr, pas d'un cadeau : compte tenu de l'inflation, les budgets seront, en réalité, en baisse. Cependant, les réductions ne concernent pas tout le monde. Ainsi, les aides à la presse bénéficient d'une hausse de 9,66 % : voilà de l'argent public non conditionné, qui finance en priorité les médias détenus par sept milliardaires qui sont tout simplement des industriels en quête d'influence, et certainement pas des bienfaiteurs de la démocratie, tandis que, de l'autre côté de l'échiquier, des médias indépendants et de proximité doivent se partager les miettes.
La diffusion d'informations, de culture et d'éducation ne doit pas être un instrument de profit commercial entre les mains de groupes audiovisuels dirigés par des hommes situés au sommet de la hiérarchie sociale, qui ont tout intérêt à influencer les orientations politiques et économiques du pays. Les récentes crises sociales, sanitaires et internationales nous rappellent que les affrontements politiques s'accompagnent toujours d'une bataille de l'info et de l'intox. C'est votre rôle que de garantir l'autonomie des rédactions, en éloignant de nos médias les puissances de l'argent afin d'assurer la crédibilité, la liberté, l'indépendance et la pluralité de l'information.
Pour jouer ce rôle, nous avions l'audiovisuel public, mais le changement de financement met en péril la garantie d'une information démocratique. Il suffira qu'un média apparaisse comme trop politisé pour que ses financements soient mis en danger, a fortiori lorsque le Gouvernement recourt aisément à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. L'autocensure risque de devenir un réflexe pour les programmateurs et les journalistes du service public, ce qui pose la question du rôle et de la liberté de l'audiovisuel public qui, en échappant aux logiques commerciales et à la satisfaction d'intérêts capitalistes, garantit la liberté, l'indépendance médiatique et donc la bonne marche de notre démocratie.
Le rayonnement d'un pays et d'une démocratie se mesure aussi à sa création culturelle, littéraire, musicale ou artistique, à ses acteurs audiovisuels, ses chaînes de télévision et ses radios, à l'existence d'une presse libre, indépendante et pluraliste : d'où l'importance des budgets que nous examinons ce soir. Ils prévoient, pour la mission Médias, livre et industries culturelles, 700 millions d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,4 %, avec des progressions de 6 % pour le programme Presse et médias et de 3 % pour le programme Livre et industries culturelles. Quant aux avances à l'audiovisuel public, elles représentent environ 3,815 milliards d'euros, après une baisse de 160 millions d'euros de la contribution à l'audiovisuel public depuis 2018, puis la suppression de cette contribution en juillet dernier.
La hausse a donc essentiellement pour objet de compenser les effets fiscaux induits, à savoir l'assujettissement à la taxe sur les salaires et la suppression de la déduction de la TVA pour Arte, l'INA et France Médias Monde : la hausse nette de 112 millions d'euros servira donc essentiellement à compenser les effets de l'inflation et le glissement de la masse salariale.
C'est une gageure que d'évoquer tant de sujets en moins de deux minutes. Ce sont d'abord France Télévisions, Radio France, Arte et France Médias Monde et un établissement public comme l'INA, véritable média patrimonial audiovisuel et acteur de la formation professionnelle avec son école, ainsi que TV5 Monde. C'est aussi l'AFP, dont les moyens ont été stabilisés à 135 millions d'euros, conformément au COM. Ce sont également les aides à la presse, indispensables, en augmentation de près de 9 %, dans le contexte de la réforme de la diffusion. Ce sont encore le soutien à France Messagerie, conforme au protocole validé par le tribunal de commerce, et l'augmentation destinée aux radios – car il n'existe plus de radio éligible qui émette en FM et en DAB +. Il faudrait, en outre, évoquer l'augmentation du soutien à la BNF, le portail de lecture accessible et l'augmentation des moyens du CNM et du CNL de 1 million d'euros en crédits de paiement.
Pour toutes ces raisons, compte tenu de l'importance de ces missions pour une politique culturelle digne de ce nom dans un paysage en proie à de profondes mutations, et compte tenu également de la nécessité de donner des moyens garantis et de la visibilité aux acteurs de l'audiovisuel public, au moins jusqu'en 2025, je voterai pour ces crédits.
