La séance est ouverte à dix heures trente.
La commission procède à l'audition de M. Thierry Mariani, ancien ministre.
Nous accueillons M. Thierry Mariani, député européen.
Monsieur le ministre, vous êtes le dernier ministre des transports que nous auditionnons. Nous avons souhaité recevoir l'ensemble des membres du Gouvernement qui ont conduit cette politique publique depuis 1995. Cela a été votre cas de novembre 2010 à mai 2012.
Depuis le début de nos auditions, au mois de septembre, deux séries d'interrogations principales se dégagent. La première concerne le déclin de la part modale du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en France. Ce déclin a débuté au milieu des années 1970 et ne s'est pas vraiment arrêté dans les années 2000. Nous cherchons à identifier le rôle que l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire a pu jouer à partir de 2005-2006. Celle-ci s'est traduite par l'arrivée assez rapide d'opérateurs alternatifs sur le marché français.
Le deuxième groupe d'interrogations est lié au choix du gouvernement français de retenir une solution de discontinuité pour préserver Fret SNCF d'un contentieux qui a pris une forme juridique plus dure avec l'ouverture d'une enquête approfondie par la Commission européenne le 18 janvier dernier. Cette enquête vise ce qui est regardé comme étant des aides publiques perçues de manière continue par Fret SNCF dans un secteur concurrentiel, ce qui crée des suspicions d'illégalité au regard du droit de l'Union européenne et de la concurrence. Il se trouve que la période visée inclut celle où vous étiez en charge des transports au sein du gouvernement conduit par François Fillon.
Nous avons auditionné à la fois votre prédécesseur Dominique Bussereau et votre successeur Frédéric Cuvillier. Nous serons heureux d'entendre vos analyses. C'était une période assez singulière puisque vous êtes arrivé au ministère des transports juste après la crise financière de 2008. La chute de l'activité industrielle a eu des effets sur la part modale. Néanmoins, les années 2011 et 2012 sont marquées par un léger redressement.
C'est une époque où le déficit de la branche de l'entreprise publique qui était chargée du fret ferroviaire restait considérable. On peut considérer que la forme de tolérance de l'Union européenne depuis 2005 était suspendue aux efforts de redressement menés par la France pour son opérateur public de fret ferroviaire. Quel regard portiez-vous sur la situation du transport de marchandises global, du transport de marchandises par rail et en particulier de Fret SNCF, compte tenu des enjeux posés par le Grenelle de l'environnement ? La période où vous avez exercé cette responsabilité est aussi celle où l'on commençait à faire un lien un peu plus systématique entre le fret ferroviaire et la décarbonation des transports dans le cadre des enjeux de transition écologique.
Comment appréhendiez-vous les enjeux de conformité des aides perçues par Fret SNCF au regard du droit de l'Union européenne ? Quels étaient vos échanges avec les dirigeants de la SNCF et des concurrents privés au sujet du fret ? Le sujet était-il abordé lors de vos rencontres avec la Commission européenne ou du conseil européen des ministres des transports ?
En tant que député européen, quelle est votre appréciation de la procédure ouverte par la Commission européenne à l'encontre de Fret SNCF ? Comment réagissent vos collègues roumains, italiens et allemands qui sont confrontés à des procédures plus ou moins analogues et avancées dans le domaine du fret ferroviaire ? Que pensez-vous de la solution de discontinuité retenue par le gouvernement français ?
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
(M. Thierry Mariani prête serment.)
Au risque de vous décevoir, j'ai été ministre des transports un peu moins de deux ans et j'ai succédé à M. Dominique Bussereau, qui est un spécialiste du ferroviaire. Il avait pris ce sujet à cœur tandis que le Gouvernement m'avait donné d'autres priorités.
Ma première mission a consisté à terminer la réforme des ports. Il y a eu cinq semaines de grève et c'est la période pendant laquelle on a transféré le personnel de quasi-fonctionnaires aux sociétés de manutention privées. Aujourd'hui, la situation des ports s'est tout de même redressée et ils sont désormais concurrentiels.
Ma deuxième priorité était le lancement de quatre lignes de TGV pour les voyageurs.
En 2011 a été ouvert à la concurrence interne le cabotage des autocars sur les lignes internationales. À l'époque, la SNCF défendait farouchement un certain nombre de lignes. Dix ans plus tard, on voit que les autocars se sont généralisés. Telle était la troisième priorité.
La quatrième était le service garanti dans l'aérien. Même si cela semble d'une autre époque, j'ai évité à mes successeurs de se retrouver avec 10 000 personnes s'entassant dans les aéroports. Désormais, comme vous le savez, un préavis individuel permet aux compagnies aériennes de prévenir les passagers afin d'éviter la loterie.
Le cinquième point était la relance du tunnel Lyon-Turin. Je pense qu'il sera important pour l'avenir du fret ferroviaire. À mon arrivée, il n'y avait pour ainsi dire plus d'accord avec les Italiens. C'est donc à mon initiative que des accords ont été signés le 30 janvier 2012. Ces derniers ont permis de relancer ce projet en revoyant notamment toutes les clés de financement.
Le fret ferroviaire n'était pas le sujet brûlant, d'autant plus que, de notoriété publique, c'était un peu « l'homme malade » du ministère des transports. Néanmoins, nous avions lancé les assises du ferroviaire pendant six mois afin de réformer ce secteur et l'ouvrir à la concurrence. Il y avait en l'occurrence un vrai spécialiste du transport le sénateur Francis Grignon, que je vous conseille d'auditionner parce qu'il a beaucoup travaillé sur le fret ferroviaire. Il a présidé un groupe de travail sur l'avenir du fret ferroviaire constitué en septembre 2009, conformément au souhait du président de la commission de l'économie et du développement durable du Sénat. Ce groupe travaillait en étroite relation avec nous. Son rapport a été rendu public en octobre 2010.
Prenant acte des résultats peu probants enregistrés par le fret ferroviaire lors des dernières années, notamment par l'activité fret de la SNCF, ce rapport constatait le déclin continu du fret ferroviaire en France depuis trente ans. Il révélait par ailleurs que l'avenir du fret ferroviaire était directement lié au monde routier. Il affirmait également que l'érosion des parts du marché du fret ferroviaire par rapport aux autres modes devait être endiguée en tirant profit notamment de la reprise économique constatée à l'époque dans le secteur des transports.
Dans le prolongement des pistes de progrès identifiées dans le cadre de l'engagement national pour le fret ferroviaire, ce rapport proposait trois grands axes de travail.
Premièrement, renforcer la qualité de service des opérateurs ferroviaires en rendant plus performants les corridors de fret afin de faire émerger un réseau ferroviaire européen compétitif, en substituant une logique de la demande au bénéfice des chargeurs à la logique de l'offre qui était privilégiée et en prévoyant que les utilisateurs du mode routier versent une compensation aux entreprises ferroviaires exploitant des lignes de fret de faible trafic, essentiellement de wagon isolé, dans une perspective d'aménagement du territoire.
Deuxièmement, le rapport préconisait d'améliorer l'organisation du système ferroviaire en garantissant l'indépendance de la direction et de la circulation ferroviaire au sein de la SNCF, en donnant la priorité aux embranchements et aux connexions avec les grands ports maritimes et le canal Seine-Nord Europe, en favorisant la création de voies de raccordement reliant le réseau ferré national et les sites d'entreprise, éventuellement par des subventions publiques, et en encourageant l'implantation des opérateurs ferroviaires de proximité.
