La réunion

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La séance est ouverte à onze heures dix.

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Mes chers collègues, je vous propose de démarrer cette deuxième table ronde de cette matinée dédiée aux industriels de la défense. Je souhaite la bienvenue à Pierre Éric Pommellet, président-directeur général de Naval Group, Éric Bérenger, PDG de MBDA, Nicolas Chamussy, directeur général de Nexter, Emmanuel Levacher, président-directeur général d'Arquus, et Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu qui représente les petites et moyennes entreprises (PME). Nous avons tenu à votre présence pour entendre, bien entendu, nos grands champions nationaux, mais également l'ensemble des PME de défense, qui sont extrêmement importantes pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), qui sont présentes sur nos territoires et qui participent activement à l'innovation et au meilleur équipement possible de nos forces.

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Pierre Éric Pommellet, président-directeur général de Naval group

Il me sera difficile d'évoquer le renouvellement de la flotte de la Marine nationale en quelques minutes, mais je vais m'efforcer de relever ce challenge.

Je m'exprime aujourd'hui au nom de Naval Group, entreprise de souveraineté employant 17 000 personnes sur le territoire national, dont l'activité à l'international est aussi extrêmement importante. Nous sommes parfaitement conscients de l'effort consenti par la Nation pour sa défense. D'ailleurs, la raison d'être de Naval Group est de donner aux marines les moyens de leur puissance. À cet égard, nul doute que la loi de programmation militaire (LPM) s'apprête à donner à la Marine nationale et à la France les moyens de sa puissance, avec des crédits de 413 milliards d'euros en augmentation très significative depuis la dernière LPM.

Bien entendu, cette visibilité et cette trajectoire comptent énormément pour une entreprise de défense. Sachez aussi que nous sommes parfaitement conscients de l'exigence qui nous incombe pour servir les programmes commandés dans les temps et de manière compétitive.

La précédente LPM a été respectée. Nous souhaitons qu'il en soit de même pour la présente loi, car une LPM respectée est synonyme de visibilité pour les entreprises. Cette visibilité est extrêmement importante pour des entreprises de temps long comme les nôtres. Avec cette LPM, nous poursuivons le développement du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération, dont les études amont ont commencé il y a dix ou quinze ans. Le premier sortira de Cherbourg en 2035, mais nous usinons déjà les premiers éléments de sa chaufferie nucléaire et usinerons cette année la première taule à Cherbourg. Le dernier de la série de quatre sortira quant à lui de Cherbourg en 2050 et restera en service jusqu'en 2090. Cet exemple illustre bien le besoin de visibilité des entreprises de temps long de la de la BITD de défense, visibilité justement apportée par les différentes LPM.

Pour le naval, cette nouvelle LPM confirme le renouvellement quasi complet des bâtiments et des équipements de la Marine nationale, puisqu'il est proposé de confirmer le nombre et le calendrier des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA). Nous avons déjà livré le Suffren. De son côté, le Duguay-Trouin – le deuxième d'une série de six – a quitté Cherbourg hier pour aller rejoindre son port d'attache et réaliser ses essais à la mer. Le Tourville sera quant à lui livré l'année prochaine. Naval Group et tous ses partenaires vont livrer deux SNA en deux ans, démontrant la force et la capacité de l'outil industriel à livrer des objets aussi complexes dans des calendriers courts.

Bien évidemment, cette LPM confirme aussi la dissuasion, épine dorsale de notre système de défense, avec un impact industriel extrêmement important. Au-delà des SNLE que j'ai déjà évoqués, je pense aussi au porte-avions de nouvelle génération, qui participe à la puissance de la France et à la force de dissuasion. Le porte-avions de nouvelle génération est en effet confirmé dans cette LPM, avec un avant-projet détaillé qui démarrera dans les prochaines semaines et un développement-réalisation qui sera lancé à horizon 2025.

Le renouvellement des forces navales concerne également : les bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), le premier d'entre eux – le Jacques Chevallier – ayant quitté Saint-Nazaire il y a quelques semaines pour rejoindre son port d'attache de Toulon ; les frégates de défense et d'intervention (FDI), avec confirmation de la cible de cinq frégates ; les patrouilleurs hauturiers – anciennement patrouilleurs océaniques – réalisés en partenariat avec les chantiers navals Piriou, la Socarenam et CMN (Constructions Mécaniques de Normandie) ; une nouvelle composante de guerre des mines, que la France souhaite réaliser en coopération avec la Belgique et les Pays-Bas ; des frégates de défense aérienne (FDA), avec la rénovation des frégates Horizon, Chevalier Paul et Forbin dans le cadre d'une coopération européenne (Belgique, Pays-Bas et Italie) ; le maintien en conditions opérationnelles (MCO), qui est extrêmement important pour assurer la disponibilité des flottes.

Si l'industrie navale – et en particulier Naval Group – livre évidemment la France, elle livre aussi l'international et l'export. Il est extrêmement important de rappeler que notre outil industriel se comprend dans ces deux dimensions. Bien évidemment, la LPM nous permet de lancer des bâtiments pour la Marine nationale, en espérant réaliser des commandes à l'international pour amortir l'outil industriel sur ces deux composantes. Ce fut le cas avec la FDI, que nous avons vendue à l'international – avec l'équipe France – alors même qu'elle n'avait pas encore navigué pour la Marine nationale, puisqu'elle fera ses essais à la mer en fin d'année 2023 et sera livrée l'an prochain. Déjà vendue à la Grèce, cette frégate bénéficie de deux clients de lancement, ce qui est de bon augure pour la suite de notre activité à l'international.

Je suppose que les questions me permettront de revenir sur ce qu'implique l'économie de guerre pour le naval, ainsi que sur l'importance des roadmaps capacitaires. J'y reviendrai donc ultérieurement.

En conclusion de cette courte introduction, je rappellerai que la LPM est synonyme de visibilité, à condition qu'elle soit respectée. La présente version consacre et confirme le renouvellement d'une très grande partie, voire de la totalité, des équipements de la Marine nationale, ce qui est de bon augure pour notre industrie, tout en nous obligeant pour servir tous ces programmes.

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Éric Béranger, président-directeur général de MBDA

Je suis ravi de pouvoir m'exprimer devant vous sur ce sujet extrêmement important. Je crois que nous vivons une époque charnière et même un moment charnière. D'un côté, le contexte sécuritaire international – et notamment la guerre en Ukraine – révèle l'importance de la résilience, de pouvoir tenir dans la durée, et donc l'importance des stocks et des capacités de production. De l'autre, l'accélération des ruptures technologiques nous impose d'être innovants en permanence et de ne jamais relâcher l'effort de préparation de l'avenir si nous voulons maintenir notre posture stratégique et continuer à compter sur la scène internationale dans cinq ou dix ans.

MBDA est un outil de souveraineté par excellence. Il s'agit du premier acteur européen dans les systèmes de missiles. C'est également un outil de coopération, et c'est d'ailleurs grâce à la coopération que MBDA existe et peut fournir aux forces les moyens de leur supériorité opérationnelle. Dans ce contexte, MBDA doit prendre des décisions en termes de choix d'investissement, en termes de recrutement, dont les répercussions peuvent être très significatives sur notre posture stratégique dans les cinq à dix ans à venir. D'où l'importance d'une LPM, de la visibilité qu'elle peut offrir et de la clarification des choix de la France pour nous guider dans ces investissements et dans les décisions que nous devons prendre aujourd'hui.

Dans cette enveloppe globale de 413 milliards d'euros, l'on peut constater une augmentation très significative du montant consacré aux munitions, puisque le rapport annexe mentionne le chiffre de 16 milliards d'euros, avec des précisions sur certains éléments : futur missile antinavire/futur missile de croisière (FMAN/FMC) ; Aster ; missile d'interception, de combat et d'autodéfense (Mica) ; Meteor ; missile moyenne portée (MMP), désormais appelé Akeron moyenne portée (Akeron MP). L'on observe aussi que le nucléaire et la défense sol-air, avec 5 milliards d'euros, apparaissent également comme des priorités très claires. Il s'agit bien d'un investissement significatif de la France dans ses capacités cruciales.

Nous percevons par ailleurs un enjeu très fort en termes de résilience de la production, qui a fait l'objet de nombreux groupes de travail. Contrairement à la précédente loi, la nouvelle LPM ne détaille pas l'agrégat équipement par année. Ces éléments seront néanmoins clarifiés au fil des discussions, sachant que cette clarification et cette visibilité que nous sommes en train de créer ensemble vont de l'intérêt de tous : plus nous gagnons en visibilité, plus nous augmentons notre capacité, en tant qu'industriels, à anticiper en termes de stock et d'outils industriels. Par le passé, et encore plus récemment, MBDA s'est montré très actif dans cette anticipation. Sur les cinq dernières années, nous avons investi 300 millions d'euros dans notre outil industriel, au titre de l'anticipation. Nous prévoyons de porter ce montant à 500 millions d'euros sur les cinq prochaines années. En fin d'année dernière, nous avons augmenté notre capacité à constituer des stocks – en équipements, en pièces détachées – de 200 millions d'euros supplémentaires.

Nous sommes capables d'agir en ce sens grâce à la masse critique de MBDA, qui nous provient de la coopération entre les différents États, principalement avec le Royaume-Uni et l'Italie, qui constitue l'épine dorsale de MBDA. Nous sommes aussi capables d'agir en ce sens grâce aux exportations.

En conclusion, j'insisterai sur deux points. D'abord, la guerre en Ukraine met en exergue plusieurs axes significatifs, en particulier l'axe de la résilience, l'axe de la défense sol-air (qui est bien documenté) et l'axe de la frappe dans la profondeur, sur lequel nous allons continuer à travailler chez MBDA– notamment avec le programme FMAN/FMC (futur missile antinavire/futur missile de croisière. Nous avons pu observer la quantité de missiles que les Russes ont envoyés en Ukraine, ainsi que les évolutions en cours dans le domaine de l'hypersonique. Au niveau mondial, c'est aujourd'hui le premier axe de développement des États-Unis. De même, un pays comme le Japon – dont le budget militaire est à peu près équivalent à celui de la France – va consacrer, en 2023, 6 milliards de dollars aux investissements sur la frappe dans la profondeur. De fait, pour maintenir notre posture stratégique, la France a tout à fait raison d'investir sur cet axe de la frappe dans la profondeur. Ensuite, je suppose que nous profiterons du temps de questions-réponses pour revenir sur les axes d'innovation – laser, hypersonique, intelligence artificielle, combat collaboratif – que vous souhaiterez aborder.