L'audiovisuel public est aujourd'hui plus fort que jamais. France Télévisions et Radio France sont réaffirmées comme des acteurs incontournables, Arte est reconnue comme une figure d'information et d'instruction de qualité, France Médias Monde et TV5 Monde participent au rayonnement de la France. Si ces acteurs ont pu confirmer leur importance, c'est d'abord par l'engagement de leurs équipes et de leurs dirigeants. C'est, ensuite, par le soutien du Gouvernement, encore renforcé par le plan de relance, France 2030 et le budget pour 2023. C'est, enfin, grâce à une définition commune à l'État et à ses entités des priorités stratégiques dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens. Alors que ceux des années 2020 à 2022 ont été reconduits pour 2023, quelles sont les priorités nouvelles que le Gouvernement entend mettre au cœur des COM suivants ?
Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles sont en hausse de 4,4 % pour 2023. C'est une bonne chose pour ce secteur, qui souffre encore des conséquences de la crise de la covid-19 et pour qui le contexte inflationniste et la crise énergétique annoncent des surcoûts importants. Le CNM, en particulier, subit de fortes contraintes sur une partie de ses ressources, notamment celles provenant de la taxe sur les billetteries de spectacle. La trajectoire de renforcement de sa subvention doit être poursuivie, et nous appelons de nos vœux une grande concertation sur le financement de ce dernier, auquel devraient contribuer tous les acteurs concernés, comme les plateformes de streaming.
La hausse des avances à l'audiovisuel public est aussi bienvenue. Toutefois, elle ne comblera pas la forte baisse qu'ont connue les sociétés de ce secteur depuis 2017. Elle ne suffira pas non plus à combler les coûts induits par le contexte inflationniste et la crise énergétique. Pour la seule France Télévisions, cela représenterait en effet au minimum 65 millions d'euros. Cette mesure ne prévoit pas non plus de compenser les conséquences de la récente réforme impréparée du financement de l'audiovisuel public, marquée par la suppression de la redevance, qui a impliqué des coûts supplémentaires pour les sociétés, comme la taxe sur les salaires à laquelle elles sont désormais assujetties.
Madame la ministre, aviez-vous réellement anticipé cette aggravation de charges au moment de la réforme, que vous avez engagée en toute hâte et sans aucune étude d'impact ? Comment comptez-vous supporter ce coût ?
En outre, les évolutions budgétaires sont disparates. Alors que France Télévisions augmente de moins de 1 %, toutes les autres sociétés augmentent davantage, pour atteindre près de 10 % pour certaines. Comment expliquez-vous ces disparités et êtes-vous prête à revenir sur cette réforme hâtive qui met en péril l'audiovisuel public ?
Les députés du groupe Horizons et apparentés saluent un budget ambitieux, qui choisit d'augmenter en priorité ses aides à deux secteurs confrontés à de nombreux défis : la presse et l'audiovisuel public. Ce soutien renforcé sera essentiel pour permettre à nos médias nationaux ou locaux de surmonter la crise de l'information, qui est à la fois une crise de confiance et une crise des modèles économiques. Il sera également indispensable pour permettre à notre audiovisuel public de rester attractif et souverain, et de continuer à soutenir la création française face à la concurrence des géants du numérique étranger.
Je me réjouis des 3 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'expression radiophonique locale et de l'aide particulière apportée aux quotidiens à faibles ressources publicitaires. Élu d'un territoire rural, je peux témoigner combien ces supports contribuent à la diversité, au pluralisme et à la confiance dans les médias de proximité. Ils sont des piliers essentiels des médias, particulièrement appréciés dans nos régions.
Enfin, je salue les efforts toujours aussi importants consentis en faveur de la lecture. Cette politique culturelle chère au groupe Horizons et à notre président Édouard Philippe, bénéficiera en 2023 d'une augmentation de 8 millions d'euros des crédits de paiement de la BNF. Surtout, l'année 2023 sera marquée par la création d'un portail national de la lecture accessible, qui permettra à 12 millions de personnes en situation de handicap d'accéder à des livres adaptés.