Troisièmement, eu égard à l'engagement financier de l'État de 7 milliards d'euros dans le cadre de ce programme, il s'agissait de sanctuariser le financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) en accélérant notamment la mise en place de la taxe poids lourds. En outre, la question du relèvement du montant des péages ferroviaires acquittés par les trains de marchandises pouvait être étudiée. C'étaient les préconisations de l'époque, mais les agendas électoraux ont fait qu'une autre majorité s'est installée et a choisi une autre politique.
Mes rapports avec M. Guillaume Pepy et les responsables de la SNCF étaient excellents. En revanche, ils étaient difficiles avec le responsable du fret de l'époque. Disons que M. Blayau avait des idées difficiles à remettre en cause.
Pour ce qui est du Parlement européen, je ne suis pas à la commission des transports. Néanmoins, je me suis un peu renseigné auprès de mes collègues. Si vous souhaitez connaître la position de la formation à laquelle j'appartiens, je vous conseille d'auditionner M. Philippe Olivier, notre spécialiste en la matière. Nous demandons l'application d'une clause de sauvegarde pour le marché du fret ferroviaire français, comme cela existe déjà pour le transport routier : le règlement européen du 25 octobre 1993 relatif à l'accès au marché du transport routier prévoit qu'en cas de perturbation grave du marché intérieur, un État a la possibilité de demander l'application de cette clause. En l'état actuel des choses, un tel dispositif n'existe pas pour le rail. Or, compte tenu des engagements climatiques de la France dans la réduction des émissions liées au transport imposée par Bruxelles, et vu le rôle stratégique du train dans le report modal, il est clair que si la France est en plus contrainte de se démunir de sa branche Fret SNCF, elle doit demander à Bruxelles l'aménagement d'une clause spécifique pour assurer la pérennité de son marché de fret ferroviaire. À notre avis, la France ne peut pas être perdante des deux côtés.
La deuxième proposition est la mise en place d'un moratoire visant à permettre à l'État d'organiser une nouvelle entité qui remplacera Fret SNCF et surtout de pérenniser la position de cette entité sur le marché concurrentiel européen. Ce moratoire doit permettre de laisser le temps à l'État de renégocier avec Bruxelles les conditions d'accès au marché de compagnies concurrentes qui exploiteront des lignes en France, en tenant compte du contexte conjoncturel et organisationnel du lancement de la nouvelle structure française.
Une jeune structure, même soutenue par l'État, peut mettre un certain temps avant d'être totalement opérationnelle. Elle sera dépendante dans les premiers temps de certains délais administratifs et légaux pouvant l'empêcher de fonctionner à plein immédiatement après son lancement. Je pense bien évidemment aux délais de certification, de mise aux normes, d'audit, etc. Face à elle, les concurrents étrangers du rail sont des entreprises historiques et institutionnelles dans le paysage ferroviaire européen. Ils sont installés économiquement et jouissent d'une certaine assise sur le marché. Il ne serait donc pas équitable d'opposer un jeune challenger français en phase de lancement à de pareils mastodontes sur le marché.
Notre troisième proposition consiste à mettre en place une clause miroir dans le dispositif concurrentiel imposé par la Commission européenne. Alors que la libéralisation du fret ferroviaire imposé par Bruxelles oblige la France à perdre des lignes en laissant 20 à 30 % de son activité de fret ferroviaire à des compagnies étrangères concurrentes, il faut pouvoir assurer à la France qu'elle pourra compenser en récupérant du trafic et des lignes de fret auprès des autres pays européens.
Comme vous l'aurez compris, le fret ferroviaire n'était pas la principale priorité à l'époque. Le drame du ministère des transports, c'est que les secteurs sont tellement nombreux qu'il y a des priorités partout.
Dans mon introduction, j'ai souligné que le lien fait entre le développement du fret ferroviaire comme solution modale et la transition écologique n'était pas aussi systématique qu'aujourd'hui. En tout cas, c'était absolument évident dans les années 1990. Il a commencé à s'établir de manière un peu plus systématique à partir de 2009-2010, notamment dans le cadre de l'engagement national pour le fret ferroviaire. Le regard sur le fret a-t-il été initié par le sujet de la décarbonation des transports ? Ou alors, s'agissait-il plutôt de la volonté de rétablir des équilibres économiques dans ce qui était parfois considéré comme un « tracassin » ?
En tant qu'ancien ministre des transports, que pensez-vous des effets de la libéralisation du marché du fret ferroviaire sur la solution du fer pour les entreprises ? Peut-on considérer que l'introduction d'une concurrence intramodale, et non plus seulement intermodale telle qu'elle existait auparavant, a empêché une régression plus rapide ? Ou a-t-elle au contraire accéléré la régression de la part modale ? Ou n'y a-t-il eu aucun effet, si ce n'est un rôle de préservation ?
En ce qui concerne l'écoredevance ou l'écotaxe, qui a été abandonnée par les gouvernements suivants, comment regardait-on sa mise en place, qui était donnée pour acquise par l'ensemble de l'écosystème des transports au moment où vous étiez aux responsabilités ? Aviez-vous le sentiment que cela suscitait des espérances, du côté de Fret SNCF et des entreprises ferroviaires, quant à une forme de rétablissement d'une concurrence équitable entre la route et le rail ?
J'ai été secrétaire d'État, puis ministre délégué, sous l'autorité de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Même si nos rapports professionnels étaient parfois un peu tendus, c'est vraiment la première ministre à avoir sincèrement pris en charge le sujet de la décarbonation. Je précise qu'elle avait la double casquette transports et environnement. Pour elle, c'était vraiment une priorité. Non pas que ce n'en fût pas une pour ses prédécesseurs, mais la prise de conscience scientifique, médiatique et politique s'est faite au moment où elle était ministre. La composante environnementale était son cheval de bataille permanent, à chacune de nos réunions.
Je pense que le rapport du sénateur Grignon était essentiellement technique. La priorité était de sauver l'activité de fret de la SNCF, et pas forcément les problèmes de réchauffement de la planète ou de décarbonation. Compte tenu de son profil, il était logique que l'axe de son rapport soit celui-ci.
Je ne suis pas convaincu que les réformes successives d'ouverture à la concurrence engagées par l'Union européenne aient entraîné beaucoup de progrès au niveau du fret ferroviaire. La question est de savoir si c'est la faute de l'Europe ou si c'est quelque chose d'inéluctable. On pourrait parler de la situation du Royaume-Uni, à l'époque où ce dernier était dans l'Union européenne.
En Allemagne, le secteur ferroviaire a été libéralisé depuis 2014. Toutefois, c'est l'État qui contrôle le réseau, est responsable des investissements et a repris à son compte la dette de la Deutsche Bahn. Cette dernière a perdu 25 % de ses parts de marché depuis l'ouverture à la concurrence. En Italie, de nouvelles sociétés de transport ferroviaire ont vu le jour à partir des années 2000. Un nouvel acteur privé italien a fait son apparition sur le marché en 2012. Le réseau ferré italien souffre lui aussi d'un investissement insuffisant. Lorsque je regarde le bilan de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, je ne pense pas qu'il soit concluant.