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Nicolas Chamussy, directeur général de Nexter

Je vous remercie pour cette audition qui, malgré le temps contraint de l'examen parlementaire, doit donner à la représentation nationale une vision plus précise d'une LPM qui va déterminer notre politique de défense et la dynamique de notre industrie de défense – que nous représentons ici – au-delà de cette décennie, dans un contexte de guerre aux portes de l'Europe.

Disposer d'une LPM permettant de programmer, dans la durée, l'effort de défense et les programmes d'armement est un motif de satisfaction en soi, que de nombreux pays nous envient. Les sommes conséquentes planifiées jusqu'en 2030 constituent, de surcroît, un signal très fort envoyé à nos partenaires et nos concurrents et un facteur de crédibilité stratégique autant qu'industrielle.

Si la LPM confirme et conforte la complétude du modèle d'armée et les grandes orientations de la BITD terrestre, dont Nexter est le chef de file, elle se traduit par des ajustements capacitaires pour tenir compte des réorientations de priorités. J'en citerai trois.

Tout d'abord, les cadences de livraison du programme Scorpion sont étalées pour partie après 2030, sans remise en cause des cibles finales à horizon 2035. Je souhaiterais insister sur le fait que l'industrie a démontré sa capacité à produire et à tenir ses engagements depuis le début du programme. Les livraisons de Griffon, de Jaguar, de Serval sont intervenues exactement à la date prévue, alors que la BITD n'avait plus produit de véhicule neuf jusqu'à 2017. Nous allons produire et produisons d'ores et déjà plusieurs centaines de véhicules, conformément à nos engagements, dont nous avons démontré notre capacité à les tenir. Nous avons mis en place un outil industriel permettant d'accompagner et de soutenir cette montée en cadence industrielle. Nous nous montrerons flexibles pour envisager, en lien étroit avec le ministère des armées et l'ensemble de ses composantes, des mesures de remédiation au cas par cas et programme par programme, afin de limiter la déstabilisation du tissu industriel – non seulement Nexter, mais aussi toute la BITD que nous entraînons derrière nous – et les surcoûts inévitables de ce type de mesures. Cela prouve d'ailleurs, au passage, que seules les commandes fermes pourvoient à l'indispensable visibilité industrielle que nous appelons de nos vœux.

Ensuite, la LPM prévoit également de nouvelles priorités capacitaires dans le domaine de compétence et de légitimité de Nexter, pour lesquelles nous sommes et serons force de proposition : défense sol-air basse-couche ; lutte anti-drone, où le canon est probablement indispensable en complément du missile ; munitions téléopérées ; frappe de longue portée en remplacement des lance-roquettes unitaires (LRU) si souvent évoqués. Sur ce dernier point, nous avons formulé et continuerons à formuler, avec nos partenaires industriels, des propositions cohérentes avec le besoin et les délais exprimés par les armées. Le besoin de développement agile d'une telle capacité pourrait d'ailleurs être le symbole du faire autrement souhaité par le ministre.

Enfin, les munitions devront faire l'objet d'un effort particulier dans un contexte de profonde reconfiguration de l'industrie munitionnaire européenne, en particulier sous l'impulsion des institutions européennes. Le commissaire Thierry Breton est venu visiter plusieurs de nos sites, ce qui manifeste le rôle particulier qu'entend jouer la Commission européenne. La France se doit d'y jouer un rôle premier, de faire preuve de leadership. Du côté de Nexter, nous nous sommes déjà mis en ordre de bataille. À horizon mars 2024, nous aurons augmenté de 50 % notre capacité de production de munitions de gros calibre, et en particulier d'obus d'artillerie, par rapport ce qu'elle était au début de l'année 2023. Nous avons par ailleurs soumis des propositions pour augmenter très significativement la production, au-delà de cette hausse de 50 %, tout en renforçant notre empreinte européenne.

En outre, la LPM se traduit également par une volonté d'accroître le niveau d'activité des forces, donc potentiellement le MCO, pour lequel l'industrie privée – et Nexter en particulier – a largement démontré son apport et ses compétences. Nous gérons en effet des parcs d'entraînement et l'approvisionnement en pièces de rechange et en soutien pour l'ensemble des régiments de France et de Navarre.

Sur le plan normatif, la LPM pourvoit au bras réglementaire de l'économie de guerre, avec en particulier l'imposition administrative de stocks et la priorisation nationale de commandes à l'export. Dans le cadre du soutien français à l'Ukraine, nous avons déjà été confrontés à ces problématiques en réalisant des stocks conséquents en autofinancement et en acceptant de prendre des risques, en bonne intelligence avec le ministère des armées. Néanmoins, une vigilance particulière s'impose pour que ces dispositions n'obèrent ni notre compétitivité en faisant peser une charge durable sur la trésorerie ni l'attractivité de l'offre française en faisant peser une hypothèque de préemption sur les commandes à l'export. Cela vaut d'autant plus dans un secteur terrestre dont l'intensité concurrentielle est très forte et en croissance. Un examen partagé entre État et industrie en amont de toute décision relevant de ces dispositions me semble d'ailleurs indispensable. Le contexte d'économie de guerre ne doit pas nous faire oublier que nous sommes également confrontés à une guerre économique.

Parmi les axes majeurs d'effort, je crois nécessaire d'insister sur le besoin d'un effort particulier sur la préparation de l'avenir dans le secteur terrestre, comme l'ont mentionné mes deux précédents homologues, par davantage de financement de recherche et technologie (R&T) pour préparer les programmes majeurs et entretenir les compétences des bureaux d'études. Avec la fin des développements Scorpion, que nous aurons peut-être l'occasion d'évoquer, j'insisterai fortement sur la compétence industrielle en matière de chars et d'artillerie du futur.

Je tiens également à rappeler que l'export est absolument constitutif de l'équilibre de notre modèle industriel, pour Nexter comme pour l'ensemble de la filière terrestre, dont je me fais aujourd'hui le porte-parole. Les sujets terrestres doivent être davantage soutenus et visibles à l'export, comme c'est le cas avec le camion équipé d'un système d'artillerie (Caesar). De même, le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) en équipe de France a encore des prospects stratégiques devant lui, et une impulsion forte doit être donnée pour exporter des véhicules Scorpion. Nous disposons d'une magnifique gamme de produits Scorpion, dont les créneaux de production ont été rendus libres et que nous pouvons utiliser à l'export.

Enfin, la capacité pour la France à proposer des contrats d'État à État allégés et demandés par de nombreux pays partenaires constituerait un différenciant majeur, qui permettrait de renforcer et de catalyser nos performances à l'export, consubstantielles de la robustesse et de la performance globale de notre industrie.

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Emmanuel Levacher, président-directeur général d'Arquus

Je ne reviendrai pas sur le contexte international préoccupant, mais je présenterai Arquus en quelques mots. Arquus est une filiale du groupe suédois AB Volvo. Nous sommes une entreprise de taille intermédiaire (ETI) française, qui emploie 1 500 personnes, qui totalise 600 millions d'euros de chiffre d'affaires et qui fait appel à 2 000 fournisseurs en France. Nous sommes également héritiers d'une longue tradition de la défense terrestre avec Renaud Trucks Défense, Ateliers de construction mécanique de l'Atlantique (ACMAT), Panhard, etc. Nous sommes un partenaire historique de l'armée de Terre et réalisons notamment, dans le cadre de la LPM actuelle et future, une partie des véhicules Scorpion, dans le cadre d'un groupement momentané d'entreprises (GME) avec Nexter et Thales. Nous livrons également les véhicules pour les forces spéciales et venons d'achever de livrer les véhicules tactiques 4 (VT4) équipant l'ensemble des régiments de l'armée de Terre française. Nous avons également une tradition de succès à l'exportation : à titre d'exemple, notre blindé Bastion est un best-seller en Afrique, puisque nous en avons placé plus de 600 à date. Nous innovons enfin dans de nombreux domaines, comme la protection ou la robotique, et avons dernièrement conduit des recherches sur les nouvelles énergies du champ de bataille.

J'aborderai à présent les sujets de l'économie de guerre et de la LPM, qui sont difficilement dissociables. L'économie de guerre peut se traduire par "plus, plus vite, moins cher". Il renvoie également à des notions importantes qui viennent d'être citées : souveraineté, résilience, anticipation, réactivité. Il est clair que nous sommes totalement dans cet état d'esprit, puisque nous avons investi depuis plusieurs années sur nos différents sites industriels afin de leur apporter davantage de capacités. Nous avons également investi en anticipant sur des développements de produits pour essayer d'être en avance de phase sur les futurs programmes de l'armée française que sont le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE) et le renouvellement des camions de l'armée de Terre. Nous continuons aussi à investir – et c'est probablement l'un des sujets les plus importants – dans les ressources humaines, qui sont clairement un potentiel goulot d'étranglement. Nous continuons ainsi : à recruter, à hauteur de 150 personnes par an, ce qui est beaucoup à notre échelle ; à former, notamment grâce à une école des métiers interne, puisque l'on ne trouve pas toujours les compétences disponibles ; à motiver nos troupes, en créant une culture de l'engagement, de la performance, de l'agilité, de la capacité de mobilisation et de la réaction, ce qui est consubstantiel à l'économie de guerre.

Concernant la LPM, je tiens d'abord à remercier le ministre des armées de porter cette loi qui, avec une dotation de 413 milliards d'euros, atteint un record historique. Nous prenons note de certains lissages de production, en particulier du programme Scorpion, sachant que les cibles sont maintenues à horizon 2035 ; nous savons néanmoins nous adapter et être flexibles, grâce à un outil industriel lui-même flexible. Nous notons aussi que, en contrepartie, des efforts particuliers sont consacrés à la maintenance et au MCO, qui devraient logiquement être revus à la hausse du fait de l'utilisation plus longue de matériels anciens. Nous notons également des perspectives intéressantes dans le domaine de l'artillerie, et notamment de l'artillerie de longue portée ; nous fournissons le châssis du CAESAR de Nexter et comptons aussi nous positionner, pourquoi pas, sur des porteurs d'artillerie de longue portée, dont il a été question précédemment. La LPM aborde donc des sujets fortement porteurs de potentielle activité supplémentaire. Cela doit évidemment s'accompagner d'une bonne visibilité. Ce mot clé induit de pouvoir se projeter à moyen/long terme avec des cibles, des commandes fermes, un certain nombre de perspectives et, pourquoi pas, de nouvelles opportunités que nous pouvons aller chercher dans le cadre de cette enveloppe globale.