Dans l'ensemble, le budget de cette mission permet donc à de nombreux acteurs des médias, du livre et de l'audiovisuel de faire face aux défis actuels. Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront ces crédits.
Je conclurai en rappelant que le cinéma, déjà évoqué par mes collègues, rencontre d'importantes difficultés, et en espérant que vous répondrez à l'inquiétude des acteurs de ce secteur.
Madame la ministre, je vous ai alertée, dans ma précédente intervention, sur les difficultés que rencontrent les municipalités, et vous m'avez répondu, sous une forme qui s'apparentait à une attaque, qu'à Strasbourg, ville Écolo, le danger était réel. C'est vrai, et il faut discuter avec les maires pour s'efforcer de les convaincre, mais la plupart d'entre eux, s'ils sont tout à fait convaincus, ont du mal à agir en raison de la réalité budgétaire. Nous devons être solidaires en la matière, mais le Gouvernement n'a pas répondu à cette question majeure, alors que le danger particulier qui guette la culture est bien connu.
La mission Médias, livre et industries culturelles est un peu le parent pauvre de ce budget, avec une augmentation plus faible. Nous sommes inquiets pour les petits éditeurs et les labels de petite taille du livre et du vinyle. Les petites structures, qui contribuent beaucoup au rayonnement culturel français, sont en difficulté et il faut les aider davantage, car elles subissent de plein fouet la crise des matières premières et leurs moyens ne peuvent pas suivre ceux des structures majeures de leur secteur, d'où un déséquilibre. La musique est, comme le cinéma, en proie aux appétits des géants du streaming, ce qui crée des difficultés importantes.
Par ailleurs, je regrette que le recours par le Gouvernement à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ne nous ait pas permis de défendre plusieurs amendements que nous avions déposés au titre de la première partie du PLF en vue de renforcer les moyens du CNC et du CNM par le biais de deux taxes affectées. J'espère au moins que nous pourrons aller au bout de l'examen des crédits en dépenses.
Seules les aides à la presse augmentent au niveau de l'inflation. C'est insuffisant, au moment où la concentration des médias atteints des sommets. Ces aides devraient être plus abondantes et mieux ciblées pour sauvegarder la diversité médiatique et culturelle.
Quant à l'audiovisuel public, la pérennité de ses financements après 2025 est toujours dans le flou, les augmentations ne compensant pas totalement les effets de l'inflation, surtout après plusieurs années de forte baisse. Plus que jamais, donc, nous attendons les COM que vous avez annoncés et des solutions pérennes de financement qui garantiraient l'indépendance de ce secteur, ainsi que des mesures fortes pour renforcer les seuils antitrust ou la palette de sanctions contre les tentatives d'injonctions de la part de certains patrons de presse dans les rédactions.
L'existence d'un grand groupe de service public de l'audiovisuel est un pilier essentiel d'une vraie démocratie. Face à l'arrivée des nouveaux acteurs privés, en particulier des géants du streaming, il est crucial d'octroyer à l'audiovisuel public les moyens d'être une alternative réelle en relevant les défis technologiques et en soutenant la création audiovisuelle et cinématographique.
Vous avez déjà porté, cet été, un coup d'une extrême gravité à l'audiovisuel public en substituant au financement par la redevance une fiscalité qui ne garantit nullement son indépendance, en particulier à compter du 31 décembre 2024, date à laquelle, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, nous ne serons plus en mesure d'affecter à son financement une part de TVA.
Ce n'est malheureusement pas le premier coup de boutoir que France Télévisions ou Radio France ont eu à subir ces dernières années. Je souscris, à cet égard, au diagnostic posé par Delphine Ernotte, pour qui le groupe France Télévisions est en plan social depuis dix ans, avec un sous-financement chronique dont nous devons la paternité à Nicolas Sarkozy, les promesses de l'État ne compensant que le temps que durent les roses la perte des recettes publicitaires, qui a privé le service public de 450 millions d'euros. Loin d'interrompre cette tendance, le premier quinquennat du président Macron fut une terrible cure d'austérité, que la stabilisation proposée aujourd'hui ne compense nullement.
