Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi n° 2141.

Présidence de Mme Eléonore Caroit, vice-présidente.

La séance est ouverte à 11 h 45.

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Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin.

Si le Rhin constitue une frontière naturelle entre la France et l'Allemagne, il est aussi une zone très importante de transit et d'échanges : près de 5 000 bateaux et 35 000 embarcations de plaisance y naviguent sur la seule portion franco-allemande chaque année, 40 000 personnes le franchissent chaque jour et 14,7 millions de tonnes de marchandises l'ont traversé en 2022.

Il n'est donc pas étonnant que la France et l'État du Bade-Wurtemberg aient noué une coopération étroite au sujet de la gestion du fleuve. Celle-ci remonte à l'Acte de Mannheim du 17 octobre 1868 et a trouvé sa dernière concrétisation à travers un approfondissement de la coopération de la police frontalière dans le cadre de l'agenda franco-allemand 2020, adopté le 4 février 2010.

Un arrangement administratif, signé le 19 avril 2011 entre le commandant de la région de gendarmerie d'Alsace et le ministre de l'intérieur du Land de Bade-Wurtemberg, a permis la mise en place expérimentale d'une compagnie fluviale commune de cinq unités (trois françaises et deux allemandes) reposant sur le principe d'une mutualisation des moyens humains et matériels.

Le bilan de cette expérimentation a été jugé très positif, les patrouilles et interventions mixtes s'étant déroulées dans d'excellentes conditions. Il a donc été décidé de pérenniser ce dispositif par un accord bilatéral signé à Strasbourg le 6 juillet 2022.

C'est l'approbation de cet accord, qu'il nous est demandé d'autoriser par le projet de loi dont nous débattons ce matin. Pour la partie allemande, toutes les procédures internes requises ont d'ores et déjà été exécutées. Le Sénat, lui, a adopté le texte en première lecture le 1er février dernier.

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Mes chers collègues, même si le titre du projet de loi annonce la « création » d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande, destinée à la surveillance de la navigation sur le Rhin, celle-ci existe déjà en pratique depuis 2011. L'accord qui nous est soumis vise donc plutôt à la pérenniser. L'existence de cette unité n'est en effet actuellement prévue que par un simple arrangement administratif. Il s'agit désormais de lui donner un fondement juridique solide et stable grâce à un accord intergouvernemental en bonne et due forme.

L'Allemagne et la France s'efforcent de longue date de renforcer leur coopération sur leur frontière rhénane, longue de 164 kilomètres. L'accord de Mondorf-les-Bains, conclu en 1997, a ainsi constitué une étape importante vers une forme d'intégration de leur coopération transfrontalière en matière policière et douanière, laquelle ne relevait auparavant que d'accords bilatéraux à la portée limitée et de textes locaux lacunaires et peu contraignants ; cet accord a notamment permis la mise en place de patrouilles mixtes et de centres de commandement communs.

Puis, par l'accord de Vittel conclu en 2000, les deux États ont prévu la possibilité, pour leurs autorités de police fluviale respectives, d'intervenir sur toute la largeur du secteur franco-allemand du Rhin et d'y exercer l'ensemble des missions de police de la navigation et de police judiciaire.

En 2007, la gendarmerie de la région d'Alsace et la police du Land de Bade-Wurtemberg ont formulé des propositions tendant à développer des formes de coopération encore plus intégrées sur le Rhin, pouvant aller jusqu'à une mutualisation de leurs unités fluviales. S'inspirant de ces propositions, l'agenda franco-allemand 2020, adopté en 2010, a fixé pour objectif à la France et à l'Allemagne d'approfondir et de systématiser leur coopération policière en zone frontalière, y compris par la création d'une unité fluviale commune.

Cet objectif a été atteint par la conclusion, le 19 avril 2011, d'un arrangement administratif entre le commandant de la région de gendarmerie d'Alsace et le ministre de l'intérieur du Land de Bade-Wurtemberg. Cet accord interservices a permis la mise en place d'une compagnie fluviale commune, chargée de la police de la navigation et de la sécurité publique tant sur le Rhin lui-même que dans les espaces attenants, tels que les affluents, les lacs et les ports, et bénéficiant de moyens humains et matériels mutualisés, dont trois vedettes.