Est-ce dû à la réforme des structures ou est-ce parce que le trafic routier est devenu de plus en plus concurrentiel ? Je dirais que ce sont les deux. Aujourd'hui, si on regarde les coûts du transport routier, la libéralisation fait qu'on retrouve des entreprises de l'est de l'Europe qui proposent des conditions défiant toute concurrence. Le fret ferroviaire n'est malheureusement plus concurrentiel. En plus, on a bien souvent supprimé les accès directs aux entreprises. Si l'on ajoute la politique des flux tendus et le problème technique du remplissage des wagons, la solution semble être le transport routier. Même si on est bien loin de la décarbonation, c'est la solution qui a été adoptée par de nombreuses entreprises.
L'écotaxe avait été décidée par le gouvernement Sarkozy, dont j'étais ministre. Je précise qu'elle avait été votée à l'unanimité. Personne n'a vu venir la rébellion qui a entraîné son abandon après l'élection de François Hollande. Le dispositif était compliqué et je pense qu'il a été mal expliqué. Le paradoxe, c'est que ce mouvement a été initié en Bretagne, une zone qui était exonérée de la moitié de la taxe. Autrement dit, cela n'avait aucun sens.
Tout comme pour le mouvement des Gilets jaunes, il y a parfois une exaspération de l'opinion. En l'occurrence, le déclencheur a été cette écotaxe – qui, du reste, n'était pas payée par les voitures. À l'époque, j'étais député de l'opposition, mais je l'ai défendue jusqu'au bout. On racontait n'importe quoi ! Les automobilistes étaient persuadés qu'ils allaient la payer. La fin de l'histoire, c'est que ce projet a été abandonné.
C'est la troisième commission d'enquête à laquelle j'assiste depuis que j'ai quitté l'Assemblée nationale. La première portait sur l'écotaxe et les appels d'offres qui avaient été passés avant mon arrivée. En réalité, tout cela a été une catastrophe financière. C'était pourtant un espoir de ressources pour le fret ferroviaire. Les collectivités territoriales en attendaient également beaucoup pour la réfection des réseaux routiers. Je pense que l'écotaxe a fait les frais de l'impopularité du gouvernement de l'époque. Plus personne n'a depuis lors osé remettre ce dossier sur la table. Au-delà du coût, la France est désormais un des rares pays où les poids lourds étrangers continuent gentiment à passer sur des infrastructures sans y contribuer financièrement.
En ce qui concerne la concurrence, les règles se sont appliquées de la même façon partout en Europe. Il se trouve qu'elles n'ont pas eu du tout les mêmes effets en Allemagne, en Autriche et en Belgique qu'en France, notamment sur le secteur du fret ferroviaire. Ces pays-là ont réussi à en limiter la décélération, voire à regagner de la part modale. La part modale du ferroviaire est à 30 % en Autriche. C'est donc plutôt en dynamique qu'en régression.
Il s'est donc passé quelque chose de spécifique en France, ce qui explique que la libéralisation n'ait pas produit les mêmes effets qu'ailleurs. Votre analyse de la préférence pour la route est très juste : les logisticiens n'ont plus forcément le réflexe du fer ou de la voie d'eau, même si cela commence un peu à changer. La responsabilité sociétale et environnementale des entreprises fait qu'elles s'interrogent sur d'autres solutions de transport. Les entreprises ferroviaires reconnaissent toutes qu'on n'est plus forcément au même stade du débat au sein des filières économiques qu'il y a encore dix ou quinze ans.
La politique du zéro stock dans de très nombreuses entreprises est complètement antinomique avec le fret ferroviaire et très néfaste pour son développement.
Vous avez évoqué l'engagement national pour le fret ferroviaire, qui a débouché notamment sur un plan prévisionnel de 7 milliards d'euros. Il était censé se déployer sur la période 2010-2020. Vous êtes-vous interrogé à l'époque sur le caractère européen des huit axes de travail de ce plan ?
Sur ces huit axes, cinq sont orientés vers les grands trafics à l'échelle européenne. N'y avait-il pas là un déséquilibre par rapport aux projets d'engagements financiers sur le maillage territorial national, qui était déjà fragilisé, et un risque pour la relance du fret à l'échelle du transport national ? Par ailleurs, vous avez été témoin de la scission entre RFF et la SNCF. Pourriez-vous témoigner du caractère obsolète de la décision qui avait abouti à cette scission avec la loi de 1997 ?
Nous avons entendu plusieurs témoignages indiquant que cette scission entre RFF et SNCF avait généré des situations pour le moins difficiles. Pourriez-vous témoigner des dernières années avant la réforme de 2014 ?
Vous dites avoir suivi tout particulièrement la question des ports. Compte tenu de la sous-utilisation du fret ferroviaire, la question de l'armature ferroviaire de nos grands ports français a-t-elle constitué une préoccupation à l'époque ? Elle figurait dans l'un des axes du plan d'engagement pour le fret ferroviaire, mais a-t-elle pu se déployer suffisamment et dans de bonnes conditions ? Visiblement, ce n'est pas le cas puisqu'on dresse encore aujourd'hui un bilan assez pauvre de l'utilisation du fret ferroviaire au niveau de nos grands ports maritimes.
Vous avez exposé la position de votre groupe au Parlement européen sur le plan de discontinuité, qui est étayée par trois propositions. La clause de sauvegarde pour le fret français serait en quelque sorte l'équivalent de ce qui existe au niveau routier. Vous recommandez un moratoire afin de réunir les conditions de manière apaisée et plus posée, ainsi que la mise en place d'une nouvelle entité dans le contexte actuel de concurrence avec les autres acteurs sur le terrain. Votre dernière proposition est la mise en place d'une clause miroir permettant à cette nouvelle entité de se déployer à l'échelle des autres pays européens. Pourriez-vous préciser ces trois propositions au regard de la mise en œuvre de l'actuel plan de discontinuité, si cela vous est possible ?
Sur votre dernière question, étant donné que le Parlement européen est un cauchemar en termes de réglementation, je vous conseille de vous adresser à un véritable spécialiste, ce que je ne suis pas.
Oui, je pourrai vous le transmettre par écrit.
Les sept grands ports nationaux étaient l'objet de la septième proposition des huit axes de l'engagement national pour le fret ferroviaire. C'était inscrit dans les plans, mais j'ignore si cela a été appliqué. Pour ma part, je me suis plutôt occupé des problèmes de manutention, de grève et de statut. Néanmoins, nous avions bien mentionné la question de l'accès aux ports. Il n'y a pas de développement du fret ferroviaire si l'intermodalité n'est pas prévue à l'arrivée dans les ports.
La décision sur la scission était-elle obsolète ? En tout cas, je constate qu'elle a créé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus. Il y avait des réunions en permanence entre M. Guillaume Pepy et le responsable du fret. La frontière entre les deux n'était pas claire. Chacun se renvoyait la patate chaude, notamment sur les problèmes de signalisation. Ça n'a donc véritablement jamais fonctionné. C'était toujours quelque chose d'assez théorique.
En ce qui concerne l'engagement national pour le fret ferroviaire, j'étais alors en discussion avec Siim Kallas, le commissaire européen aux transports de l'époque. Il s'agissait notamment du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Nous nous sommes battus pour que la France ne soit pas oubliée et nous avons obtenu satisfaction sur à peu près tout ce nous souhaitions. Pour autant, comme bien souvent à Bruxelles, cela reste de grands projets.