La société du savoir, de l'information et de l'intelligence dont on nous a rebattu les oreilles ne se fera pas en livrant nos écrans à l'appétit dévorant des Gafam et des géants du streaming. Elle dépendra aussi, comme pour nos voisins allemands et britanniques, de notre capacité à donner aux outils remarquables qui sont encore entre nos mains les moyens de répondre à la promesse républicaine : informer, cultiver et divertir. C'est donc d'un tout autre budget que nous avons besoin.
Si mon groupe salue l'augmentation des crédits destinés à nos médias et industries culturelles, l'extinction des aides exceptionnelles au Centre national de la musique, alors même que son niveau de ressources non budgétaires est très inférieur aux attentes, nous interroge. De nouvelles sources de financement pérennes doivent être trouvées pour que le CNM remplisse parfaitement ses missions. Notre groupe est d'ailleurs favorable à la création d'une taxe de 1,5 % sur le streaming musical. Pourquoi ne pas proposer de nouvelles pistes dès aujourd'hui ?
Par ailleurs, des inégalités territoriales subsistent en matière d'accès aux bibliothèques. Cela reste un sujet d'actualité, et les territoires encore dépourvus de tels équipements doivent être notre priorité.
Enfin, une inquiétude demeure à propos du livre. La hausse des coûts de transport et des matières premières met notamment en péril la continuité territoriale avec les territoires ultramarins.
Je ne peux passer sous silence l'incertitude qui frappe l'audiovisuel public. Notre groupe déplore ainsi la suppression de la redevance audiovisuelle, réforme qui aurait dû faire l'objet d'un débat spécifique et approfondi autour d'un texte consacré à cette question et porteur d'une vision ambitieuse pour notre audiovisuel. Qu'adviendra-t-il après 2024 ? L'affectation d'une part de la TVA n'est pas une solution satisfaisante. Nous devons impérativement réfléchir à de nouvelles formes de financement qui assurent l'indépendance de l'audiovisuel public et sa stabilité, ainsi que la transparence et la pérennité de ses ressources.
Pour l'heure, et en attendant peut-être des amendements pertinents, ce budget scelle pour nous une incertitude et confirme la politique de réduction des effectifs menée depuis quelques années. Nous le regrettons.
L'État continue à soutenir les acteurs culturels, comme il a su le faire pendant la crise, et je salue l'augmentation historique de 4,4 % dont bénéficient les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles.
Tout d'abord, nous sommes très attentifs au soutien apporté à la presse et à l'accès à une information plurielle, fiable et indépendante. Ensuite, pour ce qui concerne le livre et la lecture, l'année 2023 sera principalement marquée par la reconquête des publics par les bibliothèques. Nous nous en réjouissons. Enfin, dans le secteur des industries culturelles et créatives, en particulier celui de la musique enregistrée, 2023 sera une étape décisive dans la transition du Centre national de la musique. Nous voulons qu'elle soit aussi une année de rebond pour toutes les petites structures fragilisées par la crise.
Quant au compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, après la suppression de la CAP, ou contribution à l'audiovisuel public, ses recettes seront désormais alimentées par une affectation de TVA correspondant au niveau de dépenses prévu par la trajectoire financière de l'audiovisuel public. Je saisis cette occasion pour souligner le remarquable travail effectué par notre rapporteure Fabienne Colboc.
Ce budget est ambitieux pour notre audiovisuel public, nos industries culturelles et notre politique en faveur du livre. Cette année, en particulier, l'enjeu de la souveraineté est majeur. Pour reprendre les mots de notre ministre, continuons de rêver de voir plus de personnages français dans les jeux vidéo, plus de films et de séries français sur Netflix, une plateforme multilingue d'Arte diffusée dans toute l'Europe et une visite du Louvre ou du Mont-Saint-Michel dans le métavers depuis Tokyo, Beyrouth ou Lima !
En 2023, ces objectifs et ces engagements prendront corps grâce à un budget du ministère de la culture historiquement haut. Le groupe Renaissance votera donc les crédits accordés à la mission Médias, livre et industries culturelles et au compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public.