En douze ans d'existence, cette compagnie a fait la preuve de son efficacité. Ses principales missions concernent la surveillance et le contrôle de la navigation fluviale, la réalisation de patrouilles communes terrestres, la poursuite des infractions, la constatation des accidents, la réalisation de recherches subaquatiques et, plus ponctuellement, certaines missions de police fluviale à l'occasion d'événements particuliers. La compagnie est constituée de deux contingents nationaux, chacun placé sous l'autorité d'un chef de détachement. Les décisions sont prises d'un commun accord. L'allemand et le français constituent les deux langues de travail.

La coopération entre les deux détachements est jugée excellente par les deux parties, tant au niveau du commandement que sur le terrain. La compagne fluviale franco-allemande s'est vue confier des missions variées dont on pourrait donner de multiples exemples. Des patrouilles communes permettent ainsi de contrôler les ressortissants français qui traversent le Rhin pour profiter d'une réglementation allemande plus souple en matière de revente de déchets, en particulier de métaux. Les contrôles effectués par l'unité permettent aussi de révéler des infractions au droit de l'environnement et des fraudes à la sécurité sociale. Par ailleurs, les contrôles effectués à la fin de chaque année donnent lieu à la saisie de quantités importantes de feux d'artifice importés illégalement d'Allemagne. La compagnie est également sollicitée lors de visites officielles au Parlement européen de Strasbourg en vue de surveiller et de sécuriser les abords de l'édifice, construit, comme vous le savez, au bord d'un canal et d'un plan d'eau.

La compagnie est, d'autre part, intervenue sur des affaires assez dramatiques. Elle a ainsi réalisé, en septembre 2023, des investigations subaquatiques dans le cadre de l'affaire de la disparition de la jeune Lina.

Les chiffres sont parlants : en 2023, le nombre de patrouilles communes s'est élevé à 672, contre 632 en 2022. Le détachement français a constaté 1 124 infractions (contre 829 en 2018), dont 48 délits et 93 contraventions de 5e catégorie. L'expérimentation conduite ainsi sur plus d'une décennie a démontré la pertinence du modèle de cette compagnie fluviale franco-allemande. C'est pourquoi il est désormais temps d'inscrire son existence dans un véritable accord international.

En effet, comme je l'ai dit, son existence ne repose aujourd'hui que sur un arrangement purement administratif, conclu entre deux services. Un accord intergouvernemental apportera une stabilité et une sécurité juridique accrues. Les actes accomplis par les agents de la compagnie s'en trouveront ainsi sécurisés, qu'il s'agisse par exemple de leur présence respective sur le territoire de l'autre État, de la conduite de véhicules ou de l'usage de leurs armes sur ce même territoire.

Par rapport à l'arrangement administratif de 2011, l'accord du 6 juillet 2022 souligne plus fortement le caractère paritaire du fonctionnement de la compagnie et en décrit avec davantage de précision les missions. Le périmètre géographique de ses interventions est à la fois légèrement élargi, du fait de l'inclusion de certains plans d'eau ou de zones terrestres, et décrit plus en détail grâce à une annexe jointe à l'accord. Des précisions sont apportées quant aux compétences des agents intervenant sur le territoire de l'autre État. Enfin des clarifications sont apportées, s'agissant de la répartition de la prise en charge des coûts entre les parties et des modalités de réparation des dommages susceptibles d'être causés aux tiers.

Les articles de l'accord ont été soigneusement négociés, non pas que des difficultés particulières se soient élevées lors des échanges mais en raison de la complexité juridique d'un certain nombre de points et du caractère inédit de cet accord en Europe. Ainsi, après réflexion, il n'a pas été jugé nécessaire de donner à la compagnie une personnalité juridique propre. Il n'a pas non plus été jugé pertinent de créer un fichier opérationnel commun contenant des données à caractère personnel ; les agents de chaque partie conservent l'accès à leurs propres systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel, conformément à leur législation nationale. Vous noterez que l'accord a été conclu non pas avec la République fédérale mais avec le gouvernement d'un Land, comme cela est permis par la Loi fondamentale de 1949 pour ce qui relève des compétences des Länder. Du côté français, par ailleurs, la conclusion d'accords internationaux avec les entités fédérées d'États étrangers est permise dès lors que celles-ci sont habilitées par leur droit interne à conclure de tels accords.

Enfin, de manière remarquable, ce projet a été imaginé et lancé par les acteurs de terrain eux-mêmes, ce qui explique sans doute son succès. C'est à partir de leurs retours d'expérience, s'étalant sur plus de dix années, que cet accord a pu être validé et adapté.