Nous avions bien conscience des axes européens dans lesquels nous devions nous inscrire. La priorité du développement des autoroutes ferroviaires avait été inscrite, notamment l'axe Perpignan-Luxembourg. Il y avait également une grande réflexion sur les lignes maritimes entre l'Italie, la France et l'Espagne. En fait, même si la dimension européenne était prise en compte, cela constituait davantage une annexe qu'une priorité.
Vous venez d'évoquer les contacts et les échanges que vous aviez avec l'Union européenne, et en particulier le commissaire européen aux transports. Les plans de redressement de Fret SNCF avaient été lancés en réponse à la situation de 2005. Aviez-vous eu des alertes sur le caractère potentiellement discutable au regard du droit européen des aides publiques qui étaient versées par le groupe public ferroviaire à Fret SNCF pour la renflouer ?
Nous passions notre temps à répondre régulièrement à des questionnaires. On trouvait toujours les justifications nécessaires. Néanmoins, il est vrai que cela faisait partie des questions récurrentes qui nous étaient adressées par le commissaire aux transports. Pour autant, pour en avoir discuté avec eux, j'avais l'impression que c'était la situation de beaucoup de mes collègues au niveau européen. La France n'était pas une exception.
En plus, le commissaire européen aux transports étant alors originaire d'un pays balte dont la superficie ne se prête pas à un tel développement, c'était pour lui une obsession alors que nous essayions en permanence de freiner les choses avec mes collègues italien, allemand et espagnol en lui expliquant que la transition ne pouvait pas se faire en jouant purement et simplement les règles du libéralisme.
Vous avez évoqué les deux priorités qui se côtoyaient. Vous avez mentionné le souci permanent de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet quant à la décarbonation, notamment dans le secteur des transports, et une priorité beaucoup plus pragmatique de vos collègues européens et de vous-même sur la sauvegarde du fret. Comment les arbitrages ont-ils pu progresser dans ces circonstances ? On était alors dans le contexte de l'écotaxe à venir.
Aujourd'hui, nous nous trouvons un peu dans les mêmes difficultés. La question climatique est de plus en plus prégnante. En même temps, on se demande comment il pourrait y avoir une alternative au tout-routier. La question que vous vous étiez posée à l'époque se pose toujours actuellement. Il y a à la fois un enjeu écologique majeur et un enjeu économique très concret au niveau des entreprises. Comment avez-vous vécu ces difficultés théoriques et pratiques que nous vivons encore aujourd'hui ?
À l'époque, nous étions beaucoup plus optimistes. Il y avait une forme d'angélisme de la croissance verte, qui allait tout résoudre et apporter de nouvelles recettes. Il ne faut pas oublier que nous étions à un an et demi de l'échéance présidentielle. Or les premières années d'un mandat sont faites pour lancer des réformes et les autres pour essayer de ne pas perdre l'élection suivante, quel que soit le gouvernement.
Dans les faits, on était plus dans une forme de lyrisme que de solution pratique. Nathalie Kosciusko-Morizet a défendu l'écotaxe avec beaucoup de courage. Au départ, ce n'était pas évident. Tout le monde attendait l'arrivée de l'écotaxe, qui allait inciter au report modal. Je dirais que nous étions dans une forme d'illusion où la lutte contre le réchauffement climatique allait générer une autre économie et une autre croissance.
Aujourd'hui, dans un pays tel que la France, le transport routier semble malheureusement de plus en plus indispensable. Au niveau européen, on se heurte aussi par moments à des pays devenus ultralibéraux parce qu'ils ont connu la période communiste. Il est très intéressant de regarder le parcours de ces responsables qui ont été éduqués aux États-Unis et ne sont pas forcément confrontés aux problématiques d'un pays de plus grande superficie ou de transit. Pour reprendre l'exemple de l'Estonie, le transit est assez limité.
À cette époque, je pense qu'on a complètement sous-estimé les conséquences. Néanmoins, je ne parlerais pas de sous-estimation coupable parce que nous étions vraiment au tout début. C'est sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy que le ministère de l'environnement a englobé pour la première fois le logement et le transport. Il ne faisait pas partie jusqu'alors des ministères de premier rang.
Au niveau européen, lors des discussions avec la Commission, je pense que nous étions beaucoup plus attachés à des problèmes d'ouverture du marché, de fin de l'étatisme, etc. Les questions climatiques et de protection de la nature apparaissaient en filigrane, mais elles constituaient davantage des figures imposées que la préoccupation principale. Aujourd'hui, les priorités ont changé.
La commission procède à l'audition de M. Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM, ministère de la transition écologique).
Monsieur le directeur général, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette audition. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'entendre l'administration qui est le plus directement concernée par les sujets que nous abordons. Je précise que nous auditionnerons également vos prédécesseurs MM. Marc Papinutti et François Poupard.
Nos questions à vous porteront à la fois sur le volume d'aides publiques aujourd'hui mobilisées pour soutenir la solution modale du train pour le transport de marchandises ; sur l'efficacité de ces aides mobilisées dans le cadre de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire ; sur la mobilisation de SNCF Réseau sur l'enjeu des circulations de fret, dont les prix de péage sont inférieurs à ce que lui rapportent les péages voyageurs ; et sur la solution de discontinuité, dont une ancienne directrice de Fret SNCF nous a indiqué qu'elle avait déjà été envisagée par un rapport du cabinet McKinsey commandé par votre administration en 2019.
Nous aurons également des questions sur les échanges que vous pouvez avoir avec le secrétariat général des affaires européennes, la représentation française à Bruxelles et la Commission européenne sur cette solution de discontinuité qui vise à éviter à l'entité qui succédera à Fret SNCF de faire l'objet de poursuites visant à recouvrer les 5,3 milliards d'euros.
Je précise que vous êtes en poste depuis un an. Mais vous êtes bien évidemment la voix de votre administration et nous espérons que votre regard sera aussi marqué par la continuité.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
(M. Thierry Coquil prête serment.)
Merci d'avoir bien voulu m'entendre sur un sujet aussi important et difficile. Il est important pour l'avenir du fret en France. Fret SNCF est bien évidemment un opérateur clé du secteur. Dans un contexte de transition écologique souhaitée et attendue, c'est bien évidemment un enjeu majeur. Il est important pour ses salariés, dont on comprend toutes les difficultés, mais aussi pour toutes les entreprises qui sont ses clientes et qui ont aujourd'hui besoin d'un service dont il s'agit d'assurer la continuité.
C'est un moment qui est difficile parce que la solution de discontinuité qui est en train de se mettre en place constitue un choc. Cette véritable inflexion va imposer beaucoup de transformations et, au-delà, beaucoup d'émotions. Nous sommes de surcroît dans un moment de ralentissement de l'activité économique. Ce n'est donc pas le moment le plus facile pour mener cette opération.
Le trafic de marchandises est plutôt orienté à la baisse. Dans ces moments-là, le secteur ferroviaire est toujours très concurrencé par les services de transport routier, qui ont des coûts fixes moins importants et peuvent être très agressifs en termes de coûts et de services. Les questions d'énergie ont également induit des difficultés ces derniers mois. J'ajoute que les épisodes de grève du début d'année ont affecté le secteur ferroviaire, sans oublier l'éboulement de la Maurienne, qui nous bloque pour aller vers l'Italie. Ce n'est donc pas le contexte le plus aisé pour mener cette transformation.
