La réunion commence à onze heures trente.
La commission spéciale auditionne, lors d'une table ronde sur l'accompagnement des personnes en fin de vie, Mmes Agnès Bourdon-Busin, membre du bureau et administratrice, et Stéphanie Pierre, chargée de mission Santé publique de France Assos Santé, Mme Elsa Walter, auteure de l'ouvrage à vous je peux le dire, MM. Jacques de Beauval, président, et Matthieu Lantier, délégué général de l'association Être-là, et M. Olivier de Margerie, président de l'association Jusqu'à la mort accompagner la vie.
Nous abordons la thématique de l'accompagnement des personnes en fin de vie. Je remercie chaleureusement les participants à cette table ronde d'avoir accepté l'invitation de la commission spéciale.
Je souhaite saluer la qualité des travaux préparatoires qui ont abouti, avec ce projet de loi, à un diagnostic assez juste sur cette problématique du « mal mourir », envisagée pour la première fois dans tous ses aspects.
Le premier volet du projet de loi donne l'espoir que les fins de vie puissent mieux se dérouler à l'avenir. Il témoigne de la volonté d'anticiper les situations de fin de vie, à la fois pour recueillir les informations essentielles et mieux respecter l'expression des volontés. À l'heure actuelle, les malades déplorent des difficultés de communication avec les équipes soignantes. L'obligation d'information sur le pronostic vital par le médecin existe dans la législation en vigueur, mais elle lui laisse une grande marge d'appréciation en fonction de la personnalité du patient. Si retenir des informations peut être nécessaire, cette nécessité est parfois avancée pour ne pas tout dire au patient, sans que lui-même n'ait formulé cette demande. Cette pratique pourrait être plus strictement encadrée, sur le modèle de la loi belge. Le renforcement de la formation globale et pluridisciplinaire des soignants est ensuite indispensable, en mettant notamment l'accent sur l'écoute, que l'on peut envisager en soi comme un soin.
Le rôle des acteurs de la société civile est déterminant pour accompagner l'évolution des perceptions et des craintes sur la mort et le deuil. Pour parvenir à l'objectif affiché dans la stratégie décennale d'un doublement du nombre de bénévoles d'ici dix ans, il importe de mettre en place des mesures réellement incitatives, associées à des budgets conséquents.
Pour l'anticipation des volontés et l'établissement du plan personnalisé d'accompagnement, je suggère d'associer un personnel non soignant aux discussions accompagnées pour une meilleure prise en compte des besoins sociaux et non médiaux. Outre les campagnes d'information de la population sur les directives anticipées, je propose d'établir des temps d'information médicaux dédiés aux droits des patients avec les médecins traitants. Les directives anticipées pourraient d'ailleurs intégrer le choix de la personne concernant les informations qu'elle souhaite recevoir, ou non, sur son pronostic vital. On pourrait envisager des « aumôniers laïcs » formés à accompagner spirituellement les non-croyants.
Ensuite, j'adhère à la philosophie générale du texte, qui envisage l'aide à mourir comme un ultime soin, un acte solidaire et fraternel qui s'appuie avant tout sur l'écoute des personnes malades et l'expression de leur volonté. Les critères stricts sont nécessaires, mais ils ne doivent pas exclure un trop grand nombre de malades incurables alors contraints de s'exiler pour mourir. Enfin, dans la manière d'apprécier les critères, il est essentiel de donner du crédit au vécu des personnes gravement atteintes et de faire confiance à leur parole, quand celle-ci est aujourd'hui souvent délégitimée au prétexte de leur vulnérabilité.
Nous nous réjouissons que ce projet de loi se traduise par une stratégie ambitieuse de développement d'un accompagnement de la fin de vie le plus tôt possible, en dépit de quelques regrets concernant la place des proches et le champ du handicap.