En conclusion, face à tous ces nouveaux défis, je souhaiterais d'abord souligner que nous sommes vraiment heureux de l'effort collectif de la Nation pour la construction d'une armée transformée et modernisée. Nous sommes bien entendu prêts à jouer ce rôle, et nous travaillons sur l'engagement de nos troupes, de nos équipes, de nos hommes et de nos femmes pour porter et réaliser tous ces dossiers qui nous seront confiés. En parallèle, je souhaiterais également insister sur le fait que nous devons redoubler d'efforts pour exporter et parvenir à équilibrer notre activité avec encore plus de succès sur les marchés internationaux.

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Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu

Je vous remercie pour votre invitation, qui témoigne de l'attention particulière que vous portez à cette composante PME/ETI de la BITD.

Le comité Richelieu se félicite également que cette nouvelle LPM permette de continuer d'amplifier les investissements nécessaires à la garantie de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique. Pour ce qui est des entreprises que nous représentons, c'est-à-dire l'écosystème des entreprises innovantes de France, le comité Richelieu s'est concentré sur les parties relatives à l'innovation et la BITD, notamment celles pouvant impacter les PME et les ETI.

Nous avons prêté une attention particulière à l'article 24 relatif à la possibilité de constituer des stocks de matières et de composants stratégiques et de prioriser la livraison de certains biens et services au profit des armées. Si cet article semble apparemment davantage concerner les grands maîtres d'œuvre industriels (MOI), nous sommes très intéressés pour connaître l'impact de cette disposition sur l'ensemble de la chaîne logistique, et donc en particulier sur les PME et ETI sous-traitantes et fournisseuses de ces mêmes MOI. Nous avons donc besoin de clarifications sur la déclinaison pratique de cet article. Nous avons également compris que les entreprises concernées par ce dispositif ne seront pas indemnisées, au motif que la constitution d'un tel stock sera assimilée à un fonds de roulement. Nous attirons votre attention sur le fait que le besoin en fonds de roulement ne s'envisage pas pareillement chez un maître d'œuvre industriel ou dans une PME/ETI, surtout dans cette période où bon nombre sont fragilisées par l'augmentation des coûts de matières, des composants et de l'énergie.

Nous souhaitons aussi attirer votre attention, plus généralement, sur les problèmes de financement de haut ou de bas de bilan auxquels font face nos adhérents, en particulier les PME de défense. Nous savons qu'existent des projets comme la création d'un livret de souveraineté. D'une manière générale, le Comité Richelieu soutiendra toutes les initiatives privées ou publiques qui permettront de soutenir et d'assurer la pérennité et le développement de la BITD.

Concernant justement cette BITD, nous apprécions les objectifs affichés d'agilité et de résilience et le fait qu'il soit demandé à la direction générale de l'armement (DGA) de consolider cette BITD à travers, notamment, « l'attention portée au tissu des PME ». Le Comité Richelieu sera évidemment très attentif aux modalités pratiques qui seront mises en œuvre pour atteindre ces objectifs et est disposé à participer aux réflexions qui les définiront.

Nous nous réjouissons également que la LPM prévoie l'anticipation de certains besoins capacitaires par des innovations de rupture et assume des paris technologiques. Nous souhaitons ici souligner le rôle important de l'Agence d'innovation et de défense (AID), et nous veillerons bien entendu à ce qu'une partie conséquente du budget de 10 milliards d'euros consacré à l'innovation soit directement accessible aux PME/ETI.

En revanche, nous sommes plus réservés sur la demande de mobilisation adressée à la BITD pour engager des projets innovants autofinancés. Je vous renvoie ici à mes propos précédents sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés en matière de financement. À ce propos, le Comité Richelieu milite depuis longtemps pour la pérennisation du crédit d'impôt recherche (CIR) et du crédit d'impôt innovation (CII), deux dispositifs indispensables aux PME pour le financement de leur recherche et développement (R&D).

Les entreprises innovantes que nous représentons sont pleinement engagées pour répondre aux enjeux et ambitions de cette LPM. Nous souhaitons toutefois attirer votre attention sur quelques points de vigilance : le passage à l'échelle, soit la manière de passer d'un projet ou d'un concept innovant ou d'un prototype à un programme, qui reste aujourd'hui assez souvent problématique ; l'accès direct des PME à la DGA, aux programmes et aux marchés ; le raccourcissement des procédures de notification et les enjeux de simplification ; notre besoin de visibilité et son corollaire, le ruissellement de la part des MOI, tant sur les aspects contractuels que financiers, notamment par le paiement d'acomptes.

À ce stade, le Comité Richelieu souhaite aussi rappeler l'importance que peut jouer le plan Action PME rénové il y a un an dans la concrétisation efficace de la loi vis-à-vis de l'écosystème des PME, et dont les cinq grands axes sont parfaitement en phase avec les différents points évoqués précédemment.

Je souhaite enfin évoquer les problèmes de recrutement auxquels nous faisons face, qui ne concernent pas uniquement les PME/ETI, mais également mes collègues des grands groupes. Si l'on se félicite tous de l'augmentation des budgets dans cette LPM, nous aurons besoin de ressources pour la concrétiser, ce qui constitue aujourd'hui un réel problème, notamment dans le secteur de la défense.

En conclusion, les PME et les ETI innovantes sont prêtes à relever les défis induits par l'ambition de cette LPM, et nous suivrons attentivement sa mise en œuvre effective. Le Comité Richelieu se tient d'ailleurs à la disposition du ministère et de la DGA pour participer activement aux réflexions et formuler des propositions.

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Nous sommes aujourd'hui réunis autour de cette LPM prévoyant 413 milliards d'euros de besoins programmés. Cette LPM est certes exigeante, mais elle l'est dans l'intérêt supérieur de la Nation. Elle vous doit aussi de la visibilité et de la clarté. En tant qu'industriels, l'écueil pour vous serait de dépendre uniquement de la commande de l'État français. Or je pense qu'il est important de consolider vos stratégies industrielles – comme vous le faites – pour ne pas dépendre de cette commande. Je lisais ce matin un article traitant de la société Arquus. J'étais relativement surpris de constater que cette entreprise française dépendait uniquement de l'État et était complètement comprimée et affolée parce que la LPM ne lui permettait pas de voir tout son plan de charge.

De mon point de vue, deux possibilités permettent d'éviter la dépendance à la commande publique. Il s'agit d'une part de l'export, et nous pouvons ici souligner les actions de vos différents groupes en la matière, qu'il s'agisse de MBDA, de Naval Group – notamment avec les FDI produites à Lorient, dont nous savons apprécier le travail précis dont elles font l'objet – ou de Nexter. Comment l'État vous accompagne-t-il donc vers l'exportation, sachant qu'un véritable besoin existe pour le VBCI ou pour Scorpion ? D'autre part, la moindre dépendance à la commande de l'État nécessite peut-être aussi de se tourner vers l'industrie duale, sur laquelle le Comité Richelieu a sans doute beaucoup d'expérience. Pourriez-vous nous donner quelques idées ou exemples afin de nourrir la réflexion sur la manière de ne pas dépendre uniquement de la commande de l'État et d'engager un plan stratégique industriel solide ?

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Vous avez insisté sur plusieurs points dans vos propos liminaires. Le représentant du Comité Richelieu a évoqué des problèmes de compétences et de recrutement. Nous mesurons combien cette LPM peut représenter, pour vous tous, des opportunités, mais également des défis. Je reviendrai sur deux d'entre eux.

S'agissant des compétences, nous avons beaucoup parlé de la notion de réserve. Quel est votre point de vue sur la notion de réserve industrielle ? A-t-elle un sens ? Comment imagineriez-vous la mettre en œuvre dans ce contexte de pénurie de compétences et de difficultés à retenir les talents ?

Ma deuxième question porte sur l'article 24 de la LPM, qui propose la mise en place de deux dispositifs pour la constitution de stocks stratégiques : l'un permet à l'administration de vous imposer la constitution de stocks stratégiques de matières ou de composants stratégiques ; l'autre permet à l'État d'ordonner l'exécution prioritaire des commandes passées à vos entreprises. Comment percevez-vous ces mesures ? Nous entendions précédemment un point d'alerte sur la nécessité d'obtenir des garanties de la part de l'État. Vous inscrivez-vous dans cette perspective de constitution de stocks stratégiques prônée par l'article 24 ?

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Notre groupe est particulièrement attaché aux questions de souveraineté. Il nous apparaît donc primordial que cette LPM donne à notre industrie de défense les moyens d'assurer notre autonomie stratégique.

Ce projet de loi entend apporter à nos armées une cohérence de soutien et de capacités ; en d'autres termes, il entend permettre une augmentation des productions militaires pour mieux équiper nos forces. Les industriels que vous êtes sont de facto la pierre angulaire de cette nouvelle programmation. Il convient donc d'assurer un cadre propice à la bonne exécution de cette LPM.

Au cours des mois précédant la présentation du projet de loi, le ministre des armées avait annoncé son ambition d'entamer une transition vers une économie de guerre. À l'époque, notre BITD regrettait qu'un tel discours ne soit pas suivi de commandes, alors même qu'elles conditionnent le développement de certains programmes stratégiques, comme le missile hypersonique. L'économie de guerre apparaît donc comme un énième élément de langage. Lors de ses interventions aux Pays-Bas, le président de la République l'a d'ailleurs associé à plusieurs reprises au concept artificiel de souveraineté européenne, alors même que l'industrie de défense française dépend en grande partie des commandes de l'État. Par souci économique et parfois idéologique, nos équipements sont le fruit de coopérations avec nos partenaires européens. Afin d'assurer la modernisation de nos armées, cette LPM mise sur un certain nombre de coopérations stratégiques. Le futur de notre armée dépend donc de la bonne conduite de ces programmes. Pourtant, force est de constater que ces derniers ne sont pas toujours d'éclatantes réussites. L'on peut notamment penser au programme Main Ground Combat System (MGCS, système principal de combat terrestre) auquel prend part Nexter, déjà retardé en raison des divergences doctrinales entre la France et l'Allemagne.

Ma question est donc double. Cette LPM donne-t-elle suffisamment de visibilité et de moyens à vos entreprises afin d'atteindre à temps les objectifs fixés ? Enfin, avons-nous suffisamment de réversibilité pour sortir de programmes développés en partenariat s'ils s'avèrent contraires à nos intérêts militaires et industriels ?