Compte tenu de tous ces éléments, l'approbation de cet accord me paraît particulièrement bienvenue. C'est un nouvel exemple de la coopération entre nos deux pays en matière de sécurité à nos frontières, dont je suis régulièrement témoin dans ma propre circonscription, frontalière avec le Land de Sarre. Ici, cette coopération intervient sur la voie exceptionnelle d'échanges que constitue le Rhin, par lequel transitent chaque année non seulement des millions de tonnes de marchandises exportées ou importées mais également des milliers de bateaux privés ou de plaisance, sans compter les trois bacs transfrontaliers franco-allemands gérés par la collectivité européenne d'Alsace. C'est dire tout l'enjeu pour les États riverains d'assurer une surveillance et un contrôle adéquats du fleuve et de ses abords, en vue de garantir la liberté et la sécurité de ce transit.

Voilà pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi qui autorise cet accord.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Au nom du groupe Renaissance, je salue l'accord trouvé entre le Gouvernement de la République française et celui du Land de Bade-Wurtemberg, qui vise à pérenniser la compagnie franco-allemande de gendarmerie fluviale sur le Rhin.

Si le Rhin est une frontière naturelle, il est aussi et avant tout un lien fort qui unit la France et l'Allemagne. Déjà, Victor Hugo écrivait : « Le Rhin réunit tout ». Le Rhin est le symbole d'une coopération bilatérale qui a toujours revêtu une importance essentielle dans la vie quotidienne de nos concitoyens. En tant qu'Alsacienne, je constate chaque jour que le Rhin est au cœur du bassin de vie franco-allemand : y circulent familles, travailleurs, entreprises, biens et services... Le Rhin est donc bel et bien un trait d'union car nous vivons à 360 degrés sur le bassin de vie rhénan.

Cet accord marque une nouvelle étape significative dans le renforcement de la coopération entre nos deux pays. Il contribue de fait à améliorer la sécurité des individus et des biens le long du Rhin et dans ses environs. Artère essentielle au cœur de l'Europe, le Rhin est l'une des voies navigables les plus fréquentées du monde : non seulement il attire de nombreux touristes et croisiéristes mais il constitue aussi une voie de transport importante pour l'économie et l'industrie de l'Europe.

Dans ce cadre, la préfète de la région Grand Est et le ministre de l'intérieur du Land de Bade-Wurtemberg ont signé en juillet 2022, à Strasbourg, un accord visant à établir un cadre juridique solide pour une unité policière mixte permanente le long du Rhin et dans ses environs.

La gestion commune du Rhin remonte déjà au XIXe siècle. Depuis 1868, des unités de gendarmerie ont été instituées des deux côtés du fleuve, jetant ainsi les bases d'une coopération policière bilatérale pragmatique. En 2011, la compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin a été mise en place dans le cadre d'un arrangement administratif et à titre expérimental – nous aimons beaucoup les expérimentations en Alsace. Cela a favorisé une coordination efficace entre les trois unités françaises et les deux unités allemandes, ainsi que la systématisation des patrouilles françaises et allemandes sur les 164 kilomètres de la portion franco-allemande du Rhin.

Le groupe Renaissance approuve donc pleinement cet accord et votera en faveur de ce projet de loi.

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En effet, Victor Hugo s'extasiait déjà face au Rhin, « cet admirable fleuve [qui] laisse entrevoir […] sous la transparence de ses flots, le passé et l'avenir de l'Europe ».

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La création d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin ne vise pas à créer une entité juridique mais à faire coopérer des forces de l'ordre autour d'objectifs communs. Il s'agit d'une brigade bien rodée, issue d'une expérimentation de plus d'une décennie.

En 2023, ses 56 agents ont constaté et sanctionné 1 124 infractions, ce qui est beaucoup, au cours de 672 patrouilles, soit presque deux par jour en moyenne, sur les 164 kilomètres du fleuve relevant de leur compétence. L'accord qui nous est soumis modifie légèrement l'arrangement conclu le 19 avril 2011, afin d'insister sur l'action commune et la mixité nationale des patrouilles, sur l'extension et la précision des missions, ainsi que sur les compétences des agents et sur les dispositions financières relatives aux charges communes et aux modalités d'indemnisation en cas de dommages.