Pour nous, le fret ferroviaire et le ferroviaire en général sont l'armature des transports du futur. Le Gouvernement l'a clairement affirmé et c'est ce qui est en train d'être mis en place avec conviction et détermination. C'est un objectif majeur de la planification écologique telle que la décline le plan d'avenir pour les transports décidé par la Première ministre. C'est plus que crédible compte tenu du développement du trafic de passagers. Le vrai enjeu est que cela devienne une réalité crédible pour le fret, où il s'agit davantage d'une projection que d'une réalité aujourd'hui.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et jusqu'aux années 1980, le fret ferroviaire représentait 70 % du transport de marchandises. Sa part est ensuite passée à 20 % dans les années 1990. Depuis 2005, il ne représente plus que 10 %. De vraies crises ont affecté ce secteur, qui est très déficitaire depuis le tournant des années 2000. Il stagne depuis 2010 malgré tout un ensemble de plans sur lesquels vous avez dû revenir au cours de vos différentes auditions.
Ces différents plans, qui ont été plus ou moins mis en œuvre, n'ont pas permis le relèvement du secteur. L'ensemble des dispositifs d'aide n'avait pas été mis en place comme aujourd'hui. La restructuration du secteur elle-même n'avait pas été menée. Depuis 2010, un cadre beaucoup plus incitatif a progressivement été mis en place. Par ailleurs, l'entreprise Fret SNCF s'est profondément restructurée. L'outil industriel a été redimensionné. Il correspond beaucoup mieux au trafic actuel, ce qui devrait lui permettre de repartir sur une base plus solide. Au tournant de l'an 2000, les actifs de Fret SNCF étaient deux à trois fois plus importants qu'aujourd'hui.
Il en est de même du nombre d'employés, qui a lui aussi été réduit. La libéralisation intervenue en 2007 n'a pas été le déclencheur des difficultés : ces dernières lui ont préexisté. Au niveau européen, la libéralisation a été conçue comme un outil pour répondre à la chute du fret ferroviaire. Au cours des vingt années précédant la libéralisation, le trafic en camion a été multiplié par deux à l'échelle européenne tandis que le fret ferroviaire a été divisé par deux.
Aujourd'hui, nous en sommes à l'étape de la préparation de la discontinuité. Depuis cinq ans, nous avons posé un cadre de développement du fret ferroviaire qui n'existait pas jusqu'à présent, avec tout un ensemble d'aides et une stratégie qui se veut complète, la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire. Son premier atout est d'avoir été co-construite avec tous les acteurs, qui sont par conséquent concernés par l'ensemble des aides. Le fait qu'ils soient solides nous met à l'abri des difficultés qu'on a pu connaître.
Cette stratégie est structurée autour de quatre axes. En ce qui concerne le modèle financier, un ensemble d'aides a été mis en place, tant pour réduire les péages que pour augmenter le transport combiné. Il y a également des aides pour le démarrage de lignes et le wagon isolé. Elles sont extrêmement importantes pour la suite de l'activité de Fret SNCF, qui va en partie se réduire sur ce champ. Pour autant, il restera des trains massifs dits complets.
Le deuxième champ concerne tout ce qui a trait à la qualité de service, avec tout un travail sur les procédures de commandes, les sillons, la digitalisation des services et les relations avec le gestionnaire d'infrastructures. Le troisième champ concerne le développement des infrastructures, qui constitue un axe extrêmement important et sur lequel beaucoup de financements ont été prévus. Dans le cadre du plan de relance, 500 millions d'euros ont déjà été mis en place. Des contrats de plan État-région (CPER) très ambitieux ont été négociés.
Le quatrième axe, qui n'est pas strictement dans la stratégie à proprement parler, n'en est pas moins important. Il s'agit du travail que nous sommes en train de mener sur le lien avec les ports et les axes fluviaux. En fait, c'est une stratégie de développement des transports massifs par axe qui concerne tout un ensemble d'opérations qui dépassent le champ du fret ferroviaire. Un certain nombre d'actions menées y contribuent – je pense notamment au contournement de Lyon et à l'axe Lyon-Turin.
L'action fondamentale est sans doute la régénération du réseau ferroviaire : il n'y aura de fret ferroviaire que si le réseau est en bon état. Si l'on construit l'attribution de capacités de façon solide, un travail technique autour des plateformes dites de services et d'infrastructure doit être mené afin de mieux allouer les sillons et veiller à ce que le fret ferroviaire ait les capacités nécessaires. Nous sommes convaincus que ce plan global va nous permettre de relever le défi du ferroviaire.
Concernant la question de la discontinuité, je n'en ai pas vécu la genèse. À mon arrivée, j'ai repris le fil de ce travail qui remonte à 2017, voire un peu avant. Tout cela a abouti à une décision qui a été prise au mois de mai. C'est certainement la moins mauvaise des décisions qui pouvaient être prises. D'autres scénarios, notamment ceux qui consistaient à attendre de voir ce qui se passe, étaient une forme de roulette russe en allant au-devant d'une catastrophe annoncée. Lorsque la commission ouvre une procédure, c'est que sa conviction est plus que faite quant à son issue. La solution de discontinuité relève d'un choix raisonné, réfléchi et mesuré.
C'est un compromis qui nous semble être le moins mauvais. Il garantit que Fret SNCF ne soit pas privatisé, que le périmètre des flux qui lui sont retirés soit limité, que les salariés soient accompagnés et que la viabilité des deux entreprises qui vont en ressortir soit réelle. Il reste maintenant à accompagner tout cela. C'est ce que nous faisons au quotidien. Il s'agit de préserver une continuité afin qu'il n'y ait pas de perte ou de report vers le transport routier parmi ces vingt-trois flux, et plus généralement de se préparer à cette transformation, qui comporte beaucoup d'étapes, y compris sur le plan social.
Quels sont, selon vos évaluations, le volume et l'évolution des aides publiques dévolues au secteur du fret ferroviaire et à la solution du fer pour le transport de marchandises ces dernières années, avant et après 2021 ? Par ailleurs, vous venez d'indiquer que l'étude de la solution de discontinuité remontait à 2017, voire avant. Pourriez-vous étayer cette affirmation en nous disant à quel niveau se situait cette réflexion ? S'agissait-il uniquement d'un niveau administratif ou pouvait-il en être fait information auprès des responsables politiques ?
Dans la solution de discontinuité qui a été retenue et annoncée par le ministre en mai 2023, quelle part prenez-vous dans les discussions sur les vingt-trois flux qui vont devoir être cédés par Fret SNCF et quelle est celle des chargeurs en recherche d'entreprises ferroviaires alternatives pour transporter leurs marchandises ? Comment évaluez-vous la perspective d'une reprise effective de ces flux, et selon quelle temporalité, par des entreprises ferroviaires alternatives à Fret SNCF ?
Enfin, vous avez cité l'éboulement de la Maurienne et ses conséquences à la fois sur les services voyageurs et marchandises. Au-delà des effets du changement climatique, ne voyez-vous pas dans cet éboulement une traduction très simple du mauvais état de notre infrastructure ? Je rappelle que les ouvrages en terre sont une composante de l'infrastructure. C'est généralement la moins bien connue par SNCF réseau.