Une bonne note, tout d'abord : Céline Calvez, Emmanuel Pellerin et moi-même étions lundi au salon professionnel du Mipcom, le marché international des contenus audiovisuels organisé par l'entreprise RX France. Malgré les inquiétudes qui s'expriment, dans nos territoires comme à Paris, à propos des salles de cinéma, tous les acteurs du secteur, qu'il s'agisse des producteurs, des distributeurs ou des diffuseurs, sont très optimistes quant à l'avenir des contenus français, notamment des séries. Ce secteur est en pleine effervescence et ce soft power est essentiel. Toutes les actions engagées au titre de France 2030 en termes de formation, particulièrement pour les studios, l'ont été au bon moment et suscitent beaucoup d'optimisme. Félicitations !
Ensuite, une question : les contrats d'objectifs et de moyens, sur lesquels reposent les crédits que nous votons, sont-ils un outil performant ? Quand notre commission connaîtra-t-elle l'avenant qui prolonge d'une année les contrats actuels ? Enfin, réfléchissez-vous à une extension de la durée de ces COM, qui pourrait par exemple porter cette durée à cinq ans ?
Les salles de cinéma et les plateformes telles que Netflix ou Amazon Prime se font souvent les relais d'un soft power qui vise à valoriser certains pays anglo-saxons par le biais de contenus audiovisuels. J'en veux pour exemple la multitude de films et de séries qui célèbrent l'histoire et les héros des États-Unis ou du Royaume-Uni.
Le cinéma français reçoit chaque année, y compris dans le projet de budget pour 2023, environ 800 millions d'euros de dépenses publiques ou de crédits d'impôt, sans compter les nombreuses aides en provenance de France Relance et France 2030, du programme Médias ou d'autres acteurs publics. Or nos impôts subventionnent des programmes qui se résument trop souvent à des fictions, voire à des contenus imprégnés d'idéologie de repentance. Pourtant, les épisodes glorieux de notre histoire ne manquent pas, de Jeanne d'Arc à la France libre, en passant par les épopées napoléoniennes, le siècle des Lumières ou les réussites scientifiques et techniques nationales, par exemple. Dans la guerre d'image et d'influence qu'implique la mondialisation, pourquoi ne pas nous défendre – par exemple en conditionnant une enveloppe d'aide publique à la création de contenus audiovisuels participant au rayonnement de la France, notamment par la promotion de notre histoire ?
Madame la ministre, vous avez supprimé la contribution à l'audiovisuel public en la remplaçant par une fraction de la TVA pour 2023-2024. Avec le ministre des finances, M. Le Maire, et les députés qui soutiennent Emmanuel Macron, vous avez refusé – à l'image de la position des États-Unis de Donald Trump – d'adosser cette contribution à un renforcement de 3 % à 15 % du taux de l'impôt sur les Gafam, ces géants du numérique qui concurrencent si fortement notre audiovisuel alors qu'ils pourraient contribuer à lui donner les moyens d'accomplir ses missions.
Le Gouvernement compte-t-il pérenniser au-delà de 2024 ce financement de l'audiovisuel public par l'affectation d'une part de TVA déterminée à chaque loi de finances, comme c'est le cas pour la taxe d'habitation ?
En tant que présidente, sous la dernière législature, du groupe d'études sur le livre et l'économie du livre et du papier, je souligne l'effort budgétaire particulier consacré à la lecture, avec une hausse de 1,55 million d'euros. Consacrée grande cause nationale en 2021, la lecture mérite toute notre attention, au vu des bénéfices, qui ne sont plus à démontrer, liés à sa pratique. Elle est évidemment un levier très puissant de renforcement de l'égalité des chances. Je suis sensible à toutes les actions qui permettront de maintenir un réseau de librairies, de bibliothèques et de maisons d'édition, de soutenir les manifestations littéraires et de déployer des quarts d'heure de lecture dans les écoles et les entreprises partantes.
Une réflexion est en cours au ministère à propos du crédit d'impôt pour un premier abonnement de presse, et un récent amendement a posé la question de son rendement. Ce crédit d'impôt constitue toutefois une incitation à la lecture, et à la lecture de la presse. Nous serons donc attentifs aux conclusions de ce travail.