Au-delà de la légitime diversité des points de vue au sein de notre réseau, France Assos Santé est mobilisée pour défendre les intérêts des personnes malades et de leurs proches afin que leurs volontés soient respectées, leur souffrance soulagée, leur prise en charge solidaire et équitable. À ce titre, nous pensons que ce projet de loi cherche à apporter une réponse concrète à des situations de souffrance en inscrivant clairement l'aide à mourir dans le champ sanitaire et en assurant une couverture par la sécurité sociale.
Notre attention se porte particulièrement sur la question des garanties en matière d'effectivité de ce nouvel accompagnement. Ce projet de loi doit garantir l'égalité d'accès, mais aussi de qualité et de sécurité de l'acte en lui-même.
Nous souhaitons attirer votre attention sur cinq points. Premièrement, nous ne comprenons pas que les droits des personnes malades et la notion d'accompagnement ne soient rattachés qu'au premier titre du projet de loi.
Deuxièmement, nous saluons la possibilité d'une administration de la substance létale par un tiers. Mais nous regrettons que la définition retenue ne prenne pas en compte les situations dans lesquelles la personne malade ne serait pas en mesure de procéder à cette auto-administration ou ne le souhaiterait pas pour différentes raisons. Ces aspects doivent relever d'une décision partagée avec le soignant qui accompagne cette personne.
Troisièmement, la condition du moyen terme nous semble le point le plus discutable du projet de loi. L'interprétation très restrictive de la terminologie « court terme » par la Haute Autorité de santé pour la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès a privé de nombreux malades de ce droit, occasionnant des souffrances pour elles et pour leurs proches. Nous vous appelons à ne pas reproduire la même erreur aujourd'hui.
La notion de maladie grave et incurable, qui place la demande d'aide à mourir dans le cadre d'une pathologie engageant le pronostic vital, et celle de souffrance insupportable et réfractaire nous apparaissent centrales et suffisantes, comme dans d'autres législations. À situation de souffrance égale causée par une pathologie grave et incurable, nous attendons une réponse égale et non laissée à la seule appréciation du corps médical.
Quatrièmement, le délai de réflexion et de réalisation de trois mois, cette « date de péremption » au-delà de laquelle le médecin devra renouveler les démarches, ne correspond pas aux attentes des personnes, notamment celles atteintes de maladies neurodégénératives. Pourquoi ne pas prévoir pour ces pathologies un accès encadré par des directives anticipées spécifiques ? Nous craignons que le « moyen terme » ne soit finalement assimilé à ces trois mois.
Cinquièmement, nous voulons réinterroger la juste place des proches et des soignants dans ce projet de loi. La collégialité de la procédure d'évaluation de la demande ne doit pas se limiter au médecin et à quelques soignants ne connaissant pas la personne malade. Elle doit intégrer les professionnels qui l'accompagnent au plus près, dont les professionnels du médico-social, sans oublier – si le malade le souhaite – la personne de confiance ou les proches, qui peuvent témoigner de sa philosophie de vie et de ses motivations existentielles.
Ensuite, nous souhaitons que le soignant soit dans la même pièce que la personne, même s'il n'administre pas lui-même la substance. Nous nourrissons de grandes inquiétudes quant à la possibilité ouverte à un proche d'assister la personne malade dans le cas où elle n'aurait pas la capacité d'agir seule. Imagineriez-vous un proche débranchant le respirateur artificiel d'une personne en fin de vie, qui en aurait demandé l'arrêt, pendant que le réanimateur attendrait dans la pièce voisine ? Ce point est d'autant plus problématique que ce projet de loi ne contient aucune mesure visant à renforcer les droits, les aides et le soutien des proches aidants pendant l'accompagnement de la personne malade et après son décès.
Nous souhaitons un modèle de prise en charge des fins de vie marqué par la proximité et l'assistance du système de santé, où le médecin accompagne et s'engage jusqu'au bout. Dans ce débat, nous vous invitons à vous appuyer sur nous, associations de personnes malades, de proches aidants et d'usagers.