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Votre venue me permet d'abord de souligner un manque de clarté quant à l'exécution de certains programmes initialement bien programmés dans l'actuelle LPM. Le projet de loi de programmation militaire (PLPM) consacre la sémantique guerrière du président de la République d'une entrée imaginaire dans l'économie de guerre. Or les effets d'annonce butent sur la réalité du texte et la faiblesse de ses leviers pensés pour la montée en puissance de la BITD.

En premier lieu, je m'adresse à M. Pierre Éric Pommellet. Les précédentes LPM montrent le risque chronique de l'accroissement du report de charges sur le décalage de programmes consacrés en programmation. Dans ce cadre, le rapport annexé au PLPM ne contient aucune trajectoire de réduction de report de charges, contrairement à la loi en cours. Comment Naval Group appréhende-t-il la planification industrielle et financière du porte-avions de nouvelle génération ? La trésorerie de votre groupe sera-t-elle capable d'absorber les reports de charges et possibles retards de paiement massifs de cet équipement stratégique pour nos armées ?

Ma question suivante s'adresse à M. Emmanuel Levacher. Il apparaît que les cibles Griffon – amputées de 28 % d'ici 2030 –, Jaguar – réévaluées à la baisse de 30 % – et Serval confirment des renoncements à contre-rebours de la haute intensité, au détriment de l'armée de Terre. De quelle manière ces reports et étalements de programmes vont-ils impacter les coûts de MCO et les coûts unitaires pour la mission Défense ?

Enfin, je m'adresse à M. Philippe Bouquet. En plus des difficultés de main-d'œuvre qualifiée et de financement, le PLPM ne semble pas prendre en compte l'attribution des terrains européen et américain, qui complique largement la capacité souveraine de notre BITD à faire face à la concurrence internationale. L'absence de réaction de ce PLPM n'est-elle pas un angle mort pour la sauvegarde de notre tissu industriel de défense et de ses brevets ?

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Ceux qui forgent les armes de la France sont aussi ceux qui participent à la défense de la France ; c'est toujours l'occasion de le redire et de le redire à vos équipes.

Cette LPM prévoit qu'un certain nombre de programmes seront différés dans le temps. Quelles en sont les conséquences concrètes sur vos chaînes de production ? Dans quelle mesure êtes-vous capables d'étaler ces reports sans remettre en cause l'outil industriel ? Par ailleurs, dans la mesure où les succès à l'export sont essentiels à l'absorption de ces reports, pensez-vous que les perspectives à l'export vous permettent de les compenser ? Que peut faire l'État pour aider ces exportations ? M. Chamussy a ouvert une piste avec les contrats d'État à État, mais je souhaiterais en entendre davantage, notamment sur ce qui peut et doit être mis en œuvre.

Ma deuxième question s'adresse plutôt à Nexter, sachant que je vois poindre un véritable souci concernant l'avenir des blindés lourds. Nous avons arrêté, depuis 2008, la production des chars Leclerc. Dans le même temps, l'avenir du MGCS est incertain, tandis que KraussMaffei prépare son Léopard 2 standard 7 ou 8. Comment voyez-vous ce segment et les solutions alternatives si nous rencontrons un problème sur ce sujet ?

Enfin, ma dernière question s'adresse à M. Bouquet. Vous savez que je suis régulièrement très préoccupé par le financement de la BITD. Aujourd'hui, j'entends un discours totalement contradictoire. Tous les banquiers que je rencontre m'assurent qu'il n'existe aucun problème sectoriel, tandis que les acteurs de la BITD m'affirment que ce n'est pas du tout le cas. Pourriez-vous donc faire le point sur les sujets de haut de bilan et de bas de bilan et souligner les pistes sur lesquelles nous devrions travailler ?

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Pierre Éric Pommellet, président-directeur général de Naval group

À défaut de répondre à toutes les questions, je raconterai d'abord ce qu'il s'est passé sur la FDI en Grèce. Dans la précédente LPM, les FDI 2 et 3 pour la France étaient décalées, du moins étalées dans le temps. Quelque temps après mon arrivée, il y a un peu plus de trois ans, le ministère des armées a décidé – dans le cadre d'un dialogue permanent avec nos équipes, et sur la base d'une vision selon laquelle la charge industrielle n'était pas uniquement supportée par les programmes à l'export – d'avancer les FDI 2 et 3 prévues pour la France, dans l'objectif de soutenir la charge industrielle et de permettre une vente à l'export à cycle court. C'est ce qui a été mis en œuvre avec la Grèce, dans la mesure où le fait d'avoir avancé les FDI 2 et 3 a permis de sécuriser un calendrier de livraison pour la Grèce. La campagne grecque de 2021 s'est en effet basée sur le calendrier de la France, qui acceptait de livrer ces deux frégates à la Grèce si elle les commandait. Le programme FDI français est alors revenu sur la trajectoire initiale et la Grèce s'est intercalée. Sans l'avance des FDI 2 et 3, j'ignore si nous aurions pu être aussi compétitifs à l'export sur la Grèce.

Mes collègues répondront peut-être aux nombreuses questions portant sur l'international et l'export, et notamment sur le rôle de l'équipe France. En tout état de cause, la capacité d'un outil industriel à livrer dans des délais courts est extrêmement importante à l'international, y compris pour des programmes de bateaux. En résumé, la LPM prévoyait des frégates livrées plus tardivement. D'un commun accord, nous avons trouvé le moyen d'avancer les commandes pour la France, ce qui nous a permis de proposer à un client export de les livrer rapidement, avant que la France ne retrouve son calendrier original. Aujourd'hui, nous n'avons pas encore de visibilité complète sur les calendriers, qui sont en cours de discussion au ministère des armées. Cela dit, le dialogue permanent avec le ministère des armées et les services de l'État permet d'ajuster nos plans de charge à la réalité de l'international et de la commande nationale. Pour rappel, l'activité de Naval Group repose à 65 % sur la commande nationale et à 35 % sur l'international. C'est donc dans le cadre de ce dialogue permanent entre ses services et l'équipe France que l'État nous accompagne à l'export.

Concernant les financements et les reports de charges, je tiens d'abord à souligner que le maintien du calendrier du porte-avions nucléaire de nouvelle génération constitue une excellente nouvelle pour Naval Group, pour ses partenaires et pour le monde du nucléaire. Ce calendrier va nous permettre, dans les années à venir, de développer une nouvelle technologie de chaufferie nucléaire de propulsion navale avec TechnicAtome. Il est extrêmement important, pour le maintien des compétences et pour la puissance du navire, en lien avec les Chantiers de l'Atlantique, que la LPM ait maintenu ce calendrier. Plus généralement, les questions de financement se discutent et se négocient année après année, contrat par contrat. Les clés de paiement ou les conditions de financement font bien partie de la négociation d'ensemble. Sans préjuger d'avance de l'issue des négociations, je ne doute pas que nous trouverons les moyens, dès lors que les calendriers sont confirmés, de financer ce magnifique navire.

Je pourrais aussi répondre aux questions relatives à la réserve industrielle, aux stocks stratégiques, à la souveraineté et aux programmes en coopération, mais je laisserai mes collègues s'exprimer sur ces sujets, avec parfois beaucoup plus d'acuité que Naval Group.

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Éric Béranger, président-directeur général de MBDA

Je reviendrai d'abord sur la dépendance, l'export et la manière dont l'État peut nous aider ou nous aide déjà. Comme le soulignait Pierre Éric Pommellet, nous nous inscrivons dans le cadre d'un dialogue permanent avec l'État. Celui-ci est totalement au cœur de toute exportation, puisque la fabrication et/ou la vente d'armes sont interdites par la loi. De fait, nous agissons systématiquement par dérogation, a fortiori dans le cadre de nos activités à l'export. Nous dialoguons de manière très intime avec l'État, qui dispose effectivement de leviers d'action en termes de lissage de capacités de production. Dans le cas de MBDA, cela nous conduit à réfléchir à la manière dont nous pouvons satisfaire les besoins de l'État français au fil des années, de sorte que nous puissions parallèlement livrer plus ou moins vite des clients à l'export.

L'aspect gouvernement à gouvernement est également un élément très important de compétitivité de l'équipe France. Nous sommes beaucoup plus forts dès lors que nous parvenons à jouer en tant qu'équipe France, ce qui est de plus en plus important dans le contexte hyperconcurrentiel auquel nous sommes confrontés. Pour ne citer que quelques exemples récents de réussite de MBDA et de l'équipe France, je mentionnerais notamment les Émirats arabes unis, ainsi que la Grèce avec Naval Group. Quoi qu'il en soit, dans certains cas, la capacité à obtenir des contrats de gouvernement à gouvernement devient de plus en plus importante pour remporter ces compétitions export. Il s'agit d'ailleurs d'un outil que les États-Unis utilisent à profusion. Le groupe MBDA est lui-même engagé dans des compétitions qui risquent de lui échapper si nous ne parvenons pas à adopter une démarche analogue en France.

Comme certains l'ont déjà souligné, les compétences et le recrutement constituent des enjeux absolument majeurs. Le terme de "ressources" est très souvent associé aux ressources financières, mais la ressource humaine est assurément la plus importante. En l'occurrence, les enjeux en termes de ressources humaines sont absolument conséquents, dans la mesure où notre industrie fait appel à des compétences très pointues, que nous devons non seulement être capables de recruter, mais que nous devons aussi continuer à former et à entretenir. Pour sa part, MBDA envisage de recruter 850 personnes – voire un millier – sur l'exercice 2023. Il s'agit d'un effort très significatif, puisque nous devrons nécessairement intégrer et former ces nouvelles recrues.

À cet égard, il me semble que la représentation nationale a un rôle très important à jouer s'agissant des discours sur les activités de défense, sur l'importance de la défense nationale aux fins de garantir la sécurité. Il est extrêmement important, via ce genre de débat, de mieux faire connaître et comprendre ces aspects auprès de nos jeunes et de la population, et de valoriser l'image de la défense et de l'industrie de défense pour nous aider à mieux recruter.

Concernant la réserve industrielle, MBDA dispose de compétences très pointues. Cette réserve industrielle peut donc faire sens sur certaines activités, mais probablement de manière plus marginale que chez certains de mes collègues.