L'article 5 précise que, si la compagnie est franco-allemande, les gendarmes français sont sous la responsabilité d'un officier français et les policiers allemands sous la responsabilité d'un commissaire allemand. Même si les missions sont communes, la souveraineté de chaque force est respectée.

L'article 13 prévoit la création d'un fichier commun. Or le rapport indique que la création d'un fichier opérationnel commun n'est pas nécessaire. D'après l'étude d'impact, le fichier prévu est un fichier d'assistance au commandement, lequel est pourtant propre, d'après l'article 5, à chaque nationalité. Quelle est la différence entre un fichier opérationnel et un fichier d'assistance au commandement ?

Notre groupe est favorable à l'accord, comme à tout accord valorisant les interventions conjointes et démontrant qu'une coopération entre États est possible sans effacer les identités et les prérogatives de chacun.

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Le fichier d'assistance au commandement prévu à l'article 13 de l'accord servira à assurer la diffusion rapide aux agents de leurs ordres de mission. Il s'agit d'un système d'information propre à la brigade, dans lequel aucune donnée personnelle des personnes contrôlées ou interpellées ne sera enregistrée. Il n'induira donc aucune perte de souveraineté, comme les autres dispositions de l'accord au demeurant. L'accès aux fichiers nationaux demeure réservé à chaque entité de la brigade.

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Le présent projet de loi vise à pérenniser l'existence d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin. Cette unité existe depuis une douzaine d'années. Elle est basée à Kehl, en Allemagne, juste à côté de Strasbourg. Tout un symbole ! Le Rhin, qui sépare et relie nos deux pays et qui fut le théâtre d'affrontements séculaires, est désormais un symbole de paix.

Dans d'autres domaines, la coopération franco-allemande semble défaillante. Dans le domaine linguistique et culturel, la fermeture, décidée par le gouvernement allemand, des Instituts Goethe de Bordeaux, de Lille et de Strasbourg est à regretter, s'agissant d'une institution qui est le fer de lance de la langue et de la culture allemandes dans le monde.

Le déclin de l'apprentissage de l'allemand en France, singulièrement en Alsace, est également à déplorer, en raison notamment des immenses difficultés de recrutement d'enseignants d'allemand en France faute d'attractivité suffisante du métier, dont les conditions d'exercice, en France, sont très dégradées. Les enseignants français gagnent deux fois moins que leurs homologues allemands. À quand une harmonisation par le haut des rémunérations ?

Dans le domaine de la protection de l'environnement, notamment de la gestion de l'eau, ce qui me ramène au Rhin, la coopération entre l'Allemagne et la France est insuffisante. Dans le Sud de l'Alsace, des déchets toxiques sont enfouis sur le site de StocaMine. Le gouvernement français projette de couler des milliers de mètres cubes de béton autour des déchets mais ce confinement ne sera pas étanche et, à terme, la nappe phréatique rhénane, qui alimente des millions d'Allemands et de Français, sera inéluctablement empoisonnée. La coopération entre nos deux pays est aussi urgente que nécessaire pour déstocker ces déchets et préserver la plus grande nappe phréatique d'Europe.

Par ailleurs, le Rhin a été fortement perturbé par les températures élevées de l'été au cours des dernières années. En 2022, le niveau du fleuve est tombé à trente centimètres par endroits. La compagnie de gendarmerie fluviale dont le texte que nous examinons prévoit de pérenniser l'existence a été perturbée par cette situation. L'accord qui nous est soumis est à durée indéterminée mais quelles sont les perspectives de long terme d'une brigade de gendarmerie fluviale sur un fleuve fortement affecté par le dérèglement climatique ? L'urgence écologique devrait constituer l'ardente priorité de la coopération entre États.

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Élu comme vous d'une circonscription frontalière de l'Allemagne, je suis sensible aux questions que vous soulevez. Toutefois, elles sont assez éloignées de l'accord qui nous occupe.

L'enseignement de l'allemand dans notre pays et celui du français en Allemagne, qui n'est pas non plus à son meilleur niveau, ainsi que la protection de l'environnement à nos frontières, doivent être abordés dans le cadre de l'Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA), dont j'estime qu'elle est sous-employée.

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J'appelle l'attention sur le fait que l'accord qui nous est soumis est conclu non avec l'Allemagne mais avec le Land de Bade-Wurtemberg. Il est difficile, lorsque l'on est parlementaire et français, de concevoir une souveraineté de commandement non allemande mais bade-wurtembergeoise. Cela offre de nombreuses possibilités.