Il nous aurait semblé préférable de procéder d'abord au vote d'une loi sur le grand âge et l'autonomie car le présent texte constituera un appel d'air pour des milliers de personnes âgées qui ne désirent plus vivre, notamment en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Le plan individualisé d'accompagnement sera-t-il ouvert demain aux personnes âgées souffrant de polypathologies qui ne sont pas qualifiées d'incurables ? Faut-il voter cette loi avant l'engagement d'une stratégie décennale, dont la pérennité du financement peut être questionnée ?
Les conditions de mise en place de l'instance de pilotage, de gouvernance et d'évaluation nous interrogent. Le doublement du nombre des bénévoles en dix ans nous paraît une très bonne cible, mais comporte des ambiguïtés de définition sur les bénévoles de service, la « réserve opérationnelle », et les bénévoles d'accompagnement, d'écoute et de présence, qui existent déjà. Enfin, le coût associé à cette mesure n'a pas été communiqué.
Nous souhaiterions que le projet de loi supprime toute option d'euthanasie pour laisser seulement place à l'assistance au suicide. Selon Régis Aubry, le rapporteur de l'avis 139 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), si cet avis n'avait pas inclus l'euthanasie pour les personnes empêchées de commettre le geste elles-mêmes, on le lui aurait reproché. La nature de cette réponse m'interpelle. S'agit-il d'une question éthique ou juridique ? J'attire également votre attention sur les risques de dérives liées à des pressions sociales, économiques, familiales vis-à-vis de la décision que la personne pourrait prendre en situation de vulnérabilité.
Faut-il opérer une bascule sociétale majeure en autorisant une réponse sociale au désir de mourir avant que la maladie ne nous tue, pour résoudre les cas d'un faible nombre de personnes correspondant aux critères ? Le chemin tracé par la loi créera un droit d'usage ou un droit moral, au-delà des individus satisfaisant ces critères. Le nombre de sollicitations que l'association Jalmalv reçoit depuis quelques semaines de la part de personnes simplement âgées témoigne de l'appel d'air suscité par le projet de loi.
En conclusion, nous sommes plutôt opposés à ce projet de loi car il expose le reste de la société. Il médicalise et technicise une solution en évitant de traiter une question sociétale bien plus importante : quelle vie voulons-nous pour nos personnes âgées, quelle protection voulons-nous pour les personnes vulnérables, oubliées et malades ? Il ne s'agit pas d'une question de droit des usagers, mais de solidarité nationale.
Ayant été accompagnant à l'hôpital Georges-Pompidou, j'ai très rarement rencontré des personnes en fin de vie exprimant le désir de se voir euthanasiées. En tant que malade, je peux témoigner que la qualité de vie est beaucoup moins dramatique que ce que l'on imagine quand on est en bonne santé. Par ailleurs, je tiens à insister sur un point : les bénévoles, nombreux et formés, devraient être plus utilisés pour accompagner les trop peu fournies équipes en charge du soin auprès des malades.
Ce projet de loi constitue une formidable opportunité de mieux accompagner la fin de vie. Mais il pourrait fournir une place plus large encore aux soins palliatifs et au bénévolat d'accompagnement et mieux traduire les enjeux majeurs des soins palliatifs à domicile.
Nous regrettons que la rédaction actuelle du projet de loi ne comprenne plus une mention de la stratégie décennale et de son évaluation par le Parlement, comme cela était le cas dans la première mouture, compte tenu des enjeux d'effectivité et de droit d'accès aux soins palliatifs. Nous sommes persuadés que nos associations peuvent mieux agir demain pour investir ce chaînon manquant que seraient les maisons d'accompagnement.