S'agissant de l'article 24, il me semble légitime que l'État s'assure, face aux enjeux de sécurité internationale, de la capacité des industriels à augmenter les volumes et/ou les rythmes de production. Néanmoins, de nombreux éléments restent à discuter pour clarifier la manière dont l'État souhaiterait mettre en œuvre ces actions, qui sera sûrement précisée dans différents décrets d'application. En tant qu'industriels, notre souhait est d'être associés très étroitement à cette mise en œuvre. L'un de mes collègues mentionnait précédemment le sujet des clients à l'export. De fait, l'export est important en termes de constitution de volants d'activité nous permettant ensuite de servir les besoins français. Il s'agit donc d'un enjeu stratégique, qui n'est pas seulement commercial. À cet égard, nous devrons veiller à la manière dont seront perçues les dispositions prises par l'État français. Si un client export considère que contracter avec un industriel français le met à risque et crée une incertitude insupportable en termes de livraison, il aura plutôt tendance à considérer plus favorablement des offres concurrentes. Nous devrons donc être extrêmement attentifs à la mise en œuvre de ces dispositions, en clarifiant certains sujets dans le cadre de ce dialogue permanent avec l'État.

J'aborderai enfin la question des coopérations. MBDA est l'essence même d'une coopération fonctionnelle avec le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne, qui se traduit dans des contrats de coopération. Sans cette coopération, la France n'aurait pas accès à l'ensemble du spectre d'armement que MBDA peut délivrer aux armées françaises. Cette coopération est absolument fondamentale, d'autant qu'elle n'empêche aucunement de préserver, au niveau national, des capacités de réalisation de nos armements. Par exemple, près de 90 % de l'activité de MBDA à destination des armées est fournie au niveau national. Nous disposons d'ailleurs d'un socle de fournisseurs capables de réaliser tout ce qui est nécessaire pour le national, et bien entendu, la dissuasion ne repose que sur des activités de production nationales.

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Nicolas Chamussy, directeur général de Nexter

Je reviendrai d'abord sur les questions du rapporteur relatives à l'export. Nexter est une entreprise employant 4 500 salariés et dégageant un peu plus de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires, avec 40 à 50 % de notre activité réalisée à l'export. Ainsi, l'export est absolument fondamental, avec notamment la perspective de contrats d'État à État allégés, que nous appelons tous de nos vœux.

Vous connaissez probablement le contrat capacités motorisées (CaMo), qui a été établi dans le cadre d'un accord intergouvernemental entre la France et le Royaume de Belgique, par lequel la Belgique va acquérir ou a déjà acquis des CAESAR, des Griffon, des Jaguar, des Serval, etc. D'un point de vue industriel, ce type de contrat présente plusieurs avantages évidents. D'abord, il nous donne de la visibilité. Ensuite, les commandes passées par la Belgique concernent les mêmes matériels que les commandes passées par la France, nonobstant quelques équipements spécifiques, ce qui présente évidemment un intérêt pour les maîtres d'œuvre que nous sommes et pour notre chaîne de fournisseurs sur le territoire national. Par ailleurs, au-delà des aspects industriels, l'alignement des modèles d'armée que sous-tend cet accord est extrêmement important. Les modèles de formation seront les mêmes, et les personnels seront formés selon les mêmes méthodes. De plus, les régiments utilisant ces matériels seront pareillement structurés, que ce soit en nombre de personnes ou de servants de pièces. Le système de soutien sera également mutualisé, tout en garantissant l'autonomie stratégique des deux pays. Il s'agit de montants relativement significatifs pour Nexter, portés par un contrat dont l'importance réside surtout, au-delà de l'aspect industriel, dans ses conséquences en termes d'alignement des pays et pour le Soft Power de la France. Je pense que ce type de modèle mérite d'être pérennisé et déployé, et nous savons d'ailleurs que le Luxembourg souhaiterait à son tour bénéficier du même type de schéma. Nous appelons donc absolument de nos vœux ce type de partenariat industriel et étatique, qui dépasse la seule question de l'export.

Concernant l'article 24, la réserve industrielle et plus spécifiquement les sujets de ressources humaines, je rappellerai d'abord que la vitalité de notre industrie et notre capacité à livrer les matériels sont directement liées au capital humain et à la capacité à maintenir et à développer des compétences, dont certaines sont très rares et longues à acquérir. Pour vous donner un ordre de grandeur, la montée en cadence impulsée par le programme Scorpion à Roanne et la croissance marquée de Nexter depuis plusieurs années ont conduit à une augmentation de nos effectifs d'environ 1 000 personnes depuis 2017, soit 20 à 25 % des effectifs, ce qui est absolument significatif, y compris pour ce que cela induit en termes de formation des personnels, de formation aux questions de sécurité, d'apprentissage des métiers.

Or la capacité à recruter reste pour nous tous un point de vigilance, notamment pour des raisons géographiques, puisque nous sommes positionnés dans des bassins d'emploi – Roanne, Bourges, etc. – parfois complexes. Elle est aussi un point de vigilance en raison de la rareté de compétences sur certains métiers : soudeurs, usineurs, assembleurs, peintres, métiers liés à la pyrotechnie, à la cybersécurité, etc. La résistance que nous pouvons offrir à nos soldats si leur véhicule roule sur un engin explosif repose en grande partie, au-delà de la qualité de conception, sur la capacité de soudure.

La pyrotechnie constitue également, au plan des compétences, un métier tout à fait particulier. Au moins six mois sont nécessaires pour former un opérateur par le biais du compagnonnage, tandis que trois à quatre ans de formation sont requis pour former un référent capable d'encadrer une équipe de manière autonome. Il s'agit bien de métiers très spécifiques à long cycle de formation, dont nous devons absolument nous préoccuper. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un campus pyrotechnique du futur à Bourges, étant entendu que nous avons besoin – comme nos partenaires de MBDA – de pyrotechniciens.

Je me permettrai une petite incidence sur la réserve industrielle citoyenne, qui m'est particulièrement chère, puisque j'avais rédigé, il y a un peu plus d'un an, dans un grand quotidien de la presse économique française, un éditorial proposant la création de cette réserve industrielle citoyenne, sur un mode quelque peu particulier. Il s'agissait en effet de proposer à différents professionnels d'effectuer une à trois semaines de période de réserve chez les industriels de défense, sur le modèle de la réserve opérationnelle, pour que ces personnes commencent à acquérir des tours de main ainsi qu'un affectio societatis. Il ne s'agissait pas d'en faire des pyrotechniciens ou des soudeurs du jour au lendemain, mais si nous devions passer en économie de guerre, comme c'est le cas en ce moment, nous disposerions au moins d'une ressource sur le territoire national qui pourrait être mobilisée et utilisée – au sens noble du terme – bien plus rapidement que si nous devions recommencer un cycle de formation de A à Z.

Si j'avais davantage de temps, j'aurais volontiers répondu aux questions relatives au MGCS, à l'économie de guerre et à la souveraineté.

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Emmanuel Levacher, président-directeur général d'Arquus

Plutôt que de parler de dépendance, je parlerais plutôt de partenariat avec l'armée française, avec qui nous travaillons depuis cent vingt ans. Ce partenariat est fondamental pour développer ces notions de souveraineté, de résilience, etc. Il s'agit bien d'un socle en matière de visibilité, de programmation, etc. Comme chez Nexter et Naval Group, notre activité se répartit en moyenne de cycle à 60 % pour la France et à 40 % pour l'export. L'export est bien entendu stratégique, puisqu'il est absolument indispensable pour maintenir ce niveau global d'activité. Notre activité à l'export est plus cyclique et aléatoire, avec des hauts et des bas, mais l'accès d'Arquus au marché export n'est pas considéré comme problématique, même s'il constitue un challenge. Nous sommes en effet présents dans soixante pays utilisant quotidiennement nos matériels. La dépendance est donc un non-sujet, contrairement à la surinterprétation de certains journalistes.

Concernant les conséquences des lissages Scorpion, il va sans dire que lisser induit de produire sur une plus longue période de temps. Nous devons donc adapter nos chaînes pour qu'elles durent plus longtemps et produisent sur une durée plus longue, avec des incidences réelles mais qui ne sont pas nécessairement calculées en détail. Cela suppose également de prolonger le MCO des matériels existants, ce qui est tout à fait possible et envisageable, notamment par le biais de contrats de long terme. Néanmoins, plus les matériels anciens sont prolongés, plus les risques d'obsolescence de certaines pièces s'accroissent. À très long terme, il devient plus compliqué d'entretenir des camions âgés de 50 ans. Cela dit, il est dans la logique de nos métiers de nous adapter à ces très longs cycles. Nous sommes habitués à le faire, notamment au titre de l'entretien des véhicules de l'avant blindé (VAB) 4x4 de l'armée de Terre. Lancés en 1976, ils seront probablement encore en service, pour certains, jusqu'en 2030/2035. C'est bien notre métier – et c'est d'ailleurs un savoir-faire unique que nous souhaitons vraiment préserver – que de pouvoir gérer ces matériels dans la très longue durée.

La question des lissages Scorpion a été abordée sous l'angle de la sauvegarde du tissu industriel. Je ne peux qu'aller dans ce sens. Il est très important de parvenir à préserver ces compétences tout à fait uniques, à la fois pour produire du neuf, mais aussi pour entretenir les matériels en service dans la très longue durée. Sur cet exemple des plateformes terrestres, il sera peut-être de plus en plus difficile – c'est déjà le cas – de trouver des mécaniciens, des personnes réparant des moteurs thermiques. D'ici 2040/2050, cette denrée sera encore plus rare qu'elle ne l'est déjà aujourd'hui. Nous tâchons néanmoins de nous y préparer. C'est notre métier.

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Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu

J'aborderai en premier lieu les sujets de dépendance et de dualité des entreprises. En l'occurrence, cela fait longtemps que les PME/ETI ne sont plus concernées par ce problème de dépendance. Depuis le milieu des années 90, la DGA a très clairement incité les PME à être duales pour assurer leur pérennité. De fait, la plupart de nos entreprises sont toutes duales, avec une proportion d'activités de défense qui varie en fonction des activités et des moments. Le développement d'applications, de produits et de services dans le domaine civil permet aussi de répondre et de proposer des innovations au secteur de la défense, sans avoir à supporter des coûts de développement spécifiques. Le corollaire, c'est le passage à l'échelle, soit la capacité à intégrer ces technologies dans un environnement particulier, le tout dans une volonté de simplification prônée par la DGA. Nous nous inscrivons exactement dans cette optique, et nous ne sommes guère exposés à cette problématique de dépendance, dans la mesure où nos adhérents travaillent tous à la fois pour la défense et le civil.

Pour ce qui est des problèmes de compétences, nous considérons, à notre niveau, que la réserve industrielle – telle que l'on peut la comprendre aujourd'hui – peut être une idée intéressante. Néanmoins, les chefs de petites entreprises que nous restons très pragmatiques. Nous attendons ainsi de connaître les modalités pratiques de cette réserve, avec l'espoir qu'elle sera simple à mettre en œuvre. Nous craignons particulièrement les bonnes idées se traduisant par de la complexité en pratique, qui peut parfois nous faire renoncer à des dispositifs beaucoup trop complexes pour nous.

