Intervention de Pierre Éric Pommellet

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 11h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Pierre Éric Pommellet, président-directeur général de Naval group :

Je répondrai prioritairement aux questions directement adressées à Naval Group, avant de répondre ensuite aux questions plus générales.

Vous me demandez d'abord si j'estime que la LPM est à la hauteur des ambitions, notamment sur les très grands programmes que sont le SNLE et le porte-avions nucléaire. Ma réponse est clairement oui, surtout si j'écoute le ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui a affirmé que les calendriers seraient tenus. Les calendriers des programmes sont en effet ceux qui permettent d'assurer la hauteur de nos ambitions, notamment sur ces navires à propulsion nucléaire qui constituent l'une des spécificités de la France.

En parlant du nucléaire, la commission se demande si nous sommes en compétition ou complémentaires vis-à-vis du nouveau nucléaire. Dans les années 70/80, la France a construit six SNLE, six SNA, tout en développant un programme électronucléaire extrêmement ambitieux. Je ne vois donc pas pourquoi notre pays n'en serait pas de nouveau capable. J'estime en outre, certainement de par mon caractère optimiste, que l'industrie de défense se trouve dans une meilleure situation qu'il y a quelques années. Naval Group est une entreprise cochant trois cases : industrie, défense, nucléaire. Il y a quelques années, l'industrie était plutôt abordée sous le prisme des plans sociaux et des fermetures d'usines. De son côté, la défense était considérée comme nécessaire, mais pas nécessairement obligatoire dans certains secteurs, du fait des dividendes de la paix. Je m'abstiendrai de revenir sur l'image du nucléaire. Aujourd'hui, l'on parle de relance du nucléaire, tandis que la défense, dans cet environnement de guerre en Ukraine et de nécessité pour la France de tenir son rang, est revenue au premier rang, ce que vous aurez la lourde charge de confirmer en tant que représentation nationale. Enfin, l'industrie retrouve aussi ses lettres de noblesse. En résumé, l'industrie, la défense et le nucléaire sont redevenus attractifs.

Maintenant, il nous faut travailler tous ensemble pour que notre filière attire les jeunes et les familles. Les centres de formation existent, et il convient d'y amener nos jeunes ou de continuer à travailler s'ils n'existent pas. Je citerai deux exemples de formation dans le domaine naval. Avec l'Éducation nationale, nous avons créé le Campus des industries navales (Cinav), où l'industrie navale s'est regroupée pour navaliser des formations existantes, leur donner un label naval, et pour convaincre des jeunes de venir travailler dans nos chantiers civils et militaires. Je pense aussi à la Haute école de formation de soudage (Héfaïs), école de soudure basée à Cherbourg et fondée par Électricité de France (EDF), Orano et Naval Group, qui se sont regroupés pour former de jeunes soudeurs dans le domaine du nucléaire. Vous constatez que nous sommes capables de nous réunir et d'être complémentaires. Cela dit, il nous faudra être attractifs et proposer des perspectives de carrière et un environnement permettant à tout un chacun de se développer. L'industrie de défense et le nucléaire sont abordés de manière plus positive qu'il y a quelques années, mais nous devons encore travailler pour attirer les jeunes.

L'étalement des livraisons vient aussi répondre à la nécessité, comme le soulignait hier Emmanuel Chiva, de faire de la place pour de nouveaux programmes. Nous ne pouvons qu'espérer, pour Naval Group, qu'un certain nombre de ces programmes concernent le domaine naval. J'observe déjà que la stratégie nationale pour les grands fonds marins va créer de nouveaux objets, voire de nouveaux navires. J'entends en particulier le discours et le message sur les drones. En effet, la maîtrise des fonds marins passe certes par des sous-marins nucléaires, mais aussi par des drones et des drones sous-marins. L'accroissement d'investissement dans les drones figurant dans la stratégie nationale pour les grands fonds marins me permet toujours de rappeler que les drones ne sont pas uniquement dans l'air, puisqu'ils existent aujourd'hui sur terre avec des robots terrestres, mais aussi à la surface de la mer et sous la mer. Demain, les océans seront truffés d'objets autonomes pilotés par l'intelligence artificielle avec une autonomie décisionnelle contrôlée, toujours avec un humain dans la boucle. Il est donc extrêmement important que cette LPM porte aussi cette ambition de grands fonds marins et de drones.

Vous avez ensuite mentionné le chantier naval de Lorient. Celui-ci s'est énormément modernisé ces dernières années pour être capable d'atteindre un rythme de production de deux frégates/corvettes par an, rythme que nous allons atteindre en 2025/2026 pour servir les besoins de la France et de l'export. Le chantier naval de Lorient a en effet toujours vécu sur la complémentarité entre la France et l'export. Je puis vous assurer que nous entretenons un dialogue permanent avec le ministère des armées pour l'identification prévisionnelle de la charge du chantier de Lorient, car si l'on veut fabriquer des frégates demain, nous devons en fabriquer aujourd'hui, et si l'on veut en fabriquer après-demain, nous devons en fabriquer demain, avec un rythme suffisant pour maintenir et développer les compétences. C'est donc un sujet d'attention. Peut-on fabriquer autre chose que des corvettes et des frégates à Lorient ? Les FDI au service de la Marine nationale et de la marine grecque dans les deux années à venir seront assurément très visibles sur le marché, par leurs performances et leurs capacités. Nous fabriquons aussi des corvettes, les corvettes Gowind, que nous avons vendues à l'international, et qui peuvent aussi intéresser la France pour certaines missions. Nous pouvons aussi réaliser, à Lorient, des bâtiments de guerre des mines, qui sont aujourd'hui des bâtiments porte-drones. Le premier d'entre eux a été produit pour la Belgique et les Pays-Bas, et nous espérons que la France rejoindra ce programme dans le cadre de cette LPM. Il s'agit de navires extraordinairement innovants, capables de mettre à l'eau et d'entretenir des flottes de drones pour la mission de guerre des mines, mais aussi pour la maîtrise des fonds marins.

Vous m'interrogiez également sur l'inflation. Nous étions venus devant la commission lors de la crise énergétique et des matières premières pour partager nos inquiétudes. Aujourd'hui, le coût des matières premières revient à des niveaux raisonnables, notamment pour ce qui est de l'acier ou d'autres matières premières nous concernant au premier chef. Nous avons parlé d'Aubert & Duval, fournisseur extrêmement important dans notre chaîne d'approvisionnement. Le coût de l'énergie impacte encore la performance de nos chantiers navals, ce qui constitue toujours une inquiétude, même si la situation n'est pas aussi terrible qu'il y a quelques mois. Quoi qu'il en soit, l'inflation est un mal pour tous, parce qu'elle impacte nos coûts et donc la capacité des États à réaliser tous les matériels dont les armées ont besoin. La lutte contre l'inflation est donc absolument nécessaire pour notre secteur, du moins pour lui permettre de se développer.

Il me semble avoir adressé toutes les questions adressées à Naval Group.

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