L'objectif de doublement du nombre de bénévoles doit être accompagné d'un financement adéquat. Le projet de loi doit donner toute sa place au bénévolat, notamment en soulignant l'importance d'un conventionnement entre les maisons d'accompagnement et les associations de bénévoles formés à la fin de vie. Au-delà de nos interventions auprès des patients, nous jouons également un rôle vis-à-vis de la société en déployant l'information auprès du grand public, notamment sur les directives anticipées. Il serait ainsi possible d'aller encore plus loin sur les territoires grâce à ces maisons d'accompagnement.
La loi ne porte pas que sur des aspects médicaux. Nos associations sont prêtes à s'engager encore plus dans l'accompagnement. Nous vous transmettrons nos propositions.
Madame Walter, pouvez-vous détailler votre suggestion pour une « aumônerie laïque » chargée de l'accompagnement des malades et pour une meilleure intégration des directives anticipées dans le dispositif de ce texte ?
Monsieur de Margerie, je vous confirme que ce texte ne concerne pas les personnes âgées. Vous vous êtes demandé si la situation des malades qui ne seraient pas en situation de faire le geste d'auto-administration relevait de l'éthique ou de la loi. Il me semble qu'il s'agit d'une question éthique et que le CCNE a mentionné ce sujet en pleine conscience.
Pensez-vous que la maladie grave et incurable prive par définition la personne malade de sa capacité d'autonomie et d'autodétermination ? Dans certaines circonstances définies par la loi, l'aide à mourir peut-elle être accordée ?
Monsieur de Beauval, avez-vous entendu la parole des soignants confrontés à une sédation profonde qui se prolonge ? Comment concevez-vous le bénévolat de service, dont les contours doivent encore être précisés ?
Madame Pierre, vous avez regretté que la notion d'accompagnement ne soit rattachée qu'au premier titre du projet de loi. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Madame Walter, vous avez insisté sur le recueil de la parole et vous avez évoqué le concept intéressant des discussions accompagnées, mais aussi la rétention d'informations. Lors de mes études de médecine, on m'a appris que les médecins ne détenaient pas la totalité de la vérité et que certains patients n'avaient pas la capacité de l'entendre. Afin de rétablir le dialogue entre malades et soignants, que pensez-vous des propositions de la loi concernant le bénévolat en général et le bénévolat de service en particulier ?
Le projet de loi s'efforce de placer la parole des malades au cœur de son dispositif. Madame Pierre, pouvez-vous détailler vos inquiétudes concernant l'administration de la substance létale par un tiers volontaire et désigné par le malade, lorsque ce dernier n'est pas en mesure d'agir par lui-même ?
Il me semble que le malade dispose de toutes les informations sur sa pathologie, son espérance de vie et le soutien qui peut être apporté pour exprimer une volonté libre et éclairée.
Madame Bourdon-Busin, quelle est d'après vous la place d'un médecin d'un établissement médico-social ?
Monsieur de Margerie, je rappelle que ce projet de loi ne s'adresse pas aux personnes âgées spécifiquement, mais aux personnes atteintes d'une maladie grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme et qui souffrent de façon intolérable et insupportable.
Madame Walter, comment changer la vision sociétale de la mort, qui demeure un tabou ? Que pensez-vous de la création d'une journée d'éducation sur la mort dans les écoles ?
Madame Pierre, vous avez évoqué une « date de péremption » concernant le délai de réflexion et de réalisation de trois mois. Que penseriez-vous d'une exceptionnelle tacite reconduction en cas d'incident durant les trois mois, si et seulement si les directives anticipées étaient remplies ?
Monsieur de Margerie, lorsque la discussion sur la désignation d'une tierce personne intervient très en amont, parfois plusieurs années avant la décision, pensez-vous que le risque de dérive demeure ?
L'avis du CCNE a été interprété par le grand public comme une autorisation de l'euthanasie. Le projet doit s'accompagner, selon moi, d'un travail d'éducation, par exemple à travers des conventions citoyennes départementales pour expliquer la nouvelle loi.