Concernant le financement, je suis quelque peu gêné, car j'ignore ce que racontent les banques ou les établissements financiers. Si je vous donne l'exemple de ma propre entreprise. les factures que j'envoie à MBDA – qui est mon client direct – sont refusées par certaines de mes banques. C'est aussi simple que cela. Je ne vous raconterai pas ce que l'on m'a dit, mais je vis cette problématique au quotidien. Sous des prétextes de conformité (compliance), le fait que MBDA fabrique des missiles m'interdit de présenter mes factures à certaines banques. Je vis cette réalité tous les jours, mais ce n'est pas une généralité. À cet égard, il serait peut-être intéressant de conduire une étude sur la réalité quotidienne vécue par les uns et les autres. Il ne s'agit pas de mettre tous les établissements bancaires ou financiers dans le même panier, et je ne doute pas qu'il existe des subtilités. Cela dit, d'une manière générale, il est de plus en plus complexe de répondre aux conditions et contraintes de financement, y compris dans les affaires civiles. Dès que vous voulez mettre un financement en place, vous vous retrouvez avec des questionnaires et des engagements à prendre qui, si nous les respections à la lettre, ne nous permettraient plus de faire grand-chose. Il existe donc un vrai sujet en la matière, qui est amplifié si l'on travaille dans le domaine de la défense.

La difficulté à se financer concerne également le haut de bilan, notamment dans le cadre de transmissions d'entreprises stratégiques. Certains fonds d'investissement sont assez réticents à investir dans le domaine de la défense. Nous pouvons toutefois saluer quelques initiatives récentes, comme celle de Weinberg Capital. Je pense aussi à Défense Angels. De son côté, la banque publique d'investissement (Bpifrance) a mis en place le dispositif Definvest. Il s'agit d'initiatives dont nous espérons la multiplication, car nous en avons besoin, le risque étant que d'autres s'intéressent à ces pépites et qu'elles échappent à des actionnaires hexagonaux.

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Je vous remercie pour vos propos éclairants, alors que nous nous apprêtons à examiner la future LPM, dont l'ambition est d'engager la transformation de notre modèle d'armée. Or il n'y aura pas de LPM réussie sans un accompagnement de notre BITD également réussi. Dans cette perspective, la DGA a annoncé vouloir consolider et renforcer l'agilité de notre BITD au cours des six prochaines années, en prêtant notamment une attention particulière aux PME, aux chaînes d'approvisionnement et au soutien aux exportations.

J'ai récemment eu l'occasion d'échanger avec des industriels de la défense à Issoire, dans ma circonscription. Il s'agit de fournisseurs de rang 1, qui m'ont fait part de plusieurs problématiques auxquelles ils sont confrontés. Par exemple, ils ont pointé la difficulté à trouver un équilibre entre leurs clients civils et militaires. La LPM 2024-2034 supposant une montée en charge des commandes militaires, il leur sera difficile de continuer à honorer les commandes issues du civil, ce qui risque d'emporter des conséquences à moyen et long terme auprès de certains clients, notamment hors d'Europe. Or vous savez comme moi combien il est important, pour ces entreprises, de conserver l'ensemble de leurs clients. De plus, comme je l'évoquais hier soir avec Emmanuel Chiva, la LPM ambitionne de constituer ou de reconstituer des stocks stratégiques pour un certain nombre d'équipements, ce qui pose divers problèmes à ces entreprises. La pénurie de main-d'œuvre qualifiée constitue un autre sujet de préoccupation, qui touche aussi de plein fouet les entreprises du bassin d'Issoire. À l'image de l'école des métiers internes développée au sein d'Arquus, certaines entreprises forment à plus petite échelle, en interne, des salariés sur les métiers en tension. Nous pourrions tout aussi bien parler de l'accès au financement des investissements, ou encore du soutien à l'innovation.

Vous qui représentez à la fois les PME/ETI de l'industrie de défense et les grandes entreprises et qui sous-traitez la fabrication d'un certain nombre de composants des équipements que vous produisez, quelles solutions proposez-vous pour accompagner vos fournisseurs face à la montée en charge des commandes militaires sur tous les volets précédemment évoqués ? Que pensez-vous de l'idée de financer ou au moins de cofinancer l'achat des stocks de matières premières afin de permettre à ces plus petites entreprises d'honorer leurs commandes ?

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Une partie de mes questions ont déjà trouvé réponse au fur et à mesure des prises de parole. Celles-ci concernaient notamment l'article 23, l'article 24, le décalage des frégates. J'adresserai donc la question de ma collègue qui a dû nous quitter en cours de séance.

Un discours s'est développé sur les insuffisances des industriels pour expliquer les étalements de livraisons. Cette réponse nous est souvent apportée pour expliquer certaines situations, mais les auditions successives nous apportent des éclairages quelque peu différents. Qu'en est-il donc pour Naval Group et dans quelle mesure les exportations soutenues par l'État peuvent-elles permettre d'assurer la pérennité des chaînes de production, même si les commandes françaises sont étalées ? Quelle est la sensibilité du groupe en termes de savoir-faire sur les commandes de frégates, notamment pour les armées françaises ? Concernant les coûts de fabrication et de fourniture de services, quelle inflation constatez-vous et quelles perspectives envisagez-vous pour les prochains mois ? Comment ce coût se répercute-t-il sur la tarification des commandes des armées, qui s'échelonnent sur le temps long ? Ce sujet que nous abordons assez fréquemment nous intéresse particulièrement au titre de la LPM.

Le financement du passage à l'économie de guerre, notamment sur la question des stocks et plus largement pour les PME/ETI de défense, constitue également un point d'inquiétude. Quel est le soutien fourni par la DGA, voire par Bpifrance ? J'évoquais hier soir, auprès d'Emmanuel Chiva, les problématiques bancaires rencontrées par la BITD, que ce soit au niveau de l'Alliance atlantique ou de l'Europe. Nous avons obtenu quelques réponses, mais votre témoignage démontre la persistance de ces problématiques. L'idée d'un correspondant banque ayant été évoquée, celui-ci serait-il visuellement un interlocuteur proche de vous ?

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Je vous félicite pour votre travail inlassable au service de l'industrie de notre pays. À travers vous, je salue vos collaborateurs très mobilisés depuis toujours, et qui le sont encore plus dans cette période.

Je souhaiterais revenir sur la question des ressources humaines sous l'angle de la concurrence, ou en tout cas des tensions naissantes entre la montée en puissance du nouveau nucléaire et la course aux ressources humaines rares dans les métiers que vous avez cités : tuyauteur, soudeur, chaudronnier, etc. J'avais posé cette question le 4 avril dernier à la secrétaire d'État, Agnès Pannier-Runacher, qui m'avait répondu qu'elle envisageait un plan Marshall – expression assez forte – sur ce sujet crucial. À quel point avez-vous été sollicités et associés à cette réflexion en cours ? Sur le même thème, avez-vous une préférence où voyez-vous un équilibre à trouver entre la formation interne et la création de nouvelles écoles dans ces domaines, qui seraient à répartir sur le territoire en fonction des spécialités requises ?

J'aborderai enfin la question spécifique du plan de charge de Lorient. Nous avons beaucoup parlé des frégates, de cet étalement des livraisons, de l'export, de la marine de guerre hellénique. Est-il envisagé, en fonction des perspectives à l'export, de construire d'autres types de navires à Lorient, de type patrouilleurs ou corvettes hauturières ? D'autres formats de bâtiments pourraient-ils être envisagés sur le site de Lorient ? Je précise que j'associe ma collègue Lysianne Métayer à cette question.

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Ma question s'adresse à M. Pommellet. L'un des principaux enjeux de cette LPM sera, outre la poursuite de la modernisation des armées françaises, les efforts consentis pour notre appareil de dissuasion nucléaire. Cette LPM sera marquée, pour ce qui est de la composante océanique, par la construction, sur le chantier Naval Group, du premier des quatre SNLE de troisième génération. Par ailleurs, la mise à l'eau du porte-avions de nouvelle génération est prévue pour 2036/2037, pour un passage de témoin avec le Charles de Gaulle prévu en 2037/2038. Le porte-avions à catapulte et brin d'arrêt reste le gage d'efficacité militaire maximale de la puissance en mer. Seuls les Américains et nous sommes aujourd'hui capables d'une propulsion nucléaire, ce dont nous sommes très fiers. À l'approche de l'entrée en vigueur de cette nouvelle LPM, quels sont pour vous les enjeux de Naval Group en ce qui concerne ces deux éléments indispensables à notre composante nucléaire ? Considérez-vous que les dispositions prises dans ce texte sont à la hauteur de ses ambitions et de sa volonté de maintenir notre dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre stratégie de défense ?

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En tant que rapporteur du programme 178, ma question s'adresse à M. Nicolas Chamussy. « Il y a urgence de produire davantage, souverainement et plus vite certaines de nos munitions ». Je partage ce point de vue exprimé par le ministre des armées, Sébastien Lecornu. Considérés comme une variable d'ajustement budgétaire depuis la fin de la guerre froide, les obus de gros calibre utilisés par les tirs d'artillerie sont devenus une denrée recherchée depuis le début du conflit en Ukraine. À Bourges, au cœur du Berry, Nexter et ses collaborateurs sont au centre de ce défi stratégique, en alliant la qualité du travail de précision avec une production industrielle à monter en puissance. En effet, en février 2022, avant le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, Nexter produisait sur son site berruyer environ 40 000 obus par an. Pour répondre à la reconstitution souveraine des stocks de munitions, Nexter travaille à augmenter de moitié ses capacités de production d'ici 2024, et à les doubler – vous me corrigerez si je me trompe – en 2025. Je souhaiterais donc vous interroger sur les trois facteurs déterminants en la matière dans le contexte de la LPM. Comment ferez-vous face à cet enjeu par rapport à la pénurie de matières premières – et notamment de poudre de propulsion –, par rapport à la pénurie de main-d'œuvre – malgré la création du campus de la pyrotechnie du futur à Bourges – et par rapport aux enjeux de logistique liés à la sécurité et à la périssabilité des munitions ? Comment intensifier le flux de production des munitions et permettre le succès de l'économie de guerre dans le contexte de guerre économique que vous avez rappelé ?