L'éboulement de tout élément qui surplombe une voie ferrée peut normalement s'anticiper. C'est un accident qui n'a rien d'atypique. La menace des effondrements de talus concerne en particulier des voies sur lesquelles on a sous-investi. J'ai d'autres exemples en tête. N'est-ce pas avant tout un problème d'entretien des infrastructures et de méconnaissance du patrimoine ferroviaire qui a provoqué cet accident ?
Les aides publiques sont de l'ordre de 330 millions d'euros aujourd'hui. Elles s'élevaient à 130 millions d'euros avant la mise en place de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire. La hausse correspond notamment à la compensation du fret additionnel. Jusqu'à présent, on ne finançait que l'écart entre la redevance de circulation et le coût marginal des trains de fret supplémentaires, ce qui laissait une part de plus de 60 % aux entreprises de fret. Dans le cadre de la stratégie nationale, on a augmenté significativement la part des péages prise en charge par l'État. Les entreprises ne paient plus qu'environ 30 % du coût des péages. Le montant des aides a augmenté de 65 millions d'euros pour passer d'une centaine de millions à 165 millions d'euros.
Nous parlons bien d'une compensation pour les entreprises ferroviaires, qui utilisent le réseau et qui répercutent ensuite les coûts des péages sur les chargeurs. Il s'agit de faire en sorte que la solution du fer soit plus attractive qu'elle ne le serait par le mécanisme des péages classiques. Existe-t-il une compensation à SNCF Réseau sur le différentiel entre les péages fret et les péages voyageurs ? Pour SNCF Réseau, il est structurellement beaucoup moins intéressant sur le plan économique de faire de la circulation de marchandises plutôt que de la circulation de voyageurs.
SNCF Réseau ne perçoit pas d'aides spécifiques. Aujourd'hui, ces péages sont tout à fait intéressants pour le fret. Ils s'élèvent à 1,29 euro par train-kilomètre contre 1,48 euro au niveau européen. Si nos péages sont généralement plutôt chers, ce n'est plus le cas désormais compte tenu de ces aides pour le fret. Mais cela pose par ailleurs la question du financement de SNCF Réseau et de la régénération du réseau, qui n'est pas traitée de manière segmentée entre chacune des activités.
Le deuxième bloc d'aides concerne le transport combiné. En la matière, les aides dites « à la pince » sont passées de 27 à 47 millions d'euros. Elles visent les opérations de manutention pour charger les caisses mobiles, les conteneurs et les semi-remorques sur les trains.
Le troisième type d'aides concerne le wagon isolé. Quelque 70 millions d'euros ont été mis en place. Il y a également des aides au démarrage de services d'autoroute ferroviaire pour un montant de 15 millions d'euros. Le total s'élève à 300 millions d'euros.
Lors de l'annonce de la solution de discontinuité, M. Clément Beaune a ajouté que les aides au transport combiné seraient relevées de 30 millions d'euros pour passer de 70 à 100 millions d'euros en 2025, avec un maintien jusqu'à 2030. Cela représente donc 330 millions d'euros d'aides mobilisables à l'horizon 2025. Des plafonds sont prévus pour les aides aux péages en fonction de l'activité. Les aides font l'objet d'une prévision annuelle, mais la mobilisation concrète est constatée en fin d'année. Je tiens bien évidemment ces chiffres à votre disposition.
En 2019, les aides aux péages s'élevaient à 98 millions d'euros. Elles sont passées à 89 millions d'euros en 2020, à 118 millions en 2021 et à 119 millions en 2022. La prévision pour l'année 2023 est de 126 millions d'euros. Cela progresse, mais tout dépend du montant des dépenses. Au total, l'effort qui consiste à passer de 130 à 330 millions d'euros est tout à fait important. De plus, il concerne tous les transporteurs, si bien que le cadre n'est pas contestable. On a changé logique par rapport à ce qui existait auparavant. Au lieu d'aider Fret SNCF, on aide des activités. C'est donc beaucoup plus stable.
La question de la discontinuité est apparue bien avant 2020 et 2021. Il y a eu des plaintes. En réalité, dès 2015, chacun avait compris qu'on allait rencontrer des difficultés. L'Autorité de régulation des transports (ART) avait refusé de valider le référentiel comptable. Un cadre a été mis en place en 2005 et une première transformation du groupe est intervenue à cette époque-là. La Commission européenne a donné un accord sur des aides à la restructuration. La dette s'élevait à 1,5 milliard d'euros. Elle a été en partie reprise par la SNCF et par l'État, à raison de 700 millions et 800 millions d'euros respectivement.
Le plan de restructuration de 2005, qui précédait l'ouverture à la concurrence, avait pour condition qu'il n'y ait plus d'aides d'État. Chacun espérait que cette restructuration contribue à remettre tout le système à flot. D'ailleurs, c'est là qu'a débuté la restructuration technique dont je parlais tout à l'heure. L'offre du wagon isolé a été réorganisée et limitée. Il y avait auparavant une offre sur mesure pour un certain nombre de trains spécifiques.
À partir de 2007, la SNCF a dû refaire des avances de trésorerie à Fret SNCF. L'Autorité de régulation des transports a commencé à poser des questions sur le référentiel comptable dès 2015. Une plainte de l'Association européenne du fret ferroviaire (ERFA) est intervenue en 2016, ce qui a constitué un premier coup de semonce. En 2017, il a été décidé de valider les règles comptables, qui ont été clarifiées au niveau de l'ART.
Une première notification a été faite aux autorités françaises. Les pouvoirs publics au plus haut niveau étaient donc tout à fait informés de ce qui se passait. La France a alors tenté de convaincre la Commission que la SNCF avait agi en investisseur avisé et que la dette qui avait été reprise par SNCF holding était bien identifiée dans ses contours et suivie comme une dette spécifique rattachée à Fret SNCF. L'EPIC SNCF portait l'argument que tout cela allait dans le sens de l'intérêt environnemental, qui était défendu par les textes européens.
Une nouvelle plainte est intervenue en 2018, ce qui a donné lieu à une deuxième notification des autorités françaises (NAF). C'était l'époque du nouveau pacte ferroviaire, avec la recapitalisation de Fret SNCF et tout le débat sur le port de la dette. Pour répondre à votre question, bien avant 2019 ou 2020, il y a eu une prise de conscience et un traitement administratif et politique de ce sujet, qui inquiétait bien évidemment au plus haut niveau.
L'étude du cabinet McKinsey de 2020 apparaît à un moment où il y a eu une nouvelle plainte. Le retour de la Commission laissait entendre que la transformation du groupe SNCF et la filialisation ne suffiraient pas à effacer le fait qu'elle avait reçu des financements pendant une dizaine d'années et que sa dette avait été reprise. Il est donc normal que l'État ait souhaité se doter d'une étude pour comprendre cette solution de discontinuité dont la Commission lui parlait. La Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) avait déjà eu à connaître un traitement similaire. Il était assez logique de regarder les scénarios qui pouvaient apparaître.
Vous avez fait mention de l'ART et de certains de ses avis au regard du droit de la concurrence. Cela semble être un détail puisque le droit français inclut, sur ces dispositions-là, une transcription du droit européen. Néanmoins, l'ART ne se prononce que sur la conformité aux règles du droit français et n'a aucune compétence pour le faire au regard du droit européen. Il est important de le préciser puisque ce n'est pas exactement le même registre de règles de droit public en vigueur.