La maladie grave et incurable ne prive pas la personne malade de sa clairvoyance et de son d'autonomie. Mais il est difficile de percevoir la capacité d'autodétermination chez une personne non communicante. Ensuite, dans les établissements hospitaliers, les bénévoles sont présents auprès des patients et de leurs proches, mais aussi des personnels soignants.
Les buts recherchés par le projet de loi auraient pu être atteints en introduisant une forme d'exception au sein de la loi Claeys-Leonetti, la décision pouvant dans ce cas relever d'un juge représentant la société après évaluation médicale.
Deux des critères qui encadrent aujourd'hui rigoureusement le projet méritent d'être réfléchis. Il s'agit d'abord de l'exclusion des mineurs, que le Conseil d'État justifie en raison d'une logique de prévention du suicide qui prévaudrait dans la société française. Dans ce cas, pourquoi ce texte autorisant l'assistance au suicide ? Le deuxième critère concerne l'aptitude à « manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Or, cette aptitude peut se dégrader dans le temps, particulièrement chez les personnes souffrant de déficiences intellectuelles. Quelle logique conduit-elle à les écarter du périmètre de ce projet de loi ?
Je m'inquiète que vous soyez engagés dans le processus de vote d'une loi qui ne corresponde pas totalement aux intentions initialement poursuivies.
Nous ne pouvons prendre position en l'état sur le bénévolat de service car il n'est pas suffisamment décrit dans le projet de loi. Mais sommes prêts à participer aux travaux et aux expérimentations le concernant.
Une aumônière laïque, qui s'est formée au Canada, exerce en tant que salariée au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Même si la réflexion mérite d'être approfondie, il est possible d'imaginer que des personnes issues des sciences humaines et sociales puisse remplir ce rôle d'aumôniers laïques pour répondre aux besoins des malades en fin de vie, à leur quête de sens.
Puisque la sédation profonde et continue figure déjà dans les directives anticipées, pourquoi celles-ci n'intègreraient-elles pas également l'aide à mourir ? Cependant, il me semble qu'elles sont surtout prévues pour des situations de totale inconscience, comme un état végétatif ou un coma. Ont-elles vocation à anticiper la situation d'une personne consciente, mais dont le discernement est altéré ? Cette question est complexe. De manière générale, une volonté, anticipée ou non, demeure une volonté.
Je partage la position de France Assos Santé sur les critères d'accès. Selon l'étude d'impact, une des justifications du moyen terme concerne le « risque de clémence », que je comprends comme un risque de laxisme dans le prononcé du pronostic vital engagé. À ce titre, un « certificat d'incurabilité » pourrait peut-être être établi, soit dès le diagnostic d'une pathologie comme la maladie de Charcot, soit quand une affection devient de manière certaine incurable – par exemple les cancers métastatiques.
S'il me semble juste d'envisager que les personnes ne souhaitent pas être informées, dans la majorité des cas que j'ai pu connaître, elles ont envie de savoir pour lever des incertitudes sources d'angoisse, se projeter et maîtriser le temps qui leur reste, qui peut être riche et peut être à ce titre ritualisé. S'il est souvent difficile de vulgariser des problématiques médicales techniques, je pense que cet aspect doit faire partie de l'effort relationnel entre soignant et soigné afin de favoriser leur compréhension. C'est même capital.
Il m'apparaît important d'être vigilant à la vulnérabilité – précarité, dépendance – des malades et d'alimenter à ce titre des recommandations de bonnes pratiques. Mais simultanément, il faut éviter les dérives « protectivistes », qui au prétexte de vulnérabilité, restreindraient l'accès au droit de certaines catégories de patients. Les personnes en situation de handicap qui n'ont pas d'altération cognitive doivent être considérées par le législateur au titre du droit commun.