Je suis ravi du travail réalisé par le rapporteur et des interventions que je viens d'entendre. L'APFA et le Comité de coopération transfrontalière ont été créés par le traité d'Aix-la-Chapelle, dont j'ai cru comprendre qu'il ne faisait pas l'unanimité lors de sa signature. Il avait été accusé de tous les maux, certains allants jusqu'à prétendre que nous vendions l'Alsace- Moselle à l'Allemagne. Je me félicite que le travail réalisé dans ce cadre ait réussi à susciter l'unanimité. Les propos des orateurs qui m'ont précédé démontrent que chacun a désormais compris tout l'intérêt que présente la coopération franco-allemande.

J'aimerais savoir à quels domaines supplémentaires cette coopération pourrait être appliquée dans les mois à venir. Les Länder frontaliers de Bade-Wurtemberg et de Sarre gèrent respectivement les lycées franco-allemands de Fribourg et de Sarrebruck. Dans cette dernière, nous venons d'ouvrir, ce qui est une première, la crèche transfrontalière « Kita Salut », qui est gérée, côté français, par la caisse d'allocations familiales (CAF), ce qui laisse imaginer le degré d'imbrication atteint.

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Cette coopération ne date pas de la conclusion du traité d'Aix-la-Chapelle, en 2019. Par ailleurs, si certaines familles politiques se sont alors opposées à ce traité, ce n'est pas en raison d'une coopération à la frontière, que tout le monde ici, me semble-t-il, appelle de ses vœux : c'est parce qu'il emportait d'autres inconvénients.

Vous avez demandé à quels autres domaines on pourrait étendre ce modèle de coopération. D'autres unités de gendarmerie franco-allemandes ont été créées à titre expérimental, notamment pour la sécurisation de grands événements et la lutte contre l'immigration irrégulière, aux frontières. Nous pourrions renforcer encore la coopération dans ces domaines. Le moment de faire le bilan des expérimentations viendra : nous verrons alors s'il faut les formaliser, les pérenniser et éventuellement les étendre.

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La navigation sur le Rhin fait l'objet d'une longue tradition de coopération internationale entre les États riverains – l'Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas –, qui a permis, dès le 17 octobre 1868, la signature de l'acte de Mannheim, à l'origine de la première organisation internationale au monde, la Commission centrale pour la navigation du Rhin. Des accords complémentaires, entre la France et l'Allemagne, ont ensuite été signés. L'arrangement administratif de 2011 entre le commandant de la gendarmerie de la région d'Alsace et le ministre de l'intérieur du Land de Bade-Wurtemberg, visant à créer une compagnie fluviale commune sur le Rhin, constitue le prolongement naturel de tous les accords antérieurs. Ce projet de loi permettra de l'institutionnaliser et d'assurer sa sécurité juridique.

La compagnie fluviale, qui n'a pas de personnalité juridique propre, est constituée de deux contingents, l'un français et l'autre allemand, qui ne dépendent que de leurs chefs de détachement respectifs. Chaque partie peut exercer des prérogatives de puissance publique sur le territoire de l'autre partie, dans le plein respect du droit national et uniquement en présence de membres des forces de l'ordre de l'État dans lequel l'intervention a lieu. L'existence de locaux communs et l'exigence, pour tous les agents, d'une bonne connaissance de la langue du partenaire facilitent la coopération. De fait, les résultats de la compagnie fluviale franco-allemande sont très encourageants.

Pour ces raisons, comme l'ont fait nos collègues du Sénat, les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront ce texte.

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Cet accord vise, avant tout, à pérenniser un dispositif existant, qui a fait ses preuves : il permet une coopération efficace sur le Rhin entre les forces de police. La compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande, qui est la première unité bilatérale à visée opérationnelle, a réussi à s'imposer, depuis 2012, comme une force essentielle pour la sécurisation du Rhin. Cette compagnie a constaté 1 124 infractions en 2023 et constitue une force d'appoint bienvenue pour des événements nécessitant une intervention des deux côtés du fleuve, par exemple au Parlement européen, à Strasbourg, mais aussi lors d'accidents nautiques ou de disparitions conduisant à l'intervention de plongeurs.