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Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu

Je répondrai plus particulièrement aux questions relatives aux ressources humaines, en complétant mes précédents propos. Comme pour les sujets de financement, nous souffrons d'un problème d'image. Nous devons redevenir attractifs, et les notions de souveraineté ou autres ne devraient pas être considérées comme des sujets repoussoirs. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons attirer les jeunes dont nous avons besoin. Un député posait la question de l'équilibre entre formation interne et formation externe. Aujourd'hui, le problème ne se pose plus : nous sommes obligés de dispenser des formations internes, car nous ne trouvons pas les compétences à l'extérieur. Même à notre niveau, nous peinons à trouver des soudeurs, des opérateurs sur machine à commande numérique, etc. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'un problème de formation ou d'établissement de formation. Ces établissements existent, mais ils sont vides. Nous devons donc trouver le moyen de les remplir et d'attirer des jeunes vers ces métiers. Nous sommes très clairement confrontés à un problème d'image et à un problème d'orientation sur ces sujets. Pour m'être attaché à ce sujet sur mon territoire, je pensais que nous manquions de classes. Or les classes existent, mais les candidats manquent à l'appel. C'est le véritable sujet.

Jusqu'en 2020, avant la crise sanitaire, je participais au groupe de travail de l'Assemblée nationale sur les industries de défense, au sein duquel l'on pouvait échanger entre industriels, parlementaires et DGA. Déjà à l'époque, nous avions abordé les problèmes de financement. J'ignore si cette instance existe toujours, mais le Comité Richelieu est disposé à y contribuer et à vous alimenter au fil de l'eau sur nos problématiques quotidiennes.

En tout état de cause, si l'on résout le problème d'image et d'attractivité, nous récupérerons nécessairement davantage de candidats, que nous parviendrons à former grâce aux structures existantes. Je rejoins d'ailleurs ce qui a été dit sur le temps de formation. Lorsque je reçois un jeune soudeur sorti d'école, je dois attendre au moins un an avant de l'affecter à des sujets complexes. Nous nous devons de traiter ce sujet au quotidien, et nous recrutons depuis longtemps des personnels aux profils et formations divers, car si nous nous en tenions strictement aux candidats provenant des métiers recherchés, nous ne les trouverions pas.

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Emmanuel Levacher, président-directeur général d'Arquus

Je me focaliserai sur l'accompagnement que nous pouvons fournir aux sous-traitants et fournisseurs pour les aider à constituer des stocks, y compris de matières premières. Il me semble déjà intéressant, même si cela peut paraître quelque peu rétrograde, de raisonner en filières. Nous nous efforçons de relocaliser un certain nombre de filières ayant quitté le territoire national, mais il est également important de soutenir les filières toujours présentes sur place. Ces filières sont souvent constituées d'un MOI, de sous-traitants et de fournisseurs, souvent des PME localisées en France. Pour pouvoir monter en puissance, il est impératif que l'ensemble de la filière puisse suivre. Aujourd'hui, nous sommes déjà amenés – sans doute de manière trop curative – à intervenir directement auprès de certains fournisseurs en difficulté de trésorerie pour les aider à acheter les matières premières ou les composants dont elles ont besoin afin de pouvoir fabriquer et fournir. Peut-être pourrions-nous imaginer, pourquoi pas avec le concours de l'État, une manière plus structurelle ou plus organisée d'embarquer toute la chaîne d'approvisionnement dans ces mesures de sécurisation de certains stocks critiques de composants de matières premières. Je ne pense pas que nous y soyons tout à fait aujourd'hui, mais c'est à nous, en tant qu'industriels, de faire le premier pas et de trouver les moyens de mobiliser de la trésorerie pour fournir cet accompagnement. C'est le point clé pour faire rapidement monter en puissance les chaînes d'approvisionnement. Nous avons beaucoup parlé des goulots d'étranglement sur les ressources humaines, mais il en existe également sur la capacité des fournisseurs à suivre la cadence.

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Nicolas Chamussy, directeur général de Nexter

Depuis plusieurs années, avec la crise Covid-19, la crise d'approvisionnement des matières premières, la crise d'approvisionnement des composants électroniques et la crise énergétique, les industriels ont tous mis en place, avec le concours de la DGA, des observatoires de nos fournisseurs les plus critiques. Chez Nexter, nous en suivons plus de 600 de manière plus spécifique, que l'on aide de la meilleure manière possible au plan de la trésorerie, mais aussi en achetant des matériels en avance de phase : nous avons par exemple acheté des ébauchés de tubes ou de corps d'obus, y compris sans client identifié. De même, nous achetons parfois de la matière première en avance de phase pour aider nos partenaires industriels : quelques jours après le 24 février 2022, nous avons acheté plusieurs centaines de tonnes de poudre en avance de phase. Cela permet d'aider nos partenaires industriels, sachant que cette question nous taraude tous les jours : si l'on n'aide pas notre chaîne de fournisseurs, l'on ne fournira plus de CAESAR, de Scorpion, de munitions, et nous ne parviendrons plus à soutenir les forces, qui ont besoin de nos capacités industrielles pour les aider.

Je reviens à présent sur la notion d'économie de guerre. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, il existe une très forte impulsion politique pour que l'industrie passe en économie de guerre afin d'aider l'Ukraine dans la durée et de nous préparer nous-mêmes à un conflit majeur. J'en rappellerai les trois composantes : une économie de guerre signifie produire plus vite, produire davantage et être plus souverain.

Concernant la nécessité de produire plus vite, je prendrai l'exemple des canons CAESAR. Avant le déclenchement des opérations, le cycle de production s'étalait entre vingt-quatre et trente mois. Nous sommes désormais à un cycle de dix-sept mois pour les CAESAR 6x6 équipant les forces françaises. Pour ce faire, nous avons priorisé les activités chez nous et chez nos fournisseurs et effectué des achats anticipés de matières premières, de composants électroniques et de produits semi-finis.

Pour le produire plus, je rappelle que nous étions, en fin d'année 2021, sur une cadence historique moyennée de l'ordre de deux CAESAR par mois. En fin d'année 2023, nous serons passés à six par mois, puis à huit par mois dans le courant de l'année 2024 – nous sommes en train d'effectuer les derniers réglages. Nous avons multiplié par quatre la cadence de livraison des CAESAR. Lorsque je dis « nous », je ne parle pas seulement de Nexter, mais aussi de l'ensemble de la chaîne industrielle, de la DGA et des forces, dans le cadre d'un continuum entre l'industrie et l'État. Nous avons aussi augmenté les capacités de production de munitions, sujet sur lequel je reviendrai en répondant à la question François Cormier-Bouligeon.

Être plus souverain est enfin une exigence forte que nous avons bien prise en compte, même si dans les faits, 95 % de notre chaîne de fournisseurs est localisée sur le territoire national. Notre densité de souveraineté industrielle était déjà très forte. L'exemple typique fut la relocalisation partielle de la filière poudre, dont nous sommes partie prenante.

Voici donc les trois têtes de chapitre de l'économie de guerre aux yeux de Nexter : produire plus vite, produire plus, être plus souverain, avec les exemples associés sur les CAESAR et les munitions. Je pense que nous sommes au rendez-vous. Cela dit, à ce jour, l'effort de mobilisation reste très largement autofinancé. Nous atteignons la limite haute, et cet autofinancement s'arrête où débute l'impératif de bonne gestion des entreprises privées que nous sommes. C'est un cycle de discussions permanent entre nous et l'État.

Pour terminer sur l'économie de guerre, je souhaiterais qu'elle emporte une véritable dimension transformationnelle et qu'elle change profondément les fondamentaux sur lesquels la BITD est fondée depuis plusieurs décennies. Il sera nécessaire que cette logique s'inscrive dans le long terme et fasse l'objet d'un partage des risques adapté entre l'État et l'industrie. Nous en discutons régulièrement, et je pense que cette LPM, avec toutes les dispositions qu'elle prévoit, est un élément extrêmement important.

Concernant spécifiquement les munitions, notre outil industriel munitionnaire est très orienté sur la production de munitions d'artillerie et de char, soit plutôt du gros calibre. Je puis vous confirmer que cet outil tourne à pleine cadence. Dès le début du mois de mars 2022, nous avons acheté énormément d'ébauchés de corps d'obus, de la poudre, des explosifs. Dans ce domaine, nous étions sur une base de production en France et en Italie de l'ordre de 60 000 obus par an. C'est à peu près l'étiage auquel nous sommes actuellement. Nous allons ajouter 50 % de capacités, conformément à nos engagements et grâce à des investissements industriels. Nous avons acheté des machines et des mètres carrés, constitué des stocks et même embauché du personnel que nous avons commencé à former. D'ailleurs, sur ce type de métier, en particulier pour les populations coulant l'explosif dans les obus, il n'existe pas d'école de formation française à proprement parler. La meilleure école, c'est chez Nexter, avec le compagnonnage. Comme je l'ai par ailleurs écrit au commissaire Thierry Breton, nous avons mis en place un plan pour doubler à nouveau nos capacités à horizon 2025. Je vous confirme donc que ce plan existe. En revanche, nous avons atteint la limite de ce que nous pouvions autofinancer. Nous allons désormais devoir nous coordonner avec l'État, ainsi qu'avec la Commission européenne, qui fait montre d'un intérêt tout à fait particulier sur le secteur munitionnaire.

J'en arrive à la question du char lourd et du MGCS, qui a fait l'objet de discussions industrielles. Comme vous le savez, nous avons finalisé un accord industriel en fin d'année dernière, qui permet de lancer les étapes suivantes du programme MGCS. Le ministre Sébastien Lecornu a récemment échangé sur ce point avec son homologue allemand, et nous devrions obtenir quelques informations dans les prochaines semaines. Le programme MGCS reste en ligne de mire pour la préparation d'un programme de char de combat en coopération avec l'Allemagne. Le ministre s'est lui-même exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet. D'une manière ou d'une autre, une solution intermédiaire devra être trouvée pour succéder au char Leclerc, solution qui s'impose petit à petit du fait du contexte ukrainien et de l'arrivée de chars avec de nouvelles capacités. Comme vous le savez, nous avons proposé le concept Enhanced Main Battle Tank (E-MBT), qui est un char capitalisant sur les compétences et les acquis, en Allemagne et en France, du groupe KNDS auquel Nexter appartient. Présenté au salon Eurosatory en 2022, ce concept fait clairement partie des solutions envisagées en réponse à la demande du ministre de trouver, quoi qu'il arrive, une solution intermédiaire.