De nombreux témoignages provenant des associations attestent du fait que la connaissance précoce d'une possibilité d'accès, le moment venu, à une aide à mourir permet souvent de rassurer la personne malade, notamment quand elle souffre d'une pathologie neurologique. La possibilité de tacite reconduction exceptionnelle évoquée par Mme Fiat peut être pertinente ; elle doit être discutée avec les associations concernées, comme l'association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (ARLSA) ou France Parkinson. Dans ces situations, des directives anticipées précises pourraient être couplées à un plan personnalisé d'accompagnement. S'ils demeurent en l'état dans le projet de loi, ces trois mois associés au moyen terme constitueront un frein à l'accès à l'aide à mourir pour les personnes malades qui en sont les demandeuses les plus emblématiques.
Enfin, le tiers volontaire pourrait-il procéder à l'acte ? Au-delà de la formulation sans doute maladroite, cette possibilité semble restreindre l'engagement des soignants. De plus, la plupart des associations indiquent qu'elles n'ont jamais rencontré de proches ayant manifesté le souhait de procéder à ce geste, bien au contraire. Par ailleurs, si un événement indésirable survient, le proche se demandera toute sa vie s'il n'aurait pas pu mieux faire dans les tout derniers instants de la personne malade.
Considérez-vous ce projet de loi comme un accompagnement aux soins palliatifs et non une alternative ? Je rappelle qu'il porte bien sur la fin de vie et non la fin de la vie, c'est-à-dire sur les personnes âgées. Il s'agit bien d'une aide à mourir et non d'une euthanasie, que certains brandissent comme un prétexte pour vider les Ehpad.
Monsieur de Margerie, la question de la maturité me semble éloignée des conclusions du CCNE concernant spécifiquement l'accès des mineurs. Il existe deux bornes, que je vous soumets : 16 ans soit la possibilité d'une émancipation du mineur, et 13 ans qui est l'âge du discernement. Qu'en pensez-vous ?
Madame Walter, le certificat d'incurabilité s'appliquerait-il aux maladies neurodégénératives de type Parkinson ou Alzheimer ?
Aux associations Être-là et France Assos Santé, je demande comment aborder la formation à la fin de vie avec les bénévoles d'accompagnement si l'on glisse du soin palliatif vers l'aide active à mourir ?
Madame Walter et monsieur de Margerie, comment vivez-vous l'euthanasie, dans laquelle le dialogue serait interrompu sur demande, et l'accompagnement des soins palliatifs, dans lequel le dialogue et la présence sont essentiels ? L'euthanasie ne constitue-t-elle pas à ce titre l'illustration de l'échec de ce dialogue ?
La définition de l'euthanasie exclut la notion de demande. Ce texte porte sur un sujet de société. J'estime que les directives anticipées ne s'appliquent pas à une personne à qui l'on annonce une maladie incurable et qui doit effectivement cheminer avec. Pensez-vous qu'il faudrait exclure les parents et les proches du champ du tiers volontaire ?
Monsieur de Margerie, considérez-vous que l'instauration d'un droit à l'avortement a créé un appel d'air, une incitation ? En pratique, je pense que peu de gens useront du droit que la loi instaurera. France Assos Santé m'a fait prendre conscience des problèmes que l'administration de la substance létale pourrait poser au proche aidant. Enfin, ne faudrait-il pas rendre les directives anticipées reconductibles afin qu'elles demeurent valables quand la personne perd son discernement ?
Je partage avec France Assos Santé l'idée que la collégialité soit un lieu d'échange entre les différentes professions, mais une exigence trop forte ne viendrait-elle pas réduire l'efficience de la procédure de décision ? Quelle serait la collégialité minimale acceptable, notamment pour une demande recueillie par le médecin généraliste ?
Si cette loi est adoptée et si dans le cadre d'un accompagnement qui a débuté, la personne demande l'aide à mourir et que celle-ci soit acceptée, comment les bénévoles hostiles à la procédure se positionneront-ils ?