L'accord comporte quelques ajouts bienvenus, quoique marginaux par rapport à l'arrangement administratif signé en 2011, qui a instauré la compagnie fluviale à titre expérimental. Il s'agit d'un élargissement du périmètre géographique couvert, d'une description plus poussée des missions, de précisions relatives aux compétences des agents d'un État intervenant sur le territoire de l'autre État et d'une clarification du financement et des modalités de réparation des dommages causés aux tiers. Surtout, cet accord garantit un équilibre entre les effectifs des deux détachements, qui sont soumis à la réglementation de leur État d'origine et financés à parts égales, selon une répartition équitable des charges lors des missions communes.

Le texte préserve la souveraineté de la France et du Land de Bade-Wurtemberg en ce qui concerne la sécurité de leurs territoires respectifs, tout en renforçant la coopération dans une zone transfrontalière très dynamique. Je ne peux que me réjouir, en tant qu'élue du territoire concerné, que le Rhin, frontière naturelle qui a été le théâtre de tant de conflits, soit aujourd'hui la source d'une coopération étroite entre la France et l'Allemagne, coopération que l'on retrouve dans d'autres domaines, notamment les services d'incendie et de secours et la santé, qui fait l'objet de nombreuses conventions entre les hôpitaux frontaliers : c'est là l'Europe du quotidien.

Le groupe Horizons et apparentés votera, vous l'aurez compris, en faveur du projet de loi.

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Nous en venons à une question complémentaire d'un collègue, à titre individuel.

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Merci pour ce rapport, qui fait état de la satisfaction totale de l'ensemble des acteurs qui pilotent la compagnie franco-allemande.

Brigitte Klinkert a eu l'humilité de ne pas le rappeler mais la création de la collectivité européenne d'Alsace (CEA) avait justement pour vocation d'ouvrir le territoire alsacien à des expérimentations permettant des coopérations en direction de l'Europe. Je rappelle aussi que la nouvelle vedette opère sous pavillon européen, et non plus franco-allemand.

La réussite de cet accord ne pousse-t-elle pas à multiplier, à rebours de ce que prônent certains partis politiques, des collaborations intra-européennes ? Le texte qui nous est soumis engage le Gouvernement français et un Land allemand, ce qui est assez déséquilibré. Cela ne plaide-t-il pas en la faveur d'un renforcement des compétences départementales ou régionales, notamment celles de la CEA, pour permettre de signer des accords entre une collectivité française et une collectivité allemande, luxembourgeoise, espagnole ou italienne ?

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Je ne sais pas qui vous visiez – vos propos n'étaient pas très explicites – quand vous avez parlé de partis politiques qui s'opposeraient à des coopérations. Je pense qu'aucun de ceux représentés au Parlement ne s'oppose à un renforcement des coopérations, en tout cas aux frontières. Nous serons tous favorables aux coopérations là où elles sont les plus naturelles et se vivent au quotidien. J'en sais quelque chose, étant originaire d'une circonscription frontalière. Personne ne s'oppose, me semble-t-il, à ce que nous coopérions avec nos voisins les plus proches et les plus directs.

Les coopérations à nos frontières pourraient effectivement être renforcées dans d'autres domaines mais ce n'est pas tout à fait le sujet du jour.

Quant aux modalités, chacun son modèle : celui de la France n'est pas celui de l'Allemagne. En l'état actuel, notre Constitution, à laquelle nous sommes tous très attachés, ne nous permet pas de signer, comme vous le suggérez, ce type d'accords entre des régions ou des départements français et des Länder frontaliers. Pourtant, malgré les différences d'organisation, on arrive à s'entendre et à conclure des conventions qui, si j'ai bien compris, font l'unanimité au sein des familles politiques françaises.

Article unique (approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin, signé à Strasbourg le 6 juillet 2022)

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

La séance est levée à 12 h 20.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Élisabeth Borne, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Sébastien Delogu, Mme Julie Delpech, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, Mme Stéphanie Galzy, Mme Maud Gatel, Mme Claire Guichard, M. Michel Guiniot, M. Meyer Habib, M. Benjamin Haddad, M. Michel Herbillon, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Béatrice Piron, M. Jean-François Portarrieu, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Vincent Seitlinger, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky

Excusés. - M. Sébastien Chenu, M. David Habib, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Laurent Marcangeli, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Ersilia Soudais, M. Lionel Vuibert, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa

Assistaient également à la réunion. - Mme Geneviève Darrieussecq, M. Olivier Faure, M. Emmanuel Fernandes