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Éric Béranger, président-directeur général de MBDA

Je reviendrai sur les relations avec les PME, les ETI et les sous-traitants, en insistant sur le mot clé de filière. Autour de MBDA, la filière missiles rassemble 1 600 sous-traitants, pour un total de 13 500 emplois. Comme le soulignait Nicolas Chamussy, nous sommes tous complètement dépendants les uns des autres. MBDA ne peut pas remplir sa mission vis-à-vis des forces armées sans ses sous-traitants, qui dépendent eux-mêmes de MBDA. Bien entendu, nous avons mis en place des équipes et un dialogue absolument permanent avec ces sous-traitants. Nous les avons surveillés de très près durant la période Covid, en étant particulièrement au chevet de vingt-six d'entre eux. Nous avons déployé des actions d'anticipation de cash et autres pour nous assurer qu'ils restaient en vi, ce qui était absolument fondamental. Dans un monde aujourd'hui différent, nous poursuivons cette relation. Nous sommes un acteur majeur de Pacte PME et avons mis en place, avec nos sous-traitants, un tissu d'innovation ouverte pour progresser et les embarquer avec nous. Nous faisons très attention au sujet du recrutement, qui nous concerne tout autant qu'eux. Je suis l'un des premiers à avoir soulevé le sujet des financements pour les petites structures, sachant que de nombreux sous-traitants nous faisaient remonter leurs difficultés via ce réseau. Plus largement, MBDA assume un risque financier de plusieurs centaines de millions d'euros en termes d'anticipation auprès de ses fournisseurs pour anticiper les besoins à venir de la Nation. C'est ainsi que nous avons pu prendre, en début d'année, un contrat sur des missiles Aster, à la fois pour la France et pour l'Italie, pour lequel le délai de fourniture aurait été plus long de six mois si nous n'avions pas anticipé. C'est aussi de cette manière que nous travaillons avec nos fournisseurs pour augmenter la cadence de production des Mistral de vingt à quarante par mois.

J'en arrive aux questions relatives à l'économie de guerre. De mon point de vue, l'économie de guerre induit de produire plus, de produire plus vite et d'être plus résilient. Ce dernier volet comporte une dimension nationale, mais nous ne devons pas complètement négliger la dimension de coopération et d'utilisation de sous-traitants étrangers, potentiellement comme double source, en conservant toujours la possibilité de fabriquer en national. La résilience est donc, de ce point de vue, un enjeu très important.

En conclusion, je tiens à répéter que la coopération constitue vraiment l'épine dorsale de MBDA. Grâce à elle, la France a accès à l'ensemble du spectre en termes de capacités de missiles. Cette coopération s'articule bien entendu autour d'une grosse composante en défense sol-air autour des Aster, mais aussi d'une composante très forte en termes de frappe dans la profondeur, avec ce qui a été mis en œuvre autour des systèmes de croisière autonomes à longue portée (Scalp Storm Shadow) en coopération avec le Royaume-Uni puis l'Italie. Dorénavant, il est très important de préparer la prochaine étape FMAN/FMC. Comme je l'indiquais précédemment, les référents mondiaux consacrent énormément d'énergie à maintenir ou créer une position en termes de frappe dans la profondeur. La France a la capacité de le faire, grâce à cette coopération et à ses compétences industrielles. Je me réjouis donc que FMAN/FMC soit cité dans cette nouvelle LPM, puisque je considère que c'est très important.

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Pierre Éric Pommellet, président-directeur général de Naval group

Je répondrai prioritairement aux questions directement adressées à Naval Group, avant de répondre ensuite aux questions plus générales.

Vous me demandez d'abord si j'estime que la LPM est à la hauteur des ambitions, notamment sur les très grands programmes que sont le SNLE et le porte-avions nucléaire. Ma réponse est clairement oui, surtout si j'écoute le ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui a affirmé que les calendriers seraient tenus. Les calendriers des programmes sont en effet ceux qui permettent d'assurer la hauteur de nos ambitions, notamment sur ces navires à propulsion nucléaire qui constituent l'une des spécificités de la France.

En parlant du nucléaire, la commission se demande si nous sommes en compétition ou complémentaires vis-à-vis du nouveau nucléaire. Dans les années 70/80, la France a construit six SNLE, six SNA, tout en développant un programme électronucléaire extrêmement ambitieux. Je ne vois donc pas pourquoi notre pays n'en serait pas de nouveau capable. J'estime en outre, certainement de par mon caractère optimiste, que l'industrie de défense se trouve dans une meilleure situation qu'il y a quelques années. Naval Group est une entreprise cochant trois cases : industrie, défense, nucléaire. Il y a quelques années, l'industrie était plutôt abordée sous le prisme des plans sociaux et des fermetures d'usines. De son côté, la défense était considérée comme nécessaire, mais pas nécessairement obligatoire dans certains secteurs, du fait des dividendes de la paix. Je m'abstiendrai de revenir sur l'image du nucléaire. Aujourd'hui, l'on parle de relance du nucléaire, tandis que la défense, dans cet environnement de guerre en Ukraine et de nécessité pour la France de tenir son rang, est revenue au premier rang, ce que vous aurez la lourde charge de confirmer en tant que représentation nationale. Enfin, l'industrie retrouve aussi ses lettres de noblesse. En résumé, l'industrie, la défense et le nucléaire sont redevenus attractifs.

Maintenant, il nous faut travailler tous ensemble pour que notre filière attire les jeunes et les familles. Les centres de formation existent, et il convient d'y amener nos jeunes ou de continuer à travailler s'ils n'existent pas. Je citerai deux exemples de formation dans le domaine naval. Avec l'Éducation nationale, nous avons créé le Campus des industries navales (Cinav), où l'industrie navale s'est regroupée pour navaliser des formations existantes, leur donner un label naval, et pour convaincre des jeunes de venir travailler dans nos chantiers civils et militaires. Je pense aussi à la Haute école de formation de soudage (Héfaïs), école de soudure basée à Cherbourg et fondée par Électricité de France (EDF), Orano et Naval Group, qui se sont regroupés pour former de jeunes soudeurs dans le domaine du nucléaire. Vous constatez que nous sommes capables de nous réunir et d'être complémentaires. Cela dit, il nous faudra être attractifs et proposer des perspectives de carrière et un environnement permettant à tout un chacun de se développer. L'industrie de défense et le nucléaire sont abordés de manière plus positive qu'il y a quelques années, mais nous devons encore travailler pour attirer les jeunes.

L'étalement des livraisons vient aussi répondre à la nécessité, comme le soulignait hier Emmanuel Chiva, de faire de la place pour de nouveaux programmes. Nous ne pouvons qu'espérer, pour Naval Group, qu'un certain nombre de ces programmes concernent le domaine naval. J'observe déjà que la stratégie nationale pour les grands fonds marins va créer de nouveaux objets, voire de nouveaux navires. J'entends en particulier le discours et le message sur les drones. En effet, la maîtrise des fonds marins passe certes par des sous-marins nucléaires, mais aussi par des drones et des drones sous-marins. L'accroissement d'investissement dans les drones figurant dans la stratégie nationale pour les grands fonds marins me permet toujours de rappeler que les drones ne sont pas uniquement dans l'air, puisqu'ils existent aujourd'hui sur terre avec des robots terrestres, mais aussi à la surface de la mer et sous la mer. Demain, les océans seront truffés d'objets autonomes pilotés par l'intelligence artificielle avec une autonomie décisionnelle contrôlée, toujours avec un humain dans la boucle. Il est donc extrêmement important que cette LPM porte aussi cette ambition de grands fonds marins et de drones.

Vous avez ensuite mentionné le chantier naval de Lorient. Celui-ci s'est énormément modernisé ces dernières années pour être capable d'atteindre un rythme de production de deux frégates/corvettes par an, rythme que nous allons atteindre en 2025/2026 pour servir les besoins de la France et de l'export. Le chantier naval de Lorient a en effet toujours vécu sur la complémentarité entre la France et l'export. Je puis vous assurer que nous entretenons un dialogue permanent avec le ministère des armées pour l'identification prévisionnelle de la charge du chantier de Lorient, car si l'on veut fabriquer des frégates demain, nous devons en fabriquer aujourd'hui, et si l'on veut en fabriquer après-demain, nous devons en fabriquer demain, avec un rythme suffisant pour maintenir et développer les compétences. C'est donc un sujet d'attention. Peut-on fabriquer autre chose que des corvettes et des frégates à Lorient ? Les FDI au service de la Marine nationale et de la marine grecque dans les deux années à venir seront assurément très visibles sur le marché, par leurs performances et leurs capacités. Nous fabriquons aussi des corvettes, les corvettes Gowind, que nous avons vendues à l'international, et qui peuvent aussi intéresser la France pour certaines missions. Nous pouvons aussi réaliser, à Lorient, des bâtiments de guerre des mines, qui sont aujourd'hui des bâtiments porte-drones. Le premier d'entre eux a été produit pour la Belgique et les Pays-Bas, et nous espérons que la France rejoindra ce programme dans le cadre de cette LPM. Il s'agit de navires extraordinairement innovants, capables de mettre à l'eau et d'entretenir des flottes de drones pour la mission de guerre des mines, mais aussi pour la maîtrise des fonds marins.

Vous m'interrogiez également sur l'inflation. Nous étions venus devant la commission lors de la crise énergétique et des matières premières pour partager nos inquiétudes. Aujourd'hui, le coût des matières premières revient à des niveaux raisonnables, notamment pour ce qui est de l'acier ou d'autres matières premières nous concernant au premier chef. Nous avons parlé d'Aubert & Duval, fournisseur extrêmement important dans notre chaîne d'approvisionnement. Le coût de l'énergie impacte encore la performance de nos chantiers navals, ce qui constitue toujours une inquiétude, même si la situation n'est pas aussi terrible qu'il y a quelques mois. Quoi qu'il en soit, l'inflation est un mal pour tous, parce qu'elle impacte nos coûts et donc la capacité des États à réaliser tous les matériels dont les armées ont besoin. La lutte contre l'inflation est donc absolument nécessaire pour notre secteur, du moins pour lui permettre de se développer.

Il me semble avoir adressé toutes les questions adressées à Naval Group.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie tous les cinq pour votre participation très éclairante. Nous étudierons cet après-midi les conditions de ceux qui servent ces matériels exceptionnels, avec l'audition à quinze heures du directeur des ressources humaines du ministère des armées.

La séance est levée à treize heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Frédéric Boccaletti, M. Vincent Bru, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Martine Etienne, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. David Habib, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Delphine Lingemann, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, Mme Josy Poueyto, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Julien Bayou, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Olivier Marleix, Mme Michèle Martinez, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre, Mme Corinne Vignon