S'agissant de cette dernière question, nos associations devront travailler. Certains bénévoles décideront peut-être de ne plus l'être. La plupart conservera à mon avis sa neutralité. Ensuite, le dialogue dépend du niveau d'acculturation de chacun sur les questions de fin de vie, ce qui nécessite un effort d'éducation de nos concitoyens.
J'anticipe une grande frustration chez les Français qui se verraient exclure de ce droit en raison de critères restrictifs. Qu'on le veuille ou non, la loi touchera les personnes âgées ou fragilisées, même si elle ne s'adresse pas à elles.
Je suis incapable de savoir où placer de meilleures bornes pour les mineurs. Cependant, en tant qu'accompagnant, je constate que les enfants gravement malades font preuve d'une grande lucidité sur leur situation et d'une extrême maturité que les enfants de leur âge bien portants ne manifestent pas nécessairement.
Il me semble que nos bénévoles poursuivront leur engagement, sans jugement, dans le cadre associatif.
Nous sommes très attachés à la qualification des bénévoles, raison pour laquelle nous souhaitons que le dispositif des futures maisons d'accompagnement fasse explicitement référence aux bénévoles formés à la fin de vie. Si un nouveau droit est établi, il faudra naturellement inventer de nouvelles dispositions et pratiques, afin que l'accompagnement soit toujours effectué dans de bonnes conditions.
Le certificat d'incurabilité devrait être posé à partir du moment où il est certain que la personne décèdera de sa maladie. Je me demande s'il ne pourrait pas donner accès à d'autres droits puisque ces personnes sont privées de nombreuses libertés.
Monsieur Frappé, je pense au contraire que l'aide à mourir constituerait une réussite du dialogue. Elle privilégie l'écoute des personnes qui demandent légitimement à être aidées à mourir. Les soins palliatifs ne peuvent pas rester sourds aux demandes exprimées. Je m'interroge cependant sur la position des bénévoles hostiles à l'aide à mourir.
Je suis favorable à l'idée d'une évaluation de la part du médecin, éclairé par différents avis, dont ceux des proches et des bénévoles.
Faut-il exclure les proches de l'administration de la substance létale ? J'estime que la fraternité et la solidarité nous conduisent à faire confiance au vécu et aux possibilités de chacun, d'autant que la loi prévoit des cas où les médecins pourront aider. Laissons le choix à la personne concernée.
Il est évidemment complexe pour une équipe de soins palliatifs et une équipe pédiatrique de répondre à des besoins exprimés par des enfants. Je peux néanmoins citer le cas d'un mineur de 15 ans atteint d'une maladie dermatologique extrêmement rare ayant conduit à l'amputation des mains, des pieds et des lèvres. Il en veut beaucoup à ses parents d'avoir accepté une réanimation intensive alors qu'il faisait une septicémie. Aujourd'hui, il demande une aide active à mourir, son avenir n'étant fait que de souffrances. Nous pourrons vous transmettre nos propositions à ce sujet.
La collégialité n'est pas tant une question de quantité que de qualité, en rassemblant une équipe pluridisciplinaire de professionnels qui connaissent la personne et qui peuvent éclairer sa demande.
Je suis surprise par la question sur les directives anticipées quand la personne perd son discernement. Elles permettent quand même d'éclairer l'équipe soignante et les proches sur les conduites à tenir. Peut-être conviendrait-il de les accompagner dans le cadre de l'aide à mourir par d'autres garde-fous et par une collégialité renforcée.
Enfin, je partage les propos de Mme Walter dans sa réponse à M. Frappé.
La réunion s'achève à treize heures trente-cinq.
Présences en réunion
Présents. – M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, Mme Laurence Cristol, Mme Christine Decodts, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, M. Raphaël Gérard, M. Jérôme Guedj, Mme Marine Hamelet, M. Philippe Juvin, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Lise Magnier, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Didier Martin, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. – Mme Sandrine Rousseau