Madame la ministre, vous défendez un budget essentiel pour la vie de la nation et pour sa cohésion. Je me réjouis qu'il soit en hausse, qu'il favorise le soutien à la création, aux structures et aux artistes, et qu'il prépare l'avenir.
En ce moment, en Vendée, à la Roche-sur-Yon, se déroule le Festival international du film : près de 110 films sont proposés en une semaine et plus de 20 000 festivaliers et cinéphiles profitent de premières internationales et françaises, ainsi que de projections d'hommages. C'est le symbole d'un cinéma vivant, qui attire et qui sait s'adapter. C'est un peu de sourire dans un temps de difficultés où, à l'échelle nationale, près de 30 % des spectateurs ne sont pas revenus dans les salles et où la profession sonne l'alarme.
Quels sont les réponses budgétaires et l'accompagnement proposés par votre ministère à ce titre ? Quelles priorités fixez-vous au CNC, avec une enveloppe qui augmente ? Enfin, souhaitez-vous faire à nouveau évoluer la chronologie des médias ?
Monsieur le rapporteur pour avis Ballard, merci de saluer le résultat des efforts conjoints que nous avons réalisés avec nos voisins dans le cadre de l'Union européenne. En effet, la directive relative aux droits voisins, d'une portée historique, a été défendue par la France et, grâce à la décision de l'Autorité de la concurrence et à la sanction qui a obligé Google à négocier, nous avons pu – assez rapidement, somme toute, car nous partions de très loin – avancer dans les négociations entre Google et les éditeurs de presse au titre des droits voisins. Il faut sans doute encore aller plus loin, mais l'évolution obtenue est vraiment historique.
Sans reprendre les chiffres que vous avez cités, je me contenterai de mentionner le plan de soutien à la filière presse assez ambitieux déployé dans le cadre du plan de relance, pour un montant de 377 millions d'euros, dont nous retirons aujourd'hui encore des fruits en matière de transition écologique comme de transition numérique. Nous avons accompagné toutes les mutations de cette filière, indispensable pour l'accès à l'information, le pluralisme et la survie de nos démocraties.
Madame la rapporteure pour avis Fabienne Colboc, je vous remercie de ce rapport très précis et très complet. Vous avez évoqué les spécificités de chaque entreprise de l'audiovisuel public et plusieurs questions ont été posées sur la répartition des augmentations dans le total atteint 114 millions d'euros. France Télévisions bénéficiera ainsi d'une augmentation de plus de 23,7 millions d'euros, Arte France de 24,8 millions, avec une prolongation de deux ans du contrat d'objectifs et de moyens pour en aligner le calendrier avec celui de l'Allemagne. L'augmentation sera de 34,6 millions d'euros pour Radio France, de 25,2 millions d'euros pour France Médias Monde, de 3,9 millions d'euros pour l'INA et de 2,2 millions d'euros pour TV5 Monde. Ces montants ont été déterminés par l'État sur la base de projections produites par les entreprises et discutées avec ces dernières.
Merci d'avoir rappelé les missions de service public qui doivent guider ces contrats d'objectifs et de moyens pour les années qui viennent. Ce qui fait, en effet, la différence du service public, ce sont ces programmes d'information approfondis, ces documentaires et enquêtes, la vérification constante de l'information, les programmes destinés à la jeunesse, la place faite au sport, en particulier au sport féminin et à tous les sports dans toute leur diversité. Ce sont aussi des programmes éducatifs sans équivalent et la place de l'outre-mer, avec le pacte pour la visibilité. Je pourrais en dire encore beaucoup plus, mais vous avez très bien résumé toutes ces missions.
Monsieur le rapporteur spécial Masséglia, la réforme de la distribution de la presse occupe principalement notre budget pour 2023, car elle résulte d'une large concertation et d'un rapport de M. Giannesini qui a fait consensus dans la filière. Nous sommes au rendez-vous de cette réforme.
Merci d'avoir cité la BNF, dont le bâtiment est bien l'une des passoires thermiques que j'évoquais tout à l'heure.