En ce qui concerne les vingt-trois services dédiés que Fret SNCF doit transférer, nous suivons le processus de manière très attentive. Lors du premier cycle, les clients avaient jusqu'au 30 septembre pour indiquer s'ils rencontraient des problèmes pour confier ces flux à un autre opérateur au 1er janvier 2024. Parmi les vingt-trois, quatorze ont demandé une prolongation jusqu'au 30 juin 2024. Ce n'est pas vraiment une surprise puisque la SNCF leur en avait fait l'annonce au mois d'août et que le délai était donc extrêmement court pour trouver un autre opérateur. DB Cargo en a repris l'essentiel.
Il y a également des flux qui n'ont pas été repris et qui ne le seront pas : ils sont suspendus par manque de pertinence économique. Dans un contexte général de baisse de l'activité de transport et de plus forte concurrence du transport routier, cela n'a pas forcément de lien direct avec la mise en place de la discontinuité. Ce sont tout simplement des flux qui n'étaient plus rentables ou, en tout cas, qui ne le sont pas aujourd'hui.
En fait, ce sont des flux qui ne circulent plus depuis un certain temps. Par conséquent, à l'heure où nous parlons, il y aurait plutôt vingt ou vingt et un flux que vingt-trois.
Ce sont en effet vingt et un flux. Un appel à manifestation d'intérêt (AMI) a notamment été lancé pour essayer de relancer Perpignan-Rungis, mais il est pour l'instant infructueux. À ce stade, nous imaginons deux solutions pour résoudre le problème, soit une prolongation, soit un passage à un autre régime, à savoir la délégation de service public (DSP).
ArcelorMittal demande une prolongation de son flux jusqu'en 2025. Nous avons contribué aux réunions qui se tiennent avec les chargeurs et les autres entreprises afin d'accompagner le transfert de ces flux. Nous allons bien évidemment continuer à le faire pour chercher des solutions, même si cela devait aboutir à la mise en place d'autres régimes.
En l'occurrence, le flux Perpignan-Rungis est particulièrement compliqué. Il est prévu par ailleurs des travaux de la Semaris pour la mise en place d'un terminal combiné. Dans les faits, une modification du flux va intervenir pour passer en transport combiné ; et non en train à chargement latéral comme c'est le cas aujourd'hui. Il faut réussir à combiner tous ces éléments avec une opération industrielle en parallèle. Bien que ce soit complexe, nous sommes déterminés à assurer la continuité de cette liaison.
Je ne crois pas que l'on puisse dire que l'éboulement est le signe du mauvais état des infrastructures, même s'il est évident que cela constitue un sujet de préoccupation. Il faudrait consulter les données de la SNCF et les différents indicateurs qui caractérisent l'état des infrastructures pour voir si la ligne de la Maurienne était considérée comme étant en mauvais état. Je sais que cette falaise était suivie depuis très longtemps. D'importants travaux d'infrastructures ont été réalisés. Des purges sont effectuées et des capteurs ont été mis en place depuis un certain nombre d'années. Manifestement, la SNCF pensait être à l'abri. D'ailleurs, la ligne ferroviaire a été protégée. La galerie, renforcée par des travaux menés cet été, a rempli son rôle de pare-bloc.
Pour autant, personne n'aurait imaginé qu'autant de matériaux puissent tomber du haut de cette falaise, qui est pourtant suivie par un dispositif de laser au top de la technologie. Ces moyens de modélisation et ce travail de monitorage ont permis de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'accident humain. La circulation des véhicules a été interrompue une demi-heure avant. C'est à saluer. Plutôt que de conclure à un quelconque manque de suivi, je pense que c'est plutôt un bon exemple de la modestie que nous devons garder face à la nature.
Tout comme un ouvrage en terre, une falaise fait partie intégrante de l'infrastructure. Ce n'est pas simplement un élément naturel qui n'a rien à voir avec la voie ferrée. Je veux bien faire crédit à SNCF Réseau d'un suivi particulièrement poussé, il n'en reste pas moins que les ouvrages en terre constituent un point faible majeur, au même titre que la signalisation, en termes d'infrastructures. Il est fort probable que ce ne sera pas le seul éboulement de talus ou de falaise à se produire sur des voies ferrées en France dans les années à venir. Or ce n'est jamais une dimension à laquelle on pense lorsqu'on parle de l'infrastructure ferroviaire.
Pour être tout à fait précis, il ne s'agit pas d'un ouvrage en terre. En l'occurrence, c'est une falaise qui surplombe une voie ferrée. Cela n'a été construit ni par la SNCF ni par l'État routier. Qui est responsable de cette falaise ? Selon le code civil, la compétence est celle de la commune. Bien évidemment, cette dernière est dans l'incapacité de l'exercer. Une route, la RN4, est juste en dessous. La SNCF et l'État routier ont fait des travaux de confortement. C'est plutôt le département qui supportait le risque majeur sur la zone puisque la SNCF s'estimait protégée par la galerie. Elle n'imaginait pas que l'éboulement pourrait déborder. Le département, qui se sentait le plus concerné, est aujourd'hui chef de file dans le suivi de cette falaise.
En revanche, vous avez tout à fait raison sur le fait que les ouvrages en terre sont un point de fragilité. Et, comme dans le cas de la falaise, il est très difficile d'en modéliser l'évolution. Il suffit qu'une poche se forme à l'intérieur pour que les choses évoluent d'une manière qui n'avait pas été anticipée. Bien évidemment, nous n'avons pas monitoré tous les ouvrages en terre plus ou moins importants du réseau SNCF, mais il s'agit d'un enjeu majeur.
On parle d'aides au wagon isolé. Pour autant, on est loin du wagon isolé des années 2000. Pourriez-vous nous donner le seuil du coupon à partir duquel cette aide se déclenche ? La stratégie nationale met tout particulièrement l'accent sur la régénération des dessertes d'installation terminale embranchées (ITE). Le dépassement de ce seuil a-t-il été pris en compte pour revenir à terme à une desserte de wagon isolé stricto sensu, dans le cadre de la réindustrialisation qui se fera aussi via les PME ?
Au sujet de la stratégie nationale, vous avez parlé de « développement », mais les 4 milliards d'euros portent sur la régénération du réseau. Même si elle peut contribuer au réinvestissement dans les infrastructures, cela reste néanmoins de la régénération. Pourriez-vous nous communiquer la mise en œuvre précise des soixante-douze actions de la stratégie nationale au cours des années 2021 et 2022 ?
Avez-vous été en mesure de faire une analyse juridique et surtout économique du plan de discontinuité ? Certaines analyses montrent une perte nette de 10 points de productivité lors du passage de l'ancienne à la nouvelle entité. Cela pourrait compromettre la viabilité de la nouvelle entreprise, notamment dans le contexte de ralentissement économique à l'échelle européenne et de crise de l'énergie que vous avez souligné.
Vingt et un flux seraient repris tandis que deux autres seraient suspendus pour manque de rentabilité. Avez-vous le calendrier de l'interruption de ces deux flux ? DB Cargo en a repris neuf. Est-ce que Lineas prévoit également la reprise de certains flux ? Vous nous avez indiqué que quatorze d'entre eux bénéficient d'un sursis de six mois. Avez-vous des inquiétudes quant à ce qui pourrait advenir de certains d'entre eux, notamment ceux qui pourraient relever d'un montage aussi complexe que le flux Perpignan-Rungis ?