Quant au financement du CNM, j'ai déjà répondu.
La question du coût du papier pour la presse relève davantage du ministre de l'économie, avec lequel vous avez déjà eu l'occasion d'échanger.
Par ailleurs, ces entreprises bénéficient de dispositifs transversaux, en réponse à l'augmentation de leur facture de gaz et d'électricité. Tous les éditeurs de presse peuvent avoir accès aux prêts spécifiques instaurés au titre du bouclier tarifaire, et je n'y reviens donc pas.
Madame la rapporteure spéciale Le Grip, pour ce qui est de la répartition des crédits entre les entreprises, j'ai déjà répondu, mais on pourra vous donner ultérieurement de plus amples détails si vous le souhaitez.
Les avenants aux COM seront prêts probablement d'ici à trois semaines, et ils procéderont à des ajustements marginaux. Je souhaite que les futurs COM soient conclus pour une durée de cinq ans, de manière à donner une meilleure visibilité aux opérateurs, et que nous travaillions durant la période d'un an ouverte par l'avenant sur leurs grands objectifs et missions. J'ai d'ailleurs invité un grand nombre d'entre vous à échanger avec moi sur le sujet. Nous continuerons à discuter ensemble de la trajectoire du financement de l'audiovisuel public dans les prochaines années.
Madame Parmentier, la baisse des autorisations d'engagement pour le livre s'explique tout simplement par la fin des travaux sur le site Richelieu de la BNF. Ça y est, nous sommes arrivés au bout de ce chantier colossal qui a duré dix ans ! La BNF Richelieu a ouvert au public, elle est magnifique. Pour le reste, les crédits pour le livre augmentent, de même que ceux pour la presse et les médias, tout simplement parce que nous croyons au pluralisme de la presse, tout comme nous croyons au rôle des radios associatives locales et à la nécessité que chacun puisse accéder à la presse au plus près de chez lui, partout sur le territoire – d'où la réforme du transport.
Quant à la nécessité de disposer d'un audiovisuel public, je répondrai brièvement, sinon nous serons encore là à 2 heures du matin ! Je pense qu'il y a un consensus dans cette salle sur la nécessité de financer de telles missions. Par exemple, vous qui êtes si attentive à la production française, vous savez très bien que les chaînes privées diffusent en majorité des fictions qui ne sont pas françaises – de l'ordre de 80 % à 90 % de fiction non européennes pour M6. Grâce à France Télévisions, ce sont 500 millions d'euros qui sont injectés dans la production de films et de séries françaises et européennes ; Arte est elle aussi très active dans ce domaine. Sur France Télévisions, la fiction est à 90 % française ou européenne. Voilà un exemple parmi d'autres de la nécessité d'avoir un audiovisuel public.
S'agissant des concentrations dans la presse, il faut prendre un peu de recul sur le plan historique. Il y a quarante ans, c'était pire, puisque le groupe Hersant contrôlait à lui tout seul 40 % des titres de presse. Aujourd'hui, les dix plus gros éditeurs ne représentent que 30 % des tirages. Ce qui s'est passé en réalité, c'est une diversification de la filière et une moindre concentration. Cela ne signifie pas que nous ne soyons pas attentifs aux risques de concentration. Notre rôle, au ministère de la culture, est précisément de soutenir le pluralisme et l'indépendance des médias, la diversité éditoriale, la diversité des formes de structure, l'émergence de médias indépendants. Il existe, par exemple, depuis quelques années un fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité, un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, des aides au pluralisme renforcées pour les titres ultramarins, etc. La bataille de l'information est un sujet important, et vous avez raison d'insister sur ce point, madame Amiot.
Pour ce qui concerne le cinéma, je pense avoir largement abordé le sujet tout à l'heure mais je pourrai y revenir au besoin.
Merci d'avoir salué le travail des équipes de l'audiovisuel public et d'avoir parlé de l'INA. Nous avons besoin aussi de nous replonger dans l'histoire et d'avoir à notre disposition ce média patrimonial, acteur de la formation, toujours prêt à nous confronter au passé grâce à ses archives.
Le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales, j'y tiens moi aussi beaucoup, madame Taillé-Polian. Néanmoins, notre rôle n'est pas de nous substituer aux collectivités pour soutenir les musées et les théâtres municipaux, ou tout autre lieu géré directement par elles. La libre administration des collectivités territoriales est un principe fondamental et il s'agit de leurs équipes et de leurs agents. Notre présence s'affirme plutôt à travers les labels et les structures subventionnées, comme, dans le domaine du spectacle vivant, les scènes nationales, les centres chorégraphiques nationaux, les centres dramatiques nationaux ou les scènes de musiques actuelles (Smac). Toutes ces structures sont soutenues par l'État et par les collectivités territoriales dans le cadre de conventions de partenariat. Nous en discutons en amont et quand certaines collectivités décident de retirer des crédits, comme c'est le cas de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui me préoccupe beaucoup en ce moment, nous examinons comment faire pour remédier à la situation. Nous avons ainsi apporté une aide exceptionnelle à la Villa Gillet, à Lyon, qui est un lieu indispensable pour la diffusion de la littérature un peu partout dans la région. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons réduit les subventions d'aucune structure, bien au contraire, nous les augmentons en cas de difficulté liée au retrait des collectivités. Mais, je le répète, nous ne pouvons pas nous substituer à celles-ci pour soutenir les équipements qui sont en régie directe.
Vous avez été plusieurs à parler des géants du streaming et de l'hégémonie de ces plateformes américaines que sont Netflix, Amazon, Disney + et, bientôt, HBO. Cela me donne l'occasion d'évoquer un combat européen, celui qui a abouti à la directive « Services de médias audiovisuels ». Nous avons été l'un des premiers à la transposer, et nous l'avons fait de manière ambitieuse puisque le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad) prévoit qu'au moins 20 % du chiffre d'affaires réalisé en France par les plateformes doit être investi dans la production française et européenne. Cela permettra qu'un plus grand nombre de séries et de films français soient proposés par ces plateformes, qui sont de plus en plus regardées par nos concitoyens et dans le monde entier. Quand une série comme Lupin rencontre le succès dans le monde entier, quand Dix pour cent, série produite par France Télévisions, est traduite et diffusée partout dans le monde, c'est aussi l'image de la France, celle des scénaristes français, celle des histoires françaises qui sont valorisées. Je discutais récemment avec le ministre espagnol de la culture : la transposition de la directive européenne par l'Espagne est bien moins ambitieuse, puisque ce n'est que 3,5 % du chiffre d'affaires des plateformes qui doit être investi dans la production espagnole.
Nous avons ouvert, le 4 octobre, un cycle de négociations sur la chronologie des médias. Elle avait déjà changé en janvier pour une période de trois ans, mais l'accélération de la transformation du paysage audiovisuel, le développement des plateformes et la décision de certaines d'entre elles, comme Disney + de ne pas sortir certains films en salles, nous amènent à reprendre les discussions et à examiner comment on pourrait faire évoluer cette chronologie plus rapidement que prévu, tout en préservant la fenêtre des salles de cinéma. Notre pays dispose d'un tissu très dense sur son territoire, le deuxième au monde, avec un écran pour 10 000 habitants. Nous devons protéger ce qui est à la fois une richesse économique et une source de vie dans les territoires.
Enfin, merci à tous d'avoir parlé de la lecture. Il ne nous reste plus qu'à rêver de culture cette nuit !
Mes chers collègues, nous nous retrouverons demain pour examiner les amendements relatifs aux missions Culture, Médias, livre et industries culturelles, ainsi qu'au compte spécial Avances à l'audiovisuel public.
La séance est levée à zéro heure trente.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, Mme Béatrice Descamps, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, Mme Anne-Sophie Frigout, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, Mme Christine Loir, M. Alexandre Loubet, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Jérémie Patrier-Leitus, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Angélique Ranc, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian
Excusés. - Mme Aurore Bergé, M. André Chassaigne, M. Frantz Gumbs, M. Julien Odoul, M. Boris Vallaud
Assistaient également à la réunion. - M. Victor Habert-Dassault, Mme Constance Le Grip, M. Denis Masséglia