Il n'y a pas de seuil, mais je préférerais laisser M. Vincent Ferstler, chef du bureau du fret ferroviaire et du transport combiné, s'exprimer sur ce point.
(M. Vincent Ferstler prête serment.)
Il n'y a pas de seuil en termes de nombre de wagons dans les coupons aidés au titre de l'aide au wagon isolé. Cela avait fait l'objet de discussions avec les opérateurs lors de la mise en place de l'aide. Il doit s'agir de coupons réorganisés et retriés à partir de trains complets intertriages. Cette aide a donc vocation à aider des dessertes fines qui ne sont pas des trains complets.
Je comprends aussi qu'il n'y a pas de plafonnement des aides aux péages en contrepartie des autres aides qui sont données.
Par ailleurs, les 4 milliards d'euros ne concernent pas uniquement la régénération. Ils concernent également la modernisation, notamment avec l'automatisation des tris. Au-delà de ce montant, il y a beaucoup d'investissements de développement au niveau du réseau national. Le contournement ferroviaire lyonnais participe du développement. Il en va de même pour la liaison Lyon-Turin et la nouvelle ligne Montpellier-Perpignan.
En ce qui concerne l'avancement de la stratégie nationale du fret ferroviaire, 54 % de l'ensemble des mesures étaient mises en place au mois de septembre, pour 44 % en début d'année. Nous pourrons vous transmettre la liste des soixante-douze mesures afin que vous puissiez suivre leur avancement. Un certain nombre de ces mesures ont d'ores et déjà été identifiées comme étant difficiles à mettre en œuvre ou caduques. Des comités de pilotage se tiennent deux fois par an. C'est l'occasion de rediscuter des mesures afin de vérifier leur pertinence ou, le cas échéant, de les remettre en question.
En ce qui concerne notre analyse économique du plan de discontinuité, je ne saurais pas répondre précisément à cette question. Je n'ai pas eu d'éléments qui me permettraient de me prononcer. Quoi qu'il en soit, sous réserve de la mise en place des aides renforcées de 30 millions d'euros sur le wagon isolé, la direction de Fret SNCF considère aujourd'hui que cette activité aura effectivement une pertinence économique. Ce sera un paramètre d'équilibrage du secteur.
Pour autant, une réorganisation de ce type représente forcément un coût. Un des points essentiels de la réforme est d'avoir réussi à maintenir l'intégrité du savoir-faire et de l'organisation en réseau pour les trains mutualisés. Il s'agit vraiment d'une organisation nationale. Seul Fret SNCF est capable de le faire en France.
Un des scénarios de l'étude McKinsey consistait à sortir tous les trains complets des entreprises de la SNCF. Cette solution aurait été bien plus préjudiciable puisque le savoir-faire de la SNCF est de faire tourner son parc de locomotives et de conducteurs avec des trains à prendre dans différents endroits et qui sont assemblés dans différentes conditions. Si l'on avait découpé ce savoir-faire complexe à l'échelle nationale en l'empêchant de faire parfois des trains complets, ça aurait vraiment désoptimisé les choses.
Dans la négociation, le choix qui a été fait de ne sortir que les trains dédiés qui avaient des unités de production identifiables était de loin la solution la moins désoptimisante. Pour autant, il y a toujours des effets de volume. Le ferroviaire est une activité avec une forte part de coûts fixes. En l'occurrence, je pense qu'il s'agira surtout d'un coût d'adaptation et de transformation.
D'ailleurs, on a bien vu lors des années 2020 que la SNCF a été très impactée financièrement parce qu'elle restait avec un outil industriel des années 1980 ou 1990 alors que l'activité n'était plus du tout la même. Il importe donc qu'elle adapte ses moyens à ce qu'elle a à gérer. Ce n'est pas facile puisque soit il y en a trop, soit il n'y en a pas assez. C'est une activité qui est lente à s'adapter.
En ce qui concerne le calendrier d'interruption des deux lignes, je crois que Mme Marie Saulgeot, cheffe du bureau des opérateurs et services ferroviaires de voyageurs, dispose d'éléments.
(Mme Marie Saulgeot prête serment.)
D'après les informations qui me proviennent de Fret SNCF, les deux flux avaient été budgétés pour 2023. Ils auraient dû rouler en 2023, mais il n'y a pas eu beaucoup de circulation depuis le début l'année. L'interruption daterait donc du début de l'année 2023.
Contrairement à ce que j'avais compris tout à l'heure, il y a bien un plafond à 30 % des coûts de service pour les aides. Autrement dit, à rebours de ce que j'ai pu dire tout à l'heure, il y a bien une liaison.
Les aides sont effectivement notifiées à la Commission européenne. Les règles d'instruction et d'autorisation des aides par la Commission font qu'elle impose généralement un seuil d'intensité maximal de l'aide de 30 % des coûts totaux du transport. Nous vérifions que ce plafond d'intensité n'est pas dépassé en prenant en compte l'ensemble des aides qui sont accordées à ces services.
Mon interrogation persiste sur les flux qui sont déjà repris pour l'essentiel par DB Cargo. Est-ce que Lineas est repreneur de flux ? À l'occasion de l'audition de son directeur général, j'ai cru comprendre qu'ils s'y préparaient. Vous dites à juste titre que le savoir-faire de Fret SNCF sur les trains mutualisés est sans comparaison. Il me semble avoir entendu que DB Cargo avait l'intention de creuser très efficacement ce sillon du train mutualisé à l'échelle nationale. Avez-vous des éléments d'information sur leur stratégie en la matière ?
Je précise que la question de M. le rapporteur s'appuie sur des éléments qui sont issus des auditions. Lors de son audition, M. Alexandre Gallo, président de DB Cargo France, nous a indiqué qu'antérieurement à l'annonce de la solution de discontinuité, il s'interrogeait et commençait à s'organiser afin de pouvoir se positionner d'ici à quelques années sur le marché du wagon isolé. Même si les deux sujets ne sont pas nécessairement liés, il a précisé que l'opportunité de récupérer ces flux issus de Fret SNCF allait mobiliser des ressources qu'il ne consacrera donc pas au développement de nouveaux segments pour le fret ferroviaire. Ses moyens étant limités, il les consacre uniquement à la reprise de flux qui existent déjà.
Je n'ai pas connaissance de ce que vous évoquez. Quoi qu'il en soit, ce serait une bonne nouvelle : cela voudrait dire que les flux mutualisés ont atteint leur pertinence économique. Si une entreprise telle que DB Cargo est intéressée, ça signifie qu'on a atteint un modèle économique qui fonctionnerait. Cependant, autant je veux bien croire qu'elle le fasse sur quelques axes, autant, je doute qu'elle puisse le faire à l'échelle nationale comme peut le faire la SNCF. Cela nécessite une variété de positionnements qui est selon moi hors de portée pour DB Cargo. En revanche, je pense qu'il lui est tout à fait possible de se placer de manière ponctuelle sur un axe.
Nous avons bien connaissance de l'intention de Lineas de reprendre des flux mais ce n'est pas encore confirmé à ce jour. Cela dépend des discussions entre Lineas et les clients.
Nous souhaitons évidemment avoir communication du rapport de 2019, qui a été évoqué tout à l'heure. Nous interrogerons votre prédécesseur sur la manière dont la commande avait été passée, par qui et avec quels éléments de décision.
La séance s'achève à midi quarante.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. David Valence, M. Hubert Wulfranc